(Paru à Bruxelles en 1920, chez Vromant)
D'après le traité, les ratifications devaient être échangées à Londres, le 31 mai 1839. L'espace de temps qui s'écoula depuis le 19 avril jusqu'à ce jour fut rempli par de longues négociations résultant des prétentions de Vienne et de Berlin, de Vienne surtout, dans l'affaire Skrynecki. Léopold 1er avait jugé exactement les choses lorsqu'il avait écrit au chevalier de Theux : « Une déclaration de la part de MM. de Senfft et de Bülow, sans autorisation de leurs cours, n'a aucune valeur. » M. de Metternich se refusait à tenir compte des assurances données par les représentants de l'Au triche à Londres.
Le prince n'ignorait pas que sa conduite à l'égard du gouvernement belge avait été jugée sévèrement en France et en Angleterre et qu'à Berlin même on regrettait la promptitude - on disait la légèreté - avec laquelle le chancelier avait pris une mesure aussi grave ; mais, malgré ces critiques, peut-être à cause d'elles, il se croyait engagé d'honneur à maintenir toutes ses prétentions et à obtenir, par la démission du général, une sorte de justification de sa conduite. A ce sentiment de vanité assez puéril, s'ajoutait encore chez le chancelier la rancune contre un homme qui lui avait donné un démenti public et le secret désir de compromettre l'influence du premier inspirateur de l'affaire, le comte de Montalembert. Metternich, en effet, quelques années auparavant, avait refusé de laisser entrer en Autriche le jeune pair de France et il pensait découvrir (page 351) une vengeance personnelle dans le projet conçu et réalisé par lui de placer Skrynecki à la tête de l'armée belge. Cependant, après les déclarations si formelles faites à Londres par le gouvernement belge, il était difficile d'attribuer encore à la nomination de ce général une intention malveillante et Metternich le comprit (Note de bas de page : Déjà au mois de mars, M. de Senfft et de Bülow avaient avoué qu'il n'était plus possible de voir dans la nomination de Skrynecki une offense à la cour d'Autriche. Lettre de M. van de Weyer au chevalier de Theux, 21 mars 1839). Aussi, abandonnant ce premier grief, prétendit-il ne plus voir dans l'affaire une question belge, mais une question polonaise (De Lannoy, op. cit.).
Au commencement d'avril, alors que se déroulaient à Londres les dernières phases des négociations de la Conférence, le chancelier laissa se manifester nettement son esprit d'intransigeance dans le conflit qui séparait l'Autriche de la Belgique. Des intérêts de famille avaient ramené le baron O'Sullivan de Grass à Vienne, comme nous l'avons dit un peu plus haut. Le diplomate saisit l'occasion de son séjour dans la capitale impériale pour revoir le prince de Metternich et l'entretenir des rapports austro-belges.
L'accueil fut très amical. Le chancelier engagea son interlocuteur à mettre toute diplomatie de côté et à lui parler comme devaient le faire deux personnes qui se connaissaient, s'estimaient et avaient confiance l'une dans l'autre. Notre représentant profita de cette aménité pour exposer tous les détails de l'affaire : la position du général en Belgique, l'inutilité des démarches faites près de lui par voie indirecte pour l'amener à renoncer volontairement à sa position dans l'armée belge, et l'impossibilité légale où se trouvait le cabinet de Bruxelles de satisfaire aux exigences de l'Autriche en démissionnant d’office ou en révoquant Skrynecki. Il ajouta qu'on avait cru celui-ci libre d'accepter du service à l'étranger et il offrit de déclarer par écrit que le gouvernement du roi Léopold n'aurait fait aucune proposition au général, s'il avait eu connaissance d'un engagement pris par lui envers le gouvernement autrichien ou pris à son sujet par ce gouvernement.
M. de Metternich répondit au baron O'Sullivan que ni ces assurances, ni la signature du traité de Londres ne suffiraient pour le rétablissement des relations internationales du roi Léopold avec les trois cours décidées à rester unies en cette circonstance ; que le cabinet de Bruxelles ne devait pas voir dans cette « détermination » positive une marque de malveillance ni d'hostilité envers la Belgique ; que par la signature du traité, on se trouverait amis sans rapports diplomatiques, et que, pour que ces rapports fussent rétablis, il faudrait que le général Skrynecki cessât de porter l'uniforme belge ; que peu importait à l'Autriche qu'il demeurât à Bruxelles (page 352) ou se rendît en dehors de ce royaume, avec ou sans traitement ou pension, que c'était à son droit de porter l'uniforme de l'armée belge que se bornait la question.
« Ne croyez pas, ajouta le chancelier, que. si nous persistons sur ce point, ce soit par animosité contre la Belgique ou même contre un individu, c'est un intérêt de conservation qui nous fait agir ; les Polonais attachent une haute signification, à tort ou à raison, à la personne de Skrynecki, ct les trois cours ne peuvent pas consentir à ce que le gouvernement occulte polonais ait pu faire, malgré elles, un général qu'elles ne puissent pas défaire. Céder sur ce point, ce serait m'avouer vaincu. »
Le baron O'Sullivan combattit ces raisons. Il fit observer au prince que c'était se servir de la Belgique à son détriment pour une question qui lui était étrangère. Il répéta ses arguments sur l'impossibilité légale ; il ouvrit le recueil des lois belges qu'il avait apporté avec lui et montra comment ces lois réduisaient à l'impuissance M. de Theux et ses collègues. M. de Metternich, qui n'avait pas jusque-là voulu croire à cette impuissance absolue, parut surpris et fort contrarié. Il demanda au diplomate belge de lui rédiger par écrit une note qui exposerait l'affaire au seul point de vue légal (Lettre du baron O'Sullivan de Grass au chevalier de Theux, 15 avril 1839). Elle était vraisemblablement destinée à la Russie envers laquelle le cabinet de Vienne s'était engagé par des promesses que l'on n' osait violer, malgré le blâme que, même en Autriche, rencontrait l'obstination du chancelier. Celui-ci s'entêtait tellement dans son désir d'humilier le général Skrynecki en le faisant expulser de l'armée belge, qu’il aspirait, lui, le représentant de l'autocratisme, à voir éclater en Belgique un mouvement révolutionnaire qui contraindrait le héros polonais à fuir notre pays. Convenant de l'impossibilité légale où trouvait le gouvernement belge d'accorder satisfaction à ses demandes, le chancelier ajouta qu'il comptait « sur les capons du rivage pour forcer le général Skrynecki à déguerpir. ». Le baron O'Sullivan ne considéra d'abord ce propos que comme une boutade irréfléchie et il n'en écrivit même pas immédiatement à Bruxelles, mais le prince répéta les mêmes paroles à l'ambassadeur de France, et le ministre de Belgique à Vienne ne douta plus de la réalité de son désir de voir l'émeute seconder en Belgique la politique autrichienne (Lettre du baron O'Sullivan de Grass au chevalier de Theux, 23 avril 1839).
