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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 3 décembre 1846

(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)

(Présidence de M. Dumont, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 183) M. Van Cutsem fait l’appel nominal à 1 heure un quart.

M. A. Dubus lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Van Cutsem présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Bourcier, ancien bibliothécaire de la chambre, demande la place de bibliothécaire de la chambre. »

« Le sieur Bourcier, ancien bibliothécaire de la chambre, donne des explications sur sa candidature à la place de bibliothécaire de l’assemblée.

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Le conseil communal de Nieuport réclame l’intervention de la chambre, pour obtenir une augmentation de garnison et une modification au règlement sur l’ouverture et la fermeture des portes de la ville. »

M. Clep. - Messieurs, le conseil communal de la ville et port de Nieuport réclame l’intervention de la chambre auprès de M. le ministre de la guerre, afin que ce haut fonctionnaire veuille bien accorder à cette place forte sa garnison habituelle, composée d’un bataillon d’infanterie au complet et apporter des modifications au règlement sur l’ouverture et la fermeture des portes de la ville.

Les considérations, à l’appui de cette réclamation, sont si lucidement développées que je craindrais de les affaiblir en les reproduisant. Je me borne donc, vu l’urgence et l’importance de cette réclamation pour la ville de Nieuport, à prier la chambre de bien vouloir adresser cette requête à la commission des pétitions, avec demande d’un prompt rapport.

M. de Breyne. - J’appuie la proposition que vient de faire l’honorable M. Clep relativement à la pétition adressée à la chambre par l’administration communale de Nieuport. La ville de Nieuport est, sous le rapport des travaux d’art, une des forteresses les plus importantes du pays. Il y a 30 ans, la ville de Nieuport était très florissante à cause de la pêche au long cours qui s’y trouvait alors dans un état prospère ; aujourd’hui elle se trouve à peu près dépossédée de ce moyen d’existence. Il y a quelques années, elle trouvait encore une ressource dans le transit des laines vers la France, ce transit lui a été également enlevé. Enfin elle trouvait une autre ressource dans une garnison assez forte, toujours composée d’au moins un bataillon. Aujourd’hui cette garnison est réduite à 60 ou 70 hommes valides. Cependant il y a à Nieuport un matériel considérable et 4 magasins renfermant des centaines de mille kilog. de poudre ; vous comprenez, messieurs, qu’une garnison de 70 hommes valides est bien faible pour la conservation de ces objets, et cette considération me semble de nature à faire admettre la réclamation de la ville de Nieuport tendant à ce que cette garnison soit augmentée. S’il était fait droit à cette réclamation, la ville de Nieuport trouverait au moins quelques moyens d’existence dans les dépenses de la garnison.

J’appuie le renvoi à M. le ministre de la guerre, et j’espère que M. le n ministre voudra bien nous donner quelques explications.

M. Rodenbach. - J’appuie le renvoi à la commission des pétitions, avec demande d’un prompt rapport, comme l’a proposé l’honorable M. Clep ; niais on ne peut pas, je pense, renvoyer la pétition directement à M. le ministre de la guerre : ce serait contraire au règlement. Je crois que la réclamation du conseil communal de Nieuport peut être fondée, et c’est ce qui m’engage à appuyer la demande d’un prompt rapport.

M. de Breyne. - Je ne m’oppose pas à ce que demande l’honorable M. Rodenbach. Je croyais que M. Clep avait demandé le renvoi à M. le ministre de la guerre, et c’est pour ce motif que j’appuyais ce renvoi ; mais, puisque la proposition n’en a pas été faite, je me rallie à la demande d’un prompt rapport.

- La proposition de M. Clep est mise aux voix et adoptée.


« Le sieur Jacobs prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à obtenir le payement de ce qui lui revient du chef d’ouvrages exécutés au bassin de la ville d’Anvers. ».

M. Osy. - Messieurs, le pétitionnaire réclame contre un déni de justice de la part de la commission chargée de la liquidation des 7 millions que nous avons obtenus de la Hollande. Comme cette commission est encore en fonctions, je demanderai qu’il soit fait un prompt rapport sur la requête du sieur Jacobs, afin que le gouvernement puisse examiner si le pétitionnaire a effectivement droit à la créance qu’il réclame. (Interruption.)

Il s’agit des 7 millions que nous avons obtenus de la Hollande pour les anciennes liquidations.

- La proposition de M. Osy est mise aux voix et adoptée.


M. Lejeune. - Messieurs, j’ai vu par le Moniteur que dans une les dernières séances on a fait l’analyse d’une pétition par laquelle le conseil communal et des habitants notables d’Assenede réclament une prompte et complète exécution du traité avec la Hollande, concernant l’écoulement des eaux des terrains situés à la gauche du canal de Terneuzen. Cette pétition a été renvoyée à la commission des pétitions ; je viens proposer à la chambre d’inviter la commission à faire un prompt rapport sur cette réclamation. Cet objet est beaucoup plus important et surtout beaucoup plus urgent qu’on ne pourrait le croire. J’en ai parlé plusieurs fois dans cette chambre. J’insiste d’autant plus pour obtenir un prompt rapport que dernièrement encore, lorsqu’à l’occasion de la discussion du budget des affaires étrangères, j’ai entretenu l’assemblée de cet objet, l’opinion du gouvernement m’est restée tout à fait inconnue : M. le ministre ne m’a pas fait l’honneur de me répondre au sujet de l’inexécution du traité.

Je demande donc que la commission soit invitée à faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


M. le ministre de la guerre (M. Prisse) (pour une motion d'ordre). - Messieurs, je demande que le projet de loi, relatif à l’organisation du service de santé, soit mis à l’ordre du jour après le vote du budget des voies et moyens. Il importe que cette loi soit examinée par la chambre, avant la discussion du budget de la guerre. (Appuyé !)

- La proposition de M. le ministre de la guerre est adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère de la marine de l'exercice 1847

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale continue.

La parole est à M. Veydt.

M. Veydt. - Messieurs, je suis loin de regretter que la proposition souvent annoncée par l’honorable député de Mons, ait été faite dans la séance d’hier.

Elle attirera de plus en plus l’attention des chambres et du pays sur une question qui mérite certes d’être débattue et examinée, et pour laquelle la pire de conditions est celle de l’indifférence. J’espère que. d’autres de mes honorables collègues voudront y revenir, lorsque les documents qui doivent être mis sous nos yeux, seront au complet.

En ce moment, il ne s’agit que d’un seul objet. Faut-il que le gouvernement prenne des mesures pour ramener en Belgique, à ses frais, les orphelins et les colons qui le désirent ? Je crois, messieurs, qu’il n’y a ni nécessité, ni utilité à prendre de pareilles mesures ; j’espère le démontrer, en ajoutant quelques nouvelles garanties à celles que plusieurs d’entre vous ont trouvées sans doute dans le discours de l’honorable ministre des affaires étrangères et dans celui de l’honorable M. Dumortier.

Le point de départ de l’honorable député de Mons est celui-ci : Il considère l’épidémie et ses funestes effets comme si c’était l’état normal, état permanent de la colonie. Or, messieurs, cet état n’a été que temporaire, qu’accidentel, comme les causes qui l’ont fait naître. Il reviendra, m’objecte-t-on.

Je ne sais si l’épidémie reparaîtra ; mais ce qui m’est démontré, c’est qu’elle ne pourra revenir qu’avec les mêmes causes qui l’ont produite. Ces causes ne se représenteront plus ; car une expérience durement achetée nous est acquise, et l’on serait inexcusable, l’on commettrait un acte d’inhumanité si l’on retombait dans les fautes qu’on a pu faire au début d’un essai de colonisation ; sous ce rapport, je pense que nous avons tout lieu d’être rassurés pour l’avenir.

J’ai dit que l’épidémie avait cessé depuis longtemps. Déjà, hier, l’honorable ministre des affaires étrangères a donné connaissance de la conclusion du dernier rapport du docteur Fleussu.

L’éloge qu’il a fait à cette occasion de ce médecin est bien mérité ; son dévouement et sa science lui eut valu l’estime de tous ceux, en si grand nombre, auxquels il n’a cessé de donner des soins. J’ai donc à bon droit une entière confiance dans les renseignements qu’il a envoyés en Europe.

Je demande que la chambre veuille bien m’autoriser à déposer sur le bureau ce rapport sur l’état sanitaire de la colonie, qui va jusqu’à la date (page 184) du 6 septembre. Tous ceux d’entre vous, ms, qui voudront le lire, verront qu’il porte le cachet de la vérité et qu’il ne laisse aucune crainte, aucune inquiétude sur le sort des habitants de Santo-Thomas.

M. Sigart. – Il serait utile qu’on déposât aussi les rapports précédents.

M. Veydt. – Ces rapports sont imprimés, je pense. Je désire aussi qu’ils soient déposés.

Dans mon opinion, l’épidémie a été accidentelle ; les causes en ont été énumérées, hier, par M. le ministre des affaires étrangères. N’avons-nous pas vu dans notre pays se produire de pareils accidents ? Il ne faudrait pas aller bien loin pour en trouver de tristes exemples.

Je pourrais en prendre un dans la ville même qu’habite l’honorable membre : à Mons, la mortalité a cruellement sévi au dépôt de mendicité. Là aussi elle était due à des causes accidentelles, dont les principales étaient l’encombrement des reclus et la misère à laquelle ils avaient été en proie. Il y a eu dans plusieurs localités de la province d’Anvers une épidémie toute récente ; une seule commune d’environ cinq cents habitants a perdu le cinquième de sa population. Dans d’autres communes voisines, plusieurs ménages ont été à moitié emportés par la maladie. Je pourrais citer la famille du bourgmestre de l’une d’elles.

Ce sont là des malheurs, des circonstances exceptionnelles qui n’autorisent pas à en tirer la conséquence que le pays est réellement malsain.

J’aborde une autre considération.

Quand on a connu en Belgique que la mortalité faisait de grands ravages à Santo-Thomas, quelles mesures a-t-on prises ? D’abord, le gouvernement a donné des instructions à notre consul. Ces instructions avaient un double but : 1° de faciliter le retour des colons et des orphelins qui en exprimeraient le désir, et 2° de pourvoir à la subsistance et à l’entretien des orphelins, s’ils avaient besoin de secours immédiats.

Or, le consul n’a eu à faire emploi d’aucun de ces moyens. N’est-ce pas là la preuve évidente qu’il n’en a pas reconnu le besoin, et que par conséquent la compagnie remplissait ses engagements et ses devoirs ? Car on ne peut raisonnablement pas supposer que l’agent du gouvernement ait manqué aux siens, en ne tenant aucun compte des ordres qu’il avait reçus.

En ce qui concerne la compagnie, elle ne s’est jamais opposée au retour en Europe des colons et orphelins qui ont voulu y revenir. Qu’on veuille bien le remarquer, les colons sont entièrement libres, ils n’ont plus aucun engagement à temps vis-à-vis de la colonie, ils peuvent par conséquent se retirer d’un jour à l’autre, et à l’exception de quelques-uns qui sont employés dans les bureaux de la direction, tous travaillent pour eux-mêmes et gèrent leurs propres affaires.

Aucun d’eux n’a demandé à revenir ; et cependant la chose était facile. Ceux qui l’ont voulu, quoique dépourvus de ressources, en ont trouvé le moyen de la manière la plus facile. Voici comment. Ils se sont engagés vis-à-vis de la compagnie pour le montant des sommes dont ils avaient besoin pour solder leur passage à bord. Ces promesses dont j’ai ici le détail s’élèvent à 10,279 fr. 42 c. J’ajouterai que la compagnie n’a inquiété aucun des colons pour obtenir le remboursement de ces sommes. C’est donc jusqu’ici à ses frais qu’ils sont revenus en Europe.

Je le répète, les colons étaient complétement libres, les occasions de retour n’ont pas manqué. Elles ont été fréquentes même. Il y a d’abord eu la Louise-Marie qui a séjourné longtemps dans le port.

M. Sigart. – Elle n’y a séjourné que trop longtemps.

M. Veydt. - Je n’en sais rien. Mais cela a influé sur l’état sanitaire de la colonie. Quand le pavillon belge flotte à Santo-Thomas, les colons se croient encore en Belgique ; je serais charmé que ce séjour d’un bâtiment de l’Etat pût se reproduire très souvent.

A dix jours de distance, le Comte de Flandre et l’Iéna, partis de Santo-Thomas le 6 septembre, sont arrivés à Anvers. Qu’ont-ils ramené ? Le Comte de Flandre avait à son bord un seul colon, un Allemand qui est revenu en Belgique, non pour y rester, mais afin de ramener d’autres familles pour s’associer à la culture de ses terres dans l’Amérique centrale.

L’Iéna a ramené trois personnes, dont aucune n’est revenue pour fuir un climat malsain. Je ne pourrais dire pour quels motifs ils sont revenus ; mais je puis affirmer que la considération du climat n’a déterminé le retour d’aucun de ces passagers.

Mais pourquoi les colons ne reviennent-ils pas ? La raison m’en paraît fort simple. Ceux qui sont arrivés depuis quelques années dans la colonie, sont maintenant acclimatés ; ils y vivent mieux qu’ils ne vivraient en Belgique. Partis sans ressources, ils ont aujourd’hui un certain avoir ; leur salaire leur rapporte beaucoup plus qu’ils ne pourraient espérer en Belgique.

Voici ce que nous trouvons dans le rapport de M. Blondeel :

« Depuis l’administration de M. de Bulow, toutes les constructions en bois et bardeaux ont été faites par les Européens.

« Aujourd’hui, il est accordé pour une journée de 8 heures de travail aux ouvriers sachant un état, 1 piastre 50, soit 8 fr. 17 1/2, sans nourriture ;

« Aux hommes n’ayant aucune capacité spéciale, 1 piastre, soit 5 fr. 45, sans nourriture ;

« Aux jeunes gens de 15 à 16 ans, 4 à 5 réaux, 2 fr. 72 à 3 fr. 40, sans nourriture ;

« Aux enfants, 2 à 3 réaux, 1 fr. 35 à 2 fr. 05, sans nourriture.

« Voilà pour le travail ordinaire ; mais les bons ouvriers, ceux qui ont un peu d’activité, un état ou une spécialité de travail, font des travaux par entreprise ou sont établis comme charpentiers, menuisiers, forgerons, boulangers, tailleurs, cordonniers ; leur gain journalier peut être évalué 2, 3 à 4 piastres, 10 fr. 90, 16 fr. 35, 21 fr. 80.

« Les huit heures de travail se partagent ainsi :

« De 6 heures du matin à 8 heures. - 2 heures.

« De 8 ½ du matin à 10 heures ½. – 2 heures.

« De 2 heures de l’après-midi à 6 heures. – 4 heures. »

Les rapports de M. Blondeel ne sont pas les seuls renseignements qui soient parvenus au département des affaires étrangères. S’il s’agissait d’occuper plus longtemps la chambre de cette question, je demanderais la communication des lettres qu’il a reçues du consul M. Cloquet.

Quel que soit le jugement qu’il porte de la marche que l’on a suivie, j’ai tout lieu de croire qu’il envisage l’affaire en elle-même sous le même point de vue d’intérêt commercial et qu’il n’a rien négligé pour mettre les chambres et le gouvernement à même de se prononcer en connaissance de cause.

En ce qui concerne M. Blondeel, on ne peut s’empêcher de reconnaître qu’il a apporté à l’examen des questions qui lui ont été posées, non seulement une très grave, mais même une consciencieuse attention.

