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Congrès national de
Belgique
Séance du mardi 11 janvier
1831
Sommaire
1) Communications des pièces
adressées au congrès
2) Communication diplomatique
portant sur les intentions de
3) Proposition visant à procéder
sans délai dans les sections à l’examen du choix du chef de l’Etat (proposition
Constantin Rodenbach) (Blargnies, Werbrouck-Pieters, Seron, Lardinois, Jottrand, de Baillet, Delwarde, Rogier, de Liedel de Well, Lebeau, de Leuze, Davignon, Claus)
(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles,
Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 2)
(page 80) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)
Les tribunes
sont remplies de spectateurs. On y remarque un grand nombre de dames.
La séance
est ouverte à midi et demi. (P. V.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire donne lecture du procès-verbal ; il
est adopté. (P. V.)
COMMUNICATION DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M. Thorn, envoyé par le gouvernement provisoire en mission
extraordinaire dans le grand-duché de Luxembourg, demande un congé de vingt
jours. (U. B., 13 janv.)
- Ce congé est accordé. (P. V.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, présente l'analyse des pétitions
suivantes :
M. Barnique réclame le payement de son traitement de légionnaire.
M.
Carret-Cornoy présente des observations concernant la loi sur le sel.
M.
Waxveiler demande que le temps des humanités soit réduit de sept années à
quatre.
Cinquante-quatre
habitants d'Élouges demandent la réunion à
Cent
dix-huit habitants de Mons font la même demande.
M.
Durant demande que les bourgmestres soient nommés par le chef de l'État.
Cent
quarante et un habitants de Dour demandent la réunion à
Un
grand nombre d'habitants de Montigny et de Jemmapes font la même demande.
M. Wodon
réclame contre la réunion à une puissance étrangère quelconque, et demande que
nous hâtions notre choix.
Les
associés de M. Drion déclarent ne pas partager ses opinions sur les lois qui
régissent les mines.
Des
habitants de Mignault, demandent qu'ou leur accorde une indemnité, à cause de
la grêle qui a ravagé leur commune. (U. B., 13 janv. et P. V.)
- Ces
pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
M.
Toussaint fait hommage au congrès du portrait du duc de Leuchtenberg.
- Dépôt à
la bibliothèque. (P. V.)
COMMUNICATION
DIPLOMATIQUE PORTANT SUR LES INTENTIONS DE
M.
le président – M. de Celles a la parole pour communiquer au congrès les pièces reçues
par le comité diplomatique. (Attention marquée.) (J. F., 13 janv.)
(page 81) M. le comte de Celles,
vice-président du comité diplomatique, monte à la tribune – Messieurs, la
section centrale nommée par vous pour s'occuper de la question relative au
choix du souverain, a désiré connaître les intentions de la cour de France, et
savoir si le choix du duc de Leuchtenberg, pour roi de
« A
M. le comte de
Celles, vice-président du comité des relations extérieures.
« Paris, le 9 janvier 1831, 11 heures
1/2 du soir.
« Monsieur
le comte,
« Ce
soir à quatre heures votre dépêche du
« La
question belge, à ce qu'il m'a dit à son retour, y a été longuement et mûrement
discutée ; de sorte que les dernières déterminations du cabinet français et
l'expression de ses vues, de ses pensées, de ses désirs, relativement à nos
affaires, sont toutes récentes et ne datent encore que de quelques heures.
« Après
que j'eus donné connaissance à M. Sébastiani du contenu de votre dépêche et de
la note qui y était jointe relativement au duc de Leuchtenberg, le ministre me
répondit : « que de toutes les combinaisons, la plus fâcheuse et la plus
fatale, peut-être, était celle qui concernait le duc de Leuchtenberg ; que le
gouvernement français ne pouvait bien certainement ni l'appuyer ni l'approuver
; que jamais il ne consentirait à le reconnaître pour chef des Belges, et qu'on
pouvait regarder comme une chose à peu près certaine que le cabinet anglais
serait dans les mêmes dispositions que
« Comme
j'insistais en faisant observer que par le choix du duc de Leuchtenberg, on
avait quelque espérance de rallier les opinions si divergentes du congrès, et
d'arriver à un résultat prompt et définitif qui sans cela pourrait être très
éloigné, ce qui livrerait le pays à des dissensions et à une anarchie
déplorable, M. Sébastiani me répondit : « Je verrais avec une véritable
douleur que votre pays ne conservât pas jusqu'au bout ce calme et cette union
qui ont rendu votre révolution si belle. Le congrès et la nation belge sont
assurément libres de faire tel choix qui leur convient pour le prince qu'ils
appelleront à les gouverner. Mais s'ils font un choix que
« Je
crus alors devoir demander à M. Sébastiani si cette résolution était
irrévocable relativement au duc de Leuchtenberg, et si ses paroles avaient un
caractère officiel, qui me permît de les rapporter. « Oui sans doute,
reprit-il, et vous allez en juger. » Alors faisant appeler son secrétaire, il
lui dicta, pour M. Bresson, une lettre que j'expédie avec cette dépêche, et
dans laquelle les intentions du gouvernement français, relativement à un projet
de réunion à
« J'ai
cru, monsieur le comte, que, dans une affaire si importante et qui intéresse à
un si haut degré l'avenir et le bonheur de
« Le
roi, plus que qui que ce soit au monde, me dit-il, désire de voir
« Je
crois, monsieur le comte, pouvoir répondre de l'exactitude des paroles que je
vous rapporte ; elles m'ont assez frappé et je les écoutais avec trop
d'attention, pour que ma mémoire ne me les rappelât pas telles que je les ai
entendues.
« La
même personne de qui je tiens ces détails m'a appris aussi qu'hier, au
Palais-Royal, lorsque le duc d'Orléans, s'approchant du duc de Nemours, vint
lui dire qu'il avait obtenu un grand nombre de voix dans les sections du
congrès national, le duc répliqua vivement, et d'une voix assez haute pour être
entendu de tous : que, dans le cas où le congrès pourrait jeter les yeux sur
lui et le proclamer roi, il ne croirait pas devoir accepter une couronne si
difficile à porter ; que rien au monde ne pourrait le décider à accepter une si
grande responsabilité ; qu'une telle charge était au-dessus de ses forces.
« Tel
est, monsieur le comte, le résultat de ce que j'ai recueilli dans cette soirée
sur les dispositions personnelles du roi et sur celles de son ministère ; je
m'empresse de vous les faire connaître, supposant que ma lettre vous arrivant
avant la discussion de mardi prochain, pourra vous être de quelque utilité.
« Recevez,
monsieur le comte, l'expression de mon respect et de mes sentiments les plus
distingués.
« M.
FIRMIN ROGIER. »
M.
Bresson, l'un des agents du congrès de Londres, près le gouvernement provisoire
de
« A M. le comte de Celles, vice-président du comité diplomatique.
« Bruxelles, 11 janvier 1831.
« Monsieur
le comte,
« Ayant
appris, il y a quelques jours, qu'une partie du congrès pensait à porter ses vues
sur M. le duc de Leuchtenberg, pour souverain de
« J'ajouterai,
monsieur le comte, que S. M. ayant, à plusieurs reprises, manifesté l'intention
de ne consentir ni à la réunion de
« Je
vous prie, monsieur le comte, de ne voir dans cette communication qu'un nouveau
témoignage de l'intérêt si vrai que le roi et son gouvernement portent à la
cause de
« Agréez,
monsieur le comte, les nouvelles assurances de ma haute considération.
« BRESSON.
»
- M. le
comte de Celles descend de la tribune. (U. B., 13 janv. et A. C.)
M. le président – Je demande la permission de faire
observer que c'est par erreur que M. le vice-président du comité diplomatique a
dit que la section centrale avait désiré qu'un courrier fût envoyé à Paris.