Dès le 10, le baron O'Sullivan de Grass remit au prince de Metternich la note que celui-ci avait demandée. Des copies en furent immédiatement expédiées par le gouvernement autrichien à Berlin à Saint-Pétersbourg (Lettre du baron O'Sullivan de Grass au chevalier de Theux, 28 avril 1839). Elle ne produisit aucun effet sur les dispositions (page 353) du chancelier. Il se borna à dire au ministre belge, lorsqu'il le revit, qu'elle ne changerait rien à l'affaire, que la question de l'uniforme resterait pleine et entière malgré l'impuissance légale de la Belgique qu'on ne contestait pas (Lettre du baron O'Sullivan de Grass au chevalier de Theux, 28 avril 1839).
Le représentant du roi Léopold nourrissait la conviction qu'il n'obtiendrait rien si son action restait isolée, aussi s'appliqua-t-il à obtenir l'intervention d'autres diplomates. Les ambassadeurs de France et d'Angleterre se trouvaient sans instructions de leurs cours.
Ils consentirent cependant à parler au prince de Metternich de la reprise des relations de l'Autriche avec la Belgique. Le chancelier leur répéta tout ce qu'il avait dit au baron O'Sullivan, leur affirma sa résolution de ne pas céder tant que Skrynecki serait général belge, leur dit que cette résolution était « positive » et les engagea à inviter le ministre de Belgique à ne laisser à sa cour aucune fausse espérance
L'action conciliatrice d'Ernest de Saxe-Cobourg obtint le même résultat. Le prince ne fit pas au duc d'autre réponse que celle adressée aux diplomates français et anglais ((Lettre du baron O'Sullivan de Grass au chevalier de Theux, 28 avril 1839).
Convaincu que la cour de Berlin, très intéressée à reprendre avec nous les rapports diplomatiques, pourrait utilement peser sur les dispositions de celle de Vienne, le baron O'Sullivan alla sonder les dispositions du comte de Maltzan, qui représentait en Autriche le roi Frédéric-Guillaume. « J'allai le voir, écrit, le 28 avril, le baron O'Sullivan, et je lui parlai avec une entière franchise. Il me répondit de manière à confirmer toutes mes opinions sur les mobiles de la conduite et de la persistance du chancelier autrichien. Il me dit que le gouvernement prussien désirait vivement renouer avec nous, mais qu'il ne le pourrait pas isolément, et il m'assura que, comprenant la difficulté de notre situation, il ne ferait rien pour entraver le succès de mes tentatives. Il parut trouver comme moi que l'initiative de la cour de Prusse près de celle d'Autriche pourrait être la seule voie efficace, et je ne doute pas qu'il ne rende compte à Berlin de notre conversation. » L'annonce que la Belgique avait signé à Londres, le 19 avril, le traité préparé par la Conférence et la connaissance des circonstances dans lesquelles M. van de Weyer avait donné cette signature, ne modifièrent pas les décisions du prince. Le 28 avril, il déclara à l’ambassadeur d'Angleterre que rien ne le ferait revenir sur sa résolution de ne pas rétablir les relations officielles tant que le général Skrynecki porterait l'uniforme belge.
(page 354) Le chancelier nia toute espèce d'engagement ou de promesse contraire de la part des agents autrichiens à Londres et prétendit que la menace de la Belgique de ne pas ratifier le traité ne constituait qu'une manœuvre, Il ajouta qu'il était lié vis-à-vis de la Russie et que la résolution prise pax l'Autriche et la Prusse avait seule empêché le tsar de se résoudre à une plus sérieuse ; que, dans son propre intérêt, la Belgique devait profiter de l'occasion de se mettre en rapports avec la Russie « pendant qu'on la tenait », car si la Prusse et l'Autriche se séparaient du cabinet de Saint-Pétersbourg en cédant, le tsar Nicolas refuserait d'entrer en relations diplomatiques avec le roi Léopold. L'ambassadeur d'Angleterre concluait de ce langage que l'on avait peut-être craint à. Vienne, lors de l'appel du général Skrynecki, que l'empereur Nicolas, peu soucieux de voir la paix s'établir, refusât de continuer à participer à la Conférence de Londres et de signer un traité avec la Belgique. C'eut été la prolongation, tant redoutée en Allemagne, du statu quo.
Le ministre de Prusse, moins conciliant, sans doute d'après des instructions nouvelles reçues de Berlin, qu'il ne l’avait été dans conversations avec le baron O'Sullivan de Grass, parla dans le même sens à Sir Frédéric Lamb (Lettres du baron O'Sullivan de Grass au chevalier de Theux, des 29 avril et 1er mai 1839).
Le chevalier de Theux avait communiqué à M. van de Weyer les rapports du ministre belge à Vienne et le représentant à Londres du roi Léopold s'était empressé de donner à lord Palmerston connaissance de ces documents. L'attitude des cours de Vienne et de Berlin ne pouvait que provoquer un vif mécontentement chez le ministre britannique, Celui-ci s'était en quelque sorte porté garant que la déclaration demandée à M. van de Weyer constituerait une satisfaction suffisante pour MM. de Metternich et de Werther, et c'était sur ses conseils ainsi que sur ses assurances que le plénipotentiaire belge avait consenti à apposer sa signature aux traités du 19 avril. Le refus des ministres autrichien et prussien d'adhérer aux paroles conciliantes de leurs représentants à la Conférence et à la cour de Saint-James constituait un désaveu formel de toute la conduite de lord Palmerston.
(Note de bas de page Pendant la Conférence, l'Autriche était représentée à Londres non seulement par le comte de Senfft, chargé uniquement de l'affaire hollando-belge, mais par un ambassadeur le prince Esterhazy, Celui-ci se trouvait en congé au moment de la signature du traité et remplacé par un chargé d'affaires, La lettre écrite par M. Nothomb au chevalier de Theux, le 18 avril 1339, indique comment les choses se passèrent : « La note relative à Skrynecki a paru convenable à lord Palmerston qui en a hier conféré avec le comte de Senfft et le chargé d'affaires d'Autriche : car il y a ici à la fois l'ambassadeur ordinaire représenté par un chargé d'affaires et le comte de Senfft chargé d'une mission spéciale. Lord Palmerston pense que c’est au chargé d'affaires qu'il doit s'adresser officiellement, que c'est de lui qu'il doit recevoir une déclaration, mais écrite, en présence et comme sous la caution du comte de Senfft. ». Les choses se passèrent ainsi que l'avait proposé lord Palmerson. (Fin de la note).
(page 355) Le président .de la Conférence n'entendait pas laisser aller ainsi les choses et accepter un blâme indirect de son action. Averti de l'intransigeance montrée à Vienne et à Berlin, il engagea le gouvernement belge à ne pas s'avancer davantage avec l'Autriche. Il estimait qu'une satisfaction suffisante avait été donnée à la cour impériale et royale dans la déclaration faite à Londres par M. van de Weyer et réitérée au prince de Metternich par le baron O'Sullivan. M. de Theux, pensait-il, devait obtenir gain de cause en tenant bon. Lord Palmerston était convaincu, mais en cela il se trompait, comme nous l'avons vu, que le chancelier céderait lorsqu'il serait certain de l'impossibilité où se trouvait le cabinet de Bruxelles de faire plus qu'il n'avait fait (Lettre de M. van de Weyer au chevalier de Theux, 27 avril 1839.