Parti sous l’impression des nouvelles désastreuses qui étaient venues en Belgique et qui ont motivé sa mission ; trouvant, à son arrivée, la colonie encore toute meurtrie par les événements qui avaient été signalés ; n’est-il pas raisonnable de croire que M. Blondeel, avant de se préoccuper des intérêts d’avenir, a dû songer d’abord à l’existence et au bien-être les colons ? Il n’eût donc pas manqué de prendre toutes les mesures que de pareilles circonstances auraient nécessitées, et si, comme le fait existe, M. Blondeel s’est cru dispensé de toute disposition d’urgence, de tout secours pécuniaire en faveur des colons, c’est évidemment que la misère et la mort ne planaient pas sur leurs têtes, comme on veut bien le dire, et qu’évidemment la compagnie suffisait aux besoins de la colonie.

J’ajouterai que sous cette même impression, l’aspect de la colonie, l’ensemble de l’entreprise en elle-même ne pouvaient, au premier abord, qu’apparaître sous des couleurs défavorables aux yeux de M. Blondeel. Ses conclusions tendant à établir la salubrité relative du climat et surtout à démontrer l’importance du port de Santo-Thomas au point de vue du commerce et de l’industrie belges, ne sauraient par conséquent être taxées de partialité.

Qu’il me soit permis de faire encore deux citations de son dernier rapport, qui m’ont frappé :

« Etablissez la route vers la montagne, dit-il, (il a prouvé ailleurs que ces travaux sont si facilement exécutables, que la chose qui étonne le plus est qu’ils ne soient pas exécutés depuis longtemps) et créez à Santo-Thomas un vaste entrepôt-bazar, toujours pourvu d’une grande variété de marchandises, et j’ai la conviction qu’en très peu de temps cet établissement bien mené verrait accourir en masse les négociants de l’intérieur. »

Et plus loin : « Le commerce des Anglais à Bélize se fait avec la tant de négligence et si peu de soins dans les achats, que si une maison belge était établie à Santo-Thomas pour ne s’occuper que de commerce, la colonie anglaise devrait entièrement modifier ses transactions, sous peine d’être complétement vaincue par sa rivale naissante. »

C’est une entreprise privée, nous dit-on sans cesse. Oui, messieurs, l’entreprise a été faite par des particuliers, mais elle a été préalablement soumise au gouvernement, en demandant non seulement la sanction des statuts, mais son appui, comme une des conditions indispensables à la réussite d’une entreprise de cette nature, et c’est sur les assurances données alors par le gouvernement qu’elle a été fondée.

Du reste, messieurs, quel que soit le caractère d’une entreprise, du montent qu’elle offre des avantages commerciaux et industriels au pays, ce qui nous est prouvé aujourd’hui et par les renseignements et par l’expérience déjà acquise pour nos exportations, elle mérite nos sympathies et elle peut, à l’égal de toute autre, avoir sa part des encouragements ordinaires votés en faveur du commerce et de l’industrie par la législature. C’est sous ce point de vue qu’elle peut être recommandée à l’attention de M. le ministre des affaires étrangères. Il ne s’agit pas de faveur, mais de justice distributive.

Messieurs, rien ne m’appelait à prendre part à l’entreprise de la compagnie. Ce qui a contribué à ma participation ç’a été l’expérience que j’avais acquise durant les fonctions que j’ai remplies au département des affaires étrangères. Je les ai quittées avec la conviction que ce qui manque surtout à la Belgique, ce sont des maisons belges établies dans les pays d’outre-mer. Nous éprouvons de grandes difficultés pour nos exportations, nous avons souvent des chances défavorables à courir. Il en sera ainsi, tant que nous n’aurons pas des comptoirs, des établissements dirigés par des nationaux dans les pays où nous voulons nous ouvrir des débouchés.

C’est vers ce but, messieurs, que nous devons tendre, et c’est l’espoir d’y parvenir qui m’a donné le courage de persévérer.

En terminant, je suis heureux de trouver, à l’appui de cette entreprise, un témoignage que personne de vous ne récusera.

Un des économistes les plus distingués de l’Allemagne, le docteur Frédéric List, dans son ouvrage intitulé : « Système national d’économie politique », publié en 1842, époque qui coïncide avec la création de la compagnie de colonisation, parle ainsi de l’Amérique centrale :

« L’exportation de ces pays, ainsi que du Texas, doit se borner en (page 185) grande partie aux produits et denrées coloniales, l’industrie manufacturière n’étant pas propre aux climats tropicaux.

« Ces pays offrent encore un vaste marché à la nation qui saurait s’y établir en gagnant la confiance des indigènes, d’autant plus qu’ils ont le sentiment de leur impuissance à s’élever par eux-mêmes au degré de civilisation des peuples d’Europe et qu’ils éprouvent le besoin d’attirer chez eux par l’émigration, les arts, les connaissances et les relations commerciales qui leur manquent. Jaloux de leur indépendance, ce même sentiment de faiblesse leur fait craindre des relations trop intimes avec l’Angleterre et la France, tandis que l’Allemagne leur offrirait tous ces avantages, sans leur inspirer aucune crainte. C’est donc la partie du globe vers laquelle la confédération des douanes allemandes devrait porter l’attention la plus sérieuse.

« Le Zollverein devrait avoir dans ces Etats des agents diplomatiques et des consuls sur tous les points importants du territoire, qui se communiqueraient réciproquement leurs observations.

« On devrait encourager des naturalistes à visiter l’intérieur de ces contrées, encore fort peu connues, et en faire le sujet de rapports ; on devrait engager des négociants à s’y établir, y envoyer des médecins pour étudier Le climat et y former des clientèles. Les Etats du Zollverein devraient encourager, en y prenant une part active, la création de compagnies par actions pour acheter, dans ces parages, de grandes concessions, afin d’y établir des colonies allemandes ; ils devraient faciliter de même l’organisation de compagnies de commerce et de navigation dans le but d’y créer des comptoirs et d’établir des lignes de paquebots à vapeur, enfin d’autres compagnies pour exploiter les grandes richesses minéralogiques que possèdent ces contrées. Rien ne devrait être négligé par le Zollverein pour gagner la confiance de ces peuples et de leurs gouvernements en leur prêtant toute assistance pour ouvrir des voies de communication et assurer l’ordre et la tranquillité intérieure ; au besoin même, il ne faudrait pas reculer devant des subsides d’hommes et d’argent pour aider à la consolidation des gouvernements qui en feraient la demande. »

Ne vous semble-t-il pas, messieurs, que ces lignes ont été écrites pour la Belgique et qu’elles tracent toutes les règles qu’il faudrait suivre pour arriver à de bons résultats ? Pour moi, j’y trouve un grand sujet de consolation, et je pense que lorsqu’un auteur si grave, si éminemment apte à traiter les questions commerciales, s’exprime de cette manière, des Belges n’ont pas eu tort de prendre intérêt à la fondation d’un établissement dans l’Amérique centrale, et que c’est là une entreprise véritablement digne de la sollicitude du pays.

M. de Brouckere. - Messieurs, la tentative d’établir une colonie belge à Santo-Thomas est une œuvre privée, entreprise par des particuliers, comme vient de le dire l’honorable préopinant. La plupart de ceux qui ont coopéré à cette entreprise, l’ont fait par spéculation : spéculation d’argent pour les uns, spéculation d’influence et de pouvoir pour les autres, spéculation de faveurs et d’honneurs pour les troisièmes, mais enfin spéculation.

Quelques-uns de ceux qui y ont pris part ne l’ont fait, au contraire, que mus par un sentiment plus noble, celui de faire une chose utile au pays, de rendre service à un grand nombre de leurs concitoyens, et je n’ai pas besoin de dire que c’est dans cette dernière catégorie que je range l’honorable M. Veydt. Cet honorable membre se rappellera que très souvent et dès le principe, nous avons causé de la colonisation de Santo-Thomas. Il croyait que cette entreprise pouvait être couronnée du plus beau succès ; moi, je ne me suis à aucune époque fait la même illusion.

La colonisation de Santo-Thomas, en tant qu’œuvre privée, doit, selon moi, être à l’abri de la critique et de la censure de la chambre. C’est une entreprise parfaitement légitime ; si elle n’a pas réussi, ceux qui l’ont faite en souffrent assez, sans que nous allions ajouter aux pertes qu’ils ont faites, aux regrets qu’ils peuvent avoir, des accusations qui doivent leur être pénibles.

Mais ce qui est tout à fait dans notre compétence, c’est l’examen de la conduite tenue par le gouvernement dans l’affaire de la colonisation. Or, messieurs, je le dis hautement aujourd’hui, parce que je l’ai dit à toutes les époques, cette conduite ne me paraît pas à l’abri de tout reproche.

Le gouvernement a toujours l’air de dire : « Mais je suis étranger à cette colonisation ; mais je n’y suis pour rien ; je me suis contenté de laisser faire, et aucune responsabilité ne peut tomber sur moi. » Messieurs, les faits viennent démentir cette assertion. Dès le principe le gouvernement a connu le projet de colonisation, il a pris connaissance des statuts ; il les a approuvés et s’il n’a point (ce que j’ignore) aidé la compagnie par des subsides pécuniaires, il est certain, au moins, qu’il lui est venu en aide par des moyens indirects, quand ce ne serait qu’en mettant à sa disposition, jusqu’à certain point, une partie de notre marine. Ce qui est certain encore, c’est que le gouvernement a accordé à la compagnie son appui moral. Or, c’est cet appui moral qui a donné à la compagnie la consistance qu’elle a eue ; c’est cet appui moral qui a entraîné un grand nombre de nos concitoyens à se laisser aller à des illusions qu’ils déplorent aujourd’hui amèrement.

Eh bien, messieurs, je ne crains pas de le dire, le gouvernement a fait trop ou trop peu, quant à la colonisation de Santo-Thomas. Si cette œuvre était bonne, si elle s’annonçait comme devant produire des résultats utiles, le gouvernement devait lui venir en aide par des moyens bien autrement actifs que ceux qu’il a employés ; il devait lui venir en aide par des moyens directs, par des moyens qu’il aurait soumis à l’appréciation des chambres. Si, au contraire, il n’avait pas foi dans le succès, il aurait dû chercher à détourner ceux qui voulaient entreprendre la colonisation, il aurait dû chercher à les en détourner par ses avis, par ses conseils et, dans tous les cas, il aurait dû lui refuser son appui moral. Mais la conduite du gouvernement, dans cette affaire, comme dans beaucoup d’autres affaires, a été vacillante, douteuse, ambiguë. On voulait bien avoir l’air d’appuyer la colonisation de Santo-Thomas, mais on n’osait pas ouvertement dire sa pensée aux chambres, si toutefois on avait une pensée, et leur demander leur concours.

Quoi qu’il en soit, messieurs, je crois ne pas me tromper en tirant des paroles de M. le ministre des affaires étrangères cette conséquence, qu’il y a lieu, dans son opinion, de renoncer à la colonisation de Santo-Tho mas, et que ce qu’il reste à faite c’est d’y établir un comptoir de commerce. Voilà la conséquence du discours, discours très remarquable du reste, prononcé pal’ M. le ministre des affaires étrangères. Eh bien, messieurs, j’adopte en tous points son opinion à cet égard. Je pense avec lui qu’il faut qu’on renonce à toute espèce d’idée de coloniser Santo-Thomas, c’est-à-dire de peupler Santo-Thomas de citoyens belges. Il faut y renoncer, et j’espère que le gouvernement, par aucune voie, ni directe ni indirecte, ne fera rien pour engager la compagnie à persévérer dans ses tentatives de colonisation. Mais quant à l’établissement d’un comptoir de commerce à Santo-Thomas, je le regarde commue pouvant produire les meilleurs résultats ; et ici, messieurs, j’irai au-devant de ce que pourra peut-être faire le gouvernement ; je l’engage à venir demander aux chambres les moyens de favoriser l’établissement de ce comptoir.

Que le gouvernement s’entoure de tous les renseignements à cet égard, et si une société se forme pour l’établissement dont je viens de parler, je suis tous disposé à lui prêter mon concours lorsque le gouvernement viendra le demander franchement et en nous expliquant quel est le but, quels sont les projets, quels sont les moyens de succès de la société qui se formera.

En attendant, messieurs, sans que je veuille ni faire une proposition ni appuyer la proposition qui serait faite pour envoyer des bâtiments chercher les colons qui restent à Santo-Thomas, je crois que le gouvernement doit donner des instructions à ses agents (consul ou envoyé extraordinaire), qu’il doit donner des instructions à ses agents afin qu’ifs facilitent de toute manière le retour des colons qui voudraient revenir dans leur patrie. Quand je me sers des expressions : « de toute manière », je veux dire même en fournissant aux colons les fonds nécessaires pour revenir dans cette Belgique qu’ils regrettent si fort sur la terre de désolation où ils se trouvent.

De tout cela, messieurs, je tire, moi, trois conséquences et je termine par là : La première, c’est qu’il faut renoncer à l’idée de la colonisation ; la deuxième, c’est que le gouvernement fera bien de contribuer, le cas échéant, à l’établissement Santo-Thomas, d’un comptoir de commerce... (Interruption.) L’honorable M. Sigart m’interrompt. Eh bien, je lui dirai que dans le temps où j’habitais la première ville commerciale du royaume, j’ai toujours émis l’idée qu’un des meilleurs moyens de venir en aide au commerce et à l’industrie de la Belgique, c’était de favoriser l’établissement de comptoirs commerciaux dans les parages où nous n’avons point de représentant et où il n’existe pas de maison belge. Je dis même à l’industrie, parce que, en effet, ces comptoirs de commerce favorisent singulièrement l’exportation de nos fabricats.

La troisième conséquence que je tire de ce que j’ai dit, c’est que le gouvernement fera bien de se méfier un peu à l’avenir des chercheurs de colonies, que nous avons en Belgique. Il s’en est déjà présenté plusieurs et l’on m’a parlé entre autres d’un projet qui avait existé, projet qui date d’assez loin (c’était avant que l’honorable M. Dechamps ne fût chargé du portefeuille des affaires étrangères) et qui consistait à acheter une certaine île dans des contrées très éloignées. Cet achat, qui eût coûté assez cher, devait avoir principalement pour but de favoriser l’exportation d nos toiles et étoffes de coton. Or tous renseignements pris, il en résulta que dans cette île on se servait très peu de toile et de coton, attendu les habitants se promenaient dans le costume qu’avait notre premier père, ou à peu de chose près. On a donc renoncé à ce projet d’acquisition, et je crois que le gouvernement fera bien, quand un projet de colonisation lui sera présenté, de commencer par montrer une grande méfiance et de n’y prêter l’oreille que quand il se sera entouré de renseignements certains établissant que l’entreprise a quelque chance de succès.

M. Sigart. - Messieurs, je dois d’abord répondre à un reproche d’inopportunité qui m’a été adressé hier par l’honorable ministre des affaires étrangères. Depuis longtemps j’avais déclaré que je déposerais une proposition si le gouvernement n’en présentait pas lui-même. J’ai renouvelé cette déclaration il y a cinq ou six jours, et j’ai dit qu’effrayé par les lenteurs du règlement, je ferais de ma proposition l’objet d’un amendement à l’un des budgets.

M. le ministre est venu me demander, en adversaire loyal, de ne pas lui cacher quelle partie de la vaste question de Santo-Thomas je voulais traiter. Je n’ai pas fait difficulté de le lui dire, et il m’a prié pour sa commodité de laisser passer le budget des affaires étrangères et d’attendre celui de la marine.

