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La Banque en Belgique (1830-1850)
CHLEPNER Serge - 1926

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CHLEPNER B.S., La Banque en Belgique. (tome premier. Le monde financier belge avant 1850)

(Paru en 1926 à Bruxelles, chez Maurice Lamertin)

Chapitre VI. Le marché financier belge après la crise de 1838-1839

1. Situation générale du marché financier

(page 197) La crise financière, déclenchée par la suspension de la Banque de Belgique, fut le signal d'une crise économique grave. Avant cet événement déjà, un encombrement se faisait sentir dans l'industrie métallurgique, dès cette époque la branche la plus caractéristique au point de vue des cycles économiques. Les prodromes de la crise économique se faisaient donc sentir avant la suspension de la Banque de Belgique. Mais, suivant un mécanisme très fréquent et bien connu, la crise financière aggrava et déclencha pour ainsi dire la crise économique.

Dans la première moitié de 1839, l'activité économique se ralentit donc sensiblement. Le crédit se restreignit, les commandes diminuèrent, des faillites se produisirent. (Note de bas de page : La place de Liége fut particulièrement affectée ; des maisons de banque importantes y suspendirent leurs paiements. A signaler également que John Cockerill. considéré alors comme l'industriel le plus important du continent, dut demander un sursis ses créanciers (cf. Indépendant, 17 février ; Émancipation, 20 fév. 1839. etc.). Sa situation fut ébranlée par la suspension de la Banque de Belgique, avec laquelle il trouvait en relations étroites et qui lui accordait de' avances importantes.) Le vote du traité des XXIV articles (le 19 mars, par la Chambre ; le 26, par le Sénat) ne suffit naturellement pas à enrayer la crise. Le moment aigu passé, l'activité (page 198) économique entra dans une phase de dépression. De nombreuses usines réduisirent leur activité, d’autres fermèrent complètement leurs portes, tout particulièrement dans la métallurgie et l'industrie cotonnière.

(Note de bas de page : La crise de l'industrie textile fut particulièrement grave. Un chômage intense sévit à Gand et dans d'autres localités flamandes. Des troubles se produisirent à Gand. Le gouvernement s’en préoccupa ; il fit une enquête auprès des industriels sur les moyens d'améliorer la situation. La chambre de commerce de Gand estima que le seul remède pour l'industrie cotonnière serait de lui assurer le monopole du marché par un tarif protectionniste élevé. Pour aller au plus pressé. elle préconisait l'application immédiate de primes à l'exportation. invoquant comme précédent la politique suivie en 1833. On sait, au surplus, que, depuis l’époque hollandaise, les Gantois étaient un peu gâtés par le système des primes. Le gouverneur de la province appuya l'avis de la chambre de commerce. Le gouvernement décida de suivre la politique préconisée, mais au lieu de répartir les primes purement et simplement comme on le faisait précédemment et comme le fit encore la convention cotonnière du juin 1847 (cf. Doc.. parl. Chambre, 1850-51, n°83 et 180), il appliqua une autre méthode. C'est, du reste, la raison qui nous amène à exposer cet incident avec quelques détails.

(Le 24 octobre 1839. le gouvernement conclut deux conventions avec la Banque de l'Industrie d'Anvers, établissement qui, entre autres, s'occupait d'affaires d'exportation. La Banque prenait l'engagement de débarrasser au plus vite les industries cotonnière et linière d'un stock de tissus d’une valeur de 2 millions de francs. Les tissus devaient être soit exportés, soit pris en magasin. La Banque s'engageait à avancer aux fabricants 75 p. c. de la valeur des marchandises qu'ils lui remettraient en consignation. D'autre part, la Banque recevait la faculté de garantir les maisons consignant contre les pertes éventuelles provenant de l'exportation, sans que cependant la garantie puisse dépasser 10 p. c. du risque. Le gouvernement, de son côté, prenait l'engagement de rembourser à la Banque les pertes résultant de la garantie accordée ; toutefois, sa charge ne pouvait dépasser 240.000 francs. Par la deuxième convention. le gouvernement accordait à la Banque un prêt de 1 1/2 million de francs, à 4 p. c., laquelle somme devait être utilisée à accorder des avances aux fabricants.

(Les résultats financiers de cette opération. tant pour le gouvernement que pour la Banque. furent désastreux. Le total des exportations effectuées s'éleva à 2.158.000 francs ; les avances aux fabricants, à 1 million 600,000 francs. Les opérations liquidées au 1er octobre 1844 s'élevèrent à 889,000 francs, sur lesquelles la perte subie fut de 333.000 francs. Le gouvernement prévoyait donc que sa perte s'élèverait à 10 p. c. des opérations conclues, soit 210.000 francs, plus 10.000 francs promis à la Banque pour ses frais de gestion (cf. Doc. parl. Chambre, 1844-1845, n°105).

(Il faut noter que cette opération avait été faite sans l'intervention de la législature, ce qui provoqua de vives critiques (cf, Chambre des représentants, 14 février 1845). Le prêt à la Banque était donc fait par la Trésorerie sans autorisation de la Chambre. C'est seulement le 24 avril 1845 - pour régulariser l'avance faite en 1839 - que le gouvernement déposa une demande de crédit de 741.045 francs, somme restant due par la Banque à cette époque (Chambre. 1844-1845, p. 1572). Le projet resta sans suite.

(Le 7 janvier 1851, une nouvelle demande fut déposée. La créance à la charge de la Banque ne s'élevait plus qu'à 467.045 francs (Chambre. 1850-51, n°203). Les administrateurs de la Banque - en liquidation depuis 1846 - avaient l'intention de demander à l'Etat de les dispenser du paiement des intérêts (cf. Rapport de la section centrale, n°24). Le crédit ne fut voté que le 27 novembre 1851.

(Nous n'avons pas trouvé, dans les documents officiels, de traces ultérieures relatives à cette opération. Il est supposer cependant que le gouvernement finit par rentrer sa créance, puisque, après une liquidation qui dura plus de vingt-cinq ans, les actionnaires touchèrent un dividende, ce qui ferait supposer que tous les créanciers avaient été remboursés. Fin de la note.)

(page 199) En somme, on peut dire que la décade qui suivit la crise de 1838-1839 fut, pour le marché financier de Bruxelles, une période de stagnation et de liquidation.

Les deux grandes banques qui dominaient le marché avaient vu leurs ressources immobilisées par la politique d'expansion trop rapide pendant la période d'essor. Aussi leur activité se restreignit-elle sensiblement après la crise. Nous le verrons plus loin, en examinant spécialement leur situation pendant cette période.

La dépression économique et l'exagération du capital de certaines sociétés pendant la période d'essor exercèrent (page 200) une influence déprimante sur la situation boursière. Plusieurs sociétés, métallurgiques et autres, durent entrer en liquidation ; quelques-unes réduisirent leur capital ; d'autres, enfin. se contentèrent de ne payer aucun dividende à leurs actionnaires pendant toute cette décade. Aussi la Bourse fut-elle très déprimée, et le public capitaliste belge, vivement impressionné par la crise, resta longtemps méfiant. De nombreux titres restèrent sans cote pendant des années, d'autres le furent à des cours dépréciés, trop dépréciés même.

Les premières années qui suivirent la crise financière de 1839 furent d'ailleurs influencées par l'instabilité de la situation politique internationale, qui exerça une influence déprimante sur tous les marchés financiers. Aussi l'activité financière est-elle tout à fait réduite pendant cette période : la bourse est en léthargie et la création de sociétés nouvelles est à peu près arrêtée.

