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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 18 décembre 1847
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétition
relative aux droit de douanes sur le tabac (de La Coste)
2) Rapports sur des pétitions relatives notamment à l’organisation des dépôts de mendicité
3) Projet de loi portant le budget du département de
l’intérieur pour 1848. Discussion des articles.
a) Instruction
primaire et intervention du clergé dans l’enseignement (nomination des instituteurs,
enseignement normal, convention de Tournay) (de Theux, de Mérode, Destriveaux)
b)
Lettres et sciences. Propriété littéraire, dépôts légal, bibliothèque royale (de Bonne), musée d’histoire naturelle, notamment traitement
Bernard Dubus, indépendance des députés-fonctionnaires (Rogier,
de Theux, Osy, de
Theux, Delfosse, Rogier, Verhaegen, Nothomb, de Theux, Lebeau, de Theux, Delfosse, Delehaye, Rogier, Nothomb, Eloy de Burdinne, Malou, Rogier, Verhaegen),
publication des Acta Sanctorum (de Bonne, Dedecker, Nothomb, de Bonne, Malou, Rogier,
Verhaegen, de Bonne)
c)
Beaux-arts. Académie royale d’Anvers (Loos, Maertens, Rogier), contrefaçon d’œuvres
d’art (Nothomb, Rogier, Verhaegen)
d) Service
de santé. Médecins cantonaux (Dedecker, Rogier, de Theux)
e) Frais
des commissaires d’arrondissement (de Breyne)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 321) M. A. Dubus
procède à l'appel nominal à midi un quart.
M. T’Kint de Naeyer
lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M.
A. Dubus présente l'analyse des pétitions adressées à la
chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Plusieurs aubergistes à Herseaux demandent l'abrogation de la loi
du 18 mars 1838, qui établit un impôt de consommation sur les boissons
distillées. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et
moyens.
» Les fabricants de tabac de la ville de Louvain prient la chambre de
rejeter la proposition de la section centrale, qui a pour objet de porter à 20
fr. par 100 kil. le droit de douane sur les tabacs en feuilles de toute espèce.
»
M.
de La Coste. - Messieurs, cette réclamation des fabricants
de tabacs d'une de nos villes importantes contre l'augmentation d'impôt
proposée par la section centrale, renferme des observations que je crois fort
importantes, notamment quant au désavantage qui en résulterait pour la
fabrication indigène, comparativement aux fabriques de Hollande avec lesquelles
jusqu'ici elle peut soutenir la concurrence. Les réclamants vous proposent, au
lieu d'augmentations d'impôts, des diminutions de dépenses. Je n'entrerai pas
dans cet examen ; je demanderais que la pétition fût insérée au Moniteur, si
déjà, dans des occasions précédentes, il n'avait paru que certains précédents
de la chambre s'y opposaient. Je me bornerai donc à recommander la pétition à
l'attention de MM. les membres de la chambre, et à demander le dépôt sur le
bureau pendant la. discussion du budget des voies et moyens.
- Cette proposition est adoptée.
________________
« Le sieur Léonard demande qu'il soit pourvu aux places de conseiller
communal vacantes à Liège. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________
« La dame de Kenettenorf, veuve
du sieur Laincé, ancien brigadier ouvrier tailleur, réclame l'intervention de
la chambre pour obtenir un secours. »
- Même renvoi.
________________
M. d'Huart informe la chambre qu'une indisposition l'empêche de prendre
part aux travaux de l'assemblée. Il demande un congé de quelques jours.
- Accordé.
RAPPORTS DE PETITIONS
M.
Dedecker. - Messieurs, dans une séance précédente, vous
avez renvoyé à la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de
loi sur les dépôts de mendicité, une pétition qui a trait à cet objet. Cette
pétition a été adressée à la chambre par les membres dirigeants de la société
agricole des Bons ouvriers établie à Saint-Sauveur. Elle est très étendue ;
elle contient l'organisation, d'abord d'un plan nouveau de centralisation et de
distribution de secours publics aux pauvres infirmes et invalides, ainsi qu'aux
pauvres valides dont le salaire ne suffirait pas à l'entretien de leurs
familles ; en second lieu, un plan d'organisation de dépôts de mendicité
cantonaux qui consisteraient en établissements de fermes de bienfaisance où
l’on donnerait du travail à tous les ouvriers qui se trouveraient sans ouvrage
dans leurs communes respectives.
La commission a examiné avec l'attention voulue ce double plan
d'organisation ; elle conclut au renvoi de la pièce à M. le ministre de la
justice, dans les attributions duquel se trouvent les dépôts de mendicité ; et
en second. lieu, comme la question est très importante pour l'extinction du
paupérisme, la commission propose également le renvoi à M. le ministre de
l'intérieur.
- Le double renvoi est ordonné.
________________
M.
Destriveaux. - Messieurs, le bourgmestre de la commune de
Tilff demande à obtenir le transfert dans cette commune du chef-lieu du canton
de Beaufays.
La commission, considérant que le bourgmestre de Tilff ne produit aucune
pièce à l'appui de sa demande, estime qu'il y a lieu de la renvoyer à M. le ministre
de la justice pour ordonner à cet égard les mesures qu'il croira nécessaires ou
convenables.
- Le renvoi est ordonné.
________________
M. le
président. - La chambre a chargé le bureau de nommer une
commission pour examiner le projet de loi relatif à la prorogation de la loi du
18 juin 1842 relative au transit. Le bureau conserve la commission nommée
l'année dernière. Elle était composée de MM. Dumont, Mercier, Loos, Lejeune,
Lesoinne et Veydt. M. Veydt est remplacé par M. Delehaye.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR POUR 1848
Discussion des articles
Chapitre XVIII. - Instruction publique
Instruction primaire
Article 7
M. le
président. - La discussion continue sur les articles 7 et
8 du chapitre XVIII, Enseignement primaire.
M. de Theux. - Dans la
séance d'hier la discussion a roulé sur la correspondance de l'honorable M.
Nothomb, ancien ministre de l'intérieur, chargé de la première exécution de la
loi relative à l'instruction primaire, avec les chefs diocésains ; elle a roulé
aussi sur le principe même de la loi. En ce qui concerne la correspondance,
bien que l'honorable ministre de l’intérieur ait dit qu'elle constatait la
faiblesse du pouvoir pendant les six dernières années, je dois, abstraction
faite de cette appréciation sur laquelle on pourra revenir plus tard, déclarer
que dans toute la correspondance dont il a été question hier, il n'y a pas une
ligne qui soit émanée de moi.
J'espère que M. le ministre de l'intérieur voudra bien le reconnaître.
Du reste, messieurs, il n'entre pas dans mes intentions de vous entretenir de
la correspondance de mon honorable prédécesseur ; je le puis d'autant moins que
ce n'est que d'une manière très fugitive que j'ai entendu hier quelques
passages de cette correspondance et que pour en parler avec connaissance de
cause, j'aurais dû en faire un examen sérieux, approfondi.
Ici qu'il me soit permis d'insister sur la remarque que j'ai faite dans
la discussion de. l'adresse sur ce qu'il y avait d'insolite dans la manière
dont il avait été fait mention de cette correspondance, et d'ajouter que mon
étonnement a été également grand d'entendre commenter cette correspondance par
un honorable député étranger au gouvernement, attendu que cette correspondance
ne faisait pas partie des actes de la chambre.. Du reste, cet honorable membre
pouvait demander communication de cette correspondance au gouvernement et en
faire usage avec son autorisation. Je n'entends pas critiquer l'usage qu'il en
a fait, mais il n'est pas moins vrai qu'il s'est établi à deux reprises une
discussion sur une correspondance dont la chambre n'était pas saisie, et que
cette discussion ne pouvait être ni fructueuse, ni équitable, ni impartiale,
parce que le public n'était pas à même de juger le débat.
En ce qui concerne la loi elle-même, la discussion a porté sur la
nomination des instituteurs, sur le concours et sur les cours normaux, et
principalement sur l'abstention du clergé considérée en droit et en fait.
On a considéré comme une grande faveur accordée au clergé la part que
lui fait la loi sur l'enseignement primaire. C'est là une erreur capitale. La
loi sur l'enseignement primaire n'a pas entendu accorder une faveur au clergé.
Elle a entendu donner des garanties à la société. Le législateur a voulu, en
initiant toutes les conditions de la société à un degré assez avancé
d'instruction primaire, offrir en même temps des garanties de moralité basées sur
la religion.
Ici ce n'est pas un privilège pour la religion catholique, puisque ce
qui est stipulé pour la religion catholique, est également stipulé à l'égard
des cultes réformés, à l'égard du culte israélite.
Mettons donc de côté toute idée de faveur, de privilège. Disons que la
loi sur l’instruction primaire est une loi sociale, faite dans l'intérêt de
tous, et non dans l'intérêt d'une catégorie de citoyens.
Cette loi d'ailleurs est fondée sur l'article 17 de la Constitution,
lequel a prévu que l'enseignement donné aux frais de l'Etat serait réglé par la
loi.
Pourquoi le congrès a-t-il posé ce principe ? C'est que l'expérience
faite sous le gouvernement des Pays-Bas et sous l'empire avait prouvé que le
pouvoir, lorsqu'il agit suivant sa volonté, volonté qui varie avec les hommes
qui tiennent le pouvoir, il pourrait y avoir préjudice pour la société. Le
congrès, dans des vues élevées, a voulu que le pouvoir qui doit se régler
d'après la loi dans des matières beaucoup moins importantes, dût se régler aussi
d'après la loi dans des matières capitales, telles que l'enseignement public.
C'est donc dans l’intérêt de la société que la loi sur l'instruction primaire a
stipulé que l'enseignement public comprendrait nécessairement l'enseignement de
la religion et de la morale ; que cet enseignement serait donné soit par les
ministres du culte eux-mêmes, soit sous leur direction par des instituteurs.
Cette disposition de la loi est de nature à susciter quelquefois des
difficultés. Mais, en présence d'un intérêt aussi grand, aussi universel, on ne
doit pas s'effrayer de quelques difficultés de détail, de quelques difficultés
d'exécution.
On a beaucoup parlé de l'abstention du clergé, du droit d'abstention, de
la pratique de l'abstention. On a dit : Mais il dépend du clergé de faire qu'il
n'y ait plus d'instruction primaire donnée aux frais de l'Etat, des provinces
et des communes dans le royaume. Le clergé n’aura qu’à (page 322) déclarer arbitrairement, sans motifs plausibles, qu'il
s'abstient. Tel n'est pas le sens de la loi.
Je dirai même que ce cas ne peut se présenter. En effet, par quel motif
le clergé déclarerait-il d'une manière générale qu'il s'abstient ? Evidemment
parce qu'il serait en opposition avec le gouvernement sur des points
fondamentaux, en ce sens, par exemple, que le gouvernement réduirait à rien,
dans la pratique, l'intervention que la loi assure au clergé, qu'il la rendrait
illusoire par un mauvais choix des instituteurs, par le choix de livres
contraires à la religion ou à la morale de la religion, qu'il permettrait
d'introduire dans les écoles primaires où dont il prescrirait l'emploi. Je
suppose qu'un cas semblable se présente, et vous conviendrez que l'abstention
du clergé serait tout à fait dans son droit et qu'elle serait justifiée dans !a
pratique.
Mais alors les écoles primaires seraient-elles fermées ? En aucune
manière. Les écoles primaires ne peuvent être fermées que par décision du
gouvernement, et le gouvernement qui, dans ce cas, aurait créé le conflit,
aurait amené l'abstention, assurément ne fermerait pas les écoles. Mais alors
qu'arriverait-il ? Il arriverait que la question rentrerait essentiellement
dans le domaine de la législature. Ce sont les chambres qui, dans ce cas,
auraient le droit de demander compte au ministère des motifs de l'abstention du
clergé, qui auraient le droit de demander si cette abstention est due à des
faits posés par le ministère, en contradiction au texte et à l'esprit de la
loi, ou si cette abstention est le fait d'un caprice du clergé, d'une
prétention exorbitante de sa part.
Dans le premier cas, messieurs, le ministère rendu responsable, ne
pourrait pas tenir devant les chambres. Dans le second cas, le ministère
justifié par ses actes, serait maintenu par les chambres, et le clergé aurait à
s'attribuer le tort qui pourrait résulter, dans l'enseignement de la jeunesse,
de l'abstention qu'il aurait décidée.
Voilà, messieurs, pour l'abstention en général. Supposons l'abstention
dans des cas particuliers.
Eh bien, encore cette abstention peut être fondée ou ne pas l'être. Elle
est fondée si, dans une commune, un instituteur a été nommé qui n'est pas en
état de donner l'enseignement de la religion et de la morale, ou qui a une
conduite scandaleuse. Dans ces deux cas, cette abstention est fondée, et c'est
au gouvernement qu'il appartient de remédier à l'abus signalé par le clergé
dans l'exercice de son droit.
Car l'article 8 de la loi sur l'enseignement primaire demande que les
chefs des cultes fassent annuellement un rapport au gouvernement sur
l'enseignement de la religion et de la morale. C'est dans ces rapports, dans
ces inspections, qu'il doit être constaté si l'enseignement de la religion et
de la morale est réellement donné conformément aux prescriptions de la loi.
S'il ne l'est pas, le gouvernement doit faire exécuter la loi.
Mais si l'abstention du clergé est basée sur d'autres motifs, sur des
motifs civils, sur des motifs politiques, alors cette abstention n'est pas
fondée et le gouvernement ne doit pas y avoir égard. Il maintient l'école ; il
maintient l'instituteur.
Voilà, messieurs, de quelle manière je comprends et j'ai toujours
compris l'exécution de la loi. J'aime à croire que la loi, ainsi expliquée, ne
soulèverait des objections de la part d'aucun membre de cette chambre.
Messieurs, on s'est beaucoup étonné que le clergé montrât quelque
défiance quant à l'exécution de la loi, non pas d'une manière générale, mais
pour des circonstances éventuelles. Mais, messieurs, en cela il ne va plus loin
que le congrès lui-même qui, lui aussi, a manifesté des défiances à l'égard des
autorités publiques et à l'égard de la première autorité, le gouvernement,
puisqu'il a voulu que l'enseignement public fût réglé par la loi.
Messieurs, dans un gouvernement, dans des corps où tout change par
l'élection, où les principes les plus contraires peuvent être professés par
ceux qui détiennent le pouvoir, il est bien naturel que l'on prévoie
l'éventualité d'un dissentiment.
Ces observations m'amènent à rencontrer ce qui a été dit hier de l'avis
demandé officieusement aux inspecteurs ecclésiastiques par les inspecteurs
civils, avant de prononcer l'agréation des instituteurs choisis par la commune.
Ici, messieurs, la mesure se justifie d'elle-même. Les élèves
instituteurs, sortant des écoles normales, doivent justifier de leur aptitude à
enseigner les différentes branches dont ils sont chargés par la loi. Ils
doivent donc subir un examen sur leur capable d'enseigner la religion et la
morale, le calcul, l'écriture, la lecture et toutes les autres branches dé
science humaine, qui doivent faire l'objet de l'enseignement dans les écoles
primaires.
Lorsqu'ils ont satisfait à cet examen, ils obtiennent un diplôme de
capacité ; et lorsque, ensuite, ils sont choisis par les commîmes, le gouvernement
n'a plus à s'enquérir de rien ; la présentation de leur diplôme répond à tout.
Mais lorsque les communes, comme elles l'ont fait pendant quatre années,
en vertu d'une disposition transitoire de la loi, ou bien comme elles peuvent
le faire encore aujourd'hui, choisissent leurs instituteurs en dehors des
élèves sortis des écoles normales, elles ne peuvent le faire qu'avec
l'agréation du gouvernaient. Alors, pour que l'agréation du gouvernement ait
lieu eu pleine connaissance de cause, que faut-il ? Il faut que l'inspecteur
civil s'assure de la manière qu'il jugera le plus convenable si l'instituteur
est capable de donner, dans toutes ses branches, l'enseignement civil, pour
m'expliquer d'une manière courte et précise. Quant à l'enseignement de la religion
et de la morale, que convient-il de faire ? Consulter officieusement
l'inspecteur diocésain pour savoir si l'instituteur remplit réellement les
conditions voulues pour donner cette dernière instruction. Je dis
officieusement, car aucune mesure du gouvernement ne prescrit d'informations
officielles ; ce que le gouvernement a autorisé, ce sont des informations
officieuses, et celles-là sont toutes de convenance, et je dirai même de droit,
si l'on veut exécuter sainement la loi : car comment le ministre de l'intérieur
pourrait-il s'assurer que l'instituteur est à même d'enseigner la religion et
la morale s'il n'a pas même demandé l'avis de l'inspecteur diocésain ? Ce
serait demander de la part du ministre une chose impossible, ou bien le mettre
dans le cas d'agréer un instituteur, abstraction faite de son aptitude à donner
cet enseignement, et ensuite de devoir le révoquer lorsqu'il serait constaté
qu'il ne sait point satisfaire à cette partie de ses devoirs. Or, il est de
principe élémentaire en toutes choses, mais surtout en matière de gouvernement,
qu'il vaut mieux prévenir un mal que de le réparer.