Cependant c’était bien à la discussion de l’un des budgets du ministre qui a reçu l’enquête sur Santo-Thomas que je devais faire mes observations sur le mémoire de M. Blondeel, et c’était plus particulièrement au budget de la marine qu’à celui des affaires étrangères, parce que c’était par la marine de l’Etat que, selon mon opinion, on devait ramener en Europe les colons qui se trouvent actuellement à Santo-Thomas.

Messieurs, j’ai une note de ce que coûterait le transport des colons.

(page 186) Pour les parages de la mer des Antilles et du golfe du Mexique, un passager coûte de 1 à 10 fr. par jour, selon la classe.

Il y a, en moyenne, 60 jours de traversée d’ici à Santo-Thomas. Soit pour un passager de dernière classe (remarquez qu’il y aurait moitié d’enfants), 60 fr.

Il y avait une trentaine d’orphelins (je ne sais ce qu’il y a de plus redouter, que leur nombre soit augmenté ou diminué). Je suppose autant de colons libres qui désirent revenir en Belgique, soit 60 en tout : à 60 fr. c’est 3,600 fr.

Pour prévenir les mécomptes, je double à peu près mon chiffre et mets 6,000 fr.

Tandis qu’un bâtiment de la marine marchande, du port de 500 tonneaux, coûte 4,000 fr. par mois ; le trois-mâts le Théodore a été affrété à ce prix.

Cinq mois de traversée, en moyenne, cela fait 20,000 fr.

Il faudrait ajouter les vivres. Le coût total serait donc de 26,000 fr.

Je préfère donc que l’on se serve de la marine de l’Etat. Cependant je pourrais, sans trop de peine, me rallier au second moyen. Je tiens surtout au résultat.

M. le ministre des affaires étrangères a dit que les navires de l’Etat n’étaient pas construits pour le transport de passagers. Je n’entends pas connaître mieux que M. le ministre de la marine comment sont construits les navires de guerre ; mais cependant il est une chose évidente c’est que souvent les navires de guerre servent au transport des troupes il est une autre chose évidente, c’est que la Louise-Marie a transporté à Santo-Thomas des passagers, et, entre autres, M. Simons et l’un de no sténographes.

Un membre. - Il est ici.

M. Sigart. - Je le crois bien, un coup d’œil lui a suffi ; il n’a pas été tenté d’y rester.

Du reste, la dépense ne faisait pas peur au gouvernement quand il s’agissait de transporter les colons à Guatemala. Il ne lui coûtera pa davantage pour les ramener. Je ne veux pas examiner en ce moment tout ce que la colonie a coûté à la Belgique, mais je veux pourtant m’arrêter un instant sur la dernière expédition de la Louise-Marie ; c’est une petite histoire qu’il est bon de raconter.

M. Blondeel part à bord de la Louise-Marie. Le commandant reçoit en partant un pli cacheté qu’il a ordre de n’ouvrir qu’à une certaine latitude en mer. Arrivé à la hauteur indiquée, il exécute ses ordres et il trouve un arrêté qui le met à la disposition de M. Blondeel ; on arrive dans la colonie, et M. Blondeel occupe les officiers à des travaux d’hydrographie ou autres. Par une circonstance particulière, M. le ministre de la marine avait donné l’ordre sans en prévenir ses bureaux ; M. le ministre de la marine donne sa démission, et les bureaux n’ont pas connaissance des ordres donnés à la Louise-Marie ; on s’étonne dans les bureaux que la Louis-Marie ne revienne pas ; on s’inquiète d’abord à cause qu’elle n’avait de vivres que pour l’aller et retour, on finit par supposer qu’elle a fait naufrage.

Voilà d’autre part que presque tous les officiers et matelots occupés tombent malades, puis la Louis-Marie se trouve sans vivres, et elle est obligée d’aller à New-York prendre des vivres. Grâce à cette circonstance, on a appris dans les bureaux que la Louise-Marie existait encore, et on lui a donné ordre de faire voile à l’instant pour l’Europe. Sans cela elle serait encore là-bas pour la convenance de M. Blondeel.

A présent je demanderai si les intérêts de l’Etat empêchaient, je ne dirai pas de publier l’arrêté dans le Moniteur après le départ du navire, mais au moins de prévenir les bureaux. Quoi qu’il en soit de cette histoire, il est certain que, pour la satisfaction de M. Blondeel, on a dépensé une somme énorme et compromis un équipage à la tête duquel se trouvent des officiers du premier mérite.

Je pensais bien que M. le ministre soulèverait une question de droit. C’est pour ce motif que j’avais proposé de ramener en Belgique, non pas tous les colons, mais seulement les orphelins ct les colons libres ; je n’ai pas la prétention de traiter dans la chambre des questions de droit ; mais j’avais d mandé l’avis de plusieurs jurisconsultes distingués de cette chambre, et tous m’ont dit que de pareilles prétentions, devant les tribunaux. n’avaient pas l’ombre d’une chance. Je vois à un signe de M. de Brouckere, par exemple, qu’il me permet de le citer.

J’aurais désiré pouvoir suivre les observations qu’a faites, dans la séance d’hier, M. le ministre des affaires étrangères sur la mortalité, mais je devrais avoir les chiffres. (Interruption.) Il est bien vrai que M. le ministre vient de me remettre un état sanitaire pendant le premier et le deuxième trimestre ; mais ce n’est pas cela que nous devons examiner ; je ne conteste pas qu’aujourd’hui l’état sanitaire de la colonie soit assez satisfaisant ; mais ce que j’aurais voulu, c’eût été de pouvoir suivre le raisonnement avec les chiffres de toutes les époques ; malheureusement le Moniteur n’a pas paru.

Un mot, messieurs, sur la note de M. le docteur Fleussu. Nous avons déjà reçu dans cette chambre communication de trois ou quatre rapports de ce docteur, tous les uns plus favorables que les autres à l’état sanitaire de la colonie ; et cependant du propre aveu de M. le docteur Fleussu, une mortalité terrible (près de 300 décès selon lui, environ 400 selon moi) a eu lieu dans la colonie. Est-ce que M. le docteur Fleussu a fait de faux rapports ? Non pas. Je suis loin de dire cela ; mais ou M. le docteur Fleussu a choisi les moments favorables pour faire ses rapports, en évitant d’en faire dans les moments défavorables, ou bien on nous a caché les rapports défavorables de M. le docteur Fleussu ; c’est pour cela que j’ai demandé tout à l’heure, non pas le dernier rapport, mais tous les rapports de M. le docteur Fleussu.

Il est certain que dans ce moment l’état sanitaire peut être assez satisfaisant. Je n’ai jamais dit qu’il y aurait une mortalité continue dans la colonie. Je sais très bien qu’â certains moments il peut arriver que l’état sanitaire soit satisfaisant. Ainsi je m’explique très bien pourquoi cet état est actuellement satisfaisant ; c’est que tous les colons qui sont en assez petit nombre ne travaillent plus. Qu’est-ce que je vous ai dit la dernière fois que j’ai pris la parole dans cette question ? Je vous ai dit que les Européens qui travaillaient dans la zone torride devaient périr.

Eh bien, est-il possible que la compagnie nourrisse longtemps 200 et quelques personnes à ne rien faire ? Il faut qu’elle se décide à les faire travailler, et si elle les fait travailler elles périront.

J’arrive au seul argument de M. le ministre des affaires étrangères qui serait de nature à faire impression sur vos esprits ; c’est que la compagnie ramène à ses frais les colons en Europe et que le gouvernement est le tuteur attentif des orphelins. Je vous avoue que jusqu’à présent je ne l’ai jamais cru. Si j’ai des garanties, peut-être pourrai-je retirer ma proposition ; mais j’ai lieu de penser que jusqu’à présent il n’en a pas été ainsi.

Rappelez-vous le passage que je lisais hier d’une lettre d’une personne qui avait quitté la colonie :

« En quittant ce lieu fatal, l’ai promis à beaucoup de malheureux colons qui désirent ardemment de rentrer dans leur patrie, que je ferai tous mes efforts pour les arracher à la mort qui les menace. «

Est-ce que les colons auraient besoin de désirer, de solliciter, si la compagnie était toujours prête à ramener en Europe les colons qui exprimeraient le désir d’y revenir ?

L’an dernier, une personne qui a exercé des fonctions dans la colonie, que je ne nommerai qu’à grand regret et qui m’en a pourtant donné l’autorisation, si les besoins de la discussion l’exigeaient, m’a exposé qu’en recevant le dernier soupir des colons mourants, il avait recueilli leur vœu unanime que leurs enfants au moins pussent revoir la patrie.

C’est à la suite de cette communication, que je demandai à M. le ministre de la marine si, après avoir contribué à la mort des pères, il ne sauverait pas au moins les enfants.

Eh bien ce fonctionnaire s’était acquitté de la mission qu’il avait acceptée, et qu’il considérait comme un devoir sacré ; il s’est adressé à la compagnie, au gouvernement, en vain…

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Qui ?

M. Sigart. - Je désire que vous n’insistiez pas.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Qui ?

M. Sigart. - Puisque vous le voulez, je le nommerai c’est M. le major Guillaumot !

Je le répète, si je puis obtenir des garanties qui me satisfassent, que le gouvernement surveillera et facilitera le retour en Europe des colons, qu’il sera un tuteur attentif des orphelins, peut-être pourrai-je retirer ma proposition.

La résolution de la compagnie, l’ordre donné aux consuls, on les fait connaître bien tard. Il est permis de penser que tout cela peut fort bien avoir été accommodé pour le besoin de la cause.

Mais, enfin, c’est le résultat que j’ai en vue, et si c’est ma proposition qui en est cause, je m’en féliciterai.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, je crois inutile de prolonger cette discussion. L’honorable M. Sigart paraît vouloir renoncer à sa proposition s’il a des garanties qui lui permettent de croire que le gouvernement ne négligera pas les devoirs d’humanité que les circonstances pourraient créer pour lui.

La question des orphelins est la plus délicate et la plus importante. J’ai eu l’honneur de dire que, pour les colons, ils étaient parfaitement libres de revenir en Europe, en se servant des occasions, assez nombreuses, qui se sont présentées et qui se présentent encore ; plusieurs ont usé de cette faculté et sont revenus, et quelques-uns sont retournés.

La position des orphelins est différente ; ils n’ont pas de volonté à exprimer ; aussi le gouvernement a pris des précautions toutes particulières à leur égard. Vous savez que tous les consuls à l’étranger ont pour instruction de venir au secours des Belges qui seraient dans le besoin ; les sommes portées au budget, sous le titre de « frais à rembourser », sont mises à leur disposition, pour aider les Belges qui se trouvent dans une position malheureuse.

Pour Santo-Thomas, le gouvernement a pris des mesures plus spéciales ; après l’envoi de commissaires, sous les ministères précédents, il a chargé M. Blondeel de diriger une enquête dont la chambre a pu apprécier les résultats. M. Blondeel et notre consul à Guatemala ont reçu des instructions dans lesquelles leur attention était surtout attirée sur la situation des orphelins. Ils doivent surveiller cette situation et sont autorisé à employer des secours pécuniaires, si la compagnie était dans l’impossibilité de remplir ses engagements.

Ces instructions existent ; je les ai plusieurs fois renouvelées.

Voici, en ce qui concerne les orphelins, l’état des choses existant.

Il y a 30 orphelins belges à Santo-Thomas. Ces 30 orphelins sont soignés dans un hôpital spécial ; jusqu’à présent, la compagnie les a entourés de tous les soins nécessaires ; elle a pourvu d’abord à leurs besoins matériels et ensuite à leurs besoins moraux en s’occupant de leur éducation.

(page 187) Une dizaine de ces orphelins ont atteint l’âge de quinze à dix-huit ans et se trouvent en position de subvenir eux-mêmes à leurs propres besoins.

Pour ramener ces orphelins en Belgique, j’ai dit hier qu’il était impossible de se servir des navires de l’Etat, parce que ces navires n’étaient pas appropriés à des transports de colons.

L’honorable M. Sigart s’est rappelé un fait qui l’a induit en erreur ; il s’est souvenu que la Louise-Marie dans deux occasions avait servi à transporter des colons à Santo-Thomas, lorsque le colonel de Puydt et l’inspecteur Simons s’y sont rendus.

Mais dans ce passage il n’y avait que quatre ou cinq personnes, en dehors de l’équipage, et ces personnes, qui n’étaient pas des colons, logeaient avec les officiers.

Il est impossible de songer à utiliser les navires de l’Etat pour ramener les colons, dans le cas peu probable où une telle mesure deviendrait nécessaire.

Fallait-il affréter un navire pour opérer le rapatriement des orphelins ? Pour affréter un navire il faudrait une dépense de 3,000 fr. par mois, c’est-à-dire de 18,000 fr. pour un voyage calculé à six mois. Or, l’entretien des orphelins à Santo-Thomas se monte à 600 fr. par mois, ce qui fait 7,000 fr. pour l’année. Ainsi, la question du climat étant résolue, d’après l’enquête, d’une manière relativement favorable, le gouvernement n’a pas la crainte de voir les jours des orphelins en danger ; il est plus simple, dès lors, de donner des instructions précises au consul général et au consul de Guatemala pour veiller à l’entretien des orphelins et à leur avenir. Les circonstances devront déterminer où leur intervention doit commencer et où elle doit finir.

Je crois pouvoir me borner à ces observations.

Cette discussion ne sera pas sans résultat ; elle a jeté de la lumière sur des faits inconnus ou mal appréciés. Je partage, presque en tout point, les opinions que vient d’exprimer l’honorable M. de Brouckere.

Je crois qu’il y a pour la colonie un bel avenir encore, mais en changeant complétement la marche qui a été suivie jusqu’à présent. Il faut renoncer, je ne dis pas à opérer quelques défrichements, mais à fonder la colonie sur la base agricole ; c’est un comptoir commercial qu’il faut y établir ; la population viendra après. Je ne pense pas qu’une demande de fonds soit pour cela nécessaire, comme a semblé me le conseiller l’honorable membre. Jusqu’à présent les maisons d’Anvers et de Gand qui se sont occupées du projet de créer un comptoir commercial à Santo-Thomas, n’ont réclamé du gouvernement que deux genres d’intervention. D’abord de subsidier une ligne de navigation régulière à voiles, entre Anvers et Santo--Thomas. La chambre de commerce d’Anvers et la commission directrice ont donné un avis favorable à cette proposition et le gouvernement a consenti à la réaliser.

En second lieu, l’autorisation du gouvernement sera nécessaire pour la constitution de la société anonyme, et cette autorisation, je suis tout disposé à l’accorder.

Je le déclare franchement, autant je me serais défendu de donner à un système de colonisation purement agricole l’appui de l’influence de l’Etat, depuis que les faits sont connus, autant je suis disposé à accorder cet appui, dans les limites du budget, à l’établissement d’un comptoir commercial, parce que les faits de l’enquête m’ont donné la conviction qu’il y avait là une oeuvre utile à encourager dans l’intérêt du commerce belge d’exportation.

M. de Mérode. - Je ne connaissais pas les observations de M. Listz que vous a citées si à propos M. Veydt. Eh bien, ce que M. Lists conseille au Zollverein est en train pour la Belgique ; et nul pays n’est en position aussi avantageuse pour suivre les avis donnés à l’Allemagne par un homme compétent sur la matière, D’abord l’expérience est acquise pour nous par de longs précédents à l’égard des meilleures mesures à prendre désormais afin d’obtenir un résultat utile, ensuite, aucun peuple n’inspire moins de méfiance, et plus de sympathie aux Etats voisins de la baie de Santo-Thomas, que la nation belge.

