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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 12
janvier 1843
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Projet de loi portant le budget du département des travaux publics pour l’exercice
1843. Discussion des articles. Canaux, rivières et polders. Reprise par l’Etat
du canal de Mons à Condé (Sigart, Malou, Desmaisières, Pirmez, Malou, Dolez, Desmet,
Vanden Eynde, Desmaisières,
Dubus (aîné), Cools, Vanden Eynde, Cools), réplique
générale (canal de Stekene, service du Demer, inondations de la Lys) (Desmaisières), service du Demer (Vanden Eynde, Desmaisières),
service de la Meuse (+péages fluviaux) (David, Desmaisières, d’Hoffschmidt,
de Garcia, David, Desmaisières, Fleussu, de Mérode, de Garcia, Delfosse, de Garcia, Desmaisières, de Garcia),
voies secondaires (grande Nèthe) (Peeters,
Desmaisières), inondations de l’Escaut et canal de
Gand à Ostende (Delehaye, Desmaisières,
Delehaye), polder de Lillo (Osy, Cogels, Desmaisières)
(Moniteur belge n°13, du 13
janvier 1843)
(Présidence de M. Raikem)
M.
Kervyn procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. Scheyven donne lecture
du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est approuvée.
M.
Kervyn communique les pièces de la correspondance :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Jacob Wiener,
graveur en médailles, à Bruxelles, né à Harstgen
(Prusse), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
_______________________
« Le conseil communal de Lommel présente des observations
concernant le projet de loi sur le canal de
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.
______________________
« Des propriétaires et locataires de bois d’osier, situés dans les
communes de Weert, Bornhem et Hingene,
demandent que l’on majore les droits d’entrée sur les osiers étrangers et les
rotins des Indes. »
« Des négociants et fabricants de chicotée de la ville d’Anvers
présentent des observations contre la demande faite par les cultivateurs de
chicorée des poldres, de majorer le droit d’entrée sur la chicorée en
racines. »
- Dépôt de ces deux pétitions sur le bureau pendant la discussion du
projet de loi sur les droits d’entrée, et renvoi à la section centrale chargée,
en qualité de commission spéciale, d’en faire rapport avant la discussion du
projet.
PROJET
DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS POUR L’EXERCICE
1843
Discussion
des articles
CHAPITRE II. Ponts et chaussées. -
Canaux, rivières, poldres. - ports et côtes. - bâtiments civils. - personnel
des ponts et chaussées
Section
II - Canaux, rivières, polders
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du budget des travaux
publics.
M. Sigart (pour une
motion d’ordre). - Messieurs, la discussion qui s’est engagée dans la séance
d’hier a déjà pris beaucoup de temps à la chambre et elle est de nature à en
prendre beaucoup encore. Cependant il me semble qu’elle serait assez oiseuse si
le gouvernement pouvait nous déclarer que l’honorable M. Matou n’a pas été dans
cette circonstance le traducteur de sa pensée. Je prierai M. le ministre de
bien vouloir s’expliquer, et j’espère que le gouvernement se tiendra au-dessus
de ces petites passions qui considèrent une chose comme juste dès l’instant
qu’elle leur semble utile.
M. Malou. - Messieurs, la
discussion qui s’est engagée hier, et qui doit continuer aujourd’hui, si la
motion d’ordre de l’honorable M. Sigart n’est pas adoptée, trouve ici
naturellement sa place et il me semble qu’elle est loin d’être oiseuse ou
insignifiante. Elle doit continuer, non pas que je la considère comme pouvant
avoir un résultat immédiat, car je m’abstiendrai moi-même de présenter un
amendement, mais parce qu’il importe que le gouvernement soit complètement
éclairé sur cette question, et que la chambre sache ce qu’elle aura à faire
plus tard.
L’honorable membre demande au gouvernement si je n’ai pas été dans cette
circonstance le traducteur de sa pensée. Depuis que j’ai l’honneur de siéger
dans cette enceinte, je n’ai jamais été le traducteur de la pensée de personne,
je n’y ai jamais exprimé d’autre pensée que la mienne, et je crois en avoir
donne plus d’une preuve.
L’honorable membre parle de petites passions ; j’ai déjà eu l’occasion,
dans la séance d’hier, de protester et je proteste de nouveau contre de semblables
insinuations. Aucune passion ne me fait agir ; je n’ai à cœur que ce que je
considère comme l’intérêt du pays. Jamais il ne m’est arrivé d’ameuter les
intérêts d’une province contre ceux d’une autre ; si malheureusement, dans
cette circonstance, l’intérêt du Hainaut doit être lésé par la reprise du canal
de Mons à Condé, ce n’est assurément pas ce motif qui m’engage à la demander ;
c’est parce que je la crois juste, parce que, selon moi, l’intérêt du pays
l’exige.
Je demande que la discussion continue, afin que la question soit
éclaircie et qu’elle puisse être résolue, non pas immédiatement, mais dans un
avenir prochain.
M. le
président. - La motion de M. Sigart tend à faire prononcer la clôture qui, aux
termes du règlement, doit être demandée par 10 membres. Je demanderai donc si
10 membres se lèvent pour la clôture.
M. Sigart. - Je n’ai pas
demandé la clôture purement et simplement. J’ai prié M. le ministre de
s’expliquer. La demande de clôture était subordonnée à sa réponse. S’il ne veut
point parler de suite, je ne puis l’y forcer, il faut bien que la discussion
continue.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Je demanderai, messieurs, à ne m’expliquer
que lorsque la discussion aura continué encore. Je crois pouvoir le faire alors
plus utilement.
- Personne ne demandant plus la parole sur la
motion d’ordre, la discussion est reprise sur l’art. 3 du chap. II., Service
des canaux de Gand au Sas-de-Gand, de Maestricht à Bois-le-Duc, de Pommerœul à Antoing et de la Sambre : fr. 395,812 fr. 50 c.
M. Pirmez. - Messieurs,
l’honorable représentant qui a soulevé la question relative au canal de Mons à
Condé a dit que c’est là une question toute d’équité ; cela est vrai, mais il a
ajouté que cette question serait facile à résoudre, que ce ne serait plus même
une question si l’on pouvait prouver que le Hainaut a retiré du canal de Mons à
Condé de quoi couvrir l’excédant des avances qu’il a faites relativement aux
autres provinces. Messieurs, puisque c’est une question d’équité, il me semble
qu’il faut considérer non pas ce qui concerne spécialement le canal de Mons à
Condé, mais l’ensemble des revenus que le Hainaut a donnés à l’Etat, en ce qui
concerne les voies de communication. Eh bien, messieurs, le Hainaut a donné au
gouvernement en bénéfice net de routes, environ 500,000 fr. par an, et on ne
lui a laissé que 100,000 fr. Examinez maintenant ce que les autres provinces ont
donné à l’Etat, et faites alors la comparaison ! Je suis convaincu, messieurs,
que si vous examiniez la chose au point de vue de l’équité, vous reconnaîtriez
que, loin d’enlever au Hainaut la dernière ressource qui lui a été laissée,
c’est une restitution qu’il faudrait faire à cette province.
On dit que les autres provinces ont cédé des routes à l’Etat, mais cela
ne prouve rien, il faut examiner si ces routes donnent des bénéfices ; car si
vous examinez la question, vous verrez qu’en abandonnant leurs routes, presque
toutes les autres provinces, loin de céder à l’Etat un revenu, n’ont fait que
se débarrasser d’une charge.
En définitive, messieurs, cette question se résoudra par des centimes
additionnels ; il faudra donc examiner s’il est juste de forcer la province du
Hainaut, qui vous a déjà abandonné un revenu annuel de 500,000 fr., à s’imposer
des centimes additionnels pour remplacer la ressource que vous voulez lui
enlever.
L’honorable membre qui a soulevé cette question
a dit aussi qu’il y aurait à examiner également la question des routes, si le
Hainaut croyait avoir été injustement traité. Je crois, messieurs que les deux
questions doivent être examinées simultanément : il ne serait pas équitable de
dire au Hainaut : « Nous commençons par vous enlever le canal de Mons à
Condé et nous examinerons ensuite s’il y a lieu de vous accorder une indemnité,
en ce qui concerne les routes. Pour être équitable, il faut que le gouvernement
examine les choses dans leur ensemble.
M. Malou. - Messieurs, pénétré
de l’importance de la question soulevée à la fin de la séance d’hier, je me
suis livré à quelques recherches nouvelles sur les faits qui se rattachent au
canal de Mons à Condé. En appelant l’attention de la chambre sur ces faits,
j’ajouterai quelques réflexions pour compléter celles que j’ai déjà présentées.
Une loi du 3 avril
« Art. 1er. A compter de l’an 1807, et pendant six ans, il sera levé sur
les départements ci-après dénommés, et par centimes additionnels sur les
contributions directes, un fonds destiné à acquitter la moitié des dépenses
nécessaires pour la confection du canal de St.-Quentin, de celui de la Censée,
joignant la Scarpe à l’Escaut, pour la rectification de l’Escaut entre Cambray et Tournay, pour compléter les fonds de la
canalisation de la Haisne, et pour rectifier la
navigation de l’Oise entre Chauny et Sampigny.
« Art. 2. Les départements ci-après seront imposés dans les
proportions suivantes, sur les contributions foncière et personnelle :
« Art, 3. Les produits de cette contribution seront versés à la caisse
d’amortissement. »
« Art. 4. Le trésor public fournira, chaque année, une somme égale
à celle de ladite contribution. »
Ainsi, cinq départements, devenus depuis cinq provinces belges, et six
départements français, étaient appelés à contribuer à la dépense dans la
proportion probablement de l’intérêt que chacun d’eux avait à la construction
de cet ensemble de travaux publics. Des contributions ont été prélevées pour
cet objet pendant six années, 1807 à 1812 ; le produit de ces contributions a
été versé dans une caisse de l’Etat, dans la caisse d’amortissement, et l’Etat
a contribué, à lui seul, pour une somme égale à celle qui était fournie par
tous ces départements réunis.
Une première réflexion se place naturellement ici. Si du versement de
ces centimes additionnels résultait, en faveur de la province du Hainaut, un
droit de propriété au canal de Mons à Condé, du versement de centimes
additionnels fait par d’autres provinces résulterait évidemment un droit de
copropriété au même canal.
Le décret du 18 septembre
Ce canal était achevé en 1814, au moins sur le territoire beige ; il ne
restait alors à achever que quelques travaux touchant à la place de Condé et à
la jonction du canal à l’Escaut. Ces travaux supplémentaires ont fait l’objet
d’une concession de péages à prélever aux écluses de Goeulzin
et de Thivencelles, si je ne me trompe. Cette
concession est expirée aujourd’hui.
La province du Hainaut a reçu du gouvernement l’administration de ce
canal, en vertu de l’arrêté du 17 décembre 1819, et dans l’article premier de
cet arrêté se trouve la clause suivante ;
« Nous nous réservons cependant la facilité de reprendre par la
suite, et suivant les occurrences, sous la direction générale et à la charge du
trésor, tel ouvrage mentionné ci-dessus que nous jugerons convenable. »
Ainsi, le droit de reprise est bien expressément stipulé. En l’exerçant,
le gouvernement ne ferait qu’user d’une clause formelle. C’est une dépendance
du domaine public ; il n’y a que remise temporaire de la jouissance de cette
partie du domaine public. L’intérêt général exige que le gouvernement use de
cette clause. Plusieurs motifs me le font croire. L’un de ces motifs, je l’ai
indiqué dans la séance d’hier ; c’est la considération de recette, et chacun de
vous, messieurs, en aura apprécié l’importance.
Un autre motif d’intérêt général, c’est que le canal de Mont à Condé se
lie à un ensemble très considérable de voies de navigation. Je lis, à la page
101 du rapport de M. Vifquain, ces paroles :
« Déjà à cette époque (en 1819), le canal se trouvait en
communication avec un réseau immense de navigation ayant pour limites, à l’est
: Bruxelles, Louvain et Lierre ; au nord : Anvers, le Sas-de-Gand et l’Ecluse ;
à l’ouest : Ostende et Dunkerque ; au sud-est et au sud : Rouen, Paris et
Assurément, la reprise d’un canal qui aboutit à un aussi grand nombre de
voies de communication, tant en Belgique qu’à l’étranger, est d’intérêt
général. Le canal de Mons à Condé aboutissant au territoire étranger, il peut y
avoir, dans certains cas, nécessité de se concerter avec la France, pour
arrêter des mesures qui concernent ce canal.
Il y a connexité entre le régime des eaux du canal de Mons à Condé et le
régime des eaux d’un canal qui appartient à l’Etat, du canal de Pommereuil à Antoing.
Ainsi, lorsque le gouvernement a senti la nécessité de revoir le
règlement commun à ces deux canaux, règlement qui a été arrêté en 1827, il a
provoqué une espèce d’acquiescement de la part de la députation permanente du
Hainaut. Dans un arrêté du 15 avril 18t34, qui figure parmi les documents sur
les péages, qu’on nous a distribués pendant la session dernière, je lis, comme
considérant, ces mots :
« Vu les dispositions de la députation permanente, pour la révision du
règlement du 7 août 1827, sur la navigation des deux canaux de Mons à Condé et
de Pommereuil à Antoing. »
Il avait donc été nécessaire de s’entendre avec la députation permanente
pour régler le régime des eaux et d’autres objets, relativement à ces deux
canaux qui, en réalité, n’en forment qu’un seul.
La question des péages, elle-même, sur le canal de Mons à Condé et sur
d’autres voies, est connexe. On l’a si bien senti que lorsqu’une réduction a
été prononcée, l’année dernière, sur certains canaux, le gouvernement est entré
en négociation avec l’autorité provinciale du Hainaut, pour qu’un abaissement
proportionnel de péages sur le canal, que cette province détient encore
aujourd’hui, eût lieu lorsque le gouvernement lui-même changerait le taux des
péages,
Je reviens encore, messieurs, à la question de la contribution du
Hainaut à l’exécution du canal de Mons à Condé. Cet ouvrage d’utilité publique
n’est pas le seul qui ait été construit de cette manière en Belgique. Il en est
notamment un auquel ont contribué deux de nos provinces, au moyen de centimes
additionnels qui ont été perçus pendant un assez grand nombre d’années, je veux
parler du canal de Maestricht à Bois-le-Duc. S’il résultait un droit quelconque
pour le Hainaut de sa contribution, à titre de subside, pour une faible part
dans les frais de construction du canal de Mons à Condé, évidemment les droits
des provinces de Liége et de Limbourg seraient beaucoup plus incontestables ;
elles pourraient revendiquer de l’Etat la copropriété du canal de Maestricht à
Bois-le-Duc.
Messieurs, il me reste à dire pourquoi, ayant cette conviction sur la
nécessité et la justice de la reprise du canal de Mons à Condé, je ne propose
pas d’amendement formel, tendant à décréter immédiatement cette reprise.