En 1843-1844, une reprise économique se manifeste en France et en Angleterre. L'attention se porte surtout vers la construction des chemins de fer. En Angleterre, des projets innombrables voient le jour, des concessions sont demandées par douzaines. Bientôt ce fut un (page 201) emballement incroyable et une spéculation insensée sur les actions des sociétés nouvelles . L'attention des financiers anglais fut alors attirée vers la Belgique. Ici, la construction des principales lignes, décrétées par les lois de 1834 et 1837, ce que Rogier avait appelé le « gros tronc », venait de s'achever, exclusivement par les soins et aux frais de l'Etat. La construction des lignes avait demandé à l'Etat un effort financier beaucoup plus important que celui qui avait été prévu, puisque les dépenses avaient dépassé considérablement les devis primitifs. L'exploitation des lignes ne donnait pas non plus les résultats, d'ailleurs exagérés. qu'on escomptait au début.

Aussi entendait-on de plus en plus souvent, au Parlement. des plaintes au sujet du fardeau que le railway constituait pour le Trésor, et on estimait généralement que celui-ci ne pourrait continuer à emprunter pour étendre le réseau. L'opinion publique s'orientait vers une politique consistant concéder les nouvelles lignes à l'industrie privée. D'ailleurs, dès le début, il avait été entendu que l'Etat ne se réserverait que l'exploitation du réseau principal, les lignes secondaires pouvant être concédées des compagnies. Mais si, avant la crise économique. les demandes de concessions (page 202) affluaient, et restaient sans suite du reste (à l’exception de deux ou trois lignes concédées, dont une seule fut construite ; le chemin de fer der du Haut et Bas Flenu), il n'en fut plus de même dans la suite.

Les promoteurs des lignes nouvelles ne purent trouver des capitaux dans le pays, par suite de la méfiance du public. C'est ainsi que les initiateurs du chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse, qui obtinrent la concession dès 1837, ne purent réaliser leur but et le projet n'aboutit qu'après l’intervention des capitalistes anglais, en 1844. (Note de bas de page : ls avaient constitué une société en avril 1838 ; un premier versement avait été effectué par les actionnaires, lorsque la crise financière survint. Les actionnaires refusèrent de faire de nouveaux versements et la société fut dissoute en janvier 1839. Cf. Meeus, Chambre. 21 avril 1845. Voir aussi Doc. parl. Chambre 1843-1844, n°427.) De même, la première ligne concédée après la crise financière dut être construite en grande partie par son initiateur avant que celui-ci ait pu former une société, dont il resta au surplus le principal actionnaire (ligne d’Anvers à Gand, par le pays de Waes, concédée en 1842 à l’ingénieur De Ridder, qui dirigeait auparavant, avec Simons, la construction du réseau de l’Etat).

C'est dans ces circonstances que l'attention de financiers anglais fut attirée vers la Belgique. Une pluie de demandes de concessions s'abattit sur le gouvernement, demandes émanant soit de groupes anglais, soit de Belges appuyés par des capitaux anglais. On comprend si le gouvernement et la Chambre accueillirent favorablement ces demandes. D'autant plus que les sociétés ne demandaient même pas la garantie d'un minimum d'intérêt, garantie accordée en France depuis 1842. Durant les années 1844 et 1845, ces concessions furent accordées sans difficultés (page 203) et des sociétés se formèrent les unes après les autres, toutes à l'aide de capitaux anglais (Société du Chemin de fer d'Entre-Sambre-ct-Meuse ; Société de Tournai à Jurbise et de Landen à Hasselt ; de la Flandre occidentale ; de Charleroi à la frontière de France ; de Namur à Liége et de Mons à Manage ; du Grand-Luxembourg ; de la Jonction de l'Est. etc.) C'est ainsi que commença, dans l’histoire des chemins de fer belges, « la période anglaise. » (expression de Jules MALOU). La spéculation s'empara, à Londres, des titres des sociétés belges comme elle s’était déjà emparée des actions des sociétés anglaises.

(page 204) La création des nouvelles lignes de chemins de fer, jointe à la reprise économique dans les pays voisins, amena une reprise industrielle en Belgique également, reprise dont la métallurgie profita surtout. Mais le marché financier ne s'en ressentit pas beaucoup. Celui-ci resta à peu près dans le même état d'apathie qu'antérieurement. Les principales raisons en furent : l’immobilisation des banques, la méfiance des capitalistes et la politique du gouvernement envers les actions des sociétés de chemins de fer. Celle-ci mérite d'être exposée avec quelques détails.

Dès la première concession accordée à un groupe anglais, (concession d’Entre-Sambre-et-Meuse, article 48) le gouvernement stipula que si les concessionnaires constituaient une société anonyme ou en nom collectif pour l'exploitation de la ligne, les actions de cette société ne pourraient être « cotées aux bourses de Bruxelles et d’Anvers (page 205) qu'après l’entier achèvement du chemin de fer. » Cet article fut reproduit dans toutes les autres concessions. On y ajouta même dans la suite l'interdiction de procéder à une émission publique de ces actions en Belgique avant l'achèvement complet de la ligne.

Il en résulta que les capitalistes belges purent difficilement s'intéresser à ces sociétés, puisque leurs titres n'avaient aucun marché régulier en Belgique. Au début de la période des concessions. cette clause ne paraît pas avoir provoqué de protestations. Par contre, le gouvernement et, en général, les partisans des concessions l'invoquèrent plus d'une fois pour prouver que la Belgique ne pouvait retirer que des bénéfices des nouvelles lignes, tous les risques étant courus par les capitalistes anglais.

Mais, au mois d'octobre 1845, une crise boursière très grave éclata à Londres, les cours s'effondrèrent avec une rapidité vertigineuse. Plusieurs sociétés eurent des difficultés à obtenir les versements complémentaires de la part des actionnaires ; les difficultés s'accumulèrent, menaçant d'arrêter les travaux. C'est alors qu'on en vint demander au gouvernement de modifier sa politique, par laquelle. disait-on, il jetait lui-même la déconsidération sur les sociétés belges, politique qui pouvait même paraître peu loyale envers les porteurs étrangers. On montrait surtout que l'interdiction de coter ne se justifiait plus du moment que les primes exagérées disparaissaient et étaient remplacées par des cours très bas.

(page 206) Cependant lorsque M. Osy proposer formellement de donner au gouvernement l'autorisation d'admettre à la cote les actions des chemins de fer, sur lesquelles on avait versé au moins 30 p. c., il se heurta à l'opposition de Malou, (page 207) alors ministre des Finances, et à celle de Rogier. La question fut ajournée (Chambre des représentants, séance du 7 juillet 1846).

Elle ne revint sur le tapis que l'année suivante. Entre-temps, la situation économique s'était aggravée, surtout à cause des mauvaises récoltes, - le chômage était intense. Plusieurs sociétés ne trouvaient plus les fonds nécessaires pour continuer les travaux. La proposition revint devant (page 208) le Parlement et, cette fois, elle fut adoptée à peu près sans opposition (22 mars 1847).

La loi du 26 mars 1847 donnait au gouvernement la faculté d'autoriser l'admission à la cote des actions des chemins de fer dont 40 p. c. seraient versés et dont le cautionnement aura été remboursé conformément aux actes de concession

Le législateur autorisant dorénavant l'admission à la cote, l'entourait cependant de garanties très sérieuses.