Messieurs, je voudrais que l’on attendît la publication de la seconde partie du rapport de M. Blondeel pour s’éclairer convenablement sur la question à l’ordre du jour. En attendant j’appuie de tous mes moyens les conclusions de M. de Brouckere, afin que les efforts précédents ne soient pas perdus au moment même où l’on pourrait en profiter.

M. Sigart. - Je demande formellement que le gouvernement ne se hâte pas trop d’adopter une opinion relativement à la question commerciale. J’ai beaucoup de raisons pour penser que cette question est extrêmement douteuse. Je demande que le gouvernement se tienne en très grande réserve.

Après cela, si M. le ministre des affaires étrangères veut nous promettre de tenir la main avec vigueur à l’exécution des ordres donnés au consul dans le sens qu’il a indiqué, si M. le ministre des affaires étrangères est assez sûr de lui pour promettre de résister aux suggestions de la compagnie, je retirerai ma proposition.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Quelles sont les instructions qu’il faudrait donner ?

M. Sigart. - De favoriser par tous les moyens et même par des moyens pécuniaires le retour des colons.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Cela existe.

M. Sigart. - Je ne sais s’il en est ainsi en ce moment ; mais je suis sûr qu’il y a très peu de temps, il n’en était pas ainsi.

Plusieurs membres. - La clôture.

M. Delfosse. - Je ne m’opposerai pas à la clôture, mais je tiens à déclarer que je n’adhère pas à l’opinion, émise par l’un de nos honorables collègues, que le gouvernement devrait intervenir, à l’aide des fonds du. budget, pour faciliter l’établissement d’un comptoir à Santo-Thomas : cette intervention pourrait être un moyen indirect de tirer la compagnie des embarras qu’elle s’est créés.

M. Verhaegen. - Je me rallie à l’observation de l’honorable M. Delfosse.

- La discussion générale est close.

La chambre passe à la discussion sur les articles.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Article premier

« Art. 1er. Personnel : fr. 12,450. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Matériel : fr. 3,500. »

M. de Brouckere. - A l’occasion de cet article, je me permettrai d’insister sur l’observation qu’a faite l’honorable M. Lebeau, qu’il convient de ne faire qu’un seul budget pour les diverses divisions du ministère des affaires étrangères. Voyez, messieurs, le singulier résultat de la division en deux budgets.

Il y a au ministère deux matériels, l’un pour la troisième division, l’autre pour la quatrième division. En fait, il est impossible qu’il en soit ainsi. Il serait fort bizarre que, dans une même administration, il y eût un matériel pour chaque division.

Il doit y avoir dans une administration une seule allocation pour le matériel.

Il vaudrait mieux que la marine, au lieu d’avoir un budget spécial, formât une division du budget des affaires étrangères. Il n’y a aucun inconvénient à agir ainsi ; et il y a des inconvénients à suivre la marche que l’on suit aujourd’hui.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - J’ai eu l’honneur de dire, en réponse à M. Lebeau, que cette division en deux budgets n’avait eu lieu que d’après le vœu exprimé dans la chambre.

Je ferai l’examen de cette question d’ici au budget prochain.

- L’article 2 est adopté.

Chapitre II. Bâtiments de guerre

Article premier

« Art. 1er. Personnel : fr. 297,474. »

M. Osy. - Une section avait demandé si le gouvernement ne trouverait pas convenable de vendre les canonnières n°1 et 4, que nous voyons dans le tableau comme en disponibilité ; c’est-à-dire qu’elles sont hors d’usage et que leur entretien coûte beaucoup.

La section centrale a adhéré à cette observation, et a demandé M. le ministre des affaires étrangères s’il consentira à vendre, en 1847, ces deux navires qui sont des charges réelles pour l’Etat. Je crois que le gouvernement (bien entendu en présentant un projet de loi) pourrait utiliser le produit de la vente pour établir sur l’Escaut un remorqueur à vapeur comme en a la Hollande, comme en ont sur le Rhin toutes les puissances riveraines de ce fleuve pour pouvoir aller en mer par tous les vents. Ce serait un grand avantage pour le commerce, et le gouvernement retirerait des profits de cette entreprise. Tandis que les deux navires dont j’ai parlé ne font rien, le remorqueur à vapeur qui le remplacerait pourrait aller jusqu’à Flessingue et conduire les navires jusque dans le chenal.

Je demande au gouvernement de bien vouloir examiner la question.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). Et de la marine. - Je répondrai à l’honorable M. Osy que le vœu qu’il a exprimé est déjà réalisé, relativement aux canonnières goélettes n°1 et 4. Il y a deux mois que j’ai remis au domaine, ces deux goélettes qui étaient en disponibilité et hors d’usage, pour les faire vendre. Je pense même que l’une est déjà vendue.

Disjonction d'un amendement pour en faire un projet de loi séparé

L’honorable M. Osy a appelé l’attention du gouvernement sur la nécessité de construire un remorqueur sur l’Escaut, comme il en existe sur le Rhin. Messieurs, le gouvernement n’a pas perdu cet objet de vue. Je dois le déclarer, c’est uniquement à cause de l’inopportunité à demander des crédits nouveaux, que le gouvernement n’a pas encore soumis une proposition à cet égard. Mais lorsque nous serons arrivés au chapitre VI, Service des bateaux à vapeur dans l’Escaut, j’aurai à présenter un amendement à la chambre et j’en demanderai le renvoi à la section centrale. Il tend à accorder un crédit pour la construction d’un nouveau bateau à vapeur en remplacement du bateau la Ville d’Anvers employé au service de l’Escaut, et qui se trouve hors de service. La question de l’établissement d’un remorqueur pourra se rattacher à cette proposition, et la section centrale pourra l’examiner en même temps.

M. Pirmez. - L’honorable M. Osy vient de demander que le gouvernement fasse construire un remorqueur pour aller jusqu’à la mer, en annonçant que cela se pratique en Hollande et chez plusieurs autres nations. Si dans la réalité ce sont les gouvernements et non l’industrie particulière qui font cette opération, mon observation perdra peut-être une partie de sa valeur. Elle consiste à vous faire remarquer que nous avons une tendance à livrer au gouvernement tous les intérêts de la société et que nous avons dépassé tous les peuples de l’Europe dans cet abandon. Et cependant nous avons la prétention de marcher dans la voie de la liberté. Faites bien attention, messieurs, qu’à chaque intérêt que vous aviez au gouvernement, vous aliénez une partie de votre liberté. Car la (page 188) liberté consiste à conserver aux individus le plus grand nombre d’intérêts possibles ; et vous aurez beau vous dire libres, vous ne le serez à la réalité que dans la proportion des intérêts que vous aurez eu la force de ne pas abandonner au gouvernement.

M. Loos. - Messieurs, je ne suis pas plus partisan que l’honorable M. Pirmez, des entreprises industrielles faites par le gouvernement. Cependant je dois faire remarquer à la chambre que si nous demandons qu’un remorqueur soit établi sur l’Escaut par le gouvernement, c’est que celui-ci n’a pas permis à l’industrie particulière d’en établir un.

Quand il s’est agi d’établir la navigation à vapeur entre Anvers et Termonde, une compagnie s’était présentée. Le consul provincial d’Anvers avait voté un subside en faveur de cette compagnie.

Les premières démarches de la compagnie n’ont pas abouti à l’exécution du projet. Mais d’autres personnes qui habitent les bords de l’Escaut, et qui avaient intérêt à l’établissement de ce service, se sont associées et ont demandé au gouvernement l’autorisation d’établir un bateau à vapeur entre Tamise et Anvers. Dans ce projet il était entendu que la compagnie aurait possédé deux bateaux dont l’un ferait le service entre Anvers et Tamise, et l’autre aurait servi de remorqueur sur l’Escaut ; mais l’autorisation du gouvernement étant demandée, il répondit que son intention était de se charger lui-même du service de la navigation entre Anvers et Tamise et qu’ainsi il ne pouvait accorder la concession qu’on lui demandait.

L’honorable M. Pirmez pourra donc reconnaître que l’industrie particulière avait voulu se charger de cette entreprise, et que si elle ne l’a pas été, ce n’est pas sa faute. Mais dans cette circonstance, le gouvernement s’étant substitué à la compagnie, il devrait avoir un remorqueur comme elle se proposait d’en avoir un.

Le gouvernement possède un service de navigation entre Anvers et la Tête des Flandres, et entre Anvers et la mise. Il n’a pour ce service que deux bateaux en activité. Il devrait nécessairement en avoir un troisième ; d’autant plus que de temps en temps les bateaux en service exigent des réparations. Il existe à la vérité un troisième bateau ; mais je crois que les machines ne sont pas convenables pour faire le service habituel.

Je le répète, messieurs, la compagnie qui s’était formée voulait prendre l’obligation du tenir constamment un remorqueur à la disposition de la navigation. Cette obligation, je crois que le gouvernement l’a contractée en se mettant au lieu et place de la compagnie qui voulait l’établir.

M. Osy. - Je dirai à l’honorable M. Pirmez, que depuis dix ans le gouvernement hollandais a des remorqueurs pour pouvoir lutter de vitesse avec la Belgique pour arriver au Rhin. C’est le gouvernement qui a fait la dépense et plusieurs puissances riveraines du Rhin ont également construit de ces remorqueurs.

Je partage en général l’opinion de l’honorable M. Pirmez ; j’aimerais tout autant que lui voir l’industrie particulière faire plus d’opérations et le gouvernement en faire moins. Mais on veut avoir une marine, on veut avoir des officiers, on veut avoir des matelots ; dès lors il faut utiliser leurs services, et c’est dans ce but que j’ai engagé le gouvernement à avoir un remorqueur sur l’Escaut.

Messieurs, ce n’est certainement pas moi qui veux engager le gouvernement dans des dépenses inutiles. Il y a quelques jours encore, j’ai signalé au gouvernement une économie considérable à réaliser ; je vous ai parlé des navires qui allaient aux Indes et pour lesquels le gouvernement fait une dépense très considérable, une dépense qui s’élève jusqu’à 72,000 francs par navire ; je vous ai dit qu’on pourrait faire exécuter chacun de ces voyages au moyen d’un subside de 12,000 francs. Vous voyez donc que je désire réduire autant que possible les dépenses de la marine.

Ce n’est d’ailleurs pas moi, messieurs, qui ai désiré voir établir une marine en Belgique. Mais enfin nous en avons une ; on veut la conserver. Eh bien, je dis que l’argent qu’on pourra retirer des deux bâtiments qui vont être vendus, serait utilement employé à la construction d’un remorqueur tel que ceux qui existent sur le Rhin. On ferait payer un droit aux navires qu’on remorquerait jusqu’à la mer, et le gouvernement ferait ainsi une opération utile au commerce et avantageuse au trésor.

Je crois, messieurs, que si le gouvernement voulait bien entendre les intérêts de l’Etat, il pourrait avec le temps réaliser de grandes économies. Ainsi sur le chapitre en discussion on pourrait, j’en suis persuadé, réaliser une économie de 125,000 francs. Ce serait de mettre les officiers de la marine à la disposition du commerce qui les prendrait à son service, et de ne plus fournir de matelots. Ainsi pour les navires qui vont aux Indes, j’ai dit au gouvernement de les subsidier à raison de 50 francs par tonneau et de ne plus leur donner d’équipages. De cette manière vous pourriez conserver les officiers, mais vous ne devriez plus enrôler de matelots. Car vous n’avez pas, à proprement parler, de matelots ; le jour où il vous faut un équipage, vous devez l’enrôler. M. le ministre nous n parlé de mousses que l’on prend dans les établissements de charité ; mais ces mousses ne sont qu’au nombre de quarante, comme vous le verrez au chapitre II, et nous avons 300 matelots. Eh bien, il nous faut un nombre beaucoup plus considérable de matelots pour les navires qui vont aux Indes, et dès lors il faut en enrôler pour fournir des équipages à ces navires.

Je demande donc que le gouvernement examine d’ici à l’année prochaine l’idée que j’ai émise de donner des subsides aux navires dont il s’agit ou bien de leur fournir des équipages. Il en résultera une économie considérable.

Maintenant quant au remorqueur en fer à construire pour le service de l’Escaut, tout en partageant l’opinion émise par l’honorable M. Pirmez que le gouvernement doit se mêler le moins possible d’entreprises susceptibles d’être dirigées par l’industrie privée, je crois cependant que puisque le gouvernement s’est chargé du service dont il s’agit, il doit le conduire convenablement, et pour cela la construction d’un nouveau remorqueur est indispensable.

Je dis que je partage l’opinion de M. Pirmez, que le gouvernement ne doit pas légèrement intervenir dans des entreprises qui peuvent être abandonnées à l’industrie privée mais je pense aussi que le gouvernement doit encourager l’industrie privée et faciliter autant qu’il est en lui ses opérations. Or, je prouverai demain que le gouvernement saisit au contraire toutes les occasions qui lui sont offertes pour empêcher que les fonds des particuliers ne soient employés dans l’industrie, et pour les faire entrer dans les caisses du trésor. Je veux parler de la question relative au droit de patente et des mesures que M. le ministre des finances a prises à cet égard.

M. Delehaye. - Messieurs, je n’ai pas été partisan de la mesure par laquelle gouvernement s’est chargé du service des transports vers la Tête de Flandre et vers la mise ; mais puisque ce service est établi pour compte de l’Etat, il faut bien qu’il soit conduit d’une manière convenable. Eh bien, messieurs, avec le nombre de bateaux qui existent aujourd’hui, il est presque impossible qu’il n’y ait pas d’interruption dans ce service. Je pense donc qu’il est du devoir du gouvernement d’acquérir un nouveau navire et de le destiner à l’usage déjà indiqué par les honorables MM. Osy et Loos.

Il ne faut pas se dissimuler, messieurs, que la Hollande fera tout ce qui est en son pouvoir pour nous priver des avantages que nous devons retirer de notre chemin de fer ; et ces avantages nous seront enlevés, si la célérité des transports par le chemin de fer est balancée par des retards apportés aux transports par l’Escaut.

Il faut donc de toute nécessité un navire de plus ; mais où ce navire doit-il être établi ? Je pense, messieurs, que sa place la plus utile est entre le canal de Terneuzen et la mer, et je suis persuadé que les honorables députés d’Anvers feront, cette fois comme toujours, abnégation de leur propre intérêt, et qu’ils n’hésiteront pas à se joindre à moi, puisque ma demande est légitime.

J’appuie la demande que viennent de faire les honorables députés d’Anvers, parce qu’elle est fondée, parce qu’elle est conforme à nos intérêts et surtout aux intérêts du trésor ; eh bien, j’ai assez de confiance dans le patriotisme de ces honorables membres, comme ils ont sans doute confiance dans le mien, j’ai assez de confiance dans leur patriotisme pour être persuadé qu’ils apprécieront aussi ma demande. Du moment où ce nouveau bateau à vapeur serait établi entre le canal de Terneuzen et la mer, le service serait parfaitement assuré, les transports se feraient aussi bien vers Gand que par Anvers, avec une grande régularité. Je suis donc convaincu que ma demande sera appuyée par les honorables députés d’Anvers et par tous les députés du pays.

