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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 1er
avril 1843
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Projet de loi tendant à ouvrir au département de la guerre un
crédit supplémentaire pour apurer des créances arriérées
3) Projet
de loi autorisant le gouvernement à instituer un conseil de prud’hommes à
Termonde (Dedecker, Maertens)
4) Motion
d’ordre relative au projet de loi sur les sucres (Delfosse,
Smits)
5) Projet
de loi portant le budget du département de la guerre pour l’exercice 1843. Discussion
des articles. Suppléments aux officiers détachés auprès de l’administration
centrale (de Liem, Brabant, Verhaegen, Desmaisières, Orts, Brabant, de
Liem), solde de l’état-major (Brabant, de Liem, Brabant, Desmaisières, Brabant, de Liem, Brabant, de
Liem, Osy, Desmaisières, de Garcia, Brabant, Desmaisières, de Liem, Brabant), service de santé (Verhaegen,
Brabant, Verhaegen), neutralité armée, (ré)organisation des différentes armes (infanterie,
cavalerie, artillerie et génie) et des états-majors, fixation globale du
chiffre (Devaux, Demonceau, Lebeau, de Theux, Lebeau,
Demonceau, de Liem, Brabant, (+question politique) Verhaegen,
Brabant, Demonceau, (+question
politique) de Liem, Savart-Martel,
de Liem, de Mérode, Delehaye)
(Moniteur
belge n°93, du 3 avril 1843)
(Présidence de M.
Raikem)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Dedecker donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est
approuvée.
M. de Renesse analyse les pétitions suivantes :
PIECES ADRESSEES A
« Plusieurs
conseils communaux du canton sud de Maestricht demandent le rétablissement de
leur canton en attendant la réorganisation cantonale. »
- Renvoi à la commission chargée de l’examen du
projet de loi sur la circonscription cantonale.
__________________________
« Plusieurs actionnaires de la société anonyme des
moulins à vapeur, à Bruxelles, présentent des observations concernant les
modifications que le gouvernement propose d’apporter aux droits d’entrée sur
les riz bruts et travaillés, ainsi que sur les orges perlés et mondés et prient
la chambre de discuter ces changements, dans la présente session. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du
projet de loi sur les droits d’entrée.
__________________________
« Le sieur Bouson, ancien
soldat de l’empire, prie la chambre d’allouer au budget de la guerre un crédit
suffisant pour accorder un secours annuel de 100 francs à tous les vieux
soldats de l’empire qui sont dans le besoin. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du
budget de la guerre.
__________________________
M. Jadot informe la chambre qu’il se trouve dans l’impossibilité d’assister à la
séance.
- Pris pour information.
PROJET DE LOI TENDANT A OUVRIR AU DEPARTEMENT DE LA
GUERRE UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE POUR APURER DES CREANCES ARRIEREES
M. Mast de Vries, au nom de la commission permanente des finances, présente le rapport sur
le projet de loi tendant à ouvrir au département de la guerre un crédit
supplémentaire pour apurer des créances arriérées. Il demande que la discussion
de ce projet soit fixée après les objets qui se trouvent à l’ordre du jour.
- Cette proposition est adoptée.
M. Scheyven présente le rapport sur le projet de loi tendant à autoriser le
gouvernement à instituer un conseil de prud’hommes à Termonde.
M. Dedecker. - Messieurs, l’année dernière, vous avez voté une loi générale sur
l’institution des conseils de prud’hommes. Vous savez que dans cette loi la
ville de Termonde a été involontairement oubliée ; c’est pour réparer cet oubli
que le gouvernement vous a présenté le projet de loi sur lequel l’honorable M.
Scheyven vient de présenter le rapport. Ce projet n’étant pas de nature à
rencontrer la moindre opposition, je prierai la chambre de vouloir bien
autoriser M. le rapporteur à donner lecture de son travail, et passer ensuite
au vote du projet.
M. Delehaye. - Je demanderai qu’on mette le projet à l’ordre du jour après le projet
relatif à l’ordre judiciaire.
M. Maertens. - Messieurs, pendant le temps que nous passons à discuter la question de
la mise. à l’ordre du jour, nous aurions déjà voté le
projet. L’objet est des plus simples : l’année dernière, nous avons voté
l’institution de plusieurs conseils de prud’hommes dans différentes villes de
la Belgique ; un oubli a eu lieu, quant à la ville de Termonde ; cette ville a
réclamé auprès du sénat pendant que cette assemblée discutait le projet ; le
sénat, pour ne pas retarder la promulgation de la loi, ne voulut pas y
introduire un amendement, mais le gouvernement promit de présenter un projet de
loi séparé ; c’est sur ce projet que l’honorable M, Scheyven vient de présenter
le rapport. Vous voyez donc, messieurs, que la chose est effectivement simple ;
il ne s’agit pas même de décider qu’un conseil de prud’hommes sera institué à
Termonde, il s’agit uniquement d’autoriser le gouvernement à en instituer un,
si les renseignements ultérieurs, que M. le ministre de l’intérieur doit prendre
à cet égard, prouvent qu’il y a lieu de le faire.
Je demande donc que l’honorable M. Scheyven soit
autorisé à donner lecture de son rapport et que la chambre veuille bien passer
ensuite au vote du projet, afin que Termonde puisse jouir aussi d’une institution
dont plusieurs autres localités du même arrondissement sont déjà dotées.
- La chambre autorise M. Scheyven à donner lecture
de son rapport.
Après lecture de ce rapport, La chambre décide
qu’elle passera immédiatement à la discussion du projet.
Personne ne demandant la parole, il est passé au
vote, par appel nominal, sur l’article unique du projet, qui est ainsi conçu :
« La ville de Termonde est ajoutée aux localités où
le gouvernement est autorisé à instituer un conseil de prud’hommes, aux termes
de l’art 1er de la loi du 9 avril 1842. »
Le projet est adopté à l’unanimité par les 56
membres présents.
Ce sont : MM. Brabant, Cogels, Coghen, Cools, de Baillet, de Brouckere, Dedecker, de Florisone, de
Garcia de la Vega, de La Coste, Delehaye, Delfosse, de Meer de Moorsel, de
Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Potter, Deprey,
de Renesse, Desmaisières, de Terbecq, Dubus (aîné), Duvivier, Eloy de Burdinne,
Henot, Huveners, Hye-Hoys, Jonet,
Kervyn, Lange, Lebeau, Lys, Maertens, Malou, Mast de Vries, Nothomb, Osy,
Peeters, Pirmez, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Savart,
Sigart, Smits, Trentesaux, Troye, van Cutsem, Vanden Eynde, Verhaegen, Zoude.
M. Delfosse (pour une motion d’ordre). - Je désire savoir de M. le ministre des
finances si la loi sur les sucres sera bientôt publiée. On m’assure que des
quantités de sucres considérables arrivent continuellement à Anvers. Si le
gouvernement tarde à publier la loi, le trésor subira de fortes pertes. Une
grande responsabilité pèse sur M. le ministre des finances ; j’espère qu’il se
souviendra qu’il est ministre du pays et non représentant de la ville d’Anvers.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Messieurs, les paroles de l’honorable
membre sont vraiment étranges. Je suis ici ministre du Roi et non pas député
d’Anvers. C’est comme ministre du Roi que j’ai toujours cherché à remplir mes
devoirs, mes fonctions. Si la loi n’est pas encore promulguée, c’est parce
qu’il faut préparer les instructions à donner aux employés : ces instructions,
on y travaille, elles seront terminées dans quelques jours, et immédiatement
après, la loi sera promulguée. On ne peut pas mettre une loi à exécution avant
que cette exécution n’ait été organisée.
M. Delfosse. - Il n’y a rien d’étrange dans ce que j’ai dit. Je n’ai pas lancé
d’accusation contre M. le ministre des finances, je me suis borné à émettre un
vœu.
J’ai cru devoir appeler l’attention de M. le
ministre des finances sur la nécessité de publier la loi des sucres dans le
plus bref délai possible ; je vois avec plaisir que M. le ministre est du même
avis que moi sur ce point. Je prends acte de la promesse qu’il vient de nous
faire.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Cette promesse je l’avais faite au
sénat. Je la tiendrai.
PROJET
DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR L’EXERCICE 1843
Discussion
des articles
CHAPITRE
PREMIER. - Administration centrale
Article premier
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr.
21,000 »
- Adopté.
« Art. 2. Traitement des employés et suppléments aux
officiers : fr. 173,000 »
La section centrale propose de transférer une somme
de 8,000 fr. de cet article à l’art. 1er du chapitre II.
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) - La section centrale adopte le chiffre
proposé de 173,000 fr. ; seulement elle insiste pour le rétablissement des 8000
fr., destinés à payer les suppléments aux officiers employés dans les bureaux
de la guerre, à l’art. 1er du chapitre II.
Du moment qu’il n’y a ni augmentation, ni
diminution, je le demande à la chambre, ne doit-il pas lui être complètement
indifférent que cette somme figure à tel chapitre ou à tel autre ? Le ministre
de la guerre ne doit-il pas être mis à même de tirer le parti le plus
avantageux des ressources que le pays met à sa disposition ? Il ne serait
certainement pas rationnel de demander que le traitement même des officiers
détachés au département fût distrait du budget particulier des armes auxquelles
ils appartiennent, et porté à celui du département de la guerre. Une pareille
conception pourrait avoir des conséquences fâcheuses pour le service, en ce que
le ministre doit avoir la faculté de prendre indistinctement dans toutes les
armes et dans tous les grades, les officiers qui ont sa confiance, et qu’il
veut appeler près de lui. Or, une simple question du budget l’en empêcherait
nécessairement, si le traitement des officiers figurait au budget particulier
de son département ; il ne pourrait échanger tel officier, que contre un
officier du même grade et de la même arme ; par conséquent, il aurait les mains
liées fort inutilement, puisqu’il n’y aurait pas économie, tandis qu’on lui
doit toute facilité pour l’accomplissement des
fonctions ardues qui lui sont confiées. D’ailleurs, ces officiers ne cessent
pas pour cela d’appartenir à leur arme et même à leur régiment ; ils peuvent
demander eux-mêmes à y rentrer, il faut donc qu’ils retrouvent, avec leurs
anciennes fonctions, leur place accoutumée sur l’état d’émargement du corps. La
question est bien différente, quant au supplément. Le supplément est une
rémunération spéciale de leurs travaux au département de la guerre,
rémunération qui commence et cesse avec ces travaux, et qui, en France, et en
Hollande, est accordée à tous indistinctement. C’est une dépense inhérente au
département de la guerre, et dont la seule place est dans les prévisions du
chapitre premier.
Si je ne me trompe, une des premières règles
élémentaires d’administration, un principe d’ordre est de faire une bonne
division des recettes et des dépenses, et la division n’est bonne qu’en raison
directe de l’homogénéité de ses éléments. Mettons donc aux chapitres qui
traitent du département de la guerre toutes les dépenses qui lui sont propres.
On n’en agit pas autrement pour les autres établissements militaires. La
section centrale n’a pas élevé d’observations au sujet des suppléments payés
aux inspecteurs des études et autres officiers employés à l’école militaire,
qui sont le fait de l’école militaire. Pourquoi la chambre ferait-elle une
exception dans un cas identique ? Je pourrais citer d’autres exemples, mais je
m’en abstiendrai.
J’ai déjà dit que, dans le
département de la guerre, les employés militaires doivent être la règle, et les
employés civils l’exception. Et d’abord je m’empresse de déclarer qu’il ne
s’agit pas le moins du monde de déposséder les employés civils des emplois
qu’ils occupent, mais bien d’accorder lorsqu’ils viendront à manquer, leur
survivance à des employés militaires. Cette modification est toute d’avenir ;
elle est commandée par la force des choses. Il faut au département de la guerre
des hommes avant tout pratiques, des hommes qui aient vu le soldat dans la
caserne, dans, les camps, en marche, en cantonnement, partout, qui connaissent
ses besoins, qui aient vécu avec lui de la vie commune.
J’ose donc espérer que la chambre donnera son
approbation au maintien des 8,000 fr. au chapitre 1er de l’administration
centrale.
M. Brabant, rapporteur. - Messieurs, ceci est une innovation. Toujours il y a eu des officiers
détachés au département de la guerre, pour faire une partie de la besogne des
bureaux. Certains de ces officiers ont toujours reçu un supplément de
traitement sur les fonds alloués à l’article de l’état-major général. Il n’y a
pas plus de raison pour porter ce supplément à l’article en discussion, qu’il
n’y en aurait d’y porter le traitement lui-même.
Il y aurait un inconvénient à
comprendre les 8,000 fr. dans l’article 2. Lorsque les 8,000 fr. figurent à
l’article de l’état-major général, le gouvernement se trouve nécessairement
limité dans cette somme, tandis que si ce crédit venait à être confondu avec
les traitements des employés civils, on pourrait augmenter considérablement ce
crédit.
Je persiste donc dans les conclusions de la section
centrale.
M.
Verhaegen. - Messieurs, je me proposais de donner
mon assentiment à la proposition de la section centrale. Mais si j’ai bien
compris M. le ministre de la guerre, il vient de déclarer que son intention
n’était nullement de toucher à la position des employés civils de son
département. Je n’aurais combattu la proposition du gouvernement que dans la
crainte qu’on ne touchât à la position des employés civils, pour favoriser les
officiers détachés au département de la guerre. J’aurais vu là une injustice.
La déclaration que vient de faire M. le ministre, et dont je prends acte,
dissipant les craintes que j’avais conçues sur ce point, je donnerai mon
assentiment à l’allocation telle qu’elle est proposée par le gouvernement.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, il est certain que
la proposition de M. le ministre de la guerre fait rentrer le budget dans un
ordre plus régulier. A quelle partie du service sont employés les officiers
détachés au département de la guerre ? A l’administration centrale de ce département
; par conséquent, il n’est pas régulier de les solder, de ce chef, sur les
fonds de l’état-major général, auquel n’appartient d’ailleurs aucun des
officiers pour lesquels on demande des suppléments de solde à raison des
services qu’ils rendent à l’administration centrale du département.