C'est M. Lebeau qui l'a demandé. (U. B., 13 janv.)
M. Lebeau – J'allais demander la parole pour expliquer
ce qui s'est passé, messieurs, lorsque la section centrale s'est réunie pour
faire le dépouillement des procès-verbaux envoyés par les sections, sur la
question relative au choix du souverain. On ne s'est pas borné à examiner les
diverses questions qui avaient été soulevées dans les sections ; la conférence
s'est encore engagée sur les différentes combinaisons politiques qui pouvaient
résulter de tel ou tel choix. Je témoignai mon étonnement de ce que, pour le
choix que pourrait faire le congrès du duc de Leuchtenberg, nous étions réduits
à une communication officieuse de M. Bresson, dans laquelle, à la vérité,
Je dois dire que ce n'est pas la section centrale qui demanda
l'envoi du courrier : c'est moi qui désirai être éclairé sur la question, sans
préjudice de soutenir les conclusions de la section centrale, si la réponse de
la cour de France ne m'avait pas paru assez claire. (U. B., 13 janv.)
M.
de Robaulx demande l'impression des pièces communiquées. (E., 13 janv.)
- Le
congrès en ordonne l'impression et la distribution. (P. V.)
M. De Lehaye – Je me permettrai
d'adresser une question à M. le comte de Celles. Je lui demanderai si, avant la
lettre qui vient de nous être lue, le cabinet français ne s'était pas prononcé
contre le duc de Leuchtenberg. (U. B., 13 janv.)
M. le comte de Celles, vice-président du comité
diplomatique – Il n'y avait eu aucune communication officielle. (U. B., 13 janv.)
M.
Alexandre Gendebien – Messieurs, après les communications faites précédemment au
congrès national, et après la lecture qu'il vient d'entendre de la lettre de M.
Firmin Rogier, je crois pouvoir me dispenser d'entrer dans de longs détails sur
ce qui s'est passé à Paris touchant la question qui occupe le congrès. Je ne me
permettrai donc que peu de mots, et sur la lettre qu'on vient de lire, et sur
les interpellations adressées à M. le vice-président du comité diplomatique.
Étant à
Paris, je reçus, par des lettres non officielles, l'invitation de sonder le
gouvernement français sur le choix du duc de Leuchtenberg ; je pris des
informations non seulement auprès de M. le comte Sébastiani, mais encore auprès
de M. le maréchal Gérard, le même dont parle M. Rogier dans sa lettre (je crois
pouvoir le nommer sans indiscrétion), et il résulta de ces informations la
certitude et la conviction la plus complète pour moi, que la réponse du
gouvernement français serait telle que vous venez de l'entendre. Non content
d'avoir pris l'avis de M. le ministre des affaires étrangères, et de M. le
maréchal Gérard, que l'on peut croire avoir souvent la pensée (page 84) du roi, j'ai consulté
plusieurs autres personnes qui toutes me répondirent que le choix du duc de
Leuchtenberg serait vu avec la plus grande peine par le gouvernement et par S.
M. Louis-Philippe. Voilà, messieurs, ce que j'avais à dire relativement au duc
de Leuchtenberg, et je voudrais pouvoir faire passer dans votre âme la
conviction où je suis qu'il faut que le congrès renonce à ce choix, quelque
satisfaisant qu'il pût paraître sous le rapport de la personne du prince.
Je me
permettrai maintenant, sans entrer dans de grands détails, de dire quelques
mots non seulement sur ma dernière mission, mais encore sur les autres missions
que j'ai eu à remplir à Paris. Je crois nécessaire d'en dire quelque chose pour
faire cesser les conjectures hasardées à ce sujet. Je serai court.
Vous
savez, messieurs, que ce fut le lundi 27 septembre que l'armée hollandaise
évacua Bruxelles. Le gouvernement provisoire à peine rassemblé, il fut reconnu
que si la lutte ne se prolongeait qu'entre
A cette
époque il ne fut pas possible de conclure l'alliance proposée ; mais le
gouvernement français me donna l'assurance qu'il ne souffrirait pas qu'aucune
puissance intervînt dans nos affaires.
Revenu à
Bruxelles le 10 octobre, je reçus, dès le 16 du même mois, une seconde mission
qui avait pour but de m'assurer si
J'étais
chargé en même temps de savoir (comme le congrès était sur le point de se réunir)
si le choix qu'il pourrait faire du duc de Nemours pour roi de
Ma
troisième mission avait pour but la même demande du fils de S. M.
Louis-Philippe pour roi des Belges ; je vous ai déjà dit la certitude que j'ai
acquise.
J'étais
chargé aussi de demander protection au gouvernement français pour notre
commerce, et d'ouvrir des négociations pour obtenir un traité de commerce
avantageux. J'ai eu l'assurance des ministres du roi et du roi lui-même, que
Voilà,
messieurs, quels ont été et le but et le résultat de mes trois missions à
Paris. (U. B., 13 janv.)
M. le baron Osy
– Nous savons, par la
lettre qui vient d'être lue, que
M.
Alexandre Gendebien – Il me serait impossible de répondre à cette question, qui
rentre dans les attributions du comité diplomatique. Je peux dire que je n’ait
reçu aucune mission à cet égard ; j'ajouterai seulement que j'ai été chargé, en
dernier lieu, de demander officiellement à M. Sébastiani si le prince Othon de
Bavière serait agréé par
M.
le président – La discussion est ouverte sur les conclusions prises par la section
centrale, relativement à la proposition de M. Constantin Rodenbach. (Elle a été faite dans la séance du 3
janvier, voyez page 13).
concernant
le choix du chef de l'État ; la parole est à M. Blargnies. (U. B., 13 janv.)
M.
Blargnies – Messieurs, je ne me dissimule pas (page 85) combien il est extraordinaire de nous voir discuter
paisiblement sur le chef que nous devons nous donner, aujourd'hui que l'Europe
est ébranlée jusque dans ses fondements, et que la guerre est imminente,
inévitable, aujourd'hui que l'intégrité de notre territoire nous est disputée,
que l'Escaut nous est fermé, que l'ennemi occupe Anvers et Maestricht, et que
notre constitution n'est pas terminée.
Je partage
cependant l'avis de la section centrale, et je pense que la nation doit envoyer
quelques-uns de ses représentants à Paris et à Londres, pour y traiter de tout
ce qui est relatif au choix du chef de l'État ; notre politique me semble
exiger cette démarche.
Je
voudrais, messieurs, que nos envoyés eussent mission d'offrir à Louis-Philippe
le trône de
J'ai
l'intime conviction que les meilleurs patriotes et les citoyens les plus
raisonnables sont ceux qui veulent le roi Louis-Philippe pour chef de notre
État.
L'homme
ne peut détruire ce. qu'a fait la nature.
La
nature a voulu que
Le peuple
belge, en se donnant pour chef le roi Louis-Philippe, contracte en même temps
alliance avec le peuple français ; ce double avantage est immense ; il est
impossible de le rencontrer dans le souverain d'un autre État ou dans tout
autre prince étranger.
En
choisissant le prince Othon de Bavière,
La famille
d'Orléans est une famille populaire ; il est fort douteux que l'on puisse en
dire autant de la maison de Bavière.
Le prince
de Bavière ne procurera même pas le débouché de
Othon de
Bavière est mineur ; il ne peut accepter notre constitution que dans trois ans
; sous lui, nous devons, au début d'un régime nouveau, subir tous les inconvénients
d'une régence ; le provisoire dont on se plaint tant, se perpétue pour la
satisfaction peut-être d'un parti menaçant.