M. de Brouckere. - Il est évident, messieurs, que s’il était question d’établir un nouveau service, les observations de M. Pirmez mériteraient au moins d’être discutées par la chambre, mais il s’agit d’un service créé par le gouvernement avec l’assentiment des chambres, et il s’agit uniquement de compléter ce service, de manière qu’à mon avis la chambre ne peut pas reculer.

J’ajouterai, messieurs, que quand on a un personnel de marine aussi considérable que celui qui figure au budget, nous devons désirer qu’on en tire quelque parti. Mais, à l’occasion de ce personnel, je désirerais avoir de la part de M. le ministre de la marine quelques explications.

Ce personnel se compose, comme vous pouvez le voir, de 437 personnes. En tête se trouve un assez nombreux état-major, et nommément un capitaine de vaisseau avec rang de colonel et trois capitaines-lieutenants avec rang de lieutenants-colonels. Je connais les quatre titulaires et je me plais à reconnaître que ce sont des hommes de grand mérite et qu’ils ne sont pas au-dessous de la position qui leur a été faite. Je n’entends donc, et je prie M. le ministre de le remarquer, je n’entends faire ici aucune plainte sur la position qui a été faite à ces quatre titulaires ; mais voici ce que je désirerais savoir : le personnel qui figure cette année au budget est-il regardé par M. le ministre comme composant le cadre normal de notre marine ? En d’autres termes, si un des titulaires occupant les premières fonctions du service de la marine venait à se retirer, venait à occuper d’autres fonctions, M. le ministre croirait-il qu’il doit à l’instant même remplir cette place, sous peine de laisser le personnel de la marine incomplet ? Il me semble, messieurs, que c’est une explication qui doit être désirée par la chambre, car depuis quelque temps nous avons vu augmenter considérablement, sous le rapport de la dépense, le personnel de la marine, et si l’on suit la même proportion, il est difficile de savoir où l’on s’arrêtera.

M. le ministre répondra peut-être, qu’il est difficile au gouvernement d’arrêter dans leur carrière des hommes de mérite. Je suis parfaitement de son avis, mais je crois qu’il est des circonstances où l’on pourrait donner à ces hommes de mérite d’autres fonctions, d’autres attributions, une position différente qu’ils considéreraient eux, comme un avantage réel et qui serait un avancement mérité. Je n’ai pas besoin d’indiquer ces places, mais je suis persuadé qu’il peut s’en trouver, et de cette manière le gouvernement ferait une économie réelle, tout en rendant justice (page 189) à des hommes de mérite dont je ne veux pas plus que lui arrêter la carrière.

J’espère que M. le ministre voudra bien donner à la chambre quelques explications sur sa manière de voir à cet égard.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - J’avais tout à l’heure prié l’honorable M. Osy d’ajourner les explications qu’il voulait donner à la chambre, sur l’utilité de la construction d’un bateau remorqueur sur l’Escaut, jusqu’au moment où la chambre discuterait le chapitre du budget, relatif au service des bateaux à vapeur dans l’Escaut, parce que mon intention était de présenter à la chambre un amendement dont j’aurais demandé le renvoi à la section centrale, avec invitation d’en faire l’objet d’un examen spécial. (Interruption de la part de M. Mast de Vries.) L’honorable M. Mast de Vries ne me comprend pas ; je le prie d’attendre que je me sois expliqué avant de juger ma proposition ; il ne s’agit pas du bateau remorqueur dont a parlé l’honorable M. Osy.

Mais puisque la discussion est engagée, et pour ne pas la renouveler deux fois, je vais faire connaître à la chambre les motifs sur lesquels j’appuie la proposition que j’ai annoncée.

Les bateaux à vapeur, la Ville d’Anvers et le Prince Philippe, qui font le service du passage d’Anvers à la Tête de Flandre, se trouvent presque complétement hors d’état de service. J’ai sous les yeux (et je les communiquerai à la section centrale), les rapports des officiers du génie maritime sur l’état de ces deux bateaux dont la construction, du reste, est déjà fort ancienne.

Quant au bateau la Ville d’Anvers, j’avais cru d’abord qu’il y avait lieu de lui faire subir quelques réparations, afin d’ajourner la présentation aux chambres d’une demande de crédit pour la construction d’un bateau nouveau ; mais d’après les rapports des officiers de la marine, la dépense qu’occasionneraient ces réparations serait à peu près égale à la dépense de la construction d’un navire neuf.

Le bateau, le Prince Philippe, se trouve dans un état presque aussi mauvais que l’autre, et je pense que vers le commencement de l’été prochain, il devra être aussi condamné.

Vous savez, messieurs, que d’après la loi du 6 frimaire an VII, le gouvernement est dans l’obligation d’assurer convenablement les passages d’eau dans le pays. Or, le passage d’eau le plus essentiel dans le pays est le passage d’Anvers à la Tête de Flandre ; le gouvernement a donc là à remplir un devoir que la loi lui impose. Ainsi, lorsque la section centrale vous présentera son rapport, la chambre pourra se convaincre qu’à moins de renoncer, soit au service de la mise, soit à celui du passage de la Tête de Flandre, la construction d’un bateau nouveau est d’une complète nécessité. D’ici à peu de temps, l’interruption sera inévitable, et le passage à la Tête de Flandre devra se faire par canots à rames, ou bien il faudra renoncer au service de la mise, afin que, bateau la Princesse Charlotte fasse le service de la traverse d’Anvers à la Tête de Flandre.

Je ne m’étendrai pas plus pour le moment sur ces motifs de ma proposition ; mais je ferai observer à l’honorable M. Mast de Vries qu’il était dans l’erreur ; l’honorable M. Osy propose de construire un bateau à vapeur sur l’Escaut ; je comprends toute l’utilité de ce service de remorquage ; mais précisément parce que j’étais amené à proposer de construire un bateau à vapeur nouveau pour faire le service de la Tête de Flandre, il m’a été impossible de demander à la chambre, cette année, l’allocation d’un crédit destiné à la construction du bateau remorqueur.

Je propose donc un article 2 nouveau au chapitre VI : « Construction d’un bateau à vapeur pour le passage de l’Escaut : fr. 125,000 » ; la chambre ne peut discuter immédiatement cette proposition nouvelle ; je demande en conséquence que cette discussion cesse et que la section centrale du budget de la marine soit saisie de cette proposition ; elle fera un rapport spécial, et la chambre statuera.

L’honorable M. de Brouckere, tout en reconnaissant qu’il n’y avait lieu de formuler aucune plainte sur la position qui avait été faite soit au capitaine de vaisseau, soit aux trois capitaines-lieutenants de vaisseau, a demandé si le gouvernement regardait cette organisation comme normale, c’est-à-dire s’il croyait, pour le cas où l’un des titulaires viendrait à être changé, qu’il fallût remplacer le titulaire actuel par un autre titulaire du même grade.

Messieurs, d’après l’arrêté organique du service de l’administration centrale, une modification dans l’organisation de la marine deviendra nécessaire. Ainsi, messieurs, vous savez que la position du directeur de la marine a été réglée par un arrêté royal pris par mon honorable prédécesseur. La position faite au directeur de la marine ne pouvait pas se combiner avec les principes adoptés par les départements pour l’organisation des administrations centrales, en ce sens qu’il était à la fois directeur du service extérieur de la marine et directeur du service à l’administration centrale.

Cette position a été utile en fait, et l’administration de la marine a parfaitement marché, d’après cette combinaison, mais elle était anormale au point de vue des principes organiques. Or, une organisation nouvelle devra être faite ; d’après l’arrêté organique, il n’y aura plus à la tête de l’administration centrale qu’un chef de division ; le directeur actuel de la marine sera le chef du service extérieur, soit sous le titre de directeur, soit sous celui d’inspecteur ; mais il cessera d’être à la tête du service de l’administration centrale.

Ainsi, l’organisation à laquelle l’honorable M. de Brouckere a fait allusion, viendra à être bientôt régularisée. Un nouvel arrêté organique pour le service de la marine devra être pris avant le 1er janvier, et je pense qu’à l’occasion de ce nouvel arrêté la chambre pourra examiner la question que m’a posée l’honorable membre.

M. Dumortier. - Messieurs, j’ai une simple observation à faire. L’armée de terre est organisée, les cadres ont été fixés par la loi ; eh bien, il me semble qu’il devrait en être de même pour la marine. La chambre ne devrait pas, selon moi, laisser au gouvernement la latitude de créer autant d’officiers de tout grade que bon lui semble. Je voudrais que M. le ministre des affaires étrangères, avant le budget prochain, présentât à la chambre un projet de loi portant organisation du personnel de la marine, organisation qui ne serait que le corollaire, que la conséquence immédiate et nécessaire de l’organisation de l’armée de terre.

M. Mast de Vries. - Messieurs, j’avoue que j’ai grand-peur, quand j’entends un membre de cette chambre dire au gouvernement : Voici une nouvelle dépense utile à faire, et je vous indique le moyen d’y pourvoir. L’honorable M. Osy vient dire aujourd’hui qu’il faut un bateau remorqueur ; le moyen, ajoute-t-il, de payer les frais de cette nouvelle construction, est bien facile ; vous avez deux vieilles chaloupes canonnières qui sont hors de service ; vendez-les, et avec le produit de la vente, vous ferez votre bateau remorqueur. Or, messieurs, on a déjà vendu deux vieilles patraques de ce genre ; et savez-vous ce que chacune d’elles a produit ? Cinq à six mille francs ; ce qui fait douze mille francs pour les deux ; et, dans la prévision d’une pareille ressource, le gouvernement s’engagerait dans une nouvelle dépense de 150 à 200,000 fr.

L’honorable M. Osy dit que le gouvernement fera une opération extrêmement bonne ; mais s’il en est ainsi, pourquoi le commerce ne la fait-il pas ? Pourquoi le gouvernement doit-il encore une fois se faire remorqueur dans l’Escaut ? Vous avez des navires remorqueurs sur le Rhin. C’est une entreprise particulière (Interruption.)

Nous avons aussi, messieurs, dit l’honorable M. Brabant, des navires remorqueurs sur la Meuse ; cela est vrai. Ce sont encore des entreprises privées. Ces opérations peuvent être bonnes ; qu’on les laisse au commerce.

M. le ministre des affaires étrangères vient de nous dire que les deux bateaux à vapeur qui servent depuis un très petit nombre d’années au passage de la Tête de Flandre, sont déjà hors de service.

On vient vous demander 125,000 fr. pour construire un nouveau bateau. Mais, indépendamment de ces 125,000 fr. il faudra encore utiliser une partie des anciennes mécaniques ; ce n’est donc pas une chose qu’on puisse faire si légèrement que de décider la construction d’un nouveau service, surtout si on vous propose de le faire avec le produit de deux vielles patraques que nous avons eu le malheur de conquérir sur les Hollandais.

A propos de cette discussion, je demanderai à M. le ministre si le passage d’Anvers à Tamise rapporte ses frais. Cela pourra nous guider et nous fixer sur d’autres entreprises.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Je n’ai pas l’intention de continuer la discussion sur la proposition que j’ai faite de construire un nouveau bateau à vapeur, car j’ai demandé le renvoi à la section centrale pour qu’un rapport spécial fût fait. C’est alors seulement que je pourrai répondre à la question que m’a adressée l’honorable M. Mast de Vries, pour connaître si le service de la mise à Anvers rapporte ou non ses frais.

Je répondrai deux mots à l’honorable M. de Brouckere, qui a demandé que j’examine s’il ne conviendrait pas de présenter un projet d’organisation des cadres pour la marine comme on l’a fait pour l’armée. Je ferai de cette question l’objet d’un examen attentif.

Cependant je remarquerai en passant, pour éloigner la crainte qu’on pourrait concevoir à l’égard de l’augmentation du personnel de la marine, que ce personnel a été diminué d’une manière notable depuis 1844 ; alors le chiffre du personnel était de 325,000 fr. ; en 1845 il a été réduit à 797,000 fr.

M. Loos. - La facilité avec laquelle l’honorable M. Mast de Vries. Repousse l’idée de la construction d’un nouveau bateau à vapeur me prouve, que ce qu’il a dit en commençant est vrai, qu’il a peur ! Il a peur de voir augmenter des dépenses ; mais je pense que cette peur le rend un peu injuste. Il me semblait que j’avais expliqué comment il se faisait que le gouvernement était en possession de l’exploitation de bateaux à vapeur sur l’Escaut. Je pensais que l’honorable M. Mast de Vries aurait compris que le gouvernement, en se substituant à une compagnie, s’engageait à se charger de tous les services que cette compagnie voulait faire.

Le service du gouvernement est incomplet, pour desservir le passage de la Tête de Flandre et celui de Tamise, il faut de toute nécessité avoir trois bateaux à vapeur. La compagnie s’engageait à avoir ce nombre de bateaux. Si le gouvernement trouve que ce service est onéreux, qu’il recherche si une compagnie ne veut pas se mettre à son lieu et place ; mais tant que le gouvernement empêche une compagnie de faire un service, il doit le faire lui-même d’une manière aussi complète que la compagnie voulait l’organiser ; sans cela ce serait un tort qu’il ferait au public et aux habitants de la province en particulier.

Un troisième bateau est nécessaire. Le bateau qui faisait le service de la Tête de Flandre comme celui qui fait le service de la mise doit chômer un jour par semaine ; il faut un troisième bateau qui vienne suppléer. celui qui chôme, sans cela le service est interrompu.

C’est ce qu’a compris la compagnie ; elle n’aurait pas osé se présenter pour faire ce service, sans prendre l’engagement d’avoir le nombre de bateaux nécessaires parce qu’elle aurait été certaine d’être repoussée. Mais le gouvernement ne l’a repoussée que pour se mettre en son lieu et (page 190) place. Le gouvernement a pensé que c’était une obligation pour lui de faire le service de ce passage, que ce service avait toujours été dans le domaine, qu’il ne pouvait pas s’en dessaisir ; il a considéré de plus, qu’il était profitable ay trésor ; c’est pour toutes ces raisons qu’il n’a pas voulu le laisser faire par une compagnie.

Je répète que le gouvernement doit faire ce qu’il pouvait et devait exiger d’une compagnie particulière. Je pense que l’honorable membre comprendra cette explication, que si le gouvernement ne veut pas laisser faire le service par une compagnie, il doit le faire lui-même, comme la compagnie l’aurait fait, c’est-à-dire d’une manière complète.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Mon collègue a déposé une proposition en demandant le renvoi à la section centrale ; maintenant toute discussion est prématurée ; il faut attendre que cette section centrale ait fait son rapport.

- Le renvoi de la proposition de M. le ministre des affaires étrangère la section centrale est ordonné.

L’article premier du chapitre II est mis aux voix et adopté.

Articles 2 et 3

« Art. 2 Vivres : fr. 148,000. »

- Adopté.


« Art. 3. Entretien, chauffage et éclairage : fr. 62,320. »

- Adopté.

Chapitre III. Magasin de la marine

Article unique

« Art. unique. Magasin de la marine : fr. 4,800. »

- Adopté.

(6,400 fr. ont été transférés au chapitre premier.)

Chapitre IV. Pilotage

Article unique

« Art. unique. Pilotage : fr. 350,520.”

M. Osy. - Je crois que le gouvernement a l’intention de subsidier plus de départs pour la Méditerranée, où nous exportons beaucoup de produits de notre industrie. Mais il est impossible que pour ce service nous puissions employer des navires belges, car nous ne pouvons aller pendre des chargements à Odessa ; nous sommes sous le coup d’un ukase qui frappe les produits belges, comme tous ceux des pays d’Europe avec lesquels la Russie n’a pas de traité, d’une augmentation de 50 p. c. sur les droits de douane, et de plus, d’une augmentation sur les droits de tonnage et de pilotage.