Quant à la crainte qu’on a exprimée, que M. le ministre de la guerre ne dotât les
officiers d’une partie des traitements des employés civils, cette crainte n’est
nullement fondée ; M. le ministre de la guerre est plus intéressé que tout
autre à ce que le service soit bien rempli à son département, et pour qu’il en
soit ainsi, il faut que tous les employés continuent à être convenablement
rétribués. D’ailleurs il a déclaré lui même qu’il n’entendait, du moins pour
cette année, nullement toucher à la position des employés civils.
Ensuite, l’inconvénient qu’on a signalé pourrait se
présenter également, lorsque le supplément de solde serait prélevé sur
l’allocation relative à l’état-major général ; car là aussi on pourrait enlever
une partie du crédit destiné aux officiers de l’état-major général, pour la
donner aux officiers détachés au département de la guerre.
M. Orts. - Messieurs, je me proposais de prendre la parole, et ce ne serait qu’une
déclaration solennelle de la part de M. le ministre de la guerre qui pourrait
me détourner de la pensée que j’avais conçue, qu’il valait beaucoup mieux
conserver les 8,000 fr. sous la rubrique de l’état-major général, et voici
pourquoi : c’est que, lorsque les 8,000 fr., affectés comme supplément aux
officiers, sont confondus avec les traitements des employés civils, M. le
ministre pourrait, sans illégalité, allouer en supplément au-delà des 8,000 fr.
; mais si nous conservons cette somme sous la rubrique du budget où elle a
figuré jusqu’ici, et comme un ministre ne peut opérer de transfert d’un article
à l’autre, nous aurions la garantie légale que les 8,000 fr. affectés pour
supplément aux officiers, leur resteraient, et que d’autre part on ne pourrait
pas prendre sur les traitements de employés civils au-delà des 8,000 fr. pour
supplément aux officiers. Cependant si M. le ministre de la guerre nous
déclarait que son intention est de ne pas dépenser plus de 8,000 fr. pour
supplément aux officiers, je croirais pouvoir me fier, sous ce rapport, à
l’engagement qu’il prendrait, et je n’aurais plus rien à dire.
Il me reste à faire une observation, c’est que de
tous les employés des ministères, les employés du département de la guerre sont
ceux qui sont les moins bien rétribués. Dans les autres ministères on donne
quelquefois des gratifications aux employés, ceux du département de la guerre
n’en reçoivent pas.
M. Brabant,
rapporteur. - Il y a un moyen bien simple de
satisfaire et au vœu de la section centrale et à la demande de M. lé ministre
de la guerre ; c’est de diviser l’art. 2 de cette manière :
« Art. 2. Traitements des employés : fr.
165,000 »
« Art. 3. supplément aux officiers : fr.
8,000 »
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) - Messieurs, on a toujours raisonné
comme si les officiers pour lesquels l’allocation de 8,000 francs est demandée
faisaient partie du corps de l’état-major, mais ils appartiennent, pour la
plupart, aux régiments d’infanterie, de cavalerie et d’artillerie, et sont
détachés au département de la guerre. Il ne serait donc pas rationnel de porter
le chiffre demandé au chapitre d’état-major.
Quant à l’engagement que l’honorable préopinant désire
que je prenne, de ne pas employer plus de 8,000 francs pour supplément aux
officiers, je ferai remarquer que mon intention était, au fur et à mesure des
vacances des employés civils, de les faire remplacer par des militaires, et
cela dans l’intérêt des anciens officiers et aussi dans celui du trésor. J’ai
cru convenable de réunir dans un même chiffre le traitement des employés civils
et l’indemnité destinée aux militaires. Toutefois je me rallie, pour cette
année, à la division proposée par M. le rapporteur.
- Les deux articles nouveaux proposés par M. le
rapporteur, sont mis successivement aux voix et adoptés.
Article 4
« Art. 3. (qui devient l’art 4.) Matériel du
ministère : fr. 40,000. »
- Adopté.
Article 5
« Art. 4 (qui devient art.
5). Dépôt de la guerre : fr. 19,000 »
La section centrale ne propose pas d’amendement à
cet article.
- Il est adopté.
Article 6
« Art. 6. Secours à d’anciens militaires, à des
veuves et enfants mineurs : fr. 6,000 »
La section centrale propose d’ajouter au libellé les
mots : « Et à d’anciens employés du ministère de la guerre. »
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) - Je me rallie à cet amendement.
- L’art. 6 est adopté avec la modification proposée
au libellé par la section centrale.
CHAPITRE II. Soldes et masses, frais divers des corps
Section
première. Solde de l’état-major
Article premier
« Art. 1er. Etat-major général : fr.
497,000. »
La section centrale propose pour cet article le
chiffre de 562,851 fr. 60 c., au moyen de trois
transferts et d’une réduction de 2,948 fr. 40 c.
M. Brabant,
rapporteur. - Je ferai observer que, par suite de
la résolution que vient de prendre la chambre, le chiffre de la section
centrale doit être réduit de huit mille francs, car dans sa proposition se
trouvaient compris les huit mille francs qui font maintenant l’objet de l’art.
3 du chapitre premier.
Le chiffre de l’art. 1er du chap. II proposé par la
section centrale, n’est plus que de 554,851 fr. 60 c.
La réduction que propose la section centrale sur cet
article est de 2,948 fr. 40 c.
M. le ministre de la
guerre (M. de Liem) - Je ne puis me rallier à cette
proposition, la section centrale propose une réduction et des transferts
auxquels je crois devoir m’opposer. Elle demande que les 19,010 fr. de
traitements de deux généraux en disponibilité, ainsi que les 41,790 fr. de
traitement de cinq colonels commandants de place soient rétablis dans l’article
concernant l’état-major général. Ces sommes ont été distraites de l’article de
l’état-major général, parce que cet article ne doit comprendre que les
officiers-généraux en activité. Quant aux cinq colonels commandants de place,
on a trouvé plus rationnel de les comprendre dans le même article que les
autres commandants de place.
M. Brabant, rapporteur. - C’est encore une transformation que présentait le nouveau budget. Dans
les budgets antérieurs, l’article Etat-major général comprenait non seulement
les officiers généraux en activité, mais aussi les officiers généraux en
disponibilité. Si ma mémoire est fidèle, l’année dernière cet article
comprenait le traitement de deux lieutenants-généraux et trois généraux-majors
en disponibilité. Maintenant, il n’y a plus autant de généraux en disponibilité,
il n’en reste plus que deux, dont les traitements sont transférés à l’art.1er
du chap. VI. Mais M. le ministre laisse subsister la possibilité de la mise en
disponibilité d’officiers généraux compris dans son cadre. Pour s’en
convaincre, il suffit de voir les motifs de la réduction qu’il propose sur le
chiffre de cet article, réduction au moyen de laquelle il arrive à déduire pour
généraux en congé, payé sur d’autres fonds ou mis en disponibilité 103,472 fr.
55 c. Ainsi, sur ce chapitre, il entre dans les intentions de M. le ministre de
payer sur cet article les officiers généraux qui pourraient être mis en
disponibilité dans le courant de cette année. Pourquoi payer sur deux chapitres
des officiers qui se trouveraient dans une même position ? Vous prévoyez la mise
en disponibilité d’officiers généraux, vous faites une déduction de ce chef et
vous n’avez de fonds pour les payer qu’ici ou au chapitre 6, et au chapitre 6
vous n’avez des fonds que pour deux lieutenants-généraux et un général-major.
Maintenant le ministre de la guerre s’oppose encore
ce qu’on maintienne dans cet article le traitement de cinq colonels commandants
de province. Il s’y oppose sous le prétexte que ces officiers supérieurs n’ont
qu’une position sédentaire, un commandement territorial, et de ce chef les
assimile à des commandants de place. Mais dans l’article que nous discutons il
y a quatre officiers généraux commandants de province. Pourquoi n’a-t-on pas
porté aussi à l’art. 2 le traitement de ces officiers ? Il faut dire franchement
les choses. Cet article a pour but de dissimuler une augmentation de dépenses
résultant de l’augmentation du nombre des officiers généraux. Si, comme je
crois l’avoir établi dans le rapport, on fait revenir à cet article toutes les
sommes et si on opère une réduction du chef des traitement des officiers
généraux rétribués soit par le budget des affaires étrangères, soit sur
d’autres articles du budget de la guerre, on voit qu’il y a une véritable
augmentation. M. le ministre fait une réduction de 103,472 fr. 55 c., et nous, nous ne faisons qu’une réduction de 34,626 fr.
qui représentent le traitement du ministre de la guerre et de deux généraux
ambassadeurs, et au moyen de cela nous avons une réduction de 2,948 fr. 40 c.
Il n’y a pas de raison pour s’écarter des précédents. Toujours, depuis 12 ans,
tous ces traitements ont été portés à cet article comme le propose la section
centrale.
J’ajouterai une autre
observation, c’est qu’il est assez singulier que les aides de camp des colonels
gouverneurs de province, qui ne figurent ici que pour mémoire, reçoivent leur
supplément de traitement sur l’article 1er, tandis que leurs chefs sont payés
sur l’art.2.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, en ce qui touche
l’état-major général, le chiffre de la section centrale semble, à la première
lecture du rapport, être exactement le même que celui du ministre. En effet,
vous voyez, page 5 du rapport, que la section centrale dit :
« L’article actuel doit être recomposé ainsi qu’il
suit :
« 1° 2 généraux en disponibilité portés à
l’art. 1er du chap. VI, 19,010
« 2° 5 commandants de province, 41,790
« 3° Supplément aux officiers employés au
ministère de la guerre, 8,000
« 4° Somme demandée, 497,000
« Total, 565,800 »
Ainsi, à la première lecture on est porté à croire
que la section centrale se rallie au chiffre de 497,000 francs demandé pour la
solde de l’état-major général.
II est vrai que la section centrale dit ensuite que
la différence en plus serait de 2,948 fr. 40 c. Si j’ai bien compris M. le
rapporteur, il attribue cette augmentation à ce que des généraux se trouvent
employés à d’autres services publics. Mais, messieurs, les généraux employés à
d’autres services publics ne sont pas attachés à ces services pour toujours ;
il faut que le budget prévoie le cas où ils seront de nouveau
appelés à rendre exclusivement des services au département de la guerre.
Je crois qu’en ce qui concerne les transferts que la
section centrale propose d’opérer, on pourrait attendre, pour décider ce que
nous ferons, que nous eussions discuté chacun des articles du budget sur
lesquels se trouvent imputées les sommes que la section centrale veut en
distraire pour les porter à l’article maintenant en discussion. Sans cela, la
discussion sera fort embrouillée, on aura du mal à se comprendre. Je propose
donc de ne faire porter la discussion que sur le chiffre de 497,000 fr., que la
section centrale veut réduire de 2,948 fr. Compliquer cette question toute
simple à l’aide de transferts dont évidemment on ne peut juger la convenance,
que lorsqu’on aura discuté les articles auxquels on propose d’enlever les
sommes à transférer, c’est exposer la chambre à voter ces transferts sans
connaissance de cause.
Donc, il ne faudrait pas pour le
moment faire porter la discussion sur les transferts, puisqu’ils sont relatifs
à des articles postérieurs que nous discuterons plus tard. Si la chambre veut
opérer des transferts, il sera toujours possible de le faire, quand nous
arriverons à ces articles. Je demande qu’on suive cet ordre de discussion, pour
ne pas embrouiller les idées. Je demande que la discussion porte d’abord sur la
question de savoir si on adoptera la réduction de 2,948 fr., proposée par la
section centrale sur la somme demandée par le ministre. Je pense que M. le
rapporteur se ralliera à cette proposition.
M. Brabant, rapporteur. - Il ne peut y avoir aucun embarras dans cette discussion. La position
est très simple. Pendant toutes les années antérieures, les officiers-généraux
en disponibilité ont été portés à l’article de l’état-major général, et ils
n’en ont été distraits que pour dissimuler l’augmentation qui résultait du
projet d’organisation.
Il y a au chap. 6, art. 1er, une somme de 19,000 fr.
pour les généraux en disponibilité, et à l’art. 2 du chap. 2, pour cinq
commandants de province, une somme de 41,790 fr. Eh bien, nous proposons de
reporter les généraux en disponibilité à l’article où ils ont toujours été, et
où 4 généraux, qui sont dans la même position, se trouvent aussi placés.
Quant à l’observation faite par M. le ministre,
qu’il serait possible que des généraux en mission fussent rappelés, et dussent
toucher leur traitement de général, qu’ils ne touchent pas aujourd’hui,
puisqu’il ne peut pas y avoir cumul entre le traitement d’ambassadeur et le
traitement de général. La section centrale s’est tenue dans les indications
mêmes de M. le ministre, car elle ne fait qu’une déduction pour deux généraux
en disponibilité ou en mission, et ensuite pour des vacances de congé.
La section centrale vous a indiqué l’augmentation
des généraux. L’année dernière il y avait sept lieutenants-généraux ; cette
année il y en à huit en activité ; vous n’aviez alloué des fonds que pour seize
généraux-majors, cette année il y en a dix-sept ; ce qui fait une augmentation
assez ronde de 27,000 fr. à peu près.
Maintenant on a constitué un
corps d’état-major différent de celui de l’année dernière. L’année dernière, il
n’y avait que 37 officiers d’état-major, et le budget présentait pour cet objet
une dépense de 175,600 fr Cette année, il y a 46 officiers d’état-major, et la
dépense s’élève à 185,300 fr., ce qui fait une augmentation de 10,000 fr. Il y
a augmentation de 27,000 fr. pour deux généraux en plus, mais il y a diminution
par suite des missions, des congés et des mises en disponibilité.
Je dis donc que la section centrale s’est tenue dans
les indications de M. le ministre de la guerre, et qu’elle avait le droit de
faire et qu’elle a très raisonnablement fait ces observations ; et je persiste
dans les conclusions qu’elle vous a présentées.
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) - Messieurs, l’honorable rapporteur de
la section centrale est complètement dans l’erreur quant au nombre des généraux
majors ; il n’y a aujourd’hui que le même nombre porté l’année passée au
budget. C’est-à-dire il y en avait 16 en 1842, il y en a encore seize
aujourd’hui. L’honorable rapporteur a compris parmi les officiers de ce grade
un général qui est commandant de place, qui touche un traitement de six mille
et quelques cents francs.