Il n'est
que deux modes d'existence pour
En voulant
rester neutre,
Si nous
voulons plaire aux puissances du Nord et à l'Angleterre, quel que soit le
prince que nous appelions, il devra favoriser leur système contre
Quelle que
soit, au contraire, la combinaison politique à laquelle nous nous arrêtions, si
nous nous écartons de la politique des puissances du Nord et de l'Angleterre,
si
La guerre
est inévitable, s'écrie-t-on, si
Et qui
donc ferait avec succès la guerre à
Dans la
position où nous nous trouvons, nous devons marcher droit au but et sans détour
; nous trouverons dans une alliance intime avec
De son
côté
Tâchons
donc d'obtenir Louis-Philippe pour chef de notre nouvel État, c'est le seul
moyen qui nous reste d'éviter de devenir département français ; nous
satisferons aussi par là à ce qu'a droit d'attendre de nous l'héroïque ville de
Bruxelles, cette noble cité qui devait tant perdre au changement de régime
politique et qui cependant n'a reculé devant aucun sacrifice ; nous lui
assurons le séjour de la cour du représentant du roi des Français.
J'estime
en conséquence qu'il est du devoir du congrès national d'envoyer deux de Ses
membres au roi Louis-Philippe, pour lui offrir au nom de la nation la couronne
de
Si notre
indépendance a été reconnue, si elle n'est pas plus un vain mot que le principe
de non-intervention adopté à notre égard, si l'intérêt de notre patrie nous
commande d'en agir ainsi ; si Louis-Philippe et
M. Werbrouck-Pieters
– Messieurs, les
peuples sont rassasiés de beaux discours, de phrases sonores, mais ambiguës,
mais diplomatiques, si je puis m'exprimer ainsi ; ce sont des faits, des
réalités qu'il leur faut ; c'est surtout la vérité qu'ils veulent entendre.
Ce serait,
messieurs, une grave erreur de notre part que de nous dissimuler les
inquiétudes que doivent nous inspirer et l'état politique de l'Europe et la
conduite que tient à notre égard le gouvernement hollandais, je dirai même que
tiennent quelques grandes puissances de l'Europe. Prenons-y garde, messieurs,
si nous ne voulons devenir le second volume de notre révolution patriotique de
1789 ; révolution que ceux de mon âge ont vue, et que les autres connaissent,
sans doute, par l'histoire de leur pays. Alors, aussi, les Belges étaient
victorieux, et, à l'exception d'une partie du Luxembourg et du pays de Liége,
toute
L'histoire
nous a tracé cet événement mémorable en ces termes : « Le congrès exerçait
néanmoins la souveraineté précaire avec d'autant plus d'assurance qu'il se
voyait appuyé en apparence par le peuple, et qu'il se croyait protégé parles
puissances étrangères.
« C'était
cependant dans ce moment que les ministres de Prusse, d'Angleterre et de
Les temps
et les hommes ne sont plus les mêmes, je le sais, mais tant que nous ne serons
pas reconnus d'une manière positive et sans restriction aucune ou avec des
conditions sur lesquelles nous serons d'accord et que nous aurons acceptées,
tant que nous ne serons pas épaulés par une alliance forte et avouée, nous ne
pouvons nous laisser aller à une dangereuse quiétude.
Notre
révolution tient à des causes occultes autant qu'à des causes évidentes. Il ne
faut perdre de vue ni les unes ni les autres ; c'est là que nous devons puiser
notre opinion sur les mesures que nous avons à prendre pour terminer et
conduire à bon port notre glorieuse révolution. Nous ne pouvons nous
dissimuler non plus que notre révolution est à la fois la suite et la conséquence
de celle de France qui a ébranlé jusque dans ses fondements l'alliance qu'on
s'est plu d'appeler sainte et à laquelle les peuples pourraient donner tout
autre nom. Ceux qui l'ont faite, cette alliance, feront tout ce qui dépendra
d'eux pour la réédifier. De là les démonstrations hostiles de leur part que
l'attitude seule des peuples arrête, et peut arrêter encore. Les membres de
cette alliance n'ignorent pas que ce qu'a dit autrefois Mirabeau est devenu
aujourd'hui aussi une réalité. C'est que tous les peuples qui veulent être
libres, forment entre eux comme une société d'assurance contre les tyrans et
les oppresseurs de leurs droits et de leur liberté. Mais des circonstances
imprévues, le résultat des événements qui se passent en ce moment en Pologne,
le succès momentané peut-être du despotisme sur la liberté, l'entêtement de
quelques ministres furibonds peuvent faire changer ces démonstrations en faits,
et amener ainsi une conflagration qui embraserait l'Europe entière ; en ce
cas, le seul parti que
Cependant,
messieurs, je ne me dissimule pas plus qu'aucun autre membre de cette
assemblée, combien nos affaires politiques se compliquent et deviennent chaque
jour de plus en plus critiques, combien enfin il devient urgent de faire cesser
notre état provisoire, en appelant au timon de l'État un chef capable de le
tenir d'une main ferme et résolue.
D'une part
on nous insinue que
Quoi qu'il
en soit, pour ce qui me concerne, je refuserai toujours la voix à un mineur
quel qu'il soit, parce qu'un pareil choix ne peut avoir à mon avis d'autre
résultat que de perpétuer sous un autre nom le provisoire dont la nation veut
sortir, et encore parce qu'une minorité conduite par une régence ou un régent
placerait
Et moi
aussi, messieurs, je pense, comme le dit un honorable membre du comité
diplomatique, que nous avons besoin avant tout de notre indépendance, et que
nous ne pouvons, quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse, nous affranchir de
l'influence que les puissances étrangères ont jusqu'à un certain point le droit
d'exercer sur nous dans le choix du chef de l'État. Je ne vois pas même comment
nous pourrions faire à cet égard une exception à la loi politique générale à
l'Europe. Je pense, de plus, que, comme toute autre de ces puissances, nous
avons à remplir des devoirs envers l'Europe, que de gré ou de force nous
devrons nous y soumettre.
Les cinq
grandes puissances, dit-on, ont reconnu notre indépendance, c'est possible, et
je l'espère, mais n'ont-elles pas mis quelques conditions à cette
reconnaissance ? Et quelles sont-elles ? Voilà ce que nous ignorons et ce que
nous devons savoir pertinemment avant de procéder contre, car pour moi qui, il est
vrai, ne suis pas diplomate ; je ne consulte, en lisant un protocole ou une communication
qu'on peut ou qu'on veut bien nous faire connaître, que le texte, et, sans
finesse ni arrière-pensée, j'interroge mon gros bon sens pour savoir ce qu'il
veut dire. Or, ce gros bon sens me (page
88) dit que je ne dois voir dans le protocole du 20 décembre qu'une seule
chose de bien positive, c'est (ce sont les termes du protocole) « que les
plénipotentiaires se sont réunis dans le but de remédier aux dérangements que
les troubles survenus en Belgique ont apportés dans le système établi par les
traités de 1814 et 1815. » Et nous connaissons tous ce système, et nous savons
ce qu'il nous a valu. C'est encore ce que « les événements des quatre derniers
mois ont malheureusement démontré, que l'amalgame parfait et complet que les
puissances voulaient opérer entre nous et les Hollandais, n'ayant pas été
obtenu, il est impossible désormais de l'effectuer, et qu'ainsi notre union est
détruite et qu'il devient indispensable de recourir à d'autres arrangements
pour accomplir (et remarquez bien, messieurs, ces mots) les intentions à
l'exécution desquelles cette union devait servir de moyen. » Si vous
connaissiez le protocole du 17 novembre, vous pourriez peut-être vous expliquer
tant soit peu cet ambigu. Toutefois, si je comprends bien tout ceci, cela veut
dire, je pense, que les puissances jusqu'ores ne reconnaissent notre indépendance
que comme un fait, et à la reconnaissance définitive de laquelle elles mettent,
dès à présent, des conditions fondées et sur le système des traités de 1814 et
1815, et sur notre part des devoirs européens que nous avons à remplir, et
enfin, des obligations que les traités ont fait contracter envers les autres
puissances, par le royaume des Pays-Bas, dont
Je dis
donc que nous devons être d'autant plus circonspects aujourd'hui dans le choix
d'un chef que le protocole du 20 décembre dernier et la réponse faite par
notre comité diplomatique nous placent, quant à la question de savoir si nous
aurons la paix ou la guerre, dans une position jusqu'à présent assez
incertaine. Et en effet, messieurs, s'il était vrai, comme on nous l'a assuré
plus d'une fois, que notre indépendance fût reconnue sans restriction, sans
condition aucune, pourquoi ne pas admettre nos envoyés aux délibérations
comme parties intégrantes et non comme seulement appelés et admis pour être
consultés et entendus sur tout ce qui pourra faciliter quoi ? l'adoption
définitive des arrangements qui rapprocheront le plus du système de 1814 et
1815.