D'autre part, le ministre britannique abordait la question avec les plénipotentiaires d'Autriche et de Prusse. Il leur déclarait que si, après la signature du traité, les relations diplomatiques n'étaient pas reprises par leurs cours avec la Belgique, le roi Léopold ne ferait qu'user de son droit en refusant de procéder à l'échange des ratifications (Lettre de M. van de Weyer au chevalier de Theux, 23 avril 1839). MM. de Senfft et de Bülow promirent d'agir efficacement près de leurs gouvernements (Idem). Pour donner plus de poids à leurs représentations, lord Palmerston chargea les représentants de la reine à Vienne et à Berlin de marquer sa surprise du refus des cabinets autrichien et prussien de confirmer les paroles conciliantes de leurs représentants à Londres et il donna mission à Sir Frédéric Lamb (devenu lord Bauvale) de remettre au chancelier une lettre particulière dans laquelle il notifiait à ce dernier que le gouvernement anglais approuverait éventuellement le refus du roi Léopold de ratifier le traité du 19 avril. M. de Metternich put ainsi se rendre compte que ce refus ne constituait point une simple manœuvre, une menace qui ne serait pas mise à exécution, mais qu'il pourrait bien s'effectuer et empêcher ainsi la cessation du statu quo poursuivie par la Prusse et l'Autriche.
En même temps, la France qui, jusque-là, était restée passive, intervenait à son tour. L'ambassadeur de Louis-Philippe à Londres recevait du duc de Montebello l'ordre de prendre connaissance de tout ce qui avait rapport au différend et de joindre ses efforts à ceux de lord Palmerston pour amener le rétablissement des rapports amicaux de la cour de Bruxelles avec celle de Berlin et celle de Vienne [, (Lettre de M. van de Weyer au chevalier de Theux, 30 avril 1839.
(page 356) Le 3 mai, lord Bauvale remit la lettre de lord Palmerston au chancelier et, le même jour, le comte de Saint-Aulaire représenta à ce dernier les graves complications que trop d'exigences pourraient entraîner, en ajoutant que tout ministère entrant au pouvoir en France ne pourrait que soutenir la Belgique comme l'Angleterre le faisait et « que 1'Autriche aimerait sans doute mieux céder quelque chose avant une menace de M. Thiers »
(Note de bas de page) : D'après DE LANNOY, op. cit., le comte de Saint-Aulaire aurait lu au prince Metternich une lettre officielle du duc de Montebello, dans laquelle la conduite du chancelier autrichien était jugée sévèrement et comme pouvant avoir des suites sérieuses. Le baron O'Sullivan, dans son rapport du 6 mai, dit cependant, en parlant, de l'intervention de l'ambassadeur français, que celui-ci avait agi sans instructions. Mais, dans son rapport du 12 mai, le diplomate belge écrit que le ministre de France avait lu au prince une dépêche de son gouvernement pour le persuader de renouer les relations diplomatiques. Il semble résulter de là que le comte de Saint-Aulaire fit deux démarches et que des instructions ne lui parvinrent de Paris que postérieurement à l'entrevue du 3 mai .(Fin de la note).
Le nonce apostolique appuya de son côté les conseils des ambassadeurs anglais et français.
A la suite de cette triple démarche, M. de Metternich cessa de se cantonner dans son intransigeance. Au fond, il n'était peut-être pas mécontent de la pression exercée ainsi sur lui, parce qu'il pouvait l'invoquer vis-à-vis de la Russie pour expliquer son changement de politique.
Sa conversation avec lord Bauvale fut fort animée, mais il laissa percer des dispositions à la conciliation en se montrant prêt à céder sur la question de l'uniforme. Il fit entendre qu'il se contenterait d'une déclaration adressée directement au gouvernement autrichien par le gouvernement belge.
A la demande du prince-lui-même, le baron O'Sullivan de Grass qui, depuis quelque temps, avait cru bon d'interrompre ses relations avec lui, alla le trouver, le 6 mai, pour l'entretenir de la déclaration qu'il souhaitait. .
La conversation dura pendant deux heures. Après ces longs pourparlers, le chancelier déclara indispensable que le gouvernement belge fit une démarche directe et officielle près du gouvernement autrichien ; que cette démarche fût faite par lettre ministérielle, c'est-à-dire par une missive du chevalier de Theux adressée au prince de Metternich. Elle ne serait pas publiée in extenso, mais l'Observateur autrichien insérerait un article annonçant la reprise des rapports diplomatiques en en donnant les motifs. Ceux-ci résumeraient la lettre ministérielle. M. de Metternich considérait aussi qu'il y aurait beaucoup de convenance à ce que le roi Léopold adressât à l'empereur une lettre autographe qui resterait confidentielle et dont aucune partie ne serait exposée à la moindre publicité.
Il aurait voulu que M. de Theux prît, au nom du gouvernement belge, l'engagement qu'un emploi actif ne serait jamais (page 357) donné au général Skrynecki ; il prétendait qu'une assurance confidentielle et verbale ne pouvait avoir un caractère satisfactoire. Le baron O'Sullivan combattit vivement cette exigence. Il en fit ressortir l'incompatibilité avec les lois belges et avec la dignité d'un État indépendant. Il s'efforça de faire comprendre au chancelier que ce qu'il désirait pourrait peut-être être présenté, non sous la forme d'une promesse, mais sous celle d'une déduction, vu le changement des circonstances sous l'empire desquelles la pensée d'emploi avait été conçue. Le prince, tout en insistant, convint de la difficulté, mais il trouvait que la déduction lierait l'affaire du général polonais à la signature des traités, ce qu'il ne voulait pas admettre, les deux questions étant, à ses yeux, parfaitement distinctes. Le baron O'Sullivan lui dit alors que, sans parler des traités, on pourrait s'appuyer sur la neutralité perpétuelle. Le prince souleva encore des objections, mais le baron O'Sullivan, lui posant la question d'une manière positive, put se convaincre que des nuances de style ne seraient pas un obstacle à l'aplanissement de l'affaire. « Si notre gouvernement, écrivait le diplomate à M. de Theux, dans son rapport du 6 mai, se refusait à faire par écrit une allusion au non emploi futur du général, il m’a paru que votre lettre, Monsieur le chevalier, serait cependant prise en considération : que peut-être elle suffirait ; mais le prince n'a pas voulu s'engager positivement sur ce point, et, sans m'ôter tout espoir, il ne m'a pas donné de garantie par ses paroles. »
Il fut convenu aussi que le prince répondrait à la missive de M.de Theux en lui annonçant la reprise des relations diplomatiques et que l'empereur écrirait au roi d'une manière aussi amicale qu'on pouvait le désirer.
Enfin, M. de Metternich souhaitait aussi l'envoi d'une lettre ministérielle à M. de Werther ; mais elle pouvait ne contenir que des assurances courtoises, l'expression de l'espoir que les explications données le même jour au prince de Metternich paraîtraient au gouvernement impérial et royal de nature à le satisfaire, une analyse de ces explications et le vœu que le cabinet de Berlin ne tardât pas plus que celui de Vienne à renouer les rapports diplomatiques.