D’abord, messieurs je crois, qu’il y a eu équité à mettre en quelque
sorte le conseil provincial du Hainaut à même de s’expliquer de nouveau. En
second lieu, cette province a compté pour le budget en cours d’exécution sur
les ressources que lui produit le canal de Mons à Condé ; je ne voudrais pas
brusquement rompre l’équilibre entre ses recettes et ses dépenses.
Ce que je demande donc, c’est que des
explications nous soient données sur les motifs de l’exception qui existe
encore aujourd’hui...
M. Dolez. - Je demande
la parole.
M. Malou. - Ce que je demande
encore, c’est que M. le ministre des travaux publics s’engage à faire à la
chambre un rapport sur la question, avant d’examen du budget de l’année
prochaine. S’il n’était pas fait droit à cette demande, je me verrais forcé à
proposer alors un amendement, que je m’abstiens de présenter aujourd’hui, pour
que la reprise du canal de Mons à Condé soit prononcée par une loi.
M. Dolez. - Messieurs,
chaque année, à l’occasion du budget des travaux publics, on voit surgir dans
cette enceinte des réclamations d’intérêt local. Mais du moins chacun s’était
borné, dans les années antérieures, à réclamer des avantages nouveaux pour sa
localité ; c’était chose assez légitime, et à laquelle je ne voyais, pour ma
part, aucun inconvénient. On va plus loin aujourd’hui, on ne se borne plus à
réclamer, chacun pour sa localité quelque bienfait nouveau ; nous voyons les
députés de certaines provinces (car je fais remarquer à regret que tous ceux
qui provoquent le gouvernement à enlever au Hainaut les produits du canal de
Mons à Condé, appartiennent aux Flandres) ; nous les voyons, dis-je, demander
qu’on prive une autre province d’un avantage dont elle est depuis longtemps en
possession. C’est là, messieurs, un progrès dont je ne félicite ni la chambre,
ni ceux de ses membres qui l’ont introduit dans son sein. Je ne pense pas qu’il
soit de nature à produire d’heureux fruits pour les intérêts les plus élevés du
pays. Je ne le crois point surtout de nature à établir entre nos provinces les
liens d’une sympathie désirable dans l’intérêt de tous.
L’honorable M. Malou vient de vous lire le décret qui a ordonné la
création du canal de Mons à Condé et de quelques autres voies de navigation
dans quelques départements de l’empire français ; et l’honorable membre en a
conclu que le canal de Mons à Condé appartient à l’Etat. Cette conclusion me
paraît susceptible d’une controverse sérieuse. Pour appartenir à l’Etat, il
faudrait que le canal ait été créé avec les fonds de la généralité du pays. Or,
que résulte-t-il du décret de 1806 ? C’est que le canal de Mons à Condé a été
fait à l’aide de centimes additionnels imposés à quelques départements et que
l’Etat s’est borné à donner un subside. La création de ce canal n’a donc pas eu
lieu par l’Etat et aux frais de son trésor, mais elle a eu lieu aux frais de
quelques provinces. Il semble donc que si une question devait surgir
relativement à la propriété du canal de Mons à Condé, ce serait celle, non du
droit de l’Etat, mais du droit respectif des provinces qui ont contribué à
l’établissement de ce canal. Or, ce n’est pas cette question que l’honorable M.
Malou a soulevée.
L’honorable M. Pirmez a dit avec raison que cette question ne doit pas
être examinée, par le gouvernement, seulement au point de vue du strict droit,
mais encore au point de vue de l’équité. Eh bien, en équité, quelle est la
position du Hainaut, relativement à ce canal dont on veut lui ravir aujourd’hui
les produits ?
Le Hainaut jouissait des produits fort importants
de routes que cette province avait construites, soit des deniers de la
généralité de la province, soit des deniers de quelques communes.
Le gouvernement précédent a commencé par déposséder le Hainaut de ses
routes ; mais du moins lui a-t-il laissé une légère compensation. D’une part,
l’excédant du produit de nos barrières fut affecte à l’amélioration et
l’extension de nos routes. Vous savez, messieurs, que depuis la révolution de
1830, une loi à laquelle vous avez concouru, est venue rendre la spoliation
plus complète, en faisant contourner l’excédant des produits des routes du
Hainaut au profit de la généralité du pays.
D’autre part, le gouvernement précédent, en nous dépouillant de nos
routes, avait laissé à la province la jouissance des produits du canal de Mons
à Condé. Eh bien, cette compensation si minime de la dépossession de nos
routes, l’honorable M. Malou, par la proposition qu’il a produite dans cette
enceinte, voudrait que le gouvernement belge nous la ravît encore, et cela sans
nous rendre les produits de nos routes que nous seuls avons construites et
payées ! Peut-ou, messieurs, donner pareil conseil au gouvernement, au nom de l’équité.
L’honorable député d’Ypres a protesté qu’en soulevant cette question, il
n’était mû par aucune passion hostile au Hainaut. J’accueille avec plaisir la
déclaration de l’honorable membre ; mais je lui ferai toutefois remarquer que
quand le gouvernement a repris, dans la province qu’il représente, certaines
voies navigables qui paraissaient être fort profitables à cette province, ce
n’est pas nous, députés du Hainaut, qui avons provoqué cette reprise ; le
gouvernement n’a cédé en cela qu’à la conviction où il était, qu’il importait à
l’intérêt général du pays, et peut-être même à l’intérêt de
Voyons maintenant les motifs de convenance générale que l’honorable
membre allègue en faveur de sa proposition.
D’abord, il fait valoir la considération de recette. Une somme de
150,000 fr., qui entrerait annuellement dans les caisses du trésor public par
cette reprise, serait, il est vrai, un accroissement de recettes, quoique asses
insignifiant, dans le budget de l’Etat ; mais à côté de cet avantage, le
gouvernement ne doit-il pas mettre en balance l’inconvénient plus grave qui
résulterait du mécontentement que ferait naître dans le Hainaut la perte d’un
avantage dont cette province est en possession depuis longtemps ? Toute
économie en matière gouvernementale, tout établissement de produits nouveaux en
faveur de l’Etat n’est pas toujours utile ni désirable, et je crois que M. le
ministre, qui a cru devoir s’abstenir de s’expliquer avant la fin de ce débat,
ce dont je suis loin de le blâmer, pour mon compte. ; je
crois, dis-je, que M. le ministre des travaux publics reconnaîtra avec moi que
l’Etat perdrait beaucoup plus si l’on admettait la proposition de l’honorable
M. Malou, par le mécontentement que cette mesure répandrait dans le Hainaut
qu’il n’en profiterait par l’accroissement de revenus qu’elle produira à
l’Etat.
Jamais je ne féliciterais le gouvernement qui accroîtrait les ressources
de son trésor d’une somme insignifiante pour lui, au prix du mécontentement
d’une province.
A la considération de recettes, l’honorable membre en ajoute une autre
tirée des nombreuses communications auxquelles aboutit le canal de Mons à Condé
et de sa position internationale avec
Je ne crois pas que, pour le canal de Pommereul
à Antoing, qui est en communication avec le canal de Mons à Condé, il y ait jamais eu la moindre discussion entre l’Etat et la
province. Il y a toujours eu accord parfait entre l’Etat et la province, sans
que le moindre inconvénient se soit jamais présenté.
Cette considération n’en est donc pas une ; elle n’a du moins pas le mérite de
l’actualité, puisque jamais l’inconvénient signalé par M. Malou ne s’est fait
sentir.
Il en est de même de la connexité de la question des péages dont cet
honorable membre a parlé car loin d’y avoir désaccord entre le gouvernement et
la province, nous avons vu que, quand le gouvernement a cru devoir opérer des
réductions de péages sur les canaux dont il a l’administration, la province du
Hainaut opérait des réductions semblables sur le canal qu’elle administre. De
tous les inconvénients indiqués à l’appui de son opinion par l’honorable
membre, aucun ne s’est présenté en fait. Je fais appel au témoignage de M. le
ministre des travaux publics. Je suis convaincu que M. le ministre déclarera
qu’il n’y a jamais eu de conflit entre
le gouvernement et l’autorité provinciale, relativement à l’administration du
canal de Mons à Condé.
Ainsi, d’une part, le droit rigoureux de l’Etat de reprendre le canal de
Mons à Condé est éminemment contestable. D’autre part, l’équité invoquée par M.
Malou à l’appui de son opinion, loin de militer en faveur de cette reprise,
s’élève de la manière la plus énergique contre elle ; car si vous vouliez
enlever au Hainaut la faible compensation qu’on lui a accordée après l’avoir
spolié de ses routes productives, quelle en serait la conséquence ? Le Hainaut,
privé de ses routes et, d’autre part, de la faible indemnité qu’il trouve dans
les produits du canal de Mons, devrait, d’après ce que m’a assuré un homme
compétent, s’imposer 3 centimes additionnels sur toutes les contributions, pour
combler le déficit qui résulterait de la perte de la jouissance du canal. Je ne
crois pas que la situation industrielle du Hainaut soit telle qu’il soit d’une
bonne administration et d’une bonne politique pour le gouvernement de venir
soulever vis-à-vis du Hainaut une question qui prendrait un caractère
éminemment irritant.
Je reviens, en terminant, à la considération que j’émettais tout à
l’heure ; je me plaignais de cette circonstance assez remarquable que c’étaient
des députés appartenant aux Flandres, qui avaient provoqué cette discussion, et
cependant, n’avons-nous pas vu l’an passé, les députés du Hainaut prêter leur
concours aux députés des Flandres pour faire adopter une convention, qui, d’une
part, enlevait au trésor des revenus fort importants, et, d’une autre,
ravissait à notre diplomatie commerciale nos moyens les puissants de traiter
avec
Le Hainaut n’aurait-il pas pu dire que s’il ne
faisait pas entendre les mêmes clameurs que les Flandres, les souffrances de
son industrie n’étaient pas moins profondes ? Notre industrie
métallurgique n’était-elle pas et n’est-elle pas encore aussi souffrante que
pouvait le devenir l’industrie des Flandres, sans la convention à laquelle nous
avons prêté notre concours ; et c’est quelques mois après avoir prêté ce
concours que nous voyons les députés de ces provinces provoquer le gouvernement
à prendre contre le Hainaut des mesures auxquelles le gouvernement paraissait
ne pas penser. Je déplore ce débat, parce que, dans notre pays, il est plus
difficile et pourtant plus désirable d’entretenir l’union entre les provinces
que de faire entrer au trésor un insignifiant revenu de cent mille francs !
M. Desmet. - Il est vrai
que dans la discussion dont il s’agit ce sont des députés des Flandres qui ont
pris la parole, l’un a défendu la cause du Hainaut, les autres ont défendu
l’intérêt général. Si j’ai pris la parole dans cette occasion, ce n’est pas
pour spolier le Hainaut d’un droit qu’il dit avoir.
Si la province du Hainaut a droit à la propriété du canal de Mons à
Condé, je ne veux pas lui enlever ce droit. Si j’ai pris la parole, c’est dans
l’intérêt du commerce et de l’industrie du Hainaut lui-même, c’est parce que
j’ai vu dans les voies de navigation administrées par le gouvernement une
lacune dans le canal de Mons à Condé qui seul n’est pas administré par le gouvernement,
et, que j’ai pensé qu’il était dans l’intérêt de l’industrie du Hainaut que le
gouvernement eût aussi l’administration de cette voie, que j’ai demandé que le
gouvernement la reprît. Voilà quel était mon principal motif.
D’autre côté, je pense que ce canal avait été
construit avec les fonds de l’Etat et de plusieurs provinces. Mais si la
province du Hainaut a un droit de propriété, je ne veux pas l’en dépouiller,
mais qu’on veuille dans cette question examiner l’intérêt du pays en général et
particulièrement celui du commerce et de l’industrie.
M. Vanden
Eynde. - Si je demande la parole, c’est pour ne pas laisser accréditer
l’opinion émise par l’honorable M. Dolez. En commençant son discours, il a dit
que « la propriété du canal de Mons à Condé n’appartient pas à
l’Etat », et en finissant il a dit que « le droit de propriété était
contestable ».
En examinant le titre en vertu duquel la province du Hainaut est en
possession du canal de Mons à Condé, vous verrez que la propriété de l’Etat est
incontestable. Le titre de la province du Hainaut est l’arrêté du 17 décembre
1819. Cet arrêté a été pris par le roi Guillaume, en exécution des articles 216
et 217 de la loi fondamentale de 1815. Que portait cet article 217 ? Que les
travaux hydrauliques sur les rivières et canaux et autres travaux de même
nature appartenant à l’Etat et dont la charge incombait à l’Etat, pouvaient
être confiés par le roi à l’administration des villes, des communes et des
provinces par un arrêté qui déterminerait les moyens de faire face aux dépenses
de cette administration.
C’est précisément ce que le roi Guillaume a fait par son arrêté du 17
décembre 1819. C’est dans cet arrêté que la province de Hainaut puise son droit.
C’est en acceptant le canal de Mons à Condé, en vertu de ce titre, que la
province reconnaît elle-même que l’Etat en est propriétaire.
Comme vous l’avez entendu, par la lecture que M. Malou a faite d’un
article de cet arrêté, une réserve s’y trouvait insérée. En vertu de cette
réserve, le gouvernement était en droit de reprendre ce canal ou tous autres
travaux, quand il voudrait.
Je crois pouvoir me borner à ces simples
observations.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Ainsi que j’ai eu l’honneur de le faire
connaître dans mes rapports avec la section centrale, le gouvernement, en
opérant successivement la reprise des canaux et rivières administrés par les
provinces, n’a nullement été mû par des considérations du plus ou moins de
recettes qui devaient en résulter pour le trésor. Le gouvernement a pensé
qu’une bonne direction d’une bonne administration des différents cours d’eau
qui sillonnent le pays était chose trop importante pour s’arrêter à des questions
financières d’ailleurs trop peu importantes pour lui, vu qu’elles n’étaient
relatives qu’à des augmentations ou des diminution de recettes
fort minimes pour le gouvernement.
Ce que l’on a voulu obtenir, c’est l’unité de direction, l’unité
d’administration qui seule peut amener une bonne administration et une bonne
direction. Or, cette unité, on a cru qu’elle ne pouvait être obtenue qu’en
concentrant l’administration générale de tous les cours d’eau dans les mains du
gouvernement.
En ce qui concerne spécialement le canal de Mons à Condé, le
gouvernement pense aujourd’hui, comme en 1837, que la reprise de ce canal doit
se faire dans un temps plus ou moins rapproché. Mais il y a, à l’égard de cette
reprise, une question d’équité, comme on l’a fort bien dit tout à l’heure, et
une question d’opportunité à examiner.