En jugeant rétrospectivement la politique dont nous venons de parler, nous ne pouvons nous empêcher d’y voir un exemple intéressant de réglementation en matière financière ayant donné de bons résultats. En interdisant, en 1845, l’admission à la cote des actions des sociétés ferroviaires, le gouvernement a préservé des capitalistes belges de pertes certaines. Cela ne veut pas dire que la réglementation se justifie toujours et partout, loin de là. Mais cela montre que, inutile, inefficace ou même nuisible dans certains cas, la réglementation peut être utile et efficace dans d'autres cas. En somme, c'est avant tout une question d’espèce.

La construction des lignes de chemins de fer en Belgique et à l'étranger apporta, à partir de 1844, un aliment d'activité à l'industrie, surtout à la métallurgie. La hausse des prix amena une augmentation de la production, de nouveaux hauts fourneaux furent créés, on assista même des exagérations qui rappelaient quelque peu l'emballement de 1834-1838. Dès cette époque, la métallurgie belge était en mesure non seulement d’alimenter le marché national. mais (page 209) encore d'obtenir des commandes pour l'étranger, pour l’Allemagne notamment, et même pour l’Ecosse.

Comme conséquence de cette reprise de la métallurgie, le marché financier manifesta, à certains moments, en 1844-1846, un regain d’activité. Quelques sociétés furent créées, en partie grâce à l'apport de capitaux étrangers.

La bourse également manifesta, par périodes, une certaine animation et des hausses se produisirent sur quelques valeurs industrielles. Les achats des étrangers, français surtout, semblent ici encore avoir joué un certain rôle.

Dans l'ensemble, le marché financier était peu actif, surtout par suite de l'immobilisation des ressources des établissements bancaires. En outre, les mauvaises récoltes, la nécessité d'achats importants l'étranger pesèrent sur les marchés financiers, tant à Bruxelles qu'à l’étranger. La crise alimentaire de 1846-1847 fut particulièrement grave en Belgique, et le chômage industriel aggrava encore la situation. On sait combien la misère était grande à cette époque, en Flandre surtout. Des importations considérables de denrées furent nécessaires, le gouvernement organisa des travaux publics. le Trésor fut mis largement à (page 210) contribution pour venir au secours des populations nécessiteuses. On comprend la répercussion que ces événements durent avoir sur le marché financier : les fonds d' Etat, notamment, virent leurs cours baisser sensiblement. Le change sur l'étranger subit des hausses fréquentes. La Société Générale dut élever plusieurs fois son taux d'escompte.

La crise financière franco-anglaise de 1847 accentua la dépression en Belgique ; enfin, en 1848, les événements politiques et financiers se déroulant en France provoquèrent chez nous une crise financière aiguë, que nous étudierons dans le chapitre suivant.

2. L'escompte et la circulation fiduciaire

Dans le paragraphe précédent, nous avons esquissé la situation du marché financier belge entre les crises de 1839 et 1848, en nous plaçant au point de vue des opérations à long terme. Voyons à présent où en était, pendant la même période. le crédit à court terme. Ici non plus, la situation n'était guère brillante.

On pourrait croire que le faible développement de l'escompte, surtout pendant les premières années après la crise, s'expliquait par la dépression économique. Ce serait une erreur ; nous avons vu que, pendant la période d'essor déjà, les opérations d'escompte des banques étaient plus que modérées. Des causes profondes, tenant à l'organisation du marché financier. entravaient le développement de ces opérations.

Comme nous le savons déjà, et comme nous le verrons (page 211) encore avec plus de détails, les principales banques avaient immobilisé avant la crise non seulement leur capital propre, mais encore une grande partie des capitaux reçus du public. Elles ne pouvaient donc pratiquer l’escompte qu'à l'aide de l'émission de billets. Or, celle-ci ne pouvait prendre des proportions quelque peu importantes, parce que le public restait rebelle à l'usage du billet. La crise de la Banque de Belgique n'était, certes, pas un événement de nature à modifier l’attitude du public, dont la méfiance était encore accrue par l’hostilité réciproque des deux banques. Avant la crise de 1838, la Société Générale acceptait dans ses caisses les billets de la Banque de Belgique, et réciproquement. Dans la suite, chacune n'accepta plus que ses propres billets. Comment le public aurait-il pu accepter facilement les billets d'une banque que tout le monde savait ne pas être acceptés par l’autre banque ?

(Note de bas de page : L'animosité entre les deux institutions bancaires, déjà assez vive avant 1839, devint plus aiguë encore à la suite des événements qui accompagnèrent la suspension de la Banque de Belgique (Cf. supra, chapitre V,  paragraphe 2). L'inimitié des deux établissements était de notoriété publique. Elle se traduisait par une polémique de presse et par des discussions à la Chambre. Les attaques partaient, en règle générale, des partisans de la Banque de Belgique. qui ne manquaient aucune occasion de critiquer publiquement l'institution adverse. Aussi, pendant tout un temps, la presse était remplie d'articles et de lettres au sujet de l'attitude de la Société Générale lors de la déconfiture de la Barque de Belgique (voir ce sujet. notamment, l'Indépendant, 5, 7, 8, 9, 20 mars 1840 ; Courrier belge 9 mars 1840, etc.). Plus tard, on critiquait la Société Générale de faire à la Banque de Belgique une concurrence injustifiée sur le terrain des opérations d'escompte (cf. supra, chapitre IV. 4). On s'emparait même d'événements insignifiants dès que, à tort ou à raison, on croyait y trouver prétexte à critiquer la Société Générale (cf., par exemple, Chambre, 7 et 8 septembre 1842, Courrier belge, 11 et 14 septembre 1842 : Indépendant 13 septembre 1842, etc.). Voir une polémique de presse entre l'Indépendant et l'Observateur (du 10 au 25 janvier 1843) au sujet d'un emprunt de la ville de Bruxelles, emporté par la Société Générale contre la Banque de Belgique, et une longue discussion au Conseil communal. notamment à la séance du 21 janvier 1843.

(Comme ces querelles entre partisans de la Banque de Belgique et partisans de la société Générale renouvelaient fréquemment à la Chambre, le président dut déclarer un moment donné qu'il ne tolérerait plus de discussions d'établissement à établissement et qu'il retirerait la parole l'orateur qui se livrerait ce genre de polémique (Chambre, 13 décembre 1843). Ce qui n'a pas empêché d'ailleurs les amis de la Banque de Belgique de revenir à la charge (cf.. par exemple, Zoude, leur principal porte-parole. Chambre 9 décembre 1846).

(L'animosité entre les deux établissements a persisté pendant toute la décade que nous étudions dans ce chapitre. « La finance, écrivait la Revue nationale en 1844 (t. X. p. 187), est divisée, à Bruxelles, en deux grandes parties : les amis et les adversaires de la Société Générale. » {En 1847, Cools écrivait : « Cet antagonisme (entre la Société Générale et la Banque de Belgique) existe, j'en appelle la conscience publique. Il y a absence d'hostilités, mais il n'y a pas d'entente amicale.(De l’avenir du crédit en Belgique, Bruxelles, 1847, p. 78.) Fin de la note.)

