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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 3 mai
1842
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Projet de loi sur la patente des bateliers. Rapport
3)
Fixation de l’ordre du jour (Patente des bateliers (Lange),
inscriptions hypothécaires (Delfosse))
4)
Projet de loi sur les distilleries. Matière imposable (Verhaegen,
Smits, Verhaegen, Desmet, Duvivier, Smits,
Verhaegen, Demonceau, Verhaegen, Desmet), respect du
repos dominical (Delehaye, Desmet,
Zoude, Eloy de Burdinne, Smits, Eloy de Burdinne, Delehaye, Smits, de Mérode, Zoude, Smits,
Desmet, de Mérode, Smits, Demonceau, Delehaye, Smits, Dedecker, Rodenbach, de Theux, Smits, Desmet,
de Theux, de La Coste, Dedecker)
(Moniteur
belge n°124, du 4 mai 1842)
(Présidence
de M. Dubus (aîné))
M.
de Renesse procède à l'appel nominal à 2 heures un
quart.
M.
Dedecker donne lecture du procès-verbal de la
séance d'hier dont la rédaction est approuvée.
M.
de Renesse fait connaître l'analyse des pétitions
suivantes :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Hachette rappelle la
demande qu'il a adressée à la chambre pour obtenir le remboursement des sommes
dues aux héritiers Warnotte, du chef de condamnations
prononcées à la charge de l'Etat. »
- Renvoi à la commission des
finances.
_____________________
« Les secrétaires communaux
du canton de Peer demandent que les dispositions de nature à améliorer le sort
des secrétaires communaux soient introduites dans le projet de loi portant des
modifications à la loi communale. »
Dépôt sur le bureau pendant la
discussion du projet.
PROJET
DE LOI SUR
M.
Sigart. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le
rapport de la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la
patente des bateliers.
- La chambre ordonne l'impression
et la distribution de ce rapport.
M. Lange. - Ce
projet est très important, je demanderai qu'il soit mis à l'ordre du jour à la
suite des objets qui y sont maintenant.
M.
Delfosse. - Le projet de loi relatif au
renouvellement des inscriptions hypothécaires a déjà été mis à l'ordre du jour
; si M. le ministre des finances a reçu les renseignements qu'il a demandés
aux conservateurs des hypothèques, je demanderai que ce projet reprenne son
rang.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - Je suis convenu avec mon
collègue, le ministre de la justice, de nous réunir à la commission pour
examiner ensemble toutes les objections qui ont été faites.
M.
Delfosse. - Si cet examen, dont parle M. le
ministre des finances, peut être terminé avant la fin de la discussion du
projet portant des modifications à la loi communale, il n'y aurait pas
d'inconvénient à mettre à l'ordre du jour, après ce projet et avant le rapport
qui vient d'être fait, la loi relative aux inscriptions hypothécaires.
- La proposition de M. Lange,
modifiée par M. Delfosse, est adoptée.
M. le
ministre des finances (M. Smits) – Il serait utile que les sections
missent à l'ordre du jour le projet de loi présenté par le gouvernement sur le
transit. Ce projet contient peu de dispositions et pourrait être examiné dans
les sections simultanément avec le projet de loi sur les sucres.
M.
Demonceau. - La section que j'ai l'honneur de
présider s'est occupée du projet de loi dont vient de parler M. le ministre et
a nommé son rapporteur.
PROJET DE LOI SUR LES DISTILLERIES
Discussion des articles
CHAPITRE II.
Établissement des distilleries
Article 6
« Art. 6. § 1er. Nul ne peut
ouvrir une nouvelle distillerie ou en remettre une ancienne en activité, sans
en avoir fait, au moins trois jours avant le commencement des travaux, la
déclaration par écrit au receveur des accises du ressort.
« § 2. La déclaration
énoncera :
« a. Les noms, prénoms, profession, domicile et raison de commerce du
propriétaire possesseur ou sociétaires, ainsi que ces mêmes indications en ce
qui concerne le gérant ou régisseur de l'usine ;
« b.
Le nom de la commune, hameau, rue, quai, et toutes autres
indications propres à désigner clairement la situation de l’usine ;
« c. La description
exacte des locaux, ateliers, magasins et autres dépendances dé la distillerie ;
« d.
Le nombre des issues de l'usine et le nom des voies
publiques qui y aboutissent ;
« e. Le nombre, le
numéro et la capacité des vaisseaux employés à la trempe, à la macération ou à
la fermentation des matières ;
« f. Le nombre, le
numéro et la capacité des alambics ou chaudières et des colonnes distillatoires
; leur destination spéciale, soit à faire des bouillées, soit à rectifier des
flegmes, soit à chauffer l'eau nécessaire à la macération ;
« g.
Le nombre, le numéro et la capacité des cuves de réunion,
des cuves à levain, des cuves de vitesse et des condensateurs ;
« h. Enfin, le nombre, le numéro et la capacité des bacs et des
citernes destinés à servir de réservoir aux eaux-de-vie.
« §
« § 4. Les distillateurs
sont tenus de placer une sonnette à l'entrée principale de leur établissement,
et de faire apposer, au-dessus de chaque issue de l'usine, donnant accès à la
voie publique,. un écriteau peint à l'huile portant le mot distillerie. »
Aucun amendement n'est proposé.
- L'article est adopté.
Article 7
« Art. 7. § 1er. Il est
interdit d'établir ou de mettre en activité une brasserie et une distillerie
dans un même bâtiment, à moins que chacune de ces usines ne soit séparée par un
mur interceptant toute communication entre elles.
«§ 2.Pareille interdiction est
faite en ce qui concerne les distilleries ordinaires et les distilleries de
fruits. »
- Adopté.
« Art. 8. § 1er.
La capacité de tous vaisseaux imposables sera constatée par empotement, à
l'exception des colonnes distillatoires, dont le jaugeage sera opéré par cubage
métrique et intégral, et sans aucune déduction pour les compartiments et les
tubes intérieurs de ces colonnes.
«§ 2. La contenance des autres
vaisseaux dénommés à l'art. 6 sera reconnue par jaugeage métrique.
« § 3. Le distillateur sera
invité à être présent à toute opération d'empotement, de dépotement ou de
jaugeage.
« 4. Les employés dresseront
en double un procès-verbal d'épalement, dont une
expédition sera remise au distillateur, et ils y mentionneront son absence ou
son refus de signer cet acte. »
M.
Verhaegen. - Messieurs, cet art. 8 mérite de
fixer notre attention, et je réclame surtout celle de M. le ministre des
finances et de l'honorable M. Zoude, rapporteur de la section centrale. D'après
cet article, la capacité de tous vaisseaux imposables sera constatée par
empotement, à l'exception des colonnes distillatoires, dont le jaugeage sera
opéré par cubage métrique et intégral, et sans aucune déduction, pour les
compartiments et les tubes intérieurs de ces colonnes.
Il semble que, pour les colonnes
distillatoires, il serait nécessaire d'opérer comme pour les autres vaisseaux,
c'est-à-dire qu'il faudrait jauger par empotement et non par cubage métrique à
l'extérieur. II s'agit d'abord de se fixer sur le résultat de ce jaugeage si
l'on jauge les colonnes distillatoires à l'extérieur, c'est-à-dire si l'on
comprend dans le jaugeage tous les compartiments, tout ce qui ne constitue pas,
à proprement parler, l'ustensile distillatoire, nous arriverons à des résultats
tout à fait différents et qui contrarient toute l'économie de la loi.
Puisque la loi exige un vide égal
au contenu de la colonne distillatoire, c'est sur le contenu lui-même que nous
devons fixer notre attention. Eh bien, le contenu réel des colonnes
distillatoires serait 5, par exemple, tandis que le contenu fictif pris à
l'extérieur serait 20. On ne peut pas favoriser les distillateurs travaillant
avec l'alambic, plus que ceux qui travaillent avec la colonne distillatoire.
Or, la colonne distillatoire mesurée à l'extérieur amènerait ce résultat des
plus graves, qu'au lieu de son contenu réel, il présenterait un contenu
quadruple.
Il est nécessaire de déterminer
le contenu réel des colonnes distillatoires. Je ne comprends pas pourquoi on
s'arrêterait au jaugeage extérieur plutôt qu'au jaugeage par empotement.
Pour avoir ce contenu, il faut
mesurer à l'intérieur et non à l'extérieur. Je pense donc que cette disposition
devrait être changée et qu'il faudrait, pour cette colonne, la même disposition
que pour les autres vaisseaux, c'est-à-dire qu'il faudrait
le mesurage par empotement comme pour les autres vaisseaux.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - Pour bien comprendre la
difficulté qu'a soulevée l'honorable membre, il faut bien se rendre compte de
ce que c'est qu'une colonne distillatoire. Je la compare à une colonne de cette
salle, avec cette différence qu'intérieurement elle a différents compartiments.
Si vous la mesurez par empotement et dépotement, l'industriel pourra, au moment
du mesurage, multiplier les compartiments, de telle manière que la contenance
serait réduite à 10 hectolitres, par exemple, tandis qu'en les ôtant, la
contenance réelle serait de 15 hectolitres et plus.