Je ne
pousserai pas plus loin mes observations sur le protocole du 20 décembre, ni
sur toutes les communications diplomatiques qui nous ont été faites soit
officieusement, soit seulement depuis que le congrès existe. J'y reviendrai
peut-être une autre fois. De ce que j'ai dit résulte toutefois pour moi la
conséquence que je ne puis faire le choix d'un chef avant que toute cette
diplomatie soit éclaircie, avant que je sache d'une manière pertinente quelles
sont les intentions que les puissances veulent exécuter à notre égard, avant
que j'aie la certitude que le chef que je nommerai saura inspirer assez de
confiance à l'Europe pour pouvoir espérer pour mon pays du bonheur et de la
stabilité. Jusque-là je me dirai : Dans le doute, abstiens-toi ; et je
m'abstiendrai. Un député qui connaît son mandat ne doit, à mon avis, dans une
circonstance comme celle-ci, dont dépend aussi la guerre et la paix, que
dis-je, le sort de la patrie, consulter que sa conviction, et je ne l'écouterais
pas si je me laissais aller à ces empressements qu'on demande de toutes parts
pour nommer un chef avant de pouvoir le faire en toute connaissance de cause.
Je dirai
plus, messieurs, lorsque je jette les yeux sur la marche de la diplomatie eu
général, quant à nos affaires, je ne puis me livrer à une sécurité bien grande.
Je ne parlerai point de nos intérêts matériels, de notre industrie, de notre
commerce ; on pourrait me taxer d'appartenir à cette classe d'hommes à qui on
semble attribuer à tout propos toutes les agitations dont on a tant parlé dans
une autre circonstance. Non, messieurs, ce n'est point le commerce qui alarme
les esprits, inquiète les citoyens, agite le peuple ; le commerce ne sait que
trop bien que ses regrets d'avoir tout perdu par notre révolution sont inutiles
; il est convaincu que son sort ne peut s'améliorer par de nouvelles
révolutions, il sait que jeter ses regards en arrière ne servirait à rien, et
que le retour, quoi qu'il arrive, vers le précédent ordre de choses, est
impossible. La révolution est faite, la séparation d'avec
La guerre,
peut-être aurions-nous mieux fait de la poursuivre vigoureusement, que de consentir
à une suspension d'armes sur laquelle j'ai dit mon opinion dans une autre
circonstance ; quoi qu'il en soit, on a préféré la voie des négociations
diplomatiques, et lorsque des hommes, en qui nous avons placé notre confiance,
l'ont ainsi jugé utile ou nécessaire, ce n'est pas moi qui, jugeant par le résultat,
me permettrai de les blâmer ; il n'y a pour moi ni générosité, ni même
politique à le faire. Je dis donc que ce qu'a fait le gouvernement provisoire,
je dois croire et je crois jusqu'à preuve contraire qu'il l'a fait comme il a
cru devoir le faire pour remplir son mandat. Ainsi, messieurs, sans blâme comme
sans passion, je voterai pour les conclusions de notre section, centrale parce
que je suis intimement convaincu que, nous sommes arrivés à un tel point, que
nous ne pouvons assez tôt être instruits officiellement et pertinemment des
véritables intentions des puissances étrangères tant relativement à notre
indépendance qu'à l'égard du chef que nous avons à appeler à la tête de notre
gouvernement ; parce que d'ailleurs je pense que des membres choisis parmi nous
et par nous, munis de nos instructions, inspireront une plus grande confiance
aux puissances étrangères ; parce qu'enfin la nation verra par là que nous ne
voulons décider sur des points dont dépend tout son avenir, qu'en parfaite
connaissance de cause, et que nous ne nous laissons entraîner, ni par des
clameurs, ni par des influences, qui souvent, sous les dehors d'un grand et vif
patriotisme, cherchent à nous éloigner d'une véritable indépendance, en nous
plaçant dans la position équivoque d'un gouvernement, qui ne conviendra qu'à
une faible minorité de
Messieurs,
je vous ai parlé raison et non pas diplomatie ; car j'ai eu l'honneur de vous
le dire je ne suis pas diplomate. Seulement je vous dirai, que si j'étais
employé en cette qualité même par un roi, je ne saurais me résoudre à l'appeler
mon maître. Celui qui pourrait lâcher ce mot, a dit Mirabeau, est né et mourra
dans la peau d'un esclave. Mais, roi ou congrès, en écrivant à l'autorité qui
m'aurait donné sa confiance, je l'assurerais de mon profond respect et non de
ma haute considération, ce qui est la formule d'un supérieur à son subordonné.
Vous ne verrez, j'espère, messieurs, aucune personnalité dans cette réflexion,
car toute personnalité sera toujours loin de ma pensée, je l'ai faite seulement
dans l'ordre des convenances. (C., supp. au 13 janv.)
M. Seron –
Messieurs, je n'abuserai pas de votre patience, je vais au fait.
Quand
Dans la
lutte de la liberté contre la tyrannie, (page
90) notre sort est tellement lié au sort de
En un mot
; messieurs, bien que nous ayons proclamé solennellement notre indépendance
nationale, il est de fait que nous dépendons de
Que de
motifs pour faire avec cette nation (et le plus tôt possible), je ne dis pas
seulement sur traité de commerce avantageux aux deux peuples, mais encore un
traité d'alliance offensive et défensive !
Pour
arriver à ce but, il faut entretenir les sentiments de sympathie et d'amitié
qui déjà nom unissent. Je n'examinerai pas si nous devons nous réunir à
Cette
démarche ne saurait être trop solennelle ; je ne dis rien de ce qu'a fait
jusqu'à présent notre diplomatie, si ce n'est que je n'ai rien vu d'officiel de
la part du gouvernement français dans les lettres qu'on nous, a lues ; mais je
dis que, dans une question aussi importante, il est bon que le congrès soit
lui-même l'organe de la nation.
Tout en
reconnaissant l'urgence de la nomination, je crois qu'on ne saurait y apporter
trop de maturité. Cette opération est si grave, elle tient si éminemment au
sort futur du pays, que si on voulait la précipiter, je déclare, dès ce moment,
que je ne pourrais en conscience prendre part à la délibération.
Cette
urgence, au reste, est loin d'être justifiée par les conspirations dont
certaines personnes veulent nous faire peur, et qui ressemblent à celle s dont
Bonaparte parlait au conseil des Cinq-Cents, à Saint-Cloud, le 18 brumaire an
VIII, sans que Bonaparte pût dire en quoi elle consistait, ni citer un seul
conspirateur ; je me trompe : il aurait pu se nommer. (U. B., 13 janv.)
M. Lardinois – Messieurs, nous sommes
appelés à discuter le rapport de la section centrale relatif à la proposition
de notre honorable collègue, M. Constantin Rodenbach.