Le droit de pilotage est de 4 francs à l’entrée et de 4 francs à la sortie. Il est impossible aux navires belges de supporter des frais aussi élevés. Je conçois que, n’ayant pas de relations directes avec la cour de Russie, il est très difficile de négocier pour faire cesser cet état de choses. Cependant, il y a peu de temps, une petite convention a été faite avec la Russie par l’intermédiaire de notre ambassadeur à Berlin. Je demanderai si ce même ambassadeur ne pourrait pas, de la mène manière, traiter de cet objet qui est très important pour nous, car les navires russes sont favorisés en Belgique ,ils payent les droit les plus bas, comme les nations avec lesquelles nous avons des conventions.

Pour moi, je ne suis pas partisan des représailles ; cependant il serait temps de faire comprendre à la Russie qu’il est temps que cela cesse car 50 pour cent sur les droits de douane, et un droit de pilotage de 4 francs par tonneau cela revient à une prohibition de l’entrée de nos navires.

Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères s’il s’est occupé de cet ukase, qu’il connaît, je n’en doute pas, s’il serait disposé à faire négocier à ce sujet notre ministre à Berlin avec l’ambassadeur de la cour impériale.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Le gouvernement n’a nullement perdu de vue cette question importante. Un ukase russe du 19 juin 1845 a frappé de droits différentiels toutes les nations qui n’admettent pas les navires russes pour les droits de douane et de navigation sur le pied du navire national, ou sur celui des nations les plus favorisées.

Avant cet ukase nos navires étaient admis dans les ports de la Russie sur le pied des navires nationaux et pour les droits de navigation et pour la cargaison. Chez nous les navires russes jouissent des mêmes faveurs de navigation que les navires belges ; mais ils sont frappés de droits différentiels de douane, pour leur cargaison.

Dans l’intention d’amener les autres gouvernements, par une certaine contrainte, à négocier un traité de réciprocité avec lui, le gouvernement a établi une surtaxe de 50 p. c. sur la cargaison et un droit de navigation de 4fr. par tonneau, tant à l’entrée qu’à la sortie.

Le gouvernement a déjà entamé une première négociation avec la Russie par l’intermédiaire de notre ministre à Berlin. Il avait cru que l’ukase ne nous était applicable que partiellement, que le droit de navigation de 4 fr. par tonneau ne devait pas frapper les navires belges, puisque nous admettons les navires russes sur le pied des navires nationaux en ce qui concerne les droits de navigation. Mais le gouvernement impérial n’a pas admis cette interprétation ; il n’a pas voulu consentir à la disjonction des surtaxes. D’après l’ukase, ne sont exceptés de la surtaxe que les pays qui reçoivent les navires russes sur le pied national, ou sur le pied des nations les plus favorisées, sans distinction de droits.

Le gouvernement a deux voies à suivre ; il devra tâcher de négocier un traité de réciprocité avec la Russie, ou bien, il se verra forcé de faire cesser les faveurs dont les navires russes jouissent en Belgique.

Le gouvernement examinera quelle est la position que notre intérêt exige de prendre.

- L’article unique du chapitre IV est adopté.

Chapitre V. Feu flottant de la passe de Wielingen

Article unique

« Article unique. Etablissement et exploitation d’un feu flottant dans la passe de Wielingen : fr. : 39,213. »

- Adopté.

Chapitre VI. Service des bateaux à vapeur de l’Escaut

Article unique

« Article unique. Service des bateaux à vapeur de l’Escaut : fr. 48,758. »

M. le président. - La chambre entend-elle suspendre son vote sur cet article jusqu’à ce qu’elle ait statué sur la proposition renvoyée à la section centrale ?

M. Osy. - Je crois que le gouvernement ferait mieux en nous présentant un projet spécial. Autrement, on nous presserait ; il serait impossible d’avoir tous les renseignements ; vous ne pourriez voter le budget. Le gouvernement ne trouve-t-il pas plus convenable de présenter un projet de loi spécial, d’autant plus que cette dépense devant rompre l’équilibre de nos finances, il faudra créer de nouveaux voies et moyens ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Je ne tiens pas beaucoup à la forme. Si la chambre préfère un projet spécial, je n’y vois pas d’inconvénient. Cependant, pour gagner du temps (car il y a urgence en ce sens que la navigation de la mise sera entravée), j’avais pensé qu’on pourrait adopter une marche plus rapide. J’aurais pu présenter un amendement et le faire discuter. Je ne l’ai pas fait, pour que la chambre fût mieux éclairée. Mais on pourrait demander un rapport spécial sur cette question à la section centrale, qui, s’il y a lieu, ferait un rapport. (Adhésion.)

- L’article unique du chapitre VI est adopté.

Chapitre VII. Police maritime

Article unique

« Article unique Police maritime : fr. 32,800. »

M. Anspach. - A la dernière session, j’avais demandé sur ce chiffre une augmentation pour le bailli maritime de Bruxelles. M. le ministre des finances m’a fait observer que je pourrais présenter ma demande au budget de 1847, c’est ce que je viens faire.

Les ports sont divisés en cinq classes.

Première classe, Anvers.

Seconde classe, Ostende.

Troisième classe, Gand.

Quatrième classe, Nieuport.

Cinquième classe, Termonde, Louvain, Bruges, Blankenberg et Bruxelles.

Le port de Bruxelles, en raison du nombre des navires qu’il reçoit, doit être mis dans une classe tout à fait distincte des autres ports de la même classe.

En 1845, le port de Bruxelles a reçu 162 navires de mer et 920 navires qui peuvent être considérés comme venant de la mer, puisqu’ils venaient des eaux intérieures de la Hollande, et que ces navires sont considérés dans d’autres ports comme des navires de mer. Voilà donc près de 1,100 navires de mer, tandis que Termonde n’en reçoit en moyenne que 15 à 20, Louvain 35 à 40 et Bruges 15 à 20. Je ne parle pas de Blankenberghe, où il ne va que des bateaux pêcheurs.

Il est évident, messieurs, qu’il n’y a aucune espèce de comparaison à faire entre le port de Bruxelles et ceux que je viens de citer.

De plus, messieurs, il arrive dans le port de Bruxelles, par le canal de Charleroy, 5,400 bateaux ; il y a 4,000 bâtiments qui vont de Bruxelles au Rupel ; cela fait donc un total de 14,000 bâtiments qui viennent dans le port de Bruxelles, et l’on veut mettre ce dernier sur la même ligne que le port de Termonde.

M. le commissaire maritime de Bruxelles a plusieurs milliers de matelots sous sa juridiction ; il doit savoir plusieurs langues.

Le titulaire actuel est un homme extrêmement capable ; il connaît presque toutes les langues du Nord, le hollandais, l’anglais, l’allemand, le danois. Or, cet homme qui doit maintenir son autorité devant tant de matelots, savez-vous quelle est sa rétribution ? 500 francs.

Messieurs, il est impossible qu’une pareille situation soit maintenue. Je viens donc demander que le port de Bruxelles soit mis dans la même classe que le port de Gand, c’est-à-dire dans la troisième classe et que le commissaire maritime soit rétribué comme le sont les commissaires maritimes de cette classe.

M. le ministre des affaires étrangères et de la marine (M. Dechamps). - Messieurs, l’honorable membre est dans l’erreur sur plusieurs points.

Le commissaire maritime de Bruxelles n’est, il est vrai, que de la quatrième classe, mais c’est parce que l’importance du mouvement maritime du port de Bruxelles correspond à cette cinquième classe.

L’honorable M. Anspach confond deux choses. Les fonctions de commissaire maritime concernent exclusivement la surveillance des navires de mer et n’ont aucun rapport avec la police de la navigation fluviale ou intérieure.

Messieurs, Bruxelles a reçu en 1844, 93 navires de mer, la recette n’a été que de 255 francs. En 1845, il est entré 160 navires de mer et la recette a été de 418 francs, tandis que Gand qui a un commissaire maritime de troisième classe a reçu 188 navires de mer en 1844, avec une recette de 1,769 francs, et en 1845, 251 navires de mer avec une recette de 2,483 francs.

Il est une autre remarque à faire. C’est que les fonctions du commissaire maritime de Bruxelles se bornent à passer l’inspection des équipages. Les entrées, les sorties et la plupart des engagements ont lieu dans le port d’Anvers ou dans le port de Gand. De sorte que les fonctions (page 191) de commissaire maritime à Anvers, à Gand, dans les ports d’arrivée, sont plus considérables que les fonctions de commissaire maritime dans le ports intérieurs et de seconde main.

Le traitement de 500 fr. est, en effet, très minime. Mais ordinairement et traitement est considéré comme une simple indemnité que l’on donne au capitaine du port dans les villes, ou bien à quelqu’un qui joint au fonctions de commissaire maritime d’autres fonctions qui lui donnent une position meilleure.

Le gouvernement, messieurs, a demandé maintes fois à la ville de Bruxelles de nommer capitaine de port le commissaire maritime actuel dont le zèle est reconnu, et qui fait non seulement la police des navires de mer, mais, en dehors de ses fonctions, celle des navires venant des fleuves et des rivières. C’est en dehors de ses attributions ; il le fait par zèle ; ce zèle est très louable, j’en conviens, mais ce sont là des services rendus à la commune, qui devrait les reconnaître.

Si la ville de Bruxelles accédait à la demande du gouvernement, on pourrait, par la réunion des deux fonctions, faire au commissaire maritime dont nous parle l’honorable M. Anspach, une position plus convenable. Mais je ne pourrais augmenter son traitement, sans devoir toucher en même temps aux traitements de tous les autres commissaires maritimes qui se trouvent dans les ports de même rang.

M. Anspach. - M. le ministre vient de dire, en terminant, qu’il ne pourrait élever les émoluments du commissaire maritime du port de Bruxelles, sans élever en même temps les émoluments de tous les commissaires maritimes des ports de cinquième classe. Mais si je vous ai prouvé que le port de Bruxelles, par son importance, sort tout à fait de la cinquième classe, pourquoi voulez-vous maintenir son commissaire maritime dans cette position ?

Vous avez parlé des navires de mer qui arrivent à Gand, et vous avez dit qu’en 1815 il en est entré 251. Mais à Bruxelles il en est entré 160, tandis qu’à Termonde il n’en est arrivé que 15 ou 20. Cependant vous maintenez ces deux derniers ports dans la même classe.

Je ferai d’ailleurs remarquer, quant à Gand, que les navires venant de l’intérieur de la Hollande sont comptés comme navires de mer. Or il est entré, dans le port de Bruxelles, 920 de ces navires.

M. le ministre nous dit qu’on ne peut rétribuer davantage le commissaire maritime de Bruxelles, parce que ce qu’il touche se réduit à 400 fr., tandis qu’à Gand la recette est de 400 fr. Messieurs, je ne vois pas quel rapport on peut établir entre les émoluments d’un commissaire maritime et la perception d’un droit sur les navires. Pour le port de Bruxelles, cette perception a d’autant moins de signification, que les navires de mer qui y arrivent ont déjà payé à Anvers, et que dès lors ils ne payent plus à Bruxelles, Mais la juridiction du commissaire maritime de Bruxelles ne s’en étend pas moins sur plusieurs milliers de matelots. Or, on sait que les matelots à jeun sont gens très faciles à mener, mais quand ils ne sont pas dans cet état, il y a beaucoup à faire. C’est ce qui explique comment le commissaire maritime de Bruxelles a beaucoup d’occupations, et les fonctions qu’il remplit ne sont nullement en rapport avec les appointements qu’il reçoit.

Je maintiens donc ma proposition et je demande que le chiffre en discussion soit augmenté de 2,500 francs.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, le système de rémunération des commissariats maritimes, est entièrement spécial. Nous avons, au budget des voies et moyens, un article de recette, et au budget de la marine un article correspondant de dépenses.

Jusque dans ces derniers temps les commissaires maritimes percevaient directement les émoluments que peuvent produire leurs places. On a voulu régulariser cette position ; on a chargé le gouvernement de recevoir les émoluments et de fixer, d’après le produit de chaque place, combien le commissaire maritime recevrait.

M. le ministre des affaires étrangères vient de vous démontrer que si l’ancien système de rémunération avait été maintenu, le commissaire maritime de Bruxelles n’aurait pas même reçu la somme de 500 fr. qui lui a été allouée comme traitement.

L’on nous demande, en réalité, de changer le principe d’une loi que vous avez votée récemment, et de mettre à la charge de l’Etat, non seulement à Bruxelles, mais dans toutes les autres villes, les traitements des commissaires maritimes. Je demande à la chambre de ne pas entrer dans cette voie, mais de rester fidèle au principe qu’elle a admis il y a deux années à peine et qui consiste à porter, d’une part, en recette et, d’autre part, en dépense le produit réel des rétributions perçues au profit des commissaires maritimes. Or le commissaire maritime de Bruxelles toucherait moins qu’il ne touche aujourd’hui s’il percevait la rétribution fixée par le règlement en vigueur.

M. le président. - Voici l’amendement déposé par M. Anspach :

« Je demande une augmentation de 2,500 fr., pour que le commissaire maritime de Bruxelles soit mis dans la troisième classe, augmentation qui porterait le crédit proposé au chiffre de 35,300 fr. »

- Le chiffre de 35,300 fr. est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

Le chiffre de 32,800 fr. demandé par le gouvernement, est ensuite mis aux voix et adopté.

Chapitre VIII. Service des bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres

Article unique

« Article unique. - Service des bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres : fr. 242,100. »

M. Osy. - Messieurs, pour le service que le gouvernement a établi entre Ostende et Douvres, le gouvernement met à bord du navire un employé de la douane, qui fait le trajet de Douvres à Ostende et qui visite les bagages des voyageurs. Nous avons à Anvers une société de bateaux à vapeur vers l’Angleterre, et cette société demande que le gouvernement veuille bien lui accorder une faveur analogue, faveur qui ne coûterait rien à l’Etat, tandis que celle qui est accordée au service d’Ostende lui coûte beaucoup. En effet, messieurs, aussitôt qu’un navire arrive à Lillo, on met à bord un douanier qui est chargé de le convoyer jusqu’à Anvers. Eh bien, la société demande que ce douanier puisse visiter les bagages des voyageurs dans le trajet entre Lillo et Anvers, pour que les voyageurs n’éprouvent aucun retard.

Cette demande a été adressée à plusieurs reprises à M. le ministre des affaires étrangères, et jamais elle n’a pu obtenir de réponse. Cependant, c’est une mesure qui, je le répète, ne coûterait pas un centime au trésor puisqu’il s’agit uniquement de laisser visiter les bagages par un employé qui se trouve sur le navire et qui est à ne rien faire.

Je demanderai une explication à cet égard à M. le ministre des finances, qui est si libéral envers le service d’Ostende, qui donne tous les jours un employé pour faire le trajet entre cette ville et Douvres.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, lorsque nous avons organisé le service de l’Etat entre Ostende et Douvres, on a demandé, à titre d’essai, la nomination d’un vérificateur des douanes chargé de visiter les effets des voyageurs, au moins d’une certaine catégorie de voyageurs. Cet essai a été fait. Dans l’intervalle, la société Anversoise des bateaux à vapeur s’est adressée au gouvernement pour obtenir la même faveur. Les circonstances n’étaient pas tout à fait les mêmes, et d’ailleurs, ainsi que je viens de le dire, la mesure prise pour le service de l’Etat n’était qu’un essai.