Messieurs, on ne peut méconnaître que la province du Hainaut est une de
celles qui ont fait jusqu’ici les plus grands sacrifices pour l’exécution des
travaux publics, non seulement dans l’intérêt particulier de la province, mais
dans l’intérêt général du pays. Y aurait-il équité à priver cette province qui
a fait tant de sacrifices dans l’intérêt général du pays, à la priver
brusquement d’un revenu qui, pour l’Etat, n’est pas considérable, mais qui
l’est certainement pour la province, puisqu’il monte à 150 mille francs par
année ?
Le gouvernement a reçu à différentes reprises des réclamations de la
part des industriels et des commerçants, non seulement du Hainaut, mais encore
d’autres provinces, pour que des travaux publics nouveaux s’exécutent dans
l’intérêt général dans le Hainaut. Eh bien, je crois qu’il y aura, dans un
temps qui n’est probablement pas éloigné, moyen d’arriver à la reprise du canal
de Mons à Condé sans faire tort à la province du Hainaut, en liant cette
reprise à l’exécution de certains travaux publics dans cette province.
Je crois que jusque-là le gouvernement doit
garder une sage réserve à cet égard.
M. Dubus (aîné). - J’ai
demandé la parole pour répondre à l’observation de l’honorable M. Vanden Eynde
qui présente comme incontestable le droit de propriété de l’Etat sur le canal
de Mons à Condé. Cet honorable membre argumente uniquement de l’arrêté du 17
décembre 1819 qui a attribué, selon lui, à la province du Hainaut le droit
d’administrer ce canal et d’en percevoir les revenus. Il ne tient pas compte de
ce qui a précédé cet arrêté, des motifs qui ont déterminé le gouvernement à
prendre cette mesure. Or, il faut tenir compte de ces précédents. Avant cet
arrêté de 1819, et par la mesure inique que le gouvernement avait prise à
l’égard du Hainaut, dans la classification des routes, il avait enlevé à cette
province toutes les routes productives et réduit ainsi ses revenus dans une
forte proportion. Cette mesure avait provoqué les réclamations les plus vives.
Des députations avaient été envoyées au monarque pour en représenter
l’injustice. Ces réclamations se reproduisirent chaque année. Enfin, le
gouvernement a accordé quelque chose, une très faible réparation ! Il fallait
donc tenir compte de ce précédent ; or, l’honorable M. Vanden Eynde l’a passé
sous silence.
La province était incontestablement propriétaire de routes d’un très
grand produit. Il a suffi d’une disposition du gouvernement pour les enlever à
la province sans aucune indemnité.
Quant au canal dont il s’agit, ce n’est pas aux frais de l’Etat qu’il a
été construit. On vous dit que le Hainaut n’a fait que concourir à la dépense.
On ne prend pas garde que d’autres provinces sont appelées, par le décret qu’on
a cité, à concourir à la dépense, c’est qu’il ne s’agissait pas seulement dans
ce décret du canal de Mons à Condé, mais aussi d’autres voies navigables et,
entre autres, du canal de St-Quentin et de l’amélioration de la navigation de
l’Escaut. Ces différents travaux, qui intéressent diverses provinces,
expliquent leurs concours. Mais les 4 centimes additionnels imposés à la
province de Hainaut ne l’ont été qu’à cause du canal de Mons à Condé, qui se
trouve sur le territoire de cette province. Je crois que le Hainaut, en payant
ces 4 centimes additionnels, a largement fourni à la dépense du canal de Mons à
Condé, et qu’on peut le considérer comme construit exclusivement à ses frais.
J’ajouterai que ce canal n’était pas terminé, lors de la séparation des
départements de
On vous dit qu’il y a des motifs d’intérêt général ! Le premier que l’on
invoque, c’est que le canal est productif. Voilà, on en conviendra, un motif
curieux d’intérêt général. Une province possède un ouvrage d’un revenu
productif qui peut enrichir le trésor. L’intérêt général exige qu’on l’en
dépouille. Il suffit de rappeler un tel motif d’intérêt général pour le faire
apprécier. Si ce motif était admis, il y aurait à rechercher de quoi se compose
le revenu des autres provinces. Dés qu’on apercevrait quelque chose de
productif, il faudrait les en dépouiller.
Le second motif, c’est que ce canal se lie à un ensemble de voies
navigables, et que, si l’Etat n’en prend pas possession, il y aurait une sorte
de lacune dans l’ensemble de ses voies navigables. Mais admettre ce principe,
cela reviendrait à dire qu’il faut que tous les canaux, toutes les voies
navigables, sans exception, appartiennent à l’Etat ; car je ne connais pas de
voie navigable véritablement utile qui ne soit en communication avec une autre
voie navigable. Ainsi il y aura toujours un ensemble ; on voudra qu’il forme
une seule et même propriété.
Avec de telles raisons, il y aura toujours des motifs d’intérêt général
pour dépouiller les provinces ; car vous ne trouverez pas, je le répète, un
canal véritablement utile qui ne se lie à une autre voie navigable.
D’après les motifs que l’on a fait valoir, je comprends qu’en vue de
l’intérêt général on laissera dorénavant à la charge des provinces les ouvrages
de cette nature qui rapportent peu, ou qui sont onéreux. Mais il faudra
toujours dépouiller les provinces des canaux véritablement productifs. Mais je
fais remarquer toutefois que jusqu’ici l’on n’a pas procédé de cette façon ni
dans cet esprit. C’est une nouvelle preuve de l’esprit d’injustice qui
présiderait aux actes du gouvernement, s’il se laissait entraîner à ce qu’on
demande de lui. On a en apparence dépouillé des provinces de voies navigables,
qui, au lieu d’être productives, étaient onéreuses. On a dépouillé (si je puis
me servir de cette expression) les provinces de Namur et de Liége de la Meuse.
Je crois qu’on les a débarrassées ainsi d’un grand fardeau. Le gouvernement n’a
repris
Les mesures qu’a prises jusqu’ici le gouvernement ont été évidemment
favorables aux provinces, et l’on s’empare de ce qui a été fait en faveur de
ces provinces, pour déterminer le gouvernement à ce qu’on veut lui voir faire
au préjudice du Hainaut !
Les motifs d’intérêt général qu’on a fait valoir se réduisent à rien.
Quant à la question d’équité (car on en a parlé), je suis étonné qu’on
ait osé la soulever ; car il suffit de la poser pour la résoudre, Il est
évident que ce serait une mesure inique, qui serait ajoutée à d’autres mesures
iniques dont le Hainaut a eu à se plaindre, par exemple, lorsqu’on lui a enlevé
des routes pour la construction desquelles l’Etat n’avait rien payé, lorsqu’on
lui a enlevé l’excédant du produit des barrières sur ces routes, excédant dont
cette province avait joui jusqu’en 1832.
Ce qu’on vous propose maintenant, ce serait
mettre le comble à ces injustices, puisqu’on viendrait enlever au Hainaut un
revenu de 100,000 francs auquel il a le droit le plus incontestable.
M. Cools. - Dans les
observations qu’on a fait valoir contre la reprise du canal, j’ai remarqué
(j’éprouve le regret de devoir le dire) une tendance générale à déplacer la
question. Je n’ai trouvé aucun adversaire qui l’ait abordé de front.
Ainsi, l’on a fait valoir en
faveur du Hainaut le grand produit que lui donne ce canal. On a dit que le
Hainaut avait eu à se plaindre à d’autres époques ; qu’on avait été injuste
envers cette province, en lui enlevant le produit de ses routes, auquel,
d’après les honorables membres, elle avait des droits incontestables. On a dit
que cette province avait fait de nombreux sacrifices pour obtenir le canal de
Mons à Condé. Ces questions sont étrangères au débat actuel. Toute la question
est de savoir si, lorsque le gouvernement a adopté un principe relatif aux
rivières et canaux, lorsqu’il trouve d’une bonne administration de faire
revenir les canaux à l’Etat, il y a des motifs suffisants pour faire une
exception en faveur d’un seul canal.
Quant à la question du produit des routes, qu’on a mêlée dans la
discussion, il me semble qu’elle n’est pas aussi facile à résoudre que l’ont
supposé nos honorables adversaires. Cette question a été débattue plusieurs
fois dans cette enceinte : si l’on devait l’aborder, je crois qu’il y aurait au
moins autant de motifs contre le Hainaut qu’en faveur de cette province. Mais
cette question est étrangère au débat. Dans tous les cas, cette créance n’est
pas assez liquide pour être compensée par celle des canaux.
Ou a dit que le Hainaut avait fait de nombreux sacrifices pour obtenir
le canal de Mons à Condé ; déjà on a répondu que des sacrifices analogues
avaient été faits par d’autres provinces ; dès lors la propriété serait
indivise entre plusieurs provinces. Le Hainaut n’aurait pas seul le droit de la
revendiquer.
Mais on peut faire valoir une considération plus forte, puisée dans les
principes du droit public, c’est qu’en règle générale les communications
appartiennent à l’Etat, à moins qu’elles n’aient été faites par des
particuliers ou des provinces, et à leurs frais. Du moment qu’il y a doute ou
confusion, le principe général domine, c’est que tôt ou tard les communications
doivent revenir à l’Etat,
Cela est tellement vrai que quand le gouvernement accorde des
concessions, même à des particuliers qui font des routes à leurs frais,
toujours il stipule qu’au bout d’un certain temps, 90 ou 99 ans, ces routes
doivent revenir à l’Etat. C’est là un principe fondamental. Dès lors, il me
semble que l’on est mal venu quand on prétend que les faits antérieurs à
l’arrêté de 1819 constituent, en faveur du Hainaut, un droit de propriété.
On a dit encore, messieurs, que le motif pour lequel le gouvernement
avait adopté un système nouveau, c’est qu’il y avait eu des difficultés à
l’égard de l’administration de certains canaux, que des provinces ne voulaient
pas faire les ouvrages demandés, et que dès lors le gouvernement s’était vu
dans la nécessité de reprendre ces travaux ; que ces difficultés ne s’étant pas
présentées pour le canal de Mons à Condé, il n’y avait pas parité de motifs.
Il se peut que ce motif ait été la cause première pour laquelle le
gouvernement a adopté un système nouveau, mais je ne puis admettre que ce motif
ait été le seul qui ait guidé le gouvernement. Je ne puis admettre qu’il y ait
eu mauvaise administration de la part de toutes les provinces, à l’exception
d’une seule.
Messieurs, le gouvernement, et jusqu’à présent on n’a nullement démontré
le contraire, avait le droit de reprendre le canal de Mons à Condé, comme il
avait le droit de reprendre les autres ; et s’il n’avait pas ce droit pour le
canal de Mons à Condé, il ne l’a pas eu précédemment à l’égard d’autres canaux
qu’il a repris. Et (c’est une considération que j’aime à faire valoir) les
canaux repris n’étaient pas tous onéreux pour les provinces ; il y en avait
plusieurs qui leur procuraient des avantages. Ces provinces ont réclamé à
différentes reprises ; leurs réclamations sont restées sans résultat ; malgré
leur résistance, le gouvernement a repris les canaux. Il s’agit de savoir si le
gouvernement doit s’arrêter dans son système et dévier, faire une exception en
faveur d’une seule province.
Si le gouvernement a repris les canaux, c’est qu’il était de l’intérêt
général du pays qu’il le fît, et ce n’est pas, comme on l’a encore dit, pour
procurer des avantages à telle ou telle province. Les avantages des provinces n’étaient
qu’une question secondaire. Certainement, si les canaux sont bien administrés,
les provinces en profitent. Mais la question générale est de savoir s’il est de
l’intérêt du pays que cette administration revienne à la direction centrale, et
je crois qu’à cet égard le système adopté est bon et qu’il faut y persévérer.
On a encore cherché à jeter une certaine défaveur sur les membres qui,
les premiers, ont soulevé cette question. On a dit qu’il y avait mauvaise
grâce, aux députés des Flandres, à presser le gouvernement à agir avec sévérité
à l’égard d’une seule province. Nous autres, députés du Hainaut, vous a-t-on
dit, nous n’avons pas suivi cette conduite ; lorsqu’il s’agissait d’intérêts
favorables aux Flandres, lorsqu’il s’agissait de la convention avec la France,
qui devait procurer de grands avantages à une industrie des Flandres, nous
avons été des premiers à l’appuyer. Aujourd’hui, suivez notre conduite ; ne
venez pas forcer le gouvernement à user d’une sévérité excessive envers la
province du Hainaut.
Ou n’oublie qu’une seule chose, c’et que la position n’est plus la même.
Ce n’est pas nous qui avons soulevé la question des canaux. La question a été
amenée forcément dans cette enceinte. Le gouvernement avait lésé certaines
provinces ; déjà les députations provinciales des Flandres avaient réclamé deux
fois contre la reprise des canaux dans leurs provinces. On ne les avait pas
écoutées. On a répondu : c’est un principe général. S’il en est ainsi, il faut
l’appliquer à tous. Ou vous avez fait une injustice envers les autres
provinces, ou vous faites une faveur au Hainaut, si vous ne lui appliquez pas
le système auquel nous avons été soumis de la part du gouvernement.
On parle du mécontentement du Hainaut. Cette
considération de l’effet moral, on ne manque jamais de la faire valoir
lorsqu’on veut se soustraire à une mesure onéreuse. Mais je ferai valoir que ce
motif n’a pas arrêté le gouvernement lorsque précédemment il a adopté le même
système à l’égard des Flandres. Et alors il ne s’agissait pas d’une prévision
de mécontentement ; ce mécontentement s’était manifesté par des actes ; le
conseil provincial de
M. Vanden
Eynde. - Je dois un mot de réponse à l’honorable M. Dubus, qui a dit que
l’argument que j’avais produit n’établissait pas le droit de propriété du
gouvernement.
J’ai dit que le droit de propriété du gouvernement était établi par le
titre que la province même invoquait, et je crois qu’en droit, devant la
justice ordinaire, il n’y aurait pas d’objection à faire à cet argument.
La province possède le canal de Mons à Condé, en vertu d’un arrêté de
1819. En acceptant le canal, en exécution de ce titre, elle a reconnu le droit
de propriété dans le chef de l’Etat ; elle ne peut aujourd’hui nier ces actes.
L’honorable M. Dubus voudrait que j’eusse examiné ce qui a précédé
l’arrêté de 1819. Eh bien ! Si j’examine ce qui a précédé l’arrêté de 1819, je
trouve encore dans cet examen la preuve du droit de propriété de l’Etat. En
effet, comment le canal de Mons à Condé a-t-il été construit ? L’empereur, pour
la construction de ce canal, a fait application de la loi de 1807 sur le
desséchement des marais. Il a dit : Le gouvernement donnera une somme
déterminée ; certains départements fourniront au coût du canal par des centimes
additionnels : cela prouve déjà que le canal, dans son principe, était une
dépendance du domaine public, une propriété de l’Etat.