M. Brabant, rapporteur. - C’est une erreur bien involontaire de ma part, puisque le budget ne
donne aucune indication à cet égard.
M. le ministre de la
guerre (M. de Liem) - L’honorable rapporteur a fait des
observations sur les aides-de-camp, qui, pour le supplément de solde, sont tous
portés au chapitre de l’état-major général ; mais il a semblé plus naturel de
placer tous ces aides-de-camp au même chapitre, que de les diviser, partie à
l’état-major général, et partie à l’état-major des provinces, comme le propose
la section centrale.
Quant aux généraux en disponibilité, ils figuraient
l’année dernière dans l’état-major, mais il m’a semblé plus régulier, puisqu’il
y a un chapitre spécial pour tous les grades en disponibilité, non-activité,
d’y mettre les officiers généraux comme les officiers supérieurs.
M. Brabant, rapporteur. - M. le ministre de la guerre vient de vous dire qu’il aurait été
déraisonnable de partager les aides-de-camp et les commandants de province, en
mettant les premiers dans l’état-major général et les seconds dans l’état-major
des provinces et des places ; mais ce qui n’est pas raisonnable pour les
aides-de-camp ne doit pas être raisonnable pour les généraux. Et cependant il y a quatre généraux commandants de province qui sont
payés sur l’art. 1er, et cinq colonels commandants de provinces qui sont payés
sur l’art. 2. Ce qui n’est pas raisonnable pour l’accessoire ne doit pas l’être
pour le capital ; quant à moi, je ne le crois pas. Aucune raison ne nous a été
donnée sur un autre point, en ce qui touche les généraux en disponibilité, pour
le transfert qu’on a fait au chapitre 6. Je dis qu’il est mauvais de faire deux
catégories de généraux en disponibilité. Je dis que tous ceux qui sont dans la
même position doivent être payés sur le même fonds.
Je ne crois pas devoir insister davantage sur cette
mesure d’ordre, mais je ne crois pas qu’on puisse s’écarter des précédents
établis, à moins de raisons péremptoires, et je pense que l’on n’a changé la
forme, que pour masquer une augmentation considérable.
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) - Messieurs, il y a des commandants de
province de deux catégories ; les uns sont des généraux, les autres sont des
colonels, et viennent de l’infanterie ou de la cavalerie ; tous les généraux
sont portés au cadre des officiers généraux pour les réunir dans un même
article ; il était tout naturel de mettre les colonels commandants au chapitre
qui concerne les officiers de cette catégorie, puisqu’ils ne font plus partie
du cadre des officiers généraux, ni du corps spécial d’état-major.
Quant à la distinction que l’honorable
rapporteur fait entre les officiers généraux en disponibilité, il présume qu’il
doit y avoir deux catégories ; quant à moi, je n’en vois qu’une, et tous les
officiers- généraux dans cette position seront portés au chap. VI.
M. le
président. - La section centrale propose le
transfert à cet article d’une somme de 10,000 fr. pour deux généraux en
disponibilité, et de 41,790 fr. pour cinq commandants de provinces. M. le
ministre des travaux publics demande qu’avant de statuer sur ce transfert, on
soit arrivé à l’article suivant et à l’art. 1er du chap. VI.
M. Osy. - Messieurs, il me paraît que nous pouvons décider la question de suite,
car à l’art. 2 vous allez être appelés à décider sur le maintien ou sur le
transfert de 41,790 fr. Il me semble donc qu’il est plus simple de décider de
suite cette question à l’art. 1er.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, l’ordre de discussion
que j’ai indiqué est le plus régulier, et le seul même qui soit admissible ;
car vous ne pouvez pas voter le retranchement d’une somme d’articles qui n’ont
pas été discutés ni examinés. Ainsi, la section centrale propose de retrancher
de l’art. 1er du chap. VI, qui est presque le dernier chapitre du budget, une
somme de 19,000 fr., pour la reporter à l’article actuellement en discussion.
Eh bien, vous ne pouvez pas voter sur le retranchement d’une somme aussi forte,
sur un article que vous ne discutez que beaucoup plus tard. Il faut donc
attendre que vous soyez arrivés à cet article pour savoir si vous retrancherez
cette somme, et si vous la reporterez à l’article maintenant en discussion.
Quant à
l’observation que vient de faire l’honorable M. Osy, qu’il y a une de ces
sommes que vous allez voter immédiatement à l’article 2, il n’en est pas moins
vrai que cet article n’a pas encore été discuté ; et je ferai observer de
nouveau que dans les sommes dont on propose le transfert, il y en a une qui se trouve
portée à la fin du budget, et qu’on ne peut retrancher des sommes d’un article
qui ne sera discuté peut-être que dans 2 ou 3 jours.
M. de Garcia. - Je ne conçois pas la logique de M. le ministre, qui dit que quand on
arrivera au chapitre auquel il a fait allusion, on proposera le retranchement.
Mais, messieurs, puisqu’on examine maintenant la question principale, il n’y a
aucune difficulté à décider dès à présent le retranchement de cette somme du
chap. VI.
M.
Brabant, rapporteur. - M. le ministre demande que la
chambre ajourne la question du transfert et pense que cette question n’est pas
assez éclaircie. Quant à moi, je crois qu’on a dit maintenant tout ce qu’on
pourra dire à l’art. 1er du chap. VI. La section centrale est d’accord avec M.
le ministre, pour allouer le traitement de cinq colonels commandants de places,
ainsi que le traitement de deux officiers généraux en disponibilité. La seule
question qui existe, est celle de savoir où on portera les fonds destinés à ces
traitements. Nous sommes donc d’accord sur le fond ; il ne s’agit que d’une
simple mesure d’ordre, et je crois qu’elle est parfaitement éclaircie. Toutes
les raisons données pour le démembrement de l’ancien article ne sont nullement
suffisantes. J’ai déjà eu l’honneur de vous dire que, jusqu’à présent, les
officiers généraux en disponibilité, avaient été payés sur le même fonds que
les officiers généraux en activité ; et nous demandons qu’ils restent dans la
même catégorie
M. le ministre de la guerre avoue que quatre
officiers généraux commandants de provinces sont payés sur l’art. 1er. Nous
demandons que les cinq colonels commandants de provinces, qui ne diffèrent des
autres que par l’infériorité du grade, soient aussi payés sur cet article.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières) - Encore une fois, messieurs, si la
section centrale est d’accord avec M. le ministre quant la hauteur des chiffres
qu’elle propose de transférer, elle n’est pas du tout d’accord avec lui sur le
mode d’imputation, sur les transferts en eux-mêmes ; je dis, quant à moi, qu’on
ne peut bien juger la question de transfert que lorsqu’on aura discuté les
articles dont on veut distraire ces sommes pour les transférer à l’article
actuellement en discussion. Cela me paraît évident. Pour savoir s’il y a lieu,
oui ou non, de retrancher d’un article du budget une somme plus ou moins
considérable pour la transférer à un autre article, il faut avoir discuté et l’un
et l’autre de ces articles.
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) - Messieurs, il y a des commandants de
provinces de deux catégories très distinctes, quoi qu’en dise l’honorable rapporteur.
Les généraux font partie de l’état-major général et doivent être compris dans
l’article en discussion. Les autres commandants de provinces sont des officiers
d’infanterie ou de cavalerie, qui ne peuvent figurer à cet article.
M. Brabant, rapporteur. - Je ferai remarquer que le changement de rédaction, que propose M. le
ministre, porte sur les développements, que dès lors il n’y aurait rien de
changé au budget.
Si l’on retranche les motifs, la rédaction devra
aussi disparaître, et vous aurez une augmentation de cent et des mille francs.
- La discussion est close.
La proposition de M. le ministre des travaux publics
d’ajourner la discussion sur les transferts à l’article suivant et à l’art. 1er
du chap. VI. est mise aux elle n’est pas adoptée.
Le transfert de la somme de 41,790 fr. prise dans
l’article suivant est mise aux voix et adopté.
Le transfert de la somme de 19,010 fr. prise dans
l’article 1er du chap. VI est aussi adopté.
M. le président. - Par suite de ce vote le chiffre du gouvernement s’élève à la somme de
537,800 fr.
La section centrale propose un chiffre de 554,851
fr. 60.
- Le chiffre du gouvernement est d’abord mis aux
voix ; il n’est pas adopté.
Le chiffre proposé par la section centrale est
adopté.
Articles 2 et 3
« Art. 2. Etat-major des provinces et des
places : fr. 223,246 »
« Art. 3. Service de l’intendance, fr. 109,151
50 »
- Ces deux articles sont adoptés.
« Art. 4. Service de santé : fr. 280,855
25 »
M. Verhaegen. - Messieurs, je ne conteste pas le chiffre propose par le gouvernement,
mais j’ai une observation à vous présenter sur l’art. 4 (service de santé), ou
plutôt j’ai une interpellation à faire à M. le ministre de la guerre.
Les officiers de santé sont en général très mal
traités.
Des gens qui ont passé les plus belles années de
leur vie dans des études profondes et ardues et qui ne cessent ensuite de se
sacrifier au bien-être de l’humanité sont assimilés à des officiers subalternes
qui n’ont à connaître que leur théorie militaire.
Tout le monde sent l’injustice de cette position, et
la chambre depuis longtemps l’a reconnue.
Le redressement de ce grief n’est pas douteux. Le maintien
de l’état des choses actuel est trop décourageant pour qu’il puisse être
soutenu plus longtemps.
Mais une injustice encore plus criante a déjà reçu
un commencement d’exécution et va, peut-être, s’accomplir tout à fait si le
gouvernement ne veut pas abandonner la voie dans laquelle il est entré.
Plusieurs médecins adjoints du service de santé ont depuis plus de quinze mois
passé leur examen de médecins de bataillon, sous la promesse formelle d’être
placés à la première occasion avec le grade que leur examen leur conférait.
Qu’a-t-on fait ? Malgré le besoin reconnu de pourvoir au besoin du service qui
demandait impérieusement la nomination de plusieurs médecins de bataillon, M.
le ministre n’a eu égard à aucune remontrance, et le service de santé est resté
et reste encore incomplet et en souffrance.
Maintenant, comme palliatif l’on envoie, au lieu de
médecins de bataillon, des médecins adjoints, pour en remplir les fonctions
sans vouloir même leur en accorder le traitement.
A quoi donc servent les examens des médecins
adjoints passés même avec la plus grande distinction, alors que quinze mois
après ces examens ceux qui les ont subis, et qui sont sortis victorieux de la
lutte, sont renvoyés comme médecins adjoints aux corps qui ont besoin de
médecins de bataillon.
Mon observation n’est faite que
dans l’intérêt des bonnes études : ceux qui se distinguent ont droit à des
récompenses, la loi le veut, et le gouvernement ne peut pas contrarier la loi.
Je viens donc prier M. le ministre de la guerre de
nous donner quelques explications sur l’abus que je signale.
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) - Je donnerai ces explications à la
prochaine séance.
M. Brabant, rapporteur. - Je pourrai donner immédiatement quelques explications, en tant que le
budget puisse me les fournir
Il n’y a que vingt-cinq médecins adjoints ; 20 sont
attachés aux hôpitaux et ne reçoivent qu’un traitement de 1,500 fr. 5 sont
attachés à différents corps, notamment dans la cavalerie et dans l’artillerie ;
ceux-là reçoivent un traitement de 2,100 fr. Cette différence de 600 fr., qui
se trouve entre les traitements de ces deux catégories d’officiers de santé du
même grade, s’explique naturellement par les avantages dont jouissent les médecins
adjoints attachés aux hôpitaux ; car ceux-ci sont logés et nourris, et je ne
crois pas que le logement et la nourriture d’un officier de santé puissent être
estimés à une somme moindre de 600 fr. Je crois que cela coûte davantage au
gouvernement.
Comme je l’ai dit, les cinq
médecins adjoints qui sont attachés aux corps reçoivent un traitement de 2,100
fr. Je ne prétends pas dire qu’il y a prodigalité dans la fixation de ces
traitements, mais je crois qu’ils sont suffisants pour des jeunes gens qui débutent
dans la carrière.
Du reste, si les nécessités du service exigeaient
que ces cinq médecins adjoints devinssent médecins de bataillon, je ne m’y
opposerais pas.
M. Verhaegen. - Messieurs, l’observation que j’ai faite à M. le ministre de la guerre a
une portée tout autre que celle que lui a attribuée l’honorable rapporteur de
la section centrale. J’ai dit qu’il y a des médecins adjoints qui, depuis
longtemps, ont subi leurs examens comme médecins de bataillon avec grande distinction,
d’où est résulté pour eux un droit à la promotion, c’est ce que je viens
réclamer et que le gouvernement semble méconnaître ; il consiste et dans le
grade et dans les appointements qui y sont attachés.
Si mes renseignements sont exacts, il manque
plusieurs médecins de bataillon, et cependant qu’a fait le gouvernement ? Au
lieu de nommer les médecins adjoints, qui ont subi leur examen, il n’a pas fait
de nominations, il s’est borné à faire remplir les fonctions de médecins de
bataillon ad interim par ceux qui avaient droit à en
être les titulaires.
Le seul but de mes observations c’est de faire
remarquer que si l’on continue à agir de la sorte, on découragera ceux qui se
livrent à des études ardues. J’ai parlé dans l’intérêt de la science et j’ose
espérer que M. le ministre reconnaîtra le fondement de mes réclamations et
qu’il y fera droit.
- L’article est mis aux voix et adopté.
Article 5
« Art. 5. Indemnités aux généraux, aux
commandants des corps et officiers dans une position spéciale : fr. 25,000 »
Adopté.
Section II. Solde et habillement des diverses armes
Article premier
« Art. 1er. Infanterie : fr. 10,334,000. »
M. le président. - La section centrale propose le chiffre de 8,857,288
fr. 18 c.
M. le ministre de la guerre a déclaré ne pas se
rallier à la réduction proposée par la section centrale.