Cette
proposition avait pour objet de procéder sans délai à la nomination du chef de
l'État.
La
section centrale, pénétrant tout le danger qui résulterait évidemment d'une
pareille précipitation, a reculé devant les conséquences de cette ardeur et
propose sagement de marcher aux investigations, de vous environner de lumières,
afin d'apporter toute la maturité qui doit présider à une circonstance aussi
solennelle.
Je vous
demanderai, messieurs, un peu d'attention ; j'abuse rarement de votre
patience, et si aujourd'hui je prends la parole, c'est pour user, avec une
franchise républicaine, des derniers moments de liberté qu'un nouveau maître
ou des gouvernants ombrageux peuvent nous enlever.
Peu de
jours nous séparent du temps où nous faisions partie du royaume des Pays-Bas.
Nous étions mécontents de notre situation politique qui était peu tolérable.
Sous le rapport commercial, nous n'avions pas à nous plaindre, si nous comparons
sans prévention l'état de notre industrie et de notre commerce à celui des
autres nations.
Bientôt
notre constitution sera achevée. Elle assurera l'égalité des droits, la liberté
civile, politique et religieuse. Elle fera la part de tous les intérêts, même
ceux de l'oisiveté.
Nous étions
gouvernés par un roi qui nous fut imposé, qui avait été poursuivi par le
malheur et à qui l'adversité ne pouvait rien apprendre, tant son cœur était
endurci et inflexible.
L'administration
du gouvernement déchu était arbitraire et partiale ; nous étions pour ainsi
dire livrés au pillage hollandais. Ses actes portaient le timbre de
l'esclavage, et si on ne l'avait pas arrêté dans sa frénésie, il aurait bientôt
posé en principe (page 91) le
despotisme. Cette conduite du roi Guillaume, qui faisait une guerre impie aux
libertés publiques, préparait une révolution ; il en fut différentes fois
averti par l'exposé de nos griefs ; mais il fut sourd à nos réclamations et
aima mieux mettre son trône en péril que de nous rendre justice ; et son trône
s'est écroulé en Belgique.
Une
émeute, le bris ou l'incendie de quelques meubles à Bruxelles furent l'occasion
d'une révolution. Liége et Verviers se soulevèrent, et bien que les
industriels fussent persuadés que la perte de
Le flux
révolutionnaire apporta des hommes nouveaux au timon des affaires ; sans
expérience, mais purs d'intention, leurs actes nombreux attestent qu'ils
connurent leur position et qu'ils visaient à faire le bien du pays. Jusqu'à
présent j'ai cru que leur unique ambition était la reconnaissance publique ;
je voudrais les louer ; mais je m'arrête ; il faut attendre le dénouement du
drame pour juger les acteurs et les actions.
Le
gouvernement provisoire fit un appel à la nation et nous fûmes réunis en
congrès national. Notre tâche n'est pas facile et elle est peut-être au-dessus
de nos forces ; c'est peu d'avoir brisé nos fers, il faut reconstruire
l'édifice de la société sur des bases durables. Nos premiers pas, quoique
lents, n'ont pas été dépourvus d'énergie ; l'histoire enregistrera notre
déclaration d'indépendance, l'exclusion des Nassau du trône de
Telle est
la situation inévitable des petits États, ils demandent la médiation des
grandes puissances et ils en sont asservis sous les dehors des bons offices de
l'amitié ; et si nous exceptons une ou deux de ces puissances qui sont
intéressées à notre conservation, les autres voudraient bien nous traiter comme
Saturne traitait ses enfants.
La nation
a besoin de repos, le provisoire qui pèse sur elle depuis quatre mois
l'inquiète. Les passions encore émues s'agitent ; on pétitionne vigoureusement,
quelques mouvements populaires ont même eu lieu. Des rapports sur ces diverses
circonstances ont été faits au gouvernement provisoire, et il a cru devoir
faire participer sa frayeur au congrès. Cette panique, messieurs, ne doit pas
vous alarmer, et surtout vous déterminer à prendre des résolutions qui
pourraient précipiter l'État dans l'anarchie. Je conçois que des négociants de
Gand et d'Anvers, poussés par le désespoir et la misère, et signant leurs
pétitions assis sur les ruines de leur commerce et de leurs manufactures,
demandent le prince d'Orange pour roi, croyant sincèrement que c'est le remède
à leurs maux. Il n'en est pas ainsi dans d'autres localités, qui souffrent
peut-être plus cruellement encore dans leur existence matérielle. Là sont de
nombreuses populations agglomérées ; un peuple d'ouvriers se trouve sans
travail et menacerait la tranquillité publique, si ceux qui ont tout sacrifié
n'appliquaient leur dernier sou en actes de bienfaisance, et n'empêchaient par
leur influence les excès de la misère du peuple. C'est ainsi que se comportent
les industriels. Et cependant nous voyons l'évêque de Liége qui lance contre
eux une diatribe déguisée sous le nom de mandement : ne l'oubliez pas,
messieurs !
On a parlé
qu'il existait dans cette assemblée des partis : je n'en vois pas encore ; je
ne remarque que des dissidences d'opinion. Je me plais à croire que le congrès
est composé de l'élite de la nation, qu'il est plein de lumières, d'intentions
pures et de vues de bien public. Mais ce n'est pas comprendre son mandat que de
qualifier de mauvais patriotes les signataires de certaines pétitions. (page 92) N'abusons pas des mots,
messieurs, ne calomnions pas les intentions ; nous pourrions fomenter les
dissensions en irritant ceux qui ne veulent et cherchent que l'ordre et la
félicité publique.
Je ne me rends
pas encore compte des raisons qui ont pu engager le gouvernement provisoire
réclamer l'urgence pour la nomination du chef de l'État. Ce n'est pas le danger
de l'anarchie, car ce danger est un fantôme pour le moment. Ce n'est pas le
désir de sortir du provisoire, car on vous propose pire encore, une régence
sous un petit Othon que
Le congrès
national doit s'élever à la hauteur de sa mission et se placer en dehors des
intérêts personnels. Le choix du chef de l'État doit clore ou perpétuer encore
longtemps notre révolution Ce choix apprendra au commerce et à l'industrie dans
quels intérêts la révolution a été faite et s'ils doivent n'en retirer que ruines
et calamités. Alors les yeux se dessilleront et on fera la part à qui de droit
de la malédiction ou de la reconnaissance publique.
Une vérité
triviale, mais qui ne peut être trop répétée, est que l'agriculture, le
commerce et les manufactures sont les principales sources de la prospérité
publique. Vous ne devez donc jamais les perdre de vue ; consultez leurs vœux et
leurs besoins avant de précipiter le choix du chef de l'État. Ce n'est pas le
moment de plaider à cette tribune une question aussi vitale. Mon opinion vous
est connue, j'abonde dans l'idée d'une réunion à
Pour
éclairer cet état de choses et débrouiller le chaos de notre diplomatie
naissante, nommons, messieurs, des commissaires pour aller à Paris et à
Londres, pour aller s'instruire de ce que nous avons à faire pour concilier les
prétentions des puissances avec le vœu et les avantages que nous devons
chercher à procurer à notre pays, par la nomination du souverain de
Ces
commissaires émaneraient du congrès et correspondraient directement avec le
gouvernement provisoire, à qui nous devons maintenir toute considération. La
publicité est de l'essence des gouvernements constitutionnels, mais il est des
mesures à garder et il ne faut pas confondre les temps et les lieux. Notre
position politique nous commande une grande réserve de discrétion et de
circonspection, surtout en matières diplomatiques.
Messieurs,
pour que vos importants travaux et votre zèle produisent tout le bien qu'on
doit en attendre, il faut que la confiance et l'harmonie règnent parmi nous.