Plus tard, lors de l’achèvement du canal en 1814, lorsque le roi
Guillaume a pris les rênes du gouvernement des Pays-Bas, le canal a été,
paraît-il, cédé momentanément à la province. Mais c’est encore une de ces
concessions dans le genre de celles faites en 1819, qui n’attribuaient pas aux
provinces la propriété, mais l’administration, avec la charge d’entretenir les
ouvrages des canaux qui leur étaient concédés.
Je pense que ces courtes observations suffiront pour confirmer ce que
j’ai dit précédemment.
Maintenant, l’honorable M. Dubus se plaint beaucoup de ce qu’on a
provoqué une mesure uniquement à l’égard de la province du Hainaut.
Je trouve aussi que le gouvernement, en examinant cette question de la
reprise des travaux qui ont été concédés aux provinces, aux villes et aux
communes, devrait faire un examen général. Il ne devrait pas s’en tenir à ce
qui concerne la province du Hainaut pour la reprise du canal de Mons à Condé,
mais examiner encore si d’autres travaux d’utilité publique qui ont été cédés
aux provinces, aux communes et aux villes, ne doivent pas être repris par le
gouvernement, dans l’intérêt général.
L’arrêté de 1819 concède, entre autres, à la ville d’Anvers le port
d’Anvers, qui est une dépendance du domaine public, qui a été construit aux
frais de l’Etat. Eh bien, aujourd’hui que nous allons agrandir son entrepôt,
que nous avons même accordé une partie de l’emprunt dans ce but, je dis que le
gouvernement doit examiner s’il n’y a pas justice de reprendre le port
d’Anvers. C’est une question à examiner.
La même question s’applique encore au port d’Ostende.
En lisant l’arrêté du 17 décembre
M. le président. - Quelqu’un
demande-t-il encore la parole ?
M. Cools. - Je
demanderai à M. le ministre s’il n’a pas d’explications à donner sur les
observations qui ont été faites quant aux voies secondaires autres que le canal
de Mons à Condé ?
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, si je ne me suis pas expliqué plus
tôt sur les observations qui avaient été faites relativement à d’autres points,
c’est que j’ai cru qu’il valait mieux laisser s’épuiser la discussion soulevée
quant au canal de Mons à Condé.
Différentes interpellations m’ont été adressées dans la séance d’hier,
en ce qui concerne les canaux et les rivières.
L’honorable M. Cools vous a parlé du canal de Stekene. J’ai reçu très
récemment un rapport de l’ingénieur en chef de la province dans laquelle se
trouve ce canal, sur une pétition qui m’avait été renvoyée par la chambre et
qui y était relative.
Ce canal paraît à cet ingénieur plutôt d’intérêt communal que d’intérêt
général ; cependant, il est d’opinion que le recreusement
pourrait se faire avec un subside du gouvernement. J’ai soumis cette question
au conseil des ponts et chaussées dont j’attends l’instruction ultérieure.
On a beaucoup parlé hier du Demer. Plusieurs membres de la chambre se
sont plaints de ce que jusqu’ici on n’avait pas fait de travaux d’amélioration
au Demer, qui est compris dans les voies navigables de second ordre, pour
lesquelles depuis deux années il a été demandé au budget un crédit de cent
mille francs.
Messieurs, je reconnais que si rien n’a été fait au Demer, ce n’est pas
parce que la nécessité n’en est pas démontrée, mais c’est parce que, comme je
l’ai dit dans ma réponse à la section centrale, les études relatives aux voies
navigables du second ordre n’ont pas pu être assez avancées pour pouvoir
arriver à épuiser entièrement les crédits qui ont été alloués par la chambre au
budget des travaux publics de l’année dernière.
Le Demer, messieurs, a appartenu jusqu’ici à l’administration de
l’ingénieur en chef du Brabant. Vous n’ignorez pas que cet ingénieur a
malheureusement été atteint d’une maladie très longue, à laquelle il vient de
succomber, ce qui l’a empêché d’arriver à pouvoir présenter au gouvernement un
projet définitif d’amélioration du Demer. Mais aussitôt que la chambre a eu
voté le canal de
L’honorable M. Rodenbach nous a entretenus hier d’une écluse à construire
à Menin pour améliorer le système des eaux de
Le procès-verbal des conférences que ces deux ingénieurs ont tenues
ainsi que des observations contradictoires que chacun d’eux a cru devoir faire,
m’est parvenu il y a quelque temps ; je l’ai immédiatement transmis au conseil
des ponts et chaussées, qui m’a fait à cet égard un premier rapport, d’après
lequel il s’agirait effectivement d’établir une nouvelle écluse à Menin comme
moyen de maintenir
Je crois, messieurs, qu’il ne me reste plus
d’autres points relatifs aux canaux et rivières sur lesquels on m’ait fait des
observations.
M. Vanden
Eynde. - Messieurs, pour établir combien il est urgent que des travaux soient
faits immédiatement à la rivière le Demer, je dois exposer quelle a été la
conduite du gouvernement à l’égard de cette voie navigable depuis un temps
immémorial.
La voie de navigation dont vous vous occupez est une des plus anciennes
de
Elle fut successivement améliorée par l’établissement de barrages à
Diest, Sechem, Testelt et Aerschot, et en dernier lieu à Werther. L’entretien de
cette voie de navigation entre Diest et Malines a fait l’objet d’un règlement
remarquable de Marie-Thérèse.
Ce règlement fut ponctuellement exécuté par les soins du
procureur-général près le conseil de Brabant ; il facilita la navigation et
l’écoulement des eaux et prévint souvent les inondations.
L’occupation de
Vous le savez, messieurs, les routes et les rivières qui ne devaient pas
faciliter la marche ou l’approvisionnement de l’armée française, furent
négligées ; c’est ainsi que, par la négligence du gouvernement, la navigation
du Demer devint plus difficile de même que l’écoulement de ses eaux. Aucuns
travaux ne furent exécutés depuis 1796 jusqu’en 1919, soit pour dévaser la
rivière et faciliter l’écoulement des eaux soit pour la maintenir dans un état
de navigabilité convenable, lorsque, par un arrêté du mois de décembre de la
même année, le roi Guillaume remit à la députation du conseil provincial du
Brabant la direction et l’administration du Demer et de
Depuis 1796, le curement, le redressement et
le dévasement de la rivière avaient été négligés ; plusieurs inondations
avaient rendu l’état de la rivière plus mauvais ; des plaintes surgirent de
toutes parts ; mais les frais de redressement et d’amélioration étaient trop
considérables pour que la province pût les exécuter, alors surtout que la loi
les mettait à la charge de l’Etat et que le budget de la province présentait
des ressources trop restreintes pour y faire face.
La rivière fut abandonnée, comme sous le gouvernement français.
Cependant les réclamations se multiplièrent à mesure que les
inondations, pendant les mois d’été, se renouvelèrent, et quelques travaux de
dévasement furent enfin exécutés entre Diest et Malines dans le courant des
années 1829 et 1830
La révolution mit de nouveau obstacle à leur continuation, et la
députation, abandonnée à elle-même jusqu’en 1836, époque de l’organisation des
conseils provinciaux, n’entreprit aucun ouvrage important pour améliorer l’état
de la rivière
En juin 1830, on mit en adjudication l’exécution d’un projet de canal de
Vilvorde à Diest, par Campenhout, mais aucun
adjudicataire ne se présenta. Il paraît même que les villes de Bruxelles et de
Louvain s’opposèrent à l’exécution de ce projet, que désapprouva, en 1836, au
moins implicitement, le conseil provincial du Brabant, qui finit par accueillir
l’avis de l’ingénieur en chef, feu M. Urban, avis que
reproduit l’inspecteur divisionnaire, M. Vifquain, dans son rapport sur les
voies navigables en Belgique, page 290
Le projet de M. Urban ne fut pas mis à
exécution par la province, parce qu’à cette époque elle était en instance
auprès du gouvernement, aux fins d’engager celui-ci à reprendre la rivière
navigable,
Enfin, le gouvernement reprit le Demer et la Dyle en vertu de la loi du
18 février 1840. Des sommes furent allouées aux budgets depuis cette époque,
pour améliorer la navigation du Demer, de même que pour les autres rivières
qu’il avait reprises en même temps ou les années précédentes. Des travaux
considérables furent exécutés à l’Escaut supérieur, à
Tout ce que dit en peu de mots M. Urban est
pleinement confirmé par l’exposé de la situation de la province de Brabant de
l’année 1836 et des années antérieures.
Je crains bien, messieurs, que les efforts que j’ai fait déjà lorsque
j’eus l’honneur d’être membre du conseil provincial de Brabant, et que j’ai
renouvelé depuis que j’ai l’honneur de siéger dans cette enceinte, pour obtenir
le redressements de griefs, aussi anciens et aussi bien justifiés, ne finissent
pas subir le même sort, à moins que la chambre n’accueille favorablement mes
plaintes et ne les appuie.
La direction des travaux publics, confiée à l’honorable M. Desmaisières,
envoyé dans cette enceinte par
Ces considérations sont puissantes, sans doute, pour déterminer un
ministre loyal et juste à faire droit aux légitimes et nombreuses réclamations
de la navigation et des industriels des villes de Diest et d’Arschot ; aux plaintes, tant de fois renouvelées, des
propriétaires riverains de cette rivière, qui, par les moindres pluies d’été,
voient périr de belles récoltes, qui leur coûtent tant de soins et de frais, et
pour lesquelles ils paient des contributions foncières très élevées, plaintes
toujours appuyées par toutes les autorités et encore dernièrement par le
conseil provincial de Brabant, qui exposa au gouvernement, lors de sa dernière
session, le mauvais état de la rivière et démontra la nécessité d’y porter
remède.
Je pourrais y ajouter que l’intérêt même du trésor réclame
impérieusement ces améliorations ; en effet, messieurs, les travaux du fort de
Diest sont en pleine activité ; la pierre de taille, la chaux, les briques et
tant d’autres matériaux doivent arriver par
J’espère que ces considérations détermineront M. le ministre des travaux
publics, qui convient lui-même, dans les nouveaux développements de, son
budget, page 43, que ces rivières réclament d’importantes améliorations, qu’on
ne saurait ajourner indéfiniment sans inconvénient, à demander à la chambre que
le chiffre de 45,000 fr. soit porté à 100,000 fr., comme l’année dernière, et
qu’il prendra à temps les mesures convenables pour faire exécuter, à la
prochaine campagne, les travaux les plus urgents que réclame l’état actuel de
la rivière, et qui sont signalés dans le rapport, de 1838, de M. Urban.
Répondant à l’honorable M. de La Coste, M. le ministre a dit que les
études de travaux à faire au Demer ne sont pas assez avancées et que c’est pour
ce motif qu’il a retardé jusqu’à présent ces travaux. Eh bien, messieurs, ce
fait est controuvé comme le prouve le rapport de M. Vifquain que M. le ministre
lui-même a fait distribuer à la chambre. Ce rapport constate qu’en
J’espère donc que M. le ministre ne différera
pas davantage l’exécution de travaux dont l’absence peut contribuer à faire
perdre la récolte de cette année.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, je crois avoir donné assez de
preuves de ce que je suis animé de sollicitude pour tous les intérêts du pays,
de mon désintéressement provincial, si je puis m’exprimer ainsi, pour n’avoir
pas à répondre à l’espèce d’attaque que, sous ce rapport, l’honorable
préopinant vient de diriger contre moi.
En ce qui concerne le Demer, j’ai déjà dit tout à l’heure que j’avais
éprouvé le plus grand regret de ce que la longue maladie de l’ingénieur en chef
du Brabant avait empêché l’exécution des travaux à faire à cette rivière.
L’honorable préopinant me répond que déjà, en 1838 et antérieurement, des
projets ont été dressés à cet égard. Cela est vrai, messieurs, mais ce ne sont
que des premiers projets, et avant que de pareils projets deviennent exécutables,
il y a encore bien des examens, bien des études à faire.
On sait fort bien que le projet que dresse d’abord un ingénieur n’est
pas toujours celui qui est adopté en définitive ; il faut que l’instruction
suive toute sa filière, qu’elle soit complétée, et c’est ce qui n’a pas encore
eu lieu à l’égard du Demer, mais c’est ce qui aura lieu très prochainement,
parce que, je le répète, l’ingénieur en chef chargé du service spécial de la
canalisation de
En ce qui touche le chiffre de 45,000 fr., je ne crois pas devoir
demander une majoration, parce que je crois ce chiffre suffisant pour couvrir
la dépense de tous les travaux que l’on pourra exécuter en 1843 aux voies
navigables de second ordre. Si en 1842, on n’a pas dépensé au-delà de 15,000
fr., c’est, je dois le répéter, parce que les études des travaux à faire à
cette catégorie de voies navigables n’étaient pas assez avancées. Je dirai en
passant que cela prouve qu’un crédit voté n’est pas toujours un crédit dépensé,
et le gouvernement cherche avant tout à dépenser utilement et convenablement.
Or, pour qu’il puisse dépenser utilement et convenablement, il faut
nécessairement que les études soient complètes.
M. de Man d’Attenrode. - Je
demanderai à M. le ministre s’il croit pouvoir appliquer en 1843 ce qui reste
disponible sur le crédit de 1842.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) – C’est, messieurs, une question de
comptabilité que je ne pourrais pas décider immédiatement, parce que c’est un objet
à régler avec la cour des comptes. Cependant je crois que les fonds de
l’exercice de 1842 sont encore disponibles, puisqu’un exercice a trois ans
de durée.
- Le chiffre de 395,812 fr. 50 c. est mis aux voix et adopté.
Articles 4 à 6
« Art. 4. Service du canal de Bruxelles à Charleroy : fr.
121,036 »
« Art. 5. Service de l’Escaut : fr. 88,900 »
« Art. 6. Service de la Lys : fr. 50,911 50 »
- Ces articles sont successivement adoptés sans discussion.
« Art. 7. Service de la Meuse dans les provinces de Liége et de Namur :
fr. 238,380 »
M. David. - Dans la
discussion du 23 février 1841, à l’occasion du budget des travaux publics,
lorsque j’ai cru voir que le gouvernement allait enfin se décider à apporter à
la navigation de
Toutefois, je témoignais le regret de ce que le gouvernement, en
reconnaissant la nécessité de cette amélioration sur toute l’étendue du fleuve,
ne nous présentât pas un projet général, complet, et ne nous demandât qu’un
premier subside de 200,000 fr. destiné à être absorbé sur des points partiels,
isolés, laissant tout le reste du parcours en souffrance.
Persévérant dans le même système, le gouvernement a demandé et obtenu un
même subside pour 1842 et redemande encore une pareille somme pour 1843.
Ayant eu occasion récemment de parcourir la Meuse, d’entendre les
plaintes des bateliers, leurs observations et celles de plusieurs hommes de
métier sur les résultats des travaux déjà exécutés, à l’aide des premiers
subsides de dépenses, et l’opinion générale est aujourd’hui que l’on ne fait
que déplacer les obstacles ; je commence à croire qu’en effet l’art de
l’ingénieur est impuissante à changer le régime d’un grand fleuve.