M. Devaux. - Messieurs, j’hésitais à prendre la parole. II me semblait que la tâche
de défendre les propositions de M. le ministre de la guerre revenait à d’autres
plus naturellement qu’à moi. Je remarque une circonstance singulière, c’est que
jusqu’ici ce sont exclusivement des membres de l’opposition qui ont appuyé le
gouvernement dans cette discussion, et cette majorité mixte, sur laquelle le ministère
se dit si solidement assis, lui fait complètement défaut dans un débat où il
s’agit de l’intérêt le plus gouvernemental qui fut
jamais, de l’intérêt de la défense du pays. Quelque bizarre, messieurs, que
soit cette position, je l’accepte. Il est pour moi des questions qui dominent
les questions de partis, devant lesquelles j’oublie les divisions qui nous
séparent, devant lesquelles je ne me souviens que d’une seule chose, c’est que
je suis Belge. Car si sous notre forme de gouvernement il faut savoir accepter
franchement les dissidences et la lutte des opinions, fruit inévitable de leur
liberté même, les bons citoyens, quelque divisés qu’ils soient, n’en sont pas
moins unis par un lien puissant, tous sont enfants de la même patrie, tous se
tiennent entre eux par le lien du patriotisme et de la nationalité.
Lorsqu’en Angleterre, la puissance maritime de la
Grande-Bretagne est en question, il n’y a plus ni whigs ni tories. En France,
quand récemment il s’est agi des fortifications de Paris, l’on n’a plus reconnu
les partis ; le parti de l’opposition s’est mêlé à celui du gouvernement.
La question que nous discutons, messieurs, est, à
mon avis, la plus importante que l’on puisse examiner dans le parlement belge.
Il s’agit du rôle de l’armée ; il s’agit de l’importance que nous donnerons
définitivement à nos institutions militaires. Je le sais, cette importance
n’est pas également appréciée par tout le monde ; un honorable orateur de mes
amis nous disait, l’autre jour, que tout le monde part du même point, c’est que
la Belgique doit avoir une armée forte, une armée imposante ; je ne partage pas
son opinion, je crois qu’il se trompe ; selon moi, on est fort divisé dans
cette chambre et dans le pays sur ce qui concerne l’armée : suivant les uns, et
ce n’est pas le plus grand nombre, une armée imposante est d’un intérêt très
grave pour la Belgique ; suivant les autres, cet intérêt est beaucoup moindre ;
suivant d’autres encore, l’importance de l’armée est douteuse ; suivant
d’autres, enfin, elle est à peu près nulle. Quant à moi, je suis de ceux qui
attachent aux institutions militaires un prix immense ; suivant moi, le premier
intérêt qu’il y ait pour une nation jeune, qui entre dans le monde politique,
une des conditions les plus sérieuses de ses destinées, de son existence, est
dans la question de son organisation militaire. Messieurs, permettez-moi une
hypothèse exagérée ; si la Belgique pouvait dire : Je dispose d’ure armée de
200,000 hommes, n’est-il pas vrai que toute sa position serait changée en
Europe, son sort serait complètement modifié a ses propres yeux ; sa neutralité
serait assurée ; son existence paraîtrait définitive à tout le monde, à
l’intérieur et à l’extérieur. Donc, aux yeux de tout le monde, la solidité de
l’existence de la Belgique dépend et en grande partie, peut-être avant tout,
aujourd’hui de son organisation militaire. Si elle n’a pas une armée que
l’étranger juge imposante, juge suffisante, sa position n’inspirera pas
confiance à l’intérieur, et quand à l’extérieur on s’occupera de nous, nous ne
pèserons pas dans la balance ce que nous devons et pouvons y peser. Si le pays
lui-même a l’opinion que son armée n’est pas suffisante pour sa défense, le
sentiment national ne se développera pas, le pays n’aura pas confiance en son
avenir, et lorsqu’un peuple n’a pas cette confiance il ne grandit pas, il ne
s’affermit pas ; on ne s’attache pas à une nationalité impuissante, qui n’a pas
de ressource en elle-même, qui est résignée à s’évanouir sous le moindre
souffle de l’orage.
Suivant beaucoup de personnes, parce que nous sommes
neutres, nous ne devrions avoir qu’une apparence d’armée, nous ne devrions
avoir qu’une armée qui fût une institution militaire, beaucoup plus par le nom,
que par le fond même des choses. A mon avis, c’est là une profonde erreur ;
notre neutralité, je ne crains pas de le dire, est un motif de plus, qui nous
commande d’avoir des forces imposantes disponibles dans un moment de guerre. Si
vous vouliez renoncer à la neutralité, et si vous le pouviez ; si vous vouliez,
par exemple, vous mettre sous la protection d’un Etat voisin, vous abandonner
aveuglément à la loyauté ; à celle des partis qui peuvent successivement le
dominer, alors vous pourrez supprimer notre armée, parce qu’alors votre
protecteur se chargerait de vous défendre contre d’autres ennemis. Etre neutre,
c’est être chargé de se défendre soi-même, c’est se charger de résister par
soi-même à la première attaque, n’importe de quel côté elle vienne.
Je dis, messieurs, que l’ancien gouvernement des Pays-Bas
n’avait pas tant de précautions à prendre que nous pour sa sûreté extérieure,
et cela pour plusieurs raisons : parce que, dans l’opinion de l’Europe, il
était solidement assis ; parce que, en Europe, il avait moins d’ennemis que
nous, mais surtout parce qu’il n’était pas neutre. Le rôle du roi des Pays-Bas
en cas de guerre était tracé ; ses alliés venaient à son secours, les
forteresses étaient à l’instant même occupées par eux. Dès lors le roi des
Pays-Bas n’était pas obligé de suffire lui-même à un premier choc. Sommes-nous
dans cette position ? Supposez qu’une guerre éclate ; il y aurait un premier
moment d’hésitation chez toutes les puissances, sans distinction, sur la
question de savoir si l’on respecterait notre neutralité, moment terrible pour
nous. A l’est comme au sud, on se demandera si nous sommes en état de garder
nos forteresses, si elles ne sont pas destinées à être occupées par celui qui
marchera le plus vite sur elles ; et s’il n’y aurait pas duperie à respecter
une neutralité, que d’autres peuvent violer les premiers à leur profit. Nous
n’échapperons aux résultats calamiteux de cette incertitude que par un seul
moyen, c’est d’inspirer de la confiance par notre attitude à tous nos voisins,
c’est de leur montrer, de longue main, que nous avons la volonté ferme et en
même temps les moyens organisés de nous défendre contre un premier choc. Dans
un tel moment, nous sommes perdus si l’on peut croire, si l’on peut dire que
nous sommes insuffisants pour résister à un premier effort. Remarquez-le bien,
ce n’est pas seulement l’ambition de nos voisins que nous avons à craindre,
mais nous avons à redouter de leur part l’effet d’une défiance très naturelle ;
il est très naturel qu’en cas de guerre la France craigne de nous voir envahis
par l’Allemagne ; il est très naturel que l’Allemagne craigne de nous voir
envahis par la France. La guerre déclarée, il y a d’ailleurs d’autres
tentatives encore qui pourraient nous être fatales.
Croyez-vous, par exemple, que si la France faisait
la guerre en Allemagne, et si l’on ne nous croyait pas en état de défendre
notre neutralité, croyez-vous que l’Angleterre ne serait pas tentée de jeter
des troupes dans notre pays pour couper l’armée française. Contre de pareilles
tentatives, je le répète, il n’est pas de plus sûre garantie que l’attitude que
nous prendrons nous-mêmes, que l’opinion que nous aurons su donner à l’Europe
de nos intentions et de nos forces.
Cette grande question de l’établissement militaire,
du système militaire de la Belgique, on veut la trancher aujourd’hui avec une
singulière légèreté, on veut la trancher incidemment à propos du budget et sous
l’impression d’un déficit momentané ; c’est sous l’impression des répugnances
qu’inspire l’établissement de certains impôts que l’on veut poser les bases permanentes
de l’organisation militaire du pays, que l’on veut décider définitivement la
question de tout notre avenir militaire. Et comment la trancherions-nous ? Sans
l’avoir examinée. Car la question de notre système militaire est loin d’avoir
été discutée, elle n’a pas été examinée, je pourrais dire qu’elle n’a pas été
posée. Et l’on veut la trancher sous l’influence d’une seule personne qui n’est
pas même militaire. Hier, messieurs, on vous le disait avec raison, nous ne
connaissons pas les premières bases de notre système de défense ; nous ne
savons pas encore quelles sont les forteresses que nous aurons à garder, et
dans l’ignorance de cette base, nous agirions comme si nous avions un système
définitif, comme si tout était décidé.
Ce n’est pas seulement cet élément qui reste indécis
; tous les éléments de la question sont encore dans l’incertitude. Qu’avez-vous
décidé des bases du système militaire ? On raisonne sur des bases que je pourrais appeler
hypothétiques. Ainsi on prend pour point de départ du pied de guerre un
effectif de 80,000 hommes, mais où cet effectif a-t-il été décidé pour toujours
? Il n’y a jamais eu de discussion, de décision raisonnée à cet égard.
L’effectif se trouve fixé à 80,000 hommes, on a laissé subsister ce chiffre,
mais jamais on ne l’a discuté. Où avez-vous décidé quel sera le rôle de la
réserve ? Nulle part ; et cependant la question de
l’organisation de l’armée dépend certainement aussi de la question de savoir
quel sera le rôle de la réserve.
Quel sera, en cas de guerre, le rôle de la garde
civique mobilisée ? Nulle part vous n’en dites mot. Et cependant plus la garde
civique fera, moins l’armée active sera obligée de faire, ou au moins si la
garde civique mobilisée peut prêter une assistance efficace et solide à l’armée,
votre rôle militaire peut grandir, vous pouvez faire ce dont vous désespériez
peut-être avec le secours plus restreint de l’armée de ligne.
Quel est le rôle que vous destinez à l’armée en cas
de guerre ? Faites-vous une armée avec la seule mission de garder vos
places fortes ? Il peut exister, par exemple, cette opinion que si l’ennemi
envahit le territoire, il faut que l’armée belge se retire dans les places
fortes, s’y maintienne, se croise les bras et laisse les envahisseurs se battre
entre eux sur le territoire belge ? Est-ce là la destination de l’armée ? Ou
veut-on qu’en même temps qu’elle garde les places fortes, elle se mesure en
plaine avec l’ennemi ? Voilà toutes questions auxquelles personne dans cette
chambre ne pourrait répondre ; voilà toutes questions qui ne sont pas seulement
posées ; et on voudrait les franchir toutes à la fois pour trancher incidemment
la question de l’organisation définitive de l’armée !
Resterez-vous, d’ailleurs, dans le système
d’organisation française ? Ou bien vous rapprocherez-vous du système prussien,
système beaucoup plus défensif, plus économique que le système français ?
C’est encore une partie du problème sur laquelle nous n’avons jusqu’ici reçu
aucun élément de solution.
Quel est le rôle que nous destinons à la cavalerie ?
Il dépend de celui que vous assignez à l’armée tout entière. Si l’armée n’a
d’autre destination que de garder les places fortes, la cavalerie devient bien
moins importante ; mais si l’armée était destinée à résister en plaine aux
envahisseurs, la cavalerie est alors beaucoup plus nécessaire.
Il en est de même de votre artillerie ; suivant le
rôle que vous destinerez à votre armée, il vous faut plus ou moins d’artillerie
mobile. Organiserez-vous une artillerie dans votre garde civique, c’est un
nouvel élément qui doit avoir son influence sur l’organisation de l’artillerie
dans l’armée de ligne.
Toutes ces questions, je le répète, loin d’avoir été
discutées, examinées, n’ont, pour ainsi dire, pas même été posées, et par
conséquent nous sommes complètement hors d’état aujourd’hui, sur l’autorité
d’un seul homme, de trancher la question de l’organisation de la loi.
Messieurs, à mon avis, tous les ministres de la
guerre ont eu un tort, celui de laisser dans l’ombre la question du système
militaire de la Belgique. Si j’avais l’honneur d’être ministre de la guerre, je
ne le serais pas pendant un mois que cette question serait à l’ordre du jour du
pays tout entier. Je la mettrais au concours dans l’armée. Il y a dans l’armée
un grand nombre d’hommes de sens et de cœur qui convaincraient le pays. Une
grande partie du pays, je le crois, il en est de même d’une grande partie des
membres de cette chambre, sont dans l’erreur sur l’importance du rôle qu’une
armée belge peut remplir ; mais ni dans le pays, ni dans cette chambre, à
l’égard d’un intérêt qui se lie si intimement à l’avenir de la nationalité, il
n’y a d’erreur invincible.
Je voudrais qu’ensuite une commission d’hommes
capables examinât la question, et l’examinât tout entière, sans préoccupation
de position personnelle, sans s’inquiéter de savoir ce que pense tel membre de
la section centrale, tel membre de la majorité ou de l’opposition. Je voudrais
que le système fût examiné et discuté dans toute son étendue, avec une complète
indépendance d’esprit, dans ses rapports, les ressources et les besoins d’un
pays ; cela fait, le gouvernement livrerait à la publicité le travail de la
commission ; on en extrairait ce qui peut le mieux éclairer le pays. Il se
présenterait dans cette chambre avec des autorités, un travail parfaitement
préparé ! La question aurait été mûrement débattue sous toutes ses faces, et
non pas seulement au point de vue étroit de l’intérêt fiscal du moment, intérêt
respectable, sans doute, mais qui fléchit devant des intérêts plus élevés.
Quant à moi, tant que je n’aurais pas mes
apaisements sur le système militaire du pays, je ne consentirai pas à
désorganiser ce qui existe, car je ne sais pas si je pourrais refaire par la
suite ce que j’aurais défait, ni comment je pourrais le refaire.
L’armée, telle qu’elle existe aujourd’hui, est le
fruit de 12 années de travaux et de progrès. Ces progrès sont considérables. Il
y a dans l’armée un grand nombre d’officiers qui se sont dévoués pendant 12 ans
aux travaux les plus pénibles, et qui l’ont fait avec le plus grand fruit. Car,
messieurs, les étrangers commencent à rendre justice à notre armée ; il y a
certainement des parties de notre armée que l’étranger admire aujourd’hui, et
qui font grand honneur à la Belgique. Un grand progrès aussi dans l’armée, outre
celui de l’instruction, de la discipline, de l’esprit militaire, c’est celui du
sentiment de la nationalité, ce sentiment est aujourd’hui très vif.
