(Paru à Bruxelles en 1932 (tome I) et 1934 (tome II), aux éditions L'Eventail)
Vandenpeereboom se plaint du Roi et parle de nouveau de se retirer
(page 140) A. Vandenpeereboom, qui voyait parfois les événements et les hommes par le petit bout de la lorgnette, rapporte, le 20 août, les détails d'un entretien qu'il a eu avec Léopold II :
« Le Roi m'a fait appeler aujourd'hui à Laeken, à 2 heures 1/2. Sa Majesté était encore faible, pâle, un peu marquée de varicelle au visage. Le Roi m'a entretenu pendant deux heures do petites choses : de décorations ; il épluche les noms présentés pour le Hainaut, etc., et garde, parce qu'il n'a pas le temps de le lire, le projet d'arrêté organisant les écoles d'adultes et les bibliothèques scolaires, mesures utiles et grandes que le pays applaudirait.
« Le Roi, je dois bien le constater, a des idées peu larges, il est défiant, taquin, procède par de petits moyens détournés ; il se méfie de nous, il croit nous faire une faveur en signant nos arrêtés et se montre parfois difficile dans la seule pensée d'obtenir le contreseing d'un arrêté de faveur, d'une décoration par exemple, pour un jeune noble qui n'y a aucun titre !
« Cette attitude du Roi est pénible pour moi qui sers loyalement au péril de ma santé. Après tout je fais mon devoir, je vois (?) et je ris de toutes ses petites fourberies. »
Outre les tracasseries royales, il redoute les impatiences de la majorité :
« Bientôt j'espère pouvoir quitter ; il me serait bien difficile de passer la prochaine session des Chambres. Cette session promet d'être assez rude. Les événements du dehors ne préoccuperont que très peu les Chambres ; la majorité est forte, donc on sera lassant pour le (page 141) cabinet, et les nombreuses décorations que l'on a données ont fait, à moi surtout, de nombreux ennemis ; c'est toujours ainsi, la jalousie, l'envie, l'ambition sont de si vilaines et si impérieuses passions !»
Le 24 août, il réitère ses appréhensions et ses espérances :
« Tout est calme ; paroles pacifiques de l'étranger, majorité au dedans ; aussi les ministres songent-ils à prendre des vacances. Frère est à Spa où Vanderstichelen passe tout l'été. Chazal va partir, dit-on, pour Paris. Je vais faire de grands efforts pour ne pas avoir l'interim. Déjà le Roi me tracasse pour les affaires de mon département ; il tracasse aussi Chazal. Je veux à tout prix éviter de voir doubler mes tracas actuels. Quant à moi, je ne pourrai pas quitter, car je dois accompagner Sa Majesté dans les visites officielles qu'il lui reste faire durant le mois de septembre... Mais après les courses et les fêtes de septembre j'espère bien recouvrer ma liberté.
« Le Roi me lâchera bien facilement, je pense, car il aimera mieux un ministre plus souple... et qui lui laisse faire des sottises. »
Au moment où l'on s'abandonnait partout à des effusions pacifiques, se déroulait, entre quelques comparses, la trop fameuse mystification Bismarck-Benedetti.