Si l’on s’en rapporte aux traités les plus récents sur les travaux d’amélioration
des rivières, les travaux de cette nature, exécutés sur les principaux fleuves,
en France, n’ont abouti à aucun résultat positif.
Je n’entrerai pas dans les considérations toutes simples, toutes de bon
sens, qui paraissent démontrer l’impossibilité réelle de compter sur la
réussite des passes artificielles tentées comme essai. Ma conviction est formée
sur ce point. Ici l’art ne peut presque rien pour le secours de la navigation.
Je me bornerai à citer l’opinion de M. l’inspecteur Vifquain sur l’insuffisance,
sur l’inutilité même des passes artificielles tentées comme essai, par M.
l’ingénieur Guillery, pour parvenir à l’amélioration
de la Meuse (Voir pages 446 à 453 du mémoire sur les voies navigables en
Belgique de cet inspecteur, ouvrage rédigé par ordre du département des travaux
publics et que le ministre vient de faire distribuer).
D’après cet inspecteur, l’un des ingénieurs les plus distingués du pays,
les passes artificielles proposées ne répondraient pas à l’attente du commerce
; elles exigeraient une dépense non de 3,700,000 fr.,
mais absorberaient la somme de 8 à 10 millions de francs, et cela sans résultat
réel, selon lui.
Liége et ses houillères devraient attendre un quart de siècle pour jouir
des résultats de ces passes artificielles, si tant est qu’elles
puissent jamais en produire.
Il résulte jusqu’à l’évidence, de ce rapport, qu’aucune étude sérieuse
de la Meuse n’a été faite jusqu’à ce jour, que la Meuse est complètement
inconnue.
Les craintes que je vous exprimais il y a 2 ans, de voir dépenser inutilement, chaque année, des
sommes de 200,000 fr. et plus, sans but, sans plan arrêté, se sont donc
réalisées ! Et comment se fait-il, comment peut-on donc l’expliquer qu’après
avoir lu le dernier mémoire de M. Vifquain, où il condamne d’une manière si
alarmante et si positive les travaux, le système suivi actuellement pour
l’amélioration de la Meuse, le ministre vienne nous demander un nouveau crédit
de 200,000 fr, pour la continuation de travaux condamnés à l’avance, et cela
sans nous donner la moindre explication.
En parlant du système des passes comme moyen d’amélioration de la Meuse,
M. Vifquain dit : « Nous ne pensons pas que l’administration des ponts et
chaussées puisse regarder la question comme résolue par le système de M. Guillery. » Que s’est passé à la Meuse française, où
M. Guillery est allé prendre ses inspirations ? M.
l’ingénieur en chef Leroy, en projetant en 1837 l’amélioration de la Meuse, par
passes artificielles, comptait atteindre un tirant d’eau d’environ 1 m. 50 c., en harmonie avec celui du canal des Ardennes et de
l’Aisne. Cependant il ne résulta de l’exécution de ces ouvrages qu’un mouillage
d’un mètre ; lequel se réduisit à 76 c. pendant l’été de 1840 ; en outre, la
traction de ces passes était encore si grande qu’un cheval robuste ne remonte
aux basses eaux, à la vitesse de 2,500 mètres par heure, qu’une charge d’environ 25 tonneaux, dont 15 à 18 de poids
utile. »
Et plus bas, dans la même page, après avoir fait ressortir diverses
autres considérations, il dit :
« En présence de tels faits, et contrairement à l’expérience sur
laquelle il appuie son système, comment M. Guillery peut-il soutenir l’application efficace à la
généralité de la Meuse belge ? »
En parlant de la dépenses des passes artificielles, M. Vifquain dit
encore : « Le commerce de Liége attendra-t-il patiemment un quart de
siècle que 8 à 10 millions soient dépensés en tâtonnements de passes
artificielles, lorsqu’il a besoin dès à présent de lutter, sur les marchés de
la Hollande, contre l’importation prussienne et anglaise ? Ce commerce se
contentera-t-il d’atteindre la Sambre et le canal des Ardennes avec un mètre au
plus de tirant d’eau, et à force de chevaux, quand on cherche à donner un mètre
50 de mouillage aux lignes navigables de Charleroi et de Mons vers Paris
? »
Je m’arrêterai là, messieurs, quoique j’aurais
beaucoup d’autres points à citer du rapport de M. Vifquain. Qu’on relise avec
attention dans ce rapport important ce qui est relatif à la canalisation de la
Meuse, de la page 438 à 453, et on sera convaincu que nous ne pouvons voter les
200 mille francs demandés pour la Meuse, sans restriction.
Mais, messieurs, n’y a-t-il donc pas de moyen prompt et immédiat de
venir au secours de l’industrie, du commerce et du batelage de la Meuse ? Je disais
encore, dans la séance du 23 février 1841, que l’exécution des travaux
d’amélioration n’était au fond qu’une question de transport. Je demandais qu’on
nous fournît les moyens de transporter par la Meuve nos matières pondéreuses à
quelques francs de moins par tonneau en France et en Hollande, et que le but
alors serait complètement atteint ; et qu’ainsi toutes les plaintes de détresse
actuelle, et de détresse en perspective disparaîtraient.
Eh bien, messieurs, je suis maintenant intimement convaincu que les
travaux que l’on continuera à exécuter dans le même système ne nous conduiront
jamais à ce but, malgré l’énorme dépense à laquelle ils entraîneront l’Etat.
Mais, messieurs, voulez-vous sincèrement faire refleurir la navigation
de la Meuse, la ramener au même point de prospérité où elle se trouvait jadis,
bien qu’avec tous les obstacles naturels qui ont toujours existé ? vous en êtes parfaitement les maîtres : vous n’avez qu’à
lever les obstacles administratifs et fiscaux, qui pèsent sur la navigation et
entravent le commerce de mille façons. Pour cela, messieurs, il suffit de faire
l’abandon d’une recette de 60 à 70 mille francs environ, pour rendre libre le
parcours du fleuve dans trois provinces, celles de Namur, de Liége et du
Limbourg.
Quand je dis, messieurs, que le sacrifice pour le trésor serait de 60 à
70 mille francs, je me trompe, car évidemment il faudrait déduire de cette
somme les frais de perception de ces péages dans les trois provinces, et tandis
que le trésor n’éprouvait qu’une perte de recette directe très insignifiante,
le commerce, lui, acquerrait instantanément des avantages inappréciables ; car
vous n’ignorez pas, messieurs, que, par les tarifs existants, la navigation de
la Meuse est condamnée à payer d’autant plus que l’étiage du fleuve force nos
bateaux à porter moins.
L’abandon de ces péages si insignifiants pour l’Etat, mais si lourds
pour le commerce, fera disparaître tout transbordement, toutes ces haltes, tous
ces arrêts, tous ces abordages aux divers bureaux de péage ; toutes ces
formalités gênantes de jaugeage, etc., etc., formalités vexatoires, que l’on
menace encore de doubler par l’augmentation du nombre des bureaux de péages.
Alors, messieurs, au moyen de ce simple abandon d’un péage insignifiant,
abandon qui profitera à trois provinces, c’est-à-dire au tiers du royaume,
n’est-il pas aisé de prévoir l’accroissement important des exportations et
importations de ces provinces, et en outre du Luxembourg vers la Hollande et la
France, et vice versa.
Ne sera-ce pas aussi assurer à notre pays les transports d’une grande
partie des produits des provinces françaises pour la Hollande, et
réciproquement ? Mais, messieurs, peut-il exister le moindre doute que
l’abandon insignifiant de ces 50 mille fr. en recette directe ne rentre pas
dans les caisses du trésor, et bien au-delà, en recettes indirectes, par
l’accroissement de prospérité de nos houillères de nos carrières à pierre, de
nos marbres, de nos chaux, de nos ardoises, de nos tuiles, de nos usines métallurgiques,
de notre batelage enfin.
J’adjure le gouvernement de peser mûrement, et avec la plus sérieuse
attention, les effets que produirait cette mesure pour le bien-être général.
Je vous proposerai donc, messieurs, et je vais en déposer l’amendement
sur le bureau, le budget des voies ct moyens étant arrêté, et ne voulant pas
détruire l’équilibre entre les recettes et les dépenses :
1° de réduire l’allocation de 200,000 fr. demandée à l’art. 7 du budget
des travaux publics pour travaux d’amélioration à la Meuse, à la somme de
124,000 fr. ;
2° de supprimer les péages établis sur la Meuse, qui ont été évalués en
recettes, pour les trois provinces ensemble, à la somme de 124,000 fr.
3° qu’en conséquence de cette suppression, il soit mentionné dans la loi
du budget général des dépenses du royaume, que « les péages à percevoir
pour la navigation sur la Meuse, sont abolis et cesseront d’être perçus à dater
du jour de la promulgation de cette loi. »
Et quant à l’emploi de la somme de 124,000 Ir,
destinée aux travaux d’amélioration, j’appellerai l’attention de M. le ministre
sur la nécessite de les employer le plus utilement possible, soit en travaux de
défense des rives, soit principalement en réparations ou constructions de bons
chemins de halage.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, la Meuse est un fleuve dont le
régime sort tout à fait des règles ordinaires. Le régime de ce fleuve n’a
jamais été soigné. Il en est résulté qu’aujourd’hui il faut nécessairement de
grands travaux pour le rendre navigable ; il en est résulté aussi qu’on a
éprouvé les plus grandes difficultés pour arriver à connaître quel était le
système de travaux auquel on devait avoir recours pour améliorer efficacement
son régime.
De là, messieurs, la législature a été amenée à voter, depuis plusieurs
années au budget, des crédits pour travaux d’essai. Ces travaux ont eu lieu, et
aujourd’hui on est en mesure de pouvoir se fixer sur le plan définitif
d’amélioration. Bien que la session du conseil des ponts et chaussées ne soit
ouverte que depuis deux ans, je me suis déjà entretenu avec le conseil de ce
qui concerne la Meuse, et j’ai donné pour instruction à ce corps qu’avant la
clôture de la session il ait à me présenter le plan définitif des améliorations
à faire au régime de la Meuse. Aussi, c’est pour la dernière fois que le
gouvernement vous propose d’accorder le subside de 200,000 fr. pour travaux
d’essai.
Certainement, messieurs, on peut différer d’opinion sur l’avantage que
peuvent présenter, pour l’amélioration du régime de la Meuse, les travaux
d’essai qui ont été exécutés. L’honorable M. David, pour critiquer ces travaux,
vous a cité l’opinion d’un ingénieur fort instruit et fort recommandable et à
l’opinion duquel on doit toujours avoir égard ; mais, messieurs, lorsque j’ai
déposé le rapport de l’inspecteur Vifquain sur le bureau de la chambre, j’ai eu
l’honneur de déclarer que je n’entendais nullement lier en quoi que ce soit
l’opinion du gouvernement à celle de M. l’ingénieur Vifquain ; l’opinion de M.
Vifquain, en ce qui concerne les travaux de la Meuse, est une opinion isolée,
opinion qu’il aura occasion de faire valoir dans le conseil des ponts et
chaussées dont il fait partie.
A cette opinion, j’ai à opposer, dès à présent, d’autres opinions non
moins recommandables. J’ai fait faire par M. l’inspecteur général des ponts et
chaussées plusieurs inspections minutieuses et détaillées des travaux à la
Meuse, et les rapports que j’en ai reçus sont tous favorables aux travaux
d’essai qui ont été exécutés.
Pendant l’été dernier, un inspecteur divisionnaire des ponts et
chaussées de France, M. Bruyère, qui s’est beaucoup occupé des travaux aux
rivières, a fait un voyage dans le pays, expressément pour visiter les travaux
que nous faisons à titre d’essai la
Meuse ; et, messieurs, son opinion a été aussi entièrement favorable à ces
travaux.
J’ai eu occasion de recevoir à différentes reprises des députations des
bateliers de la Meuse ; et quoique ces bateliers ne soient pas des hommes de
l’art, ils ont cependant une certaine pratique du régime des rivières ; j’ai
donc en soin de les interroger sur le bien qu’ils pouvaient déjà tirer des
travaux qui ont été exécutés jusqu’ici ; tous m’ont dit qu’ils étaient très
satisfaits de ces travaux. Ainsi, vous voyez bien qu’il ne faut pas, comme
l’honorable M. David, penser qu’ici toute amélioration est impossible.
Du reste, messieurs, malgré toutes ces opinions
à opposer à celle de M. Vifquain, il est certain qu’avant de se fixer sur le
plan définitif des travaux à faire pour l’amélioration du régime de la Meuse,
il faut une délibération approfondie dans le sein du conseil des ponts et
chaussées, délibération que j’ai provoquée, comme j’ai eu l’honneur de le dire
tout à l’heure.
M.
d’Hoffschmidt. - Messieurs, je suis grand partisan de
l’amélioration de la navigation de la Meuse. Quand un pays possède une voie
navigable naturelle, qui traverse tout son territoire, qui passe par les
centres d’industrie les plus importants, qui le met en rapport avec les deux
contrées avec lesquelles il a le plus de relations commerciales, il importe à
ce pays de ne négliger aucun moyen de faire en sorte que cette navigation ne
soit jamais interrompue. Il serait donc très fâcheux, si, comme le disait tout
à l’heure l’honorable M. David, l’art des ingénieurs était impuissant pour
améliorer la navigation des fleuves. Quant à moi, je ne partage pas cette
opinion, je crois au contraire que l’art des ingénieurs, en ce qui concerne l’amélioration
de la navigation des rivières, a fait depuis quelques années de grands progrès
; et ce qui tend à le prouver, c’est qu’on a inventé naguère encore ce qu’on
appelle les barrages mobiles, que l’on considère comme un grand
perfectionnement.
Quoi qu’il en soit, ce qu’a dit M. David n’est pas un motif pour nous
arrêter, pour négliger la Meuse, pour la laisser dans l’état où elle se trouve.
Nous devons au contraire porter toute notre attention sur ce fleuve. Je crois
qu’il devra figurer en première ligne, lorsque nous nous occuperons de
l’amélioration de la navigation générale du pays.
J’ai donc entendu avec plaisir M. le ministre des travaux publics nous
dire tout à l’heure qu’il se proposait de soumettre, dans la session prochaine,
un projet définitif quant aux moyens d’améliorer la navigation dont il s’agit.
J’ai regretté que ce projet n’eût pas été présenté plus tôt. Déjà, à plusieurs
reprises, on a émis des doutes sur la nécessité de l’emploi, avant d’avoir un
plan définitif, des 200,000 fr. que nous portons chaque année au budget. Ces
doutes ne sont pas encore dissipés pour moi, surtout depuis qu’il est bien
constaté qu’il y a divergence d’opinion quant au système à adopter pour
l’amélioration de la navigation de la Meuse. D’une part, nous voyons M. Guillery préconiser le système des passes artificielles.
Nous voyons, d’autre part, M. Vifquain se prononcer pour les barrages.
