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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 15 mars 1848
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions
relatives à la loi sur la contrainte par corps (Castiau)
et à certaines propositions de réformes politiques (Delfosse)
2) Projet de loi relatif aux irrigations (Lejeune)
3) Projet de loi portant réorganisation des
monts-de-piété.
a) Ressources financières versées par les communes et
les bureaux de bienfaisance (d’Anethan, de Haussy, d’Anethan, Loos)
b) Utilisation des bénéfices (de
Haussy), bâtiments mis à disposition
(Dedecker), diminution du taux des intérêts dus (de La Coste), bâtiments mis à disposition (d’Anethan, Delfosse, Dedecker, Delfosse, T’Kint de Naeyer, de La Coste, Lebeau, Dedecker, Bruneau, Dedecker), diminution du
taux des intérêts dus (de Haussy, Loos,
de La Coste)
c) Prêts gratuits au bénéfice des pauvres (T’Kint de Naeyer, de Bonne, Dedecker, Lebeau, Malou,
Lebeau, de Haussy, d’Anethan, Tielemans, Dedecker, Bruneau, Rousselle, de Haussy, Malou, de Bonne)
d) Dispositions pénales relatives aux pratiques du
prêt sur gage, notamment par le personnel (Tielemans,
de Garcia, d’Anethan, de Garcia, de Haussy, Tielemans, de Garcia, Raikem, Tielemans, Raikem, de Haussy, Vanden Eynde, d’Anethan, Malou, de Haussy, d’Anethan, de Garcia, Tielemans, de Garcia, de Haussy, Raikem)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1059) M. de Villegas fait l'appel nominal à 2 heures et un quart et lit
le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée. Il
présente ensuite l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Plusieurs habitants de Bruxelles demandent la
révision de la loi sur la contrainte par corps. »
- Sur la proposition de M. Castiau, renvoi à la commission des
pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
________________
« Le sieur Timmermans, décoré de la croix de Fer,
réclame l'intervention de la chambre pour faire régler sa pension et en obtenir
les arriérés. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________
« Le sieur
Wagner, ancien brigadier forestier, réclame l'intervention de la chambre pour
être réintégré dans ses fonctions ou pour être nommé à un emploi équivalent. »
Même renvoi.
________________
« Le sieur
Lefebvre, médecin vétérinaire, demande une indemnité qui puisse le mettre à
même d'extirper l'épizootie dans les Flandres. »
- Même renvoi.
________________
« Plusieurs habitants
du canton de Neufchateau demandent la réduction des traitements des
fonctionnaires publics et des ministres du culte et celle de l'armée. »
- Même renvoi.
________________
« Le sieur
Serault demande que la réparation civile pour délit de presse ne puisse être
poursuivie qu'après la déclaration de culpabilité prononcée par le jury. »
- Même renvoi.
« Les sieurs
Martelmans et Hannau, maîtres cordiers à Anvers, prient la chambre de statuer
sur la demande des négociants, armateurs et maîtres cordiers de cette ville,
tendant à obtenir une diminution des droits d'entrée sur les chanvres. »
- Renvoi à la commission d'industrie.
Il est fait hommage à la chambre, par M. H. Havard,
d'un exemplaire du premier cahier des Eléments du droit public et administratif
en Belgique. »
- Dépôt à la bibliothèque.
________________
M. Delfosse (pour une motion d’ordre). - Messieurs, l'honorable M. Castiau et
l'honorable M. Delehaye ont demandé hier un prompt rapport sur les pétitions de
Louvain et de Gand réclamant des réformes dans l'ordre politique et dans
l'ordre matériel. La chambre a accueilli cette proposition. La même décision
devrait être prise pour toutes les pétitions de même nature, et entre autres
pour la pétition du conseil communal de Liège.
- La chambre décide que la commission est invitée à
faire un prompt rapport sur toutes les pétitions de même nature.
PROJET DE LOI RELATIF AUX IRRIGATIONS
M. Lejeune. -
J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur les amendements
présentés par le gouvernement au projet de loi sur les irrigations.
- Il est donné acte à M. le rapporteur du dépôt de
ce supplément de rapport. Il sera imprimé et distribué.
PROJET DE LOI PORTANT REORGANISATION DES MONTS-DE-PIETE
Discussion des articles
Chapitre IV. – Dotations. Emploi des bénéfices
et intérêts
Articles 10 et 16
M. le président. - La discussion continue sur les articles 10 et
16.
Outre les amendements qui ont été imprimés et
distribués, M. d'Anethan vient d’en
déposer deux nouveaux. Il propose de rédiger l'article 10 comme suit :
« A défaut de fondations, donations ou legs, les
administrations publiques de bienfaisance continueront à fournir dans la mesure
de leurs ressources et aux conditions les plus favorables, les fonds
nécessaires aux opérations des monts-de-piété.
« En cas de contestation, le conseil communal
déterminera, sous l’approbation de la députation permanente du conseil
provincial, la quotité des versements à opérer par chaque établissement.
« Si les fonds que peuvent fournir les
établissements de bienfaisance sont insuffisants, le conseil communal y
suppléera ; si ses ressources ne le lui permettent pas, et si aucun subside
n'est alloué par la province ou par l'Etat, le mont-de-piété sera supprimé, et
il sera agi conformément aux règles posées en l'article 3.
« Dans ce cas, la suppression sera prononcée par le
conseil communal et, à son défaut, par un arrêté royal qui nommera en même
temps le commissaire liquidateur. »
Cette rédaction comprend l'article 10 et l'article
16.
M. d’Anethan. - Cet amendement est le résultat de la discussion d'hier. J'ai tâché
de concilier dans ma proposition les différents amendements qui nous avaient
été soumis par plusieurs honorables collègues, notamment l'amendement de
l'honorable M. Malou et l'amendement de l'honorable M. Tielemans ; j'ai eu
également égard aux observations des honorables MM. Dedecker et Loos.
Je crois que la rédaction que j'ai proposée n'a pas
besoin de développements ultérieurs. Elle me semble répondre aux objections qui
avaient été faites et remplir les intentions des différents orateurs qui ont
pris part à la discussion.
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - Il me
serait difficile, messieurs, d'apprécier l'amendement de l'honorable M.
d'Anethan sans en avoir pris ultérieurement connaissance. Je crois que la
chambre devrait ordonner l'impression de cet amendement et remettre à demain la
discussion des deux articles dont il s'agit. Alors, je proposerai également une
nouvelle rédaction que je retirerai peut-être après avoir examiné la
proposition de l'honorable M. d'Anethan, ou que je maintiendrai si je la trouve
préférable, après cet examen.
Voici, messieurs, cette rédaction :
« Les administrations publiques de bienfaisance
continueront à fournir, dans la mesure de leurs ressources et aux conditions
les plus favorables, les fonds nécessaires à la gestion et aux opérations des
monts-de-piété ; elles sont également tenues de combler, le cas échéant et à
titre d'avance, le déficit de ces établissements.
« Si leurs ressources sont insuffisantes à cet
effet, la commune est tenue de pourvoir aux frais de gestion et de couvrir le
déficit des monts-de-piété, et elle peut suppléer à l'insuffisance du capital
spécialement affecté aux opérations.
« En cas d'insuffisance
des ressources des communes, et si la province ou l'Etat n'y suppléent par des
subsides, le mont-de-piété sera supprimé, et il sera procédé conformément à
l'article 3.
« Dans ce cas, le mont-de-piété pourra être
supprimé par arrêté royal, si le conseil communal ne prend aucune délibération
à cet égard. »
Je demanderai, messieurs, que cet amendement soit
également imprimé, ainsi que celui qui a été préparé par M. Loos et que
l'honorable membre va sans doute déposer.
M. d’Anethan. - M. le président n'a donné lecture que d'un seul de mes amendements.
Si la proposition de M. ministre de la justice est adoptée, je demanderai que
mes autres amendements soient également imprimés.
M. Loos. -
Messieurs, s'il s'était agi de discuter immédiatement l'amendement présenté par
l'honorable M. d'Anethan, je m'y serais rallié ; mais si la chambre ordonne
l'impression des amendements et renvoie la discussion à demain, alors je ferai
également une proposition. J'attendrai que la chambre se soit prononcée.
- La chambre décide que les amendements seront
imprimés et distribués et que la discussion des articles 10 et 16 est renvoyée
à demain.
M. Loos dépose l'amendement qu'il avait annoncé.
Article 11
« Art. 11.
Les bénéfices obtenus après payement des frais d'administration et des intérêts
des fonds prêtés et entre autres les bénéfices provenant des boni des gages
vendus, non réclamés endéans les deux ans, seront, à partir de la publication
de la présente loi, employés à former la dotation nécessaire pour subvenir aux
opérations des monts-de-piété.
« La quotité de cette dotation sera déterminée
par le règlement organique de chaque établissement. »
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - Je
crois, messieurs, qu’après les mots : « endéans les 2 ans » il conviendrait
d'ajouter : « à partir du jour de la vente ». D'un autre côté, on pourrait
supprimer les mots : « à partir de la publication de la présente loi. »
- L'amendement est adopté.