Le prince répéta à nouveau à M. O'Sullivan qu'il n'avait jamais vu dans l'affaire Skrynecki une affaire belge, mais une question polonaise dont les sujets du roi Léopold étaient victimes ; qu'il n'avait pas voulu leur être hostile, « qu’il était Belge » et qu'il n'avait fait que poursuivre un parti ennemi de la paix de l'Europe.
Le baron O'Sullivan, en faisant rapport de cette importante entrevue, engageait vivement M. de Theux à entrer dans (page 358) la voie qu'on lui ouvrait à Vienne. « Nous avons tout à gagner, disait-il, à satisfaire, autant que possible, le chancelier autrichien lorsqu'il se montre conciliant et amical. » Le diplomate conseillait aussi au ministre de ne pas s'appliquer à rédiger une lettre trop brève. « On ne doit jamais, écrivait-il, craindre d'être trop long en écrivant à des Allemands. Ils trouvent qu'il y a beaucoup plus de choses dans beaucoup de paroles » (Lettre du baron O'Sullivan de Grass au chevalier de Theux, 6 mai 1839).
Si le chevalier de Theux possédait un caractère ferme et droit, il n'était cependant pas intransigeant et savait se résoudre à des concessions lorsque, sans mettre en péril l'honneur du pays dont il dirigeait le gouvernement, il les jugeait utiles à ses intérêts. Il consentit donc à faire les démarches demandées par M. de Metternich. Il ne lui en coûtait d'ailleurs pas de répéter à Vienne la déclaration qu'il avait autorisé M. van de Weyer à faire à Londres. La lettre qu'il adressa au chancelier reproduisait presque textuellement cette déclaration. Elle rappelait que la nomination du général Skrynecki n'avait pas été considérée à Bruxelles comme pouvant troubler la bonne intelligence qui existait entre la Belgique et le gouvernement impérial et royal apostolique. Si une pareille crainte avait existé, affirmait M. de Theux, on n'aurait pas donné suite au projet déjà ancien d'appeler ce général au service belge. Le cabinet de Bruxelles ignorait les conditions sous lesquelles le cabinet de Vienne estimait avoir admis l'officier polonais à résider à Prague. Il se fût abstenu de faire appel à lui s'il les avait soupçonnées. « Il est évident, disait le ministre en terminant, qu'il n'est pas entré dans la pensée du gouvernement du roi de manquer envers la cour d'Autriche à ces lois de convenance et de courtoisie qu'il s'est montré jaloux de respecter et dont il aurait pris un soin particulier de ne pas s'écarter dans cette occurrence. J'espère que Votre Altesse voudra bien mettre le contenu de cette lettre sous les yeux de S. M. impériale et royale, et le gouvernement du roi, qui vient de prouver de la manière la plus solennelle l'intérêt qu'il voue au maintien et à la consolidation des rapports de bonne harmonie et d'amitié avec toutes les puissances, alors même que les plus douloureux sacrifices lui sont imposés, ne peut s'empêcher d'espérer fermement que S. M. impériale et royale, rendant pleine justice à ses intentions, le but que je suis proposé en adressant cette lettre à Votre Altesse, avec l'assentiment du roi, mon auguste souverain, ne tardera pas à être atteint » (Lettre du chevalier de Theux au prince de Metternich, 14 mai 1839).
Cette missive était accompagnée d'une lettre autographe du Roi pour l'empereur d'Autriche. Léopold 1er y affirmait que l'appel au général Skrynecki avait été fait dans des vues exclusivement (page 359) militaires qui ne se liaient en rien à la situation de la Be1gique vis-à-vis de l'Allemagne.
L'envoi de ces lettres constituait pour le chevalier de Theux le maximum des concessions à obtenir de la Belgique. Il ne voulut rien faire qui pût être interprété comme une faiblesse vis-à-vis des exigences injustifiées de l'Autriche. Ainsi, malgré les conseils de lord Palmerston et du maréchal Soult, devenu ministre des Affaires étrangères du roi Louis-Philippe, se refusait-il à peser sur le général Skrynecki pour le faire quitter Bruxelles en apparence spontanément. Ainsi encore se refusa-t-il, comme l'aurait désiré le prince de Metternich, à donner un congé au général afin que les nouveaux représentants à Bruxelles de l'Autriche et de la Prusse ne le rencontrassent pas lors de leur arrivée en Belgique. Il jugea que l'une et l'autre de ces mesures serait impolitique et fit remarquer que l'Autriche pouvait fournir à Skrynecki un moyen tout naturel de quitter Bruxelles, du moins momentanément, en autorisant sa femme à abandonner Prague avec ses effets pour qu'il allât la chercher à Londres (Lettre du chevalier de Theux à M. vau de Weyer, 11 mai 1839. - Lettre de M. van de Weyer au chevalier de Theux, 17 mai 1839. - Lettre du général Evain au chevalier de Theux, 21 mai 1839).
Le jour où M. de Theux envoyait à Vienne sa lettre au prince de Metternich, ainsi que celle du roi à l'empereur, il transmettait à Londres une copie de ces documents, en même temps qu'un résumé des rapports du baron O'Sullivan (Lettre du chevalier de Theux à M. van de Weyer. 14 mai 1839). Lorsque lord Palmerston eut pris connaissance de ces documents, il écrivit de nouveau à Vienne et à Berlin, de la manière « la plus forte et la plus pressante. »
« Il eut été impossible, disait, le 18 mai, M. van de Weyer, dans un rapport adressé au chevalier de Theux, de rédiger des dépêches plus complètes et plus satisfaisantes. Sa Seigneurie y laisse de nouveau entrevoir que la prolongation de l'état actuel des choses pourrait amener le refus de la part du roi des Belges de ratifier les traités signés le 19 avril. Le cabinet de Saint-James, plein de confiance dans la sagesse du gouvernement autrichien, exprime la conviction que l'on évitera ce danger et que l'on ne donnera. point un si fâcheux résultat à une négociation qui a duré plus de huit années, et dont la suspension a mis plus d'une fois la paix de l'Europe en danger. Sa Seigneurie rappelle au prince de Metternich les principes qui s'opposent à ce que la Belgique aille au delà de ce qu'elle a déjà fait, et démontre qu'on demande une impossibilité. »
Lorsque la dépêche de lord Palmerston parvint à Vienne, le prince de Metternich avait déjà reçu communication des missives du roi Léopold et du chevalier de Theux. Dès le 22 mai, le baron O'Sullivan pouvait mander au ministre des Affaires étrangères et de l'Intérieur (page 360) que le chancelier se montrait satisfait de la lettre à son adresse, cette satisfaction ne s'étant cependant manifestée immédiatement et spontanément. Au contraire, après avoir lu ce que lui écrivait M. de Theux, le prince avait marqué un vif déplaisir de n'y trouver aucune promesse de non-emploi actif du général. Le diplomate belge lui répondit que le désir de renouer les relations avec l'Autriche et la déclaration que l'appel de Skrynecki n'eut pas eu lieu si l'on eût pu penser que cet appel devait provoquer une rupture, constituaient des garanties que le général ne recevrait pas d'emploi d'activité. M. de Metternich répondit au baron O'Sullivan qu'il connaissait bien sa pensée à lui sur cette question, mais qu'il ne voyait écrit nulle part que c'était aussi la pensée du gouvernement belge. En réalité, le ministre du roi Léopold à Vienne n'avait fait que répéter, en répondant au chancelier, textuellement ce que lui avait écrit M. de Theux dans une dépêche particulière accompagnant l'envoi des lettres à l'empereur et au prince de Metternich. Il tira cette dépêche de sa poche et donna lecture du passage qui concernait le non emploi du général, ainsi que d'un autre dans lequel M. dé Theux disait que Skrynecki ne pourrait se plaindre de sa position de disponibilité, aucune autre ne lui avait été promise et il ne pouvait vouloir que la Belgique compromît ses intérêts pour l'avantage de sa position. M. de Theux ajoutait que le général avait d'ailleurs manqué envers le gouvernement en publiant, depuis qu'il faisait partie de l'armée belge, une lettre politique au prince de Metternich au lieu de se borner à se disculper du manque de parole qu'on lui imputait (Lettre de M. de Theux au baron O'Sullivan de Grass, 14 mai 1839).