Cependant M. Vifquain ne se prononce pas d’une manière absolue en faveur
du système des barrages ; d’après son rapport que je n’ai eu le temps que de
parcourir à la hâte et qui me paraît du reste très remarquable, il voudrait un
système mixte ; c’est-à-dire, qu’il voudrait employer tantôt les passes
artificielles et tantôt les barrages, suivant les accidents du terrain.
En présence de cette divergence d’opinions, j’insiste pour que les
200,000 fr., que je suis encore d’avis de voter cette année, à cause de
l’importance de l’objet j’insiste, dis-je, pour que ces 200,000 fr. ne soient
employés qu’à bonnes enseignes.
L’honorable M. David a présenté un amendement
très long, que je n’ai pas pu très bien saisir. Il me semble toutefois que cet
amendement repose sur deux points : le premier consiste dans la diminution du
chiffre de 200,000 fr. ; le second, dans l’abolition des péages sur la Meuse.
Je me suis déjà prononcé quant au premier point ; je veux, pour cette année
encore, le maintien du chiffre ; quant à l’abolition du droit de péage, je ne
puis partager l’opinion de l’honorable M. David ; je crois bien que cette
mesure exercerait une heureuse influence sur l’industrie et le commerce de
cette partie du pays ; mais il surgirait de toute part des réclamations
analogues pour les autres voies navigables, et ces réclamations seraient
appuyées sur de semblables motifs. Nous devrions dès lors, pour être
conséquents, nous engager dans une voie fâcheuse, surtout en vue des besoins du
trésor. Je ne puis donc adopter l’amendement proposé.
M. de Garcia. - Messieurs,
j’ai entendu avec peine l’honorable M. David provoquer la cessation des travaux
d’amélioration que l’on exécute pour améliorer la navigation de la Meuse ; je
l’ai entendu avec d’autant plus de peine que l’honorable membre a regardé le
problème comme résolu, c’est-à-dire que, selon lui, la Meuse ne pourrait pas
recevoir d’amélioration dans son régime.
Messieurs, à peine les essais sont-ils achevés, que déjà on annonce que
ces travaux n’auront aucun résultat.
J’adjure l’honorable membre de n’établir aucun préjugé sur la question.
J’habite les localités, et j’ai lieu de croire que les travaux faits par forme
d’essai, produiront un résultat avantageux à la navigation de la Meuse.
Il est peut-être une question plus douteuse ; c’est celle de savoir
jusqu’à quel point la solidité de ces travaux est établie. Je dois le dire, la
manière dont ils ont été faits n’en assure pas la durée. Vous savez ce que
c’est que la Meuse, c’est souvent un torrent. On ne peut constater que par
l’expérience ce qui doit être fait. Je pense que beaucoup des travaux exécutés
seront détruits. Mais cette destruction ne peut être envisagée comme une perte
absolue, et de cette destruction, l’on pourra au moins tirer une expérience
pour ce qui devra être fait par la suite ; la double proposition de M. David
n’aurait-elle pas un autre but que celui qu’il annonce ? ce
but ne serait-t-il pas de faire jouir les trois provinces traversées par la
Meuse d’une navigation sans frais pour transporter les riches et considérables
produits de leurs industries ? A ce dernier point de vue, je partagerais
son opinion, mais en divisant son amendement. Je vois qu’il réduit l’allocation
pour l’amélioration de la navigation de la Meuse d’une somme égale à celle que
le gouvernement perçoit sur les péages, et dont la perception cesserait, Si
j’ai bien compris l’honorable M. David, la situation du trésor ne serait pas
changée par sa proposition ; il réduirait à 124 mille francs l’allocation pour
l’amélioration de la Meuse, et les 74 mille francs de différence de sa
proposition avec celle du budget couvrirait le déficit à résulter de la
suppression des péages. Je ne puis partager cette manière de voir sous le
rapport de la réduction des sommes consacrées à l’amélioration du fleuve, mais
je voudrais bien que, jusqu’à l’achèvement des améliorations qu’on se propose
de faire, on supprimât tout ou partie des droits de péage. Sous ce second point
de vue, j’appuierai l’amendement de M. David. Il n’en sera pas de même de celui
qui tend à faire cesser les travaux d’amélioration, je le combattrai de toutes
mes forces. Il y a des motifs pour demander la réduction, sinon la suppression,
des péages jusqu’à ce que les travaux soient terminés, il n’y en a aucun pour
diminuer les subsides destinés à améliorer le régime du fleuve. L’exécution de
ces travaux entrave souvent la navigation. Outre cela, le mauvais état de la
Meuse entraîne des frais considérables de tirage, et empêche les chargements
complets qui se font sur les vois navigables bien organisées.
Je crois donc que le gouvernement ferait acte d’équité en réduisant les
droits de péage. Je vais plus loin ; je crois que si l’on comparaît ces péages
avec ceux qu’on perçait sur certains canaux, on verrait que ceux de la Meuse
sont beaucoup plus élevés. L’équité commande qu’on mette l’harmonie la plus
parfaite dans les droits perçus sur toutes les voies de communication, soit
navigables, soit autres.
Si je me le rappelle bien, l’année dernière, on a réduit les péages sur
beaucoup de canaux, à tel point que la navigation s’y fait presque sans frais.
Je désire qu’on soit juste à l’égard de tous, et je convie le gouvernement à
porter son attention sur la Meuse, pour voir si les péages qui y sont établis
correspondent à ceux des autres voies navigables du pays. J’ai la conviction
qu’ils y sont plus élevés que partout ailleurs.
Ce n’est que subsidiairement que je fais ma
proposition ; j’appuierai celle de M. David, de supprimer tout péage jusqu’à ce
que tous les travaux soient terminés.
M. David. - L’honorable
M. de Garcia me fait dire une chose à laquelle je n’ai jamais pensé. Qu’on
relise mon discours, et l’on verra que j’ai demandé la continuation des
travaux, mais je veux des travaux d’ensemble, un plan général. Je veux la
réussite de la navigation de la Meuse ; mais en attendant, je demande qu’on la
dégrève des péages qu’on lui impose. C’est à cela qu’est revenu l’honorable
préopinant. Quand j’ai critiqué les travaux, ce n’est pas sans raison. Pour
vous en convaincre, vous n’avez qu’à voir l’effet des travaux exécutés en
France et qui produisent beaucoup moins d’effet qu’on en avait attendu.
Contrairement à l’allure de tous les fleuves, la partie supérieure de la Meuse
roule lentement et non torrentueusement comme elle le fait en entrant sur le
territoire de la Belgique ; elle devient plus difficile à dompter en Belgique
qu’en France : Eh bien, en France les travaux qu’on a exécutés sont trouvés
faibles, ce qui est prouvé par les citations que j’ai faites à propos de
l’ingénieur Leroy.
Si l’on ne peut, dans la partie la plus facile du fleuve, le conduire
selon sa volonté, on pourra d’autant moins le conduire par les mêmes moyens en
Belgique, quand il devient torrentueux, quand on a plus d’obstacles à vaincre.
On dira peut-être que je veux tout bouleverser. Je ne veux cependant appliquer
le dégrèvement des péages qu’à la Meuse pour le moment. Toutefois, si la
chambre voulait l’étendre à toutes les voies navigables du royaume, je n’y
verrais pas grand inconvénient, car elles ne rapportent que 210,000 francs,
dont il faut défalquer tous les frais de perception dont vous feriez le
bénéfice. Tous les bureaux de péage que vous loueriez très bien viendraient
encore en réduction. Certainement quand je parle de dégrèvement sur les
rivières, je n’ai pas voulu parler des canaux, des voies créées par la main des
hommes, mais seulement de celles qui nous sont données par la nature.
Enfin, quand j’ai proposé mon amendement, c’est
qu’il m’a semblé que ce que je proposais devait faire immédiatement un grand
bien au pays et n’excluait pas la pensée des travaux nécessaires pour rendre la
Meuse plus navigable.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, je dois avouer que j’avais compris
le discours prononcé par l’honorable M. David, et surtout sa conclusion, dans
le même sens que l’honorable M. de Garcia, et je crois que tout le monde l’a
compris de même, ainsi que je l’entends dire de tous côtés.
L’honorable M David vous a dit que les travaux qu’on avait exécutés sur
la Meuse, en France, étaient reconnus ne rien valoir, que les travaux d’essai
faits en Belgique étaient mauvais et que tout cela semblait prouver que l’art
était impuissant pour améliorer le régime de la Meuse, et que, dans cette
occurrence, il n’y avait rien de mieux à faire que d’abandonner les recettes
perçues sur ce fleuve, afin d’en rendre la navigation moins onéreuse pour les
industries dont les produits doivent s’écouler par cette voie.
Je dois répondre à cela, que vous aurez beau réduire à zéro les péages
sur la Meuse, sur un fleuve dont la navigation est reconnue impossible pendant
une grande partie de l’année et de très peu d’importance pendant celle où l’on
peut naviguer, vous ne rendrez aucun service à l’industrie et au commerce si
vous ne réussissez pas à rendre ce fleuve navigable. C’est là la condition
première, c’est de rendre ce fleuve navigable. Quand vous aurez rempli cette
condition, vous aurez réellement fait quelque chose pour l’industrie et le
commerce. L’honorable membre me dit que c’est ce qu’il veut obtenir par un plan
général. Mais je me permettrai de lui répéter que c’est ce qu’il n’a pas dit
dans son premier discours ; c’est ce que je ne vois pas même dans son
amendement.
Si l’honorable M. David ne veut pas autre chose
que d’arriver le plus promptement possible à un plan général, je suis d’accord
avec lui ; car j’ai dit au conseil des ponts et chaussées de me présenter un
plan général et définitif pour l’amélioration de la navigation de la Meuse,
avant de clore sa session de cette année.
M. Fleussu. - Avant que
l’honorable M. David eût développé son amendement, mon intention était de
prendre la parole, mais c’était pour demander qu’on augmentât de 200 mille
francs l’allocation de la Meuse. Si vous avez lu le rapport de M. Gillery, qui ne s’accorde pas avec celui de M. Vifquain,
vous avez vu qu’il se plaint de n’avoir pas produit plus d’effet, faute de
sommes suffisantes pour faire de travaux plus importants et plus solides dans
la Meuse.
J’ai eu occasion de me trouver en relations avec des personnes qui
doivent connaître les résultats des travaux de M. Guillery,
avec des personnes qui ont intérêt à ce que la Meuse soit navigable le plus
longtemps possible. Elles se sont accordées à dire qu’il y avait des
améliorations notables pour cette navigation dans les travaux faits par M. Guillery.
Il est très possible que ces améliorations ne subsistent pas très
longtemps, parce que c’est par forme d’essai qu’on a procédé jusqu’à présent.
Ces essais, sous un rapport très utiles, peuvent céder dans un temps comme
celui-ci où les eaux sont très fortes. Il est possible qu’il n’en reste rien
lorsque les eaux seront baissées. M. Guillery
lui-même l’a prévu. Je lui ai entendu dire que ces passes artificielles de la
Meuse manqueraient, et que le torrent en emportait une partie. D’après M. Guillery, si ces travaux ne sont pas à l’abri de toutes les
crues d’eaux, c’est parce qu’on a refusé les moyens d’exécution nécessaires. En
effet, je vous le demande, comment voulez-vous, avec les fonds qui ont été
alloués, améliorer la Meuse, sur une étendue de 48 lieues qu’elle a de Namur à
Maestricht, alors qu’il y a de grandes améliorations à faire, qu’il y a des
atterrissements qu’il faut faire disparaître.
Il est certain qu’il y a, quant au service de la Meuse, une incurie qui
ne se conçoit pas. Depuis quelque temps, après que le gouvernement français en
a eu donné l’exemple, un inspecteur a été chargé de veiller à l’amélioration du
fleuve. Jusqu’à présent il n’y a eu que des essais. On nous promet un système
complet. Je désire qu’il se produise le plus tôt possible ; car il s’agit d’une
voie navigable qui intéresse quatre provinces, je dirai même cinq provinces :
Limbourg, Luxembourg, Liége, Namur et jusqu’au Hainaut, qui nous amène ses
houilles jusque sur la place de Huy.
En Belgique, il y a deux bassins houillers celui du Hainaut, sillonné de
voies de communication, et celui de Liége, traversé par la Meuse, qui n’est
navigable que de nom ; car vous serez bien étonnés quand je vous dirai que la
Meuse n’est navigable tout au plus que six semaines ou deux mois par année. Sur
les marchés étrangers, sur celui de la Hollande, nous sommes en concurrence
avec les houillères du Hainaut et avec celles d’Angleterre. Si l’on ne rend pas
la Meuse presque constamment navigable, que deviennent les dispositions si
favorables du traité avec la Hollande, qui font que ce traité a été accueilli
avec une certaine faveur dans la province de Liége ? La faveur ne sera que
nominale. Il est bien évident que, pour mettre à profil les dispositions du
traité, il faut améliorer la Meuse, la rendre constamment navigable. Bientôt
vous discuterez le projet de loi relatif au canal de la Campine. Mais pour que
ce canal soit véritablement utile, il faut le mettre en relation avec la Meuse
; or ce ne sera pas possible si l’on ne rend pas la Meuse navigable.
Puisqu’on nous promet un rapport et que le ministre nous a dit qu’il
serait présenté immédiatement, je n’en demanderai pas davantage. Je me bornerai
à voter l’allocation demandée.
Quant aux péages, il est évident que si la
chambre voulait adopter la proposition de l’honorable M. David, toute la
navigation de la Meuse y applaudirait. Mais il faut d’abord que la Meuse soit
navigable. Je ne dis pas qu’il faille élever les péages ; au contraire. Je
rappellerai ici que la chambre de commerce de Namur s’est plainte de ce que les
péages sur la Meuse sont plus élevés que ceux sur les canaux du Hainaut. Quant
à cette observation, je n’en garantis pas l’exactitude ; mais je la signale à
M. le ministre, et je l’engage à vérifier si elle est fondée.
M. de Mérode. -
J’appuierais volontiers les réclamations de l’honorable M. David, si l’on
votait ultérieurement des recettes qui établissent l’équilibre entre les
charges et les revenus publics ; et non seulement je
consentirais à supprimer les péages dont il s’agit, mais encore à provoquer des
travaux qui amélioreraient le cours de la Meuse, et qui auraient été bien plus
utiles au pays que le chemin de fer de Namur à Charleroy, dont les 14 ponts
entravent la navigation de la Sambre. Malheureusement, après avoir entrepris
des travaux considérables aussi coûteux qu’inutiles au fond on se trouve sans
ressources pécuniaires ; et les suppressions de péages ne peuvent plus avoir
lieu qu’au préjudice de la bonne administration des finances. Si l’on promulgue
cependant dans cette session une loi favorable au trésor à l’égard des sucres
et du tabac, le gouvernement pourra faire des sacrifices nouveaux ; mais avant
que je ne connaisse le résultat du vote législatif sur ces objets imposables ;
je ne pourrai admettre les amendements proposés, parce qu’ils tendent encore à
restreindre les ressources de l’Etat.