L'article 11 ainsi amendé est mis aux voix et
adopté.
Article 12
« Art. 12. A cet effet les bénéfices
serviront, avant toute autre application, à rembourser les capitaux empruntés à
intérêt par les monts-de-piété. »
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - Il
faudrait supprimer les mots à cet effet, qui ne se rattachent qu'au premier
paragraphe de l’article 11.
- L'article 12, avec les retranchements des mots à
cet effet, est mis aux voix et adopté.
Article additionnel
M. Dedecker, rapporteur. - Messieurs, j'ai demandé la parole, pour présenter un article qui,
s'il était adopté, devrait être placé entre les articles 12 et 13.
(page 1060)
Nous voulons tous arriver à l’abaissement successif du taux de l'intérêt. Dans
ce but nous devons faire disparaître les charges qui grèvent actuellement
l'administration des monts-de-piété.
Comme on l'a déjà fait remarquer plusieurs fois
dans cette discussion, la principale de ces charges consiste dans la nécessité
où sont les monts-de-piété d'emprunter eux-mêmes à intérêt le capital sur
lequel ils prêtent. Cette charge disparaîtra par l'application des articles 11
et 12.
La deuxième charge des monts-de-piété, ce sont les
frais de loyer des locaux. Cette question n'a pas été prévue par la loi. Je
voudrais, au moyen d'un petit sacrifice de la part des communes ou des
administrations de, bienfaisance, propriétaires de ces locaux, je voudrais,
dis-je, faire disparaître cette deuxième charge des monts-de-piété, afin
d'arriver plus vite à l'abaissement du taux de l'intérêt.
Par ces motifs, je propose l'article suivant :
« Les bâtiments des monts-de-piété, non
compris les locaux nécessaires à l'établissement des bureaux auxiliaires,
seront fournis gratuitement par les administrations de bienfaisance ou par les
communes qui en ont la propriété.
« L'entretien de ces bâtiments et le
renouvellement du mobilier restent à la charge des monts-de-piété. »
Messieurs, déjà les administrations de bienfaisance
de Tirlemont et de Saint-Trond ne reçoivent aucun intérêt du chef du loyer des
locaux ; quatre autres villes, Verviers, Nivelles, Huy, Dinant, fournissent
aussi gratuitement le local au mont-de-piété. Je voudrais étendre ce bienfait à
tous les monts-de-piété. Le sacrifice serait petit de la part des grandes
villes qui devraient fournir le local, et je suis persuadé que le bien qui en
résulterait pour les classes pauvres, serait très sensible.
Une considération
accessoire, c'est que les bâtiments des monts-de-piété qui existent dans nos
grandes villes appartiennent aux anciennes institutions de monts-de-piété de
Belgique. Ces bâtiments ont été acquis à des prix très bas par les hospices.
Les hospices pourraient supporter cette charge et contribuer à l'allégement des
intérêts à percevoir.
La disposition que je propose formerait l'article
13.
M. de La Coste. - Messieurs, la fixation du taux de l'intérêt est une des dispositions
qui rentrent dans les règlements organiques ou arrêtés dont il est fait mention à l'article 7. Ces dispositions sont proposées par
l'administration communale qui entend l'administration du mont-de-piété : la
députation émet son opinion et le gouvernement décide. Dès lors, il me paraît qu'il n'est pas à craindre que le taux de
l'intérêt soit réduit de manière à occasionner des inconvénients ; en supposant
qu'il y eût exagération dans l'abaissement du taux de l'intérêt, l'expérience
ferait bientôt connaître les inconvénients qui en résulteraient, et par les
mêmes moyens par lesquels on aurait abaissé outre mesure l'intérêt, on
l'élèverait à un taux raisonnable. Je ne vois donc pas d'utilité à insérer dans
l'article un minimum du taux de l'intérêt, et, à moins que cela, ne soit expliqué
d'une manière que je ne prévois pas, je proposerai de rayer ces mois : «
Toutefois, ce taux ne pourra être inférieur à celui usité dans le commerce. »
Je m'en rapporterai aux autorités qui auront à
statuer sur cette question.
M. le président. - Il vaudrait mieux discuter d'abord la
disposition additionnelle proposée par M. Dedecker.
M. d’Anethan. - Messieurs, l'article 2 du projet s'était occupé des locaux. D'après
cet article, l'érection d'un mont-de-piété devait être autorisée dès que des
locaux étaient fournis gratuitement ou que les frais de régie étaient couverts
par l'administration communale ou les établissements de bienfaisance ; la
chambre n'a pas voulu de cette disposition ; elle l'a rejetée ; elle a pensé
qu’il était convenable de laisser une latitude à l'autorité administrative et
de l'autoriser à permettre l'établissement des monts-de-piété, dès que d'une
manière quelconque les frais d'administration étaient couverts et que la
dotation était assez considérable pour que les monts-de-piété pussent
fonctionner d'une manière utile.
L'honorable M. Dedecker, par son amendement,
revient indirectement sur la décision prise à l'article 2. Mais la disposition
qu'il propose est bien plus rigoureuse que celle dont la chambre n'a pas voulu
à l'article 2. Dans le projet primitif, il y avait deux cas où l'érection d'un
mont-de-piété était obligatoire : 1° Lorsque les locaux étaient fournis
gratuitement ; 2" lorsque les frais de régie étaient faits. Mais ce projet
ne créait pas l'obligation pour la commune ou pour les établissements de
bienfaisance de fournir gratuitement des locaux.
Cette obligation, l'honorable M. Dedecker propose
de la leur imposer dans le cas où les établissements de bienfaisance ou la
commune sera propriétaire des locaux ou le mont-de-piété est ou peut être
établi. De cette manière, on imposerait aux établissements de bienfaisance ou à
la commune, dans certaines localités, des charges qui ne leur seraient pas imposées
dans d'autres. Dans certaines localités, en effet, les établissements de bienfaisance
et la commune possèdent des locaux qui peuvent convenir au mont-de-piété. Dans
d'autres, ils n'ont que des propriétés rurales ou des rentes. Dans le premier
cas, les établissements devront fournir le local, et outre cela les fonds
nécessaires pour former la dotation. Dans le second, ils ne seront pas soumis
aux mêmes charges. Il n'y aura donc pas parité.
Après avoir rejeté la faculté admise dans l'article
2, la chambre ne peut admettre d'une manière obligatoire la disposition
proposée par l'honorable M. Dedecker.
Il serait sans doute très
désirable que les locaux fussent fournis gratuitement. Mais il pourrait arriver
que cette obligation causât un préjudice très grave aux établissements de
bienfaisance ou à la commune sans profiter grandement au mont-de-piété.
Supposons, en effet, un local que le bureau de bienfaisance pourrait louer très
avantageusement ; ne serait-il pas préférable qu'il en tirât le bénéfice qui
tournerait, en définitive, au profit du mont-de-piété, que de l'obliger à céder
gratuitement ce même local au mont-de-piété, tandis que celui-ci pourrait
peut-être s'en procurer une autre moyennant une somme de beaucoup inférieure ?
Il n'y aurait donc aucun avantagea
adopter l'amendement de l'honorable M. Dedecker. Et, en fait, cet amendement
recevra son application dans les localités où cette cession gratuite sera
réellement utile.
M. Delfosse. - L'honorable M. d'Anethan vient de dire qu'il n'y aurait pas
d'avantage à adopter l'amendement de l'honorable M. Dedecker ; non seulement il
n'y aurait pas avantage, mais il y aurait injustice. L'honorable M. Dedecker
veut enlever un revenu aux bureaux de bienfaisance et aux hospices, pour le
donner aux monts-de-piété. Est-ce que les pauvres secourus par les bureaux de
bienfaisance ou par les hospices ne sont pas aussi dignes d'intérêt que ceux
qui ont momentanément recours aux monts de-piété ?
M. Dedecker. - L'honorable M. d'Anethan trouve que l'article nouveau que je propose
n'est que la reproduction du paragraphe 2 de l'article 2 qui a été rejeté.
Quelle a été la pensée qui a fait rejeter cette disposition où il s'agissait
d'ailleurs de monts-de-piété nouveaux ? On a dit : Il ne faut pas montrer de la
défiance à l'égard des administrations communales et les traiter pour ainsi
dire comme ignorant leurs propres intérêts, en leur imposant certaines
conditions restrictives de la création des monts-de-piété. Laissez chaque
commune juge et maîtresse des conditions qu'elle veut poser à l'érection de
monts-de-piété nouveaux.
Aujourd'hui, au contraire, je propose de prendre
relativement aux monts-de-piété déjà existants, une mesure que je considère
comme éminemment utile au point de vue de l'intérêt de la classe ouvrière. Je
l'avoue, c'est une charge que l’on impose aux administrations de bienfaisance.
