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Chambre
des représentants de Belgique
Séance du jeudi 21 avril 1842
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi relatif au canal de Zelzaete à la mer
du Nord (canal de Damme à la mer du Nord) (lutte contre les inondations de l’Escaut
et de
(Moniteur
belge n°112, du 22 avril 1842)
(Présidence
de M. Fallon)
M. Kervyn procède à l'appel nominal à midi un quart.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente ; la
rédaction en est adoptée.
M.
Kervyn fait
connaître l'analyse des pièces suivantes :
PIECES
ADRESSEES A
« Le
collège des bourgmestre et échevins de Herbeumont
(Luxembourg) demande que le chef-lieu du canton de Paliseul
soit fixé à Bertrix, et que cette commune en fasse
partie. »
« Des habitants de la commune de Boom demandent
que l'inscription des cantons de Contich et de Wilryck
soit modifiée, et que Boom devienne chef-lieu de canton. »
- Renvoi à la commission cantonale.
______________________
« Le sieur de Jonghe, né en Hollande, demande la
naturalisation. »
- Renvoi au ministre de la justice.
Discussion générale
M. Maertens. - Messieurs, il y a six ans la chambre à une grande
majorité, par 48 voix contre 17, décréta la construction du canal de Zelzaete exclusivement
aux frais du trésor public. La chambre alors posa un grand acte de justice
et de dignité nationale : Elle avait encore présent à la mémoire l'abandon que
l'on avait fait de cette partie de
Et aujourd’hui, après ces nouvelles souffrances
prolongées pendant 12 aunées, qui est celui qui pourrait raisonnablement combattre
une proposition faite par le gouvernement, d'après laquelle le canal ne sera
plus construit aux frais du trésor seul mais d'après laquelle 1° les
propriétaires des deux Flandres contribueront dans l'exécution pour le quart de
la dépense, c'est-à-dire pour un million ; d'après laquelle, 2°
l'administration et l'entretien du canal seront à charge des mêmes provinces,
charges très fortes puisqu'il s'agit d'un canal à grande section, et d'après
laquelle enfin, 3° ces propriétaires
supporteront en totalité les frais d'établissement des ouvrages nécessaires
pour conduire leurs eaux au canal ? Frais qui seront aussi très considérables
surtout dans la section de Damme à la mer, où la pente actuelle des divers
canaux d’évacuation devra être reportée dans un sens opposé.
« Les écluses d'ailleurs, qui les mettront en
communication avec le canal principal, devront être construites solidement,
puisqu'en cas d'une destruction fortuite de l'écluse à la mer, ils devraient
être à même de soutenir toute la hauteur de la marée ; ils exigeront, de l'aveu
des ingénieurs, de grands sacrifices de la part des riverains. »
Les frais donc qu'auront à supporter les
propriétaires, ne seront ainsi guère moindres que ceux pour lesquels l'Etat
contribuera, et ces frais cependant ne leur donneront rien de plus que ce
qu'ils avaient avant la révolution, on ne fera que leur rendre ce que les
événements politiques leur ont enlevé. Et, messieurs, qu'on ne s'y méprenne
point, il ne s'agit pas ici de faire des faveurs ; il ne s'agit pas d'assécher
des terres marécageuses, qui n'ont jamais rien produit, ni de conquérir sur la
mer ou de maintenir des conquêtes récentes que la mer est sur le point de
reprendre, ni de rendre de mauvaises terres fertiles ; rien de tout cela, les
terres auxquelles le gouvernement veut donner une nouvelle voie d'écoulement en
remplacement de celles qu'elles ont perdues, sont depuis des siècles d'excellentes
terres, sur lesquelles la mer ne peut rien et qui toujours ont été estimées à
des prix très élevés. Ces terres avaient et ont toujours eu leurs débouchés
vers la mer, et tant que
Ces diverses voies étaient plus que suffisantes pour
assurer à tout jamais l'écoulement des eaux qui viennent se jeter dans les
Flandres. La révolution nous a enlevé tous ces débouchés : il ne nous reste
plus qu'une seule écluse sur le Zwyn, celle du Hazegras, tout le reste est au pouvoir de
Ce que je viens de dire en peu de mots et qui se
trouve longuement développé dans le dernier travail de M. Vifquain, page 9, 10
et 11, démontre la nécessité de recourir à de nouvelles voies d'écoulement et
de construire le canal de Zelzaete ; car, comme on l'a dit fort bien dans la
séance d'hier,
M. Donny. - Messieurs, les orateurs qui se disposent à parler
en faveur du projet dont il s'agit, sont si nombreux que je n'aurais pas pris
la parole si je n'avais pas entendu avancer un fait complètement inexact, fait
qui pourrait peut-être exercer quelque influence sur vos esprits, et qu'il
m'appartient comme député d'Ostende de combattre et de rectifier.