Je ne crois pas d'ailleurs que le
mesurage se fasse à l'extérieur, mais sur le diamètre intérieur et la
profondeur de la colonne.
Je ferai observer en outre que
cette disposition est reprise de la loi ancienne et qu'elle n'a jamais, à ma
connaissance, donné lieu à des inconvénients. Si
l'expérience a prouvé l'utilité de cette disposition, je ne sais pourquoi on la
supprimerait.
M.
Verhaegen. - M. le ministre a eu parfaitement
raison de vous dire ce que c'est qu'une colonne distillatoire. Il l'a comparée
à une des colonnes que soutiennent cette salle ; mais il faut ajouter que, dans
la colonne distillatoire, il ya des compartiments et tout ce qui est nécessaire
pour opérer la distillation. Le ministre dit que si on ne mesure pas la colonne
distillatoire à l'extérieur, on pourrait ôter des compartiments et augmenter la
contenance. Mais pour cela, il faut changer la colonne, C'est une chose que
l'administration peut surveiller. Cet argument prouve beaucoup trop, parce
qu'on peut changer tous les vaisseaux quelconques aussi bien que la colonne
distillatoire.
Maintenant. comme la disposition
de l'art. 8 est faite pour donner exécution à cette partie de la loi qui exige
un vide égal au contenu, il faut bien savoir quel est le contenu. Comment le
connaîtrez-vous, si ce n'est par l'intérieur. Ce n'est pas l'extérieur qui
donne le contenu ; je fais sur ce point un appel à ceux de mes honorables
collègues qui ont des notions spéciales. D'après ce que m'a dit un distillateur
très expert dans la matière, lorsque le jaugeage par
empotement donne 5, le jaugeage par cubage métrique donne 21.
M.
Desmet. - C'est
impossible. Une colonne distillatoire est un cylindre vide au milieu dans
lequel se trouvent des tambours superposés. La différence peut-être d'un
vingtième ; mais certainement elle n'est pas aussi considérable que vient de le
dire l'honorable préopinant. Du reste, comme il peut y avoir des difficultés,
on pourrait laisser au gouvernement la faculté de procéder par empotement ou
par cubage.
M. Verhaegen. -
Soit !
M.
Duvivier. - Il est de fait que les observations
de l'honorable M. Verhaegen ont quelque chose de fondé. Pour apprécier le
contenu des vaisseaux il n'y a rien de plus exact que l'empotement et le
dépotement, parce que quelques-uns de ces vaisseaux n'ont pas des formés
régulières. C'est pour cette raison que le cubage métrique présente des
difficultés. Je crois que, pour remédier à tous les inconvénients, il y a lieu
de prendre en considération les observations de l’honorable M. Verhaegen. Il
n'y a rien, je le répète, de plus exact que l'empotement et le dépotement.
L'empotement est bien connu. Le dépotement consiste à remplir les vaisseaux et
à les dépoter ensuite avec une mesure quelconque, soit un litre, soit une
mesure de 4 ou
M. le
ministre des finances (M. Smits) - Il est incontestable que le
jaugeage par empotement et par dépotement est le plus exact. Cependant la loi
doit avoir un but. Si le jaugeage métrique donne lieu à des réclamations,
l'administration en appréciera le fondement, et s'il y a lieu elle lèvera les obstacles.
M.
Verhaegen. - Je me rallie à l'observation de
l'honorable M. Desmet. Je propose donc de rédiger ainsi le § 1er de l'art. 8 ;
« La capacité de tous
vaisseaux imposables sera constatée par empotement. Celle des colonnes sera
constatée de la même manière, ou par jaugeage métrique au choix du gouvernement
; dans ce dernier cas il n'y aura aucune déduction pour les compartiments et
les tubes intérieurs de ces colonnes. »
M. le ministre des finances (M. Smits) - D'accord, sauf rédaction.
M.
Demonceau. - Je ferai observer à l'honorable
auteur de l'amendement que la proposition qu'il fait peut être, selon moi,
défavorable aux distillateurs.
Si nous autorisons
l'administration à procéder au jaugeage par le dépotement, il pourra arriver
qu'elle exige la vérification des colonnes à l'intérieur, à effet de s'assurer,
si le distillateur n'y a rien introduit pour réduire momentanément la
contenance exacte. Le jaugeage métrique, tel qu'il est proposé, ne peut guère
causer préjudice que de l'épaisseur des parements et encore peut-on tenir
compte de cette épaisseur. Ainsi, à la place de l'honorable M. Verhaegen, je
préférerais la rédaction du gouvernement à celle qu'il veut lui substituer, Mon
observation n'a pas pour but de provoquer le rejet de
l'amendement, mais je crains son adoption.
M.
Verhaegen. - Je n'ai adhéré à la modification
indiquée par l'honorable M. Desmet, que sur l'observation de M. le ministre des
finances, qui a dit que, s'il y avait des inconvénients dans la pratique,
l'administration y remédierait. Mais si la loi ne contient pas une disposition
à cet égard, le gouvernement ne pourra faire aucun changement, sans y avoir été
autorisé par la législature.
Si cependant on trouve que mon amendement est contraire aux intérêts des
distillateurs, je serai le premier à le retirer.
M.
Desmet. - Je ne crois pas que l'observation de l'honorable
M. Demonceau soit fondée. On peut toujours s'assurer que les colonnes sont
vides. Si le fisc doute, il procédera au cubage. Il suffit d'ailleurs de
frapper du doigt la colonne distillatoire pour vérifier si elle est vide, ou si
elle ne l'est pas. Du reste, je n'y tiens pas.
M.
Verhaegen. - Je n'y tiens pas non plus.
- L'amendement de M. Verhaegen
est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
L'art. 8 est mis aux voix et
adopté.
Articles 9 à 13
Les art. 9 à 13 sont successivement mis aux voix et adoptés dans les termes
suivants :
« Art, 9, § 1er Les
vaisseaux imposables auront une place fixe dans l'intérieur de l'usine.
« § 2. Le distillateur doit,
à toute réquisition des employés, représenter les vaisseaux compris dans le
procès-verbal d'épalement. Ils seront numérotés et
porteront d'une manière visible une marque en couleur à l'huile, indiquant leur
numéro et leur capacité. »
« Art. 10. Lorsqu'un
distillateur voudra faire un changement quelconque à la consistance de son
usine, réparer, changer ou remplacer un ou plusieurs des vaisseaux repris au
procès-verbal d'épalement, il devra, au préalable, en
faire la déclaration au receveur des accises du ressort ; il ne pourra s'en
servir de nouveau qu'après qu'ils auront été épalés ou reconnus par les
employés. »
« Art. 11. Il est défendu de
faire usage :
« a. De vaisseaux
imposables dont les parois seraient échancrées ou entaillées ;
« b.
De hausses mobiles et de tous autres moyens propres à
augmenter la capacité des vaisseaux. »
« Art. 12. § 1er. Tout
possesseur d'une distillerie en non-activité, d'appareils de distillation, de,
chapiteaux, alambics ou serpentins, est tenu d'en faire la déclaration au
receveur des accises de son ressort.
« § 2. Sont dispensés de
cette obligation :
« a. Les directeurs de
ventes à l'encan, les chaudronniers et autres artisans qui, par état, vendent,
fabriquent ou réparent ces ustensiles, pourvu qu'ils ne soient pas maçonnés ou
autrement fixés à demeure ;
« b. Les pharmaciens et les chimistes, quand la capacité des
vaisseaux ne dépasse pas
« § 3. Les distillateurs et
les détenteurs d'ustensiles désignées aux §§ 1 et2, ne pourront les vendre,
louer, prêter ou autrement les céder à des tiers, sans en faire la déclaration
au receveur des accises dans les 24 heures. »
« Art. 13. § 1er. Tous les
appareils d'une distillerie en non activité, autres que ceux désignés au § 2 de
l'article précédent, seront mis sous scellé aux frais de l'administration.
« Les employés procéderont à
cette opération lie la manière prescrite à l'art, 8, et §§ 3 et 4, avec mention
au procès-verbal du nombre des scellés ou cachets apposés sur chaque ustensile.
« § 2. Le dépositaire est
tenu de reproduire, à toute réquisition, les ustensiles ainsi mis sous scellé.
CHAPITRE.
III. Travaux de fabrication
La chambre passe à la discussion
du chap. III :
Article 14
« Art. 14 § 1er. Avant de
procéder aux travaux, les distillateurs feront une déclaration spéciale pour
une série non interrompue de 5 jours au moins et de 60 jours au plus.
« Cette déclaration ne peut
comprendre que des vaisseaux repris au procès-verbal d'épalement.
« § 2. Ils devront la
remettre au receveur des accises du lieu de la situation de l'usine, au plus
tard la veille de la première mise en trempe et en macération des matières ;
et, quant aux distillateurs rectificateurs, la veille de la première opération
de rectification.
« § 3. Lorsque, pendant le
cours des travaux, le distillateur voudra augmenter le nombre des vaisseaux
employés, il en fera, de la manière prescrite ci-dessus, une déclaration
supplémentaire, qui sera admise pour le nombre de jours restant à courir sur la
déclaration primitive. »
M. le président. - La
section centrale propose l'adoption de cet article sans amendement.