M. le ministre de l'intérieur a avancé, dans la séance d'hier, que si
les concours n'étaient pas encore organisés, c'est que le clergé s'y était
opposé.
Je dirai d'abord que je ne connais aucune opposition du clergé au
concours ; mais ce que je connais, c'est une opinion émise par un ou plusieurs
membres du clergé, sur l'inutilité et même sur les mauvais effets des concours
en général, en ce qui concerne l'instruction primaire. Mais j'ose affirmer à
cette chambre que je n'ai reçu aucune espèce de remontrance à cet égard ; il ne
m'a été fait aucune objection ni aucune demande de sursis. Mais voici ce que
j'ai consigné dans le rapport triennal sur l'enseignement primaire :
« Il y a eu parmi les inspecteurs provinciaux ( et ici il s’agit des
inspecteurs provinciaux civils) pour l'ajournement de l'organisation des
concours entre les écoles primaires ; quatre de ces fonctionnaires, ceux des
provinces de Liège, de Flandre occidentale, de Flandre orientale et de Namur,
se sont même prononcés définitivement contre tous, y ont vu de grands
inconvénients, aucun ne les a approuvés d'une manière absolue, etc..
etc. » (page 281 du rapport.)
Mais lorsque dans la discussion du budget de l'intérieur de 1847, l'on a
fait mention des concours, j'ai fait observer que, dans l'état actuel, le
concours n'était pas encore utilement praticable, mais qu'aussitôt que la loi
aurait produit des effets suffisants, que les écoles primaires seraient
arrivées à un degré de perfection satisfaisant, le gouvernement devrait, dans
mon opinion, faire quelques essais de concours, pour en apprécier le résultat,
avant de les décréter d'une manière générale, peut-être au grand préjudice de
l'enseignement primaire.
L'opinion que j'ai exprimée alors, je la maintiens aujourd'hui ; soyez
persuadés, messieurs, qu'elle n'est influencée par aucune autre considération
que celle de l'intérêt de l'enseignement même, car, au fait, il n'y a rien
d'antireligieux ni d'immoral dans un concours ; il ne s'agit, quant au
concours, que des progrès de l'enseignement primaire, de rien autre.
M. le ministre de l'intérieur a aussi parlé des cours normaux ; il a
encore cru que si ces cours n'étaient pas encore organisés d'une manière
complète dans les neuf provinces, c'est encore par suite d'une condescendance
envers des prétentions mal fondées de l'épiscopat.
Eh bien, messieurs, il n'en est rien. L'honorable M. Nothomb a décrété
l'érection d'un cours normal dans chacune des provinces, comme il en avait le
droit ; je dis : Comme il en avait le droit, pour ne pas confondre avec
l'obligation, parce que la loi n'en fait pas d'obligation.
L'honorable M. Nothomb a dit, dans la séance d'hier, comment, d'après
son système, les cours normaux devaient être organisés. Il fallait deux années
d'études préparatoires auprès d'une école primaire supérieure. Cinq villes
s'étaient mises en devoir de satisfaire aux premières prescriptions de M. le
ministre de l'intérieur ; c'étaient les villes de Bruxelles, Tournay, Bruges,
Gand et Virton ; à la fin de 1845, après examen, on avait admis à ces cours
préparatoires, qui devaient précéder l'internat, 17 aspirants
élèves-instituteurs, dont trois à Bruxelles, trois à Bruges, trois à Gand,
trois à Tournay et cinq à Virton.
Vous voyez, messieurs, que l'importance de ces cours normaux était très
faible ; je dirai que la dépense est très considérable, proportion gardée des
résultats.
L'on a avancé, dans la séance d'hier, qu'une réclamation a été faite au
conseil provincial du Luxembourg, sur l'absence d'organisation des cours
normaux à Virton. Eh bien, pendant tout le temps que j'ai été au ministère, je
n'ai reçu que deux réclamations pour l'exécution de cette partie de la loi. Une
de ces réclamations, émanée de l'inspecteur provincial de l'enseignement
primaire du Luxembourg, concernait l'école de Virton ; l'autre m'était arrivée
de Gand. En ce qui regarde l'école primaire supérieure de Virton, dès le 6
janvier, peu de jours après la tenue des conférences centrales des inspecteurs,
que j'avais présidées, dans laquelle on m'avait signalé l'utilité de pousser
plus avant l'organisation de cette école de Virton, dès le 6 janvier, dis-je,
j'écrivis à M. le gouverneur du Luxembourg, pour amener l'organisation complète
de ces cours à Virton. Si M. le ministre de l'intérieur veut se faire
reproduire le dossier, il verra toute la suite de l'instruction à laquelle ma
dépêche a donné lieu.
D'ailleurs, messieurs, nous sommes encore à temps pour adopter les
mesures qu'il reste à prendre ; les mesures prises à la fin de 1845 se (page 323) rapporteraient seulement aux
cours préparatoires ; ces cours devaient être suivis pendant deux ans ; nous
arrivons donc à la troisième année, celle de l'internat. Cette partie, j'en
conviens, reste à régler ; mais M. le ministre de l'intérieur qui, hier,
pensait que je ne m'étais nullement occupé de cette organisation, voudra bien
encore consulter les archives de son département, et il acquerra la preuve
qu'au mois de juillet dernier, j'ai prescrit à l'inspecteur général des écoles
normales et des écoles primaires supérieures de me présenter un plan complet et
définitif d'organisation pour les cours normaux dans toutes les provinces.
Voilà, messieurs, ce que j'ai fait. Cette demande je l'ai encore
rappelée avant de quitter le ministère. C'est à mon honorable successeur à y
donner suite, car j'aime à croire qu'il a reçu un rapport de l'inspecteur
général des écoles primaires supérieures et des écoles normales. L'organisation
des cours normaux doit se rapporter à la troisième année qui est celle de
l'internat. Parmi les communes que j'ai citées, il en est une qui s'est
toujours refusée de satisfaire aux prescriptions de M. Nothomb, confirmées par
l'honorable M. Van de Weyer, c'est la ville de Bruxelles, laquelle a dit
qu'elle n'était pas tenue de fournir de local pour interner les élèves. Le
département de l'intérieur a prétendu que cette obligation existait et qu'à
défaut par la commune d'y satisfaire, force lui était de s'abstenir, n'ayant ni
la faculté, ni les moyens de procurer le local nécessaire. Voilà où l'affaire
en est restée. Mais après tout ces cours normaux, dans la pensée du législateur
ou dans la pratique, ont-ils une si haute utilité ? D'autre part, est-ce là une
question de nature à soulever des questions de parti ? En aucune manière. On ne
peut pas soulever de questions de parti à propos des cours normaux, car les
élèves-instituteurs formés dans les cours normaux doivent être instruits,
formés à l’enseignement de la jeunesse de la même manière que les élèves des
écoles normales elles-mêmes, sans quoi ils ne pourraient remplir leur mission.
Dès lors, peu importe, quant aux principes, que l'élevé instituteur
reçoive l'instruction dans des cours normaux institués près d'une école
primaire supérieure ou dans une école normale ! Savez-vous où est la différence
? Elle gît dans l'aptitude que l'instituteur acquiert dans l'une ou l'autre de
ces institutions. Or pour tout homme impartial qui voudra méditer la question
de la formation des instituteurs, il n'est pas douteux que l'école normale
proprement dite est de beaucoup préférable au cours normal.
L'école normale comporte un établissement beaucoup plus complet, car il
serait impossible de donner aux cours normaux avec la même extension l'éducation
que dans la pédagogie des écoles normales. Voyez ce qu'il en coûte pour avoir
de bonnes écoles normales ; croyez-vous que des communes voulussent faire de
pareilles dépenses, en supposant que la dépense serait de beaucoup réduite
parce que déjà un personnel est attaché à l'école primaire supérieure ? Il
n'est pas moins vrai que les élèves externes pendant deux années, internes
pendant la troisième année, ne trouvent pas le même avantage au point de vue de
l'éducation que ceux qui sont internes pendant trois années. La pédagogie est
moins complète dans les écoles primaires supérieures que dans les écoles
normales.
C'est encore là une question qui est toute d'intérêt et d'avenir pour
l'enseignement primaire, bien plutôt qu'une question de parti. Toutefois je le
reconnais, quelques évêques ont craint qu'on multipliât les cours normaux. En
en voyant créer neuf, quand il existe déjà un si grand nombre d'écoles
normales, ils ont craint qu'on ne vît déserter en partie les écoles normales,
et les grandes dépenses faites pour ériger ces établissements, avoir moins
d'utilité. C'est ce que j'appelle la concurrence-Mais ici c'est encore une
observation qui ne présente rien de blessant. Lorsque, dans la discussion de la
loi, dans le texte de la loi, on a reconnu que le gouvernement pouvait adopter
les écoles normales fondées par les évêques, en les faisant inspecter, en
surveillant l’enseignement et la collation des diplômes, il acquérait la même
garantie que dans les écoles de l'Etat, il y avait non pas concurrence fâcheuse
au point de vue du pays, mais utilité évidente pour le pays. Voilà de quelle
manière la question a été comprise lors de la discussion de la loi. Cela est
tellement vrai que la législature a toujours consenti la collation de quelques
bourses au profit des écoles normales épiscopales. Ainsi cette cause de grief
disparaît encore.
Messieurs, l'honorable député de Tournay a touché encore hier la
question de l'athénée, il a dit que j'avais changé d'opinion sur la question que
soulevait le projet de convention.
J’ai déjà eu l’occasion de dire à la chambre que je n’avais pas varié
d’opinion, quant aux principes ; je n’ai changé d’opinion que quant à
l’interprétation de la convention projetée ? En effet, qu’ai-je dit dans
la première discussion ? J'ai dit que dans mon opinion ce projet de convention
n'enlevait en aucune manière à la régence le libre choix des professeurs, que
ce qui en résultait, c'était que si la régence passait outre à la nomination
d'un professeur contre lequel l'évêque avait articulé des griefs graves,
l'évêque rentrait dans son droit, retirait le principal.
Ainsi entendue, je ne vois aucune atteinte portée à la liberté de la
régence ; mais je dois convenir qu'après les explications ultérieures qui
eurent lieu entre la régence et le chef diocésain, il m'a paru qu'il y avait,
de la part du chef-diocésain, intention de faire contracter une obligation
réelle de la part de la régence qui moralement, au moins, aurait porté atteinte
à son indépendance, quant au choix et à la révocation des professeurs. Ainsi
entendue, j'ai dit dans la dernière discussion, qu’effectivement cette
convention dépassait les limites du droit de la régence. Mais déjà j'avais été
au-devant de l'objection en formulant des amendements au projet de loi
d'enseignement moyen. Dans ce projet de loi la question est nettement tranchée,
elle l'est formellement, conformément aux principes formulés par M. le ministre
de l'intérieur dans son programme de 1846.
Dans cette autre discussion sur la convention de Tournay, j'ai dit que
j'espérais que la chambre ne sanctionnerait jamais une loi qui interdirait
d'une manière absolue tout arrangement entre les régences et les chefs du culte
pour assurer l'enseignement de la religion et de la morale.
Ce que j'ai dit alors, je le dis encore. J'espère que toute convention
qui ne sortira pas des limites du droit, qui laissera à l'autorité civile
l'indépendance dans le cercle de ses attributions, ne trouvera pas d'obstacle
dans la loi que nous aurons à faire sur l'enseignement moyen et que nous ne
verrons pas ainsi tomber tous les arrangements conclus depuis 1830.
Remontant à l'origine de ces arrangements, je rappellerai au député de
Tournay qu'ils datent non pas de six ans, comme il le suppose, mais des
premières années de notre Constitution.
Un
membre. - Il y en a eu même sous le gouvernement des
Pays-Bas.
M. de Theux. - Ainsi il
n'y a en cette matière rien de nouveau. Ce qui se pratique sous une
administration avait été pratiqué sous une administration antérieure.
Je termine par une considération générale.
On a beaucoup parlé des grands privilèges accordés au clergé par notre
Constitution qui proclame la liberté des cultes, la liberté d'enseignement, la
non-intervention de l'Etat dans la nomination des ministres des cultes, la
défense d'imposer à qui que ce soit un acte qui soit contraire à la liberté des
cultes.
Dans toutes ces dispositions, je ne trouve aucun privilège, ni pour le
clergé catholique, ni pour les ministres des autres cultes. J'y trouve
simplement la consécration elle développement d'un principe.
La Constitution a proclamé la liberté des opinions, la liberté des
cultes. Le congrès, après avoir proclamé ces libertés, non dans l'intérêt des
ministres des cultes, mais dans l'intérêt de tous les habitants du royaume, est
resté conséquent avec lui-même, lorsqu'il a voulu que, dans aucun cas, le
pouvoir civil ne pût porter atteinte à l'indépendance des ministres des cultes
; car il serait absurde de proclamer la liberté des cultes pour les
particuliers et de permettre au pouvoir d'influencer la direction des cultes ;
ce serait une inconséquence que le congrès était trop judicieux pour commettre.
Ici, j'arrive à une observation capitale sur l'indépendance du pouvoir
civil. Le congrès a admis de la manière la plus précise l'indépendance en
matière religieuse ; et il n'a pas proclamé l'indépendance du pouvoir civil,
parce qu'il eût été absurde, je dirai même ridicule de la proclamer. Le congrès
était une institution laïque, qui réglait d'autorité le pouvoir politique, le
pouvoir administratif ; il ne consultait pas le clergé ; il ne lui demandait
pas l'autorisation de faire sa constitution ; il la faisait parce qu'il en
avait le droit et le pouvoir.
Il mettait aux mains du pouvoir laïque, toutes les forces de l'Etat. En
présence de telles dispositions, il était absurde de parler de l'indépendance
du pouvoir civil. Aussi j'avoue que ces mots d'indépendance du pouvoir civil
m'ont toujours profondément choqué ; car proclamer cette indépendance, c'est
supposer qu'on puisse y porter atteinte. Comme citoyen belge, je n'admets pas
cette possibilité. La Constitution ne la suppose pas ; nos institutions sont
tellement organisées qu'il est impossible d'y porter atteinte. D'après cela, je
dis que cette indépendance dont on fait grand bruit est positivement un
non-sens.
Je termine ici mes observations ; car
pour rencontrer des observations de détail qui ont été présentées, il aurait
fallu que je pusse les lire dans le Moniteur. Or, il n'a pas été distribué
avant l'ouverture de la séance. On n'a distribué que le discours de l'honorable
M. Nothomb et une faible partie du discours de l'honorable député de Tournay.
Du reste, autant que ma mémoire est fidèle, il me semble que j'ai
rencontré les points principaux du débat.
M.
de Mérode. - Dans une affaire aussi grave que celle qui
concerne l'éducation des enfants de tout un peuple, il importe essentiellement
que l'on s'exprime d'une manière claire et sans équivoque, que l'on indique
franchement et sincèrement le but que l'on veut atteindre, et qu'ensuite les
moyens employés pour l'obtenir soient et simples dans leur exécution, et
efficaces dans leur action.
Tel n'a pas été, selon moi, le système adopté par l'honorable M.
Nothomb, ancien ministre de l'intérieur. Il a eu des intentions bienveillantes
pour l'éducation religieuse, parce que son intelligence est assez élevée pour
en comprendre le besoin ; mais il n'a pas voulu, dans ses rapports avec les
principaux ministres de l'Eglise, reconnaître franchement la part d'influence
qui devait leur revenir dans l'accomplissement de la loi sur l'instruction
primaire, conformément aux bases posées par lui-même, du vrai concours libre et
honorable des deux autorités ; et pourquoi ? parce que si M. Nothomb est un
homme de talent, et porté, par sa nature, vers le bien, il manque de hardiesse
et se laisse dominer par des craintes méticuleuses, dont la supériorité de son
esprit devrait l'affranchir entièrement.
M. Nothomb ne veut pas d'une éducation primaire rationaliste ;
c'est-à-dire à principes vagues, dont on peut dire : tot capita tot sensus,
autant de cervelles, autant d'opinions diverses ; mais alors pourquoi vouloir
que (page 324) cette éducation
dépende particulièrement des ministres qui se succèdent au timon des affaires
civiles, et qui certes sont bien loin d'être d'accord sur les idées
philosophiques et dogmatiques devant servir de fondement à l'éducation
populaire ? Il veut, d'une part, qu'elle soit religieuse ; de l'autre, que
l'autorité ecclésiastique ne soit consultée, çà et là, qu'officieusement et
sans conséquence certaine sur le choix des maîtres d'école. Or, je le demande,
est-ce là le moyen d'éviter l'éducation rationaliste, l'éducation livrée à tout
vent de doctrines que repousse l'honorable ministre de l'intérieur, aujourd'hui
plénipotentiaire à Berlin ?