(page 212) Aussi a-t-on pu écrire, en 1847 encore, que les billets ne circulaient que « dans les grandes villes et pas encore dans toutes, dans un nombre très restreint de petites villes et dans aucun village, si ce n'est aux portes de Bruxelles. » (Cools, op. cit/, p. 120). (Note de bas de page : Voici une anecdote qui montrera combien les billets étaient peu connus, même aux portes de Bruxelles : « Un commissaire de l'une de banques ayant été encaisser des effets, il y a peu de jours, perdit malheureusement un billet de 500 francs. S’en étant bientôt aperçu, il se hâta de faire des recherches pour le retrouver. Arrivé dans un estaminet au faubourg de Laeken, où il s'était arrêté quelques instants auparavant, il y avait cherché vainement le billet perdu, lorsqu'un paysan s'adressa lui pour s'informer du motif de ses recherches. Le garçon de caisse lui ayant raconté son malheur, le paysan lui dit qu'il venait de ramasser un morceau de papier. lequel il avait mis sur une blessure qu'il avait la jambe. Il se mit aussitôt à ôter bas et le billet de 500 francs, dont on avait fait un emplâtre avec du suif, fut heureusement retrouvé » (Indépendant, 16 janvier 1841). Fin de la note.)

La faiblesse de la circulation fiduciaire était donc certainement la raison principale du peu de développement de l'escompte. Celui-ci ressort du tableau reproduit plus haut (chapitre. 4). On peut y constater, pour la Banque de Belgique, une augmentation graduelle, mais lente, du (page 213) montant des escomptes à partir de 1840 ; pour la Société Générale, une augmentation jusqu'en 1844. suivie d'une chute à partir de cette époque.

Ce peu d'intensité de la circulation fiduciaire était pour les banques le principal obstacle à l'octroi de crédits temporaires considérables. Aussi lorsque des crédits dépassant les proportions normales étaient nécessaires, les hommes d'affaires s'adressaient-ils souvent à l'étranger.

Nous verrons dans un chapitre ultérieur comment les problèmes de la circulation fiduciaire et de l'insuffisance du crédit à court terme préoccupèrent l'opinion publique et amenèrent, après la crise de 1848, une réforme du régime bancaire.

Pour le moment, il nous reste, - pour achever cette esquisse du marché financier belge après la crise de 1839, - à décrire la situation, pendant cette époque, des principaux établissements bancaires.

3. La Société Générale

La situation de la Société Générale fut, pendant toute cette période, dominée par les conséquences de la politique antérieure à la crise, situation d'une banque qui a immobilisé toutes ses ressources. Comme nous l'avons dit, la Société Générale ne fut pas en mesure d'écouler dans le (page 214) public les titres des sociétés créées pendant la période d'essor. Elle fut obligée ou de les garder en portefeuille, ou de les céder à des spéculateurs, auxquels elle accordait des avances. II en résulta que les deux postes : portefeuille titres et avances sur titres, absorbèrent une très grande partie de ses ressources. Après la crise de 1839. les actions en portefeuille devinrent encore moins vendables et s'immobilisèrent dans les coffres de la banque. D'autre part, les bénéficiaires des avances sur titres ne furent pas en mesure de rembourser leurs emprunts et ceux-ci furent renouvelés. De sorte qu'en 1848 encore, la Société restait créancière de prêts remontant à 1839. Il faut d'ailleurs remarquer que les prêts furent en grande partie accordés aux sociétés filiales de la Société Générale/

(page 215) La politique téméraire de la Société Générale en 1834-1838 peut se justifier par l'essor de l'industrie, dont on ne prévoyait pas un arrêt si rapide, mais sa politique en matière d’avances sur titres dépassa les limites de la prudence. Les sommes avancées atteignaient la valeur nominale des actions prises en gage, ou tout au moins leur montant libéré. Quant aux actions de la Société elle-même (d'une valeur nominale de 500 florins), elles étaient calculées à 1,500 francs. Le taux d'intérêt n'était que de 4 p. c., tandis que, - suivant les usages de l'époque. - les statuts stipulaient presque toujours, en faveur des actions. un intérêt de 5 %, indépendant des dividendes, et que le taux d'escompte de la Société était généralement supérieur à 4 p. c.

Avant la crise de 1838, les emprunteurs bénéficiaient donc de la différence entre le rendement des titres et le taux de 4 p. c. Après la crise, ils étaient débités des intérêts, et lorsque ces titres payaient un coupon, celui-ci était retenu par la Société, qui créditait l'emprunteur de son montant. Ainsi les emprunteurs couraient toutes les chances. mais non les risques, puisqu’ils ne furent pas exécutés lorsque la baisse survint. C'est donc avec raison que cette politique a été critiquée en 1848 (cf. infra).

(page 216) Enfin, nous avons dit également que la plupart des sociétés industrielles, créées pendant la période d'essor, eurent recours à la banque qui les patronnait et demandèrent des avances en comptes courants. La Société Générale. le plus souvent, ne les leur accordait pas directement. mais par l’intermédiaire de ses filiales. ce qui revenait au même du reste. Il résulte de ces indications qu'au lendemain de la crise de 1838-1839, les ressources de la Société, qui provenaient principalement de son capital et de la caisse d'épargne, se trouvèrent immobilisées. La tâche de la Société était donc de liquider peu à peu son passif immobilisé et de réduire ses engagements envers les déposants de la caisse d'épargne. Nous avons vu (supra, chapitre IV, paragraphe 4.5) comment la Société arrêta d'abord l’afflux des dépôts et les stabilisa, dans une certaine mesure, par une politique habile. Mais il fallait les réduire en liquidant peu à peu les immobilisations. La Société n'y réussit que très imparfaitement, l’état du marché financier ne lui permettant pas de réaliser les titres qui encombraient son portefeuille. Cette situation perdura aussi longtemps que les déposants firent confiance à la Société.,mais lorsque, en 1848, la (page 217) panique s'en empara, la Société ne put résister et dut faire appel au gouvernement (cf. chapitre suivant).

Par suite de l'immobilisation de ses ressources et de la stagnation du marché financier, la Société Générale dut donc renoncer à la création de sociétés nouvelles et consacrer ses efforts à soutenir les sociétés préexistantes. Quant aux opérations court terme, elles ne prirent pas un grand développement. L'émission des billets resta sensiblement stationnaire et. par conséquent, il en fut de même de ses escomptes.

4. La Banque de Belgique

La Banque de Belgique ressentit naturellement bien plus vivement que la Société Générale les effets de la crise de 1838. L’année 1839 fut pour elle une année de liquidation. Après avoir repris ses paiements, à l'aide de l'avance de 4 millions accordée par le gouvernement, elle parvint peu à peu à réaliser une partie de son actif et à rembourser ses créanciers. A la fin de 1839. la circulation de ses billets était tombée à peu près à zéro et les comptes courants créditeurs se réduisirent, eux aussi, dans une très forte proportion. Dans l'ensemble, elle remboursa environ 10 millions à l'aide de ses propres ressources. Mais son capital propre était complètement immobilisé.

La nouvelle direction de la Banque décida de ne plus accepter de participations industrielles et de se consacrer exclusivement aux opérations à court terme. La Banque ne pouvait cependant entreprendre de nouvelles opérations d'avances et d’escomptes qu’en se procurant des ressources nouvelles. Celles-ci ne pouvaient provenir que d'une (page 218) augmentation du capital. Aussi se mit-on à la recherche de formules permettant éventuellement d'y arriver.