Un amendement à cet article a été
déposé par M. Delehaye, et un autre par M. Desmet.
Voici l'amendement de M. Delehaye
:
§ 1 à ajouter :
« Si le distillateur entend
ne pas travailler le dimanche ou jour de fête, il devra en faire mention
dans sa déclaration.
« Dans ce cas tout travail
lui sera interdit le jour indiqué ; aucune opération quelconque ne pourra avoir
lieu pendant les 24 heures déclarées en non activité. »
La parole est à l'honorable membre
pour développer son amendement.
M.
Delehaye. - Messieurs, un honorable député de
Louvain vous a déjà démontré dans une séance précédente, combien il était peu
moral, dans un pays catholique, surtout comme le nôtre, de placer un industriel
entre ses devoirs religieux et ses intérêts ; et combien il importait, non
seulement sous le rapport de la religion, mais aussi sons le rapport de
l'hygiène, de donner à qui se consacrent au travail un repos au moins d'un jour
sur ceux sept. Il ne me reste plus qu'à vous prouver que la proposition que je
vous présente ne fera subir aucune perte au trésor et qu’elle ne pourra donner
lieu à aucune fraude.
Messieurs, pour vous prouver
qu'il ne pourrait résulter de mon amendement aucune perte pour le trésor, il me
suffira de me placer dans les trois hypothèses qui peuvent résulter de mon
amendement et surtout en adoptant une série de 28 jours.
Adoptons donc une série de 28
jours et 24 heures par renouvellement. Je suppose que, dans cette hypothèse, il
y ait 20 hectolitres de matières mises en macération, à chaque
renouvellement cela donnera pour les 28 jours un total de 560 hectolitres, qui,
avec le droit de 1 fr, que proposait le gouvernement et que je maintiens dans
mon hypothèse pour plus grande facilité, rapporteraient au trésor 560 fr.
Dans la seconde hypothèse, celle
où ma proposition serait appliquée, cette même série de 28 jours donnant quatre
dimanches, il resterait 24 jours de travail. Il serait donc impossible au
distillateur d'opérer plus de 24
renouvellements qui, toujours à raison de 20 hectolitres de matières,
donneraient un total de 420 hectolitres ; d'où il résulterait pour le trésor
une recette de 420 fr.
Vous voyez que, dans la seconde
hypothèse comme dans la première, le distillateur aura payé au trésor les
sommes qu'il devait sur la matière produite, il n'y aura donc pour le
gouvernement aucune perte.
Vient la troisième hypothèse,
celle où le distillateur a la faculté de faire la déclaration par série de six
jours. Cette facilité a été admise par le gouvernement, parce qu'il a senti le
besoin de laisser à ceux qui veulent vaquer à leurs devoirs religieux la
possibilité de se reposer les dimanches ; mais vous allez voir que, dans cette
hypothèse, il y a perte réelle pour le distillateur.
Je prends, comme dans les
hypothèses précédentes une période de 28 jours dans lesquels il y aurait quatre
séries de six jours. Le distillateur ne pourrait opérer pendant chaque série
que cinq renouvellements. Car il faut bien remarquer qu'il est impossible au
distillateur, alors qu'il a fait sa déclaration pour une série de six jours, de
faire pendant cet espace de temps plus de cinq renouvellements, parce qu'il ne
pourra faire l'opération de la distillation que cinq fois ; le premier jour il
mettra en macération, il ne pourra distiller, le dernier jour il pourra
distiller, mais ne macérera pas, afin d'être le dimanche en stagnation
complète.
Ainsi 24 jours en quatre séries
de six jours à cinq renouvellements, soit 20 renouvellements de 20 hectolitres,
égalera 400 hectolitres matières macérées et il sera redevable de 400 francs,
alors qu'il n'aura produit que 400 hectolitres.
Il est à remarquer que chaque
déclaration qui n'est pas suivie immédiatement par une autre perd un jour ou un
renouvellement.
Je vous soumets ces observations
pour vous prouver que le gouvernement ne peut rien perdre si vous adoptez mon
amendement.
On vous a dit que si ma
proposition était adoptée, il en résulterait pour le distillateur qui ne
travaillerait pas le dimanche un petit bénéfice. Mais remarquez que ce bénéfice
sera tellement minime qu’il ne peut vous faire balancer. D'un autre côté il
résultera de là un grand avantage : c'est que si les distillateurs trouvent
qu'ils ont intérêt à ne pas travailler le dimanche, Ils seront engages par cela
même à ne pas le faire. Ils se reposeront donc le dimanche, et il en résultera
un grand bien sous le rapport de la sante des ouvriers qui, d'après le projet
du gouvernement, devraient travailler 60 jours consécutifs.
Les observations que je viens de
vous présenter, vous prouvent que mon amendement ne fera subir aucune perte au
trésor, et que, d'un autre côté la fraude ne sera pas possible. J'ai donc la
conviction, qu'en présence de ces considérations et de celles que vous a
soumises l'honorable M. de
M. le
ministre des finances (M. Smits) - La matière pourrait-elle fermenter le dimanche ?
M.
Delehaye. –
Certainement, je ne défends par mon amendement que les travaux de la
distillerie.
- L'amendement de M. Delehaye est
appuyé.
M. le président. - Voici comment est conçu l'amendement de M. Desmet, en remplacement de
l'art. 14 : il propose le suivant :
« Art. 14. Avant de procéder
aux travaux, les distillateurs feront une déclaration spéciale, dont la durée
ne peut être moindre de dix jours ni excéder soixante. »
Au lieu du § 4 de l'article 15,
le suivant :
« Les jours auxquels auront
lieu la macération des matières, leur distillation et la rectification
dit flegme ainsi que la réfrigération des cuves.
« Ces jours doivent se
suivre sans interruption ; les distillateurs cependant, qui ne voudraient pas
travailler les dimanches et fêtes légales, ne sont pas obligés de
les comprendre parmi les jours de travail. »
La parole est à M. Desmet pour
développer son amendement.
M.
Desmet. -
Messieurs, mon amendement est pour le principe le même que celui de l'honorable
M. Delehaye ; l'un et l'autre ont pour but d'obvier à l'inconvénient qu’il y a
à obliger les distillateurs à travailler le dimanche. Je voudrais qu'ils ne
fussent plus obligés à ce travail et qu'ils pussent laisser seulement ce
jour-là la matière en fermentation. Voilà le but de mon amendement.
Messieurs, une mesure de ce genre
est vraiment devenue une nécessité. Depuis que les droits sont aussi élevés, le
distillateur se trouve placé entre sa conscience et son intérêt. Lorsque le
droit n'était que de 22 centimes, il n'éprouvait pas un grand préjudice en
s'abstenant du travail du dimanche ; mais aujourd'hui avec des droits aussi
élevés, il n'en est plus de même ; l'absence de travail pendant un dimanche
peut entraîner une perte de 500, 400, 200, 100, 50 ou 40 fr. Vous sentez que
dès lors vous obligez l'industriel à agir contre sa conscience.
Messieurs, non seulement vous
gênez la conscience des industriels, mais encore vous gênez la conscience des
ouvriers, qui, pour gagner du pain, doivent obéir à leurs maîtres et travailler
le dimanche. Je connais plusieurs hommes très consciencieux qui se voient
obligés de travailler le dimanche à cause de l'élévation des droits. Il n'y a
presque plus de distillateurs qui puissent s'abstenir du travail du dimanche ;
et cependant vous avouerez que c'est bien dur pour des catholiques qui
observent leur religion de se voir gêner de la sorte, et c'est bien plus dur
que c'est la loi qui les y force.
Je dis plus ; je dis que c'est là démoraliser la société.
Lorsque vous forcez un ouvrier à agir contre sa conscience, à ne pas obéir aux
lois de l'église, à ne pas respecter le jour du seigneur, je dis que vous
travaillez à la démoralisation du peuple, que vous travailler contre la
société. Je pourrais même dire que c'est violer la constitution, car votre
constitution concerne la liberté de religion. Il faut donc laisser tout le
monde libre de pouvoir observer sa religion.
Voyez, messieurs, ce qui résulte
de là. L'homme consciencieux qui respecte la religion, ne travaille pas le
dimanche, A côté de lui se trouve un homme qui n'est pas aussi consciencieux et
qui travaille. Eh bien, il en résulte pour le premier une perte qui peut
s'élever de 300 à 400 fr.
Messieurs, sous le régime
hollandais, on défendait le travail du dimanche. En Prusse, en Angleterre, dans
tous les pays protestants, ce travail est défendu. Il est même condamné par les
lois. je crois qu'il doit en être de même ici pour la moralité du peuple.
Je crois, messieurs, que
réellement il n'en résultera pas de perte pour le trésor, parce que tout
distillateur doit travailler d'après le bétail qu'il doit engraisser. Or,
qu'arrivera-t-il si on laisse la faculté de ne pas travailler le dimanche ?