Lisez, au contraire, attentivement et sans prévention, la lettre écrite
par Mgr. l'évêque de Liège, au nom de ses collègues dans l'épiscopat, à M. Van
de Weyer ; vous y trouvez un ordre parfaitement logique d'idées exprimées avec
toute la convenance et la modération désirable ; car elle se termine par les
paroles que voici :
« Si, sur quelques points de l'exécution de la loi je me suis décidé à
signaler ce que j'appelle ses imperfections, je l'ai fait la main sur la
conscience pour le bien du pays et nullement dans un esprit de critique ou
d'opposition. En vous soumettant ces observations, je pense faire acte de bon
citoyen, en même temps que je remplis un devoir de ma charge. Si mes idées sur
les divers points que j'ai touchés vous paraissaient peu exactes, veuillez me
détromper. L'union du clergé avec le gouvernement pour la bonne exécution de la
loi intéresse tellement le bien public, que pour la conserver je suis disposé à
tous les sacrifices que ma conscience pourra avouer. ».
Je cite la fin de la lettre pour montrer l'esprit qui anime le prélat
zélé pour le bien des âmes, ce qui, j'espère, n'est pas un crime chez un
pasteur, et je prends le commencement de sa lettre pleine de bon sens pratique.
« L'auteur du projet de loi, dit-elle, n'a cessé pendant la discussion
de représenter cette loi comme une grande et belle transaction entre le
gouvernement, la commune et le clergé sur la question que tout le monde
redoutait le plus. Le parti qui se dressait contre le gouvernement se croyait
impitoyable, parce que, selon lui, le clergé ne pouvait être que déraisonnable,
et le gouvernement que servile, M. Nothomb, au contraire, admit la loyauté et
du clergé et du gouvernement, il crut à un concours sincère de la part du
clergé. Son point de départ fut qu'il y aurait des deux côtés bonne foi, amour
de la paix et intelligence des droits respectifs. »
Remarquez bien, messieurs, que quand l'évêque parle ici de droits, ce
n'est pas qu'il ambitionne un empire par orgueil, par soif de domination, mais
bien par le désir si légitime de remplir le devoir de sa charge vis-à-vis des
populations confiées à sa garde spirituelle. Dans son Epitre aux Romains,
l'apôtre des nations, saint Paul leur dit : Comment croiront-ils en lui (au
Christ rédempteur), s'ils n'en ont point entendu parler, et comment en
entendront-ils parler si personne ne leur prêche, er comment leur prêchera t-on
si on n'est envoyé ?
Or, quel est le prédicateur de la jeunesse, si ce n'est le maître qui
peut former le cœur par ses instructions et non moins encore par son exemple,
en même temps qu'il communique ce qu'il sait à son auditoire adolescent ?
Et s'il est envoyé seulement par le choix d'un ministre changeant de
l'ordre civil, remplira-t-il ces conditions de l'ordre spirituel ? Qui
pourrait, croire sincèrement ?
C'est donc en vain qu'on vient vous dire : On ouvrira au prêtre à deux
battants la porte de l'école, il verra, il inspectera. Hélas ! oui, souvent
il pourra voir, la tristesse et le découragement dans le cœur, défaire sur les
bancs de l'école civile ce qu'il aura péniblement édifié au catéchisme sur les
bancs de son église ; car si le maître n'est pas sincèrement l'appui du prêtre,
quel sera le fruit des leçons du dernier ? Ah ! si l'on appréciait l'extrême
difficulté de soumettre la jeunesse à la pratique de la religion qui réprime
tous les penchants vicieux dont l'homme est tourmenté, même dans l'âge mûr et
la vieillesse jusqu'à la mort, on ne trouverait pas les prétentions de l'Eglise
trop grandes en ce qui concerne l'éducation.
Sept écoles normales avaient été fondées par les évêques et soumises à
l'inspection du gouvernement. Cette combinaison renfermait véritablement tout
ce que l'on pouvait désirer de logique pour arriver au but de M. Nothomb,
l'éducation religieuse et instructive à la fois. Elle était en outre peu
coûteuse pour les contribuables. L'élève-maître se trouvait formé dans la foi
et les bonnes mœurs par la direction épiscopale. L'Etat avait la garantie des
connaissances qu'il acquérait par l'inspection, car si l'instruction était
insuffisante, le ministre avait le droit d'exiger qu'elle fût élevée au degré
convenable, et ceci est beaucoup plus facile à réformer en cas de défaut que la
direction incomplète, l'insouciance sous le rapport moral et religieux.
Je ne crains pas de dire, messieurs, que les écoles normales, dirigées
par des ministres qui se succèdent avec des vues différentes sont bien loin
d'offrir les mêmes garanties. La loi néanmoins en établit deux à la tête
desquelles M. Nothomb plaça deux membres du clergé, très capables sans doute.
Malgré cela il y aura là toujours certain tiraillement, permettez-moi de me
servir de cette expression, parce que là où il n'y a pas suite et unité de
direction, il est impossible qu'il y ait fixité de principes et de volontés
constamment convergentes au même but.
Ceci ne peut être que l'apanage des écoles normales de l'épiscopat dans
lesquelles s'exerce le contrôle scientifique de l'administration civile, parce
que chacun demeure alors dans sa sphère propre ; car l'Etat n'ayant pas de
culte, ses délégués sont impropres à former le cœur et l'âme des citoyens,
tandis que pour l'instruction ils peuvent être compétents et exercer une surveillance
très utile.
L'évêque de Liège avait donc raison de demander qu'on ne se pressât
point de fonder des cours normaux que la loi laissait facultatifs ; et en
réalité, ne valait-il pas mieux, si les élèves maîtres, placés dans les
diverses écoles normales, étaient insuffisants, en augmenter le nombre dans ces
mêmes écoles que de les éparpiller encore dans neuf établissements nouveaux ?
On nous parle si souvent, et à bon droit, d'économie, qu'on ne peut concevoir
le goût singulier de multiplier sans nécessiter les frais.
« J'ai toujours été tenté, dit avec beaucoup de raison le même évêque,
de supposer que M. Nothomb avait obéi à une inspiration étrangère, lorsqu'il a
proposé à la législature de rendre ces cours normaux possibles (des cours
normaux pourront être adjoints) (texte de la loi), car il n'avait aucunement la
conscience de leur bonté réelle, il est venu en faire l'aveu en pleine séance,
« je ne suis pas grand partisan de ces cours puisqu'il n'y a pas ici d'internat
; » comment aurait-il pu avoir une véritable estime pour ce genre
d'institution, alors qu'il a distribué dans toute l'étendue de la Belgique
l'Education morale de la jeunesse par M. Thomas Barrau, ouvrage qui venait en
1840 de remporter le prix décerné par l'Académie des sciences morales et
politiques, et où, dès la 9ème page, on lit : « Une impérieuse nécessité exige
que les élèves-instituteurs soient réunis ensemble ; les isoler, ce serait les
perdre, et comme nous le verrons plus tard, tout externat normal doit être
proscrit. » Le chef du diocèse de Liège ajoute qu'il aurait bien mieux valu
rebâtir des salles d'écoles mauvaises en général que de former 17 ou 18
établissements normaux pour un pays de 4 millions d'habitants. A l'égard des
concours, ses observations portent le même caractère de vérité, quand il dit :
« Parmi les devoirs les plus sérieux et malheureusement les plus négligés de
l'instituteur, il faut compter celui qui oblige à donner à tous les élèves des
soins égaux. Dans une école primaire tous les enfants ont besoin d'être aidés,
ceux qu'on néglige demeurent ignorants. Or, établissez le concours et vous
verrez les maîtres s'attacher plus exclusivement à quelques élèves d'élite,
mais une raison plus frappante se tire de l'inégalité des moyens de succès ; le
concours, comme mesure pour apprécier le mérite, doit avoir lieu entre égaux,
et voilà pourquoi celui que l'administration communale de la ville de Liège a
établi entre les classes supérieures des écoles communales de la ville peut
produire quelques bons résultats. Mais vous ne trouvez pas un canton où il y
ait deux où trois écoles dans une position identique. Ici l'instituteur n'a
pendant l’été que les petits enfants, il ne peut former de division supérieure
; la quelques familles aisées envoient leurs enfants à l'école en hiver comme
en été pendant plusieurs années de suite. Or, il se pourra que l'instituteur de
la première école soit un homme d'un mérite très supérieur à celui de
l'instituteur de la seconde, et cependant les résultats du concours seront en
raison inverse ; je dirai donc avec franchise qu'on se défie un peu des
théories de cabinet, qu'on interroge plutôt les hommes pratiques, et ils
s'accorderont à déclarer qu'il n'y a qu'un moyen de juger un instituteur, c'est
de le voir à l'œuvre, d'examiner la physionomie de la classe, l'ordre, la
discipline qui y règne, la tenue, le progrès des élèves, son autorité, son
ascendant sur eux. Ils diront que si le gouvernement veut stimuler le zèle des
maîtres, il accorde sur le rapport des inspecteurs une plus large part dans les
subsides à ceux qui se seront signalés par le talent et le dévouement. »
Tout ce langage, messieurs, n'est-il pas digne de considérations et
d'égards, et quand un évêque présente ces faits à un ministre, peut-il être
accusé de prétentions en dehors de la sphère dans laquelle il doit agir ?
J'ai dit en commençant ce discours que dans une affaire aussi grave que
celle qui concerne l'éducation des enfants de tout un peuple, il était
essentiel d'écarter toute équivoque.
L'article 17 de la Constitution belge ne dit pas qu'il y aura un
enseignement directement donné par l'État et dirigé par les ministres, mais
simplement que l'instruction donnée aux frais de l'Etat, sera réglée par la loi
comme la répression des délits.
Il y a trois ans, messieurs, j'eus occasion de soutenir avec Mgr.
Parisis, évêque de Langres, l'un des écrivains les plus serrés dans sa
dialectique, une discussion sur l'athéisme légal.
Je soutins, en défenseur du système constitutionnel, que les
constitutions de France et de Belgique n'avaient aucun caractère d'athéisme,
parce que la liberté des cultes n'avait pas pour but l’indifférence religieuse,
mais bien plutôt le libre exercice de la religion vraie, assurée par le libre
exercice des religions en général que les gouvernements avaient opprimées trop
souvent tour à tour. « Selon les institutions fondamentales de France et de
Belgique, disais-je, l'Etat n'adopte point de religion déterminée, ce qui a été
reconnu, gardons-nous d'affirmer le contraire, pour le libre exercice du culte
et non pas pour l'anéantir. En effet, ces constitutions ne prétendent nullement
que les populations qu'elles régissent soient dépourvues de religion. La charte
française déclare que la religion catholique est celle de la majorité des
citoyens français ; la constitution belge ne s'exprime pas sur un fait
palpable, mais elle oblige l'Etat à pourvoir aux besoins matériels du culte
catholique et des autres cultes que professent les citoyens belges. La religion
sérieuse chez un peuple, est-ce un ordre de cérémonies officielles ou bien la
piété dans les cœurs ? Si le gouvernement travaille à détruire cette piété, il
est athée, eût-il même un culte apparent. S'il veille au contraire à ce que
rien n'empêche le développement des sentiments religieux les plus vrais, il
accomplit son rôle moral et juste en ce monde.
« En ce qui concerne l'éducation, par exemple, que doit faire l'Etat
selon l'esprit constitutionnel véritable ? Il doit ou renoncer à y prendre une
part directe ou l'organiser conformément aux principes religieux des parents
dont les enfants seront confiés à ses écoles ; car les enfants ne sont pas les
enfants de l'administration qui ne possède aucune doctrine propre à elle.
« Ils appartiennent à la famille où ils sont nés ; aussi
l'éducation publique (page 325)
donnée aux frais de l'Etat devrait être mise sur le même pied que les cultes
dotés par l'Etat qu'il ne confond pas ensemble. Les professeurs de collège et
les pasteurs se tiennent de très près, livrer la jeunesse catholique à un
maître qui n'est point catholique sincère, c'est presque aussi absurde que de
faire prêcher les catholiques dans leur église par un ministre de la réforme ou
les juifs dans leur synagogue par un évêque. Or, ce serait là démolir les
cultes les uns par les autres, et qu'importe où s'opérerait une belle œuvre si
elle s'opère plus ou moins quelque part, fût-ce dans un collège du
gouvernement, elle est indigne de lui. Que si l'on se figure qu'une
constitution l'autorise on aura raison de la dire fondée sur l'athéisme ; mais
nulle part dans les chartes française ou belge on ne trouvera d'article d'où
découle une si funeste conséquence. Outre la garantie qu'offre la liberté
promise, l'enseignement donné aux frais de l'Etat doit être l'objet d'une loi ;
celle-ci, fût-elle détestable, ne prouverait que le mauvais vouloir de
l'autorité législative du moment ; mais justement formulée, elle ne peut
produire qu'un enseignement public, fonde sur la religion des citoyens de
manière à ne pas effacer dans les jeunes âmes à l'école ce qui leur a été
appris soit au foyer domestique, soit à l'église. »
Messieurs, il faut le reconnaître et le publier hardiment. Si M. Nothomb
trouve que le rationalisme, c'est-à-dire le vague en fait de doctrines, n'est
pas admissible dans les écoles primaires particulièrement, il est un parti,
puissant surtout par la déception qu'il exerce, à l'aide de certains mots, qui
veut introduire ce rationalisme dans les écoles et précisément aux frais de
l'Etat : en abusant de l'affirmation que l'Etat est laïque ; en sécularisant
l'éducation ; en n'y faisant intervenir le ministre de la religion que comme
accessoire et très humble serviteur.
Il importe que le peuple belge sache bien à quoi s'en tenir à ce sujet.
S'il veut voir sa postérité de catholicisme, il parviendra facilement à ce
terme, en suivant les inspirations du parti que je signale à son attention. Il
y parviendra d'autant plus aisément que pour aller du christianisme au
scepticisme, il ne faut pas monter, il n'y a qu'à descendre. Faire d'un jeune
homme un chrétien ferme et résolu, malgré les fautes inhérentes à la fragilité
humaine, est une entreprise laborieuse ; car se maintenir soi-même fût-ce dans
l'âge mur, dans la pratique de la religion est une œuvre qui exige une
sollicitude continuelle.
Aussi tous ceux qui l'entreprennent savent ce qu'il en coûte et combien
on a besoin, pour y réussir imparfaitement, de la grâce divine.
Faire au contraire une éducation prétendue libérale est extrêmement aisé
; on souffle à l'adolescent la science dont il devient très fier pour peu qu'il
ait de succès ; puis il est très libéral, envers lui-même bien entendu,
c'est-à-dire qu'il se gêne fort peu ; tandis que le chrétien est constamment
appelé à se faire violence.
C'est là un fait incontestable. Si donc la nation belge veut suivre
cette pente descendante de la pratique du christianisme au système commode bien
inférieur dans l'ordre de la vertu, qu'elle laisse largement séculariser
l'éducation sous prétexte que l'Etat est laïque, et le résultat ne manquera pas
de suivre la combinaison qui tend à le réaliser ; mais quelle que soit la
marche adoptée, je voudrais qu'elle eût lieu en plein jour, que le but fût
constamment visible et non pas caché derrière les plis du terrain.
Ces plis figurés dans mon langage sont les mots à double sens et parmi
ceux-là « éducation laïque » joue le premier rôle. Cependant il peut
y avoir deux éducations fort différentes données par des maîtres laïques, l'une
par des laïque catholiques sincères élevés pour élever de jeunes catholiques,
l'autre également laïque, mais donnée par des laïques insouciants qui ouvriront
au prêtre l'école à deux battants, mais ne lui ouvriront nullement le cœur de
ceux qu'ils forment.
Il en serait de même pour de jeunes Israélites, des réformés de diverses
communions. On peut les amalgamer si bien qu'ils ne croiront à peu près rien ni
les uns ni les autres, et je le répète, cette œuvre-là n'entraîne aucune
difficulté. Si on la croit bonne, il faut la proclamer, il ne faut pas la
cacher derrière des phrases ambiguës. La multitude ne voit jamais bien où la
conduisent les meneurs subtils ; je le sais, c'est pourquoi ils usent
d'adresse. Quant à moi je ne cache rien ; je veux le maintien de la religion
par la liberté sincère et je ne conçois pas que des contribuables catholiques
fussent obligés de payer un enseignement qui conduirait leur Eglise à sa ruine.
Aussi ai-je toujours préfère la simple liberté des écoles à l'intervention du
gouvernement.
A Gand, nous avons une université dirigée par lui. Si nous examinons
l'intolérance des jeunes gens qui la fréquentent, qui s'est révélée par
l'exclusion récente de camarades liés à la bienfaisante association de
St-Vincent de Paul, on peut apprécier l'esprit qui résulte habituellement de la
direction administrative civile dans l'éducation. Pourquoi donc accroître son
pouvoir là où elle n'est pas en quelque sorte indispensable ? Pourquoi lui
donner ce qui est contraire à sa nature ?