On paraît avoir élaboré d'abord des projets qui impliquaient une participation du Trésor à la réorganisation de la Banque, projets qui échouèrent. En 1840, on faillit réaliser une augmentation du capital sans l'intervention du Trésor. Mais. cette fois encore, on échoua, et cela dans des circonstances qui méritent d’être signalées.

Les dirigeants de la Banque établirent un accord avec un groupe financier anglais, le même qui, - deux années auparavant - avait voulu créer la Banque Anglo-Belge. La nature de cet accord est mal connue. Le groupe anglais s'engageait à souscrire le capital nouveau de la Banque, s'élevant à 20 millions et représenté probablement par des actions de préférence. Le conseil d’administration devait comprendre un nombre égal de Belges et d'Anglais ; il devait y avoir deux gouverneurs, l'un Belge, l'autre Anglais.

Soumis à l'approbation du gouvernement, le projet ne fut pas agréé par ce dernier et l'on dut l'abandonner. Les motifs du refus ne furent pas publiés. Il semble que le gouvernement ait craint surtout que la Banque ne tombât trop sous l’influence de financiers étrangers. En outre, il paraît avoir été hostile à l'émission d'actions de préférence. A l'époque même, ce refus fut vivement discuté dans la presse, certains journaux approuvant la conduite du gouvernement, d'autres la critiquaient. Il est regrettable que le gouvernement n'ait pas fait connaitre les motifs de son refus.

L'année suivante, la direction de la Banque fut plus(page 219) heureuse et parvint enfin à l'augmentation du capital. Celle-ci fut de 10 millions. L'administration de la Banque traita avec un groupe qui souscrivit le capital nouveau au pair, à charge d'offrir les deux tiers des titres aux actionnaires anciens.

Comme trait original de cette opération, il faut signaler que l’apport nouveau ne fut pas considéré comme une augmentation proprement dite du capital. On le considéra comme un capital distinct ; de sorte que, dans les bilans, on fit dorénavant figurer le capital sous deux rubriques : « capital de 1835 » et « capital de 1841. » Un droit de préférence fut donné aux actions nouvelles quant au remboursement et quant à un dividende annuel de 5 p. c.

L'assemblée du 16 mars 1841 qui adopta ces décisions, apporta en même temps quelques modifications aux statuts. La plus importante se rapportait aux opérations de la Banque. Nous avons indiqué que la nouvelle direction avait décidé de se consacrer exclusivement aux opérations court terme. Pour reprendre l'expression d’Anspach, parlant au nom du conseil d'administration, la Banque « ne devait plus être une banque d’industrie, mais une banque essentiellement financière, d'escompte et de circulation.» On estima cependant ne pouvoir s'en tenir à une simple décision du conseil d'administration et l'on modifia les statuts dans ce sens. Un article spécial y fut inséré ; il spécifiait que l'ancienne définition de l'objet de la société, définition très large et autorisant tous les genres d'opérations financières, ne s'appliquerait dorénavant qu'au capital ancien de la Banque. Quant au capital nouveau et aux fonds confiés à la Banque par des tiers, ils ne pourront être employés qu'aux opérations permises par les statuts de la Banque de France ou de la Banque Nationale des Pays-Bas. Ainsi se trouvait consacrée la transformation de cette (page 220) institution. De banque mixte, comme on dirait actuellement, elle devenait, en principe, banque commerciale et même surtout banque d'émission. Nous verrons cependant dans la suite, que cette transformation ne fut pas définitive et que la Banque subit plus tard une évolution en sens inverse.

Le régime de préférence accordé aux actions créées en 1841 donna lieu à quelques difficultés que nous mentionnerons brièvement. Le droit de préférence pour le remboursement en cas de liquidation de la société était nettement stipulé dans les résolutions prises par l’assemblée du 16 mars 1841. Mais la clause leur accordant un droit de priorité pour un premier dividende annuel de 5 p. c. était rédigée d'une manière imprécise. Aussi donna-t-elle lieu à des contestations entre anciens et nouveaux actionnaires. Après de longues discussions, ce droit de préférence fut confirmé par une résolution spéciale de l'assemblée du 14 décembre 1844.

Une autre question préoccupait aussi la direction et les actionnaires de la Banque de Belgique : celle de l'intérêt à servir aux actions anciennes. Elle mérite d'être exposée avec un peu plus de détails, parce qu'elle est caractéristique des méthodes financières de l'époque.

Nous avons indiqué que l’usage était alors, en créant une société anonyme, de stipuler un intérêt déterminé pour les actions de la société. Dès l'expiration de chaque année sociale, on payait l'intérêt aux actionnaires ; après avoir dressé le bilan et le compte de profits et pertes, on répartissait le supplément éventuel des bénéfices sous le nom de (page 221) dividende. On considérait donc l’intérêt statutaire comme étant dû aux actionnaires, quels qu'aient été les résultats de l’exercice.

Pareille méthode pouvait ne pas présenter d'inconvénients aussi longtemps que les affaires allaient bien et que les couvraient, ou même dépassaient. le montant de l’intérêt statutaire. Après la crise de 1838-1839, la situation changea, et un grand nombre de sociétés industrielles suspendirent le paiement des intérêts à leurs actionnaires. A la Banque de Belgique, par contre, on continua à servir l'intérêt statutaire de 5 p. c. La méthode extrêmement vicieuse d'après laquelle le bilan et le compte des profits et pertes étaient établis, a permis de continuer cette pratique.

Au lendemain de la crise, on procéda à une certaine réévaluation des titres se trouvant dans le portefeuille de la Banque, mais on ne pratiqua aucun amortissement sur les créances de la Banque. Or, plusieurs de ces créances étaient un recouvrement problématique. D'autre part, un grand nombre de débiteurs cessèrent de payer les intérêts et ceux-ci s'ajoutaient constamment au principal de la dette. On continuait cependant de créditer le compte des profits et pertes du montant de ces intérêts. On assimilait ainsi une créance plus ou moins problématique à un bénéfice liquide, réalisé ! Aujourd'hui, pareille politique serait considérée comme une distribution de dividendes fictifs. A cette époque-là, on la pratiquait ouvertement.

Les dirigeants de l'institution s'aperçurent des dangers d'une pareille situation. Aussi firent-ils voter, par l'assemblée du 16 mars 1841, en même temps que l'augmentation du capital dont nous avons parlé, une résolution ordonnant une retenue de trois dixièmes sur les intérêts statutaires des actions anciennes. Cette retenue devait servir à constituer un fonds de réserve. En somme, c'était réduire transitoirement l'intérêt statutaire de 5 à 3 1/2 p. c.

Cette mesure était évidemment insuffisante. Malgré cela, l'arrêté royal approuvant les modifications aux statuts votées le 16 mars 1841, stipulait qu’endéans les trois semaines une assemblée générale nouvelle serait convoquée, (page 222) laquelle aurait la faculté de réduire la retenue de trois à deux dixièmes. L'assemblée des actionnaires fit usage de cette faculté ; de sorte que l’intérêt servi dorénavant fut non de 3 1/2 p. c. - comme on l'avait décidé d'abord, - mais de 4 p. c. On ne s'explique vraiment pas quels motifs ont pu guider le gouvernement dans cette circonstance. (Note de bas de page : L’administration de la Banque avait d’abord l’intention de réduire l’intérêt à 3 p. c. Le ministre des finances, dans les pourparlers préalables, n’admit qu’une réduction de 3 1/2 p. c. Après l’assemble générale, il estima que la réduction était encore trop forte et imposa un intérêt de 4 p. c.)