C'est qu'on déclarera un peu plus de matière en macération. Et comme le droit
est établi sur la matière en macération, il n'en résultera aucune perte, et
vous laisserez au moins aux catholiques la liberté de remplir leurs devoirs
religieux.
Quand le droit était moins élevé,
les distillateurs arrangeaient leur travail et la préparation des matières à
devoir subir des formulations de 30 à 36 heures.
Mais ce n’est plus aujourd'hui le
même cas. Maintenant que les droits sont très élevés, on distille toutes les 24
heures. Or, quand les matières sont macérées et qu'on les laisse en repos, on y
perd beaucoup ; on perd pour la distillation et d’un autre côté le résidu qu'on
donne au bétail n'est plus aussi bon ; ce qui est certain c'est qu'en été les
matières deviendraient aigres quand elles restent trop longtemps dans les cuves
sans les bouillir, ainsi, il y aura perte qui sera supportée par ceux, qui, par
délicatesse de conscience, ne voudraient pas travailler les dimanches.
Quand on croit que, par la
déclaration qu'on peut faire de moins de cinq jours, on obvie au mal, on se
trompe fort, car si vous devez tenir vos cuves vides le dimanche, vous perdez
nécessairement un jour.
Mais non, messieurs, quand vous
déclarez six jours et que par conséquent vous ne pouvez pas travailler le
dimanche, vous perdez un jour ; vous commencez le lundi à mettre en macération,
vous travaillez vingt-quatre heures les matières mises en macération, car si
vous devez laisser vos cuves vides, vous devez être un jour que vous ne pouvez
macérer. Vous perdez donc aussi le samedi, puisque vous ne pouvez pas mettre en
macération ce jour-là, la cuve devant être vide le dimanche.
Nous sommes obligés en
conscience, messieurs, d'accorder aux distillateurs la liberté qu’ils demandent
et qui est demandée par tout le pays. Nous ne pouvons pas forcer les
distillateurs qui veulent observer leur religion, à travailler le dimanche, et
je dois déclarer, si l'on n'adopte pas une disposition qui
fasse droit aux réclamations légitimes qui nous sont adressées, je serai obligé
de voter contre la loi.
M. Zoude. - Messieurs, deux sections seulement ont demandé
d'une manière formelle que le dimanche fût exempté du droit, lorsque les
distillateurs auraient déclaré préalablement vouloir s'abstenir pour lors de
tout travail.
La section centrale déféra leur
vœu et ceux de plusieurs pétitionnaires à M. le ministre, en lui demandant s’il
ne serait pas possible de coordonner la loi avec la faculté sollicitée par les
réclamants.
La réponse qu'il nous a faite est
consignée dans le rapport que nous vous avons présenté, il entre dans d'assez
longs développements à cet égard, et c’est en présence des motifs qui y sont
expliqués et de plusieurs autres qui ont été débattus à la section centrale,
que la majorité s'est prononcée pour le projet du gouvernement, qui, en
définitive, est le maintien des dispositions législatives précédentes.
Quant à moi, messieurs, je suis
éloigné de convenir que la perte qui en résultera soit aussi considérable que
quelques pétitionnaires ont voulu le faire valoir.,
Je crois, au contraire, avec M.
le ministre que la plupart trouvent des moyens de dédommagement en chargeant
plus fortement leurs cuves dans la nuit du samedi au dimanche.
Nous croyons d'ailleurs, et nous
ne sommes pas sans quelque renseignement à cet égard, que le nombre de
distillateurs qui travaillent le dimanche ; s'il en est même qui travaillent ce
jour entier, est une exception si rare qu'il ne peut exister aucune influence
sur la généralité.
Si les uns s'abstiennent du
travail par principe religieux, les autres s'en abstiennent par le besoin du
repos. La force de l'homme a ses bornes, le corps ne peut pas plus que l'esprit
être dans une tension continuelle.
Et puis, si le dimanche est
destiné principalement au service religieux, il l'est aussi en partie aux
plaisirs de la société, dont les maîtres aussi bien que les ouvriers aiment à
jouir.
II en résulte que si tous ou à
peu près tous s'abstiennent, il n'y a relativement de lésion pour personne, le
trésor seul y gagne et tel est le but de la loi.
Quant à moi, messieurs, j'épreuve
quelque regret de vous le dire, mais j'en dois faire l'aveu, je pense que si
beaucoup de distillateurs s'abstiennent par esprit de religion, il en est bon
nombre aussi qui sont guidés par certain esprit de fraude dans le privilège
qu'ils sollicitent.
Si vous voulez consentir à
l'abstention du dimanche, mieux vaudrait, dans l'intérêt du trésor, ne pas
faire de loi nouvelle, et puis, messieurs, le système qui nous régit ne vous le
permet pas.
L'impôt, comme vous l'a dit M. le
ministre, repose tout entier sur la fermentation des matières, qui s'opère les
dimanches comme les autres jours, car la nature ne s'arrête pas dans sa marche.
Il est cependant un moyen
d'exempter les dimanches, mais le remède serait pire que le mal : ce serait
d'exiger que, ce jour-là, il n'y eût pas de matière à fermenter, c'est-à-dire
que les cuves devraient être vides.
Messieurs, si vous exemptiez le
dimanche qu'arriverait-il aux employés ? Il est vrai, comme vous l'a dit
l'honorable M. de
Les distillateurs, à leur tour,
ne s'en trouveront guère mieux, parce qu'ils devront rester constamment à
l'usine, qui doit toujours être ouverte aux employés, qui seront tenus de les
visiter, et souvent plusieurs fois les jours fériés.
En
résultat, messieurs, les employés, les distillateurs, et le trésor surtout
auraient à souffrir de l'adoption des amendements que je repousse de toutes mes
forces.
M. Eloy de Burdinne. -
J'ai demandé la parole, messieurs, pour appuyer les amendements des honorables
MM. Delehaye et Desmet. Je serai très court, car je me bornerai à vous donner
lecture d'un passage d'une lettre qui m'a été adressée par un distillateur
agricole, relativement au travail du dimanche. Voici, messieurs, ce passage :
(L'orateur donne lecture du
passage de cette lettre.)
Eh bien, messieurs, je partage
l'opinion de ce distillateur, et j'appelle l'attention de M. le ministre
des finances sur la question qui nous occupe. Je le prie instamment de faire en
sorte de trouver un moyen pour que les distillateurs qui
veulent remplir leurs devoirs religieux ne soient pas froissés dans leurs
intérêts.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, la question qui se
produit devant vous n'est pas nouvelle ; déjà, en 1833, et 1837, et même en
1841, des amendements semblables à ceux qui nous occupent aujourd'hui, ont été
soumis à la chambre, et chaque fois ces amendements ont été écartés, et, j'ose
le dire, par les hommes les plus religieux de la chambre.
Personne, messieurs, ne porte
plus de respect que le gouvernement à la liberté des consciences ; personne
plus que lui n'apprécie l'importance des devoirs religieux, et, pour ce qui me
concerne personnellement, je dirai que ce n'est pas d'aujourd'hui que je vois
avec regret les progrès et les exigences de l’industrie empiéter sur la liberté
des classes ouvrières, car, moi aussi, je voudrais, comme l'honorable M. de
Mais je le répète, aucun moyen
pratique ne s'est rencontré, si ce n’est dans la reproduction du système de
1822, en d'autres termes dans le droit pour l'administration, de suivre toutes
les opérations de la distillation depuis la trempe et la macération jusqu'aux
bouillées et à la rectification des flegmes.
D'ailleurs, messieurs, ainsi que
l'a fait observer avec beaucoup de raison l'honorable M. Zoude, il n'y a
véritablement que les très grandes distilleries qui soient dans le cas de
devoir travailler le dimanche, pour éviter des pertes car ayant 50 ou 60 cuves
qui font la navette, elles ne peuvent pas toujours régler leur travail de
manière à avoir entièrement terminé le, samedi ; mais il n'en est pas de même
des petites et des moyennes distilleries ; celles-là peuvent arranger leurs
travaux de manière à ne pas devoir travailler le septième jour de la semaine.
Si vous prononcez l'exemption
d'une manière générale, il en résultera que les petites distilleries et les
distilleries intermédiaires chargeront leurs cuves le samedi soir, de telle
manière que la fermentation ne doive être terminée que le dimanche dans la
nuit, de sorte qu'elles échapperont entièrement au droit, sans que leur
distillerie cesse en quelque sorte de travailler. Car veuillez le remarquer, la
loi frappe la contenance de la cuve-matière ; elle impose non pas le travail de
la distillation mais le travail de la macération, de la fermentation ; or, ici,
par les amendements proposés, la matière mise en œuvre échapperait à l’impôt,
et le système de la loi serait faussé.
Ainsi, messieurs, les grandes
distilleries étant obligées de travailler et de payer l'impôt et les autres
faisant travailler la matière en échappant à l'impôt, il est incontestable que
les grandes distilleries seraient menacées de ruine et que la loi aurait créé à
leur désavantage un privilège exorbitant.