Le prince demanda au baron O'Sullivan de lui laisser la lettre pour qu'il la montrât au conseil intime de l'empereur, promettant de n'en pas faire d'autre usage. Il ajouta que s'il ne pouvait établir par écrit, devant la conférence impériale, ce que jusque-là il n'avait fait qu'entendre, il lui était impossible de répondre d'une heureuse issue. Le ministre de Belgique refusa de lui laisser cette lettre, dont la fin d'ailleurs ne pouvait lui être lue (M. de Theux y recommandait au baron O'Sullivan de veiller sur la rédaction de l'article à insérer dans l'Observateur autrichien et lui prescrivait de ne pas remettre les lettres si la démarche qu'elles réalisaient était considérée comme un premier acte de condescendance et non comme la mesure entière des concessions belges). Mais, pensant que lorsque des intérêts aussi grands que ceux qu'il avait à défendre étaient en jeu, il pouvait prendre une initiative, il promit au prince de faire entrer les deux paragraphes dont il venait de lui donner lecture dans le corps d'une lettre confidentielle qu'il lui adresserait.
La concession, un peu excessive, du baron O'Sullivan amena le (page 361) gouvernement autrichien à se contenter de la missive de M. de Theux. Mais il feignit de considérer celle du ministre de Belgique comme constituant une promesse qui liait le cabinet de Bruxelles. Dans la résolution de la conférence impériale dont il fut donné lecture au baron O'Sullivan, il était dit que l'empereur acceptait comme un engagement solennel l'explication de la lettre officielle telle qu'elle était contenue dans la pièce confidentielle signée par le représentant à Vienne du roi Léopold. Cette rédaction constituait une violation de la promesse faite par M. de Metternich de ne pas faire d'autre usage de la dépêche confidentielle de M. de Theux que de la montrer au conseil de l'empereur. D'ailleurs, tout en laissant entendre que les circonstances rendaient improbable le changement de la situation de non-activité que le général Skrynecki possédait dans l'armée belge, le baron O'Sullivan avait eu soin de dire qu'on ne pouvait promettre formellement son non-emploi dans l'avenir, en ajoutant seulement que le gouvernement belge n'avait pas plus le désir que l'occasion d'appeler le général au service actif (Lettre du baron O'Sullivan de Grass au chevalier de Theux, 27 mai 1839).
Le chancelier soumit le texte de l'article à insérer dans l'Observateur autrichien au baron O'Sullivan. Celui-ci y demanda quelques changements qu'il obtint, puis déclara au prince que, ne trouvant plus rien dans ce projet qui fût contraire au texte et à l'esprit des communications faites officiellement par la Belgique à Vienne et à Londres, il ne pouvait qu'acquiescer à ce qu'il parût immédiatement dans le journal officiel de la cour impériale, En pressant cette publication, le diplomate cherchait à obtenir que la reprise des relations, ainsi renouées entre la Belgique et l'Autriche, précédât l'échange à Londres des ratifications projetées pour le 31 mai, ou du moins que l'annonce de la réconciliation fût rendue publique avant cette date. Mais le chancelier poursuivait précisément le but contraire. Il voulait que les ratifications se fissent d'abord, afin que l'Autriche ne parût pas avoir cédé à la menace de la Belgique de ne pas confirmer le traité du 19 avril 1831, si l'affaire Skrynecki n'était pas entièrement aplanie. Aussi, afin de gagner le jour fixé pour l'échange sans avoir préalablement renoué les rapports diplomatiques, répondit-il qu'il estimait indispensable, avant de procéder à la publication, de faire connaître la détermination de l'Autriche à Berlin pour qu'on pût y adhérer, ajoutant que, de son côté, l'Autriche se ralliait d'avance à ce que le cabinet prussien pourrait résoudre dans un sens contraire. C'était là de la comédie. Le prince savait parfaitement que la Prusse lui laissait la conduite de l'affaire, qu'elle ne demandait qu'à renouer des relations avec la Belgique et qu'elle suivrait l'exemple qui lui viendrait de Vienne. Puis, bien (page 362) que l'acceptation de l'article par le baron O'Sullivan rendît la chose inutile, il jugea nécessaire, toujours en réalité pour gagner du temps, mais, affirmait-il, afin de ne pas s'exposer à des réclamations parties de Bruxelles, de soumettre le projet à M. de Theux qui devrait le lui renvoyer sans observations (Lettre du baron O'Sullivan de Grass au chevalier de Theux, 27 mai 1839). Il fallut céder et l'article fut envoyé à Berlin en même temps qu'il était transmis en Belgique par la lettre suivante de M. de Metternich :
« Vienne, le 27 mai 1839.
« Monsieur le chevalier,
« M. le baron O'Sullivan m'a remis la lettre que Votre Excellence m'a fait l'honneur de m'adresser en date du 14 de ce mois, et il a ajouté, à l'appui de son contenu, toutes les explications ultérieures dont Votre Excellence l'avait chargé pour moi.
« Ayant placé sous les yeux de l'Empereur, mon Auguste Maître, l'ensemble de ces ouvertures, j'ai reçu de Sa Majesté l'ordre d'y faire la réponse suivante :
« Avant tout, Sa Majesté veut que j'aie l'honneur de vous prévenir, Monsieur le chevalier, que Sa Majesté le roi de Prusse ayant bien voulu s'unir à Elle dans les mesures qui ont été la conséquence de l'appel du général Skrynecki au service belge, ce n'est que de concert avec Sa dite Majesté que l'Empereur peut apporter maintenant un changement à la position prise par l'Autriche vis-à-vis de la Belgique, et que l'exécution des arrangements dont on pouvait convenir pour terminer le différend qui sépare les deux pays, devra toujours rester subordonnée au consentement de Sa Majesté prussienne. M. le baron O'Sullivan s'est réservé de rendre compte directement à Votre Excellence des mesures qui ont été prises pour s'assurer éventuellement de ce concours.