Ce n’était donc là qu'une atténuation de la méthode vicieuse suivie jusqu'alors. Au lieu d'attribuer chaque année un intérêt de 50 francs à chacune des vingt mille actions anciennes, on leur accorda désormais 40 francs. c'est-à-dire en tout 800,000 francs. Or, les bénéfices effectifs réalisés par le capital ancien étaient inférieurs à ce chiffre. Les intérêts étaient donc prélevés en partie sur le capital.

En 1843, le directeur de la Banque attira l'attention de l'assemblée annuelle sur cette situation, mais sans proposer de changement à la méthode suivie. En 1844, la commission de surveillance signalait que le total des bénéfices effectivement touchés depuis 1839, sur le capital ancien. avait été de 2,348.942 francs, tandis que les intérêts répartis entre les actionnaires s'élevaient à 4 millions 400,000 francs. On avait donc prélevé plus de 2 millions sur le capital. Cependant aucune proposition n'était faite pour remédier à cet état de choses inquiétant. Ce n'est qu'à la fin de l'année que l'on fit voter, par l’assemblée du 14 décembre. une résolution stipulant que l'intérêt ne serait servi que jusqu'à concurrence des bénéfices réels réalisés pendant l’exercice écoulé.

(page 223) La méthode suivie par la Banque fut donc améliorée, puisqu'on s'interdisait de prélever sur le capital pour distribuer des intérêts aux actionnaires. Restait encore une autre question, celle de la situation du capital. En 1845, on estimait que le capital ancien était réduit d'environ 7 à 8 millions, par suite des pertes inévitables sur le recouvrement de certaines créances et par la répartition, entre 1839 et 1844, d'intérêts dépassant de 2 millions de francs les bénéfices réalisés. L’année d'après cependant, on estimait que, par suite de l'amélioration de la valeur des gages - hausse des titres industriels - la perte certaine ne s'élevait qu'à un peu moins de 2 millions. Cette fois, on décida de réduire le capital à 17,5 millions et, l’année d'après, à 17,1 millions, chiffre auquel il se maintint jusqu'en 1854.

Ce qui semble particulièrement étrange dans toute cette affaire, c'est l'attitude envers la Banque des ministères qui se succédèrent de 1839 à 1844. Voici un gouvernement qui se voit obligé d'accorder un prêt de 4 millions à un établissement financier en détresse, qui, quelque temps après, lui accorde un prêt supplémentaire de 1 million. Il semble qu'il doive exiger que l'on cesse de répartir des dividendes entre les actionnaires, avant le remboursement de cette dette et l'amortissement des pertes subies. Or, il tolère les répartitions, qui sont prélevées en grande partie sur le capital ; mieux que cela, lorsque la direction de la Banque désire réduire quelque peu ces répartitions, il s'y (page 224) oppose et n’autorise qu'une réduction plus faible que celle qu’on proposait.

L’ attitude du gouvernement paraît plus inexplicable encore quand on connaît toutes les péripéties par lesquelles passa la question du remboursement du prêt accordé à la Banque.

La loi du 1er janvier 1839 stipulait que ce prêt serait productif d'un intérêt de 5 p. c. Elle laissait au gouvernement le soin de régler les délais de remboursement. Il semble qu'il ait été entendu que celui-ci se ferait par annuités, sans préciser à partir de quelle époque. Or, dans la seconde moitié de 1842, on apprit que le contrat avec la Banque venait d'être modifié. La question ayant été soulevée au Parlement, il résulte des explications du ministre des Finances Smits et du député Zoude, commissaire du gouvernement auprès de la Banque et ardent défenseur de celle-ci, que les choses se sont passées de la manière suivante :

Au mois d'avril 1842, la Banque fit savoir au ministre des Finances que, par suite de la concurrence des filiales de la Société Générale sur le marché de l'escompte, le rendement de ses capitaux ne lui permettait plus de continuer à payer au gouvernement un intérêt de 5 p. c. Elle offrait de rembourser l'avance qui lui avait été faite, en laissant (page 225) comprendre cependant qu'elle alors obligée d'user de moyens de rigueur envers les sociétés industrielles dont elle était créancière. Le ministre des Finances, pour éviter cette fâcheuse issue, eut recours à un expédient et prit alors avec la Banque l'arrangement suivant : les 5 millions furent considérés comme remboursés, mais ils restaient à la Banque en compte courant, moyennant un intérêt de 2 p. c. et avec promesse de n'en disposer que par des sommes ne dépassant pas 150,000 francs par mois.

Le ministre expliquait à la Chambre qu'il avait parfaitement le droit d’agir ainsi : La Banque me rembourse les 5 millions, disait-il, je puis les déposer à la Société Générale, caissier du Trésor. Mais rien ne m'y oblige ; je puis tout aussi bien les déposer dans un autre établissement bancaire. J'ai préféré les laisser à la Banque de Belgique, qui paie 2 p. c. d'intérêt, tandis que le caissier général ne bonifie aucun intérêt au Trésor.

On objectait cependant au ministre qu'il aurait mieux fait de réduire la dette flottante ou de diminuer de 5 millions les emprunts qu'on émettait précisément pour les travaux publics. En tout état de cause, ajoutait-on, vous auriez dû demander le consentement du Parlement avant d'apporter des modifications au contrat avec la Banque. Mais le ministre prétendait qu'il n'y avait pas de changement au contrat. Celui-ci est expiré, disait-il, puisque la Banque remboursait les 5 millions. Mais ces 5 millions, je les lui ai laissés en compte courant, ce qui est un acte purement administratif.

L’affaire souleva une vive polémique, tant au Parlement (Chambre, 7 et 8 septembre, 6 et 7 décembre 1842, Sénat, 23 septembre 1842) que dans la presse. La question se compliquait par le fait que le ministre des Finances, M. Smits, était directeur de la Banque de Belgique. Après son entrée au ministère, il n'avait pas démissionné et s'était contenté de se faire remplacer par un directeur ad interim. Il avait donc traité (page 226) comme ministre des finances avec un établissement dont il était directeur. On comprend que les partis se soient emparés de l'événement : la presse et les parlementaires approuvaient ou condamnaient le geste du ministre suivant qu'ils étaient partisans ou adversaires du cabinet (deux administrateurs de la Banque faisaient, en outre, partie du ministère).

La question revint sur le tapis l’année suivante et donna lieu encore une fois à de vives discussions (Chambre, 7, 8 et 13 décembre 1843). Le ministre des finances de l'époque. M. Mercier, fit savoir qu'il venait de demander à la Banque de rembourser ce dont elle était encore redevable au Trésor. Dans une lettre. rendue publique, adressée aux commissaires du gouvernement auprès de la Banque. celle-ci fit savoir que, en présence des influences qui s'agitent tous les ans autour de cette affaire, elle a cru qu'il était de la dignité de cet établissement de mettre sur-le-champ le capital entier à la disposition du ministre (Courrier belge, 10 décembre 1843).

Ce n'était là qu'une bravade. En réalité, le remboursement fut très lent et graduel. A la fin de 1846 encore, le ministre des finances faisait savoir à la Chambre que la Banque était toujours redevable envers le Trésor d'une somme de 1,846,000 francs (Chambre, 9 décembre 1846). Un million allait être remboursé, le reste le serait dans le courant de l'année. (Note de bas de page : Le solde final paraît avoir été effectivement remboursé en 1847. Dans le projet du budget des voies et moyens pour 1848, on ne trouve plus le poste : « Intérêts payés par la Banque au Trésor ».) Il montrait que des ménagements étaient encore nécessaires. tandis qu'en 1842-1843 on allait répétant que le remboursement pouvait se faire à tout instant.