Rappelons-nous que c’est à nous, non de le décourager, mais de le développer.
Irons-nous en aveugles et à la légère risquer d’arrêter ce progrès, d’aliéner
le sentiment national, de décourager l’armée, et tout cela sans savoir où nous
allons, sans savoir si demain nous ne reviendrons pas sur nos pas ; tout cela,
parce que nous nous trouvons en présence d’un déficit momentané qu’on n’a pas
su ou voulu couvrir ?
Messieurs, je rends une parfaite justice à
l’activité de M. le rapporteur ; j’aime beaucoup, dans cette assemblée, des
hommes qui se dévouent à une tâche que les autres négligent ; je sais beaucoup
de gré de son activité à l’honorable M. Brabant, mais cependant il trouvera
naturel que je n’aie pas une confiance absolue dans tout ce qu’il nous soumet.
Je dirai même que je suis un peu en défiance contre cette grande influence
qu’exerce sur nous M. le rapporteur, parce qu’il est de la nature de toutes les
influences, comme de tous les pouvoirs qui manquent de contrepoids, d’être
exposées à abuser d’elles-mêmes.
Je trouve que les raisonnements de l’honorable
rapporteur manquent souvent de base. Il raisonne dans des hypothèses qu’il ne
prouve pas. Ainsi, par exemple, l’honorable rapporteur part de cette
supposition que l’armée belge doit être le huitième de celle de la France ;
mais les raisons de cette proportion, où sont-elles ?
Pourquoi notre armée doit-elle être précisément le
huitième de celle de la France, ni plus, ni moins ? Je n’en sais rien (interruption) ; eu égard à la
population, me dit M. le ministre des affaires étrangères, qui paraît de l’avis
de l’honorable M. Brabant.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Pas du tout.
M. Devaux. - Si vous prenez la population pour base, pourquoi prenez-vous votre
mesure sur la France uniquement ? Si la population est le seul élément à consulter,
pourquoi prenez-vous la France pour modèle plutôt que la Prusse ? En Prusse, le
rapport entre la population et l’armée est tout autre qu’en France, et vous
arriveriez, par suite de la comparaison avec la population de la Prusse, à un
résultat tout nouveau pour l’armée belge. Or, pourquoi devons-nous prendre nos
mesures plutôt sur la France que sur la Prusse ? Y a-t-il quelque chose qui
indique que nous devons être le huitième de la France plutôt que le tiers de la
Prusse ?
Si M. le ministre des finances venait vous dire : «
Je vous demande une allocation pour porter le nombre de douaniers au huitième
du nombre de douaniers de France, attendu que la population de la Belgique est
à celle de la France comme un est à huit. », vous ririez de lui, vous lui diriez
: La question n’est pas de savoir si la population de la Belgique est dans tel
ou tel rapport avec celle de France, mais de savoir quels sont les besoins du
pays, et de mettre le nombre des douaniers en rapport avec ces besoins.
Si un ministre de la justice venait vous demander
une augmentation du personnel des tribunaux, uniquement parce que ce personnel
n’atteindrait pas le huitième du personnel des tribunaux de France, ce ministre
forcerait sans doute un singulier accueil dans cette chambre, et vous le
forceriez à établir sur de meilleures bases les besoins de la justice.
Sous d’autres rapports, il semble que M. le
rapporteur passe sous silence des circonstances très importantes quant à la
France. Ainsi, pour l’artillerie, par exemple, je crois que l’honorable M.
Brabant oublie toute la côte maritime de la France ; cette côte se défend en
grande partie par l’artillerie de marine, et l’on ne tient pas compte de cette
artillerie.
Une circonstance qu’on perd de vue, quant à
l’artillerie, c’est qu’en France, dans beaucoup de places fortes, il existe une
artillerie de la garde nationale. Cela est très important. Si en Belgique vous
organisiez dans les places fortes une artillerie de la garde civique, cette
garde devrait être prise en très grande considération dans l’organisation
générale.
J’ai entendu l’honorable M. Brabant énumérer le
nombre d’hommes qui composent les garnisons, et le nombre d’officiers
correspondant aux hommes sous les armes, d’après un tableau qui a été dressé
dans le temps par le général Buzen. A mon avis, ce tableau qui a fait quelque
impression ne prouve rien. D’après ce document, il semble y avoir peu de
proportion entre le nombre des officiers et celui des soldats. Mais est-ce en
ce qu’il y a trop d’officiers ou est-ce qu’il y a trop peu de soldats ?
L’honorable M. Brabant soutient qu’il y a trop d’officiers ; pour moi, il ne
m’est pas prouvé qu’il n’y eût pas trop peu de soldats. L’honorable rapporteur
a dit hier que l’effectif sous les armes à cette époque était de 17,000 hommes.
Il est certain que si vous voulez calculer votre armée sur un effectif de
17,000 hommes, alors le nombre actuel des officiers doit avoir quelque chose de
disproportionné ; tout l’effectif reste dans ses limites. Mais remarquez que
par des crédits globaux et par des recommandations incessantes on a fait un
devoir aux ministres de la guerre et surtout au général Buzen de faire des
économies. Qu’ont fait les ministres de la guerre qui sentaient la grande
importance de la conservation des cadres ? Ils ont opéré des économies en
diminuant le nombre des soldats retenus sous les armes, ils ont multiplié les
congés, pour réduire le chiffre des dépenses, et pour pouvoir maintenir les
cadres. La disproportion que vous signalez, c’est donc vous-mêmes qui l’avez
occasionnée ; vous avez forcé les ministres de la guerre à ne tenir sous les
armes qu’un nombre d’hommes proportionnellement faible.
Enfin, ce qui me frappe aussi, c’est que l’honorable
M. Brabant, de son aveu, n’arrive plus à un effectif de guerre de 80,000
hommes, que cet effectif, qui avait servi de point de départ, se trouve réduit,
si j’ai bien compris, à 50,000 hommes ; donc on ne respecte pas même la base du
système incomplet qui existe.
Je désire, quant à moi, qu’il soit possible, en
respectant la prérogative du gouvernement et en lui laissant la latitude
nécessaire pour faire face aux événements, de faire une loi sur l’organisation
de l’armée. Je verrais là plus de sécurité, plus de stabilité pour les
militaires ; j’y verrais aussi un autre avantage, c’est que la question serait
décidée sous d’autres préoccupations que celles du budget, elle serait décidée
en vue de la chose même, tandis que quand nous discutons le budget et que
surtout nous nous voyons en présence d’un déficit, il est impossible de ne pas
se laisser trop préoccuper de la situation financière du moment. Une question
pareille mérite bien d’être examinée en elle-même et pour elle-même. Toutes les
grandes institutions du pays ont été discutées ainsi, et celle qui est le
couronnement des autres, l’organisation militaire, mérite bien le même honneur.
Ce n’est pas transitoirement, en quelques jours et à propos de questions d’un
tout autre ordre, que nous devons la trancher.
Mais quelle que soit la décision
de la chambre c’est, à mon avis, un devoir pour le gouvernement d’éclairer le
pays sur cette grave matière, et quand le pays sera éclairé, le contrecoup sera
senti dans la chambre. Il ne faut pas, messieurs, désespérer du pays, il a fait
d’immenses progrès depuis douze ans. Il en fera d’autres encore, ayez confiance
en lui. Démontrez-lui la nécessité et la possibilité de sa défense, et il aura
confiance en ses propres forces ; le pays est prêt à avoir confiance en
lui-même. Dès qu’il aura confiance dans la possibilité de se défendre, cette
possibilité sera une réalité. Combattez cette idée que la Belgique est faible,
qu’elle ne peut pas se défendre, qu’elle n’a de ressource que dans les secours
de l’étranger, ce sont de déplorables erreurs. Que le gouvernement éclaire la
nation, qu’il lui montre sa force, qu’il lui montre tout ce qu’elle peut pour
elle-même, et ainsi on raffermira le sentiment national et l’intérêt de l’armée
dans cette chambre comme en dehors de cette chambre sera bientôt compris comme
il doit l’être.
M. Demonceau. - Quand j’ai demandé la parole, j’avais l’intention de présenter des
chiffres ; mais en entendant l’honorable préopinant, j’ai changé d’avis ; je
vais répondre immédiatement à quelques-unes de ses observations. A entendre
l’honorable préopinant, l’opposition seule appuierait à ce moment le
gouvernement. Je ne sais ce que l’honorable membre entend par opposition, mais
je puis assurer que si je raisonne d’après les paroles qu’il vient de
prononcer, il n’est personne, selon moi, qui ait fait au ministère une
opposition aussi bien motivée que celle qu’il vient de faire. Il vous a prouvé
en effet que le gouvernement avait proposé un budget normal, tandis que la
question n’est pas instruite. Il reconnaît que le gouvernement nous a mis dans
une alternative telle que nous ne pouvons prendre de résolution.
Où M. le rapporteur a-t-il pris les bases du projet
de la section centrale ? Dans les actes des amis de l’honorable préopinant. Si
je ne l’avais pas vu à son banc pendant le discours de M. le rapporteur,
j’aurais cru qu’il ne l’a pas entendu, M. le rapporteur vous a dit que ce qu’il
proposait était l’œuvre du cabinet de 1832, l’œuvre du général Evain primé même
par M. de Brouckere.
M. Lebeau. - Je demande la parole.
M. Demonceau. - Je crois que ce qu’on est convenu d’appeler la majorité mixte aime tout
autant notre nationalité que qui que ce soit. Je crois que nous qui siégions sur
ces bancs et qu’on désigne comme faisant partie de cette majorité, nous sommes
aussi sincèrement dévoués à l’armée, au pays, à la nationalité, que qui que ce
soit, je n’accepte donc pas le reproche qu’on a adressé à ceux qui proposent
des réductions momentanées sur les dépenses du département de la guerre. Je dis
momentanées, parce qu’il faut que le sort de l’armée soit fixé par une loi. Ce
n’est pas par un budget qu’on peut fixer le sort de l’armée. Nous n’avons pas
besoin de remonter bien haut pour savoir que le ministère précédent a accepté
l’organisation de l’armée par une loi. Qu’on se rappelle le rapport de M.
Brabant sur ce projet de loi autorisant le gouvernement à maintenir les
miliciens sous les armes huit ans au lieu de cinq ; n’a-t-on pas introduit dans
le projet, de commun accord avec le ministre de la guerre sous le cabinet
précédent, une disposition déclarant qu’on n’adopterait ce système qu’en
attendant la loi sur l’organisation de l’armée ? Croyez-vous qu’en
maintenant sous les armes les miliciens pendant huit ans, au lieu de cinq, on
n’aggravait pas la charge de la population. Croyez-vous que les pères de
famille aient vu avec plaisir cette augmentation de la durée du service ? Pour
moi, j’ai entendu beaucoup de plaintes à cet égard. Ce n’est pas que je sois
contraire à l’augmentation de la durée du service effectif, mais je ne voudrais
pas qu’il fût de huit années.
Nous discutons, dit-on, sans la préoccupation d’une
gêne, et d’une gêne momentanée. Je ne suis pas certain que la gêne que nous
éprouvons aujourd’hui ne continue pas et ne finisse pas par devenir permanente.
Voyons nos ressources, avant de vouloir faire des dépenses. Je veux bien
admettre que la Belgique puisse soutenir une budget des recettes de 110
millions, jusqu’à présent nous n’avons pas eu cent millions de recettes (produits
des impôts) ; si le budget de la guerre, en temps de paix s’élève à 34
millions, si vous songez que la dette publique s’élève à 34 millions dont on ne
peut rien distraire, et le budget des dotations à environ 4 millions, vous
trouverez que ces trois catégories de dépenses emportent 68 millions, à peu
près les 2/3 des 110 millions, et qu’il ne reste pour toutes les autres
dépenses que 42 millions.
En présence d’une pareille
situation, il faut réfléchir surtout que tous les impôts sont frappés d’environ
25 p. c. de centimes additionnels. Je m’arrêterai ici, parce que je ne
m’attendais pas à prendre la parole sur au point sur lequel je me suis
peut-être déjà trop étendu.
Je regrette qu’on nous ait mis dans l’alternative
d’adopter la proposition du gouvernement ou celle de la section centrale,
J’aurais vu avec plaisir le gouvernement à accepter un crédit global en
promettant de présenter une loi d’organisation. Comme je ne suis inféodé à
personne, je ne puis pas suivre le gouvernement dans ses égarements.
M. Lebeau. - Je croyais que la chambre en avait fini avec l’incident relatif aux
faits posés par les anciens cabinets. Il a plu, je ne sais pourquoi, à
l’honorable préopinant de mettre de nouveau en cause les cabinets de 1833 et de
1841. Il veut, sans doute, aussi tirer de la présentation du budget de 1833, la
conséquence que le ministère dont j’ai fait partie avec l’honorable M. Rogier
est celui qui a donné son adhésion au budget de paix de 25 millions de francs,
et que c’est par ordre du cabinet des ministres de 1833, que le général Evain a
proposé un tel budget. Il n’en est rien, absolument rien. J’ai eu occasion de
voir M. le général Evain depuis hier ; il m’a déclaré, en termes exprès, avec
autorisation de faire tel usage que je voudrais de sa déclaration, que c’est le
conseil des ministres de 1831-1832 qui lui a donne l’ordre de rédiger un budget
de 25 millions de francs, pied de paix. Ce budget, il a commencé à en préparer
les éléments dès le milieu de l’été de 1831. Il m’a même nommé, je ne citerais
des noms propres qu’en cas de dénégation, il m’a même nommé ceux des membres du
conseil qui avaient insisté le plus vivement pour qu’il maintint ce budget au
chiffre déjà fixé en 1831 par M. Ch. de Brouckere. Le ministère de 1832-1833
arriva à la fin d’octobre ; il reçut des mains de l’honorable baron Evain le
budget de 25 millions de francs, sans s’enquérir, tant la compétence du savant
général nous inspirait de confiance, des raisons pour lesquelles il l’avait
porté à ce chiffre. Il nous eût présenté un budget de 20 millions que,
incompétents comme nous étions sur une telle spécialité, l’honorable M. Rogier
et moi, nous l’eussions accepté.