C'est ce que vous ne pouvez
vouloir, messieurs, d'autant moins que, d'après les calculs les plus rigoureux,
il résulterait de l'adoption des amendements proposés une perte d'environ
550,000 francs pour le trésor ; mais cette perte n’est pas la seule que l'Etat
éprouverait, car il y aurait bien des distillateurs qui, après avoir fait la
déclaration voulue pour jouir de l'exemption, n'en chercheraient pas moins à
travailler le dimanche et ils croiraient pouvoir le faire avec d'autant plus
d'impunité, que si sur plus de 700 distilleries existantes, 400 seulement
déclaraient ne pas vouloir travailler le dimanche, il serait presque de toute
impossibilité au personnel actuel de l'administration de les surveiller. Les
droits seraient donc fraudés, et cela augmenterait non seulement la perte du
trésor, mais cela nuirait encore considérablement aux distillateurs qui ne
frauderaient pas.
Ainsi, messieurs, les
distillateurs qui auraient recours à cette manœuvre pêcheraient de trois côtés
à la fois : ils pêcheraient contre la loi religieuse, contre la loi civile et,
si j'ose le dire, contre la loi sociale.
Si donc l'on veut exempter les
distillateurs de l'impôt pour le dimanche, il faut en revenir à la loi de 1822
ou prescrire le vide des vaisseaux, de macération ; mais, dans ce dernier cas,
vous réglementeriez l'industrie sans atteindre efficacement le but.
M.
de Mérode. - Vous la réglementez bien par vos impôts.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - C'est un malheur dû au système
qui a été adopté. Si vous voulez exempter les distillateurs du droit qu'ils
paient aujourd'hui pour le dimanche, il faut, pour garantir les intérêts du trésor,
changer complètement la loi. Tant que celle-ci ne frappera que la matière à
distiller et non pas le produit de la distillation, vous ne pouvez pas accorder
cette exemption, à moins que vous ne vouliez, comme je l'ai dit, faire perdre
au trésor un demi-million de francs au moins.
Nous
voudrions, je le répète, trouver un moyen pratique de faire droit aux
réclamations légitimes qui ont surgi à cet égard, mais encore une fois, en
présence du système qui a été adopté, cela est impossible.
M. Eloy de Burdinne. - M.
le ministre des finances nous a dit, messieurs, que si nous adoptons les
amendements qui nous sont soumis, les grandes distilleries seront ruinées ;
soyez bien tranquilles à cet égard ; les petites distilleries seront ruinées
mais les grandes, et cela dans un temps très rapproché, auront le monopole de
la distillation en Belgique.
M. le ministre nous a dit aussi
que l'adoption des amendements proposés occasionnerait au trésor une perte de
700,000 fr. par an. Je suis aussi soucieux que M. le ministre des finances des
intérêts du trésor , mais n'avons-nous pas un moyen de réparer cette perte de
700,000 francs ?
Pour ma part, convaincu que l'on
ne forcerait pas le distillateur de travailler le dimanche, j'avais voté le
chiffre d'un franc demandé par M. le ministre. Eh bien, au second vote, nous
reviendrons sur l'amendement qui a fait descendre le chiffre à 80 centimes. En
portant le droit à un franc, nous trouverons le moyen d'éviter au trésor la
perte que M. le ministre a signalée.
Si, comme le prétend M. le
ministre, le système actuel est un obstacle à ce qu'on ne puisse, sans perte
pour le trésor, autoriser le travail le dimanche, qu'on change ce système,
qu'on avise au moyen d'avoir un autre système qui ne mette pas un homme
consciencieux dans le cas de sacrifier ses intérêts, à l'accomplissement de ses
devoirs, tandis que celui qui aura moins de conscience, ou que la religion
n'obligera pas de chômer le dimanche, aura un avantage
sur son confrère.
M.
Delehaye. - Messieurs, lorsqu'il s'est agi de
déterminer l'impôt que l'on percevrait sur les distilleries, on vous a montré
la possibilité de frauder. La plupart de ceux qui ont combattu le chiffre d'un
franc, ont fait valoir le grand appât que vous présenteriez à
M. le ministre a dit que la
proposition que j'ai eu l'honneur de faire aurait pour résultat d'entraîner
pour le trésor une perte de 6 à 700 mille francs, mais M. le ministre a
probablement perdu de vue les différentes hypothèses dans lesquelles je me suis
placé tout à l'heure ; j'ai prouve que dans tous ces cas il était impossible
que le trésor éprouvât une perte ; car le trésor ne peut réellement percevoir
que sur la quantité produite ; or, par ma proposition, l'Etat percevra tout ce
qu'il peut percevoir sur toute la quantité qui sera réellement livrée à la
consommation.
Je conviens que quelques
distilleries produiront peut-être moins, par suite du chômage et des jours de
fête ; mais la consommation ne diminuera pas, les besoins resteront les mêmes ;
eh bien, il en résultera que si les distilleries existantes ne peuvent pas
satisfaire entièrement à ces besoins, d'autres distilleries s'établiront.
On vous a dit, messieurs, que la
plupart des distillateurs chômaient le dimanche. Cela est inexact. Je sais, au
contraire, que presque tous les distillateurs de Gand travaillent le dimanche ;
et pourquoi ? Parce que s'ils chômaient ce jour-là, ils subiraient une perte de
plus du septième des droits qu'ils paient par an. C'est pour échapper à cette
énorme perte, que le distillateur est obligé de travailler le dimanche. Ces
industriels ne demandent pas mieux que de ne pas travailler, ils sentent le
besoin de se livrer au repos et de vaquer à leurs devoirs religieux ce jour-là
; et plus d'une fois ils ont demandé qu'on en leur laissât le moyen.
Quant aux employés surveillants,
dont on devra, selon M. le ministre, augmenter considérablement le nombre, je
ne pense pas du tout que cette augmentation soit nécessaire, puisqu'aujourd'hui
déjà les employés de l'administration sont obligés de visiter les distilleries.
Par ces
considérations, je pense que rien ne s'oppose à ce que mon amendement soit
adopté, et je me plais à croire que la chambre lui donnera son assentiment.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, l'honorable préopinant
a rappelé que, lors de la discussion de l'art. 2, j'aurais dit que la fraude
n'était pas possible, même avec le droit d'un franc.
Mais, messieurs, il s'agit ici
d'une autre question ; il s'agit ici d'une modification que l'on veut apporter
à la loi, modification qui en changerait entièrement la nature.
La loi actuelle n'impose pas la
distillation, elle impose les matières mises dans les cuves ; or, du moment où
ces cuves sont remplies le dimanche, du moment où cette matière fermente, dès
ce moment un 56ème de l'impôt vous échappe, car il y a 52 dimanche et 4 fêtes
légales. Or, ces 56 jours d'exemption entraînent une perte de 556,000 fr.
L'honorable membre prétend que
son amendement interdit tout travail pendant les dimanches, et que dès lors il
n'y a pas d'abus à craindre. Il est vrai que les individus ne travailleront
pas, mais la matière travaillera. Voilà la difficulté, voilà d'où résultera la
lésion aux intérêts du trésor ; et faites attention, messieurs, que si les
distillateurs sont exemptés le dimanche, les employés devront tripler la
surveillance, surveillance qui devra commencer le samedi à minuit pour finir le
dimanche à minuit ; tandis qu'aujourd'hui, quand le distillateur a fait sa
déclaration et que les droits sont pris en charge, l'employé peut être plus
tranquille. Un grand nombre de distillateurs sont répandus a la campagne ; à la
compagnie, l’administration n'a à sa disposition que des brigades ambulantes,
mais qui ne peuvent tout surveiller à la fois ; et si quelques-uns de ces
distillateurs voulaient frauder le droit, la surveillance deviendrait
impossible, la fraude alors aurait pour résultat non pas seulement de frustrer
le trésor de ses revenus, mais de ruiner ceux qui chômeraient,
parce que ces derniers ne pourraient pas soutenir la concurrence. C'est
évident.
M.
de Mérode. - Ce que vient de dire M. le ministre
des finances prouve que l'article de la constitution qui consacre la liberté
des cultes est très mal interprété, lorsqu'on lui donne la portée qu'on lui
attribue maintenant.
Il ne s'agit pas ici d'un travail
libre, il s'agit d'un travail forcé, d'un travail entravé par des règlements de
toute nature, et dans un travail de cette espèce l'article de la constitution
ne me paraît nullement applicable.
Il me paraît résulter du discours
de M. le ministre des finances que si l'on prescrivait le vide des vaisseaux,
il n'y aurait pas d'inconvénient pour le trésor. Pourquoi dès lors ne
prescrirait-on pas le vide des vaisseaux pour le dimanche ?
L'on s'obstine à me dire que
c'est contraire à la constitution ; mais l'article même de la constitution, que
signifie-t-il ? C'est un article qui a rapport à la liberté des cultes ; il a
pour objet de garantir la liberté des cultes, et vous voulez lui donner une signification
telle que vous forcez à travailler le dimanche !... Evidemment l'article de la
constitution ne peut signifier cela.