Ces divers incidents montrent combien il est délicat pour un gouvernement d'avoir des rapports étroits avec un (page 227) établissement financier privé, et combien est fausse la situation d'un ministre dont certains actes, dans le domaine financier, ne se font pas au grand jour.


Il nous reste à examiner la situation de la Banque de Belgique, entre les crises de 1838 et de 1648, telle qu'elle ressort de ses bilans.

Avant la crise de 1838, les moyens d'action de la Banque de Belgique étaient fournis par son capital, les dépôts de ses clients en comptes courants et, dans une faible mesure, par l'émission de billets. Après la crise de 1838, la circulation des billets tomba à peu près à zéro et les trois quarts environ des dépôts en comptes courants furent retirés. De sorte qu'entre le 31 décembre 1838 et le 31 décembre 1839, le passif de la Banque se réduisit de 12 millions environ. La Banque fit face à ces remboursements en partie à l'aide de l’avance du gouvernement, en partie à l'aide de rentrées provenant de ses propres débiteurs. Elle parvint à obtenir le remboursement d'une partie de ses avances en comptes courants et de prêts sur titres. Ces rentrées ne se faisaient d'ailleurs que difficilement, et, la fin de 1840, elle dut même demander au gouvernement une nouvelle avance d'un million.

Quant au capital propre de la Banque, il se trouvait immobilisé pour longtemps. On peut même dire que son immobilisation s'accentua après la crise. En effet, avant la crise, l’actif de la Banque consistait surtout en avances en comptes courants et sur titres. Son portefeuille propre était relativement peu important. Après 1839, la Banque dut plusieurs fois augmenter sa participation dans certaines sociétés industrielles pour leur permettre de subsister. D’autre part, elle dut reprendre pour son compte les titres donnés en gage par des débiteurs devenus insolvables. C'est ainsi que son portefeuille-titres continua à gonfler pendant plusieurs années après la crise. (Note de bas de page : Il faut également mentionner le règlement intervenu, en 1845, avec les héritiers de Cockerill, par lequel la Banque acceptait la de transformation de sa créance sur Cockerill en un certain nombre d'actions de Société Cockerill, constituée en 1841) D’autre part, (page 228) la créance en compte courant sur plusieurs sociétés fut remplacée par des cédules hypothécaires. Il est vrai que la Banque essaya de placer ces cédules dans le public, mais elle n'y parvint pas. Il y eut donc, en somme, une série de virements dans l'actif de la Banque. La plus grande partie des postes : avances sur titres ou en comptes courants fut transformée peu à peu en portefeuille propre de la Banque et cédules hypothécaires. Le capital ancien resta donc immobilisé pendant toute la période étudiée ici. Mais elle remboursa ses dettes envers les tiers, datant d'avant la crise, et même, peu à peu, elle se libéra de sa dette envers le gouvernement. Quant son capital nouveau, émission 1841, et aux ressources provenant de nouveaux dépôts et de l'émission de billets, qui reprit lentement depuis 1841 toutes ces ressources nouvelles furent placées exclusivement à court terme. D'autre part, son ancienne caisse d'épargne fut liquidée et remplacée par une nouvelle dont les statuts contenaient des mesures de précaution contre les demandes brusques de remboursement. Aussi lorsque éclata la crise de 1848, la Banque de Belgique supporta plus facilement le choc que la Société Générale.

5. La Banque de Flandre

Pour terminer l’étude du marché financier belge entre les crises de 1838 et de 1848, nous examinerons rapidement la situation des banques provinciales.

C'est pendant cette période que se place la création d'une banque spéciale destinée à fournir du crédit aux Flandres. La « Banque de Flandre ou Gantoise » fut (page 229) créée par un groupe de financiers anglais que nous avons rencontré déjà dans le cours de notre étude. C'est ce même groupe qui, en 1838, projeta de créer la Banque Anglo-Belge qui, en 1840, voulut participer à l'augmentation du capital de la Banque de Belgique et qui, après ces deux échecs, finit par obtenir l’autorisation nécessaire pour créer une banque à Gand. Ce groupe se composait de MM. Goldsmid, rentier à Londres, comme le qualifiaient les documents officiels, devenu le président de la banque ; Gillan, avocat parlementaire ; Skrine et Harris. banquiers. L

La création de cette banque fut approuvée par toute la presse, bien qu'au début quelques appréhensions se soient manifestées par suite de la nationalité de ses fondateurs. Ces appréhensions paraissent avoir été de courte durée.

La Banque de Flandre était conçue avant tout comme banque d’émission et de crédit à court terme, destinée à répandre le crédit dans les Flandres, dont les industries les plus importantes passaient par une période très difficile. Les statuts lui interdisaient formellement de (page 230) prendre part aucune opération industrielle ou commerciale. Elle ne pouvait se livrer qu'aux opérations, réception de dépôts, émission de billets de banque etc.

La Banque fut créée par un acte du 13 août 1841, au capital de 10 millions, représenté par dix mille actions de 1,000 francs. Elle pouvait commencer ses opérations dès que la moitié du capital serait souscrite, ce qui fut fait immédiatement par les quatre personnalités anglaises dont nous avons cité les noms.

L’approbation royale fut accordée par arrêté du 28 du même mois. La Banque n'ouvrit cependant ses guichets que le 1er juin 1842.

Des rapports de collaboration s'établirent dès ce moment entre la Banque de Flandre et la Société Générale, ce qui valut à celle-ci les félicitations de la presse. Nous ne sommes pas bien renseignés sur la nature de cette collaboration. On disait à l'époque que le vieil établissement bruxellois avait promis de rembourser à vue les billets de la jeune banque gantoise et de lui réescompter une partie de son portefeuille. Il est cependant difficile d'établir s'il y a eu une entente formelle entre les deux établissements. (page 231) Nous ignorons également dans quelle mesure leur collaboration fut régulière.

La Société Générale manifesta publiquement son patronage de la banque gantoise en ouvrant, le 9 mai 1842, une souscription pour mille de ses actions, qui, paraît-il, obtint un grand succès. Dans la suite. la grande banque de la capitale prêta plus ou moins régulièrement son appui à la Banque de Flandre.

Les affaires de celle-ci ne se développèrent que très lentement. L'émission des billets, sur laquelle on comptait beaucoup, resta dans des limites tout à fait étroites. Son chiffre le plus élevé, atteint en 1845-1846, fut de1I million 400,000 francs. En 1847, par suite d'une panique parmi les porteurs. elle tomba aux environs de 600,000 francs. D'autre part, le capital effectivement versé n'atteignit, à la fin de 1847, que 3,171,400 francs. Enfin. les ressources obtenues par les dépôts et l'émission d'obligations ne dépassèrent jamais 2 millions. Pendant la période décennale ici étudiée, les moyens d'action de la Banque ne dépassèrent donc pas 5 à 6 millions.