C’est une erreur de la part de l’honorable membre, de croire que la demande de la société Anversoise est restée sans réponse, car je me rappelle parfaitement y avoir répondu par un rejet longuement motivé.

Du reste, messieurs, j’examinerai de nouveau la question, et s’il y a moyen de lever à l’avenir les difficultés qui se présentaient, je m’attacherai à les faire disparaître.

- L’article est mis aux voix et adopté.

Chapitre IX. Secours maritimes

Article unique

« Article unique. Secours maritimes (sauvetage) : fr. 16,500. »

- Adopté.

Chapitre X. Pensions et secours

Article premier

« Art. 1er. Pensions civiles et secours : fr. 17,050. »

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, lors de la présentation du budget de la marine pour l’exercice 1847, j’avais demandé au chapitre XI, maintenant en discussion et relatif aux pensions, une augmentation de 3,000 fr., pour subvenir au payement des pensions que je prévoyais devoir être accordées en 1847.

Je regrette que le chiffre demandé alors ne soit pas suffisant ; quatre pilotes qui comptent 28 à 36 ans de service et qui remplissent toutes les conditions exigées par la loi du 21 juillet, demandent leur mise à la pension. Trois d’entre eux ont atteint l’âge de 60 ans, et il conste de certificats authentiques que tous se trouvent dans l’impossibilité de continuer leurs fonctions. Une cinquième demande a été adressée au gouvernement par la famille d’un agent de la police maritime, atteint d’aliénation mentale, sans espoir de guérison, par suite d’une chute qu’il a faite dans l’exercice de ses fonctions. En conséquence de ces faits et en vertu de la loi sur les pensions, je viens demander à la chambre une augmentation de 6,080 fr., ce qui porte le chiffre total à 23,130 fr.

M. Osy. - Je dois faire observer à la chambre que le pilotage ne coûte rien à l’Etat. Avant que le pilotage ne fût entré dans les attributions du gouvernement, il se trouvait dans l’administration de l’autorité communale ; et lors de la remise à 1’Etat du pilotage tant d’Ostende que d’Anvers, cette dernière ville a versé dans le trésor une somme de cent mille florins, si je ne me trompe, en inscriptions sur l’Etat. Cette somme était le produit des bénéfices que l’administration du pilotage avait faits anciennement. Le pilotage ne rapportait rien à la ville d’Anvers, les produits en étaient exclusivement réservés au service des pensions. Effectivement, il y a beaucoup d’anciens pilotes qu’il faudra mettre à la pension, mais il y en a aussi dont il faudra réviser la pension.

Je demanderai à cette occasion, à M. le ministre des affaires étrangères, s’il adhère à la note de la section centrale (page 4), note ainsi conçue :

« A la demande de la troisième section, la section centrale aurait désiré ajouter au libellé, les mots « qui ont servi sous l’empire ou sous le gouvernement des Pays-Bas », parce qu’il paraît que la cour des comptes ne se croit pas autorisée à viser des ordonnances de payement, pour secours à ces anciens marins. Sur les observations de M. le ministre des affaires étrangères, nous venons vous proposer de ne rien changer au libellé, mais de déclarer que ces anciens serviteurs, aujourd’hui très âgés, pourront recevoir quelques secours sur ce chapitre.

Si M. le ministre des affaires étrangères se rallie à cette note, la cour des comptes se croira autorisée à viser les demandes de payement qui lui sont adressées pour secours aux anciens marins dont il s’agit.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Si l’honorable membre vent comprendre dans l’allocation cette nouvelle catégorie de marins à secourir, il faudra qu’il propose un amendement, pour augmenter le chiffre.

M. Osy, rapporteur. - Il reste toujours, sur le chiffre qui a été accordé jusqu’ici, une somme suffisante pour qu’on puisse donner des secours aux marins dont je parle. Une augmentation de crédit n’est pas nécessaire, et je pense que, pour lever toute difficulté, il y a lieu de modifier le libellé de l’article premier dans le sens de la note que j’ai lue tout à l’heure.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Je ne m’y oppose pas.

- Le nouveau libellé de l’article premier est mis aux voix et adopté.

Le chiffre du même article, s’élevant à fr. 23,130 par suite de l’augmentation demandée par M. le ministre des affaires étrangères, est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Dotation de la caisse des secours et de prévoyance en faveur des marins naviguant sous pavillon belge : fr. 10,000. »

- Adopté.

Vote des articles et sur l’ensemble du projet

La chambre décide qu’elle votera immédiatement sur l’ensemble du budget de la marine.

On procède à l’appel nominal.

65 membres y répondent.

61 répondent oui.

4 répondent non.

En conséquence, la chambre adopte.

Ont répondu oui : MM. Anspach, Biebuyck, Brabant, Cans, Clep, Coppieters, David, de Baillet, de Breyne, de Brouckere, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Haerne, Delehaye, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Naeyer, de Renesse, de Roo, de Saegher, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Henot, Huveners, Kervyn, Lejeune, Loos, Lys, Malou, Mast de Vries, Mercier, Orban, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Sigart. Simons, Thyrion, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Verwilghen, Veydt, Vilain XIIII et Zoude.

Ont répondu non : MM. Castiau, de Bonne, Delfosse et Verhaegen.

Projet de loi relatif à la répartition de la contribution foncière pour l'année 1847

Discussion générale

M. le président. - L’article unique du projet de loi est ainsi conçu :

« Article unique. Le principal de la contribution foncière est réparti entre les provinces, pour l’année 1847, conformément à la loi du 7 février 1845 (Bulletin officiel, n°4). »

La discussion générale se confond avec celle de l’article unique.

La parole est à M. de Renesse.

M. de Renesse. - Messieurs, lors de la discussion du budget des voies et moyens de l’année dernière, j’ai adressé à M. le ministre des finances quelques observations sur les opérations de la péréquation du cadastre dans le Limbourg ; j’ai cru, alors, devoir appuyer la requête du conseil provincial de cette province, relativement au contingent dans la contribution foncière assigné au Limbourg.

La péréquation générale de la contribution foncière, votée provisoirement pour 1845 et 1846, a eu pour effet d’élever le contingent de cette province. Dans cette contribution de 493,297 à 686,156 fr., c’est en principal une augmentation de 192,859 fr.

Lors de la réunion du conseil provincial en 1845, de nombreuses plaintes surgirent de plusieurs côtés, par rapport à l’application de la péréquation cadastrale, parce que le revenu net imposable aurait été établi, non en prenant pour base le produit réel que donnaient les biens-fonds et les habitations, pendant la période antérieurement suivie, mais, bien sous l’influence de l’augmentation que plusieurs baux ont subie durant une période beaucoup plus rapprochée de nous.

D’après le rapport dudit conseil provincial, « cette manière de procéder a eu pour résultat de faire placer dans les première et deuxième classes une grande partie de biens-fonds qui, à raison de leur revenu, et en prenant à l’époque où les sept autres provinces ont été cadastrées, auraient certainement été classées tout autrement ; qu’il est donc indispensable que l’attention du gouvernement soit appelée sur cette circonstance, et que l’on sollicite pour le Limbourg un dégrèvement. »

L’honorable ministre des finances me répondit, lorsque je l’interpellai à cet égard, que les opérations ont été achevées, dans le Limbourg et le Luxembourg, d’après les mêmes bases que pour les autres provinces du royaume ; cette assertion de M. le ministre des finances, je dois de nouveau la contester, car on n’a cessé, depuis la révision du cadastre dans le Limbourg, de réclamer contre la base d’après laquelle les évaluations du revenu imposable auraient été déterminées, et contre le mode d’après lequel on aurait opéré.

Depuis la discussion que j’ai soulevée à l’égard de la péréquation cadastrale dans le Limbourg, j’ai cru devoir prendre de nouveaux renseignements ; je crois devoir les communiquer à la chambre, afin de la mettre en état de juger si, en effet, cette province n’est pas en droit de réclamer contre l’injuste répartition de sa contribution foncière : voici les observations que l’on vient de m’adresser ; j’ai tout lieu de croire que M. le ministre des finances ne pourra contester leur exactitude.

La loi du 3 frimaire an VII, articles 56 et suivants, indique le mode d’après lequel le revenu net ou cadastral est établi. Ce mode consiste à déterminer une année commune sur le nombre de quinze années pour les terrains cultivés, et de dix années pour les maisons d’habitation.

Quant aux terres, la loi veut que des quinze années on retranche les deux années les plus fortes et les deux années les plus faibles. Sur les onze années restantes, on établit l’année commune ou le revenu net, en ayant égard aux frais de culture.

Quant aux maisons d’habitation, l’année commune s’établit sur dix années ; on déduit sur l’année commune le quart, en considération du dépérissement, des frais d’entretien et de réparations. Telles sont les conditions exigées par la loi.

La loi cadastrale introduite en 1845. a dû ètre basée sur la période de 1816 à 1826 ; cependant le résultat qu’elle a amené a fait douter qu’on se fût déterminé d’après cette période de 1816 à 1826.

En effet, le taux établi par le tarif porte, pour les différentes catégories de biens, un revenu net que personne n’a pu constater pour cette période.

Voici ce tarif ; il se rapporte au canton de Tongres.

(Note du webmaster : le Moniteur reprend ensuite un tableau comparatif selon les catégories de biens. Ce tableau n’est pas repris dans la présente version numérisée.)

D’après ce tarif, l’hectare de terre de première classe a dû produire, de 1816 à 1826, déduction faite des frais de culture, c’est-à-dire en fruits libres et exempts de tous frais de production : 91 91 60 c.

Pour la deuxième classe : 74 fr.

Pour la troisième classe : 63 fr.

Pour la quatrième classe : 50 fr.

Pour la cinquième ou dernière classe : 29 fr.

Le tarif des terres étant le type, il devient inutile de s’occuper spécialement des autres biens. Ce qui est démontré pour les unes, le sera pour les autres.

Or, la période de 1816 à 1826 n’a présenté ni variations, ni progrès, soit dans la culture, soit dans le produit des biens comparativement aux périodes précédentes.

Les revenus de fr. 91, 74, 63 étaient inconnus, non seulement en 1816 à 1826, mais jusqu’à 1836 ; et encore les améliorations n’ont surgi que postérieurement à 1836, lentement et progressivement. C’est ce qu’il est facile d’établir par les baux enregistrés depuis 1816 jusqu’en 1837.

De là on a conclu d’abord, que le cadastre a été établi sur une autre période que celle de 1826 à 1836 ; ensuite que la classification a été erronée, en faveur d’une augmentation du revenu imposable. Cette conclusion est justifiable par des faits patents, dont quelques-uns suffiront à titre d’appréciation.

Dans la commune de Tongres, une parcelle de terre de la superficie de 6 hectares 43 ares 30 centimes a été cultivée pendant plus de 30 ans par son propriétaire, c’est-à-dire, de 1805 à 1836. Par bail du 7 août 1836 passé devant notaire et enregistré, cette parcelle a été affermée pour six ans, à commencer du 15 septembre 1836, moyennant le fermage annuel (page 193) de 642 fr. ; ce prix n’est arrivé à ce taux qu’eu égard à l’état d’engrais où se trouvait cette terre, laquelle est cotée au cadastre, soi-disant pour 1816-l826, à raison d’un revenu net de 443 fr. 4 c.

Dans la commune de Nederheim, une parcelle de terre de 11 hectares 76 ares 60 centiares a été louée publiquement en 1818, au prix annuel de 300 fr. ; en 1835, par bail notarié enregistré, au prix de 637 fr. 10 c. ; ce bail commencé le 1er septembre 1835 n’est expiré qu’en 1844 ; cependant cette même parcelle se trouve cadastrée pour la période de 1816 à 1826, à raison d’un revenu net de 640 fr. 81 c.

Somme, à très peu de chose près, égale au fermage de la période de 1835 à 1844. On pourrait multiplier les exemples, si les cas cités ne prouvaient pas à suffisance, à raison des baux authentiques qui s’y appliquent.

Pour les maisons, le taux du tarif est tout aussi choquant à Tongres ; plusieurs maisons qui ne produisaient qu’un loyer annuel de 200 et 300 fr. jusqu’en 1831 et 1832, se trouvent cadastrées au revenu net de 513 fr. et de 456 fr., revenu qui en y ajoutant le quart défalqué par la loi pour réparations, dépérissement, etc., porte le loyer annuel à 684 fr. pour le premier cas, et à 608 fr. pour le deuxième ; une augmentation proportionnée affecte successivement les différentes classes, quant aux maisons.

C’est donc avec raison que de toute part on s’élève contre ce qu’on veut bien appeler une péréquation.

En présence de ces faits, que l’administration aurait pu faire vérifier, si elle avait eu égard à mes observations antérieures, ainsi qu’à celles consignées dans un rapport fait au sénat, par l’honorable comte d’Arschot, sénateur du Limbourg, il me paraît prouvé que c’est avec fondement que des plaintes nombreuses ont été élevés dans cette province, contre l’injuste répartition de sa part de la contribution foncière comparée aux autres provinces du royaume, pour lesquelles on aurait pris d’autres bases pour fixer le revenu net imposable, d’après les valeurs constatées concernant les années 1812 à 1826, tandis que pour la province de Limbourg, ces bases auraient été fixées sous l’influence de l’augmentation que les baux ont subie durant une période d’années beaucoup plus rapprochée de nous.

Si la répartition de la contribution foncière dans les provinces de Limbourg et de Luxembourg doit rester comme elle a été provisoirement établie, il se trouverait que ces deux provinces, déjà sacrifiées sous tant de rapports, le seraient en outre actuellement par une surcharge peu équitable dans la contribution foncière et en opposition à la règle adoptée pour les autres provinces. L’achèvement du cadastre dans le Luxembourg et le Limbourg n’aurait plus pour but d’égaliser la contribution foncière dans ces deux provinces telle qu’elle l’est déjà dans les sept autres ; mais y maintiendrait une inégalité choquante vis-à-vis des autres parties du royaume ; la péréquation cadastrale, si elle n’était modifiée pour le Limbourg et le Luxembourg, y maintiendrait donc une surcharge injuste de la contribution foncière, contrairement à la juste et égale répartition des charges entre les différentes provinces.

J’ai cru devoir présenter quelques observations, notamment sur les opérations du cadastre, dans la province de Limbourg, pour que M. le ministre des finances puisse faire examiner, avant la discussion du projet de loi de péréquation générale de la contribution foncière, s’il n’y aurait pas lieu de faire droit à la réclamation adressée au gouvernement et aux chambres par le conseil provincial du Limbourg, et en outre, j’ai soumis ces considérations à la chambre pour que l’on ne puisse opposer aux députés du Limbourg de revenir sur la question de la péréquation du cadastre dans cette province lorsqu’il s’agira de discuter le projet de loi général de la répartition de la contribution foncière entre les différentes provinces du royaume.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, il s’agit en ce moment de proroger pour un an seulement, parce que la section centrale n’a pu terminer ses travaux, la loi de répartition provisoire de la contribution foncière.

Les observations que vient de présenter l’honorable comte de Renesse, ont déjà été produites dans les discussions antérieures. J’ai recherché alors, et encore depuis, s’il était exact de dire qu’on avait pris pour base des opérations cadastrales dans le Limbourg et dans le Luxembourg une autre période que pour les autres provinces du royaume.