Un membre. - Et le général Goblet.
M. Lebeau. - Je ne parle que de moi et de mon honorable ami M. Rogier. Au reste, je
n’entends ici accuser personne, ni donner à cet incident plus d’importance
qu’il ne comporte.
Je regrette même que l’honorable préopinant ait
ressuscité une discussion incidentelle qui me
paraissait devenue sans objet.
M. de Theux. - Je ne puis que répéter ce que j’ai dit à la séance d’hier. A la vérité,
l’initiative de la présentation d’un budget de 25 millions appartenait à M. C.
de Brouckere, qui était ministre de la guerre en novembre 1831. Lorsque ce
budget a été présenté, nous n’avons en aucune manière décliné
la responsabilité de sa présentation, nous avons cru les propositions de M. de
Brouckere acceptables. S’il y a eu erreur, s’il est démontré qu’il était
insuffisant, je voterai un chiffre plus élevé.
Mais quant à l’incident tendant à faire croire que
le conseil des ministres aurait décidé que la présentation d’un budget de 25
millions serait fictivement faite, en vue d’amener une réduction de la dette ou
des arrérages, je déclare que cette délibération, cette décision n’a jamais été
prise par le conseil dont j’ai eu l’honneur de faire partie ; il était même
impossible, au mois de décembre 1831, de prévoir l’utilité d’employer de
semblables moyens diplomatiques. Il était impossible de le prévoir, puisqu’au
mois de novembre 1831, chacun s’attendait à l’exécution du traité. Mais dit
l’honorable préopinant, c’était au milieu de l’année 1832. Je ferai d’abord
remarquer qu’en 1832, M. le général Evain ne faisait pas partie du conseil des
ministres ; il était ministre administrateur du département de la guerre. Je
ferai encore remarquer qu’en 1832 jamais notre ministère n’a délibéré sur le
budget de la guerre, c’est un fait certain. M. le général Evain pouvait avoir
préparé les éléments de son budget, maïs ce ne fut jamais en suite d’une
décision du conseil des ministres. Ce que je dis se prouve par la nature même
des choses. On n’arrête pas un budget de la guerre si longtemps à l’avance,
surtout dans la situation où était la Belgique avant notre sortie du cabinet.
J’ai fait un appel aux trois membres qui faisaient partie de ce cabinet, et
tous m’ont confirmé qu’il n’y avait pas décision du conseil des ministres, tous
ont été d’accord sur ce fait que j’atteste de la manière la plus formelle.
Quant au chiffre pour 1833, qui
était le même que celui présenté par M. de Brouckere, en 1831, le ministère de
1832 à 1833 a la responsabilité de ce chiffre. Ce n’est pas parce qu’il avait
été présenté en 1831, qu’il devait être reproduit s’il était insuffisant. Je
n’entends adresser aucun reproche au cabinet qui nous a suivis, je dis
seulement qu’il a suivi la même marche que nous ; par quels motifs ? C’est ce
qu’il ne m’appartient pas de décider, puisque je ne faisais pas partie du
ministère. Aujourd’hui, il y a une seule chose à décider, c’est celle de savoir
quel chiffre est nécessaire dans la position actuelle. S’il est démontré que le
chiffre proposé en 1832 est insuffisant, ce serait un motif pour ne pas
l’adopter aujourd’hui ; ce que je viens de dire tend seulement à déclarer que
le conseil des ministres, dont je faisais partie, n’a jamais été appelé à
délibérer sur un chiffre fictif destiné à servir de moyen diplomatique.
M. Lebeau. - Je ne veux pas prolonger cette discussion, qui est intempestive, et
doit être désagréable pour la chambre. Quoi qu’il en soit j’ai été autorisé à
déclarer par l’auteur même, que le passage de la lettre qui a fait l’objet de
cet incident se rapporte, au conseil des ministres de 1832-1834, mais à celui
de 1831-1832. Quant à la question de savoir si les souvenirs du général Evain
l’ont bien servi, je ne me suis pas expliqué là-dessus, et je laisse
entièrement intact ce point du débat.
M. Demonceau. - L’honorable M. Lebeau a sans doute compris que j’ai été amené à revenir
sur cette question. Je me serais bien gardé de m’en mêler si je n’y avais été
amené par l’honorable préopinant. J’ai voulu défendre les idées du rapport de
la section centrale, idées qui sont fondées sur une opinion émise par un
cabinet. Quand je vois un projet de loi émané du gouvernement, je regarde le
cabinet tout entier comme responsable ; qu’il ait été délibéré avant ou après,
peu m’importe. Tout projet de loi est sensé émaner du ministère entier, et je
ne comprends pas comment on adresse des reproches à la section centrale, alors
qu’elle a pris pour base ce même projet de loi émané du ministère.
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) - J’ai demandé la parole pour donner
quelques explications relativement à la lettre du général Evain, dont il vous a
été donné communication.
La section centrale avait manifesté l’intention de
réduire le budget de la guerre à 25 millions, eu se fondant sur de prétendues
promesses faites par le gouvernement.
Je lui remis alors une première note de M. le
général Evain, dans le but de lui expliquer les circonstances dans lesquelles
cette espèce d’engagement avait été pris.
Je pensais que cette communication suffirait, pour
lui faire modifier son opinion. Mais je m’étais trompé, et la publication de
son rapport m’apprit bientôt, que la section centrale continuait à considérer
le gouvernement comme engagé à réduire le budget de la guerre à 25 millions.
Ce fut alors que je crus devoir publier une note
plus complète de M. le général Evain, afin d’éclairer et la chambre et le pays
sur le véritable état de la question.
Cette publication fut donc, en quelque sorte forcée ;
il ne faut pas, d’ailleurs, donner à la note de M. le général Evain un sens
qu’elle ne comporte point. Il n’y a rien, dans ce document qui puisse porter
atteinte à la loyauté belge : car rien n’indique que le gouvernement n’ait pas
été de bonne foi, lorsqu’en 1831 ou en 1832, il fixa le budget du pied de paix
à 25 millions. Le contraire résulte plutôt des termes de la note et des
explications qu’elle renferme.
Loin de nier la possibilité de réduire le budget à
25 millions en 1833, M. le général Evain explique comment il se fait que cette
possibilité, qui existait alors, n’existe plus aujourd’hui.
Le chiffre de 25 millions, présenté, en 1832, pour
le budget sur pied de paix, n’était donc pas imaginaire. Il n’avait pas été
fixé au hasard, dans le seul but d’arriver à des fins politiques déterminées.
Ce chiffre était vrai lorsqu’il fut posé ; il était le résultat d’un calcul de
bonne foi, mais approximatif, mais fondé sur des éventualités qui n’existent
plus.
Aujourd’hui, les circonstances
ont changé, et ce même chiffre est devenu impossible. M. le général Evain
lui-même, en a expliqué les motifs dans sa note : Je ne vous les répéterai pas.
Mais la chambre comprendra combien cette autorité doit avoir de poids dans la
discussion actuelle. C’est là le motif qui m’a déterminé à publier la note du
général Evain. Je l’ai fait pour rectifier des idées inexactes, qui ne sont que
trop répandues. Je l’ai fait enfin, pour éclairer l’opinion et des chambres, du
pays, opinion que le rapport de la section centrale avait contribue a égarer.
M. le président. - La parole est à M. le rapporteur.
M. Brabant, rapporteur. - M. Verhaegen a demandé la parole sur
l’incident, moi, je veux parler sur le fond du budget ; je céderai donc la
parole a M. Verhaegen.
Un membre. - M. Verhaegen est absent ; on vient
de le faire appeler.
M. le président. - Puisque M. Verhaegen n’est pas présent, la parole est à M. le
rapporteur.
M. Brabant, rapporteur. - Messieurs, moi aussi, en entendant les paroles de l’honorable M.
Devaux, J’ai cru pendant assez longtemps qu’il n’avait pas assisté à la séance
d’hier ; cependant il a fait allusion à des paroles que j’ai prononcées, et
cela m’a convaincu qu’il était présent lorsque j’ai prononcé mon discours.
Nous sommes d’accord sur une foule de points avec
l’honorable membre ; seulement je tire une conclusion toute différente de celle
qu’il tire de ces prémisses. Il attache la plus haute importance à la
conservation de la neutralité et de la nationalité belge ; et il regarde une
armée imposante comme un des premiers besoins pour satisfaire à ces deux
conditions de conservation.
Je suis parfaitement d’accord avec lui, nous ne
différons que sur les moyens. Pour arriver à la connaissance de ces moyens, il
faudrait connaître le système du gouvernement ; et le gouvernement ne le fait
pas connaître ; M. le ministre s’est refusé à communiquer à la section centrale
le travail des généraux, et le système adopté par la commission des officiers
généraux ; car tout le travail de la commission repose sur plusieurs
hypothèses. Il y a l’hypothèse de la garde de toutes les places comme mesure de
précaution ; il y a l’hypothèse de l’abandon de certaines places du côté de
l’allié qui viendrait à notre secours, en cas de la violation de notre
neutralité par une autre puissance. N’ayant eu qu’une lecture très rapide de ce
rapport, il est impossible d’entrer dans tous les détails ; la mémoire pourrait
me faire défaut, et il est inutile d’entretenir la chambre de souvenirs qui
pourraient être infidèles. M. le ministre a donné lecture d’une partie plus ou
moins considérable de ce rapport, il ne l’a pas lu en entier, et je ne sais pas
quelle est la portée de la partie qu’il n’a pas lue.
L’honorable M. Devaux croit avec raison qu’il ne
suffit pas que le gouvernement ait une opinion sur la défense, mais qu’il faut
que le pays connaisse cette opinion, et soit persuadé que cette opinion est
fondée ; c’est ce qui ne peut arriver que par une discussion publique, par des
débats contradictoires soit dans la presse, soit dans la chambre. Eh bien,
malgré cette incertitude, l’honorable M. Devaux alloue tout ce que demande le
gouvernement.
M. Devaux. - Je maintiens.
M. Brabant, rapporteur. - Vous maintenez ; eh bien, je dis que ce maintien n’est pas justifié ;
je dirais à un gouvernement qui se refuserait à un point aussi important de sa
mission : Vous ne faites pas votre devoir, vous n’avez pas ma confiance, et
puisque vous n’avez pas ma confiance, je vous refuse les fonds que vous me
demandez. La somme est assez importante ; elle forme à peu près le tiers de
tous nos revenus, et a besoin d’être justifiée par autre chose que par des
présomptions et des antécédents ; notez encore messieurs, que la justification
des antécédents lui manque. Les seuls antécédents qu’il a, ce sont les budgets
qui ont été votés alors que notre nationalité n’était pas bien assise, n’était
pas bien reconnue, ou bien ce sont les budgets votés depuis l’acceptation du
traité des 24 articles, en 1840, 1841 et 1842. Eh bien, messieurs, aux yeux
d’une grande partie de cette chambre, aux yeux d’une grande partie du pays, ces
budgets n’étaient que transitoires ; et bien certainement je ne me serais pas
prêté à voter un budget de 29 millions et demi, pour un état permanent, sans
être bien éclairé.
Messieurs, aux antécédents invoqués par le
gouvernement, je pourrais opposer deux autres antécédents, les budgets de 1831
à 1832, et de 1832 à 1833. On prévoyait alors la situation qui s’est réalisée
aujourd’hui. On dit : Mais les circonstances sont changées ; mais, messieurs,
je ne vois rien dans la configuration de nos frontières, dans l’état de notre
population, dans la situation de nos ressources, je ne vois rien qui diffère
aujourd’hui de ce qu’était le pays en 1832. Ce qui pouvait suffire alors peut
suffire encore aujourd’hui. M. le général Evain dit que vous ne pourriez pas
revenir à ces budgets, sans changer l’organisation actuelle ; mais l’organisation
actuelle, on n’a pas prouvé qu’elle fût indispensable ; il fallait prouver que
le travail de 1832 à 1833 n’était pas sérieux, qu’on s’était trompé
considérablement sur certaines bases ; et c’est ce qu’on n’a pas fait, et
remarquez, messieurs, qu’entre la proposition de la section centrale pour 1843
et celle du budget de 1832, il y a encore une différence en plus de 2,800,000
fr., et avec 2,800,000 fr. on peut pourvoir à beaucoup d’éventualités et de
besoins qui ont pu se manifester depuis cette époque.
Messieurs, l’honorable membre s’est défié de mon
travail ; il a eu raison ; j’invite tous mes honorables collègues à l’examiner
avec défiance ; moi-même je m’en défie, et je serais un insensé si, dans des
intérêts si graves, je venais, je dirai avec effronterie, soutenir que je n’ai
pas pu me tromper. Je crois, messieurs, que ce caractère accompagne toujours
l’homme de bonne foi, lorsqu’il a à examiner des intérêts très graves. Dans des
questions bien moins importantes, je me défie de moi ; à plus forte raison dans
une question d’une aussi haute portée que celle, je ne dirai pas de la
constitution de l’armée, mais des fonds à lui allouer et qui peuvent plus ou
moins affecter son organisation.
L’honorable député de Bruges a semblé vouloir jeter
un petit vernis de ridicule sur la proportion du huitième de l’armée française
adoptée pour base du travail de la section centrale. Il vous a parlé d’un
huitième des douaniers, d’un huitième des magistrats et peut-être encore
d’autres huitièmes qui m’ont échappé.
Certainement, si je voulais organiser la douane, si
je voulais organiser l’ordre judiciaire en suivant des proportions pareilles,
je ferais un travail qui pourrait être souverainement ridicule ; ce serait un
travail qui, s’il était bon, ne devrait sa bonté qu’au pur effet du hasard.
Mais, messieurs, ici encore j’ai lieu de douter que
mon honorable collègue se soit donné la peine de lire le rapport ; il y aurait
vu qu’on y adoptait la base du huitième à peu très pour les cadres, parce que
les cadres devaient être en proportion avec les hommes à y faire entrer, et que
notre levée de milice étant chaque année du huitième du contingent français,
nous avons cru que le huitième des cadres devait également suffire, j’ajoutai
dans le rapport que la durée du service était à peu près la même dans les deux
pays. Messieurs, pour vous éclairer complément sur ce point, je vous dirai
qu’aux termes de l’art. 30 de la loi du 21 mars 1832, qui règle aujourd’hui la
levée des recrues et la durée du service en France, cette durée du service est
de sept ans, mais qui se réduisent à trois ou quatre ans. Chez nous, la durée
du service est de huit ans, durée qui, aux termes de la loi, se réduit à une
obligation de quatre ans seulement.