L'on vous a dit que l'écoulement par le port
d'Ostende, de ces eaux d'inondation qu'il s'agit d'évacuer par le canal de
Zelzaete, loin de causer quelque préjudice à ce port, était au contraire un
immense avantage en ce qu'il servait à le maintenir dans sa profondeur normale.
Jamais je n'ai entendu avancer une erreur aussi manifeste.
Je suis d'accord avec l'honorable auteur de l'assertion,
que le concours des eaux intérieures du pays aux chasses qui s'opèrent pour
l'approfondissement du port d'Ostende, est utile. Mais contrairement à son
opinion, je soutiens que les seules eaux qui peuvent être de quelque utilité
pour cette opération, sont celles que le canal d'Ostende tire de l'Escaut et de
Il y a dans le port d'Ostende, dont j’ai devant moi le
plan, deux écluses de chasse. L'une n'a aucune communication avec les eaux
intérieures du pays. Celle-là est complètement hors de question. L'autre se
trouve à l'extrémité du port. Derrière elle est son bassin, long au moins d'un
tiers de lieue, Après ce bassin vient le canal de Bruges qui est alimenté par
l'Escaut et
Cette disposition permet de déverser les eaux du canal,
c'est-à-dire ceux de l'Escaut et de
Le tarif qui résulte de cet état de chose, par l'état
matériel du port n'est pas le seul dont le commerce d'Ostende, ait à se
plaindre ; l'interruption de la navigation du canal, pour faciliter
l'écoulement des eaux d'inondation, est un autre sujet fondé de plainte. C'est
là un des trois griefs articulés par le commerce d'Ostende, et qui sont, d'une
part, l'interruption fréquente de la navigation intérieure par la baisse
extraordinaire des eaux du canal ; d'une autre part, la perception au port
d'Ostende, d'un droit de pilotage excessif, qui n'est en rapport, ni avec les
frais du pilotage, ni avec ce qu'on perçoit partout ailleurs ; en troisième
lieu, la perception d'un droit de fanal qui ne se fait qu'au seul port
d'Ostende, de sorte que le commerce de cette ville paye l'éclairage maritime
pour
En attendant qu'on puisse réviser le tarif du
pilotage, et celui du droit de fanal, époque qui, je l'espère, n'est pas très
éloignée, j'appuierai de mon vote la construction du canal de Zelzaete qui,
tout en faisant droit aux justes réclamations des localités inondées, doit
faire cesser un des griefs dont se plaint le port d'Ostende, en rendant l'usage
du canal d'Ostende à la navigation et en permettant de continuer les
chasses sans lesquelles la profondeur du port d'Ostende ne peut se maintenir
dans son état actuel.
M. Eloy de Burdinne. - Je ne comptais pas
prendre la parole dans la discussion du canal de Zelzaete, mais ayant voté
contre ce projet lors de la première discussion et jusqu'à présent n'ayant
entendu aucun raisonnement qui puisse me faire changer d'opinion, je crois
devoir donner le motif qui me force à voter contre la loi qui nous est soumise.
En effet, messieurs, je ne vois dans le projet de loi qui nous est soumis qu'un
cadeau fait par l'Etat aux propriétaires des terres qui sont submergées dans les
Flandres. Je ne vois là messieurs qu'une libéralité en faveur d'une faible
partie de la nation et supportée par la grande majorité.