S'il s'agissait du travail d'un
cordonnier, d'un carrossier, d'un ouvrier quelconque qui travaille dans son
atelier pour son propre compte sans l’intervention du gouvernement, je conçois
bien que l'article de la constitution lui serait applicable et que vous ne
pourriez pas interdire un pareil travail, mais il s'agit d'un travail en
quelque sorte public qui se relie aux affaires de l'Etat, que vous pouvez
réglementer, précisément pour obtenir la liberté des cultes qui est le but de
l'art. 15 de la constitution.
Voyez quel est l'abus qu'on fait
de cet article. Pour éviter une gène, un dommage à quelques personnes, on force
toutes les autres à travailler .le dimanche ou à subir une perte énorme. C'est
un contresens.
Quant à moi, je voterai sans
inquiétude, sans croire manquer au serment que j'ai fait d'observer la
constitution ; je voterai, dis-je, la prescription concernant le vide des
vaisseaux le jour du dimanche, pour empêcher qu'on ne soit forcé de travailler
ce jour-là et pour éviter en même temps à l'Etat la perte
qu'il subirait, si cette prescription n'avait pas lieu. Voilà mon opinion.
M.
Zoude, rapporteur. - Messieurs, l’honorable M. Delehaye a
avancé qu'on ne travaillait pas généralement le dimanche. Non seulement je me
suis assuré près de distillateurs honnêtes qu'on travaillait tous les jours,
mais une partie de la commission s'est rendue dans une distillerie d'une ville
voisine, un jour de dimanche
Eh bien messieurs, les
distilleries sont entièrement libres.
Voici ce que nous avons dit dans
notre rapport :
« Dans le système actuel, il
ne résulte pas qu'il y ait obligation de travailler durant les 24 heures du
jour du dimanche.
Dans la plupart des distilleries
les travaux sont combinés de manière à ce que pendant la plus grande partie de
ce jour, il ne se fait aucun travail de macération ni de distillation.
Dans les petites distilleries,
les travaux manuels sont interrompus pendant la nuit du samedi au dimanche, et
repris pendant la nuit du dimanche au lundi ; dans celles établies sur une plus
grande échelle, les travaux sont interrompus pendant les mêmes jours, mais
seulement depuis le matin jusqu’au soir. »
Ces
faits, nous en avons jugé par nous-mêmes.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - L’honorable comte de Mérode
vient de soulever un principe constitutionnel relatif au libre exercice de
l’industrie. Je ferai remarquer que les distillateurs sont aussi libres que les
carrossiers et les autres professions dont il a parlé. Ce n'est pas la faute
des distilleries si elles sont soumises à certaines règles, et si la loi les a
frappées d'un impôt.
On se préoccupe beaucoup trop du
travail du dimanche dans les distilleries. Les petites et moyennes distilleries
peuvent arranger leur travail de manière à ne pas devoir travailler les jours
fériés. Il suffit de charger le samedi à minuit les cuves de macération et de
les laisser fermenter toute la journée du dimanche, afin que le lundi, à la
première heure de la nuit, on retrouve la matière prête à être distillée. Voilà
ce que peuvent faire les distilleries de moyenne et de petite espèce ; elles
n’ont donc pas à se plaindre.
Les grandes distilleries doivent
travailler une partie de la journée du dimanche, parce qu'elles ont un grand
nombre de cuves de macération, c'est-à-dire 50, quelquefois 60, qui font la
navette, de manière que quand la fermentation d'une dizaine de vaisseaux est
finie, la fermentation des autres commence. Mais malheureusement les grandes
distilleries ne sont pas les seules usines qui doivent travailler le dimanche,
par le fait même de l'industrie qu'elles exercent. Les hauts-fourneaux sont
dans le même cas.
Un membre. - Ce n'est pas le fait de l'impôt.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - Qu'importe ! ces usines
subissent la loi de leur nature, comme les distilleries ; le travail continuel
est forcé. Si on laissait éteindre un haut-fourneau, il en résulterait une
perte de 24 à 30 mille fr.. Tous les établissements travaillant à la vapeur
sont à peu près dans ce cas-là.
Plusieurs voix. - Les chemins de fer !
M.
Desmet. - Je commence par répondre au dernier argument de
M. le ministre des finances qui dit que les petites distilleries et les
moyennes peuvent macérer le samedi jusqu'à minuit et commencer le travail de la
distillerie le lundi matin. Sans doute, si tout le monde faisait ceci, il y
aurait moyen de s'abstenir de travailler le dimanche. Mais comme depuis que le
droit est si élevé, on doit macérer et tremper dans les 24 heures, on ne peut
s'abstenir du travail le dimanche sans préjudice. Si ceux qui veulent observer
consciencieusement leur religion voulaient le faire, ils ne pourraient pas
soutenir la concurrence avec ceux qui, moins consciencieux travailleraient le
dimanche. Ce que nous demandons, c'est qu'il y ait égalité pour tout le monde,
c'est que celui qui observe la loi de l'Eglise soit sur la même ligne que celui
qui ne l'observe pas.
C'est bon en théorie, a-t-on dit,
mais en pratique ce n'est pas la même chose.
On dit : le droit est établi sur
le volume de la fermentation. Pour faire fermenter la matière, il faut la
préparer, la macérer. Or, macérer est bien un travail. Sous le régime
néerlandais, il était défendu de faire ce travail. Ceux qui étaient trouvés
faisant un travail quelconque étaient punis d'une amende.
L'honorable M. Zoude s’intéresse
beaucoup aux employés, Vous voulez, dit-il, favoriser les catholiques, vous
voulez que ceux qui sont distillateurs puissent observer le dimanche, et vous
mettez les employés dans l'impossibilité de l'observer. Il faut qu'ils exercent
le dimanche comme les autres jours, parce qu'on peut frauduleusement travailler
le dimanche. Il y a une grande différence entre remplir des fonctions de police
et travailler. La surveillance de la police, l'exercice des employés n'est pas
défendu le dimanche.
Pour frauder, on fraudera aussi
bien sur les autres objets que sur l'observation du dimanche. Pourquoi
fraude-t-on ? Parce que le droit est trop élevé. Tous les jours on fraude
davantage, parce que tous les jours on élève davantage le droit.
On dit : Ce que vous proposez
fera tort au trésor ; mais pas autant que le dit le ministre des finances, non
parce que qui connaît la distillerie sait qu'on déclarera plus de matière
qu'aujourd'hui. Comme l'impôt est établi sur le volume, qu'on augmente la
quotité du droit. Mais, je le déclare, une loi qui forcerait les catholiques à
travailler le dimanche, je ne pourrais lui donner mon assentiment.
Aujourd'hui, comme je l'ai dit, à
cause de l'élévation du droit, il faut terminer l'opération en 24 heures. Cela
peut bien se faire dans l'hiver ; mais dans l'été, quand il faut laisser
reposer la matière, elle devient acide et elle n'est plus un bon résidu pour
la nourriture des bestiaux.
Le moyen qu'on propose pour
l'observation du dimanche, c'est de prescrire le vide. Qu'on fasse le calcul,
et on verra qu'il faudra non seulement vider le dimanche, mais le samedi, parce
que, pour pouvoir profiter du droit, il faut mettre en trempe et macérer un
jour avant. Je déclare travailler six jours, tandis que je n'en travaille en
réalité que cinq. Le gouvernement percevrait son droit pendant six jours,
tandis que le distillateur en perdrait un sixième. Si la chambre ne veut pas
admettre d'amendements, de manière à laisser à ces pauvres catholiques la
liberté d'observe de dimanche, je me verrai forcé de
voter contre la loi.
M.
de Mérode. - Mon observation n'est pas
admissible, si ce que dit M. Desmet est vrai. J'aurais voté la prescription du
vide pour le dimanche. Mais si ce qui vient d'être dit est
exact, cette proposition ne peut pas être admise. Je ne sais plus où j'en suis.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - Je n'ai pas indiqué le vide
comme une proposition efficace. Je l'ai indiqué seulement comme un moyen propre
à éviter la fraude autant que possible, mais en faisant pressentir en même
temps que c'était réglementer l'industrie et aller peut-être contre l'esprit d'une disposition constitutionnelle.
M.
Demonceau.- La question est tellement délicate,
selon moi, que je crois pouvoir dire ce que je pense. Je voudrais qu'il me fût
possible d'accorder mon assentiment aux amendements proposés. Je déclare que
je vois avec la plus vive peine que les industriels sont obligés de travailler
le dimanche, mais c'est là le plus grand grief que nous avons eu contre le
système de la loi. C'est à la loi qu'il faut attribuer l'obligation de
travailler le dimanche imposée aux distillateurs. Et c'est une loi que vous
dites libérale ! Celle loi, vous voyez qu'elle n'est pas libérale, puisqu'elle
ne laisse pas le distillateur libre de faire ce qu'il veut, puisqu'elle ne lui
laisse pas la liberté de remplir un devoir consciencieux, celui d'observer le
dimanche. Et ce ne sont pas seulement les catholiques, mais tous les chrétiens,
les hommes de toutes les religions qui observent le dimanche ! Eh bien la loi,
avec son système, établit une inégalité entre les industriels, ou au moins elle
les met entre leur intérêt et leur conscience, parce qu'elle établit le droit
sur la matière mise en macération et en fermentation. Les distillateurs peuvent
se dispenser de travailler le dimanche, mais en faisant une déclaration pour
cinq jours seulement.