J'ai un mot à dire encore sur la convention de Tournay. On a présenté
l'évêque de ce diocèse comme une sorte d'usurpateur des droits de la commune ;
et cependant hier M. le comte Le Hon vous a dit qu'on lui avait demandé un
principal pour le collège de la ville. L'évêque a formulé certaines conditions
pour accéder à ce concours bien direct de sa part, ses conditions étaient-elles
trop absolues ? C'est possible, chacun a le droit de les juger intimement à son
point de vue, mais constitutionnellement parlant, le chef du diocèse de Tournay
n'a rien usurpé ; car il ne s'est pas déclaré propriétaire et maître du
collège. Aucune loi ne l'obligeait à fournir un principal, et l'usurpation
consiste plutôt dans les accusations publiques qu'on accumule à sa charge dans
cette enceinte et ailleurs, comme si l'évêque était forcé d'approuver toute
l'organisation professorale d'un établissement dirigé par d'autres personnes,
et de lui donner pour recommandation aux yeux des parents catholiques un
principal de son choix ? Depuis cinquante ans, dit-on, c'était un usage. Mais dans ces derniers temps l'usage se trouvait-il
toujours à propos ? C'est ce que nous ne sommes pas appelés à juger. Mais ce
qu'il nous appartient de juger, c'est la méthode nouvelle qui consiste à ouvrir
les cartons à tels ou tels membres des chambres pour leur faire éplucher la
correspondance des précédents ministres. Je dirai que c'est encore une
nouveauté fort peu progressive en bien, et si nous pouvions aussi fouiller les
monita secreta du ministère actuel, nous y découvririons probablement aussi,
comme nous connaissons la destitution d'un maître d'école que je regrette
infiniment depuis qu'on en a fait l'objet d'une complaisance, nous y
découvririons les motifs cachés de la destitution de tous ces fonctionnaires
coupables, comme l'honorable M. d'Huart, de tenir aux anciens principes du
congrès.
M.
Destriveaux. - Messieurs, je dois commencer par un aveu,
c'est que je n'ai pas pu me défendre d'être épouvanté des prétentions de
quelques membres de l'épiscopat, prétentions révélées de la manière la plus
formelle par les pièces dont nous avons entendu la lecture. Je tâcherai, dans
le peu de mots que je me propose d'adresser à la chambre, d'éviter non pas
l'adresse, mais l'abus des mots.
Je commencerai donc par dire que dans la question, pour moi, la religion
est en dehors de toute espèce de discussion, de toute espèce de portée.
Quant au clergé, je le déclare aussi, par la connaissance personnelle
que j'ai acquise des sentiments d'une grande partie du clergé, ou du moins de
celui que j'ai été en position de connaître, j'ai acquis la conviction la plus
profonde que le clergé moyen ne demande rien de mieux que de joindre ses
efforts à ceux de l'autorité publique, pour répandre dans l'enseignement
primaire les leçons de la religion, que d'aider les instituteurs civils dans
les efforts qu'ils font, pour dispenser la science ou plutôt les sentiments de
la morale.
Le clergé moyen que j'ai pu connaître m'a généralement paru rester
étranger aux prétentions qui ont été élevées sous des points de vue différents.
Cela posé et la direction de mes pensées étant connue par avance, je
dois me demander d'abord, puisqu'on a parlé du clergé, dans quelle situation se
trouve le clergé de notre pays, sous le rapport de son indépendance à lui, sous
le rapport de ses relations avec l'autorité publique.
On a dit hier, avec grande raison, messieurs, que le clergé en Belgique
a une position tout à fait exceptionnelle, exceptionnelle à toutes les
législations de l'Europe ; et cela est vrai. La Constitution qui nous gouverne
aujourd'hui a émancipé le clergé de la manière la plus complète. L'Etat n'entre
pour rien dans la nomination des membres du clergé à toute espèce de grades.
L'épiscopat, le clergé moyen, le clergé inférieur, tout cela est constitué
d'une manière complètement indépendante de l'intervention de l'autorité
publique.
Il faut oublier la législation impérialiste, a-t-on dit hier ; il faut
l'oublier ! Nous ne pouvons pas l'oublier, parce que d'autres que nous s'en
souviennent, et leur souvenir est constamment en action.
La situation du clergé, sous le rapport politique, est exceptionnelle ;
oui, mais elle est bien singulière. Le clergé, à commencer par les rangs
supérieurs, exerce, on ne peut pas en douter, une influence morale immense,
influence morale qui est fondée sur l'influence religieuse et défendue par
elle. Plus le clergé peut exercer d'influence dans le pays, plus il est libre
sous le rapport de la nomination, plus, ce me semble, devrait-il donner des
garanties au moins dans son existence publique. Eh bien ! recherchons,
messieurs.
Le concordat et toute la législation des différents gouvernements qui
ont succédé à ce concordat, demandaient du clergé catholique romain des
garanties. Tous les évêques devaient être des citoyens français. Les curés
devaient être citoyens français. Ils pouvaient demander et obtenir les
dispenses du gouvernement. Les évêques n'étaient nommés directement par aucun
pouvoir étranger, il fallait l'intervention préalable du gouvernement.
D'autres actes ont succédé au concordat de 1800. L'an 1827, un concordat
a eu lieu entre le royaume des Pays-Bas et le souverain pontife. Ces garanties
étaient encore maintenues.
Aujourd’hui tout cela a disparu ; tout a été effacé de nos lois.
Ne reste-t-il donc rien en faveur du clergé ? Rien ! messieurs. Mais il
reste tous les avantages qui avaient été établis en sa faveur par les
législations entraînant des garanties qui sont aujourd'hui abolies.
Il en résulte aujourd'hui que l'épiscopat peut être nommé par une
autorité étrangère, peut être constitué personnellement par des hommes
étrangers au pays, par des hommes qui n'ont pas le degré de nationalité qu'on
exigerait dans un simple garde champêtre. Il n'y a plus d'obligation, plus de
serment, plus rien.
Oh ! je le reconnais, il y a le lien moral, il y a le lien politique, il
y a le lien que respecte l'homme même étranger aux lois du pays. Mais y a-t-il
cette foi intime qui fait qu'un fonctionnaire public est attaché à
l'administration dans laquelle il a été nommé ? Y a-t-il cet élan de
patriotisme qui fait que le pays dans lequel on vit est pour nous un famille
avant les autres ?
Des étrangers nommés par une autorité étrangère, sans la connaissance de
nos mœurs, sans la connaissance de nos besoins, viendront-ils nous donner les
garanties que nous demandons au dernier des employés de nos bureaux ? Non ! il
n'y a de garanties que dans la pureté de leurs (page 326) sentiments. Il n'y aurait de garantie que dans
l'existence d'un pontife que nous voyons aujourd'hui avec charme, si je puis
m'exprimer ainsi, occuper le siège pontifical et qui peut-être encore, malgré
sa perspicacité, malgré la pureté de sa volonté et de ses intentions, n'est pas
toujours à l'abri de l'erreur, n'est pas toujours peut-être à l'abri de ces
manœuvres qui peuvent flétrir en apparence les caractères les plus honorables.
Voilà, messieurs, comment nous sommes en présence du clergé. Pas de
liens politiques. Et j'ai entendu tout à l'heure avec surprise parler ici de
deux autorités. Oh ! l'autorité constitutionnelle, l'autorité politique, je la
reconnais. Mais aucune autre autorité ne s'abaisse devant elle. Il y a
l'autorité religieuse ; mais elle s'agite dans une sphère différente de celle
dans laquelle nous nous mouvons. Ce n'est pas une autorité que l'on puisse
invoquer ni en politique ni dans l'existence constitutionnelle d'un peuple.
Si l'on avait dit aux hommes les plus attachés à la liberté complète en
matière des cultes : Il y a aura une autorité absolue en cette matière qui
pourra être exercée par des étrangers, ne se serait-on pas récrié ?
La Constitution a pris toutes les mesures possibles pour assurer cette
liberté qu’on réclame et dont, par un singulier abus de la pensée, on voudrait
faire une autorité, une souveraineté, pour l'opposer à la véritable
souveraineté qui doit seule gouverner le pays.
La liberté de l'enseignement a été placée en face de la liberté
indéfinie du clergé, de son émancipation complète. On a dit : « Le clergé doit
partager les fruits de cette disposition, la liberté est faite pour lui comme
pour tous les autres ; il doit en user. »
D'abord la liberté d'enseignement est écrite dans nos lois
constitutionnelles ; il faut respecter cette liberté. Mais, messieurs,
entendons-nous à cet égard : cette liberté existe-t-elle donc pour tous les
établissements étrangers à l'Etat, qui voudront se former, et l'Etat lui-même
serait-il privé, dans ses établissements particuliers, de la liberté dont la
Constitution fait un droit pour tous ? Si je ne me trompe, c'est à peu près ce
que l'on a prétendu non pas d'une manière trop directe, la prétention aurait
épouvanté, mais on l'a prétendu d'une manière indirecte. Remontons à la source.
Lorsqu'il s'est agi, au congrès, de la liberté d'enseignement (ce fait a été
indiqué hier par un de nos honorables collègues et je le connaissais d'avance) ;
lorsqu'il s'est agi de la liberté d'enseignement, une crainte a frappé les
esprits ; c'était l'absence de toute mesure préventive, de surveillance ;
c'était l'absence de cette garantie que l'Etat avait le droit, le devoir
peut-être, de demander. Des réflexions avaient été faites ; un homme bien
honorable, bien respectable et que la mort a enlevé au pays, un homme qui m'a
laissé un regret profond, l'honorable M. de Sécus père était frappé lui de ces
dangers ; il présenta, lui, une proposition relative à la possibilité d'une
surveillance, lorsqu'elle serait rendue nécessaire.
Animé par des scrupules de religion que j'honore dans une âme comme la
sienne, il a abandonné sa proposition. L'honorable M. Fleussu, qui a laissé
parmi vous des souvenirs qui, certainement sont dans nos cœurs, fit la
proposition sienne. Cette proposition fut rejetée à la majorité de 76 voix
contre 71. La majorité n'est pas forte comme vous le voyez. On était déjà
frappé des dangers dont j'ai parlé ; on sentait déjà que la liberté d'enseignement
ne devait pas être la licence des établissements.
Aujourd'hui la liberté d'enseignement est proclamée et qu'arrive-t-il ?
C’est que, d'un, côté, la liberté d'enseignement est pratiquée tout entière et
que ceux au profit de qui elle est pratiquée tout entière veulent intervenir
entre le gouvernement et sa liberté, à lui, d'enseignement, et cela pour
empêcher cette liberté de s'exercer complètement. Le clergé est en possession
de ses écoles ; des écoles sont établies et conduites par des étrangers, par
des hommes souvent inconnus. Ces écoles sont ouvertes à l'enfance et fermées à
la surveillance publique ; devant leur porte l'autorité publique doit s'arrêter
parce que au-dessus est écrit le mot liberté.
L'autorité publique se retire et l'enseignement se donne.
Nous arrivons à l'enseignement primaire. Une loi est faite ; je puis ne
point en approuver les dispositions : je n'en demande pas la réforme, mais
j'en, juge la moralité politique.
Relativement à l'enseignement primaire, il y a une singulière réunion de
mots. On a semblé établir le principe que la morale, que l'on a eu grand soin
de joindre à la religion, ne pouvait être enseignée que par le sacerdoce. Ah !
sans doute, tous ceux qui sont honorés du sacerdoce, pratiquant leurs devoirs
sacrés, connaissant ce qu'ils doivent à l'Etat, certainement lorsque, à
l'autorité de la religion ils joignent celle de l'exemple, ceux-là sont très
capables de donner un enseignement moral. Mais faut-il en conclure qu'il n'y
ait que le sacerdoce qui puisse enseigner véritablement la morale ? faut-il en
conclure qu'on soit obligé d'avoir reçu un caractère particulier à l'exercice
de tel culte, pour pouvoir connaître la morale et l'enseigner dignement à la
jeunesse ? Non, sans doute, car ce serait proscrire une partie immense de la
nation.
Nous parlons ici de la morale ; nous sommes appelés à faire des lois,
des actes législatifs, à examiner ce qui fait la base du gouvernement ; nous
devons maintenir, ici, nous, la morale, nous devons maintenir tout ce qu'il y a
de plus sacré pour l'homme ; et nous ne serions pas dignes d'enseigner la
morale et nous n'aurions pas pu l'apprendre, en entrant dans notre cœur et en
nous initiant à la révélation divine, et notre langue serait glacée à notre
palais lorsqu'il s'agirait de faire comprendre la morale aux enfants !
La morale ne peut être enseignée que par le sacerdoce ! Mais que devient
donc le père de famille, que devient l'enseignement de la famille,
l'enseignement du coin du feu ? Vous excluez donc cet enseignement de
l'exemple, de l'exemple du père, de l'exemple de l'intérieur de la famille par
lequel l'enfant se sent poussé au bien dès qu'il commence à sentir les
premières palpitations de son cœur ! Que le prêtre soit apte à enseigner la
morale, je ne le nie point ; je n'ai pas d'opinion tranchée ni exclusive ; le
prêtre le peut ; mais la morale se déploie dans une grande étendue, la morale
s'applique à une foule de points ignorés du sacerdoce et qui doivent l'être. Le
sacerdoce connaît-il la jouissance, les douceurs, les devoirs surtout de la vie
intérieure ? Le sacerdoce connaît-il autrement que d'une manière spéculative ce
qu'il faut faire dans la vie domestiqué : les sacrifices auxquels on est tenu,
la réciprocité de ces sacrifices ? Mais il vit retiré dans un sanctuaire impénétrable
à ces affections, parce qu'on a pensé que, pour être pur, il devait s'élever
au-dessus de toutes les causes qui les
font naître. Peut-il, lui qui ignore tous les devoirs de la famille, peut-il
les faire connaître à la jeunesse ?
Les droits des citoyens et leurs devoirs envers le pays sont-ils- plus
sentis de celui dont la destinée est de vivre dans l'isolement ? On veut des
garanties d'un enseignement moral, et on a raison, mais prenons-y garde, les
écoles qui sont établies et auxquelles je faisais tout à l'heure allusion, les
écoles dans lesquelles des étrangers donnent l'enseignement, en conséquence et
en application du principe de la liberté d'enseignement, ces écoles, le
gouvernement, l'autorité locale, les citoyens, ont-ils le droit d'y pénétrer,
d’y exercer une surveillance ? Ont-ils le droit de contrôler l'esprit, la
tendance, le caractère des instituteurs ? Ont-ils le droit de demander à ces
étrangers s'ils accoutument les enfants au sentiment de la patrie, s'ils les
accoutument véritablement au sentiment de la vie domestique ? Ont-ils le droit
de leur demander quels livres ils emploient, quelles méthodes ils suivent pour
développer ou peut-être pour oblitérer l'esprit de leurs élèves ? Mais, je l'ai
dit tout à l'heure, le mot liberté est écrit au-dessus de la porte de ces
écoles, et devant cette liberté dont l'usage peut être (je ne dis pas qu'il
l'est), dont l'usage peut être meurtrier, délétère pour la cité, devant cette
liberté la cité doit s'arrêter !
Voilà dans quelle égalité nous nous trouvons. D'un côté pas de
surveillance ; de l'autre, surveillance dont le devoir est imposé à
l'Etat. S'il ne s'agissait que de la surveillance des doctrines qu'un mauvais
maître enseignerait, cette surveillance appartient à tous les citoyens, elle pourrait
même appartenir aux étrangers, à titre de renseignement.
Des prétentions qu'il est impossible de. contester aujourd'hui, qu'on ne
peut masquer sous aucune espèce d'habillement extraordinaire ; des prétentions
qu'il est impossible de déguiser, existent ; elles ont été formulées ; elles
ont été l'objet de négociations ; elles ont été quelquefois accueillies,
quelquefois repoussées ; mais elles existent, elles sont incontestables.
Où vont ces prétentions ? Est-ce à assurer la liberté complète de l'enseignement
? est-ce à seconder l'Etat dans ses efforts pour faire descendre l'enseignement
dans les classes les plus infimes de la société ? est-ce un auxiliaire généreux
qui vient, la tête haute, fier de ses bonnes intentions, vous dire : Voici une main
amie que je vous tends ; cette main vous soutiendra. Si par un malheur que je
ne puis pas prévoir, vous veniez à être trompé sur le choix de ceux que vous
aurez employés, je viendrai encore vous montrer comment on a pu vous égarer.
Intervention, non pas d'autorité, mais uniquement de conseil et de
bienveillance. Voilà dans quelle position le sacerdoce doit se tenir, s'il ne
veut pas descendre de la hauteur de son caractère.
Au lieu de cela, nous voyons tous les principes de la Constitution
faussés. Nous avons, calculant la puissance de la pensée, calculant le droit de
chaque homme d'écrire ce qu'il pense, à ses risques et périls, nous avons aboli
la censure préventive.
Et maintenant qu'a-t-on encore voulu ? Rien de moins que la censure
préalable et des personnes et des livres. Il faut que le clergé soit consulté.
