(Paru à Bruxelles en 1932 (tome I) et 1934 (tome II), aux éditions L'Eventail)
(page 11) Trop rarement, les hommes d'Etat, les ministres, les simples parlementaires écrivent leurs souvenirs. Trop souvent aussi, quand ils les notent, ils en interdisent ou en retardent indéfiniment la publication. Certains auteurs de mémoires se mettent trop en scène, voilent le récit, « arrangent » leurs impressions. Un écueil opposé réside dans le dénigrement et l'indiscrétion outrée. Il est des travers, des petitesses, des faiblesses sur lesquelles il convient de jeter le manteau de Noé.
Les Notes et Souvenirs d' Alphonse Vandenpeereboom échappent au premier reproche ; ils ne sont pas absolument pas exempts du second défaut. Telles anecdotes intimes, piquantes mais trop crues, auraient pu être omises sans inconvénient. L'un des torts essentiels du narrateur est de représenter parfois certains de ses collègues, Rogier, Chazal et surtout Frère-Orban, sous un aspect déplaisant. Son grand mérite. c'est la sincérité. Ecrites au jour le jour, d'un style parfois relâché, non remaniées, ses notes ont la fraîcheur de la nouveauté.
Les Notes et Souvenirs d'Alphonse Vandenpeereboom furent léguées par lui à A Alphonse Diegerick, conservateur aux Archives de l'Etat à Gand, fils de l'ancien archiviste de la ville d'Ypres, collaborateur du ministre pour ses recherches ses sur l'histoire locale. Madame veuve Diegerick, (page 12) se conformant aux intentions de son mari, fit don, par l’intermédiaire de Paul Frédéric, du manuscrit à la bibliothèque de la ville et de l'université de Gand. Il fut stipulé que les Notes et Souvenirs ne pourraient être communiqués au public qu’à partir du 1er janvier 1925.
Ecrits au jour le jour, ils commencent avec l'année 1862, mais ne présentent pour ce temps-là qu'un intérêt relatif. Ils s'interrompent en 1863, pour ne reprendre - cette fois avec d'abondants détails - que le 16 octobre 1864. et s'arrêtent en 1868, lorsque l'homme d'Etat renonce définitivement à sa carrière ministérielle.
Dans le « Flambeau » de 1928 à 1929, avons, reproduisant et commentant une partie de ces Mémoires, retracé les difficultés qui surgirent à la fin de 1864 entre Léopold Ier et ses ministres libéraux, qui faillirent amener une crise gouvernementale.
Alphonse Vandenpeereboom, sans avoir le prestige des Lebeau et des Rogier, l'éclat de Frère-Orban. le mordant et l’à-propos de Bara, appartient à l’école des grands doctrinaires qui furent, les uns, les constructeurs de l'Etat belge, les autres, les consolidateurs de ses fondations et les ajusteurs de ses rouages.
Né à Ypres en 1812,. Alphonse Vandenpeereboom était le cousin de Jules Malou. Sa carrière fut bien remplie. Il siégea de 1848 à 1876 à la Chambre. Il s'était signalé par une contribution sérieuse aux travaux parlementaires, lorsque le second remaniement du cabinet Rogier, en 1861, l'amena au ministère de l'Intérieur. Il ne se montra pas indigne de ses grands collègues : Rogier, Frère, Tesch et Chazal, donna une vive impulsion à l'instruction publique et se retira, tout à Ia fin de 1867, avec Rogier et le général Goethals. A vrai dire, il n'était devenu ministre qu’à son corps défendant et ne l'était resté qu'à contre-cœur. Un dissentiment sérieux avec (page 13) Frère sur l'application de loi de 1842 aux écoles d'adultes lui fit abandonner le pouvoir. Il ne prit plus qu’une part assez effacée aux débats parlementaires, fut renversé en 1876, ne se représenta plus et mourut le 10 octobre 1884, témoin attristé de la défaite libérale.
A côté de la politique, A. Vandenpeereboom était un lettré, un archéologue fervent. Très attaché à sa ville natale, il en célébra les annales dans sept volumes intitulés « Ypriana ».
La contribution qu'il apporte à notre histoire politique est des plus importantes pour les 1864 (à partir d’octobre) à 1867. Précieux sont les renseignements qu’il nous donne sur les rapports de nos deux premiers rois avec leurs ministres libéraux, sur les difficultés extérieures de Belgique pendant cette époque si intéressante et si périlleuse pour notre jeune nationalité.
Nous aidant de ses Mémoires, nous allons retracer, tirant parfois aussi parti des journaux du temps, des papiers de Rogier et des archives diplomatiques de Bruxelles et de Paris, les débuts du règne de Léopold II, nous efforçant de mettre en lumière la genèse de sa personnalité, dont A. Vandenpeereboom, s’il n’en a pas toujours compris la grandeur, semble cependant avoir parfois pressenti la géniale évolution.