Messieurs, il ne s’agit pas dans un intérêt aussi
grave de se diviser en majorité et en minorité, en ministériels et en
opposition. Il faut, et je crois que c’est ce que nous avons fait, imiter
l’exemple de ce qui se passe dans le parlement anglais, exemple que nous a très
bien rappelé l’honorable membre. Quand il s’agit de la flotte, quant il s’agit
de la marine, il n’y a plus dans le parlement anglais ni whigs ni tories. Quand
il s’agit de l’armée en Belgique, il ne doit y avoir ni catholiques, ni
ministériels, ni membres de l’opposition. Les questions qui nous sont soumises
sont des questions rigoureusement appréciables, ce sont, je dirai des questions
mathématiques ; tout ce qui tient à la guerre est fondé sur la science des
nombres, et les nombres ne se prêtent pas aux distinctions de parti.
Messieurs, une observation qui a
été faite par l’honorable membre, notamment pour l’artillerie, c’est que je
n’avais pas tenu compte du développement des côtes en France. Mais, lorsque
j’ai proposé mes calculs de réduction pour l’artillerie, je ne me suis plus tenu
au huitième, j’ai admis le cinquième à peu de choses près.
Messieurs, dons ce moment mes idées sont un peu
troublées ; j’ai vu l’honorable membre prendre des notes, je suppose qu’il
reviendra sur ce qu’il a dit ; je lui répondrai plus amplement plus tard.
M. Verhaegen. - Messieurs, tout le monde paraît d’accord sur les principes qui ont été
si bien développés par l’honorable M. Devaux ; la controverse ne porte, que sur
l’application qu’on veut en faire, et il s’agit de choisir entre le système du
gouvernement et celui de la section centrale.
Les observations faites par
l’honorable M. Demonceau en réponse au discours de l’honorable M. Devaux
tendent directement à prouver que les conclusions de la section centrale sont
inadmissibles. En effet, M. Demonceau a combattu l’objection principale de
l’honorable M. Devaux en soutenant qu’il ne s’agit, pour le moment que d’un
budget annal et, par suite, d’une mesure purement provisoire. Que les grandes
questions politiques qui ont été traitées aujourd’hui ne seraient réellement à
l’ordre du jour que lorsque les chambres, par suite d’un projet qu’il est du
devoir du gouvernement de présenter, auraient à s’occuper de l’organisation de
l’armée.
La réponse de l’honorable M. Demonceau eût été bonne
si nous n’avions pas actuellement une armée, mais elle est mauvaise parce qu’il
existe des cadres établis que l’on veut rompre, sous le prétexte de faire du
provisoire en attendant la loi d’organisation ; ne nous y trompons pas, d’après
le projet de la section centrale on met de côté près de mille officiers.
M. Brabant, rapporteur. - Il importe de rectifier immédiatement ce chiffre ; il ne s’agit pas de
renvoyer mille officiers. M. le ministre de la guerre demande d’une manière
permanente 2.500 officiers ; la section centrale lui en alloue 2,000 et
quelques-uns. M. le ministre de la guerre reconnaît avoir en trop 253
sous-lieutenants ; par conséquent, c’est 753 officiers qui sont mis en
disponibilité.
M. Verhaegen. - Soit, mes observations restent les mêmes. Ainsi la section centrale,
d’après ce que vient de dire l’honorable M. Brabant, nous propose de mettre en
disponibilité 753 officiers. Voilà donc les conséquences immédiates de ce
travail provisoire qui, d’après l’honorable M. Demonceau, ne doit porter aucun
préjudice à notre organisation militaire. Au lieu de laisser les choses dans
l’état où elles sont, on veut commencer par y apporter un changement notable,
on veut désorganiser en attendant une organisation.
Certes il faut une loi d’organisation. Moi le
premier, je m’associe à mes honorables collègues pour la demander au
gouvernement, et j’adopte toutes les raisons qu’a fait valoir mon honorable ami
M. Orts, pour en démontrer la nécessité ; mais est-ce à dire que, parce que le
gouvernement est en défaut de nous présenter cette loi, il faille saper l’armée
par sa base ? Je conviens que le ministère méritait des reproches de la part de
la législature ; aussi, si la section centrale s’était bornée à des reproches,
je me serais bien gardé de combattre son travail ; mais refuser le budget,
condamner l’armée parce que le ministère est en faute, c’est à quoi je ne veux
pas donner les mains.
L’honorable M. Brabant, messieurs, vient de nous
présenter une thèse qui, dans d’autres temps, n’aurait eu aucune chance de
succès. Il y a progrès dans la marche du parlement belge !
L’honorable rapporteur de la section centrale nous a
dit, il n’y a qu’un instant, que le ministère ayant forfait à son devoir, en ne
présentant pas une loi d’organisation militaire, il n’avait plus la confiance
de la chambre et que le meilleur moyen de le forcer à se retirer était le refus
des subsides, le rejet du budget. Si nous, siégeant sur les bancs de la gauche
dans une position semblable, nous nous étions permis naguère de vous présenter
un pareil système, de quelles accusations n’aurions-nous pas été l’objet de la
part des amis de l’honorable M. Brabant ? Nous aurions été signalés comme des
hommes antigouvernementaux, voire même comme des démolisseurs, on nous aurait
prodigué toute sorte d’épithètes et on aurait fini par nous dire que les mœurs
du pays n’admettent pas ce moyen extrême ; et en effet, messieurs, je ne pense
pas que, sous le gouvernement belge, on en soit jamais venu à rejeter le budget
pour faire tomber un ministère.
Un membre. - On a essayé.
M. Verhaegen. - Oui, on a essayé, mais en vain, et dans tous les cas, ce n’est pas à
nous qu’on peut reprocher cet essai.
L’honorable M. Brabant veut employer, contre le
cabinet actuel, un moyen que ses amis ont tenté autrefois contre le cabinet
Lebeau ; je dis contre le cabinet actuel, car M. Nothomb et ses collègues ont
pris fait et cause pour M. le ministre de la guerre, et le refus des subsides pour
l’armée, qui est la première institution du pays, devrait nécessairement amener
la retraite de l’être moral appelé ministère ; c’est ainsi d’ailleurs que l’a
entendu l’honorable M. Demonceau, qui reprochait tantôt à l’honorable M. Lebeau
le fait de son ancien collègue de la guerre, le général Evain, preuve
irrécusable de la solidarité entre tous les membres d’un même cabinet pour un
acte aussi important que le budget de la guerre.
Ce ne sera plus à nous qu’on pourra reprocher
dorénavant une opposition systématique. Certes, le ministère actuel est bien
loin d’avoir nos sympathies, mais pour le renverser, nous ne voulons pas donner
les mains à un acte nuisible au pays et à l’armée, nous ne voulons pas arrêter
les rouages gouvernementaux, nous ne voulons pas enfin entrer dans une voie
que, d’après nos adversaires eux-mêmes, nos mœurs semblent proscrire.
L’honorable M. Brabant veut la chute d’un ministère
qui n’a plus sa confiance. Il y a un moyen bien simple de nous mettre d’accord
avec lui, puisque nous aussi nous ne voulons pas du cabinet actuel, que
l’honorable M. Brabant et ses amis prennent la voie qu’ils ont prise en 1841,
qu’ils fassent une adresse au Roi pour demander le renvoi du ministère et les
premiers nous y apposerons nos signatures ; ainsi toutes les nuances d’opinions
disparaîtront, au moins momentanément, et la chambre tout entière s’adressera
au chef de l’Etat pour le supplier de faire choix d’autres conseillers.
En attendant, gardons-nous bien de disloquer l’armée
et de lui faire payer la faute du gouvernement. Encore une fois, je veux une loi
qui organise notre état militaire, je blâme le ministère de ne pas nous l’avoir
présentée jusqu’à présent ; je consens même à demander son renvoi, pour que
cette organisation, si longtemps négligée, puisse se faire par d’autres dans
l’intérêt même de l’armée, qui doit sortir une fois de cette position précaire
; mais je ne puis pas consentir à ce qu’après quatre mois d’exercice, on
vienne, contrairement aux prévisions, arrêter les rouages gouvernementaux.
Et puis encore, si le projet de la section centrale
venait à être adopté, comment donc s’opérerait la mise
en non-activité ou la mise en disponibilité des 753 officiers que l’on veut
sacrifier ? Quels seront ces officiers ? Qui va décider de leur avenir ? Décimera-t-on
les cadres par la voie du sort ? ou bien fera-t-on des
catégories, et, en ce cas, commencera-t-on par les plus anciens ou par les plus
jeunes, d’après la date des nominations ? Préférera-t-on les régnicoles aux
étrangers non-naturalisés ? Laissera-t-on sur ce point toute latitude au
gouvernement ? Et ici j’interpelle formellement l’honorable rapporteur de la
section centrale, car il faut bien qu’il nous dise quel sera le sort d’une
grande partie de nos officiers.
S’il n’y a pas au préalable une loi d’organisation,
ce sera donc le gouvernement qui sera le souverain arbitre ; eh bien, c’est ce
que je ne veux pas. Je ne veux pas qu’il puisse dépendre du caprice d’un
ministre de la guerre de mettre de côté 753 officiers, sans avoir à suivre
aucune règle et sans que la législature lui ait assigné quelque limite.
J’ai entendu dire, dans la discussion, que la
plupart des officier désiraient d’être mis en disponibilité avec les 2/3 de
leur solde. On est même allé jusqu’à prétendre que nous contrarions des
intérêts individuels, en demandant le maintien de l’armée sur le pied actuel ;
mais je n’ai pas été dupe de ces précautions oratoires ; j’ai trop bonne
opinion de l’esprit militaire en Belgique, j’estime trop les officiers de notre
armée pour croire qu’ils soient disposés à sacrifier des questions d’honneur à
des questions d’argent. J’apprécie trop bien mes compatriotes pour ne pas être
convaincu que jamais l’intérêt matériel ne l’emportera chez eux sur l’intérêt
moral. D’ailleurs, pour moi, des intérêts individuels n’entrent pas en ligne de
compte.
Je reviens, messieurs, à l’observation que je
faisais tantôt, et je prie M. le rapporteur de s’expliquer catégoriquement sur
la manière dont se fera l’épuration des cadres. Quant à moi, je ne veux pas, dans tous les cas, que cette épuration soit abandonnée au
gouvernement. Il y a déjà trop d’arbitraire, pour ne rien dire de plus, dans la
loi de 1836 ; nous avons vu malheureusement mettre des officiers supérieurs et
autres en non-activité, en disponibilité, sous les plus vains prétextes. Ces
officiers demandent, depuis longtemps, des enquêtes, des mises en jugement, et
on ne veut pas écouter leurs réclamations. Eh bien, je ne veux pas, moi,
augmenter encore l’arbitraire effrayant de la loi de 1836, en accordant au
gouvernement le droit de sacrifier, comme il l’entend, 753 officiers de notre
armée, s’il faut un jour en venir à cette dure nécessité, il faudra décider,
avant tout, quelle règle on suivra à cet égard, il faudra que l’on sache au
préalable si l’on prendra ces officiers parmi les plus jeunes, parmi les
régnicoles ou parmi les étrangers non naturalisés.
D’après toutes ces considérations, messieurs, je
crois rester dans les véritables limites en votant la somme demandée par le
gouvernement en attendant que nous en venions à une organisation définitive, et
que nous prenions les mesures peur y forcer le gouvernement.
M. Demonceau. - Messieurs, le discours que vous venez d’entendre est encore un de ceux
qui appuient le ministère de la guerre pour faire opposition au gouvernement.
Aujourd’hui le gouvernement est nanti d’une loi dont il peut faire usage pour
mettre une partie des officiers en disponibilité, et cependant l’honorable
membre voudrait qu’il n’en pût être ainsi ; il ne croit pas, dit-il, que
l’armée puisse être décimée par le gouvernement, il défend donc l’armée,
c’est-à-dire, les officiers contre le gouvernement, qu’il dit appuyer.
Pour moi, je crois être d’accord avec l’honorable
membre sur ce point, je ne veux pas plus que lui la désorganisation de l’armée
; je veux au contraire qu’on l’organise. L’on prétend l’organiser en la
laissant sur le pied actuel ; mais c’est précisément ce que le gouvernement ne
reconnaît point, puisque lui-même propose de sacrifier 250 officiers environ.
Ainsi le sacrifice entre le gouvernement et la section centrale ne diffère que
du plus ou moins. Qu’on ne dise donc pas qu’il y a organisation, car la base
fondamentale, qui est la loi, manque, de l’aveu même de l’honorable préopinant.
Maintenant je lui demanderai, puisque nous paraissons d’accord, quel est, dans
les gouvernements représentatifs, le meilleur moyen à employer pour obtenir une
loi organique qu’on désire ? C’est, selon moi, de refuser les crédits qui
tendent à maintenir le statu quo.
Eh bien, savez-vous, messieurs,
comment procède l’honorable préopinant, qui veut, dit-il, l’organisation légale
de l’armée ? Il commence par donner tout ce que demande M. le ministre de la
guerre. Mais à ces conditions, honorable collègue, vous serez toujours d’accord
avec M. le ministre. Croyez-moi pour mon compte, ce n’est pas ainsi que je
comprends ma position comme membre de la chambre ; lorsque je crois que le
gouvernement se trompe, je lui dis toute ma pensée, si je me trouve dans la
minorité, je m’en console ; depuis que je siège dans cette enceinte j’ai été
aussi souvent dans la minorité que dans la majorité. Aujourd’hui le
gouvernement, quoiqu’on en dise, a proposé une organisation définitive que je
ne puis appuyer, et dans l’alternative où je me trouve, je dois me décider pour
la section centrale ; je viens de m’en expliquer plus amplement.