Pourquoi imposer cette charge ? dit l'honorable M. Delfosse. Est-ce que les
pauvres secourus par les hospices ne sont pas aussi respectables que les
pauvres qui ont recours aux monts-de-piété ? Mais je retournerai la question,
et je demanderai : Est-ce que les pauvres qui ont recours aux
monts-de-piété ne sont pas aussi respectables que les pauvres secourus par les
hospices ? Mais, voyons, en définitive, est-ce un avantage, oui ou non, que
d'abaisser l'intérêt perçu aujourd'hui par les monts-de-piété ? Hier encore on
nous reprochait de ne pas travailler assez à l'abaissement de cet intérêt. Eh
bien ! voici un moyen que je vous propose, moyen qui exigera quelque sacrifice
de la part de l'administration des hospices, j'en conviens, mais moyen aussi
qui est destiné à amener un véritable bien en faveur des emprunteurs.
L'honorable M. d'Anethan,
après avoir contesté que la concession gratuite d'un local soit un avantage
(opinion que je ne sais comment il pourrait justifier), dit pourtant que ce que
je propose finira par se réaliser Je crois, au contraire, que cela ne se
réalisera pas, si l'on n'en fait une obligation dans la loi. Mais si
l'honorable M. d'Anethan croit à cette réalisation, il y voit un avantage pour
l'avenir.
En résumé, y a-t-il
impossibilité de généraliser la mesure prise par six administrations de
bienfaisance : à Tirlemont, à Saint-Trond, à Dinant, à Nivelles, à Gand, à Huy,
on ne paye aucun loyer pour les locaux du mont-de-piété ? Je ne puis le croire.
M. Delfosse. - L'honorable M. Dedecker et moi nous sommes entièrement d'accord sur
ce point que les pauvres qui ont recours au mont-de-piété peuvent être aussi
dignes d'intérêt que ceux qui sont secourus par le bureau de bienfaisance ou
par les hospices. Mais il me semble que ce n'est pas une raison pour enlever à
ceux-ci un secours qui leur appartient. S'ils sont tous également dignes d'intérêt,
il ne faut pas prendre aux uns pour donner aux autres.
M. T'Kint de Naeyer. - Je pense que dans beaucoup de localités, comme
l'a fait observer l'honorable M. Dedecker, les bureaux de bienfaisance
fournissent gratuitement les locaux. Or, si vous ne voulez pas admettre ce
principe dans la loi, je pense que la position de certains monts-de-piété
deviendra plus mauvaise qu'elle ne l’était, et que vous ajournez indéfiniment
la création de la dotation que vous espérez former. Ainsi, à Gand et ailleurs
les locaux sont fournis gratuitement par les hospices. Si vous inscrivez dans
la loi qu'une indemnité est due de ce chef, les hospices exigeront sans doute
cette indemnité.
M. de La Coste. - La chambre comprendra qu'il ne s'agit pas de changer l'état des
choses qui existe à Tirlemont ou dans d'autres villes qu'on a citées. Il s'agit
seulement de ne pas écrire une obligation dans la loi. Cette obligation
pourrait être contraire aux conditions sous lesquelles des fonds ont été donnés
au bureau de bienfaisance. Les fonds du bureau de bienfaisance peuvent avoir
une destination spéciale, et cette destination ne doit pas être changée même
par la loi.
Je crois donc qu'il faut laisser subsister la faculté
qui existe aujourd'hui ; qu'il faut laisser la chose comme elle est là où elle
est ; qu'il faut la laisser établir là où les administrations le proposent ;
mais qu'il ne faut pas inscrire une disposition impérative dans la loi.
M. Lebeau. - Il me semble que la rédaction de l'amendement ne peut pas édifier
complètement la chambre sur la portée qu'il faut lui donner.
(page 1061)
Est-ce que l'amendement a pour objet seulement d'interdire aux bureaux de
bienfaisance de retirer une location quelconque des bâtiments affectés aux
monts-de-piété, ou va-t-il plus loin ? Oblige-t-il les bureaux de bienfaisance,
dans tous les cas et quelles que soient leurs ressources, à fournir des locaux
?
Y a-t-il seulement interdiction de retirer un loyer
des locaux qu'ils mettent à la disposition des monts-de-piété ou sont-ils
obligés de mettre à la disposition des monts-de-piété un local, sans qu'on
tienne aucun compte de leurs ressources ?
Il faudrait que l'honorable auteur de l'amendement
s'en expliquât. Mais dans tous les cas il resterait encore de très graves
objections qui ont été exposées par les honorables préopinants et auxquelles,
pour ma part, je me rallie complètement.
M. Dedecker, rapporteur. - La rédaction de mon amendement prouve que j'ai
seulement voulu que les administrations des hospices ou des communes qui ont
actuellement la propriété des bâtiments affectés aux monts-de-piété, soient
obligées de les fournir gratuitement, comme déjà cela se fait dans certaines
villes.
Du reste, si de cette discussion il peut résulter
que le gouvernement, dans l'examen des règlements organiques qui vont être
rédigés pour tous les monts-de-piété, s'efforcera d'obtenir les conditions les
plus favorables pour la location des bâtiments des monts-de-piété, je
consentirai à retirer mon amendement. Mais il faut qu'il soit bien entendu que
c'est à la condition que le gouvernement fera tous ses efforts pour engager les
administrations de bienfaisance à fournir gratuitement les locaux, lorsque cela
peut se faire ; et, dans tous les cas, à réduire les frais de loyer où ils sont
trop élevés. Car il y a certaines villes où ces loyers sont exorbitants, et je
trouve que c'est un véritable scandale que de prélever sur certains pauvres de
quoi fournir des secours à d'autres.
M. Bruneau. - Messieurs, je crains beaucoup que nous ne fassions sortir du projet
en discussion une loi tout à fait incohérente, une réunion de dispositions qui
se contredisent l'une l'autre, parce qu'elles ne sont pas dictées par le même
esprit.
Ainsi, dans le projet primitif, l'administration
des monts-de-piété était déférée aux administrations des bureaux de
bienfaisance, et tous les articles du projet étaient rédigés d'après cette
disposition principale. On faisait des monts-de-piété une espèce de dépendance
des administrations des bureaux de bienfaisance. Aujourd'hui, par les
dispositions nouvelles qui ont été adoptées, on a changé l'esprit de ce projet,
on a fait des monts-de-piété des administrations complètement séparées Il se
trouve que toutes les charges des monts-de-piété vont tomber sur les bureaux de
bienfaisance. On disposera ainsi de la propriété des bureaux de bienfaisance,
sans eux, malgré eux et souvent contre eux. L'amendement de l'honorable M.
Dedecker est une nouvelle disposition qui a cette portée.
M. Dedecker. - Je retire mon amendement.
« Art. 13. Lorsque la diminution des charges
qui résultera de ces remboursements ou de toute autre cause le permettra, il
sera fait une réduction dans le taux des intérêts à percevoir des emprunteurs.
Toutefois, ce taux ne pourra être inférieur à celui usité dans le commerce.
« Le gouvernement pourra d'office ordonner cette
réduction après avoir entendu la députation permanente et le conseil communal.
»
M. le président. - M. de La Coste a proposé de supprimer les mots :
« Toutefois, ce taux ne pourra être inférieur à celui usité dans le
commerce. »
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - Je
pense, messieurs, que le retranchement dont il s'agit peut avoir lieu sans la
moindre difficulté. Je considère cette restriction comme tout à fait inutile.
M. Loos. - Il
faut, messieurs, quelque courage pour reprendre la disposition qui tendait à
fixer un minimum du taux de l'intérêt. Il peut paraître absurde d'empêcher la
réduction du taux de l'intérêt. Cependant, je pense que les monts-de-piété sont
institués pour venir au secours des classes malheureuses, pour prêter dans des
cas urgents, sur certains dépôts, soit d'objets d'habillement, soit d'objets
mobiliers, mais je crois aussi que le but du législateur doit être de
favoriser, autant que possible la moralisation de ces classes pour lesquelles
on témoigne de la sympathie. Si vous abaissez trop le taux de l'intérêt, il
arrivera ce qui se présente déjà dans les conditions actuelles, c’est-à-dire
qu'on abusera des monts-de-piété, qu'on y aura recours autrement que dans des
circonstances malheureuses. Comme je le disais hier, lorsqu'il y a des fêtes
populaires, des kermesses, etc., on voit affluer les emprunteurs aux
monts-de-piété. Réduisez l'intérêt au-dessous du taux usité dans le commerce et
vous favoriserez cette tendance : il en résultera qu'on regardera le
mont-de-piété plutôt comme une espèce de garde-meuble que, comme une
institution de bienfaisance, à laquelle on ne doit recourir que dans des
circonstances fâcheuses. Déjà aujourd'hui, il y a des ménages pauvres qui, à la
fin de la saison rigoureuse, vont déposer leurs habillements d'hiver au
mont-de-piété, non par besoin d'argent, mais pour les conserver pendant l'été.