« Ceci formé, l'empereur m'a ordonné d'informer Votre Excellence qu'eu égard aux explications fournies et aux engagements (En marge d'une copie de cette lettre, le chevalier de Theux avait écrit : « Quels sont-ils ? On ne pourra jamais en produire puisqu'il n'en a été pris aucun. Cette phrase est donc sans valeur ») pris par le gouvernement belge, Sa Majesté est disposée à faire reprendre les relations diplomatiques entre les deux cours. Comme cet acte cependant doit être précédé par l'insertion d'un article officiel dans nos feuilles faisant suite à celui par lequel nous avons annoncé au public la rupture de nos relations avec la Belgique, c'est dans les termes suivants que le gouvernement impérial compte s'acquitter de cette tâche :
« L'empereur, c'est ainsi que s'énoncerait la Gazette de la cour, ayant reçu du roi des Belges l'assurance que Sa Majesté avait ignoré la position personnelle du général Skrynecki vis-à-vis du gouvernement autrichien (Note de bas de page : En marge de la copie mentionnée plus haut en note, le chevalier de Theux avait écrit : « Une note officielle du . . . février, la note officielle de M. van de Weyer du ... avril, et ma lettre au prince du 14 mai prouvent que le gouvernement s’est abstenu de rien reconnaître de défavorable au général et qu’il a même signalé sa justification, mais l'Empereur ne peut mettre en doute la position du général vis-à-vis de son gouvernement puisque c'est lui qui est censé parler. ») (page 363) et qu'Elle avait été totalement étrangère aux particularités relatives à son départ (Note de bas de page : « On avait mis aussi le « départ clandestin du général », j'ai fait supprimer l'épithète » Lettre du baron O'Sullivan de Grass au chevalier de Theux, 27 mai 1839) des Etats de S. M. impériale ; que le roi, s'il avait prévu que l'admission de cet officier dans l'armée belge serait de nature à troubler la bonne intelligence entre les deux Etats, se serait abstenu de l'y appeler ; Sa Majesté considérant 2 (Note de bas de page : « N. B. - C'est l'empereur qui considère. En effet, le gouvernement belge n'a rien fait, rien promis ; le général fut admis en disponibilité avant toute réclamation, sa position n'a pas été changée. Aucune ouverture ne lui a été faite pour l'engager à se retirer. » Note marginale du chevalier de Theux) que le général Skrynecki, dès son arrivée en Belgique, n'a reçu qu'un grade sans emploi d'activité, et que la consolidation définitive de la neutralité perpétuelle du royaume a rendu impossible le retour des coïncidences qui avaient motivé les justes réclamations. (Note de bas de page : « L'expression de justes réclamations ne nous compromet pas, puisque c'est l'Empereur qui parle ». Lettre du baron O'Sullivan de Grass au chevalier de Theux, 27 mai 1839) du cabinet autrichien ; la cour de Vienne trouvant de plus dans ces explications (Note de bas de page : « Dans l'article à publier le prince avait mis d'abord : « L'empereur trouvant de plus dans les explications. belges, etc... ». « J'ai fait observer sous un prétexte spécieux qu’il fallait dire ces explications... Cette substitution change tout, car sans cela on aurait pu croire, qu'il y en avait d'autres que celles qu'on venait de citer ». Lettre du baron O'Sullivan de Grass au chevalier de Theux, 27 mai 1839) du gouvernement belge des garanties satisfaisantes pour l'avenir, S.M. impériale est décidée à rétablir les relations diplomatiques avec la cour de Bruxelles.
« Quoique je n'aie pas lieu de croire que le gouvernement belge puisse trouver à redire à ces termes, conformes d'ailleurs en tous points à ses propres explications, je n'ai pas voulu, néanmoins, les rendre publics avant de les avoir portés préalablement à votre connaissance, Monsieur le chevalier, et reçu de vous l'assurance que leur publication n'occasionnerait aucune réclamation de la part de votre cour.
« Dès qu'une réponse à ce sujet m'aura été donnée par Votre Excellence, rien ne s'opposera, je me flatte, à la reprise des relations que la cour d'Autriche a sincèrement regretté d'avoir été mise dans le cas de rompre.
« J'ai l'honneur d'être, avec une très haute considération, Monsieur le chevalier, de Votre Excellence, le très humble et le très obéissant serviteur.
« (s.) Metternich. »
(Note de bas de page) En envoyant au chevalier de Theux la lettre du prince de Metternich, le baron O'Sullivan de Grass accompagnait cette missive de diverses considérations :
« Le comte de Maltzan, écrivait-il, m'a prêté son appui pour faire agréer au prince la dernière partie du projet de rédaction. Il eut été impossible de ne pas laisser mettre dans l'article quelque chose de relatif à l'avenir. Vous remarquerez, M. le chevalier, qu'il y a un artifice dans la rédaction. Au commencement, c'est le roi, notre Auguste Souverain, qui est censé parler, et plus bas, c'est l'auteur qui considère et qui déduit les conséquences, ce qui ne nous compromet pas. J'ai eu beaucoup à lutter même sur des mots en apparence insignifiants, mais qui contrariaient la nuance que je voulais établir. Ma copie est faite sur une minute de la main du baron de Werner, de son écriture, et que je garde entre les mains. Aucun mot ne peut donc plus être modifié. Les garanties pour l'avenir, dont il est question à la fin de l'article, se rapportent aux conséquences de la neutralité perpétuelle et n'impliquent pas l'existence d'une promesse. Lord Bauvale et le comte de Saint-Aulaire ont entièrement approuvé la rédaction convenue. J'aurais voulu qu'on la publiât sans attendre une approbation de Bruxelles, mais cela m'a été impossible, et j'attribue cette insistance du prince de Metternich au désir de ne pas annoncer la reprise des rapports avant que les ratifications aient été échangées. C'est une question d'amour-propre. Nous remédierons à l'effet de ce retard en annonçant semi-officiellement que ces difficultés sont aplanies. Il me paraîtrait très désirable, M. le chevalier, si nous approuvons le projet de rédaction, de ne pas publier le texte de notre lettre officielle. Cela ressemblerait à une réfutation. Quant au projet d'article en lui-même, je ne sais en vérité comment je pourrais actuellement parvenir à y faire modifier quelque chose ; c'est après les plus longs efforts que j'ai obtenu que l'on se contentât de cette déclaration. J'ai toujours représenté la communication préalable que l'on nous faisait comme une attention à laquelle nous ne pouvions qu’être sensibles, mais qui était superflue. Ce sera à votre sagacité à décider, M. le chevalier, s'il convient que votre réponse soit adressée au chancelier ou à moi. Il me semble qu'une lettre à moi suffirait, à condition que je puisse la communiquer et, au besoin, la laisser en copie. Entre une approbation et une absence d'objections, il y a une nuance qui peut mettre tout à fait le gouvernement à couvert. Le comte de Maltzan a été on ne peut plus conciliant et je savais que son gouvernement désirait vivement en finir. Le comte de Saint-Aulaire a reçu du maréchal Soult des remerciements pour l'appui qu'il m'avait prêté, et qu'il était invité à me continuer. » (Fin de la note)
(page 364) Le baron O'Sullivan consacra tous ses soins à ce que la réconciliation entre Bruxelles et Vienne fût accomplie, malgré les efforts du prince de Metternich, avant qu'échût la date fixée pour l'échange des ratifications. Il demanda à lord Bauvale une lettre pour lord Russel, ministre britannique à Berlin, lettre engageant ce dernier à demander au baron de Werther si le cabinet prussien adhérait à la détermination du cabinet autrichien. Le baron O'Sullivan espérait que lord W. Russel obtiendrait une réponse avant même que la notification officielle de la décision prise, notification que le prince de Metternich était justement soupçonné de ne pas devoir mettre un bien grand empressement à expédier à Berlin, ne fût arrivée dans cette dernière ville. Le vicomte Vilain XIIII, attaché à la Légation de Belgique à Vienne, que le baron O'Sullivan envoyait en courrier à Bruxelles pour y porter la lettre du chancelier à M. de Theux et qui devait passer par la capitale prussienne, aurait emporté de cette dernière ville la missive par laquelle lord W. Russel rendait compte de ses démarches soit à lord Seymour, soit à M. de Theux lui-même (Lettre du baron O'Sullivan de Grass à lord Bauvale, 27 mai 1839). Le baron O'Sullivan écrivit également au comte de Maltzan, dont il n'avait eu qu'à se louer, pour demander son intervention près du baron de Werther, afin que celui-ci donnât suite, le plus promptement possible, à la demande d'assentiment que devait lui adresser le prince de Metternich (Lettre du baron O’Sullivan de Grass au comte de Maltzan, 27 mai 1839).