Consultons tous les intérêts, faisons-nous mutuellement quelques sacrifices,
que l'intérêt public nous rallie, et en unissant nos efforts nous ferons le
bien de la patrie. (C., supp. au 13 janv.)
M.
Jottrand – Messieurs, en venant à cette tribune appuyer les conclusions de la
section centrale pour l'envoi de commissaires spéciaux à Londres et Paris,
j'exposerai, à l'exemple des préopinants, mes opinions comme membre de cette
assemblée sur ce qui doit ou ne doit pas rentrer dans la mission de ces
commissaires.
Différent en ce point, et en ce point surtout,
de manière de voir avec l'honorable M. Blargnies, je déclare d'abord que les
commissaires du congrès ne me semblent pas pouvoir être chargés d'offrir le
trône de
Le député
de Mons a fait remarquer que notre diplomatie n'avait encore hasardé aucune
démarche en ce sens, et que par conséquent aucune réponse n'avait pu être faite
touchant l'acceptation ou le refus d'une pareille offre. Mais si nous voulons
nous en rapporter à ce que nous avons appris par la diplomatie, le refus de
Louis-Philippe ne doit-il pas se présumer des réponses que l'on dit nous avoir
été données quand il s'est agi de proposer le trône au duc de Nemours ? A cette
dernière proposition, le roi de France objecte la foi promise à ses alliés, la
renonciation que
Si donc
nous nous en référons à ce que la diplomatie (page 93) nous a appris des dispositions du roi des Français, la
démarche que propose l'honorable M. Blargnies serait au moins inutile.
Mais
est-ce bien là, messieurs, la seule question à examiner pour se déterminer sur
1'adoption ou le rejet de la démarche ? je ne le pense pas.
L'honorable
député de Mons a beaucoup parlé de notre position géographique et de notre esprit
national, qui, selon lui, rendent indispensable tôt ou tard notre réunion à
Cependant
tout le monde ne pense pas comme lui, et pour ma part j'oppose ici ma
conviction à la sienne. Je suis convaincu que ni notre position géographique ni
notre esprit national ne tendent à amener notre réunion à
Lors des
guerres de la réforme et lorsque
Après les
victoires du roi Louis XIV, et lorsque
Nous
pouvons faire la même question à propos : de ce qui se passa sous Louis XV.
Puis reste à expliquer seulement la possession vicennale sous
Cette
possession est le seul souvenir qu'attestent avec complaisance ceux qui
prétendent que
Laissons
ces rêves de l'ambition et rappelons-nous qu'en
Ce sont
ces guerres de peuples toujours excitées en Europe chaque fois que
Heureusement
encore il n'en est pas ainsi. Ce n'était pas malgré lui que le peuple belge
était gouverné par l'Espagne, au temps d'Albert et d'Isabelle. Ce n'était pas
malgré lui qu'il était gouverné' par Marie-Thérèse. Et c'est peut-être le meilleur
argument à opposer à tous ceux qui prétendent si bien connaître notre tendance
vers
Non,
messieurs, les Belges ne souffrent pas de leur séparation de
Ces deux
révolutions bien observées, loin de prouver la conformité d'esprit et de
caractère entre les Belges et les Français, prouvent à la dernière (page 94) évidence les différences
profondes qui existent entre les deux nations.
En 1789,
les Français font leur révolution contre le clergé et la noblesse.
La même
année, les Belges, à tort ou à raison, ce n'est pas ce que j'examine ici, font
une révolution pour soutenir leur clergé et leur aristocratie.
En 1830,
les Français chassent leur roi Charles X, pour la raison principale qu'il
favorise trop le clergé et les nobles.
La même
année, à un mois de distance, les Belges chassent leur roi protestant ; et les
nobles et les prêtres ne sont pas ceux qui prennent la part la moins active à
cette nouvelle révolution.
Certes,
messieurs, et vous le croirez assurément de ma bouche, je ne prétends pas que
notre révolution ait été exclusivement aristocratique et cléricale. La
liberté pour tous en a été, en est encore le symbole. Mais ne résulte-t-il pas
suffisamment des simples rapprochements qui viennent d'être faits qu'il existe
au fond de la nation belge des besoins, des intérêts moraux qui ne sont pas
tout à fait les mêmes qu'en France.
Il est
temps d'aborder la question des intérêts matériels que plusieurs font sonner
très haut, sans que dans ce siècle positif aucun homme raisonnable puisse
songer à y trouver quelque chose à redire.
Nous
recevons de deux provinces de
Je ne
m'arrêterai pas à cette différence, et j'admettrai volontiers que les
forgerons du Hainaut et les fabricants de drap de la province de Liége,
demandent également la réunion de notre pays à
Si les
fabricants de Verviers obtenaient dès demain notre réunion à
Mais
supposons que le calme soit revenu ; combien de temps Verviers profitera-t-il
des avantages de la réunion ? Combien de temps ses produits de meilleure qualité
et à meilleur marché que les produits français de même espèce seront-ils sans
concurrence sur les marchés de
Cependant
en s'attachant à
La fabrication
du fer profiterait peut-être davantage et plus longtemps de notre réunion à
Je ne
dirai rien des pertes que feraient à la réunion de
On nous a
parlé d'une autre combinaison, l'élection du prince Othon, second fils du roi
de Bavière, jeune homme de quinze ans et demi, qui épouserait plus tard une
fille de Louis-Philippe, et régnerait sous une régence jusqu'à sa majorité.
La
combinaison ne me paraît pas heureuse pour un pays qui, comme le nôtre, a
besoin de sortir du provisoire et de se constituer fortement au milieu des
embarras où il se trouve encore.
Une
régence est toujours faible ; plus elle sera courte, plus cette faiblesse se
fera remarquer. Quel homme d'État un peu ambitieux voudra attacher son sort,
soit comme ministre, soit comme diplomate, à un régent dont l'autorité sera de
courte durée ? Dans les circonstances où nous sommes, avec une guerre à finir
en Hollande, n'avons-nous pas besoin d'un chef qui plaise et impose à l'armée
? Un enfant ne saurait être un général.
Ces
considérations sommaires seraient, si l'on voulait, susceptibles de beaucoup de
développements.
On nous
allègue l'intérêt que promettent de porter au jeune prince Othon le roi
Louis-Philippe et son cabinet. Je ne veux susciter aucune défiance, mais dans
la position où se trouve
Si par
délicatesse il nous est interdit d'examiner cette question, je pense qu'il
serait bon d'en déférer l'examen à l'Angleterre et à
Pour
On prétend
que le duc de Leuchtenberg servirait de point de ralliement au parti
bonapartiste en France. S'il y a encore un parti bonapartiste en France, il
faut qu'il soit bien fort pour n'avoir besoin que du duc de Leuchtenberg en
Belgique pour faire avantageusement la guerre à la popularité si justement
acquise de la famille d'Orléans.
Et si le
parti bonapartiste est si fort, un moyen bien simple de l'attacher au char de
Louis-Philippe lui-même, serait d'aborder franchement cette question du duc de
Leuchtenberg. Le roi des Français, en lui donnant une de ses filles, trancherait
cette question entièrement à son avantage.
Mais j'ai
entendu dans les lettres qui nous ont été lues à cette tribune l'expression
affectée de fils de Beauharnais. Je ne puis croire que cette affectation
cache un vieux et gothique préjugé. Le roi des Français sait trop bien où le
siècle en est aujourd'hui, et sa position particulière nous répond de sa
manière de voir à cet égard. Je pense donc qu'une discussion toute franche,
toute loyale avec le cabinet français peut amener encore d'autres résultats
que ceux qui nous sont connus jusqu'aujourd'hui dans cette question du duc de
Leuchtenberg, Et puis le cabinet français n'est pas le seul à consulter. Sous
ce point de vue encore, les commissaires du congrès à Paris et à Londres ne
doivent point partir sans instructions sur le duc de Leuchtenberg.