D'autres qui possèdent une
montre, un bijou, qu'ils considèrent comme n'étant pas en sûreté chez eux, vont
le déposer au mont-de-piété le lundi pour l'en retirer le samedi suivant. Ces
habitudes, qui ne sont pas très répandues aujourd'hui, prendront de
l'extension, si vous abaissez le taux de l'intérêt, et les monts-de-piété ne
pourront plus supporter les sacrifices que cet état de choses leur imposera.
Ainsi, messieurs, ce qui a pu paraître absurde à un
honorable membre ne l'est réellement pas quand on tient compte de ce qui se
passe, dans la pratique et, pour ma part, je demande le maintien de la
disposition présente par la section centrale.
M. de La Coste. - Messieurs, je ne crois pas que l'observation de l'honorable M. Loos
puisse s'appliquer à moi, car je ne crois pas avoir employé l'expression qu'il
a relevée. Mais je ferai remarquer que le but de mon amendement n'est pas
contraire à l'opinion de l'honorable M. Loos ; je veux seulement laisser le
soin d'examiner la chose aux autorités qui auront à régler le taux de
l'intérêt, et il me semble qu'on a pris des précautions suffisantes pour ne pas
devoir établir un minimum qui, selon moi, serait d'un effet fâcheux dans une
loi qui a, en général, une tendance contraire.
Voilà, messieurs, les considérations qui me font
demander la suppression de la disposition dont il s'agit. Je veux m'en
rapporter à l'expérience des autorités qui auront à statuer.
- La suppression proposée par M. de La Coste est
mise aux voix et adoptée.
L'article 13 ainsi modifié est ensuite adopté.
Article 14
« Art. 14. Les intérêts seront comptés jour par
jour jusqu'à celui du remboursement, sans cependant qu'ils puissent être
au-dessous de deux centimes, quelles que soient l'importance du gage et la
durée du dépôt. »
La section centrale propose la rédaction suivante :
« Les intérêts seront comptés jour par jour jusqu'à
celui du remboursement, sans cependant qu'ils puissent être au-dessous du
minimum qui sera déterminé par le règlement organique ; ce minimum ne sera, en
aucun cas, inférieur à cinq centimes, quelles que soient l'importance du gage
et la durée du dépôt. »
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy) déclare
se rallier à la proposition de la section centrale.
- L'article proposé par la section centrale est mis
aux voix et adopté.
Article additionnel
M. le président. - Ici vient se placer un amendement présenté par
MM. T'Kint de Naeyer et Dedecker et qui est ainsi conçu :
« Lorsque la dotation sera constituée et que le
mont-de-piété aura acquis un capital suffisant pour couvrir toutes ses charges,
les bénéfices annuels seront consacrés à faire des prêts gratuits aux
indigents, qui se trouveront dans les conditions déterminées par les règlements
organiques. »
M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, dans la discussion générale j'ai eu
l'honneur de présenter quelques considérations relativement aux prêts gratuits
dans certaines limites et à certaines conditions. J'ai dit que j'avais
l'intention de soumettre à la chambre un amendement à l'article 11. L'honorable
rapporteur de la section centrale s'était rallié à mon opinion ; mais il avait
pensé qu'il fallait avant tout compléter le capital roulant des monts-de-piété,
afin de les affranchir de la charge de l'emprunt. D'après les motifs qui ont
été développés par l'honorable rapporteur, il m'a paru qu'il serait préférable
de proposer une modification à l'article 15, en y substituant l'amendement que
nous avons eu l'honneur de déposer sur le bureau, et dont je demanderai la
permission de donner lecture :
« Art. 15. Lorsque la dotation sera constituée et
que le mont-de-piété aura acquis un capital suffisant pour couvrir toutes ses
charges, les bénéfices annuels seront consacrés à faire des prêts gratuits aux
indigents qui se trouveront dans les conditions déterminées par tes règlements
organiques. »
D'après le projet de loi, messieurs, les bénéfices
devaient retourner à la caisse des bureaux de bienfaisance ; il me semble que
cette disposition est contraire aux règles de la science économique, je dirai
même de la morale.
En effet, il ne doit pas être permis de bénéficier
sur certains pauvres au profit d'autres pauvres. Je crois que si les
monts-de-piété réalisent des bénéfices, ces bénéfices doivent être uniquement
consacrés à améliorer le régime de leur organisation.
Je ne me dissimule pas qu'avec les ressources
ordinaires les caisses gratuites ne pourront s'ouvrir que dans un avenir assez
éloigné, mais je pense qu'il est utile d’inscrire le principe dans la loi, et
j'espère que la bienfaisance particulière ou la générosité des communes
tiendront à honneur de réaliser plus promptement une amélioration qui rentre
dans le véritable esprit de l’institution.
Notre proposition laisse
aux règlements organiques le soin de déterminer, selon les ressources de la
caisse gratuite dans chaque localité, quelles seront les catégories de pauvres
qui pourront participer au bénéfice de ces caisses. Ceux dont le travail est
momentanément interrompu par le chômage, par des maladies, ou par d'autres
événements imprévus, oui des droits qui se présentent sans doute en première
ligne.
Le caractère essentiel du prêt gratuit doit être de
venir en aide à une détresse urgente et d'empêcher qu’elle ne s'aggrave par des
sacrifices onéreux. L'arrêté royal du 31 octobre 1826 avait réglé les
conditions du prêt gratuit. Le règlement de la caisse de Gand, justifié par une
expérience de deux siècles, pourrait aussi servir de modèle.
- L'amendement est appuyé.
M. de Bonne. - Messieurs, je partage entièrement les sentiments de philanthropie de
l'honorable préopinant. Je conçois qu'il ne faut pas qu'une certaine classe de
pauvres s'enrichisse ou vive aux dépens d'une autre classe, mais il me semble
qu'il y a un défaut ou une lacune dans cette proposition, si elle était admise
dans sa généralité. Pour que ce principe pût être vrai, il faudrait qu'on pût
justifier que (page 1062) tous les
emprunteurs qui viennent déposer des gages au mont-de-piété, fussent des
pauvres. J'admets que la majorité le soit, mais il en est beaucoup qui n'ont
que des besoins momentanés, et qui pour cela ne sont pas pauvres.
Je trouve donc que ce serait véritablement une
injustice de donner tout le bénéfice que produirait le mont-de-piété à tous les
individus indistinctement qui voudraient y déposer des gages contre une
certaine somme.
Je comprendrais cette proposition, si les
honorables auteurs avaient dit que, comme à Toulouse et à Paris, il ne serait
fait de prêts gratuits qu'à concurrence de 12 fr. au maximum, par exemple ;
mais dans sa généralité, l'amendement me semble dangereux, et je demande qu'il
soit ainsi compris.
M. Dedecker, rapporteur. - Messieurs, la rédaction nouvelle que
l'honorable M. T'Kint de Naeyer et moi nous venons proposer, est la conséquence
des considérations que j'avais déjà fait valoir au sein de la section centrale
J'espère que dans cette chambre il n'y aura qu'une voix pour approuver
l'affectation à la constitution d'une caisse de prêts gratuits, des bénéfices
réalisés après la constitution de la dotation.
Ce qui effraye l'honorable M. de Bonne, c'est que
la mesure, à ses yeux, a un caractère trop général.
L'observation serait fondée, si les règlements
organiques ne devaient pas déterminer les conditions restrictives auxquelles se
feront les prêts gratuits. Aussi, nous renvoyons à ces règlements organiques,
où l'on déterminera, entre autres, les catégories de pauvres qui auront droit à
ces prêts gratuits ; on y indiquera encore le maximum du prêt qui pourra être
fait. A Gand, ce maximum est de 12 francs.
Toutes les précautions seront prises dans les
règlements organiques.
M. Lebeau. -
Messieurs, il me paraît extrêmement
difficile d'adopter l'amendement, même tel qu'il est actuellement rédigé, en
présence de l'article 13 que la chambre vient d'adopter.
« Lorsque la dotation sera constituée et que
le mont-de-piété aura acquis un capital suffisant pour couvrir toutes ses
charges, les bénéfices annuels seront consacrés à faire des prêts gratuits. »
Il me paraît que l'article 15, en cas de réduction
de l'intérêt, suppose déjà que l’établissement couvre ses charges, car s'il ne
couvrait pas ses charges, évidemment la réduction de l'intérêt serait
impossible.
Voilà donc une disposition en contradiction
manifeste, par les termes au moins, avec celle qui a été adoptée par la
chambre. Je me borne à faire remarquer au judicieux auteur de l'amendement
qu'il n'y a pas moyen de concilier ces deux textes.
Je voudrais donc que dans tous les cas on changeât
la rédaction actuelle et qu'on la mît en harmonie avec le texte de l'article
13.
Ensuite, je crois qu'on
pourrait tout au plus adopter une formule facultative, et non pas une formule
impérative ; je crois qu'on pourrait accorder aux administrations des
monts-de-piété la faculté d'attribuer une partie du capital du mont à des prêts
gratuits, sauf à déterminer les conditions dans les règlements organiques.