Le succès couronna ces démarches. Dès le 31 mai, le vicomte Vilain XIIII pouvait écrire de Berlin que le baron de Werther avait promis à lord .W. Russel l'adhésion du cabinet prussien à ce qui s'était fait à Vienne. En Prusse, on considérait la question comme résolue.
(page 365) Le chevalier de Theux reçut, le 3 juin, la lettre du prince de Metternich. L'assentiment du gouvernement prussien aux décisions prises à Vienne étant certain, la réconciliation de la Belgique avec l'Autriche pouvait être considérée, dès ce moment, comme faite. Ne pas procéder à la reprise des relations diplomatiques eût été, de la part de la cour de Vienne, un acte de mauvaise foi dont nul ne pouvait la présumer capable. Dans ces conditions, le chevalier de Theux pouvait-il encore se refuser à faire procéder à Londres à l'échange des ratifications ? D'après le texte du traité du 19 avril, cet échange aurait dû se faire le 31 mai. Mais lorsque la Conférence se réunit ce jour-là au Foreign Office, M. van de Weyer n'était en possession ni de l'instrument des ratifications, ni de l'autorisation de le déposer. Lord Palmerston proposa de reporter jusqu'au 8 juin le terme fixé (Protocole de la Conférence tenue au Foreign Office, le 31 mai 1839).
La menace de M. de Theux de ne pas ràtifier le traité du 19 avril si les relations diplomatiques de la Belgique avec la Prusse et avec l'Autriche demeuraient rompues, avait été, on le sait, ouvertement approuvée par lord Palmerston, mais le ministre britannique estimait aussi que les ratifications devraient être échangées dès que le cabinet de Vienne aurait annoncé qu'après cet échange il aurait établi sa légation à Bruxelles (Lettre du baron O'Sullivan de Grass au chevalier de Theux, 25 mai 1839).
Cette déclaration n'avait sans doute pas été faite officiellement, mais la lettre du chancelier au chevalier de Theux et le ralliement du gouvernement prussien à la décision autrichienne donnaient à la Belgique une satisfaction et des assurances équivalentes à celles que réclamait pour elle le chef du Foreign Office. D'autre part, ni le roi Louis-Philippe, ni son gouvernement n'admettaient la liaison établie par M. de Theux entre la ratification du traité du 19 avril et la solution de l'affaire Skrynecki (Lettre du comte le Hon au chevalier de Theux, 25 mai 1839. - Lettre du comte Bresson à M. Beaulieu, 25 mai 1839).
Si M. de Theux était un esprit ferme, il n'était pas intransigeant. L'Autriche et la Prusse ayant consenti, sans que la Belgique eût fait aucune concession nuisible à ses droits, à reprendre avec elle les rapports diplomatiques, et cette décision n'étant vraisemblablement pas restée secrète, il pouvait, sans aucun inconvénient, autoriser M. van de Weyer à déposer les ratifications belges avant que l'Observateur autrichien n'eût parlé. Il s'y décida rapidement. Le 3 juin, comme nous l'avons dit, lui parvenaient la lettre du chancelier et les rapports du baron O'Sullivan. Le même jour, il en envoyait une copie à M. van de Weyer avec prière de la communiquer (page 366) à lord Palmerston et il y joignait l'autorisation d'échanger les ratifications du traité signé le 19 avril.
Cet échange se fit le 8 juin (On trouvera le texte du protocole du 8 juin et le texte des ratifications à la page 665 du tome II de l'Histoire parlementaire du traité de Paix du 19 avril 1839).
L'incident provoqué par l'affaire Skrynecki n'était cependant pas encore complètement terminé. L'article proposé par le prince de Metternich et accepté par le baron O'Sullivan avait été conç :u assez habilement pour que rien de ce qui y était contenu ne constituât, en fait, un sacrifice des droits d'Etat indépendant que possédait la Belgique. Mais on y avait eu recours, comme l'avait fait remarquer le ministre de Belgique à Vienne, à des artifices de style qui devaient amener inévitablement des interprétations diverses.
Beaucoup d'esprits, peu habitués au style diplomatique, ne sauraient pas distinguer ce qui, dans la prose du chancelier, constituait une déclaration du gouvernement belge, et ce qui était une déduction ou une affirmation du gouvernement autrichien. Chez divers lecteurs, l'article de l'Observateur autrichien devait produire l'impression que la Belgique avait, dans une certaine mesure, présenté des excuses à l'Autriche et pris des engagements envers elle.
Quelque infondée et en contradiction avec les faits et les documents que dût être cette impression, M. de Theux ne se dissimulait sans doute pas qu'elle se produirait. A une intelligence aussi soucieuse que la sienne d'une rigoureuse exactitude, il devait répugner de laisser s'accréditer dans le public semblable opinion. Aussi, tout en chargeant le baron O'Sullivan de remettre à son destinataire une lettre dans laquelle il faisait savoir au prince de Metternich que le projet de publication ne provoquait aucune réclamation de la part du gouvernement belge (Lettre du chevalier de Theux au prince de Metternich, 8 juin 1839), demanda-t-il au représentant du roi Léopold à Vienne de faire des démarches pour que l'article à publier se bornât à exprimer en quelques mots la satisfaction éprouvée par l'Empereur en recevant les explications envoyées de Bruxelles et n'entrât pas dans les détails à leur sujet (3, Lettre du chevalier de Theux au baron O'Sullivan de Grass, 8 juin 1839).