M. de Garcia. - J’avais
compris que l’honorable M. David avait dit qu’il fallait abandonner les travaux
de la Meuse. Il a prétendu qu’il n’avait pas dit cela, mais bien qu’il ne
fallait pas continuer les travaux d’essai, avant d’avoir un plan général,
Suivant cette observation ultérieure, je l’aurais mal compris, et pourtant
d’après ce qui a été dit en réponse à M. David par M. le ministre et par M.
d’Hoffschmidt, ces honorables membres avaient compris comme moi les paroles de
l’honorable collègue ; au surplus, quand on relira son discours, je pense qu’on
y trouvera que le fond de sa pensée était que le régime de la navigation de la
Mense ne peut être amélioré par les travaux actuellement entrepris ni même par
aucune espèce de travaux. Je n’en dirai pas davantage sur ce point, les
propositions de M. David semblent écartées de toute part.
Je parlerai des péages.
L’honorable M. Fleussu a dit que la chambre de
commerce de Namur avait demandé un rabais ; je partage complètement cette
opinion. Je crois que ce rabais devrait être fait actuellement dans l’état
actuel des choses. La navigation sur ces fleuves est des plus difficile, et par
cela même des plus dispendieuse. Je ne voudrais pas qu’on attendît qu’elle fût
parfaite pour réduire les péages. L’imperfection de cette navigation est un
puissant motif pour amener cette réduction ; ce serait un acte de rigoureuse
justice. Ceci est d’autant plus vrai, que je crois que le tarif du péage sur la
Meuse n’est pas en harmonie avec celui des autres voies navigables. Je demande
donc, et je conjure M. le ministre de fixer son attention sur ce point et de
faire à cet égard une proposition à la législature.
M. Delfosse. - Je regrette
que l’honorable M. David n’ait pas assisté à la conférence qui a eu lieu
dernièrement entre la commission des charbonnages liégeois et les représentants
du district de Liége. S’il y avait assisté, il saurait que les travaux de M. Guillery sont considères comme fort utiles par des hommes
très recommandables et très compétents dans cette matière. il est certain, et
M. Guillery est le premier à le reconnaître, que ces
travaux n’ont pas toute la perfection désirable mais cela provient en partie de
l’insuffisance des fonds que cet ingénieur a eus à sa disposition et en partie
de ce que ces travaux ne sont exécutés qu’à titre d’essai ; on n’aura certes
pas à regretter les sommes qui ont été dépensées jusqu’à ce jour et celles qui
pourront l’être encore, si ces travaux, tout en apportant quelqu’amélioration
au régime du fleuve, font connaître, par l’expérience, quel est le meilleur système
à suivre dans les travaux d’ensemble qu’il faudra exécuter ultérieurement.
Je regrette aussi que l’honorable M. David n’ait pas cherché à
s’entendre avec ses collègues de Liége avant de présenter son amendement ; s’il
les avait consultés, ils lui auraient probablement donné tous le conseil de ne
pas le présenter. Ce n’est pas qu’il n’y ait dans cet amendement des choses qui
vous conviendraient fort ; nous ne demanderions pas mieux que d’obtenir la
suppression complète des péages, qui grèvent la navigation de la Meuse, mais
nous savons d’avance que la chambre n’est nullement disposée à nous accorder
cette satisfaction ; nous ne pouvons pas solliciter pour la Meuse une faveur
dont les autres voies navigables du pays ne jouiraient pas, c’est pourquoi nous
aurions engagé l’honorable M. David à ne pas présenter son amendement.
Il est une autre partie de l’amendement de M. David à laquelle non
seulement nous ne pouvons adhérer, mais que nous devons combattre de toutes nos
forces ; bien loin de diminuer l’allocation, beaucoup trop faible, destinée aux
travaux d’amélioration à faire à la Meuse, il faudrait, au contraire,
l’augmenter considérablement. Si nous ne demandons pas d’augmentation, si nous
nous contentons du vote pur et simple de l’allocation proposée par le
gouvernement, c’est que M. le ministre des travaux publics nous a donné tantôt
des explications qui nous ont paru d’une nature satisfaisante, et dont nous
prenons acte, c’est qu’il nous est permis d’espérer que le gouvernement,
sentant enfin toute l’importance de la Meuse, viendra bientôt demander à la
législature les moyens de faire des travaux d’ensemble, sur une grande échelle,
d’après le plan qui aura été adopté par le corps des ponts et chaussées.
J’ai dit tout à l’heure que nous ne pouvions pas penser à obtenir la
suppression totale des péages qui pèsent sur la navigation de la Meuse ; nous
aurions peut-être été en droit de demander, lors de la discussion du budget des
voies et moyens, une réduction assez forte de ces péages, en nous fondant sur les
entraves que le mauvais état du fleuve apporte à la navigation ; cependant nous
ne l’avons pas fait ; nous espérons que la chambre nous saura gré de notre
réserve et qu’elle se montrera, en temps opportun, favorable aux propositions
que le gouvernement viendra lui faire pour l’amélioration de la Meuse.
Puisque j’en suis sur le chapitre des péages, je ne terminerai pas sans
appeler l’attention du gouvernement, et spécialement de M. le ministre des
finances, sur une plainte très fondée qui a dû lui être adressée par la chambre
de commerce de Liège. Un arrêté royal du 4 juillet 1842 a accordé une réduction
des péages sur les rivières et canaux de l’Etat, en faveur de certains produits
destinés à l’exportation ; cet arrêté est une lettre morte pour la province de
Liége, à cause de certaines formalités prescrites par le département des
finances. Pour jouir de la faveur, il faut faire plomber les navires par des
employés qui doivent assister au chargement. Le plombage des navires n’est
possible qu’autant que ce sont des navires couverts, et il y a fort peu de
navires couverts sur la Meuse, parce que le faible tirant d’eau qu’il y a
pendant une grande partie de l’année exige l’emploi de bateaux légers. Comme il
y a, dans la province de Liége, un nombre considérable de houillères placées à
de grandes distances l’une de l’autre, il n’est pas non plus très facile
d’avoir des employés pour assister au chargement des bateaux ; il faudrait pour
cela seul une armée d’employés ; ces difficultés suscitées par le département
des finances font que la province de Liége ne jouit presque pas de la faveur
accordée par l’arrêté royal du 4 juillet 1842. Cet arrêté, je le répète, sera
pour elle une lettre morte, tant que l’on exigera l’accomplissement des
formalités dont je viens de parler.
On concevrait les exigences du département des finances s’il s’agissait
de droits de douanes assez élevés pour donner de l’attrait à la fraude et pour
faire craindre au trésor un préjudice considérable ; mais elles ne se
conçoivent pas lorsqu’il ne s’agit que d’un droit de navigation ; on peut
d’ailleurs recourir, pour empêcher la fraude, qui n’est guère probable et qui
dans tous les cas serait peu nuisible au trésor, à des mesures qui ne
soulèveraient aucune crainte et qui n’en seraient pas moins efficaces. Si je ne
me trompe, la chambre de commerce de Liége en a indiqué quelques-unes. J’engage
fortement M. le ministre des finances à prendre en sérieuse considération les
observations que je viens de lui soumettre.
- L’amendement de M. David est mis aux voix ; il
n’est pas adopté
M. le président. - Quelqu’un
demande-t-il encore la parole sur l’art. 7 ?
M. de Garcia. - Messieurs, je
désire adresser une question à M. le ministre des travaux publics relativement
à l’exécution des marchés qui ont été faits pour les travaux de la Meuse à
Namur ; des contrats assez onéreux pour le gouvernement ont été conclus. Un
citoyen de Namur s’est engagé envers le gouvernement à lui fournir des ouvriers
(car les travaux se font par régie), à raison de 2 fr. 50. Le gouvernement
s’est engagé à lui payer cette somme, et en outre 40 p. c. sur les avances
faites aux ouvriers.
Je regarde le contrat comme onéreux ; mais il
m’en doit pas moins être exécuté. Il reçoit cependant de l’opposition de la
part du gouvernement. Je demanderai quelques explications à cet égard à M. le
ministre des travaux publics.
M. le ministre des travaux
publics (M. Desmaisières) - Messieurs, la chambre comprendra que je dois
garder, en répondant à l’interpellation de l’honorable préopinant, une certaine
réserve.
Un contrat a été passé ; mais il existe un différend entre
l’entrepreneur et l’ingénieur sur le sens à attribuer à la disposition que
l’honorable M. de Garcia vient de rappeler. L’ingénieur soutient qu’il n’a
entendu fixer le chiffre de 2 fr. 50 que comme chiffre maximum, et que les 10
p.c. constituaient alors le bénéfice de l’entrepreneur sur les journées qui
seraient réellement payées aux ouvriers. L’entrepreneur soutient au contraire
que le prix de 2 fr. 50 ne constitue ni un maximum ni un minimum, qu’il
constitue un prix réel.
Le département des travaux publics vient seulement
de recevoir les dernières pièces qu’il a désiré connaître avant de prendre une
décision ; il n’a pas pu encore se prononcer à cet égard ; il compte s’occuper
définitivement de cette question dans peu de jours. On comprendra dès lors la
réserve que je dois mettre dans mes explications.
M. de Garcia. - Messieurs,
j’ai en mains le contrat auquel je viens de faire allusion. J’imiterai M. le
ministre des travaux publics, je garderai beaucoup de circonspection dans
l’appréciation de ce contrat. Cependant il me serait difficile de ne pas dire
que l’employé a droit, et je convie M. le ministre de porter son attention sur
ce contrat, pour qu’il soit fait justice le plus tôt possible.
Cette circonstance me donne l’occasion d’inviter le gouvernement à faire
dorénavant des contrats très serrés, très clairs ; car il est pénible de le
voir sans cesse en procès avec les concessionnaires, avec ceux qui contractent
des marchés. Le gouvernement devrait donner l’exemple de ne jamais élever
légèrement des contestations, surtout quand elles sont contraires à la lettre
du contrat. Je voudrais donc qu’il apportât la plus grande attention, la plus
grande prudence dans les contrats qu’il fait avec les adjudicataires de travaux
publics, et ceci est, sous tous les rapports, dans l’intérêt même du trésor et
de la chose publique.
- Le chiffre de 238,380 fr. est adopté.
Articles 8 à 10
« Art. 8. Service de la Meuse dans le Limbourg : fr. 150,000 »
« Art. 9. Service de la Dendre : fr. 18,496 56 »
« Art. 10. Service du Rupel, de la Dyle et du Demer : fr.
5,900 »
- Ces articles sont adoptés sans discussion.
« Art. 11. Travaux aux voies navigables du second ordre ; frais d’étude
et de levée de plans ; achat et réparation d’instruments : fr. 45,000 »
M. Peeters. - Messieurs,
je suis un de ceux qui ont vu avec regret que le chiffre de l’art. 11, Travaux
d’amélioration aux voies navigables du second ordre, a été diminué. Cet article
me paraît un des plus utiles du budget ; car souvent, avec une somme très
minime appliquée aux travaux qu’il concerne, on obtient de très grands
résultats ; et comme vous le savez, toutes les voies navigables du second ordre
ont jusqu’ici été négligées par tous les gouvernements qui se sont succédé. Ce
n’est que depuis 3 ou 4 ans que l’on a commencé de s’en occuper.
M. le ministre vient d’expliquer que l’absence d’études complètes l’a
empêché d’employer les sommes allouées les années antérieures, et que dès lors
il a cru devoir demander une allocation moindre que celle demandée les années
antérieures. Je ne puis que me joindre à mes honorables collègues pour engager
M. le ministre à presser les études et à nous demander, l’année prochaine, une
somme beaucoup plus considérable, afin de pouvoir regagner le temps perdu par
l’absence des études entièrement terminées.
Je profiterai de cette occasion pour attirer l’attention de M. le
ministre sur la Grande-Nèthe, rivière navigable
depuis plusieurs siècles, et qui a été spécialement reconnue comme telle par un
édit de Marie-Thérèse de 1772. Cette rivière a été entièrement négligée par le
gouvernement. Je ne puis attribuer cette négligence qu’à un projet de canal de
Lierre à Zammal, qui a été présenté par le
gouvernement, sur lequel il y a eu même une enquête et qui paraît être entièrement abandonné. Je
suis donc très modeste en venant demander à M. le ministre quelques
améliorations à la Grande-Nèthe, qui auront un grand
résultat pour la navigation et ne coûteront que fort peu de chose au gouvernement,
et tout cela en compensation d’un projet de canal de Lierre à Zammal, sur lequel un projet de loi a été présenté par le
gouvernement aux chambres, il y a huit ans environ, et qui aurait coûté, si je
ne me trompe, un million environ.
Je recommande ses observations à l’attention
sérieuse de M. le ministre.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, j’ai eu soin, lorsque j’ai adressé
mes réponses à la section centrale, de lui dire que le gouvernement, en ne
demandant cette année que 45,000 francs pour travaux d’amélioration aux voies
navigables du second ordre, n’entendait aucunement se départir du chiffre de
100,000 francs alloué précédemment, mais qu’en raison de ce que les études
n’avaient pas pu être poussées assez loin, il avait cru, surtout en présence de
la situation de la balance des budgets des dépenses et des recettes, se borner
pour cette année à demander 45,000 francs.
En ce qui concerne la Grande-Nèthe, c’est un
objet sur lequel je fixerai toute mon attention.
- L’art. 11 est adopté.
Articles 12 et 13
« Art. 12. Travaux à faire pour obvier aux inondations dans la
vallée de la Senne : fr. 45,881 94 »
« Art. 13, Première moitié de la part de l’Etat dans les travaux
d’amélioration de la navigation de Bruges vers Dunkerque, et de l’écoulement
des eaux : fr. 144,120 »
- Ces articles sont adoptés sans discussion.
« Art. 14. Canaux de Gand à Ostende, dont l’Etat reprend
l’administration, à partir du 1er janvier 1843 : fr. 40,751 »
M. Delehaye. - Messieurs,
le gouvernement a repris les canaux de Gand à Bruges et de Bruges à Ostende, et
pour ma part, j’en félicite le pays. Tous les ans, nous nous sommes plaints,
dans la Flandre orientale, dans le Hainaut et même dans la Flandre occidentale
des inondations qui venaient désoler nos provinces. Des travaux assez
importants ont été effectués dans le but de ces inondations ; mais, quoi qu’on
ait fait, elles ont continué.
Vous savez que les eaux de la Lys et de l’Escaut ne peuvent se rendre à
la mer qu’en traversant la ville de Gand. C’est effectivement à Gand que les
eaux rencontrent l’obstacle le plus infranchissable. On a fait en amont de
cette ville, des travaux à l’Escaut et à la Lys, par suite desquels les eaux
sont arrivées en beaucoup plus grande quantité qu’auparavant.