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) - Messieurs, le chiffre des cadres de
l’infanterie a été l’objet d’observations et de comparaisons que je dois
déclarer inexactes, quant aux conclusions qui en ont été tirées. Pour arriver à
en administrer la preuve, je commencerai par rétablir la question sur son
véritable terrain.
En Belgique, les cadres de l’infanterie sont et
doivent être destinés à recevoir au besoin 60,000 hommes. Afin d’atteindre ce
résultat, il est impossible de songer à réduire le nombre des bataillons
actuellement existant, lequel est de 65, puisqu’à raison de 900 hommes chacun,
l’on n’obtiendra encore que 58,500 hommes.
Cette nécessité de conserver autant de cadres est
une des conséquences indispensables de notre position de neutralité armée. Nous
ne pouvons pas songer à des augmentations au-delà du taux strictement
nécessaire pour la défense de nos frontières. Mais, par contre, nous devons, en
toutes circonstances, être prêts à les faire respecter, en présentant à celui
qui tenterait de les violer, des cadres d’une consistance telle que le pays
puisse se reposer sur eux avec une entière confiance.
Néanmoins, comme il importait de mettre notre état militaire
en rapport avec les ressources dont pouvait disposer le département de la
guerre, j’ai pris l’initiative, en opérant les seules réductions que j’aie
reconnues compatibles avec la responsabilité qui m’incombe.
Ces réductions, présentées par l’honorable
rapporteur sous la forme de l’unité, quant aux sous-lieutenants, s’élèvent au
chiffre de 294 officiers de ce grade, pour 49 bataillons actifs.
Une autre réduction, tout aussi sensible, est celle
de deux compagnies par chaque bataillon de réserve, et donne pour résultat la
suppression de 32 emplois de capitaine, d’autant de lieutenants et du même
nombre de sous-lieutenants. Ce chiffre de 96 officiers, ajouté à celui précité
de 294, donne donc pour l’arme de l’infanterie seule une suppression de 390 officiers.
Examinant maintenant les propositions de la section
centrale, nous trouvons que cette réduction, qui comporte le quart des
officiers de compagnie dans les bataillons actifs, et le tiers des bataillons
de réserve, ne suffit pas, et l’on admet en principe que 3 officiers devant
suffire à une compagnie. Le chiffre de 3 reproduit 4 fois donnera l’effectif
nécessaire en officiers pour encadrer les 4 compagnies dont se composerait le
bataillon.
Or, messieurs, en France, le bataillon sur pied de
guerre, 8 compagnies de 100 hommes, à raison de 3 officiers par compagnie,
c’est-à-dire 24 officiers ; et en Prusse, 4 compagnies par bataillon comptent
20 officiers, ou 5 par compagnie.
Vous voyez donc que la section centrale prend en
France le nombre d’officiers, et en Prusse la composition des compagnies,
système fort facile, sans doute, mais qui est peu en harmonie avec la nécessite
éventuelle d’une organisation, même sur le pied d’observation.
En effet, s’il a été reconnu que les éléments de
l’armée permettaient de reconstituer les cadres des compagnes de réserve
totalement supprimées, et de pourvoir aux vacances d’emplois résultant de la
réduction des sous-lieutenants à un seul, il serait téméraire de supposer que
le dédoublement de ces cadres soit chose humainement possible.
J’ajouterai que les cadres de la section centrale,
réduits comme ils le seraient, présenteraient les plus grands inconvénients,
non seulement sous le rapport des manœuvres, lors de l’appel des
permissionnaires, mais encore sous celui du service, et notamment du service de
garnison, qui déjà aujourd’hui est des plus pénibles pour nos sous-officiers.
Je pense donc que la réduction du quart des
officiers de compagnie, en laissant subsister les sous-officiers tels qu’ils
existent, permet une économie notable, en rapport avec le système de défense du
pays et les ressources en jeunes gens capables d’occuper, à l’occasion, les
vacances sur pied de paix.
Abordant la comparaison tirée de la situation de
l’armée française de 1832, destinée à agir en Belgique, ainsi que de l’armée de
l’Algérie, je ferai observer à la chambre que le chiffre de 2,400 officiers,
pour 65 mille hommes que comptait la première de ces armées, était bien un
complet d’organisation à la veille d’entrer en campagne, mais qu’il ne comprenait,
d’un autre côté, aucune des non-valeurs que donnent les dépôts des corps,
l’instruction des recrues, les employés et détachés auprès des diverses
administrations, les commandements territoriaux de provinces, de places, les
établissements divers, les écoles, etc.
La même observation se représente avec plus de force
encore en Algérie, qui ne reçoit que des troupes tout exercées et qui, offrant,
d’un autre côté, des calculs faciles à suivre, puisque les compagnies
d’infanterie n’excèdent pas le chiffre de cent hommes, au lieu de quatre-vingts
qui forment le pied de paix, a, en revanche, des légions étrangères dont
l’effectif est variable et par conséquent difficile à déterminer.
Il est néanmoins vrai que cet effectif dépasse de
beaucoup celui des corps réguliers, et en atteint parfois le double. En effet
la différence du pied de paix avec le pied de guerre étant, par compagnie, de
20 hommes et chaque bataillon comptant 21 officiers pour 7 compagnies, ou 24
pour 8 compagnies, il est facile de se rendre compte de la proportion qui
existe entre les troupes de cette arme et les officiers qui les commandent, et
je ne pense pas que l’argumentation que l’on a voulu diriger contre nous,
puisse avoir la moindre portée. Ce calcul, appliqué à la cavalerie, à l’artillerie
et aux troupes du génie, de formation régulière, donnera nécessairement les
mêmes résultats ; et il faut donc admettre que le chiffre élevé de troupes en
Algérie, peu connu au surplus, doit avoir des causes que je crois avoir
indiquées.
Une autre comparaison, posée dans la séance d’hier
(31 mars) par l’honorable rapporteur, est celle des garnisons d’infanterie
avant la révolution, avec leur situation présente.
Il a cru plus que suffisant le chiffre de 20,472
hommes que nous accorde le projet de la section centrale.
Or, voici à cet égard des renseignements très
positifs.
Les villes ci-après dénommées n’avaient pas de
garnisons avant la révolution de 1830, sous le gouvernement des Pays-Bas, et
les chiffres qui se trouvent à côté de chaque nom, indiquent la force des
troupes qui sont aujourd’hui dans ces places (nombre de compagnies
d’infanterie) :
Courtray, 3
Turnhout, 1
Hoogstraeten, 1
Fort-Ste-Marie, 1
Lierre, 1
Diest, 3
Hasselt,
6
Camp
de Beverloo, 8
St-Bernard, 3
Total, 27 compagnies,
Or, 27 compagnies égalent 4 bataillons et demi ou
1,800 hommes.
Ajouter augmentation de garnison pour :
Arlon, 200 hommes ;
Bouillon 200 hommes ;
Dinant 100 hommes ;
Vilvorde 150 hommes ;
Alost 150 hommes :
Pour le service du chemin de fer, 103 hommes de service
par jour, ou 515 hommes par an, pour leur donner quatre nuits franches. 515 id.
Total. 3,115 hommes.
Si l’on ajoute à ce chiffre l’augmentation
d’effectif des garnisons de Bruxelles, Gand, Liège et Anvers, on trouvera :
Bruxelles, au lien de 3 bataillons il y en a 6 donc
3 en plus, soit 1,200 hommes
Gand, au lieu de 3 bataillons il y en a 7 donc 4 en
plus, soit 1,600 hommes
Liège, au lieu de 3 bataillons, il y en a 5, donc 2
en plus, soit 800 hommes
Anvers, au lieu de 3 bataillons, il y en a 6, donc 1
en plus, soit 400 hommes.
Total général en plus, 7,115 hommes.
L’augmentation de ces différentes garnisons est
facile à justifier :
Arlon est devenu chef-lieu de province.
Bouillon est la deuxième ville de garnison de la
province de Luxembourg, qui se trouve, sous ce rapport, dans une position plus
désavantageuse que les autres provinces du royaume.
Dinant, effectif nécessaire pour garder les hommes détenus à la compagnie de
discipline.
Vilvorde, effectif nécessaire pour garder les
détenus de la maison de détention.
Alost, même motif.
St-Bernard, même motif.
Bruxelles, permanence de la Cour, détachement à
fournir à Laeken, accroissement considérable de la population, siège du
gouvernement, etc., etc.
Gand, Liége et Anvers, accroissement de la population,
répression de toute manifestation propre à troubler l’ordre dans cette
nombreuse classe d’ouvriers que le commerce et l’industrie y ont rassemblés.
Si donc il fallait, sous le gouvernement des
Pays-Bas 14 afdelings et 2 bataillons de grenadiers
et voltigeurs, d’un effectif total de 15,000 hommes d’infanterie, il est
évident, d’après cet exposé, qu’il faut aujourd’hui 22,000 hommes de la même
arme.
Messieurs, avant de fixer les
bases de l’organisation, j’ai voulu m’éclairer des investigations des chefs de
l’armée, pris parmi les plus compétents par leur expérience et leurs talents.
Le rapport de cette commission m’a guidé dans mon travail. L’honorable
rapporteur, quoiqu’il semble insinuer le contraire, doit avoir connaissance du
rapport en question, car j’en ai donné lecture dans le sein de la section
centrale, je n’ai passé que ce qui était étranger à l’organisation. J’ai même
offert à ces messieurs de leur donner de plus amples renseignements dans mon
cabinet ; si donc ils ne sont pas suffisamment instruits, ils ne doivent s’en
prendre qu’à eux-mêmes.
Je dois déclarer en outre que, dans mon intime
conviction, le travail qui vous est soumis est approprié aux besoins du pays,
et que les réductions proposées par la section centrale auraient pour résultat
d’entraîner une désorganisation complète de l’armée. Messieurs, je ne prendrai
pas sur moi une semblable responsabilité.
M. Savart-Martel. - Je
n’avais pas dessein de prendre la parole sur cette matière, qui excède mes
connaissances, car je suis essentiellement pacifique, mais la position où se
trouve la chambre m’engage à dire quelques mots.
Dans mon opinion, c’est la loi qui doit organiser
l’armée ; je ne forme à cet égard aucun doute.
Suivant le ministère, il y aurait lieu à congédier
dès à présent 250 officiers. Suivant la commission centrale on devrait en
congédier 700, et tout cela par provision.
Or, ainsi qu’on nous l’a prouvé, une dislocation
provisoire présente des inconvénients d’une nature si grave que je ne puis
jamais l’admettre.
Sans doute il serait utile d’appeler le concours des
lumières de tous les officiers, pour nous éclairer sur une matière aussi grave,
mais on sait qu’en général nos officiers sont tenus sévèrement par les
règlements ministériels, et peut-être leur imputerait-on à grief les idées
qu’ils nous suggéreraient.
Si la chambre partageait mon opinion, on arrêterait
la discussion actuelle. On inviterait le ministère à nous présenter sous
quelques semaines un projet d’organisation définitive, et le budget en serait
la suite.
Cette demande d’organisation définitive, je la
demande dans l’intérêt du pays, dans l’intérêt de l’armée même, car le
provisoire nuit à l’un et à l’autre.
Dans l’intervalle on allouerait au ministère un
crédit à titre de provision ; et l’on réunirait la chambre dans quelques
semaines pour s’occuper spécialement de cette grave question de l’organisation
de l’armée, et s’il était possible on s’occuperait aussi de divers objets
arriérés, dont nous ne pouvons plus reculer la discussion.
On
m’objecte que sous peu doivent avoir lieu des élections, mais rien ne nous
empêcherait de siéger avant ou même pendant les élections.
Nous ferions ainsi notre devoir, pendant que les
électeurs feraient le leur ; les élections sont l’affaire des électeurs et non
celles des représentants.
M. le ministre de la
guerre (M. de Liem) - Messieurs, je dois répéter qu’en
inscrivant au budget la composition normale qu’il convenait, selon moi, de
donner à l’armée, je n’ai été mu que par de hauts intérêts de bien public, sans
que j’ai eu l’intention de préjuger la question constitutionnelle. Cette
question est réservée.
M. de Mérode. - (Note pour cette version
numérisée : le Moniteur annonçait que le discours de F. de Mérode serait publié
dans un numéro postérieur. Ce discours n’a pas été retrouvé.)
M. Delehaye. - Si l’on prononce la clôture, il est entendu que lundi je serai toujours
à même de faire une interpellation à M. le ministre de la guerre ; à moins
qu’on ne me permette de la faire dès à présent. (Parlez, parlez.)
Messieurs, j’ai grande confiance dans les paroles de
M. le ministre ; quand il affirme un fait, je ne le mets jamais en doute.
Cependant j’ai appris d’une manière assez positive que la commission nommée par
le gouvernement pour examiner les mesures à prendre pour l’armée, ne pourrait
pas agir dans un cercle illimité, et ne devait qu’émettre son avis sur des
questions qui lui étaient posées. Je demanderai à M. le ministre s’il y aurait quelqu’inconvénient à imprimer les questions qui avaient
été posées à cette commission.
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) - Elles sont imprimées ; je les ai lues
hier.
M. Delehaye. - La commission n’était-elle pas obligée de respecter les cadres tels
qu’ils existaient pour l’infanterie ? M. le ministre n’avait-il pas dit que les
cadres pour l’infanterie seraient maintenus ?
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) - La commission devait se prononcer sur
le chiffre total de l’armée, sur sa composition en différentes armes, la
division de ces armes et la formation organique des corps ; elle devait
remédier à l’inconvénient d’avoir des compagnies trop faibles en soldats, elle
pouvait adopter ou la composition française du bataillon, ou celle de la
Prusse. Les questions qui ont fait l’objet de ses investigations se trouvent au
Moniteur. On verra quelle était
l’étendue de sa mission.
M. Rogier. - Le Moniteur n’a pas donné la
séance...
M. Delehaye. - Mais quand aux cadres ! La commission était obligée de respecter les
cadres.
M. le ministre de la guerre (M.
de Liem) - Je vous demande pardon.
M. Delehaye. - Je regrette que les questions dont M. le ministre a donné lecture,
n’aient pas encore été reproduites dans le Moniteur
; mais demain nous pourrons les examiner, et lundi nous aurons une opinion à
cet égard.
- La séance est levée à 5 heures.