De cette manière vous pouvez vous
reposer le dimanche. Oui, mais alors vous ne vous reposez qu'à votre préjudice,
car vous ne pouvez recommencer la distillation qu'après 24 heures environ de
fermentation préalable, et la loi exige, je crois, pour éviter la fraude, un
jour d'intervalle entre la suspension et une nouvelle déclaration. Si donc des
matières n'ont pas été mises en fermentation, vous ne pouvez pas travailler le
lundi, après vous être reposé le dimanche. Celui qui travaille le dimanche a
plus d'un septième d'avantage sur ses concurrents, et même si les déclarations
vont de cinq jours en cinq jours, il a un sixième.
L'honorable M. Delehaye a proposé
un amendement portant que tout travail sera interdit et qu'aucune opération
quelconque ne pourra avoir lieu pendant les 24 heures déclarées en
non-activité.
Qu'entend-il par opération ?
Entend-il aussi le temps de la fermentation ? je dois supposer que oui ; car,
sur quoi est imposé le droit ? Sur les vaisseaux où sont placées les matières
mises en fermentation. Je ne sais si je comprends bien l'industrie de la
distillerie, car je ne la vois que dans la loi. La première opération est la
macération, ensuite la fermentation a lieu ; celle-ci n'a pas besoin du secours
de l'homme ; elle peut même se faire sans surveillance ou avec peu de
surveillance. Supposons que vous exemptiez le dimanche du travail, le
samedi à 10 heures ou minuit on fait la macération dans une certaine
quantité de vaisseaux.
. On remplirait tous les
vaisseaux dans la nuit du samedi au dimanche avant l'arrivée du dimanche. Eh
bien, je dis que, d'après le système de la loi, la plupart des distilleries,
pour laisser leurs ouvriers libres, laisseront se faire l'opération de la
fermentation ; et que le lundi, dans la nuit, ils pourront retrouver toute la
matière fermentée de manière à pouvoir distiller. Si vous exigez le vide, vous
causerez un grand préjudice au distillateur.
Croyez-moi, messieurs, aussi
longtemps que vous maintiendrez un système qui pousse à une trop grande
production, vous serez obligés comme moi de supporter le mal. Je voudrais que
le gouvernement suivît un autre système.
Je crois que si l'on examinait attentivement la question, on pourrait
mettre le trésor à l'abri de la fraude et l'industrie à l'abri de
la concurrence.
M.
de Mérode. - Que n'avez-vous proposé ce système ?
M.
Demonceau. - Ce n'est pas le fait d'un simple
représentant. Dans une discussion semblable, c'est déjà beaucoup de dire ce
qu'on pense d'un système. C'est à l'administration à faire une loi telle qu'on
évite les inconvénients.
M.
Rodenbach. - Tous les gouvernements ont échoué.
M. Demonceau. - Il
faut convenir que le projet de loi qui nous est soumis n est pas bon, qu’il ne
convient ni à notre époque, ni à notre régime de liberté.
M.
Delehaye. - Dans une distillerie, il n'y a de
travail réel qu'alors que le feu est allumé. La présence de la matière macéré
ne constitue pas un travail, et n'a pas même besoin de surveillance ; par ma
proposition je veux que le feu soit éteint à partir de minuit du samedi jusqu'à
minuit du dimanche. Pendant ces 24 heures on ne travaillera pas.
M. le ministre des finances a
fait tout à l'heure une comparaison avec les hauts-fourneaux. Mais les
hauts-fourneaux peuvent chômer et ne rien payer de plus. Les exploitants des
hauts-fourneaux ne sont pas imposés comme les distillateurs d'après la quantité
des produits, ils ont une patente ; mais les distillateurs, indépendamment de
leur patente, sont encore tenu de payer des droits pour ce qu'ils produisent.
D'après notre loi, il faut que les distillateurs, s'ils le veulent pas perdre
la 7ème partie du droit, travaillent le dimanche. Ils ne sont donc pas
dans la position des exploitants des hauts-fourneaux qui peuvent chômer sans
rien perdre. Cette comparaison des hauts-fourneaux est donc très mal choisie.
Cependant les observations de
l'honorable M. Demonceau sont dignes d'attention. La loi de 1822 donnait au
gouvernement la faculté d'indique l'heure du commencement et de la fin des travaux.
Dans toutes les distilleries bien organisées, et travaillant à bain-marie,
toutes les opérations nécessitent de 12 à 13 heures. On pourrait décider que le
travail commencerait à 8 heures, par exemple, du matin et finirait à 9 heures
du soir. Aucune fraude ne serait possible. De cette manière les distillateurs
qui ne voudraient pas travailler le dimanche ne perdraient pas une obole. Ainsi
il serait libre à chacun de travailler ou de ne pas
travailler. Il serait libre à ceux qui le voudraient d'observer le repos du
dimanche et de remplir leurs devoirs religieux.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - Si nous n'avons pas proposé
des dispositions tendant à parer aux abus résultant des amendements, c'est
parce que nous n'aurions pu le faire sans faire revivre les dispositions
fiscales de la loi de 1822, loi que l'honorable M. Rodenbach a stigmatisée si
énergiquement, il y a quelques jours, et que la chambre a toujours repoussée. .
M.
Rodenbach. - Voyez les discours des membres des
Etats généraux.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - D'après cette loi, les
employés de l'administration devaient contrôler la trempe, la macération, la
fermentation, le flegme et la rectification du flegme, enfin toutes les
opérations de la distillation,sans exception aucune.
Nous ne pouvions pas, messieurs, reproduire ces dispositions, alors, je le
répète, que la chambre les a constamment repoussées.
M.
Dedecker. - La question qui s'agite est
extrêmement grave. Il y va là d'un principe religieux fort important, d'un
principe consacré par la constitution. Tous, tant que nous sommes, nous voulons
que le principe religieux soit observé, que le principe constitutionnel soit
respecté. La question est si grave, que je n'hésite pas à m'associer à la
déclaration de l'honorable M. Desmet, que, si l'on ne parvenait à la résoudre
de manière à concilier les intérêts du trésor et de l'industrie avec la liberté
de conscience qui se trouve engagée, je ne pourrais voter la loi, ou tout au
moins je devrais m'abstenir.
De tous les points de cette
enceinte sont partis différents systèmes tendant à concilier les intérêts et
les principes que je viens d'indiquer. Je n'ai pas la prétention de résoudre
une difficulté qui a fait l'objet des longues méditations de M. le ministre des
finances. Mais puisque chacun peut apporter son tribut à la discussion, voici
ce que je proposerais :
On pourrait laisser aux
distillateurs la faculté, soit de déclarer qu'ils maintiendraient le vide le
dimanche, s'ils voulaient le faire, (dans ce cas ils ne seraient assujettis au
payement d'aucun droit), soit de s'engager à éteindre le feu depuis le samedi à
minuit jusqu'au lundi à minuit. Dans ce cas ils ne payeraient
que demi-droit, parce que la macération et la
fermentation continueraient. Ne pourrait-on pas ainsi concilier la liberté des
distillateurs avec la liberté religieuse et avec le principe constitutionnel ?
Ce n'est qu'une idée que j'émets. Je ne vois aucun obstacle à ce qu'on laisse
aux distillateurs cette double faculté.
M.
Rodenbach. - Je n'ai demandé la parole, que parce
que M. le ministre des finances a parlé de la loi de 1822. Il y a quelques
membres qui paraissent disposés à y revenir. C’est la plus mauvaise de
toutes les lois faites sous le gouvernement hollandais. Que l'on recoure aux
discours des membres des états-généraux, et l'on verra que tous ont trouvé
cette loi détestable, ruineuse pour
Sous
le gouvernement de l'empire, on a fait peut-être une demi-douzaine de lois sur
les distilleries, il a fallu constamment changer de système. C'est peut-être la
loi la plus difficile à faire, parce qu'il y a 5 ou 6 procédés de distillation.
Les uns emploient la vapeur, les
autres travaillent à la flamande, ceux-ci à la hollandaise ; ceux-là au
bain-marie. Comment prévoir tout ce qui concerne ces procédés divers ? C'est
presque impossible. Le gouvernement y a échoué. On fraudait constamment sous le
gouvernement français. Les uns s’enrichissaient, les autres s'appauvrissaient.
Les honnêtes gens devaient s'appauvrir avec cette loi. Il en était de même sous
le gouvernement néerlandais : on dressait des procès-verbaux ; les uns étaient
ruinés ; les autres (ceux qui n'étaient pas pris), s'enrichissaient.
Avec la loi actuelle, au
contraire, on ne fraude plus, M. le ministre des finances l'a déclaré. Les
peines comminées sont un emprisonnement de deux ans, une amende du quintuple
du droit, et la confiscation des ustensiles qui ont une valeur considérable. Ce
n'est pas pour gagner 20 fr. par jour qu'on voudrait encourir de pareilles
peines. Aussi, je le répète, on ne fraude plus. Les procès-verbaux constatent
quelques contraventions ; ils ne constatent plus de fraude
tandis que, sous le régime antérieur, on trompait sans cesse le gouvernement,
cela est incontestable.