Ces travaux ont été exécutés non seulement en Belgique mais aussi en
France. Dans le département du Nord notamment, des modifications considérables
ont été faites à certains canaux qui déversent leurs eaux dans la Lys et
l’Escaut, et, comme je viens de le dire, il en est résulté que les eaux sont
arrivées avec beaucoup plus d’abondance que jamais.
Le gouvernement doit donc faire en sorte que les eaux descendent sur
Gand, se rendent à la mer sans traverser cette ville. Or, en reprenant les
canaux de Gand à Bruges et de Bruges à Ostende, il vient d’acquérir le moyen
d’effectuer cette grande amélioration, sans grever considérablement le trésor.
Il existe déjà, messieurs, dans la Flandre orientale et en partant du pont de Deynze jusque dans le canal de Bruges à Gand un petit canal
connu sous le nom de canal de Deurne.
Ce canal pourrait, au moyen de travaux peu importants et peu coûteux
déverser une grande partie des eaux de la Lys dans le canal de Bruges à Gand.
Jusqu’ici on avait pu évacuer les eaux par cette voie, parce que Bruges se
refusait à recevoir les eaux de la Flandre orientale. (Erratum Moniteur belge n°13, du 13 janvier 1843 :) Vous savez que
la Flandre occidentale était propriétaire du canal d’Ostende. Les eaux de la
Lys devant être déversées par ce canal, il en résultait pour ce dernier un
grand dommage.
La province de la Flandre occidentale ne voulait point ouvrir ses
écluses, précisément parce qu’elle était tenue à réparer le dommage.
Aujourd’hui que le gouvernement est propriétaire de ce canal le même
inconvénient ne peut pas se présenter.
Je pense que l’intention de M. le ministre des travaux publics est de
soumettre à une même administration tout ce qui concerne l’écoulement des eaux,
tant de la Flandre occidentale que de la Flandre orientale ; et dans ce cas, il
n’y aura aucune difficulté à prendre les mesures nécessaires pour prévenir les
inondations. Il suffirait, aux époques des inondations ordinaires, de tenir les
écluses constamment ouvertes, pour laisser passer les eaux qui affluent sans
interruption. Il ne faudrait pas surtout faire ce qui a lieu aujourd’hui, où
l’on attend que l’inondation soit signalée pour ouvrir les écluses ; le gouvernement
étant propriétaire pourra tenir les écluses ouvertes aussi longtemps que cela
est nécessaire.
M. Vifquain a indiqué des travaux que l’on pourrait faire au canal de Deynse, mais je crois que ces travaux sont trop vastes. Je
conçois que l’on songe à de semblables travaux lorsque les finances sont
prospères, mais dans le moment actuel il suffirait de faire de très légères
améliorations à ce canal pour qu’il puisse répondre à sa première destination,
qui est l’écoulement des eaux. Il s’agit seulement de faire disparaître les
atterrissements qui se sont formés, d’empêcher qu’il s’en forme de nouveaux et
d’approfondir le canal (Erratum Moniteur
belge n°14, du 14 janvier 1843) de quelques pieds ; cela n’entraînera
qu’une dépense peu considérable.
Je prie donc le gouvernement, et en particulier
M. le ministre des travaux publics, qui doit connaître les localités, de ne pas
perdre de vue qu’une partie des inondations peut être prévenue en faisant
quelques travaux peu importants, qui rendront le canal de Deynse
à sa destination première.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) – Messieurs, j’ai déjà eu plusieurs fois, dans
cette discussion, l’occasion d’indiquer à la chambre que le gouvernement, en
faisant la reprise de divers cours d’eau, n’avait eu pour but que d’arriver à
l’unité direction et d’administration à l’égard de ces cours d’eau, parce qu’il
estime qu’il est impossible d’arriver à une bonne direction et une bonne
administration, si l’impulsion n’est pas unique.
En ce qui concerne le canal de Deynse, dont
l’honorable préopinant vient de nous entretenir, c’est là, messieurs, une
affaire dont l’instruction touche à son terme. Ce canal est un canal de
jonction de Lys au canal de Bruges. Il a pour but d’abord de favoriser la
décharge des eaux surabondantes de la Lys et de celles de diverses communes, en
nombre assez considérable, de la Flandre. Il a aussi pour
but de servir à une petite navigation entre la haute Lys et le canal de Bruges.
Un projet assez grandiose, et qui comportait une grande navigation, avait été
proposé, en effet, relativement à ce canal, mais ce projet a été soumis au
conseil des ponts et chaussées, qui l’a réduit à des proportions infiniment
moins considérables, à tel point que l’exécution n’en coûterait que 180,000 à
200,000 fr. C’est donc là un travail qui, financièrement, est dans l’ordre des
choses possibles, en fait d’exécution de travaux publics. Il est d’ailleurs
d’une trop grande utilité pour qu’on ne se décide pas à l’exécuter dans un
temps assez rapproché.
M. Delehaye. - Messieurs,
comme vient de le dire M. le ministre des travaux publics, le canal dont il
s’agit pourrait avoir une double destination : d’abord l’écoulement des eaux,
et, en second lieu, la navigation. Quant au projet d’en faire un canal de
navigation de grande dimension, ce projet a été abandonné, et je crois que l’on
a bien fait. Seulement on pourrait le rendre propre à la petite navigation, au
transport des engrais, des matériaux de construction, etc. ; si c’est ainsi que
l’entend le gouvernement, je suis parfaitement d’accord avec lui, et alors il
ne serait pas même nécessaire de dépenser 180 ou 200,000 fr. ; mais une somme
beaucoup moindre pourrait suffire pour rendre le canal à sa première
destination, qui est l’écoulement des eaux.
Toutefois si le gouvernement peut atteindre en même temps les deux
résultats, je l’en féliciterai au nom du pays et au nom de la province qui m’a
envoyé dans cette enceinte car il aura rendu un très grand service.
- L’article est mis aux voix et adopté.
Article 15
« Art. 15. Confection et entretien des bacs et bateaux de passage et de
leurs dépendances : fr. 20,000 »
Cet article est adopté sans discussion.
« Art. 16. Service de poldres : fr. 26,000 »
M. Osy. - Messieurs, déjà
l’année passée, lorsque nous étions occupés de la discussion du budget des
travaux publics, nous étions, comme cette année, saisie de diverses pétitions
pour l’endiguement du restant des poldres de Lillo, où il y a encore 500
hectares sous eau, par la rupture de la digue de l’Escaut, et qui donne
continuellement des inquiétudes pour la digue construite il y a quelques
années, par suite d’une convention faite avec les autorités militaires
hollandaises et avant la signature du traité de paix de 1839 ; les Hollandais,
pour la défense du fort de Lillo, n’ont pu consentir qu’à l’endiguement des 2/3
du poldre. Le 10 mars 1842, nous avons eu un tel ouragan qu’on a eu beaucoup
d’inquiétudes pour cette digue intérieure, car, par l’ouverture de la digue de
mer, les eaux de l’Escaut minent continuellement la digue, et si on ne se hâte
de prendre un parti pour la digue de mer, il est toujours à craindre une
rupture nouvelle. Et alors, au lieu d’ajourner une dépense (Erratum Moniteur belge n°14, du 14 janvier
1843) de 7 à ou 8,000 fr., vous pourriez avoir à faire une dépense de plus
du double ; vous voyez donc qu’en ajournant continuellement, nous nous voyons
exposés à des frais beaucoup plus considérables.
L’année passée, M. le ministre nous a promis de s’occuper sans retard de
cet objet important pour la province d’Anvers et surtout pour une localité qui
est en souffrance depuis 12 ans, et qui tous les ans, lorsqu’elle voit ouvrir
nos sessions, se livre à un espoir qui malheureusement s’évanouit bien vite,
lorsqu’elle apprend, par la publication des budgets, qu’on n’a pris aucune
résolution à ses justes doléances.
Voilà près d’un an que M. le ministre nous a
promis de s’occuper de cette affaire, et mon étonnement a été grand lorsque je
viens d’apprendre, par M. le ministre lui-même, qu’il ne peut pas encore cette
année nous faire un rapport sur les nouvelles pétitions qui viennent de vous
parvenir et qu’il va seulement maintenant nommer une commission mixte de la
guerre et des travaux publics pour examiner cette dépense. Le retard nouveau
d’un an m’a sensiblement affligé et surpris, et on l’apprendra de même dans nos
malheureuses localités en souffrance. J’espère au moins que ce sera le dernier
ajournement et qu’avant peu M. le ministre pourra nous faire une proposition
spéciale, pour pouvoir commencer encore les travaux cette année.
M. Cogels. - Messieurs,
vous avez reçu encore cette année plusieurs pétitions des habitants de Lillo et
des poldres avoisinants. Sur ma demande, la plupart de ces pétitions ont été
renvoyées à la section centrale chargée de l’examen du budget des travaux
publics. J’avais espéré que cette section centrale, s’entendant avec le
gouvernement, aurait pu nous faire une proposition, mais j’ai vu à regret, par
son rapport, qu’elle a cru devoir s’en abstenir. Je crains que cela ne nous
fasse perdre encore beaucoup de temps, et je ne puis me joindre à mon honorable
ami le baron Osy pour engager le gouvernement à ne pas retarder l’examen d’une
question aussi importante. Il ne s’agit pas seulement ici d’une question
financière. Il s’agit d’une question d’humanité.
Parmi les habitants de l’ancien poldre de Lillo, qui se sont réfugiés
dans le village de Paille, il en est plusieurs qui n’ont d’autre asile, que de
chétives habitations tombant complètement en ruines. Il faudra donc que ces
malheureux demeurent sans asile ou que l’on vienne à leur secours, si l’on
pouvait leur rendre leurs propriétés, avec la ressource qu’ils trouveront dans
l’indemnité, qui va bientôt leur être payée, ils pourraient rétablir leurs
petites habitations qui ont été détruites par les eaux, et ils pourraient de
nouveau livrer leurs terres à la culture. Si au contraire on retarde
l’endiguement du poldre, qu’en résultera-t-il ? C’est qu’ils devront dépenser,
pour subsister, les sommes qu’ils vont recevoir, à titre d’indemnité, car ils
sont maintenant sans aucune ressource, ils sont sans aucune industrie.
Voilà, messieurs, pour la question morale ; mais il en est encore une
que j’avais oublié de mentionner, c’est que ces malheureux se trouvent
maintenant réfugiés sous une digue où pendant une grande partie de l’année
toute communication leur est interdite avec les villages avoisinants, d’où ils
ne peuvent pas fréquenter le service divin, où les enfants ne peuvent pas
recevoir l’instruction. C’est là une source de démoralisation.
Quant à la question financière, il est de l’intérêt du gouvernement de
terminer le rendiguement le plus tôt possible ; aussi
longtemps que cet endiguement ne sera pas fait, le gouvernement sera soumis à
des sacrifices continuels, dont je vais faire le relevé. D’abord, il fait le
sacrifice de la contribution foncière, qui s’élève à une somme de 6,800 fr.
environ ; en second lieu, il doit payer l’administration du poldre de Lillo un
subside de cinq mille fr. sur l’entretien de la digue nouvelle ; 3° il doit
faire une dépense pour elle de vingt mille fr. pour l’entretien de la digue de
mer qui annue la partie inondée, entretien dont
l’administration du poldre ne peut certainement pas faire les frais. Enfin, il
paie à l’administration communale de Lillo un subside de mille fr., et au
bureau de bienfaisance un subside de 800 fr.
Il y a en outre une dépense de 3,000 fr. environ que le ministère de la
guerre se voit obligé de faire annuellement pour préserver le fort de Lillo
d’une destruction totale.
Il y a encore un autre motif, messieurs, pour faire le rendiguement le plus tôt possible. S’il ne le fait pas
promptement, l’envasement deviendra trop considérable pour qu’il soit possible
d’inonder au besoin les terres qui entourent le fort de Lillo ; il faudra alors
aviser à d’autres moyens de défense. Ceci est dans l’intérêt du pays en général
et concerne plutôt le ministère de la guerre.
J’ai cru, messieurs, devoir attirer votre attention
sur les considérations que je viens de faire valoir pour vous démontrer que ce
n’est pas seulement dans l’intérêt des habitants du poldre eux-mêmes que nous
réclamons le rendiguement, mais que plusieurs autres
intérêts majeurs s’y rattachent. Comme la chambre ne pourrait maintenant
prendre aucune résolution, puisqu’il ne lui est pas fait de proposition, je ne
puis que me joindre à l’honorable M. Osy pour appeler toute la sollicitude du
gouvernement sur cette question importante.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, ainsi que
je l’avais prouvé dans la discussion du budget de l’année dernière, je me suis
rendu, pendant le courant de l’été, sur les lieux et là j’ai eu l’occasion de
vérifier que les rapports que l’on m’avait faits étaient très exacts. En ce qui
concerne les grands propriétaires, ils peuvent encore attendre que l’on rendigue le poldre de Lillo, parce que leurs terres
acquièrent de jour en jour une valeur plus grande, mais, comme l’ont observé
les honorables préopinants, il n’en est pas de même des petits propriétaires,
qui doivent naturellement inspirer le plus d’intérêt ; il y a pour eux urgence
à faire les travaux de rendiguement ; aussi,
messieurs, j’ai demandé une instruction nouvelle sur les travaux à faire pour
ce rendignement. Et c’est en suite des rapports reçus
par moi, il y a quelque temps, que j’ai provoqué de la part du département de
la guerre, fort intéressé dans cette question, la nomination d’un commissaire,
pour s’aboucher à cet égard avec M. l’inspecteur général des ponts et chaussées
que j’ai désigné à cet effet.
- Personne ne demandant plus la parole, l’art. 16 est mis.aux voix et
adopté.
SECTION III.
Articles 17 et 18
« Art. 17. Ports d’Ostende et de Nieuport, côte de Blanckenberghe : fr. 26,959 15 »
« Art. 18. Phares et fanaux : fr. 1,000 »
- Ces deux articles sont adoptés sans discussion
SECTION IV. -
Bâtiments civils
Article 19
« Art. 19. Entretien et réparation des hôtels, édifices et monuments de
l’Etat : fr. 34,000 »
- Cet article est adopté sans discussion.
Article 20
« Art. 20. Constructions nouvelles et travaux d’amélioration :
«
Le gouvernement a demandé 19,500 fr. La section centrale propose une
majoration de 11,500 fr. Ce qui porterait le chiffre à 31,000 fr.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) déclare se rallier à la proposition de la
section centrale.
- L’art. 20 est mis aux voix et adopté.
SECTION V.
Article 20
« Art. 21. Personnel des ponts et chaussées : fr. 455,000 »
- Adopté.
______________________
- La chambre remet à demain la suite de la discussion des articles du
budget des travaux publics.
La séance est levée à 4 heures 1/2.