Mais le prince se refusa à tenir compte de ce désir. Il avait surtout à cœur de publier des considérations sur l'avenir et de faire connaître au public les explications données, parce qu'elles constituaient les motifs déterminants de la reprise des négociations diplomatiques (Lettres du baron O'Sullivan de Grass au chevalier de Theux, 19 et 26 juin 1839)
(Note de bas de page Le 30 juin, le baron O’Sullivan écrivait encore au chevalier de Theux que le prince de Metternich avait déclaré que rien n’aurait pu le déterminer à changer la rédaction de l'article publié par L'Observateur autrichien, que le gouvernement belge avait, à son insu, servi le parti polonais et une vengeance personnelle, celle du comte de Montalembert à qui il avait dû interdire l'entrée de l'Autriche. (Fin de la note)
(page 367) Le 22 juin, l'Observateur autrichien publiait l'article tel qu'il avait été expédié à Bruxelles et à Berlin. Il annonçait en même temps la rentrée en fonctions du baron O'Sullivan et la nomination du comte de Dietrichstein comme envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire d'Autriche à Bruxelles (Lettre du baron O'Sullivan de Grass au chevalier de Theux, 22 juin 1839). Complétant les formalités, le prince de Metternich renouvelait cette annonce dans une lettre du 25 juin, qu'il priait le baron O'Sullivan de transmettre au chevalier de Theux (Note de bas de page : Lettre du baron O'Sullivan au chevalier de Theux, 26 juin 1839. Lettre du prince de Metternich au chevalier de Theux, 25 juin 1839. - Le baron O'Sullivan , ne dut pas présenter à l'empereur de nouvelles lettres de créance. Le prince de Metternich considérait que ses fonctions n'ayant été que suspendues leur reprise ne devait être accompagnée d'aucune formalité). Le ministre de Belgique accusa réception de cette lettre au chancelier en exprimant, au nom du roi, le désir que les relations entre les cours de Bruxelles et de Vienne fussent à l'avenir aussi intimes qu'indissolubles (Lettre du baron O'Sullivan de Grass au prince de Metternich, 26 juin 1839).
La reprise des rapports diplomatiques avec la cour de Berlin ne tarda pas à suivre la réconciliation avec l'Autriche.
Lorsque, le 14 mai, le chevalier de Theux avait écrit au prince de Metternich, il avait en même temps envoyé au comte Bresson pour le baron de Werther une lettre analogue à celle adressée au chancelier, mais destinée à être remise à sa destination seulement lorsqu'on aurait appris à Berlin qu'à Vienne il y avait accord complet au sujet de la procédure destinée à permettre la reprise des relations diplomatiques. Cette assurance ayant été apportée par le vicomte Vilain XIIII, le ministre de France s'empressa de faire parvenir la missive du ministre belge des Affaires étrangères au baron de Werther (Lettre du comte Bresson à M. Beaulieu, 31 mai 1839). Celui-ci répondit à M. de Theux, le 4 juin, que le roi de Prusse accueillait les engagements pris par le gouvernement belge ainsi que les assurances données et qu'il se montrait disposé à renouer les relations rompues dès que l'Autriche y serait prête. Il ajouta que lorsque les cabinets de Bruxelles et de Vienne auraient réglé la rédaction de l'article à publier, La Gazette d'Etat annoncerait que le roi, satisfait des explications données et y trouvant des garanties pour l'avenir, avait consenti au rétablissement des rapports officiels avec la Belgique (Lettre du baron de Werther au chevalier de Theux, 4 juin 1839).
Le chevalier de Theux accusa réception de cette lettre, le 8 juin, (page 368) en exprimant l'avis que l'affaire Skrynecki pouvait être considérée comme terminée, le gouvernement belge ayant accepté l'article proposé par le prince de Metternich et l'ayant fait savoir à ce dernier (Lettre du chevalier de Theux au baron de Werther, 8 juin 1839).
Comme nous venons de le voir, le baron de Werther désirait publier dans La Gazette d'Etat un article analogue à celui convenu entre le chancelier autrichien et le baron O'Sullivan. Le projet qu'il fit soumettre au chevalier de Theux fut loin de satisfaire ce dernier. Déjà, dans sa lettre au ministre des Affaires étrangères, le ministre prussien avait fait allusion à un engagement du gouvernement belge de ne pas employer activement le général Skrynecki à l'avenir. Or, on le sait, jamais M. de Theux n'avait consenti à pareille promesse. Dans sa réponse, sans relever explicitement cette expression, il ne l'admit aucunement (Lettre de M. Beaulieu au comte Bresson, 8 juin 1839. - Lettre du baron 0 'Sullivan de Grass au chevalier de Theux, 27 mai 1839). En outre, l'article rédigé par le baron de Werther se trouvait conçu de manière à donner lieu, beaucoup plus que l'article autrichien, à des commentaires désagréables pour le gouvernement belge. Il faisait inexactement allusion à des assurances qu’aurait données ce dernier. M. de Theux souhaitait que la Prusse se bornât, comme l'avait d'ailleurs proposé le prince de Metternich au comte de Maltzan, à publier que l'Autriche ayant manifesté sa satisfaction des explications que lui avait fournies la Belgique, le cabinet de Berlin s'était également décidé à renouer les relations diplomatiques avec le roi Léopold (Lettres de M. Beaulieu et du chevalier de Theux au comte Bresson, 8 juin 1839). Faute de cette solution, il consentait à la publication de l'article proposé mais modifié.
Le comte Bresson, ambassadeur de France, qui gérait les intérêts belges en Prusse, s'employa activement à faire accueillir les desiderata de M. de Theux (Lettre du baron O'Sullivan de Grass au chevalier de Theux, 17 juin 1839. - Lettre du comté Le Hon au chevalier de Theux, 8 juillet 1839).
Ses efforts reçurent l'appui de l'Autriche et La Gazette d' Etat publia un article d'où avaient disparu les expressions de nature à blesser les légitimes susceptibilités du ministre belge.
Si le prince de Metternich appuya facilement dans cette circonstance les démarches de notre gouvernement, c'est un peu sans doute parce qu'il avait à se faire pardonner l'inexécution d'une promesse formelle. Lorsque le baron O'Sullivan de Grass offrit de lui donner officieusement communication par écrit du deuxième paragraphe de la lettre particulière écrite le 14 mai par le chevalier de Theux, le chancelier s'était engagé à ne faire d'autre usage de ce (page 369) paragraphe que de le soumettre au conseil impérial ; or, il en donna connaissance au baron de Werther et celui-ci s'y référa dans sa lettre du 4 juin au chevalier de Theux. .
Froissé de ce manque de parole, le baron O'Sullivan n'hésita pas à manifester son étonnement ainsi que son mécontentement au chancelier impérial (Lettre du baron O'Sullivan au prince de Metternich, 16 juin 1839).
Celui-ci ne chercha pas à s'excuser. Il trouva juste et fondée la plainte du ministre de Belgique. Il assura qu'aucun usage officiel ne serait fait à Berlin de la lettre écrite par le baron O'Sullivan le 21 mai et offrit de faire effacer de la dépêche officielle du baron de Werther la citation qui avait donné lieu à la réclamation (Lettre du baron O'Sullivan au chevalier de Theux, 19 juin 1839).
M. Beaulieu rentra à Berlin le 4 juillet. Les relations diplomatiques se renouèrent officiellement sans plus tarder entre la Belgique et la Prusse (Lettre de M. Beaulieu au chevalier de Theux, 8 juillet 1839).
La Russie refusa de s'associer à la décision des deux autres cours du nord et, pendant de longues années encore, ne fut pas représentée à Bruxelles.