M. de Theux. - Ce
qui donne une grande importance à la question dont il s'agit, c'est
l'augmentation successive des droits sur les distilleries. Dans les premières
années, les distillateurs ont gardé le silence sur cette disposition de la loi.
Aujourd'hui, il n'en est plus de même. Tous les distillateurs qui se sont
adressés à la chambre ont articulé un grief contre cette disposition.
Je ferai remarquer que dans une
pétition datée de Liége, le 6 avril, et signée par M. Nagant,
distillateur, il y a un autre moyen indiqué pour obvier à l'inconvénient que
l'on a signalé. Je ferai de plus remarquer que les distillateurs de Liége,
réunis en assemblée le 7 avril, ont déclaré, à la majorité, adhérer entièrement
au contenu du mémoire de M. Nagant.
Je désire, messieurs, que les
amendements qui ont été déposés, soient renvoyés à la section centrale pour
subir un examen nouveau. Je désirerais aussi que la section centrale prît
connaissance du mémoire envoyé à la chambre au nom des distillateurs de la
ville de Liége. .
Ceci est véritablement une
question grave, parce qu'il est certain qu'il existe une inégalité très
préjudiciable au distillateur qui ne travaille pas le dimanche, et il faut que
la loi tâche autant que possible d'équilibrer la condition des industriels ;
qu'elle n'impose pas de droits à payer pour les jours fériés ; alors que les
distillateurs veulent s'abstenir ces jours-la de tout travail, je ne dis pas
que la chose soit possible ; je m'abstiendrai, quant à présent, d'émettre une
opinion à ce sujet ; mais la question me paraît assez grave pour que la section
centrale se réunisse, à l'effet d'examiner les amendements qui ont été déposés,
et de méditer la discussion qui a eu lieu. Si ma motion n'était pas adoptée, je
me verrais, dans l'incertitude où je me trouve obligé de voter pour un des
amendements proposes, afin que d'ici au second vote on ait le temps d'examiner
la question et de voir s'il y a moyeu d’établir une modification utile dans la
loi.
Mais pour le moment, je me borne
à demander le renvoi à la section centrale. Il n'en résultera aucun retard ;
car la loi ne peut être votée aujourd'hui. Il y a une foule
d'autres articles dont nous pouvons nous occuper.
M. le ministre
des finances (M. Smits) - J'ai déclaré à la chambre
qu'en m'occupant de la rédaction de la loi, j'avais recherché avec sincérité,
avec sollicitude les moyens propres à satisfaire aux réclamations qui se sont
élevées sur le travail du dimanche. Je ne puis donc m'opposer au renvoi des
amendements à la section centrale, et je l'appuie même.
En attendant que 1a section
centrale ait examiné ces amendements, et qu'elle nous ait fait son rapport, je
dois faire remarquer à l'honorable M. de Theux que la pétition qui a été
envoyée, dans le temps à la chambre, par M. Nagant,
paraît avoir été en effet appuyée dans le principe par la généralité des
distillateurs de Liége ; mais que plus tard ces distillateurs ont adressé une
réclamation pour protester contre la pétition de M. Nagant.
M. de Theux. -
J'ignorais ce fait.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - M. Nagant,
dans son mémoire, indiquait comme moyen de satisfaire à l'objet des amendements,
le contrôle par les bouillées. Or, adopter le contrôle par les bouillées, c'est
tomber dans les errements de la loi de 1822 ; on ne peut sortir de là. Je
tenais à faire cette réflexion, pour qu'elle ne fût pas
perdue de vue par la section centrale.
M.
Desmet. - Je me rallierai à la motion de
l'honorable M. de Theux ; car je ne tiens pas à mon amendement ; le tiens seulement
au principe, et je voudrais que l'on parvînt à concilier les différentes
opinions.
J'ai demandé la parole pour
répondre à l'honorable M. Demonceau. Il vous a dit : C'est la loi de 1833 qui
est cause de cela. Mais aujourd'hui le droit est établi sur la matière en
macération ; en 1822 il en était de même, et cependant le travail du dimanche
était défendu.
Le droit était établi,
c'est-à-dire, que vous deviez produire du genièvre en proportion de la farine
que vous aviez déclaré de charger vos cuves de matières. On travaillait à
charge pesante et à charge légère ; ceux qui travaillaient à charge pesante
pouvaient charger 13 kil. par hectolitre, et ceux qui déclaraient travailler à
charge légère ne pouvaient charger que 8 kil. ; mais ils étaient pris en charge
comme ayant produit 54 degrés par kilogramme, c'est-à-dire, 54 p. c.
Le droit était donc toujours établi sur la matière.
M. de Theux. -
Messieurs, j'avais remarqué aussi que M. Nagant
admettait le contrôle par les bouillées ; mais il l'admettait seulement à
l'égard de ceux qui avaient déclaré ne pas vouloir travailler le dimanche et se
soumettre à ce contrôle spécial ; de manière qu'il n'en serait résulté aucune
difficulté. Remarquez même qu'il serait peut-être avantageux que ce moyen de
contrôle fût mis eu pratique par ceux qui le demandent ; on verrait par là s'il
est aussi gênant qu'on le dit. D'ailleurs, les
industriels qui l'auraient accepté, pourraient toujours s'y soustraite en
retirant leurs déclarations.
(Moniteur belge n°125, du 5 mai 1842) M.
de La Coste. - Messieurs, je ne rentrerai pas dans la discussion, mais
je crois devoir vous faire observer que les faits qui sont à ma connaissance ne
cadrent pas avec d'autres qui viennent d'être allégués, et que, du reste, je ne
conteste pas.
J'ai remis à M. le ministre des
finances une pétition des distillateurs de Tirlemont qui réclamaient également
la liberté dé ne pas travailler le dimanche. J'ai questionné l'un de ces
industriels, ainsi qu'un distillateur d'une commune environnante, personnes
tout à fait dignes de foi. Le premier m'a assuré que son travail du dimanche
était aussi complet que celui des autres jours de la semaine ; l'antre m'a dit
: Je cherche à terminer mon travail le samedi soir à minuit ; je fais
travailler les ouvriers toute la nuit pour y arriver, et je me remets au
travaille dimanche également à minuit. Mais je ne puis jamais terminer mon
travaille samedi, il faut toujours que j'anticipe sur le dimanche. Je lui ai
fait observer qu'on représentait ce travail comme fort insignifiant ; il m'a
répondu : C'est un travail qui occupe fort bien mes ouvriers, et qui est même,
par moment, tellement rude qu'ils doivent se mettre à demi nu pour remuer les
matières mises en macération.
Au surplus, j'appuie le renvoi à
la section centrale, et s'il est adopté, je demanderai la permission de
présenter aussi un amendement que j'avais préparé sur cette question difficile.
On a comparé le travail dans les
distilleries avec celui que demande l'exploitation des chemins de fer ou qui a
lieu dans les hauts-fourneaux ; mais je ne puis admettre cette similitude ;
car, dans le premier cas, il s'agit d'un travail qui est la conséquence de la
loi ; s'il ne s'agissait ici que d'un travail qui ne serait pas, pour ainsi
dire, obligé, qui ne serait pas la conséquence de la loi, je n'en dirais rien,
nous n'aurions pas à nous en occuper.
J'ai cru que le seul moyen de
terminer cette affaire, c'était de donner au gouvernement un pouvoir à peu près
semblable à celui que nous lui avons donné pour les distilleries de fruit. On
poserait le principe et le gouvernement serait chargé de l'exécution.
Plusieurs membres. - La
lecture de votre amendement.
M.
de La Coste. - Je ne sais pas si cela est
nécessaire, puisqu'on le renvoie à la section centrale. Du reste le voici :
Article nouveau à intercaler
après l'art. 5 :
« Les distillateurs qui désirent
s'abstenir pendant les jours fériés de toute opération qui exige un travail
quelconque, obtiendront sur l'impôt dû pour lesdits jours une remise
proportionnelle à la diminution de produits résultant du chômage et dûment
justifié.
« Les bases et les conditions de
cette remise seront déterminées par arrêté royal, en attendant qu'il puisse y
être pourvu par la loi. »
J'ajouterai un paragraphe à
l'art. 32, relatif aux contraventions. Il est ainsi conçu :
« § 19. Pour toute
contravention aux conditions de la remise accordée pour les jours fériés, une
amende dont les bases seront fixées par l'arrêté royal à intervenir sur cette
remise, mais qui ne pourra excéder les proportions des pénalités établies par
les paragraphes précédents du présent article. »
(Moniteur belge n°124, du 4 mai
1842) M. le président. - L'honorable M. Dedecker a aussi annoncé un amendement qu'il rédige en
ce moment. Je crois devoir le comprendre dans la proposition de l'honorable M.
de Theux. Je vais mettre aux voix la proposition du renvoi des amendements à la
section centrale.
- Ce renvoi est adopté.
Les amendements seront d'ailleurs imprimés et
distribués.
La séance est levée à 4 heures et
demie.