Parmi ces conditions, il faudra mettre l'exiguïté du prêt, comme l'a fait
observer l'honorable M. de Bonne dont nous invoquons avec plaisir les lumières
et l'expérience en pareille matière.
Je dois donc m'opposer à l'amendement, tel qu'il
est rédigé actuellement.
M.
Malou. -
Messieurs, la contradiction que l’honorable M. Lebeau vient de signaler
n'existe pas, ce me semble. L'article 13 se rapporte à l'époque pendant
laquelle on constitue la dotation du mont-de-piété ; alors les rédactions d'intérêt
peuvent avoir lieu, lorsqu'il est démontré par l'expérience que les bénéfices
s'accumulent trop vite et en quelque sorte au détriment du présent. L'article
nouveau qui est proposé, se rapporte, au contraire, à l'époque où la dotation
est complète ; alors, les bénéfices, s'il en existe malgré les réductions prononcées
en vertu de l'article 13, seront affectés à des prêts gratuits, dans des
conditions et aux catégories d'indigents à déterminer par les règlements
organiques.
Ainsi ces deux dispositions me paraissent se
coordonner parfaitement entre elles.
M. Lebeau. - Je crois que, dans tous les cas, l'explication
que l'avais proposée était utile et même indispensable.
Mais dans tous les cas, je pense qu'il faut
substituer une locution facultative à la locution impérative qui se trouve dans
la proposition. Je pense que cela rentre dans la pensée de l'auteur de
l'amendement et qu'il est disposé à le modifier dans ce sens ; je lui laisserai
le soin de le faire.
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - C'est
la proposition que je voulais faire. Je proposerai de dire : « Lorsque la
dotation sera constituée et que le mont-de-piété aura acquis un capital
suffisant pour couvrir toutes ses charges, les bénéfices annuels pourront être
consacrés à faire des prêts gratuits aux indigents qui se trouveront dans les
conditions à déterminer par les règlements organiques. »
Cependant je crains que dans l'application cette
disposition n'éprouve des difficultés, qu'il ne soit très difficile de
déterminer ces catégories d'indigents dont les unes auraient droit à des prêts
gratuits et les autres ne pourraient y être admises.
M. d’Anethan. - La rédaction de M. le ministre de la justice me paraît incomplète. Il propose de permettre de
faire des prêts gratuits quand il y a bénéfice. Mais si l'administration ne
veut pas employer les fonds provenant des bénéfices à faire des prêts gratuits,
que ferait-on de la somme ? Il faut pour ce cas maintenir l'article 15 qui dit
que les bénéfices annuels seront versés dans la caisse du bureau de
bienfaisance et ajouter : A moins que l'administration ne veuille les consacrer
à des prêts gratuits.
Maintenant quant à l'objection tirée de la
difficulté de faire des règlements organiques indiquent les catégories
d'indigents ayant droit de jouir des prêts gratuits, je la comprends, mais il
est bon de remarquer qu'il existe déjà des règlements semblables ; à Hambourg
par exemple, il y a une caisse de prêts gratuits dans les règlements de
laquelle sont indiqués, les catégories d'indigents qui peuvent recourir à cette
caisse et les justifications à faire pour jouir des avantages qu'elle procure.
En consultant ce règlement et d'autres encore qui sont indiqués dans les ouvrages
distribués à la chambre, on pourra facilement arriver à un règlement organique
satisfaisant.
M. Tielemans. - J'ai
demandé la parole pour faire la même observation que M. d'Anethan. L'article 15
suppose le cas où le mont-de-piété couvre toutes ses charges ; ce n'est
qu'alors qu'il y a bénéfice dont l'article fait application. Nous avons supprimée
l'article 15 : « Toutefois ce taux ne pourra être inférieur à celui usité
dans le commerce. » Par conséquent il n'y a plus de limite. Le mont-de-piété
n'aura couvert toutes ses charges que quand il pourra prêter gratuitement. Il
faut rétablir la fin de l'article 13 si on veut adopter la proposition de M.
T'Kint.
M. Dedecker. - Je maintiens ma proposition d'obliger les monts-de-piété à consacrer
les bénéfices à l'institution d'une caisse de prêts gratuits. Si vous ne le
prescrivez pas, cela ne se fera pas. Si vous trouvez que les prêts gratuits
sont un bien, je ne vois pas pourquoi vous n'inséreriez pas l'obligation de les
continuer.
M. Bruneau. - Il est nécessaire de rétablir la disposition spéciale qu'on a
retranchée de l'article 13, si on veut adopter la proposition de M. T'Kint, de
quelque manière qu'on la rédige.
M. Rousselle. - Le moyen de nous mettre d'accord, c'est d'adopter l'article 15
proposé par la section centrale, et d'ajouter un paragraphe qui dirait que ces
bénéfices pourront aussi être consacrés à faire des prêts gratuits aux
indigents qui se trouveront dans les conditions déterminées par les règlements
organiques. De cette manière, vous ne préjugerez aucune des questions qui sont
du ressort des règlements ; c'est au gouvernement à régler les distributions
des fonds des monts-de-piété.
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). -
J'appuie la proposition que vient de faire l'honorable M. Rousselle et je
voulais proposer le maintien de l'article 15 en y ajoutant ce paragraphe : «
Ces bénéfices pourront être consacrés en tout ou en partie à faire des prêts
gratuits aux indigents qui se trouveront dans les conditions à déterminer par
les règlements organiques. »
M.
Malou. - On veut
allier deux systèmes contraires. Le projet de la section centrale porte que les
bénéfices des monts-de-piété sont attribués aux établissements de bienfaisance.
Les auteurs de l'amendement pensent que l'emploi le plus légitime à faire de
ces bénéfices, c'est l'institution d'une caisse de prêts gratuits. Il est
impossible de réunir ces deux systèmes dans la loi ; il faut opter entre les
deux. Mettre en première ligne le versement des bénéfices dans la caisse du
bureau de bienfaisance, c'est évidemment écarter en fait la constitution de la
caisse de prêts gratuits.
Je pense que cette institution est utile ;
l'expérience en est faite non seulement en Belgique mais à l'étranger. Y a-t-il
un inconvénient à ce que les bénéfices soient ainsi employés en prêts gratuits
? Je n'en vois aucun ; et dans la discussion on n'en a pas indiqué d'avantage.
Je pense qu'il ne faut pas consacrer les deux systèmes dans la loi, qu'il faut
se borner à celui proposé par l'honorable M. Dedecker.
M. de Bonne. - Je n'ai qu'une observation à faire en réponse à celle que vient de
présenter M. Malon. Il veut qu'on prenne l'un ou l'autre des deux systèmes
d'emploi des bénéfices des monts-de-piété, qu'on ne les consacre pas tous les
deux dans la loi, mais qu'on s'en tienne à un seul, c'est-à-dire que si on fait
des bénéfices, on ne les verse pas dans les caisses des bureaux de
bienfaisance, mais qu'on les consacre à l'établissement de caisses de prêts
gratuits. Je pense qu'il ne faut pas exclure le versement dans la caisse des
bureaux de bienfaisance, car il est possible que les bénéfices soient
supérieurs aux besoins de la caisse de prêts gratuits, puisqu'il est dans
l'intention des auteurs de la proposition de ne faire des prêts gratuits qu'à
une certaine classe d'emprunteurs, à ceux qui ont des besoins réels. Avec le
système exclusif que propose l'honorable M. Malou, dans le cas où les bénéfices
dépasseraient les prêts à faire aux indigents, vous devriez étendre les prêts
gratuits à la généralité des emprunteurs. C'est ce qui ne me paraît pas entrer
dans les intentions de la chambre, dont la pensée philanthropique est de venir
au secours de la classe malheureuse.
On peut, selon moi, conserver les propositions de
la section centrale avec l'amendement de M. le ministre qui n'exclut pas le
versement des bénéfices dans les caisses des bureaux de bienfaisance, et en
consacre une partie à faire des prêts gratuit à certaines classes de petits
déposants.
Je pense donc qu'il est convenable d'adopter
l'article avec l'amendement proposé par M. le ministre de la justice.
- La discussion est close.
L'article 15 nouveau, proposé par MM. T’Kint de
Naeyer et Dedecker, est mis aux voix et adopté.
Article 17
(page 1063)
« Art. 17 (projet de la section centrale auquel le gouvernement se rallie). Les
peines prononcées par l'article 411 du Code pénal seront applicables
« 1° Aux employés ou agents des monts-de-piété qui
exigeraient des emprunteurs des sommes ou des intérêts excédant ce qui est dû
en vertu des tarifs et règlements ;
« 2° Aux individus qui se livreraient à l'état
de commissionnaires ou de porteurs ;
« 3° A ceux qui feraient le commerce d'achat de
reconnaissances du mont-de-piété ;
« 4° A ceux qui céderaient ou achèteraient des reconnaissances
dans le cas du paragraphe de l'article 23.