Il est résulté pour moi de ces recherches, la preuve qu’on avait pris pour base à l’égard du Limbourg et du Luxembourg la même période que pour les autres provinces. Si l’on peut citer des baux plus récents qui aient influé sur les évaluations cadastrales, je reconnaîtrai l’erreur, et quand viendra la discussion du projet de loi de répartition définitive, nous pourrons la réparer ; mais, je répète que pour cette opération on a appliqué au Luxembourg et au Limbourg toutes les formalités et toutes les garanties qu’on avait adoptées pour les autres provinces.

Ainsi, s’il est résulté de l’application du cadastre au Limbourg et au Luxembourg, une surtaxe, c’est qu’antérieurement et pendant de longues années ces deux provinces n’avaient pas fourni à la contribution foncière le contingent qu’elles eussent dû fournir. On les a fait rentrer dans le droit commun ; c’était là une mesure de bonne justice distributive.

J’espère que le projet de répartition définitive pourra être discuté dans le cours de cette session ; je pense que l’honorable membre auquel je réponds et les autres qui ont demandé la parole, voudront bien attendre jusqu’à cette époque, car il est impossible de discuter maintenant cette question.

M. d’Hoffschmidt. - Je voterai pour le projet provisoire qui nous est présenté, dans l’impossibilité où nous sommes de voter le projet de répartition définitive. Mais je dois exprimer mon regret et même ma surprise de ce que nous ne soyons pas encore saisis du rapport de la section centrale sur le projet de loi de péréquation qui nous a été présenté, je crois, en 1844. Voilà trois années consécutives que nous sommes forcés de voter des lois provisoires. C’est fâcheux, pour nous surtout députés du Luxembourg et du Limbourg, parce que, comme l’a dit l’honorable M. de Renesse, des plaintes très vives, des réclamations très nombreuses nous sont constamment adressées. On prétend, à tort ou à raison, je crois que c’est à raison, que les opérations cadastrales sont erronées, ou du moins qu’elles reposent sur des bases désavantageuses à ces provinces.

Vous avez vu, en effet, dans le rapport présenté par l’honorable M. Zoude, que dans l’une de ces provinces, on croit que les évaluations ont été faites sur des baux postérieurs à ceux qui ont servi de base pour les autres provinces, et que, dans le Luxembourg, on est persuadé qu’on a classé comme terres arables des terres nouvellement défrichées.

On ne pourrait examiner d’une manière sérieuse si ces plaintes sont fondées, que lorsque nous serons saisis du rapport de la section centrale. J’espère que dans le cours de cette session nous pourrons examiner ce projet de loi définitif, et que c’est la dernière fois que nous votons une loi provisoire.

Il est aussi fort regrettable que pour l’application de la nouvelle répartition on n’ait pas procédé, à l’égard de ces deux provinces, comme on l’avait fait, en 1835, à l’égard des autres, pour lesquelles on a usé de ménagement en ne leur appliquant que par tiers l’augmentation de leur contingent ; car ce n’est qu’en 1838 qu’elles l’ont payée intégralement. On n’a pas suivi le même système à l’égard les provinces du Luxembourg et du Limbourg ; on leur a demandé immédiatement toute l’augmentation résultant des opérations cadastrales, augmentation qui est énorme car, pour le Luxembourg, elle est de la moitié de l’ancien contingent que cette augmentation est arrivée précisément dans des années calamiteuses, l’année dernière et l’année actuelle. Jamais la province de Luxembourg n’a été accablée d’autant de misère que cette année.

On parle souvent dans cette enceinte de la misère des Flandres, et l’on a raison d’attirer l’attention du gouvernement et des chambres sur cette grande calamité. Mais il ne faut pas oublier que dans d’autres provinces il y a aussi de grandes souffrances. Dans le Luxembourg, le fléau qui l’année dernière a détruit la récolte des pommes de terre, a encore sévi cette année dans plusieurs cantons, et vous voyez par les mercuriales les prix exorbitants auxquels sont les céréales ; le froment y est à 29 fr. l’hectolitre, et le seigle qui est la nourriture des pauvres de l’Ardenne y est à 24 fr. ; c’est énorme, aussi la misère y est extrêmement grande, et c’est cependant dans ce moment que l’augmentation du contingent de la contribution foncière est venue peser sur les contribuables.

Messieurs, le but des observations que je viens de présenter est que nous tâchions de discuter et de voter dans la session actuelle la loi de répartition définitive. Si la section centrale ne nous présentait son rapport qu’à la session prochaine, ce serait à une époque avancée de la session et force nous serait de voter encore un projet de loi provisoire. Je prie aussi M. le ministre des finances d’examiner les réclamations qui sont faites, de voir si elles sont fondées et surtout d’user de tous les ménagements possibles envers les contribuables des deux provinces nouvellement cadastrées.

M. de Corswarem. - L’honorable M. de Renesse prétend que pour la ventilation des biens dans le Limbourg, on a pris des baux postérieurs à 1826. M. le ministre des finances prétend le contraire, il prétend qu’on n’a pris que des baux antérieurs à cette époque. Je ne sais lequel des deux a raison, je n’ai pas fait de recherches à cet égard. Mais il est un autre point qui constitue une véritable différence dans les évaluations et qui n’a pas été signalé. Les autres provinces ont été cadastrées en 1826 ; les biens-fonds sont portés dans les classes où leur état les plaçait alors ; mais les agents du cadastre ne pouvaient opérer que sur vue, car aux termes de leurs instructions qui datent de l’empire, il leur est défendu d’opérer sur renseignement. Il s’est trouvé que dans le Limbourg on a rangé les propriétés dans les classes où on les voyait de fait au moment des opérations, tandis que pour que les choses eussent été égales, il aurait fallu pouvoir classer ces propriétés d’après renseignements, selon l’état où elles étaient en 1826, quand les autres ont été classées. C’est là que git la véritable différence, car toutes les améliorations faites dans le Limbourg depuis 1826 sont imposées aujourd’hui. Les terres qui étaient de troisième classe alors se sont trouvées être de la première ou de la seconde en 1843.

Et c’est ainsi que des maisons qui avaient été dans la cinquième classe en 1826, se sont trouvées être dans la deuxième ou la première en 1845. C’est là la véritable différence, c’est que les agents du cadastre ont été obligée d’opérer, d’après ce qu’ils avaient vu. Il leur a été défendu d’opérer d’après des renseignements. Par suite, les opérations se sont faites inégalement dans les différentes provinces. On aurait dû faire une exception pour ces deux provinces, car puisqu’il avait été défendu d’opérer sur renseignements, on ne pouvait voir, en 1843, quel était l’élat des biens, en 1826.

Je recommande fortement à M. le ministre des finances, puisque la loi se discutera définitivement l’année prochaine, de vouloir vérifier ces faits. J’espère qu’il en tiendra compte aux deux provinces.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je n’avais en effet donné (page 194) aucune explication sur ce point, parce que le discours de l’honorable M. de Renesse ne le soulevait pas.

Voici comment on a procédé.

L’arpentage a été commencé dans le Luxembourg, avant 1830. Lorsqu’on a repris les opérations en 4841, on n’est pas revenu sur l’estimation des cultures, postérieures à 1830. On a donc fait pour le Limbourg et le Luxembourg exactement comme pour les autres provinces, en ce qui concerne la nature des cultures.

Dans les autres provinces, les opérations géométriques ont été continuées après 1830, et ce n’est qu’en 1835 qu’on a fait la loi de péréquation.

Ainsi, sous ce rapport, d’après tous les renseignements que je possède, comme d’après ceux que les honorables membres peuvent se procurer en consultant l’état indicatif qui est au chef-lieu de chaque province, je suis convaincu qu’il n’y a pas d’inégalité entre les deux provinces récemment cadastrées et celles auxquelles les opérations du cadastre ont été appliquées par la loi de 1835.

Du reste, cette question pourra être examinée à fond, quand nous examinerons le projet définitif.

Je m’associe au vœu de l’honorable M. d’Hoffschmidt. Je ferai, comme je l’ai déjà fait, tous mes efforts pour que la session ne se passe pas sans qu’une décision définitive intervienne.

Plusieurs membres. - La clôture !

M. Orban. - J’ai présenté des observations sur ce projet, l’année dernière. Je les reproduirai d’autant moins que l’honorable M. d’Hoffschmidt vient d’en présenter dans le même sens avec une grande force, Mais je dois faire connaître un fait très grave, c’est une perception qui constitue une véritable inconstitutionnalité et qui se fait dans le Luxembourg avec l’approbation de l’administration des finances.

Plusieurs membres. - La clôture !

M. Orban. - Lorsque je dis que j’ai une inconstitutionnalité à signaler, ce n’est pas le cas de prononcer la clôture.

M. le président. - La clôture a été demandée avant que M. Orban eût commencé à parler. Si je lui ai laissé la parole, c’est que j’ai cru qu’il allait parler sur la demande de clôture.

M. d’Hoffschmidt. - Ce n’est pas après ce que vient de dire l’honorable M. Orban qu’on peut prononcer la clôture. Il veut, dit-il, signaler un fait d’inconstitutionnalité, c’est ce qu’il peut y avoir de plus grave dans nos délibérations. Après cette déclaration, vous ne pouvez, ce me semble, prononcer la clôture. (Adhésion.)

M. Orban. - Je serai bref. (Parlez ! parlez !)

Aux termes de la Constitution, nul impôt ne peut être perçu qu’en vertu de la loi. Cependant dans plusieurs communes du Luxembourg et sans que ce fait soit autorisé par aucune loi, les receveurs perçoivent six centimes pour division de cotes comprises dans un seul article de rôle ; ces six centimes s’appliquent à des cotes minimes inférieures quelquefois à six centimes. De sorte qu’il arrive qu’on paye en droits de perception une somme supérieure à la contribution elle-même. Je connais des contribuables qui payent ainsi jusqu’à cinq ou six francs pour des contributions inférieures à cette somme.

Voici comment les choses se sont passées.

Dans plusieurs communes, il existait des propriétés indivises concernant un nombre plus ou moins grand de contribuables. L’administration a pensé qu’elle avait le droit de s’adresser à celui qui avait la cote la plus considérable. Ces contribuables ont déclaré que c’était aux receveurs à faire la perception. On leur a répondu que l’administration y consentirait à la condition que chaque contribuable payerait 6 c. au receveur.

C’est, je ne dirai pas une véritable illégalité, mais une véritable inconstitutionnalité. Elle est d’autant plus flagrante que lorsque les opérations cadastrales se sont faites, on avait formellement promis aux contribuables qu’il n’en serait pas ainsi. Malgré cette promesse, l’abus que je signale a continué d’exister.

Je demanderai à M. le ministre, non de s’expliquer, car il n’a sans doute pas connaissance de ce fait, mais de faire cesser cet abus.

M. le ministre des finances (M. Malou). - L’honorable M. Orban dit que le fait qu’il signale aurait été approuvé par l’administration. J’ignore quelle est la cause de la perception dont il a parlé. Mais c’est récemment, et par l’honorable membre, que j’en ai eu connaissance. Je me suis aussitôt empressé de prendre des renseignements. S’il y a abus je n’hésiterai pas à le punir d’une manière très sévère.

Mais je prendrai d’abord des renseignements sur le point de savoir quelles peuvent avoir été les instructions de l’administration, au sujet de cette perception.

M. Mercier. - Ce fait dont vient de parler l’honorable M. Orban, existe dans toutes les communes du royaume ; jamais il n’a été envisagé comme une inconstitutionnalité, jamais on n’a considéré comme inconstitutionnel que les receveurs qui ont une seule cote inscrite au rôle perçoivent, pour en opérer la division, une indemnité qui, je me le rappelle, a été réduite par l’administration. Précédemment, cette indemnité était de 10 c. et même plus forte dans quelques localités, elle a été réduite à 5 ou 6 c.

C’est un travail particulier que font les receveurs, sans y être tenus, non pas quand plusieurs propriétaires figurent au rôle, mais lorsqu’un seul y est renseigné pour une parcelle qui appartient à plusieurs.

Si le propriétaire faisait opérer la mutation de propriété, comme il peut et doit le faire, il ne serait soumis à aucune rétribution extraordinaire ; je pense que c’est à cette indemnité, qui se perçoit pour les divisions de cotes, que l’honorable M. Orban a voulu faire allusion. Mais il n’y a là aucune inconstitutionnalité ni abus quelconque. C’est, je le répète, la rétribution d’un travail extraordinaire que les receveurs ne font que par suite de la négligence des propriétaires qui ne font pas opérer les mutations.

Du reste, s’il se présente quelque autre circonstance qui n’ait pas la même caractère, ainsi que vient de le dire M. le ministre des finances, les faits seront sérieusement examinés et cette déclaration doit suffire pour le moment.

M. Orban. - Messieurs, les choses se passent connue je l’ai signalé à la chambre, et je suis convaincu que M. le ministre des finances actuel n’aura pas plutôt pris connaissance de cette affaire qu’il y verra un véritable abus qui doit être réprimé. Ce fait, messieurs, ne se passe pas dans toutes les communes, comme le prétend l’honorable M. Mercier ; il ne se passe que dans un très petit nombre de communes de la province de Luxembourg, dans quatre ou cinq communes.

Les faits n’ont d’ailleurs pas lieu comme l’a dit l’honorable M. Mercier. Il est si peu vrai que l’administration des contributions ne reconnaît qu’un contribuable principal qui est obligé de faire la division des cotes, que c’est au moyen du rôle de la contribution foncière qu’on met le propriétaire à même d’établir la perception. Ainsi on dit au contribuable : Vous devez payer une contribution de 3 ou 4,000 fr. ; mais cette contribution se répartit sur un tel nombre de personnes, voilà le rôle, faites-en le recouvrement. C’est-à-dire que les receveurs font faire leur besogne par les propriétaires et que si ceux-ci ne consentent pas à la faire, les receveurs exigent une rétribution.

Toutefois, messieurs, je me hâte de dire que cet abus ne doit pas être attribué aux receveurs qui agissent en vertu d’ordres émanés de l’administration ; mais il est de toute évidence que cette manière d’agir constitue une véritable inconstitutionnalité.

M. Mercier. - Messieurs, s’il ne s’agit pas de divisions de cotes et que des faits de la nature de ceux que signale l’honorable M. Orban, se passent dans quelques communes, il est à regretter qu’ils n’aient jamais donné lieu à aucune réclamation, car s’ils avaient été signalés par un seul contribuable, il est évident que l’administration, sous quelque ministre que ce soit, se serait empressée d’y mettre un terme.

- La discussion est close.

Vote de l’article unique

Le projet est ainsi conçu :

« Article unique. Le principal de la contribution foncière est réparti entre les provinces pour l’année 1847, conformément à la loi du 7 février 1845 (Bulletin officiel, n° 4). »

Il est procédé au vote, par appel nominal, sur ce projet.

52 membres répondent à l’appel nominal.

49 votent l’adoption.

3 votent le rejet.

En conséquence, le projet est adopté. Il sera transmis au sénat.

Ont voté l’adoption : MM. de Haerne, Delehaye, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Naeyer, de Saegher, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, Dubus (aîné), A. Dubus, B. Dubus, Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Huveners, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Mast de Vries, Mercier, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Sigart, Simons, Thyrion, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Verwilghen, Veydt, Zoude, Anspach, Biebuyck, Brabant, Cans, Coppieters, de Breyne, de Brouckere et Dechamps.

Ont voté le rejet : MM. de Renesse, Orban et de Corswarem.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.