On a beau dire : « Ce n'est pas à titre d'autorité. » On sait ce que sont
les interventions de ce genre ; il ne faut pas fermer devant soi les pages de
l'histoire, et sans sortir de notre pays, les temps anciens auxquels on fait
souvent un appel irréfléchi, nous font voir jusqu'où se sont étendues des
prétentions qui n'étaient présentées d'abord que comme une intervention de pure
courtoisie.
Ces prétentions ont été directement, très directement établies ; il y a
eu lutte, à l'occasion de ces prétentions, entre le pouvoir communal et ce que
je n'appellerai pas le pouvoir épiscopal, mais l'épiscopat. L'épiscopat.... Je
m'arrête ici, je ne ferai pas un acte d'accusation. Mais ce qui est
incontestable, c'est cette violation flagrante des droits les plus sacrés : la
censure préventive sur les personnes, sur les écrits, sur toute chose ; tout
avait été enveloppé dans cette censure préventive.
Et la Constitution à la main, nous dirions que cela est bien ! Faudrait-il
plier le front, courber la tête devant de pareilles exigences ? Mille fois non,
messieurs, il ne le faut pas pour l'honneur du pays ; il ne le faut pas
pour l'honneur de l’épiscopat, du clergé ; il ne le faut pas pour l'honneur du
pontificat suprême.
Voilà donc en quelle position se trouvait, d'un côté, le gouvernement
réduit à une inaction complète, de l'autre, l'épiscopat avec ses prétentions
exclusives, exorbitantes.
On veut, dit-on, prévenir des choix malheureux. Des choix malheureux
!... Quoi ! Ceux qui ne sont pas dans la vie civile active, dans, la vie
administrative, dans la vie politique, pourraient éclairer davantage le
gouvernement que ceux qui sont les agents du gouvernement, chargés de
l'éclairer sur toutes les parties de l'administration.
(page 327) Ceux pour qui la
retraite est une chose recommandée, ceux dont la mission est de vivre en dehors
des agitations politiques, ceux auxquels il est prescrit de rendre à César ce
qui est à César, connaitraient mieux les hommes que les fonctionnaires publics
qui ont vécu auprès d'eux ! Et d'ailleurs, connaît-on parfaitement bien aussi
ces personnages venus en Belgique, on ne sait d'où, et qui y ont fait une
espèce de nouvelle irruption ?
L'enseignement religieux doit être donné, dit-on ; et si le clergé se
refuse à le donner ?
Messieurs, il y a une chose qui me rassure ici sur l'enseignement
religieux, c'est le principe même de la liberté d'enseignement. Qui donc
empêche, qui a jamais songé à empêcher le sacerdoce de donner l'enseignement
religieux, d'en distribuer dans le sanctuaire les vérités à pleines mains ?
Est-ce que les pères, les mères, se sont jamais opposés à ce que leurs enfants
allassent chercher sur la bouche du sacerdoce les vérités dont les pères, les
mères, ont été si pénétrés ? La liberté d'enseignement répond de tout ; elle
est plus dignement exercée dans le sanctuaire de la religion que dans cette
atmosphère de prétentions qui bien souvent ne sont pas fondées à cause de leur
exagération.
Si le sacerdoce n'intervient pas dans les écoles primaires, je dirai aux
pères, aux enfants : « Voilà l'église, allez y recevoir l'instruction
religieuse. » Nous avons un exemple d'un établissement d'instruction qui a été
abandonné par le clergé. Cet établissement n'a jamais été dans une plus grande
prospérité qu'aujourd'hui.
Je ne dis pas qu'elle soit due à cette circonstance, mais cela prouve du
moins que cette circonstance n'y a pas fait obstacle.
Je termine ici en parlant de la censure préventive des livres et des
hommes ; la censure préventive des livres, on ne s'y est pas borné, on ne s'y
bornerait pas, il a fallu une immolation, il a fallu un holocauste, vous l'avez
entendu, un père de famille pour récompense de 30 années de travaux pendant
lesquelles sa probité a toujours été reconnue et à qui on n'a pas osé reprocher
de ne pas savoir enseigner la morale et la religion, ce père de famille a été
repoussé... et Renaix le regrette encore.
- La clôture est prononcée.
« Art. 7. Frais d'administration. Inspection civile. Service annuel
ordinaire de l'instruction primaire communale, et subsides aux communes.
Matériel. Construction, réparation et ameublement d'écoles. Encouragements.
Subsides à des établissements spéciaux. Enseignement normal. Ecoles primaires
supérieures : fr. 1,146,638 40 c.
- Adopté.
Article 8
« Art. 8. Subsides pour l'enseignement à donner aux sourds-muets et
aux aveugles : fr. 20,000. »
- Adopté.
Chapitre XIX - Lettres et sciences
Discussion générale
M. de
Bonne. - Messieurs, j'ai une observation très simple à
présenter à M. le ministre de l'intérieur ; comme elle ne peut se rattacher à
aucun des articles séparés de ce chapitre, je demanderai la permission de la
faire sous la forme de discussion générale ou préliminaire du chapitre.
Il s’agit de l’exécution de la loi sur la propriété littéraire. Cette
loi ordonne le dépôt de trois exemplaires au chef-lieu de l'administration
municipale. Si mes renseignements sont exacts, cette formalité n'est pas
exécutée. Savez-vous ce que font les éditeurs ou imprimeurs ? Ils déposent une
partie de l'ouvrage qu'ils éditent ou impriment. Vous savez que beaucoup
d'ouvrages sont publiés par livraisons ou par volume, ou par demi-volume. On
dépose la première livraison de la première partie de l'ouvrage, on en fait
dresser acte et ensuite on ne voit plus rien, la suite de l'ouvrage n'est
jamais remise.
Si les éditeurs croient avoir satisfait à la loi par ce dépôt incomplet,
ils se trompent ; la loi de 1817 ordonne le dépôt de trois exemplaires pour
établir la propriété ; or, le dépôt de la première partie d'un volume ou d'une
livraison d'un ouvrage, quand on ne dépose pas la suite, ne peut tenir lieu du
dépôt prescrit par la loi. Je prierai M. le ministre de l'intérieur de vouloir
rappeler aux administrations communales qu'elles doivent exiger l'exécution de
la loi.
Ensuite, comme dans les administrations communales tout s'égare ou se
perd, je demanderai à M. le ministre si de ces trois exemplaires, il ne
pourrait pas en faire remettre un au ministère de l'intérieur, ou à la
bibliothèque royale et le troisième à la bibliothèque de la chambre. Tous les
dépôts publics sont des dépôts nationaux.
Je désire que les éditeurs ou imprimeurs sachent bien qu'en ne déposant
qu'une partie des ouvrages qu'ils éditent, ils ne se conforment pas à la loi,
et qu'ils ne se mettent pas à l'abri d'une réimpression ou d'une contrefaçon.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J'ai
rappelé récemment les dispositions sur la matière.
Articles 1 à 4
« Art. 1er. Encouragements, souscriptions, achats. Publication des
chroniques belges inédites et des documents rapportés d'Espagne. Exécution et
publication de la carte géologique, charge ordinaire : fr. 56,000.
« Charge extraordinaire : fr. 12,000. »
- Adopté.
_________________
Art. 2. Académie royale des sciences, des lettres et des
beaux-arts : fr. 40,000. »
- Adopté.
_________________
« Art. 3. Observatoire royal : fr. 24,000. »
- Adopté.
_________________
« Art. 4. Bibliothèque royale : fr. 65,000. »
- Adopté.
Article 5
« Art. 5. Musée royal d'histoire naturelle. Seconde moitié des
frais d'établissement d'armoires et d'appropriation des galeries de ce musée,
charge ordinaire : fr. 14,000.
« Charge extraordinaire : fr. 2,500. »
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J'ai reçu
récemment une réclamation d'un fonctionnaire qui avait été nommé, par un de mes
honorables prédécesseurs, directeur du musée d'histoire naturelle. Ce fonctionnaire
étant alors membre de la chambre, des explications avaient été demandées, à ce
sujet, par mon honorable ami, M. Osy. L'honorable M. Osy avait voulu savoir si
un traitement était attaché à cette fonction conférée à un membre de la
chambre, l'honorable M. de Theux répondit qu'aucun traitement n'étant attaché à
cette fonction, il n'y avait pas lieu pour le titulaire de se soumettre à une
réélection. Depuis, le titulaire a cessé de faire partie de la chambre ; il
résulte des réclamations qu'il m'a adressées, qu'un traitement lui avait été
promis. Je le conçois, je ne comprendrais pas pourquoi l'honorable M. Dubus,
faisant à lui seul à peu près exception à la règle générale, consentirait à
donner gratuitement ses soins à la chose publique.
J'ai fait connaître quels étaient, à mes yeux, les droits du
gouvernement en fait de nomination dans les limites du budget. Je crois que mon
honorable prédécesseur, M. Van de Weyer, a eu le droit de nommer un directeur
du musée d'histoire naturelle. Il a fait cette nomination le 31 mars, jour de
sa retraite et de l'entrée de l'honorable M. de Theux.
En présence des engagements qui ont été pris, en présence du principe
qu'on ne peut contester, en bonne règle administrative et qui consiste à
salarier ceux dont on attend des services, dont on a le droit de réclamer les
services, il m'était impossible de me refuser à proposer une augmentation de
crédit destinée au traitement du nouveau fonctionnaire.
Le traitement proposé en faveur du directeur
avait été porté dans un rapport à la somme de 5 mille francs. Je dois dire
qu'une note de M. Van de Weyer porte : « C'est trop ». J'ignore à
quelle somme l'honorable M. de Theux se serait arrêté.
J'ai besoin d'une explication de sa part. Pour moi, je pense aussi que 5
mille fr. seraient trop. Mais je crois qu'en augmentant de 5 mille fr., la
somme qui figure aujourd'hui au budget, je parviendrais à former, pour ce
fonctionnaire, un traitement convenable. Ce traitement ne le placera pas sur la
même ligne que les directeurs d'autres établissements publics, qui reçoivent,
en traitements, émoluments, frais de logement et de bureau, des sommes beaucoup
plus élevées.
Je demande donc que le chiffre de 14 mille fr. soit porté à 17 mille fr.
M. de Theux. - Je n'ai
pas agité avec le conservateur du Musée la question du traitement.
L'organisation avait été faite, comme l'a fort bien dit M. le ministre de
l'intérieur, par mon prédécesseur M. Van de Weyer. Il m'a été dit que M. Van de
Weyer avait, en effet, promis un traitement au directeur du Musée.
Pour moi, j'ai annoncé que je n'accorderais aucun traitement, à moins
qu'il n'y ait un vote de la chambre. Je ne contredis pas ce qu'a dit M. le
ministre de l'intérieur. Ce que j'en dis, c'est seulement, pour expliquer la
réponse que j'ai faite à l'honorable M. Osy. J'ai dit que si un traitement
devait être alloué, il serait proposé au budget.
Maintenant, je me réunis volontiers à la proposition de M. le ministre
de l'intérieur. Lorsque dans le courant de l'été, une réclamation m'a été
faite, j'ai rappelé à ce fonctionnaire la déclaration que j'ai faite à la
chambre. Je lui ai aussi écrit que si M. le ministre de l'intérieur proposant
une allocation, je l'appuierais très volontiers.
M. Osy. -
Je suis de l'opinion de M. le ministre de l'intérieur que nous ne devons pas
avoir d'employés non salariés. Par cette raison, j'appuierai la proposition de
M. le ministre de l'intérieur. Mais à cette occasion je ne puis m'empêcher de
dire que le jour où j'ai vu dans le Moniteur la nomination de notre honorable
collègue à la place de directeur du musée, j'ai demandé s'il y avait un
traitement ; on m'a répondu non. Je dis qu'il y a eu manque de franchise ; car
si on ne proposait pas un traitement, il y avait une promesse qui vaut un
traitement. Si l'on dit à des membres de la chambre : Quand votre réélection
sera là, on vous donnera une place de 5 ou 6 mille francs ; je vous demande en
conscience si une telle promesse n'équivaut pas à un traitement.
Nous avons vu, peu de temps après les élections, des arrêtés qui m'ont
fait de la peine. On a donné un traitement de 6,000 fr. à un membre de la
chambre et un traitement de 4,000' fr. à un de nos collègues non réélu. Si l'on
fait de telles promesses deux ou trois mois avant les élections, n'est-ce pas
une corruption ? C'est une corruption ; car une promesse
vaut un traitement. L'honorable M. Dubus ne fait plus partie de la chambre, ce
n'est donc pas de lui que je parle. Mais je dis qu'on a manqué de franchise. On
a dit : Non ; il n'y a pas de traitement. Je dis : Oui, parce qu'une promesse
de traitement équivaut au traitement même.
Je demanderai au gouvernement de ne plus renouveler ces inexactitudes,
de ne pas continuer un système qui aurait pour résultat d'introduire dans la
chambre des germes de corruption.
(page 328) M. de
Theux. - En fait de traitements, je ne reconnais que ce qui résulte
d'arrêtés royaux, ou de dispositions de la loi, telles que des allocations au
budget.
Loin de moi l'idée de jamais vouloir corrompre un membre de cette
chambre par une promesse de traitement. On me rendra cette justice que je suis
au-dessus d'un pareil soupçon. La promesse dont il s'agit n'a pas été faite par
moi. Je suis resté parfaitement libre de proposer ou de ne pas proposer un
traitement.
D'autre part, le fonctionnaire était
aussi libre de se retirer si on ne lui faisait pas un traitement. Voilà la
vérité. Mais jamais il n'est entré dans ma pensée de capter, je ne dirai pas
les suffrages, mais la bienveillance d'un membre de la chambre par une promesse
de traitement. Je rougirais de faire une pareille avance à un membre de la
législature.
Quant à un fonctionnaire qui a reçu un emploi après les élections, je ferai
remarquer qu'il ne faisait plus partie de la chambre. A cet égard, le
gouvernement était parfaitement libre.
M.
Delfosse. - Avant de me prononcer sur l'augmentation
proposée par M. le ministre de l'intérieur, je désire savoir quel était l'état
des choses existant avant le nomination de M. Dubus. N'y avait-il pas à cette
époque quelqu'un qui était chargé de la surveillance et de la direction du
Musée d'histoire naturelle ?
Ce n'est pas sans une vive opposition que la
chambre a adopté la convention qui est intervenue entre le gouvernement et la
ville de Bruxelles. Les opposants, et j’étais du nombre, faisaient remarquer
que le gouvernement ne recevrait, en échange des millions qu'il allait donner à
la ville de Bruxelles, que des valeurs en partie fictives. La ville de
Bruxelles cédant diverses collections, qui avaient toujours été à la
disposition du public, le public ne devait donc retirer aucun avantage de la
convention, et le gouvernement, bien loin d'en retirer un avantage quelconque,
s'imposait l'obligation de supporter les frais de surveillance, qui seraient
beaucoup plus considérables pour lui que pour la ville. Nos prédictions
commencent à se réaliser ; voici qu'on nous demande un traitement de trois
mille francs, on viendra peut-être plus tard en demander d'autres.
Je n'entends pas adresser de reproche à M. le ministre de l'intérieur.
Il agit sous l'influence d'actes posés par ses prédécesseurs. Mais nous sommes
libres de n'en tenir aucun compte.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). -
Messieurs, lorsque le musée d'histoire naturelle fut transféré de la ville de
Bruxelles aux mains du gouvernement, celui-ci s'occupa d'un projet
d'organisation intérieure. C'est à la suite de ce projet d'organisation que
l'on jeta les yeux sur M. Dubus comme directeur du nouvel établissement. M.
Dubus faisait partie de la commission de surveillance du musée. Dès cette
époque, l'honorable M. Nothomb avait jeté les yeux sur lui. Il avait été
entendu, je pense, dès ce moment, que le traitement de M. Dubus ne prendrait
cours qu'à l'expiration de son mandat de député. Voilà du moins les
renseignements qui m'ont été fournis.
La nomination de M. Dubus fut faite par M. Van de Weyer le 31 mars, jour
de sa sortie du ministère. L'honorable M. Van de Weyer entendait bien qu'un
traitement serait attaché à ces fonctions.
Il est probable que l'honorable M. de Theux connaissait ces intentions,
qu'il connaissait même l'opinion de M. Dubus quant à la question du traitement
; qu'il était aussi d'avis qu'un traitement devait être attaché à ces
fonctions.
Cependant le traitement n'a pas été compris dans la somme de 14,000 fr.
proposée au budget. Je suis convaincu que l'honorable M. de Theux aurait été
amené à faire ce que je fais, en exécution d'engagements antérieurs.
Voici comment je considère mes devoirs vis-à-vis de mes prédécesseurs.
Je veux remplir les engagements qu'ils ont pris, alors même que le
fonctionnaire auquel ces engagements ont rapport n'aurait pas mes sympathies
politiques. Je pense qu'il est des traditions d'honneur administratif en
quelque sorte qu'il faut maintenir intactes.
En nommant M. Dubus, on a pris l'engagement formel d'attribuer un
traitement à la position. Je viens remplir cet engagement. Je crois agir ici
d'après une bonne règle administrative et avec loyauté.