« Le tout sans préjudice des dommages-intérêts à
payer aux parties intéressées dans les cas indiqués ci-dessus paragraphes 1 à 3
et des mesures à prendre par l'administration en vertu des règlements. »
M. Tielemans. - J'ai plusieurs amendements à proposer à cet article. Il commence par
déclarer que l'article 411 du Code pénal est applicable : « 1° Aux employés ou
agents des monts-de-piété qui exigeraient des emprunteurs des sommes ou des
intérêts excédant ce qui est dit en vertu des tarifs et règlements. » Le fait
d'exiger des sommes ou intérêts au-delà de ce qui est légalement ou
légitimement dû, constitue le crime ou le délit de concussion prévu par
l'article 174 du Code pénal. C'est, par conséquent, cet article qu'il faut
rendre applicable à ce fait ; et je propose de dire : « Les employés ou agents
des monts-de-piété qui exigeraient des emprunteurs des sommes ou des intérêts
excédant ce qui est dû en vertu des tarifs et règlements seront punis
conformément à l'article 174 du Code pénal. »
Je passe au n°2° de l'article ; il porte :
« Les peines prononcées par l'article 411 du Code
pénal sont applicables : 2° aux individus qui se livreraient à l'état de
commissionnaires ou de porteurs. »
Cette rédaction manque, à mon avis, de clarté.
Quand sera-t-on censé se livrer à l'état de commissionnaire ou de porteur ?
Sera-ce lorsqu'on aura porté des objets au mont-de-piété une ou deux fois pour
le compte d'autrui ? Sera-ce lorsqu'on aura demandé et obtenu une patente de
commissionnaire ?
Il vaudrait mieux employer ici une rédaction
analogue à celle que le législateur a adoptée dans la loi de 1807 pour le délit
d'usure.
Le simple fait d'usure n'est pas puni par cette
loi.
Il n'y a que le fait d'habitude d'usure qui
constitue un délit. Il en est de même du fait qui nous occupe. Je propose donc
de dire : « Les peines prononcées par l'article 411 du Code pénal sont
applicables : 1° aux individus qui portent habituellement des effets au
mont-de-piété, pour autrui et moyennant la rétribution. » Cette rédaction
rendrait parfaitement la pensée de la chambre et ne pourrait donner lieu à
aucune difficulté dans la pratique.
Je passe au n°3 ainsi conçu
: « A ceux qui feraient le commerce d'achat de reconnaissances du
mont-de-piété. » Un commerce d'achat, voilà encore une expression qu'il est
impossible d'admettre dans une loi. Le commerce consiste à acheter pour
revendre ; il comprend deux opérations, tandis qu'il n'est question ici que
d'une seule. Il faudrait dire : « A ceux qui achètent habituellement des
reconnaissances du mont-de-piété. »
J'arrive au dernier paragraphe qui porte : « Le
tout sans préjudice des dommages-intérêts à payer aux parties intéressées dans
les cas indiqués ci-dessus, paragraphes 1 à 5, et des mesures à prendre par
l'administration en vertu des règlements. » Je demande la suppression de
ce paragraphe, parce qu'il est inutile. Le droit commun permet à toute partie,
lésée par un délit, de demander des dommages-intérêts ; et il appartient
toujours à l'administration de prendre, en vertu des règlements, les mesures
que peut nécessiter le cas où un employé amovible se rend coupable d'un délit.
- M. Delfosse remplace M. Liedts au fauteuil.
M. de Garcia. - J'avais demandé la parole pour présenter la
plupart des considérations qui viennent d'être émises par l'honorable M.
Tielemans. J'appuie de toutes mes forces les divers amendements présentés sur
l’article en discussion, tous me paraissent justes et fondés. Cependant je
crois devoir proposer une addition au premier de ces amendements.
L'honorable membre veut que les employés on agents
des monts-de-piété qui exigeraient des emprunteurs des sommes ou intérêts
excédant ce qui est dû en vertu des tarifs et règlements soient passibles des
peines comminées par l'article 174 du Code pénal.
Au fond, rien de mieux, puisque les faits prévus
par ce premier paragraphe constituent une concussion. Mais je crois que pour
atteindre complètement le but que propose l'honorable membre et pour harmoniser
la rédaction de l’article avec la disposition de l’article 174 du Code pénal on
devrait dire : « qui exigeraient des emprunteurs des sommes ou intérêts
sachant qu'ils excèdent ce qui est dû en vertu des tarifs et règlements. »
A défaut d'une rédaction semblable, l'on pourrait
être porté à croire qu'on a voulu punir un fait purement matériel. Je ne puis
supposer que telle soit l'intention de l'honorable M. Tielemans, qui étaye son
amendement sur l’article 174 du Code pénal, lequel emploie les expressions que
je veux introduire, et dit « sachant qu'ils excèdent ». Partant, je
crois que les mêmes expressions doivent être reproduites dans la loi actuelle,
autrement son application pourrait présenter des doutes sur ce qu'a voulu le
législateur. Il est une autre considération, c'est que, quand on se propose
d'atteindre un même but, il est utile et bon que le style des lois nouvelles
rentre autant que possible dans les termes employés dans les lois précédentes.
Messieurs, quant au paragraphe 2, je partage aussi
l'avis de l'honorable M. Tielemans. J'avais même préparé un amendement dans ce
sens, et qui rentrait complètement dans les idées de l'honorable membre.
J'ajouterai une seule observation à celles présentées par M. Tielemans, c'est
que par une des dispositions du projet de loi, déjà admise, les qualifications
de commissionnaires et de porteurs sont supprimées. Dès lors, le projet de loi
présente une inexactitude et un non-sens en parlant de commissionnaires et de
porteurs. La rédaction du paragraphe 3 du projet de loi n'est pas plus heureuse
quand elle soumet à des pénalités « ceux qui feraient commerce d'achat de
reconnaissances, etc., etc. » ; il faut en convenir, cette rédaction n'est
rien moins que claire. Celle proposée par l'honorable M. Tielemans, qui
consiste à dire « ceux qui achèteraient habituellement » ne peut laisser aucun
doute dans l'application de la loi.
Cette locution est connue
dans nos lois, notamment en matière d'usure, et devant elle la magistrature
reconnaîtra sans peine l'esprit et la portée de la loi.
J'appuie enfin la suppression du dernier
paragraphe, qui est complètement inutile, puisqu'il est de droit commun que
chacun peut se faire restituer ce qu'il a abusivement payé.
M. d’Anethan. - Messieurs, l'article 17 propose d'appliquer aux employés ou agents
des monts-de-piété qui exigeraient des emprunteurs des sommes ou des intérêts
excédant ce qui est dû en vertu des tarifs et règlements, l'article 411 du Code
pénal.
L'honorable M. Tielemans propose d'appliquer à ces
employés l'article 174 du Code pénal.
Il ne s'agit pas d'examiner si l'article 174 du
Code pénal aurait été applicable à ces employés, si la loi actuelle avait gardé
le silence ; il s'agit uniquement de déclarer quelle sera la peine qui leur
sera appliquée, et l'amendement de l'honorable M. Tielemans permet de prononcer
une peine qui peut aller jusqu'à 5 ans, tandis que, dans le projet primitif, la
peine ne pouvait pas dépasser trois mois.
L'amendement de l'honorable M. de Garcia, auquel
l'honorable M. Tielemans s'est rallié, tempère cette rigueur, et aura pour
conséquence de faire échapper tous ceux qui, d'après le projet primitif,
auraient été punis.
D'après l'article 411, comme je le disais tout à
l'heure, la pénalité n'est que de 15 jours à 3 mois. D'après l'article 174, la
pénalité est beaucoup plus forte. Aussi on exige, pour appliquer cet article,
des conditions qu'on n'exigeait pas d'après le paragraphe premier.
M. de Garcia veut qu'il soit constaté que les
employés avaient connaissance que ce qu'ils ont demandé excédait le taux des
tarifs. Mais cette connaissance résulte de la nature des choses et doit être
supposée ; les employés connaissent ou doivent connaître les tarifs. Ils n'ont
d'autre mission que de les appliquer, de dire à l'individu qui se présente ce
qu'il doit payer pour retirer son gage. Il me semble donc qu'il ne devrait y
avoir aucune preuve à faire pour établir que ces employés savaient qu'ils
exigeaient plus que les règlements ne le permettent.
La difficulté d'établir qu'ils avaient cette
connaissance aura souvent pour conséquence d'éluder les dispositions pénales.
Du reste, la disposition pénale proposée par l'honorable M. Tielemans étant
très sévère, je conçois qu'on soit plus exigeant ; mais si l'on applique
seulement la peine comminée par l'article 411, il me paraît que la simple négligence pourrait et
devrait être punie.