Cependant, les opérations actives de la Banque paraissent avoir pris une extension plus importante que ne le ferait supposer la modicité de ses ressources. C'est ainsi qu'en 1846 le total de ses escomptes s'est élevé à 44 millions. en chiffres ronds. En supposant une durée (page 231) moyenne des effets escomptés de trois mois, ceci impliquerait une somme d'environ 10 millions engagée dans ces opérations. Comme la Banque ne disposait pas de pareilles ressources. il faut donc admettre qu'elle réescomptait régulièrement une grande partie de son portefeuille auprès de la Société Générale.

L’escompte fut la principale opération de la banque gantoise. Elle fit, en outre, quelques avances en comptes courants, garanties par marchandises ou même par hypothèques. Ces avances lui infligèrent des pertes assez sensibles. Malheureusement, la Banque ne put se développer normalement que pendant environ trois années. Dès 1845, et surtout à partir de 1846, elle commença à se ressentir de la crise agricole et commerciale, particulièrement grave dans les Flandres. Cette crise provoqua des désastres dans sa clientèle et lui infligea des pertes. En 1847, elle fut victime d'une panique parmi les porteurs de billets et la crise 1848 ne fit naturellement qu'aggraver sa situation

6. Autres banques provinciales

Les autres banques provinciales ne retiendront pas longtemps notre attention.

La Banque Liégeoise, qui paraissait devoir devenir la banque d'émission des provinces orientales de la Belgique. eut, en réalité. une orientation toute différente. Comme nous l'avons indiqué, la circulation de ses billets fut peu à près nulle. D'autre part, si son capital nominal s'élevait à 4 millions, son capital versé ne dépassa pas 692,200 francs.

Les ressources provenaient donc exclusivement des dépôts en comptes courants, des dépôts à la caisse d'épargne et d'émission d'obligations. Les ressources ainsi obtenues par la Banque augmentaient graduellement et (page 233) atteignirent. durant les dernières années avant la crise de 1848, une quinzaine de millions environ.

Mais la particularité essentielle de la Banque consistait dans ses placements. Ses statuts lui interdisaient les opérations d'escompte. De sorte que ses placements comprenaient principalement les avances en compte courant et les prêts sur hypothèques.

L'activité de la Banque fut critiquée à maintes reprises par l'Indépendant. La Banque Liégeoise, écrivait-il, n'a plus d'une banque que le nom : elle en est venue successivement à n'être plus qu'une caisse de prêts et de consignation. au lieu d’être un établissement d'escompte et de circulation. Le journal estimait, le 7 avril 1842, que, par la nature de ses opérations, la Banque rendait peu de services à l'industrie et au commerce et lui reprochait, notamment, de négliger l’émission des billets. « Qu'est-ce, disait-il, qu'une banque qui cesse l'émission des billets au porteur ! Une pareille mesure s'éloigne du but de l'institution et a, de plus, ce fâcheux effet de rendre presque impossible la diminution (page 234) du taux de l'intérêt ; parce que n opérant qu'avec des capitaux réels, elle doit les tenir cher, puisque ses bénéfices ne peuvent plus résulter que de la différence du taux qu'elle paie elle-même et de celui qu'elle fait payer. C'est à l'aide d'une large circulation que les banques de France et d Angleterre peuvent abaisser le taux des escomptes, premier et très important avantage dont nos commerçants et nos industriels sont privés. »

Le journal revint à plusieurs fois sur ces critiques. Il reprochait, en outre, à la Banque de placer en prêts, difficilement réalisables, des ressources qui provenaient de dépôts à vue ou à court terme. Mais la Banque restait prudente et, grâce à la confiance de sa clientèle, elle n'eut pas de difficultés avant 1848, date où toutes les banques se trouvèrent dans l'embarras.


Il nous reste à dire quelques mots au sujet des banques anversoises, sur lesquelles nous sommes très mal renseignés.

En dehors de quelques maisons de banque privées, dont certaines très importantes, Anvers possédait : une succursale de la Société Générale ; la Banque Commerciale, créée en 1837, et la Banque de l'Industrie, fondée en 1838. On ne possède aucun renseignement sur l'importance des opérations de la première, dont est sortie la Banque d’Anvers actuelle et qui alors déjà portait ce nom. Nos renseignements concernant les deux autres sont également très rudimentaires).

La Banque Commerciale fut créée au capital de 25 millions de francs, chiffre très élevé pour l’époque. Mais elle pouvait commencer ses opérations dès que 5 millions (page 235) étaient souscrits. Le capital versé fut probablement inférieur encore. Les statuts lui permettaient toutes les opérations de banque, y compris l’émission de billets et les participations industrielles. En fait, elle ne paraît pas avoir émis de billets, et ses ressources provinrent surtout de dépôts en comptes courants. Elle paraît cependant avoir fait peu d'escompte et s'être livrée surtout aux opérations financières, sur lesquelles nous ne sommes pas renseignés.

Lors de la crise de 1848, elle fut victime d'un run et dut entrer en liquidation (cf. infra).

La destinée de la Banque de l'Industrie (d'Anvers) ne fut guère plus brillante. Elle fut créée, en 1838, au capital de 10 millions, dont 5 millions souscrits. Le capital versé resta inférieur à ce chiffre. Son but principal était de favoriser les exportations non seulement par les opérations bancaires qui s'y rattachent, mais encore en faisant même des expéditions pour le compte de tiers. Subsidiairement, elle pouvait aussi favoriser le commerce local par des avances sur marchandises. Elle paraît s'être occupée beaucoup d'expédition de marchandises. L’escompte ne paraît pas avoir été négligé complètement.

Il s'agit donc d'une institution très intéressante. se distinguant assez bien des autres banques créées à la même époque. En somme, on peut y voir un précurseur des (page 236) banques spéciales pour le commerce extérieur Malheureusement, en dehors des quelques explications que nous venons de donner, nous n'avons aucun renseignement sur son activité. Ce que nous savons encore, c'est que toutes ses opérations furent loin d'être heureuses. Elle paraît avoir subi des pertes, surtout par la crise de l'industrie textile. Le 6 avril 1846, rassemblée générale décida sa liquidation .

(Note de bas de page : D'autres institutions, visant le développement du commerce extérieur, nées vers la même époque, doivent être mentionnées. La Société de Commerce de Bruxelles (la filiale de la Société Générale). créée en 1835, devait s'occuper non seulement d'affaires de banque en général, mais encore favoriser tout spécialement le commerce extérieur. Elle paraît même avoir expédié, elle aussi., quelques navires vers les pays d'outre-mer. Mais, en fait, comme nous le savons, elle s'occupa surtout d'affaires industrielles.

(La Société Nationale pour les Entreprises Industrielles. l'autre grande filiale de la Société Générale. paraît avoir également fait quelques expéditions vers les pays d'outre-mer. Mais, elle aussi. s'est abonnée dans la suite exclusivement aux opérations financières.

(La Société de Commerce de Bruges, créée en 1837, également sous le patronage de la Société Générale. devait s’occuper avant tout d'affaires d'exportation et d'importation. Il en était de même de la Société de Commerce d'Anvers, créée en 1838. Il est bien regrettable que nous n’ayons aucun renseignement sur l’activité de ces deux dernières.

(Pour atténuer la crise industrielle. qui frappait particulièrement l’industrie linière, le gouvernement proposa, à la fin de 1846. la création d'une société d'exportation dont le capital de 15 millions devait être fourni par les actionnaires auxquels le gouvernement garantirait un intérêt minimum de 5 p. c. (projet Deschamps. 24 décembre 1846 ; rapport Desmaisières. 17 mars 1847). Le projet n'eut cependant aucune suite. Fin de la note.)