A défaut
de cette candidature, je ne pense pas que l'intérêt de
J'adopte
les conclusions de la section centrale, sauf qu'il me paraîtrait plus
convenable d'envoyer les mêmes commissaires à Londres et à Paris. (C., supp.,
13 janv.)
M.
le comte de Baillet – Messieurs, vous sentez tous la gravité de la question qui
nous occupe aujourd'hui, et quelle immense responsabilité nous allons assumer
sur nos têtes aux yeux de nos contemporains et de la postérité. N'avoir en vue
que les intérêts de la patrie, éviter de marcher au hasard en faisant un choix
qui doit décider de son avenir, prendre des renseignements sur les princes
étrangers qui pourraient assurer la paix de l'Europe, l'indépendance de
Je
voterai pour les conclusions de la section centrale. (C., supp., 13 janv.)
M. Delwarde
pense que le projet de la section centrale est vicieux, en ce qu'en nommant
une commission spéciale au sein du congrès, pour correspondre avec les envoyés
à Londres et à Paris, ce serait donner à certains membres de l'assemblée une
prépondérance nuisible là où il doit y avoir égalité parfaite. Passant au fond
de la question, l'orateur s'embarrasse peu du refus fait par le gouvernement
français d'un prince de la famille royale pour roi des Belges. Ce ne sont ni
les ministres ni le roi qui décideraient, la question, si le congrès élisait le
duc de Nemours ; ce seraient et la chambre des députés et la chambre des
pairs, et celles-ci céderaient aux vœux de la nation française qui demande ou
la réunion, ou un prince français pour
M.
Charles Rogier – Messieurs, des divers orateurs entendus jusqu'ici, les uns veulent
des combinaisons reconnues impossibles, d'autres combattent celles qui se
présentent, sans en indiquer de nouvelles ; aucun ne montre un but précis vers
lequel puisse se diriger le choix du congrès.
Du milieu
des opinions divergentes, il surgit cependant un fait incontestable, c'est
notre vive et presque unanime sympathie pour
Eh bien !
que nous conseille-t-elle ? Non pas la réunion, ni le duc de Nemours, ni le duc
de Leuchtenberg. « Je veux votre indépendance, dit-elle, votre bien-être
; ils sont associés à mon bien-être, à mon indépendance ; mais je ne veux pas
la guerre, parce que je la crois contraire à notre repos et à notre
liberté. » Pas de réunion ; pas de prince français : ceci se dit et se
répète à la tribune, dans le cabinet ; officieusement, officiellement.
On n'en
tient compte. « Proclamons, s'écrie-t-on, Philippe, roi des Français et
des Belges ; mille avantages en naîtront pour nous. Nous aurons notre
indépendance et notre prospérité assurées ; Bruxelles redeviendra florissante,
etc. » Cela est magnifique, et si cela se pouvait, je serais le premier à
crier : Vive Philippe ! Mais si le roi de France refuse la couronne pour son
fils, est-ce par hasard afin de la garder pour lui-même ? A la bonne heure.
Allez donc vous en informer près de lui ; envoyez des commissaires, qu'ils
aillent entendre de sa bouche ce que déjà il vous a fait répondre : « Je ne
peux pas, je ne veux pas, parce que je ne veux pas la guerre générale. »
On le sait
bien aussi chez nous, que la guerre générale suivrait presque infailliblement
la réunion directe ou indirecte de
Pour tous
ceux qui, depuis huit jours, ont ouvert les yeux à la clarté diplomatique, il
est évident que
Mais une
régence devient nécessaire avec cette combinaison. Et l'on craint les
faiblesses d'une régence dans un État qui sort à peine d'une révolution. Mais
avec une constitution telle que vous venez de la faire, avec des institutions
toutes républicaines, le personnel du pouvoir exécutif devient chose assez
indifférente, et l'État ne sera pas perdu, parce qu'il n'aura pas à sa
tête un monarque qui sache, comme on dit, monter à cheval. La régence puiserait
sa force dans la monarchie naissante, et la monarchie naissante s'appuiera à
son tour sur une popularité indigène. Cela, je le veux bien, ne vaudrait pas un
pouvoir fort et définitif dès son principe ; mais cela serait quelque chose de
plus que cette autorité purement provisoire et bourgeoise, trop peu amie
d'elle-même quoi qu'on en dise ou pense, pour chercher à fortifier ou à se
continuer.
Il faut
donc que le congrès laisse là les lenteurs et se décide. J'ai été des premiers
à provoquer l'urgence de la discussion sur le choix du chef de l'État. J'ai dit
que les partis commençaient à diviser le pays, et que la situation devenait
critique. Il est possible que ceux qui, placés à la sommité du pouvoir,
reçoivent chaque jour et de divers côtés des rapports parfois peu rassurants,
s’exagèrent à eux-mêmes les dangers ; je le veux croire ; mais enfin, pour
qui ne ferme pas les yeux à la lumière du jour, n'est-il pas évident que ces
divers partis mettent à profit nos lenteurs et que la prolongation du
provisoire ajoute chaque jour à leur force et à leurs espérances ?
Il faut en
finir. Envoyer des commissaires à Paris est chose inutile, puisque vous
connaissez, à n'en pas douter, la réponse et les vœux de
Il faut en
finir. Ce n'est pas quinze jours ou un mois qui nous avanceront beaucoup. Nous
sommes très incertains des avantages d'un délai, tandis que les inconvénients
en sont avoués par les plus soupçonneux, par les plus intrépides scrutateurs
des arrière-pensées.
Et puisque
j'en suis venu là, je ne finirai pas sans dire ma pensée tout entière. Si le
congrès ne voyait dans la démarche de ceux qui se pressent que le fait de
quelques ambitions avides de se maintenir au pouvoir futur, il lui serait
facile de déjouer leurs intrigues : qu'en même temps qu'il décrète une
monarchie avec une régence, il déclare exclus de la régence les membres du gouvernement
précédent. Ce sera, je vous l'affirme, leur rendre un plus grand service qu'on ne
pense, et leur donner la meilleure marque de reconnaissance qu'ils puissent
être en droit d'espérer. (U. B., 13 janv.)
M. le baron de Liedel de Well –
Messieurs, la nation belge, fatiguée du provisoire, soupire après un ordre de
choses stable et permanent.
Malgré les
talents des patriotes distingués qui dirigent les affaires, les effets
désastreux de ce provisoire se font sentir partout : un cri de détresse
générale s'élève de toutes parts.
Nos cités
manufacturières et industrielles, naguère l'orgueil de
Privé
de tous ses débouchés, entravé de toutes parts, le commerce, jadis si
florissant dans nos contrées, languit, et succombera bientôt à l'inaction
forcée à laquelle il est réduit ; le mouvement est sa vie.
Il n'est
pas étonnant, messieurs, que tant de maux réels, et ceux qu'on prévoit devoir
en être nécessairement la suite encore, affectent profondément la nation,
l'effrayent, et lui fassent désirer avec une vive impatience le moment qui,
mettant fin à cet état provisoire, incertain, soit pour elle l'annonce d'un
état de choses stable et permanent, et rouvre enfin toutes ces sources de
prospérité, enfants de la paix et de la confiance.
Il est
donc reconnu, messieurs, que le vœu général, fortement exprimé, est que le
provisoire cesse, que le choix du chef de l'État y mette fin.
Mais
il est bien reconnu aussi que si malheureusement ce choix ne faisait que
prolonger le provisoire, source de tant de maux, nous ne (page 99) répondrions en aucune manière aux vœux de nos mandataires,
à leurs besoins réels.