Les autres amendements de l'honorable M. Tielemans
me paraissent devoir être adoptés. Ils améliorent la rédaction primitive. Je
préfère ces mots : « L'article 411 sera applicable aux
individus qui portent habituellement des effets au mont-de-piété, pour autrui
et moyennant salaire ; » à ceux de la rédaction primitive, qui mentionnait les
individus qui porteraient des effets aux bureaux des monts-de-piété pour plus
d'une personne, moyennant rétribution. Toutefois la disposition primitive était
plus sévère ; il suffisait d'avoir porté au mont-de-piété des effets pour deux
personnes pour être passible des peines comminées par l'article 411. D'après la
rédaction nouvelle, il faudra qu'on en ait porté habituellement. Ce sera aux
tribunaux à apprécier s'il y a habitude dans le sens de la loi.
Je crois aussi qu'il n'y a pas d'inconvénient à
supprimer le dernier paragraphe, du moment qu'il est entendu qu'on reste dans
le droit commun ; car la suppression pourrait faire supposer le contraire.
Cette disposition se rencontre, du reste, dans différentes lois pénales, où on
lit : « Le coupable sera condamné à telle peine, sans préjudice de
dommages-intérêts, s'il y a lieu. »
M. de Garcia. - D'après les observations présentées par
l'honorable M. d'Anethan, l'on devrait supposer que, dans l'intention de
l’auteur du projet de la loi, l'on a voulu punir de peines correctionnelles un
fait purement matériel.
Une doctrine semblable me paraît contraire aux
principes généralement consacrés dans nos lois.
En fait de délit, il est de droit commun qu'il n'y
a de culpabilité que pour autant que le fait soit accompagné de l'intention ;
c'est à tel point vrai, que la rédaction restât-elle comme elle est,
imparfaite, puisqu'elle (page 1064)
laisserait du doute, j'ai la conviction que la jurisprudence donnerait à la
disposition actuelle le sens qu'elle doit obtenir par une rédaction précise.
Les lois précédentes, à
raison des méfaits de la nature de ceux dont nous nous occupons, ont exigé,
pour qu'ils constituassent des crimes ou des délits, qu'ils fussent accompagnés
d'une intention criminelle. Pourquoi donc s'écarter des principes consacrés par
le temps ? Nulle observation sérieuse n'a été présentée pour en agir de la
sorte.
En résumé, messieurs, je maintiens que mon amendement
doit être admis par la chambre. D'abord, parce qu'il est généralement contraire
à l'esprit de nos lois de punir de peines criminelles ou correctionnelles des
faits purement matériels. En second lieu, parce que le premier mérite d'une loi
est d'être claire et d'écarter autant que possible tout doute sur son
application.
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - Je
déclare me rallier aux amendements de l'honorable M. Tielemans, et je
demanderai que, pour mettre le n°1 de l'article 17 en rapport avec le texte du
l'article 174 du Code pénal, il soit rédigé de cette manière :
« Les employés ou agents des monts-de-piété
qui exigeraient des emprunteurs des sommes ou des intérêts excédant ce qu'ils
savaient être dus en vertu des tarifs et règlements, etc. »
M. Tielemans et M. de Garcia déclarent se rallier à cette rédaction.
M. Raikem. - Vous savez, messieurs, qu'en vertu de l'article 463 du Code pénal,
lorsque le préjudice causé n'excède pas 25 fr., et lorsqu'il y a des
circonstances atténuantes, les tribunaux peuvent réduire les peines à celles de
simple police. Vous savez aussi que cette disposition n'est pas applicable aux
peines dictées par des lois spéciales. Toutefois on se réfère ici aux articles
du Code pénal ; mais comme ces articles sont spécialement indiqués, il peut se
présenter un doute qu'il serait peut-être utile de lever, c'est la question de
savoir si, lorsqu'il s'agira de l'application de l'article 17, les tribunaux
pourront réduire les peines en vertu de l'article 463.
Je crois que l'on sera d'accord sur ce point que
cette latitude doit être accordée aux tribunaux, parce qu'elle est de droit
commun dans les matières réglées par le Code pénal. Mais je demanderai si cela
est suffisamment exprimé par cela seul qu'on s'en rapporte à des articles du
Code pénal, ou s'il ne faudrait pas dire dans la loi que les peines pourront être
réduites en vertu de l'article 463. Je désirerais que M. le ministre voulût
bien nous donner une explication sur ce point.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je trouve que l'observation de
l'honorable M. Raikem est fort juste ; je trouve qu'il faut laisser aux
tribunaux la faculté d'appliquer l'article 463, lorsqu'il y a des circonstances
atténuantes, et que le dommage causé n'excède pas le taux déterminé par cet
article.
M. le président. - Propose-t-on un amendement ?
M. Raikem. -
Je crois qu'il serait utile de le mentionner. Je proposerai de dire que
néanmoins les tribunaux pourront appliquer l'article 463 du Code pénal. C'est
sauf rédaction.
M. Tielemans. - Messieurs, l'article 463 ne concerne que les cas où le Code pénal
prononce un emprisonnement ; il ne s'applique pas aux crimes. Or, l'article 174
comprend l'un et l'autre cas. Il punit de la réclusion le concussionnaire,
lorsqu'il est fonctionnaire public ou percepteur. Ainsi, un directeur du mont-
de-piété qui aurait perçu ce qu'il savait n'être pas dû, serait passible de la
réclusion. Au contraire, le préposé, le commis du directeur ne subira, d'après
l'article 174, qu'une peine correctionnelle.
J'adopte volontiers l'application de l'article 463
pour ce dernier cas, mais on ne pourrait pas l'appliquer au premier, sans
changer l'économie du Code pénal.
M. Raikem. -
En ce qui concerne la réclusion, il me semble qu'on devrait aussi compléter
l'article, car lorsqu'il y a des circonstances atténuantes et que le préjudice
cause n'excède pas 50 fr., les tribunaux peuvent réduire la peine à 8 jours
d'emprisonnement et je crois qu'on a l'intention d'appliquer ici l'article 174
du code pénal autrement qu'il ne s'applique, modifié par l’arrêté du 9
septembre 1814. Tout ce qui résulterait des observations de l'honorable
préopinant, c'est que mon amendement devrait être plus complet, je n'avais rien
préparé ; c'est dans la discussion que l'idée que j'ai émise s'est présentée à
mon esprit ;
Ainsi, on pourrait appliquer l'arrêté de 1814 et la
chambre du conseil, ainsi que la chambre des mises en accusation pourraient
même correctionnaliser le crime en vertu de l'article 26 de la loi du 15 mars
1838. Peut-être serait-il utile d'indiquer ces diverses dispositions, mais en
ce moment il suffirait d'adopter le principe. Ou pourrait y revenir au second
vote ; car je crains qu'une réduction faite instantanément ne soit pas
complète.
M. le président. - Nous pourrons y revenir au second vote.
M. Tielemans. - L'observation de l'honorable M. Raikem est
parfaitement juste. Je crois, en effet, qu'il serait bon d'appliquer au cas de
crime l'arrêté-loi de 1814 tout comme on applique l'article 463 en cas de
délit, et j'ajouterai à mon amendement ces mots :
« Sans préjudice des réductions de peine que les
lois autorisent en cas de circonstances atténuantes et lorsque le préjudice
causé n'excède pas le taux fixé par ces lois. »
M. Raikem. -
Je crois qu'il faut citer l'arrêté du 9 septembre 1814. Du reste, nous pourrons
y revenir au second vote.
M. Vanden Eynde. - Messieurs, l'article 463 dont a parlé l'honorable M. Raikem doit
nécessairement être rappelé dans la loi, sans cela il ne serait pas applicable,
car il ne concerne que les délits prévus par le Code pénal. Quant à l'arrêté du
9 septembre 1814, il est toujours applicable, lorsqu'il s'agit d’un crime, de
manière qu'il pourrait être inutile de rappeler l'arrêté du 9 septembre 1814
tandis qu'il est nécessaire de mentionner l'article 463.
M. d’Anethan. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour faire observer à l'honorable
M. Vanden Eynde qu'il est dans l'erreur lorsqu'il pense que l'arrêté de 1814
est applicable aux crimes ou délits.
(L'orateur lit l'arrêté.)
Ainsi, messieurs, il y a nécessité de mentionner et
l'article 463 du Code pénal et l'arrêté du 9 septembre 1814, puisqu'il ne
s'applique qu'aux faits punis par le Code pénal.
M. Malou. - Messieurs, la discussion qui vient d'avoir lieu
préjuge une question assez grave, celle de savoir si, parmi les employés des
monts-de-piété, il en est qui ont le caractère de fonctionnaires ou d'officiers
publics, parce que c'est dans ce cas seulement que la révision peut être
prononcée. Je ne ferai pas de sous-amendement au sujet de cet article, mais je
recommande la question à l'attention de la chambre, pour qu'on voie, d'ici au
second vote, si, en effet, d'après la nature de l'institution, d'après le
caractère de ces agents, ce ne seront pas, dans tous les cas, des peines
correctionnelles qui seront applicables, en vertu de l'article 174.
- La discussion est close.