Quant à la fonction, si je l'avais reconnue inutile, j'aurais pu me
montrer plus sévère. J'aurais pu réduire le traitement, j'aurais pu faire en
sorte que l'honorable titulaire renonçât a ses fonctions. Mais je crois que ces
fonctions sont utiles, qu'elles sont nécessaires.
Avant que le musée passât dans les mains de l'Etat, je pense que ces
fonctions n'existaient pas, et que la surveillance du musée était livrée à un
employé tout à fait subalterne, par conséquent sans responsabilité.
Un
membre. - Il y avait une commission de surveillance.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier).
- Oui, mais une commission de surveillance exerçant des fonctions gratuites ;
mais quant à celui qui exerçait une surveillance active, une surveillance de
tous les jours, quant au fonctionnaire responsable, je pense que c'était un
employé très subalterne.
Ce musée, messieurs, renferme des collections précieuses ; il peut
encore s'enrichir d'année en année ; il peut devenir une propriété très
importante. Il a donc besoin, comme tous les autres établissements publies,
d'un directeur, d'un surveillant responsable ; c'est pourquoi la nomination en
a été faite.
M.
Verhaegen. - Messieurs, avant la question de chiffre, il y
a une question de principe ; c'est celle qui a été soulevée par l'honorable M.
Osy, et je désire qu'elle ne passe pas inaperçue.
Messieurs, vous appréciez tous l'importance de la disposition d'après
laquelle un membre de la représentation nationale ne peut être nommé à un
emploi salarié sans être soumis à réélection. Je n'entends pas faire ici une
question de personne ; je n'entends pas reprocher à l'honorable M. de Theux
d'avoir voulu corrompre un membre de la représentation nationale. Mais si le
principe venait à être sanctionné, on pourrait trouver plus tard dans des
mesures semblables à celles que nous critiquons, un moyen de corruption.
Si je comprends bien, voici ce qui s'est passé.
M. Dubus, membre de la représentation nationale, fut nommé directeur du
Musée d'histoire naturelle. On lui promit des appointements ; mais on stipula
que ces appointements ne seraient payés que lorsque M. Dubus cesserait de faire
partie de la représentation nationale.
Messieurs, si de tels actes pouvaient être posés, le principe dont je
viens de vous parler et qui est si rationnel, serait sapé dans sa base.
Un traitement à terme n'en est pas moins un traitement ; la suggestion
est la même. Si un ministère nomme un membre de la représentation nationale à
une place qui sera salariée lorsqu'il cessera de faire partie de la
législature, il pourra se faire, que par reconnaissance, ce membre de la
représentation nationale, qui a quelque chose à attendre du ministère, votera
toujours pour lui ; sa condescendance sera le prix du service que lui aura
rendu le ministère.
Voilà à quelles conséquences peuvent conduire des faits tels que celui
qui a été posé et dont nous venons d'apprendre les détails.
Il y a eu nomination de M. Dubus à un emploi qui devait être salarié ;
mais comme il devait être soumis à la réélection, on nous a annoncé qu'il ne
recevrait pas de traitement. On se sera dit : Nous pouvons parler ainsi, parce
qu'il n'a pas de traitement dans le moment actuel ; c'est une réserve mentale,
si vous le voulez ; mais il n'en est pas moins vrai qu'un traitement avait été
accordé à M. Dubus, sauf à ne le lui payer que plus tard.
Au reste, M. de Theux ne doit pas avoir recours à tant de subtilités
pour expliquer cet acte. Il s'est passé, lors de sa retraite, un fait qui ne
nous a pas moins étonnés que celui qui vient de nous être signalé. N'avons-nous
pas vu, après la démission du ministère, des nominations à des emplois de commissaires près de certains chemins de fer, emplois qui doivent
rapporter des 5,000, des 6,000 fr. et qui ne doivent être exercés que dans
quelques années ? On aurait pu comprendre que s'il y avait eu nécessité de
faire dans un bref délai les nominations, le ministère démissionnaire se fût
dit : Il y a un emploi vacant, hâtons-nous d'y nommer. Mais, je le répète, il
ne s'agissait pas de fonctions dans lesquelles on allait entrer immédiatement,
il s'agissait de fonctions que l'on n'exercera que dans cinq ou six ans et que
peut-être on n'exercera jamais.
Voilà, messieurs, comment on a agi, toujours dans la même sphère, à
l'égard aussi de membres de la représentation nationale. Quant à moi, je le
déclare, je trouve de tels actes fort peu édifiants.
M. Nothomb.
- Je vois, d'après une note que M. le ministre de l'intérieur a bien voulu me
passer, que le fonctionnaire dont il s'agit, nommé le 31 mars 1846, aurait déjà
reçu de moi, longtemps auparavant, l'espérance de sa nomination à la condition
indiquée, pour échapper à la réélection.
Je dois dire que je n'ai aucun souvenir d'un arrangement de ce genre. Si
je l'avais pris, il aurait fallu chez moi une irréflexion bien grande ; je le
déclare ouvertement.
Je dois supposer que le signataire de cette note
n'a peut-être pas compris toute la gravité de l'assertion. Je chercherai à
éclaircir le fait. Je me rappelle fort bien que, dès que le gouvernement fut
entre en possession des collections de la ville, il s'est agi de la
réorganisation ; il a dû aussi entrer dans ma pensée qu'un homme très capable
de remplir les fonctions de directeur, si l'on créait un directeur, était
l'honorable M. Dubus. (Interruption.)
C'était chez moi une pensée naturelle ; je me suis dit que c'était l'homme qui
convenait ; mais je n'ai pas été au-delà. C'est tout ce que j'ai pu dire à M.
Dubus.
M. de Theux. - J'ai dit,
messieurs, que c'était l'honorable M. Van de Weyer qui avait nommé et qui avait
promis le traitement ; ce n'est pas à moi, par conséquent, que le titulaire de
l'emploi pouvait savoir gré de sa nomination.
Je suis complètement désintéressé dans l'affaire, car la nomination a
été faite par l'honorable M. Van de Weyer ; lorsqu'on m'a demandé si un
traitement était accordé, j'ai dit non, et sur l'interpellation s'il y en
aurait un, j'ai dit qu'il n'en serait accordé qu'autant que le gouvernement
l'eût demandé au budget. Voilà ce que j'ai répondu et voilà ce que l'honorable
ministre de l'intérieur réalise.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Vous
l'auriez proposé.
M. de Theux. - Il est
possible que je l'aurais proposé, mais je n'avais pris aucun engagement. Si un
engagement avait été pris par M. Van de Weyer, quant à moi, je ne l'avais pas
ratifié. Je ne me suis pas occupé, pendant que j'étais au ministère, de cette
question.
Maintenant je dis que la promesse d'un emploi ou d'un traitement
n'équivaut pas à un emploi ou à un traitement accordé. Jugez où vous iriez : on
viendrait vous déclarer qu'on a l'espoir d'obtenir un traitement si le
gouvernement en propose au budget ; pourriez-vous, sur cette déclaration,
annuler le mandat de député ? En aucune manière, il n'y a, (page 329) messieurs, lieu à réélection qu'autant
que la fonction soit actuellement donnée et rétribuée.
Je suppose un autre cas ; je suppose qu’un
membre de la chambre sollicite un emploi et qu’un ministre, lui témoignant de
la bienveillance, lui laisse entrevoir l'espoir de l’obtenir s’il devient
vacant ; est-ce que pour cette simple espérance vous annulerez le mandat ?
Mais nullement. Il faut, messieurs, rester dans les vrais principes.
En ce qui concerne la nomination de commissaires auprès de chemins de
fer, je ferai observer, messieurs, que ces emplois n'étant pas salariés sur le
budget de l'Etat, ils ne donnent pas lieu à la réélection. Je dirai que les
travaux étaient assez avancés à l'époque où ces emplois ont été donnés, pour
que le ministre, pour que le gouvernement pût les donner sans manquer en rien à
ses devoirs.
M. Lebeau.
- Messieurs, on a dit un jour qu'il y avait quelque chose de plus grave, de
plus dangereux, que les mauvaises actions ; que c'étaient les mauvaises
raisons. Je suis entièrement de cet avis, et je suis, quant à moi, plus
scandalisé de la justification donnée au fait qui occupe maintenant la chambre,
que du fait lui-même. On se prévaut d'un respect feint, simulé pour le texte,
judaïquement interprété de la Constitution, alors qu’on en foule aux pieds
l’esprit le plus évident. On fait l’équivalent de ceci : Un arrêté nommerait à
une fonction salariée de sa nature, et dans cet arrêté on aurait inséré cette
clause : « le traitement sera ultérieurement fixé. » Voilà, si l'on était
sincère, comment il fallait procéder, car évidemment, dans la pensée de
l'auteur de l'arrêté et du titulaire lui-même, ainsi que l'événement le prouve,
il y avait un traitement comme conséquence de la nomination. Eh bien,
messieurs, à partir de ce jour, à partir du jour où le gouvernement (ce n’est
pas l’honorable M. Van de Weyer puisqu’il n’était plus ministre), à partir du
jour où le gouvernement savait que dans sa pensée et dans la pensée de celui
qu'il nommait, il y avait un traitement, son devoir était de convoquer le
collège électoral, car il y avait une grave altération dans la position
parlementaire du député. Il y avait cette altération que la Constitution a
prévue, qu'il était engagé vis-à-vis du ministre, non seulement par le lien de
la reconnaissance, mais (ce qui est plus grave que si le traitement avait été
énoncé dans l'arrête) ; mais qu'il pouvait être engagé encore par l'influence
de la crainte que s'il ne répondait pas à l'attente du ministre qui avait ainsi
altéré sa position, il ne recueillerait pas complètement les bénéfices de
l'acte posé en sa faveur.
Voilà, messieurs, par quelles raisons je crois qu'il est de notre devoir
de flétrir, non pas le fait en première ligne, mais la justification que je
craindrais, si je continuais, de flétrir trop sévèrement.
Cependant, messieurs, je dois le dire, je crois que la sanction que la
chambre donnerait à la doctrine que je considère comme vraie, comme la seule
morale, comme la seule constitutionnelle, je crois que cette sanction serait un
peu cruelle, un peu exagérée si elle allait jusqu'au rejet du traitement.
Je dois le dire, messieurs, les dissentiments
politiques ne m'empêcheront pas de reconnaître qu'il était difficile de faire
un choix plus heureux, plus convenable que celui qui a été fait par le
gouvernement. J'avoue qu'en présence de la convenance, du caractère
irréprochable de ce choix, je suis quelque peu arrêté par la crainte que cette
sanction n'aille trop loin. Cependant si l'on persistait à soutenir qu'on a
sainement interprété l'article de la Constitution relatif à la réélection d'un
député promu à un emploi salarié par l'Etat, je crois qu'alors je serais obligé
de voter contre le chiffre destiné au traitement dont il s'agit.
M. de Theux.
-.Messieurs, j'admire véritablement de quelle manière l'honorable M. Lebeau
justifie M. Van de Weyer pour accuser son successeur ; à mon avis, il n'y a pas
lieu à blâme, mais s'il y avait lieu à blâme, ce ne serait certes pas à moi que
ce blâme devrait être adressé.
L'honorable M. Lebeau a dit que dans
l'arrêté on aurait dû déclarer qu'un traitement sera ultérieurement attaché à
l'emploi. Ce n'est pas moi qui ai proposé ni contresigné l'arrêté ; je le
répète, je ne me suis nullement engagé à proposer un traitement ; ce que j'ai répondu
dans le temps à l'honorable M. Osy est très vrai : que si un traitement était
accordé, il serait proposé au budget. Voilà dans quels termes la question se
présente ; eh bien, je dis que, de ce côté, j'étais parfaitement fondé à dire
ce que j'ai dit ; ce n'était pas à moi à aller au-devant ; si l'honorable M.
Dubus avait, à cette époque, l'intention d'exiger un traitement, c'était au
député à déclarer à la chambre qu'il avait, à la vérité, un emploi auquel une
promesse de traitement était attachée ; mais que pour le moment il n'avait pas
de traitement. Quant à moi, messieurs, je me suis renfermé strictement dans ma
position ; je n'avais promis, d'une manière quelconque, aucun traitement.
M.
Delfosse. - On vient de nous signaler un fait extrêmement
grave, un fait qui serait de nature à porter atteinte, sinon à la lettre, au
moins à l'esprit de la Constitution. Prenons garde, messieurs, d'émettre un
vote qui serait la reconnaissance, la sanction de ce fait.
L’honorable M. Lebeau vient de flétrir avec énergie les mauvaises
actions et les mauvaises raisons ; mais nous serions coupables aussi si nous
donnions, par le fait, gain de cause à ceux qui posent de mauvaises actions et
qui cherchent à les justifier par de mauvaises raisons ; nous deviendrions les
complices des hommes dont nous flétrissons la conduite.
Il m'est impossible, après la discussion qui vient d'être soulevée,
d'adopter l'augmentation proposée par M. le ministre de l'intérieur ; je
croirais manquer à mon devoir, si j'émettais un tel vote, avant que le fait
signalé, et qui, je le répète, est très grave, ait été entièrement éclairci.
Le rejet de l'augmentation ne serait
qu'une espèce d'ajournement, rien n'empêcherait M. le ministre de l'intérieur
de la reproduire au budget de 1849 qui doit nous être présenté dans les
premiers mois de 1848 ; nous pourrons alors nous prononcer en connaissance de
cause. Le fait signalé sera probablement éclairci et la section centrale aura
pu examiner mûrement si les 14,000 francs qui figurent au budget pour le musée
d'histoire naturelle sont insuffisants.
M. Delehaye. -
Messieurs, nous ne pouvons pas voter en ce moment la proposition de M. le
ministre de l'intérieur ; la voter, serait respecter un acte des cabinets
précédents contre lequel tous nous protestons. Il s’agit de flétrir cet
acte ; nous l’annulerons, en repoussant la demande de M. le ministre de
l’intérieur ; par cette annulation, nous ne portons aucune atteinte à la
position actuelle du directeur du musée auquel nous nous plaisons tous à rendre
hommage ; le gouvernement fera une nouvelle nomination ; et ce sera en vertu de
cette nouvelle nomination que nous porterons au budget la somme qu'on nous
demande aujourd'hui.
Je répète qu'il est de notre devoir de flétrir un acte contre lequel
nous ne pouvons assez protester ; la dignité de la nation, la dignité de la
chambre est blessée pur cet acte qui revêt un plus grand caractère de gravité
encore, si on le rapproche de ce qui s'est passé à l'égard des commissaires des
chemins de fer ; c'est là une série d'actes de complaisance qui déconsidèrent
la représentation nationale ; il faut prévenir le retour de semblables actes,
et pour cela je demande qu'on passe à l'appel nominal sur la proposition de M.
le ministre de l'intérieur ; M. le ministre ne peut pas s'opposer à cela,
puisqu'il s'agit de flétrir un acte qui n'appartient pas à son administration.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier).
- Messieurs, je ne demande pas que la conduite de mes prédécesseurs soit blâmée
par la chambre ; sous ce rapport, ma proposition atteindrait un but que je ne
poursuis ni ne désire.
Je n'approuve pas ce genre de création de fonctions gratuites, qu'on se
réserve de salarier ensuite ; je n'approuve pas ce qui a été fait ; mais je
considère qu'il y avait engagement pris, et que je devais l'exécuter, alors
même que j'en aurais blâmé la forme.
Maintenant la chambre s'est expliquée ; je ne voudrais pas, je le
répète, que ma proposition donnât occasion de jeter un blâme sur mes
prédécesseurs. Je retire donc ma proposition, car j'aperçois peu de chances
pour elle dans les dispositions actuelles de la chambre ; mais lorsque de
nouveaux éclaircissements m'auront été donnés et par l'honorable M. Nothomb, et
par l'honorable M. de Theux, et par l'honorable titulaire lui-même, je me
réserve de faire une nouvelle proposition à la chambre.
M. Nothomb. - Messieurs, j'ai à faire une seule observation :
vous voulez flétrir un fait ; mais je nie le fait. Dès lors, je remercie M. le
ministre de l'intérieur, qui agit logiquement et justement, qui retire
l'allocation qu'il avait demandée, et qui éclaircira le fait ; c'est ce que
j'ai déjà proposé tout à l'heure.
M. Eloy de Burdinne. -
Messieurs, j'avais demandé uniquement la parole pour expliquer notre vote.
Un
membre. - Il n'y a plus de vote.
M.
Eloy de Burdinne. - S'il n'y a pas de vote, il est inutile
que j'explique celui que je voulais émettre, mais j'aurais voté contre
l'allocation.
M. Malou. - Il y a dans les actes d'un
gouvernement certains faits qui engagent la responsabilité collective d'un
cabinet ; une autre catégorie de faits moins importants ne concernant pas la
politique générale, n'engagent que la responsabilité de celui qui a posé
l'acte. Il est évident que la nomination faite par mon honorable collègue M.