Or, je
vous le demande, messieurs, ferons-nous cesser ce provisoire en déférant la
couronne de
Et qu'on
ne dise pas qu'une régence ne peut pas être considérée comme un état
provisoire, que c'est un gouvernement définitivement organisé, et qui en offre
tous les avantages.
Il serait
peut-être possible, messieurs, de défendre cette thèse en théorie ; mais quant
à la pratique, l'expérience de tous les siècles nous a appris que les
régences, même établies au sein de la paix la plus profonde, sont les temps
orageux des monarchies ; qu'elles alimentent les jalousies, les dissensions des
grandes familles, et excitent l'ambition et les cabales de tous ceux qui se
croient des prétentions bien ou mal fondées au pouvoir.
L'État, déchiré
par des querelles intestines, ne prête aucune force au gouvernement pour maintenir
son autorité au dedans, pour se faire respecter au dehors.
Si tels
sont déjà les inconvénients des régences dans les temps ordinaires, où un
gouvernement tout organisé, un peuple habitué à un ordre de choses établi
depuis des siècles, des relations amicales avec les voisins, promettent une
paix profonde, combien ne doit-on pas redouter davantage ces mêmes
inconvénients dans les temps difficiles où nous vivons, où les orages des
révolutions nous agitent et grondent autour de nous, où les nations cherchent
avec inquiétude à réaliser de nouvelles formes de gouvernement, où nous avons
nous-mêmes enfanté une constitution, qui n'a pas encore de modèle dans les
fastes des peuples, assemblage nouveau de principes républicains avec des
formes monarchiques !
Ce serait
une folie, messieurs, de disconvenir que, dans ces circonstances, nous avons
essentiellement besoin non d'un roi enfant, non de l'autorité précaire et
chancelante d'une régence mal affermie, mais de toute l'énergie d'un monarque
qui sache se faire obéir, donner une impulsion heureuse à toute cette machine
de fabrique nouvelle, et fortifier, par son activité, par sa prudence , ce
pouvoir central, que notre trop grande défiance, j'ose le dire, messieurs, a
créé si faible, si peu capable de protéger ces mêmes institutions libérales que
l'Europe nous enviera, si l'anarchie le les détruit pas.
Je ne puis
me persuader, je ne puis me convaincre, que parmi tant de maisons souveraines
qui peuplent l'Europe, on n'ait pu trouver à offrir à notre choix qu'un prince
qui nous menace du plus grand des maux, d'une longue minorité. Je supprime
l'énoncé des réflexions pénibles que cette idée fait naître en moi, mais je
dirai que si les démarches et les recherches de nos hommes d'État n'ont pu nous
procurer que ce triste résultat, il vaut mieux différer encore notre choix et
ne pas chercher à réparer nos maux en les éternisant. (U. B., 13 janv.)
M. Lebeau – Messieurs, je viens appuyer les
conclusions de la section centrale, et je dirai à l'un des préopinants qui a
pensé que ce serait compromettre la dignité nationale que d'insister auprès
du gouvernement français, après les refus dont on nous a donné connaissance,
que l'on peut déléguer des commissaires à Londres et à Paris, et leur conférer
des pouvoirs et des instructions tels qu'ils ne puissent blesser ni
l'indépendance ni la dignité du congrès national. Ces commissaires ne seront,
en effet, chargés de conclure aucun traité définitif, mais seulement de
provoquer des éclaircissements sur telle ou telle combinaison indiquée, pour
éclairer à leur tour le congrès national sur ce qu'il convient de faire.
J'appuie donc, sous ce rapport, la proposition de la section centrale.
Maintenant,
messieurs, qu'il me soit permis de dire un mot des instructions à donner aux
commissaires. Quelques-uns des préopinants en ont parlé à tort, selon moi ;
car cette discussion, en séance publique, dans laquelle on a jeté une grande
quantité de noms propres, me semble prématurée, et je n'y aurais pas apporté
le tribut de mes faibles lumières, si elle n'avait pas déjà été soulevée. Eh
bien, venant aux commissaires à envoyer à Londres et à Paris, je ne pense pas
qu'il faille leur donner des instructions, soit pour offrir la couronne à un
prince français, soit pour obtenir l'agrément de la cour de France pour le duc
de Leuchtenberg.
Un des
honorables préopinants a démontré, avec conscience et talent, les avantages de
la réunion de
Si ce
projet de réunion ne me paraissait pas impraticable, j'y adhérerais avec
enthousiasme, bien assuré que nous ne pourrions avoir de meilleur moyen de
terminer notre glorieuse révolution. Mais, lorsque je vois que les résolutions
de la (page 100) France sont
contraires à la réunion et à l'élection du duc de Nemours, et que les
déclarations des ministres à cet égard sont si formelles ; lorsque je vois le
roi lui-même prendre part à ces déclarations, lorsque ces déclarations sont
répétées à la tribune et à la face de l'Europe, je ne pense pas qu'il faille
insister ; la réunion est impossible. Et remarquez, messieurs, que ce n'est pas
tel ou tel membre du cabinet français qui le déclare, c'est le conseil en
masse, le conseil dans lequel sont représentées toutes les opinions de l'armée,
de l'industrie et du commerce. Je pense donc qu'il serait inutile et même
inconvenant de faire interroger
Si les
hostilités commençaient, l'Angleterre pourrait faire à l'instant un mal
incalculable aux intérêts matériels de
Les
ministres du roi de France, dit-on, et le roi lui-même, ne sont pas les seuls à
consulter dans la position où nous nous trouvons. Il est un pouvoir au-dessus
d'eux pour décider la question : ce sont les chambres. Elles décideraient
en notre faveur, car telle est l'opinion de
Messieurs,
on juge fort mal de l'opinion de
Dès que la question de la réunion serait
agitée dans la législature, vous verriez les intérêts des marchands de draps et
des forgerons, plaidés à la tribune avec talent et avec succès.
J'ai
entendu avec étonnement un député du Hainaut dire que, sans la réunion à
Je me
résume sur ce point, et je dis que les instructions de nos commissaires ne peuvent
porter ni sur la fusion pure et simple, sur la fusion sous le gouvernement de
S. M. Louis-Philippe, ni sur le duc de Nemours : mais je n'en pense pas moins
que nous devons déléguer des envoyés à Londres et à Paris. Il est bon qu'ils
aillent protester à Londres et à Paris de la profonde répugnance que nous
éprouvons pour un prince mineur. Dans les temps ordinaires je n'en voudrais
pas ; à plus forte raison quand nous sortons à peine d'une révolution, quand
notre gouvernement est sans force morale, et qu'une guerre contre
Il y a
encore une autre question importante à traiter : je n'ai pas perdu le souvenir
qu'il avait été question de nous donner pour roi un prince de Saxe, en
réunissant à
Je veux
aussi qu'ils soient autorisés à poser encore la question du duc de
Leuchtenberg, à Londres et à Paris. Si la répugnance de
M.
le baron de Leuze – Messieurs, le prince qui nous convient le mieux, c'est
l'archiduc Charles d'Autriche. (On rit.) Ce prince nous convient, parce
qu'il est le plus grand prince de la terre ; il en est même le plus grand
guerrier, car Napoléon n'est plus. (On rit encore.) Qu'il vienne donc se
mettre à la tête de nos braves, il les conduira à la victoire ; il verra
qu'ils n'ont pas dégénéré des Belges de César. Il prendrait à l'instant les
rênes de l'État et ne les laisserait pas entre les mains d'une régence. Ce
prince n'est pas, comme on le dit, le descendant des despotes ; lisez l'histoire
de
M. Davignon
– Ce ne sont pas, comme
on a dit, quelques habitants qui demandent la réunion à
M.
Claus – On
a dit que la réunion à
- Il
y a encore plusieurs orateurs inscrits. (U. B., 13 janv.)
Il
est quatre heures et demie ; la séance est levée. (P. V.)