Le n°1° de l'article 17, tel qu'il a été amendé par
M. Tielemans, est mis aux voix et adopté. Il formera à lui seul l'article 17,
conçu en ces termes :
« Art. 17. Les employés ou agents des
monts-de-piété qui exigeraient des emprunteurs des sommes ou des intérêts
excédant ce qu'ils savaient être dû en vertu des tarifs et règlements, seront
punis conformément à l'article 174 du Code pénal, sans préjudice des réductions
que les lois autorisent en cas de circonstances atténuantes et lorsque le
préjudice n'excède pas le taux fixé par ces lois. »
Les autres paragraphes de l'article 17 sont
successivement mis aux voix et adoptés dans les termes suivants ; ils formeront
l'article 18 :
« Art. 18. Les peines prononcées par l'article
411 du Code pénal seront applicables :
« 1° Aux individus qui porteraient habituellement
des effets aux bureaux des monts-de-piété pour autrui et moyennant rétribution
;
« 2° A ceux qui achèteraient habituellement des
reconnaissances du mont-de-piété ;
« 3° A ceux qui céderaient ou achèteraient des
reconnaissances dans le cas du paragraphe de l'article 24.
« Le tout sans préjudice de l'application de
l'article 463 du Code pénal. (Addition adoptée sur la proposition de M.
Raikem.)
Articles 18 (devenu article 19)
« Art. 18(19). L'article 378 du Code pénal
sera appliqué aux employés ou agents des monts-de-piété qui auront révélé le
nom des personnes qui ont déposé ou fait déposer des objets à l'établissement.
»
Voici l'amendement qui a été présenté par M. de
Garcia :
« Les employés ou agents des monts-de-piété qui
auront révélé à d'autres qu'aux officiers de police judiciaire le nom des
personnes qui ont déposé ou fait déposer des objets à l'établissement, seront
punis des peines portées par l'article 378 du Code pénal. »
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je crois que l'on atteindra le but
que se propose l'honorable M. de Garcia, en terminant l'article 18 du projet
primitif par ses mots :
« Sauf le cas où ils seraient appelés en justice
pour donner des renseignements sur ces opérations. »
D’après la rédaction de l'honorable M. de Garcia,
la peine sera encourue par ceux qui auront révélé a d'autres qu'aux officiers
de police judiciaire le nom des personnes qui auront déposé ou fait déposer des
objets à rétablissement. Certainement, il est entré dans les intentions de
l'honorable membre de ne faire d'exception que relativement à ceux qui seraient
appelés eu justice ; or, l'amendement va plus loin et s'exprime d'une manière
générale.
Cependant je ne crois pas qu'il puisse être fait de
révélation aux officiers de police judiciaire en dehors de l'exercice de leurs
fonctions.
M. d’Anethan. - Messieurs, l'amendement de l'honorable M. de Garcia n'est pas tout à
fait complet, Je crois pourtant que l'intention de l'honorable, membre n'est
pas douteuse, et qu'il veut permettre de révéler, non seulement aux officiers
de police judiciaire, mais encore à la justice, les noms des personnes qui
avaient fait des dépôts. Car si l'on interprétait l’amendement d'une manière
rigoureuse, il en résulterait qu'on serait passible d'une peine, lorsqu'appelé
en justice, devant un tribunal, on viendrait déposer sous la foi du serment. Ce
n'est évidemment pas l'intention de l'honorable membre.
Si l'amendement était adopté, il faudrait ajouter
après les mois « aux officiers de police judiciaire », ceux-ci :
« ou à l'autorité judiciaire ».
L'amendement de M. le ministre de la justice me paraît pécher par une autre base. M. le ministre
ne parle que des révélations à faire à la justice, et dans le cas seulement où
ces révélations sont demandées par la justice. Ce n'est pas aller assez loin ;
ou exclurait d'abord la possibilité pour un officier de police judiciaire
d'aller interroger un employé du mont-de-piété.
Cette première opération, qui constitue le premier
degré de la poursuite, est en effet confiée à la police et non à la justice.
En second lieu, je ne puis pas partager l'opinion
de M. le ministre de (page 1065)
la justice, relativement à la défense qu'il veut maintenir pour les employés
des monts-de-piété de prendre l'initiative et de faire connaître à la police le
nom des déposants ayant engagé des objets qui seraient de nature à éveiller des
soupçons et à faire supposer qu'ils proviennent de vol. Il me semble que dès
l'instant où le directeur d'un mont-de-piété a, non pas même la certitude, mais
seulement le soupçon qu'un objet déposé chez lui provient d'un crime, il est de
son devoir de révéler cette circonstance, comme doit le faire tout bon citoyen.
On ne peut pas craindre que cette révélation nuise
à des tiers, seul inconvénient qu'on a voulu éviter par la défense établie dans
l'article 18, du moment qu'on se borne à permettre au directeur d'un
mont-de-piété de faire connaître ses soupçons à la police ou à la justice.
L'on ne pourrait donc pas
adopter l'amendement de M. le ministre de la justice s'il doit avoir pour
conséquence d'exiger que l'initiative vienne de la police, et d'empêcher
l'employé ou directeur du mont-de-piété d'éclaircir la justice par ses
révélations spontanées.
La défense ne doit porter que sur les révélations
indiscrètes qui pourront compromettre des individus qui auraient eu le malheur
de se trouver dans la nécessite de déposer des objets au mont-de-piété. Mais
quand il s'agit d'éclaircir la justice sur des crimes ou des délits, le chef de
l’établissement doit avoir pleine liberté et échapper à la pénalité comminée
par l'article 17.
M. de Garcia. - Quand j'ai présenté mon amendement, je croyais
qu'il était bien entendu que les révélations qui pouvaient se faire à la
police, pouvaient à plus forte raison se faire à l'autorité judiciaire. Au
reste, si sa rédaction peut laisser des doutes chez quelques-uns, rien du plus
facile que de les faire disparaître. Après les mots « officiers de
police », il suffira d'ajouter ceux-ci : « ou de l'autorité judiciaire ».
Ainsi, l'article 18 serait rédigé comme suit :
« Les employés ou agents des monts-de-piété qui
auront révélé à d'autres qu'aux officiers de police ou à l'autorité judiciaire,
les noms des personnes qui ont déposé ou fait déposer des objets à l'établissement,
seront punis des peines portées par l'article 378 du Code pénal. »
Voyons maintenant si l'amendement dont M. le
ministre vient de nous donner lecture, atteint mieux le but qu'on doit se
proposer.
J'observerai d'abord qu'il n'est pas facile de
saisir à une simple lecture la portée d'une proposition.
Mais si je l'ai bien comprise, son résultat serait
de ne permettre aucune révélation de la part des employés les monts-de-piété
que lorsqu'ils en seraient requis par autorité de justice ; ce système me paraît inadmissible et contraire aux règles
générales de la justice répressive ; il détruirait même, en certains cas, les
dispositions de lois existantes.
Quand
quelqu'un connaît un crime ou un délit, il remplit les devoirs d'un bon citoyen
en le dénonçant à l'autorité. Est-il rationnel d'interdire un devoir aussi social
aux agents du mont-de-piété ? Aucune raison ne peut justifier cette mesure ;
mais il y a plus, parfois la loi impose l'obligation de la révélation, témoin
l'article 103 du Code pénal qui commine des peines contre les citoyens qui,
connaissant certains crimes, ne les dénoncent pas à l'autorité.
D'après ces considérations, je pense que la chambre
ne peut admettre l'amendement présenté par M. le ministre, amendement contraire
aux règles d'une bonne justice répressive.
M. Tielemans. - Les observations présentées par MM. d'Anethan et de Garcia me
semblent très fondées, et je ne doute
pas que M. le ministre ne s'y rallie, mais je crains qu'avec les amendements proposes
on ne rencontre encore certaines difficultés ; ne serait-il pas préférable de
dire : « L'article 378 du code pénal sera appliqué à ceux qui auront méchamment
révèle les noms des personnes qui auront déposé ou fait déposer, etc. »
Le mot « méchamment » me semble
satisfaire à toutes les éventualités, à toutes les exigences.
M. de Garcia. - Je regrette de ne pouvoir me rallier à la pensée
émise par l'honorable M. Tielemans. Il y a des indiscrétions qui ne sont pas
méchantes, mais qui font tort ; elles ne doivent pas être tolérées. Introduire
dans la disposition le mot « méchamment », c'est créer un état de
choses qui empêchera la loi d'avoir aucun effet à mes yeux. Il faut punir, non
seulement les révélations faites méchamment, mais encore les indiscrétions. Je
persiste donc dans mon amendement, avec les modifications indiquées dans mon
premier discours.
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). -
Messieurs, je me rallierai à l'amendement de l'honorable M. de Garcia avec la
modification qu'il y a ajoutée.
M. de Garcia. - Pour le second vote, je me réserve de pouvoir
rendre l'article 463 à cette disposition.
M. Raikem. -
On fera une disposition générale.
- La discussion est close.
L'amendement proposé par M. de Garcia est mis aux
voix et adopté.
Plusieurs
voix. - A demain !
M. le président. - M. de Garcia a déposé un amendement qui sera imprimé.
- La séance est levée à 4 heures un quart.