Van de Weyer appartenait à cette seconde catégorie de faits. S'il en est ainsi,
je crois pouvoir, à mon tour, au nom de mon ancien et honorable collègue, M.
Van de Weyer, remercier M. le ministre de l'intérieur d'avoir retiré sa
proposition, car l'énumération qu'il vient de faire ne m'a pas paru complète ; ce
n'est pas seulement de M. Nothomb et de M. de Theux qu'il faut attendre des
éclaircissements, mais encore de mon honorable ancien collègue, et, j'ose dire,
mon ami M. Van de Weyer.
Quels que soient les dissentiments sur la question de principe, tout le monde
doit désirer pouvoir apprécier exactement les faits ; je remercie donc M. le
ministre de l'intention manifestée par lui de rechercher les moyens de les
éclaircir en prenant des renseignements complets près de tous ceux qui peuvent
y avoir participé.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier).
- Je n'ai pas fait d'énumération incomplète, je n'ai pas perdu de vue la part
que l'ancien ministre, M. Van de Weyer, avait dans cette affaire ; car j'ai dit
qu'il s'était engagé à attribuer un traitement aux fonctions dont il s'agit ;
il trouvait, à la vérité, qu'un traitement de 5,000 fr. était trop élevé, mais
son intention positive était qu'un traitement fût affecté à la fonction.
M.
Verhaegen. - Il n'y a plus lieu à discussion, puisque la
proposition est retirée, mais ce qu'on vient de dire ne peut pas rester sans
réponse ; d'après un honorable membre, il faudrait prendre des renseignements
pour savoir s'il y a eu, oui ou non, engagement. Pour moi, il est indifférent
qu'il y ait eu ou qu'il n'y ait pas eu engagement, car si un engagement avait
été pris contrairement à la loi, à la Constitution ou à la morale, il serait
radicalement nul. Ainsi la recherche de renseignements sur la question de
savoir s'il y a eu engagement est inutile. Il y (page 330) aurait dix engagements que je ne consentirais jamais à
voter une allocation dans les circonstances actuelles. Quant à M. Van de Weyer
qui a fait la nomination à- sa sortie du ministère,, il pouvait l'avoir faite
avec traitement, dans la pensée que le titulaire se soumettrait à la
réélection ; et la faute, si faute il y a, c'est à tout autre que M. Van
de Weyer qu'il faut l’attribuer.
- L'article est mis aux voix et adopté tel qu'il a été primitivement
proposé.
Article 6
« Art. 6. Subside à l'association des Bollandistes pour la
publication des Acta Sanctorum : fr. 6,000 francs.
M. de
Bonne. - Ainsi que l'année dernière, je viens faire remarquer
que 6,000 francs par an et tous les ans me semblent une allocation trop élevée.
Le volume récemment publié a coûté 54,000 fr., c'est un peu cher, trop
cher même, pour l'œuvre que vous avez obtenu. Je reconnais que certain honneur
rejaillit sur la Belgique de l'encouragement et de l'aide qu’elle à l'exécution
d'un ouvrage généralement connu. Mais entre la rémunération ou l'encouragement
et la prodigalité, notre choix ne peut être douteux, car nous ne sommes pas
dans un état de prospérité tel qu'il ne faille pas regarder à quelques milliers de francs. Si l'on considère la grosseur du
volume, j'avoue qu'il est épais, que l'exécution matérielle est assez bonne ;
je n'en dirai pas autant de la partie littéraire, elle a été l'objet de
certaines critiques ; j'avoue mon incompétence pour l'apprécier seulement ! en
donnant 6,000 fr. tous les ans aux RR. PP., c'est éloigner l'achèvement de
l'ouvrage, pour ne pas dire éterniser le travail ; ils n'ont aucun intérêt à
hâter le travail ; ils ont¥ au contraire, un intérêt opposé, et vous
conviendrez que payer 50,000 ou 60,000 fr. pour un volume, c'est abuser de la
générosité d'un gouvernement.
Je propose donc de fixer une somme de 10 à 12 mille fr. par volume de
900 à 1,000 pages, payable à sa publication.
M.
Dedecker. - Messieurs, je ne m'attendais par, je l'avoue,
à voir encore, cette année, le subside pour les Acta Sanctorum faire l’objet
d'une discussion sérieuse. Déjà l'honorable préopinant a présenté les mêmes
observations les années précédentes, et la chambre a prouvé par ses votes toute
sa sympathie pour cette œuvre littéraire, qui constitue l'une de nos gloires
nationales.
L'honorable M. de Bonne est trop préoccupé de la crainte de voir
s'éterniser le subside accordé pour la publication des Acta Sanctorum ; et
cependant il vous a dit que le travail des hagiographes est arrivé presque à la
fin d'octobre.
Il est donc possible d'en prévoir le terme. Je ne crois pas que 4e
subside dure beaucoup au-delà de 6 ou 8 ans.
Quant au chiffre de 12,000 fr. par volume, tous
ceux qui ont vu les derniers volumes des Acta Sanctorum, sortis, comme les
précédents, des presses belges, ont pu remarquer que chacun contient la matière
de sept à huit volumes in-8° ordinaires. Ce subside serait donc nécessairement
insuffisant. S'il s'agissait d'une dépense qui dût s'éterniser, je pourrais
concevoir les inquiétudes de l'honorable préopinant ; mais il nous est facile
de calculer l'achèvement de ce monument historique. Nous ne pouvons donc nous
dispenser de continuer le subside nécessaire pour mener à bonne fin une
entreprise, jugée en dehors de tout esprit de parti comme glorieuse pour la
Belgique.
M. Nothomb.
- Je ne crois pas le terme de la publication aussi prochain que le pense l'honorable
préopinant. Mais il faut nous rappeler d'abord que le gouvernement français
avait songé, il y a quelques années, à continuer cette publication. C'est nous
qui, par un honneur national bien entendu, avons revendiqué cette publication.
Il faudrait examiner quels sont les engagements qui ont été pris à cette époque
; il doit s'être passé quelque chose ; l'événement est trop éloigné pour que je
puisse me le rappeler. Je crois que tout ce qu'il y a à faire, c'est de voter
de nouveau les 6,000 fr. M. le ministre de l'intérieur, qui a entendu les
observations de l'honorable préopinant, les examinera. Il verra s'il y a
possibilité de faire un arrangement par volume, au lieu de faire un arrangement
par année.
S'il reconnaît cette possibilité, si les engagements
contractés le permettent, il fera une autre proposition.
12,000 francs par volume, serait une somme évidemment insuffisante.
L'honorable préopinant, qui est si connaisseur en livres, devra certainement le
reconnaître. Nous agirions donc en aveugles.
M. de
Bonne. - En faisant ma proposition je me suis attendu à
voir se lever contre elle, contre moi les amis des révérends pères. Non pas que
je sois leur ennemi ; mais je suis plus ami des intérêts de mon pays, et je
désire que les effets de sa générosité ne soient appliqués qu'à de bonnes
choses et ne soient pas l'objet de dérision et de ridicule dans le monde
savant.
Le mode de rémunération que j'ai indiqué aura l'avantage de hâter
l'exécution, de la rendre digne de la réputation de l'ancienne collection et de
faire retrancher tout le fatras dont on a rempli le volume publié l'année
dernière.
J'ai commencé par dire que je me reconnaissais incapable d'apprécier ce
travail, mais je crois pouvoir m'en rapporter à ce qu'en a dit un recueil
estimé, ; et permettez-moi de vous lire quelques lignes de la Bibliothèque de
l'école des Chartres-, recueil publié a Paris ; voici ce que contienne tome 3°
de la 2ème série, p. 547. « Malgré son étendue, ce beau volume renferme
seulement l'histoire des saints du 15 et du 16 octobre, ce qu'on s'explique
facilement, mais non pas au plus grand avantage de l'érudition, lorsqu'on voit
que six cent quatre-vingt-une pages sont consacrées au même personnage, et que
ce personnage est une sainte du XVIème siècle, sainte Thérèse d'Avila, dont la
vie très connue a été tant de fois écrite et imprimée. C'est une moitié du
volume où la science n'a rien à faire, et où l'ouvrage est de pure édification.
Nous comprenons que les Bollandistes n'oublient jamais dans leur œuvre le point
de vue religieux, mais ne peuvent-ils respecter ce principe tout en apportant
dans la composition de leur livre de plus justes proportions ? Au lieu
d'utiliser sobrement, de résumer les matériaux sans nombre qu'on a sur la
réformation des Carmélites, les RR. PP. ont imprimé in extenso la traduction
latine de, l'histoire in-quarto de cette sainte par Ribera, laquelle histoire
comprend cinq livres, divisés en quatre-vingt-cinq chapitres, et ils l'ont fait
précéder d'un commentarius prœvius de quatre-vingt-seize paragraphes, dans
lequel ils soulèvent et discutent toutes les questions imaginables au sujet de
sainte Thérèse.
« Ainsi, ils font l'histoire héraldique et généalogique de la sainte, l'histoire
de sa mère, de ses frères et de ses sœurs ; l'histoire de chacune de ses
perfections chrétiennes, de chacun de ses écrits ; la description de ses
visions et de ses extases, à l'occasion desquelles ils discutent la question,
curieuse du reste, de savoir si elles doivent être attribuées au magnétisme
animal, à l'hystérie ou à la catalepsie ; ils consacrent cent vingt-six
colonnes à la reproduction complète des actes de la canonisation de la sainte.
Enfin ils préviennent eux-mêmes, en tête de leur commentaire préliminaire,
qu'ils feront tous leurs efforts pour y citer textuellement le plus qu'ils
pourront des écrits de sainte Thérèse, comme Ribera lui- même avait déjà fait
de son côté. Avec de tels procédés, on comprend qu'ils aient rempli quatorze cents
colonnes avec une seule hagiographie. C'est là, selon nous, une méthode
doublement mauvaise : mauvaise, en ce qu'elle entraîne la collection des Acta
Sanctorum hors de ses vraies limites, qui doivent embrasser les documents qu'on
a sur la vie des Saints, mais non leurs écrits ; et mauvaise en ce qu'elle est
contraire aux précédents de la collection. »
Cette lecture doit vous convaincre que ma réclamation n'est pas si
futile, et, que la saine raison vient à mon aide pour justifier ma proposition.
Maintenant suis-je si extravagant de venir
demander que l'on fixe l'allocation par volume, au lieu de créer une rente
annuelle de 6,000 fr. ? Des dépenses, il n'y en a plus à faire, toute la
bibliothèque royale est à la disposition des RR. PP., les pièces et manuscrits
étrangers peuvent s'obtenir par nos chargés d'affaires, ministres
plénipotentiaires et consuls au besoin. Ce sera même leur donner un peu
d'occupation, et à l'étranger on apprendra que la Belgique ne borne pas sa
sollicitude aux intérêts matériels et qu'elle s'étend aussi aux intérêts
scientifiques et littéraires.
Je crois donc devoir maintenir ma proposition.
M. Malou.
- Messieurs, nous devons désirer avant tout, quelles que soient nos opinions
sur d'autres points, que la collection des Bollandistes s'achève, que le
subside donné jusqu'à présent ne soit pas perdu.
J'avoue que si l'on pouvait faire un arrangement par volume, je, le
préférerais comme l'honorable M. de Bonne. Mais je crains qu'en décrétant
aujourd'hui, un subside de 12,000 fr. par volume, nous n'en venions à
interrompre l'œuvre des Bollandistes.
Cette œuvre ne consiste pas seulement en publications, elle consiste
surtout, à l'époque où nous sommes, en recherches devenues extrêmement
difficiles. Tous les grands dépôts littéraires de notre pays et des pays qui
nous environnent, ont été plus ou moins mutilés, dispersés par la révolution.
Il a non seulement fallu reconstituer les archives de l'ancienne société des
Bollandistes, il a fallu suppléer à ces lacunes éminemment regrettables que les
sciences historiques rencontrent partout aujourd'hui à cause des événements
politiques.
On s'explique donc fort bien qu'il ait fallu neuf années pour la
publication de deux volumes, parce qu'avant de faire paraître ces deux volumes
il a fallu réunir des éléments complets pour continuer avec la certitude du
succès la publication entière.
Comme je vous le disais tout à l'heure, je crains qu'en fixant dès
aujourd'hui le subside de l'Etat à 12,000 fr. par volume, on n'interrompe la continuation
d'un travail qui doit honorer le nom belge.
M. de
Bonne. - S'il est bien fait.
M. Malou.
- Sans doute s'il est bien fait. Cependant ce travail, comme tout autre, peut
rencontrer des critiques à certains points de vue.
J'appelle l'attention de la chambre sur ce point qu'il ne faut pas
interrompre le travail, indépendamment de toute question d'engagement que
j'ignore. Je demande donc que l'honorable M. de Bonne se tienne pour satisfait
de la déclaration énoncée par plusieurs membres qu'ils préféreraient un
engagement par volume substitué à un engagement par année, et que comme la
discussion du budget de 1849 est prochaine, il n'insiste pas aujourd'hui pour
que la chambre prenne une résolution.
D'ici à la présentation de ce budget, M. le
ministre de l'intérieur pourra voir s'il existe des engagements ; il pourra,
s'il en existe, les modifier à l'amiable, pour limiter, autant que possible,
les subsides de l'Etat. Mais aujourd'hui le vote que la chambre émettrait
pourrait avoir des conséquences qui seraient contraires à l'intention de tous
les membres qui y auraient pris part.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je
m'engage bien volontiers (page 331)
à revoir cette affaire avant la présentation du budget pour l'exercice 1849.
Je ne puis voir dans l'entreprise des révérends pères jésuites chargés
de cet ouvrage qui fait honneur, en effet, à la Belgique historique, une
entreprise de lucre ; je crois que c'est une entreprise consciencieuse et
consciencieusement poursuivie. Mais cette entreprise n'en est pas moins
extrêmement coûteuse, si l'on réunit en une seule somme tout ce qu'elle aura
coûté lorsqu'elle aura reçu sa complète exécution.
L’honorable M. Dedecker se trompe grandement quand il pense que les
volumes pour la dernière quinzaine d'octobre, et pour les deux derniers mois de
novembre et de décembre, seront terminés en quatre ou cinq ans. C'est quarante
ou cinquante années peut-être qu'il faudra pour achever ces volumes ; de
manière que la dépense totale sera en définitive très considérable.
Ce motif, messieurs, doit nous
engager à tâcher d'arriver aux moyens les plus économiques sans porter
préjudice à l'entreprise elle-même. Il faut éviter, en payant par année, qu'on
ne ralentisse trop les travaux. Mais il faut également éviter, en payant par
volume, que peut-être on ne précipite trop l'exécution de l'ouvrage ; il y a
donc une ligne à suivre entre ces deux inconvénients. Je pense que nous
parviendrons parfaitement à nous entendre avec les honorables auteurs de cet
ouvrage si important. Je ferai connaître au budget prochain le résultat de mes
négociations.
M.
Verhaegen. - Messieurs, j'ai toujours reconnu l'importance
de l'œuvre des Bollandistes et je désire qu'elle s'achève.
Cependant il faut prendre des précautions pour
que le subside ne se donne pas inutilement. On signale des inconvénients qui
résultent du subside annuel et qui sont réels ; mais si l'on accordait un
subside par volume, par exemple un subside de 12,000 francs, il pourrait en
résulter des inconvénients en sens contraire et l'ouvrage pourrait en souffrir.
Car on pourrait réunir dans un volume beaucoup plus de choses qu'il ne devrait
s'en trouver, et ce n'est pas à la quantité, mais à la qualité que nous devons
tenir.
M. le ministre nous a dit qu'il faudrait trouver un terme moyen. Il y en
aurait peut-être un : ce serait d'évaluer approximativement, d'après ce, qui a
été fait jusqu'ici, combien coûtera, l'achèvement de l'ouvrage et d'échelonner
les subsides de manière à les payer au fur et à mesure de l'avancement des
travaux.
C'est un moyen terme qui n'offrirait pas les inconvénients que
présentent les deux extrêmes et que je me permets d'indiquer à M. le ministre.
M. de
Bonne. - Je retire mon amendement.
- L'article est mis aux voix et adopté.
Articles 7 à 10
« Art. 7. Archives du royaume. Frais d'administration (personnel et
matériel : fr. 26,350. »
- Adopté.
__________________
« Art. 8. Frais de publication des inventaires des archives :
fr. 4,000. »
- Adopté.
__________________
« Art. 9. Archives de l'Etat dans les provinces, frais de
recouvrement de documents provenant des archives tombés dans des mains privées
; frais de copies de documents concernant l'histoire nationale : fr.
15,000. »
- Adopté.
__________________
« Art. 10. Location de la maison servant de succursale au dépôt des
archives de l'Etat : fr. 3,500. »
- Adopté.
Chapitre XX - Beaux-arts
Article premier
« Art. 1er. Encouragements, souscriptions, achats. Concours de
composition musicale. Pensions des lauréats Académies et écoles des beaux-arts,
autres que l'académie d'Anvers. Concours de peinture, de sculpture,
d'architecture et de gravure. Pensions des lauréats. Ecole royale de gravure,
charge ordinaire : fr. 112,000.
« Charge extraordinaire : fr. 12,000. »
- Adopté.
Article 2
« Art. 2.. Académie royale d'Anvers. Subside ordinaire : fr.
25.000. »
« Subside extraordinaire : fr. 6,000. »
M. le
président. - La section centrale propose une réduction de
3,000 fr. sur le crédit extraordinaire.
M. Loos.
- Je viens m'opposer messieurs, à la réduction qui vous est proposée par la
section centrale, parce qu'il y aurait d'après moi, injustice à retirer à
l'académie royale d'Anvers le subside extraordinaire sur lequel elle avait
droit de compter par suite des promesses du gouvernement, sanctionnées,
d'ailleurs, par un vote de cette chambre.
Je crois du reste, messieurs, que la section centrale ne vous a proposé
cette réduction que parce qu'elle n'a pas suffisamment apprécié les
circonstances qui se rattachent à ce subside.
Elle a pensé que le premier subside extraordinaire de 6,000 fr. qui
figure au budget de 1846 était déjà destiné à constituer la part pour laquelle
le gouvernement avait consenti à intervenir dans la construction d'ateliers de
peinture, construction dont la ville s'engageait de son côté à faire la moitié
de la dépense. C’est là une erreur ; le subside a été exclusivement destiné à
augmenter les collections de plâtres et autres modèles qui manquaient à
l'académie dans la position plus élevée que sa réorganisation venait de lui
donner. Cette somme de 6,000 fr. a reçu la destination que je viens d'indiquer
et que lui assignait d’ailleurs en termes formels la lettre d'envoi du
gouvernement dont je tiens une copie entre les mains.
Il n'a donc jusqu'ici été alloué à
l'académie d'Anvers pour la construction d'ateliers que la somme de 6,000 fr.
qui figure au budget de 1847.
Si donc vous retranchez une somme de 3,000 fr. du crédit qui vous est
demandé pour 1848, l'académie d'Anvers ne recevrait en réalité que 9,000 fr. au
lieu de 13,000 fr., somme pour laquelle le gouvernement s'était engagé à participer
dans les frais de construction des ateliers de peinture.
Je crois, messieurs, que cette explication suffira pour faire revenir la
section centrale de la proposition qu'elle nous a faite et qu'elle vous portera
à voter le crédit tel qu'il nous est demandé.
M.
Maertens, rapporteur. - Messieurs, la décision de la
section centrale n'a pas été prise à l'unanimité ; le crédit de 6,000 fr. a été
réduit à 3,000 par 3 voix contre 2 ; j'ai fait partie de la minorité, et j'ai
cru qu'il fallait adopter le crédit de 6,000 fr. Si je prends donc la parole,
c'est uniquement pour faire connaître à la chambre l'état de la question et
indiquer les motifs qui ont déterminé le vote de la majorité de la section
centrale.
Au budget de 1846, messieurs, il figurait un crédit unique de 6,000 fr.
pour créer des collections à l'académie d'Anvers, Depuis lors on fit la demande
d'allouer encore 15,000 fr. à l'effet de construire des ateliers. On fit
connaître au gouvernement que l'arrêté qui prescrivait l'établissement, de ces
ateliers ne pourrait être mis à exécution sans un subside de 15,000 fr., que la
ville donnerait une pareille somme de 15,000 fr., la construction des ateliers
devant coûter 30,000 fr. Il était donc demandé une somme de 21,000 fr. ; 6,000
fr. pour les collections et 15,000 fr. pour la construction des ateliers. M.
Van de Weyer, qui était alors ministre de l'intérieur, a répondu à cette
demande, que le crédit de 6,0o0fr. était d'abord demandé pour un seul exercice,
que cette demande serait renouvelée pendant deux autres exercices, que de cette
manière on aurait une somme de 18,00 'fr., que sur cette somme de 18,000 fr.,
15,000 fr. formaient la part pour laquelle l'Etat contribuerait dans la
construction des ateliers et que les trois autres mille francs servaient aux
collections. Voilà, messieurs, l'arrangement qui a été arrêté entre la
commission directrice et le gouvernement : 3,000 fr. pour les collections et 15,000 fr. formant la moitié du prix total de la
construction des ateliers. Déjà, messieurs, dans les budgets de 1846 et de
1847, les deux premiers crédits, de 6,000 fr. chacun,, ont été accordés,. Il
s'agit aujourd'hui du dernier crédit ; c'est pour la dernière fois que ce
crédit figurera au budget ; il s'agit encore une fois de 6,000 fr., ce qui avec
les deux crédits précédents formera la somme totale promise par le
gouvernement. La majorité de la section centrale a réduit le crédit actuel à
3,000 fr. ; elle a pensé que c'était tout au plus si le gouvernement devait
intervenir dans la construction, mais que la dépense des collections devait
incomber à la ville seule. Voilà, messieurs, le motif qui a guidé la majorité
de la section centrale. Quant à moi, j'ai considéré le premier crédit de 3,000
fr., alloué pour les collections, comme définitivement acquis et j’ai pensé
qu’il fallait aujourd’hui voter les 6,000 fr. pour compléter ainsi les 15,000
fr. qui ont été promis. Voilà le motif de mon vote ; j'ai indiqué ceux du vote
de la majorité, c'est à la chambre de voir le parti qu'elle doit prendre.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je dois
faire observer à la chambre, que le crédit de 6,000 fr. est le dernier qui sera
demandé pour cet objet. C'est l'accomplissement d’un engagement pris par M. Van
de Weyer. Si cette année on ne votait que 3,000 fr. je serais obligé, pour
remplir cet engagement, de demander de nouveau 3,000 fr. pour l'année
prochaine. Si une nouvelle demande doit être faite pour 1849, des demandes
analogues pourraient se reproduire dans les budgets suivants. Il vaut mieux
voter aujourd'hui la somme complète, ce sera une précaution contre de nouvelles
dépenses.
- Le chiffre demandé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.
Articles 3 à 8
« Art. 3. Conservatoire royal de musique de Bruxelles : fr.
45,000. »
- Adopté.
__________________
« Art. 4. Conservatoire royal de musique de Liège : fr.
19,000. »
- Adopté.
__________________
« Art. 5. Musée royal de peinture et de sculpture : fr. 15,000.
»
- Adopté.
__________________
« Art. 6. Musée royal d'armes, d'armures et d'antiquités : fr.
15,000. »
- Adopté.
__________________
« Art. 7. Entretien du monument de la place des Martyrs, des
jardins et des arbustes ; salaire des gardiens : fr. 2,000. »
- Adopté.
__________________
« Art. 8. Dernier septième, pour exécution de la statue de
Godefroid de Bouillon. Piédestal de cette statue, charge extraordinaire :
fr. 25,000. »
- Adopté.
Article 9
« Art. 9. Monuments à élever aux hommes illustres de la Belgique
avec le concours des villes et des provinces. Médailles à consacrer aux
événements mémorables. Subside pour le piédestal de la statue du duc Charles de
Lorraine, charge ordinaire : fr. 10,000.
« Charge extraordinaire : fr. 12,500. »
M. le ministre a proposé à la section centrale de supprimer les mots :
« Subside pour le piédestal de la statue du duc Charles de
Lorraine », ainsi que la somme de 12,500 fr. qui est demandée de ce chef,
ce crédit ayant été voté à la fin de la session dernière. La section centrale
s'est ralliée à cet amendement.
- Le chiffre de 10,000 fr. est mis aux voix et adopté.
Article 10
« Art. 10. Subsides aux provinces, aux villes et aux communes, dont
les ressources sont insuffisantes pour la restauration des monuments. Commission
royale des monuments, charge ordinaire : fr. 36,000 »
« Charge extraordinaire : fr. 6,000. »
- Adopté.
Article 11
« Art. 11. Exposition nationale des beaux-arts, charge
extraordinaire : fr. 20,000. »
M.
Nothomb. - Messieurs, j'ai promis à quelques artistes
d'appeler l'attention de la chambre et du gouvernement sur la question de
savoir s'il n'y aurait pas moyen de garantir contre la contrefaçon des ouvrages
d'art et notamment des tableaux.
Messieurs, croiriez-vous qu'un amateur en Allemagne qui est connaisseur,
s'imaginait qu'il possédait un des plus beaux tableaux de Verboechoven ?
L'original de ce tableau se trouve à Bruxelles.
Je pense que d'abord le gouvernement devrait sévèrement défendre de
faire des copies entières des tableaux modernes exposés au Musée ; il devrait,
s'il y a lieu, ne permettre de les copier que par parties.
Récemment un artiste belge, M. Bossuet, est venu
me voir à Berlin : je l'ai présenté à un amateur qui l'a accueilli avec
empressement, en lui disant : j'ai deux de vos tableaux. » L'un de ces tableaux
était une copie. J'ai conduit ensuite l'artiste chez un marchand de tableaux,
M. Sax, qui lui dit : « j'ai envoyé un de vos tableaux à Saint-Pétersbourg ;
c'était une vue de Lisbonne où vous êtes allé. » Or, il se trouve que l'artiste
n'était jamais allé à Lisbonne, et qu'il n'avait jamais peint une vue de
Lisbonne.
C'est un trafic qui est maintenant organisé sur une large échelle. Le
gouvernement, à l'occasion de la prochaine exposition, pourra examiner s'il n'y
aurait pas un moyen de garantie, d'authenticité pour les travaux qui seront
exposés.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). -
Messieurs, il ne suffit pas de signaler l'abus, il faudrait encore indiquer le
moyen d'y porter remède ; jusqu'à présent je n'aperçois pas ce moyen.
Quant aux propriétaires de tableaux,
ils sont en droit d'en faire faire des copies, en tel nombre qu'ils le désirent
; ils peuvent user et abuser de cette propriété comme de toute autre. Quant au
gouvernement, je conçois qu'il peut prendre certaines précautions ; mais, en
général, je crois que les peintres ne sont pas fâchés de voir leurs tableaux
copiés, alors qu'ils les ont vendus ; c'est un moyen de faire connaître leurs
œuvres et leur nom à l'étranger, et, tout en étendant leur réputation, de
multiplier aussi leurs chances de fortune.
M.
Verhaegen. - Un article du code pénal punit d'une peine
correctionnelle celui qui vend comme original un tableau qui ne serait qu'une
copie.
- Le chiffre est adopté.
Chapitre XXI -– Service de santé
Article premier
« Art. 1er. Frais des commissions médicales provinciales, police
sanitaire et service des épidémies : fr. 39,500. »
M. Dedecker. - J'appelle
l'attention spéciale de M. le ministre de. l'intérieur sur les améliorations à
introduire dans le service sanitaire des indigents de nos campagnes. Cette
question a, pour nos Flandres surtout, un intérêt douloureusement actuel.
Sans doute, les médecins qui, seuls peut-être avec les prêtres, voient
de près les effroyables misères qui déciment nos populations rurales, se
sacrifient, avec une rare abnégation, à l'accomplissement de leurs pénibles
devoirs ; plusieurs même ont été, cette année, martyrs de leur dévouement.
Cependant, malgré toute leur bonne volonté, ils ne peuvent pas donner à
l'organisation du service sanitaire des indigents tous les soins, toute
l'importance que ce service réclame dans les circonstances présentes. C'est à
l'administration générale à prendre des mesures efficaces ; c'est un devoir
pour elle du seconder le dévouement personnel des médecins, pour le soulagement
de ces classes malheureuses dont le sort nous préoccupe si vivement.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je pense qu'en
effet, il serait bien désirable de voir établir dans les campagnes des médecins
cantonaux, chargés du service sanitaire. Il est assez bizarre que le
gouvernement paye des artistes vétérinaires chargés de surveiller la santé du
bétail, et qu'il n'y ait pas de médecins recevant aussi un traitement pour
veiller à la santé des hommes.
L'institution des médecins cantonaux existe, je pense, dans plusieurs
contrées de l'Allemagne. Sans doute cette amélioration donnera encore lieu à
une dépense nouvelle, mais je pense que ce serait là aussi un grand bienfait à
répandre.
Ce serait aussi un moyen d'attirer et de relever dans les campagnes des
hommes de mérite, des hommes distingués qui, après avoir fait d'excellentes
études dans nos universités, sont souvent condamnés à végéter dans un village.
On me signale, notamment dans les Flandres,
certaines communes très populeuses qui sont sans médecin et qui sont plus on
moins éloignées du chef-lieu de l'arrondissement où le médecin est établi ;
communes où la mortalité, depuis deux ans, sévit d'une manière effrayante. Si
on avait là un médecin qui fût à la disposition des classes pauvres, pour leur
venir en aide, sans doute une amélioration notable pourrait s'introduire dans
le service sanitaire.
Je ne perdrai pas de vue l'observation de l'honorable préopinant.
M. de Theux. -
Messieurs, aujourd'hui ce sont les bureaux de bienfaisance qui doivent faire les
frais du traitement des malades dénués de fortune. Ordinairement plusieurs
communes s'entendent pour les frais du médecin, soit à forfait, soit à raison
des différentes visites. II y a aussi des dispositions quant aux fournitures.
Mais dans quelques localités, il y a insuffisance de médecins ; et, sous ce
rapport, l'attention du gouvernement avait déjà été excitée antérieurement :
j'avais chargé l'inspecteur du service de santé d'étudier cette question à
fond, et de me soumettre un travail complet.
- Le chiffre de l'article 1er est mis aux voix et adopté.
Article 2
« Art. 2. Encouragements à la vaccine. Service sanitaire des ports
de mer et des côtes. Subsides aux élèves sages-femmes. Subsides aux communes en
cas d'épidémies ; impressions et dépenses imprévues : fr. 23,300. »
M. le
président. - La section centrale propose de maintenir la
même somme comme crédit normal, et d'allouer, comme charge extraordinaire, la
majoration demandée de 5,000 fr.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je me
rallie à cette proposition.
- Le chiffre, libellé ainsi que le propose la section centrale, est
adopté.
Article 3
« Art. 3. Académie royale de médecine : fr. 25,000. »
- Adopté.
Chapitre XXII
Article unique
« Art. unique. Dépenses imprévues non libellées au budget :
fr. 9,900. »
- Adopté.
Second vote des articles et vote sur l’ensemble du projet
M. le
président. - Il y a trois amendements. Veut-on cependant
procéder immédiatement au vote définitif ?
Un
grand nombre de voix. - Oui ! oui !
- La chambre consultée décide qu'elle passera immédiatement au vote
définitif.
M. le
président. - Le premier amendement a été apporté à l'article
1er du chapitre V qui a été augmenté de 4,200 fr.
M. de
Breyne. - Je demande la parole.
Plusieurs
membres. - Faites insérer votre discours au Moniteur.
M. de
Breyne. - Si la chambre consent à ce que je fasse insérer
mon discours au Moniteur, je renoncerai à la parole. (Oui ! oui !)
- L'amendement est confirmé ainsi que les deux autres amendements
adoptés au premier vote.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - La
rédaction apportée au chapitre XI ne doit pas être considérée comme un
amendement. Le crédit pour la milice a été réduit de 64,600 fr. à 8,600 du
consentement du gouvernement, mais pour cette année seulement ; j'appelle
l'attention de la chambre sur ce point ; l'économie n'est faite que pour cette
année seulement. Le crédit devra être reproduit en son entier pour l'année
prochaine.
M. le
président. - C'est une jurisprudence admise, que quand '
une réduction est proposée par la section centrale et que le gouvernement s'y
est rallié sans qu'elle ait donné lieu à discussion, elle n'est pas considérée
comme un amendement.
_______________
M. le
président. - Nous allons passer au vote de l'article unique
de la loi : « Le budget du département de l'intérieur pour l'exercice 1848 est
fixé à la somme de 6,314,402 fr.40 c. conformément à l'état ci-annexé. »
- Adopté.
________________
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du budget.
II est adopté à l'unanimité des 70 membres qui ont répondu à l'appel et
sera transmis au sénat.
Ont répondu à l'appel : MM. Mast de Vries, Mercier, Nothomb, Orban, Osy,
Pirmez, Pirson, Raikem, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Sigart, Tielemans, T'Kint
de Naeyer, Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Van Cutsem, Vanden Eynde,
Vandensteen, Van Renynghe, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII, Zoude, Anspach,
Biebuyck, Broquet-Goblet, Clep, Cogels, d'Anethan, Dautrebande, David, de
Baillet-Latour, de Bonne, de Breyne, Dechamps, de Clippele, de Corswarem,
Dedecker, de Haerne, de La Coste, Delfosse, de Liedekerke, de Meester, de
Muelenaere, de Sécus, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de T'Serclaes,
d'Hoffschmidt, Donny, Dubus (Albéric), Duroy de Blicquy, Eenens, Eloy de
Burdinne, Fallon, Huveners, Jonet, Lange, Lebeau, Lejeune, Loos, Lys, Maertens,
Malou et Liedts.
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.