On a fait valoir dans la discussion beaucoup de
raisonnements à l'appui de la construction aux frais de l'Etat. Le principal
argument qu'on a produit est que cette construction est un acte de patriotisme
qui nous mettra par la suite à l'abri du mauvais vouloir de
Je crois que si le gouvernement adopte en principe que
l'Etat doit à ses frais assainir les propriétés dans certaines localités des
Flandres, il faut que par la suite il se charge de faire des rigoles partout où
des propriétés en auront besoin pour évacuer leurs eaux. Si vous vous chargez
de l'écoulement des eaux dans telle ou telle localité, vous devez le faire
partout, il n'y aura pas de petit propriétaire, ayant un morceau de prairie qui
n'aura le droit de venir vous demander de le débarrasser des eaux qui le
gênent, car il dira : Vous avez débarrassé de leurs eaux des propriétés des
Flandres, vous devez en faire de même pour ma propriété. Si vous faites la
chose en grand vous devez la faire en petit. Vous devez mesurer tout le monde à
la même aune, au mètre, si vous voulez peser les droits de tous à la livre ou
au kilogramme.
Faites les dépenses de défrichement de nos bruyères ;
faites les dépenses pour les mettre en produit ; alors l'État sera intéressé à
l'amélioration, puisqu'il percevra un impôt supérieur à celui que nous payons
maintenant.
L'Etat, dit-on, est intéressé à rendre ces terrains
productifs, parce qu'ils payeront plus d'impôt. Mais je vous avoue que les
estimations des ingénieurs sont presque toujours sujettes à caution. Nous avons
eu un échantillon pour le chemin de fer. D'après le devis estimatif le chemin de
fer de Waremme à la frontière de Prusse ne devait coûter que 7 millions ; eh
bien, au lieu de 7 millions il coûtera de 20 à 22 millions ; voilà comment ou
peut compter sur les estimations des ingénieurs.
On a calculé que la dépense nécessaire pour la construction
au canal de Zelzaete, dépense qu'on veut mettre à la charge du trésor, sera de
4 millions. Il y aura, indépendamment de cela, des travaux à faire par les
propriétaires. Eh bien, si j'en juge d'après l'estimation relative au chemin
de fer, l'exécution du canal de Zelzaete, coûtera à l'Etat de 12 à 14 millions.
Je ne sais si l'amélioration que produira ce travail pourra équivaloir à
l'intérêt de ce capital. Au surplus la dépense est toute en faveur des
propriétaires des terrains dont il s'agit.
Si plus tard les Ardennes et
Sans doute, je veux bien qu'on contribue à la
construction de ce canal, mais seulement en proportion de l'intérêt que peut
avoir l'Etat à l'amélioration dont il s'agit : c'est-à-dire que si ce canal
doit coûter 10 millions, comme l'Etat, en contribution foncière, perçoit
environ 10 p. c., je veux bien que l'état donne un subside équivalent au
dixième de la dépense.
Dans le projet de loi quelque chose m'a un peu
tourmenté : c'est de voir qu'encore une fois l'Etat va se charger d'une dépense
de cette nature. Vous savez que, pour tout ce qu'il fait, l'Etat dépense au
moins un tiers de plus, que ce que dépenseraient les particuliers.
Les raisons que l'on a fait valoir n'ont pas modifié
ma conviction. On a dit : Faites le canal de Zelzaete ; vous ferez ensuite
ceux de
Je m'abstiendrai d'entrer dans d'autres développements,
pour motiver mon vote. Je me bornerai à dire que telle que la loi est
présentée, je suis obligé de voter contre, parce qu'elle mettrait le pays dans
le cas de prendre dans la poche de l'un pour mettre dans la poche de l'autre.
Le trésor ne pouvant faire face à la dépense, il
faudrait faire de nouveaux emprunts qui devraient être couverts par les
contributions. Au point où se trouve notre état financier, je crois que nous devons
nous montrer bien scrupuleux pour nos dépenses ; car si nous continuons sur le
pied où nous nous trouvons, sans mettre nos dépenses en rapport avec nos
ressources, nous marcherons vers une ruine complète. Nous nous trouverons dans
un temps plus rapproché qu'on ne croit dans la position de l'Angleterre ; nous
devrons recourir à la mesure proposée par Robert Peel de mettre un impôt sur
tous les revenus quelconques. Jetons un coup d'œil sur notre position
financière ; elle n'est pas désespérée ; mais prenons y garde, pour peu que
nous restions dans l'ornière où nous sommes, vous compromettrez le pays tout
entier, vous mettrez les contribuables dans le cas de devoir supporter des
charges exorbitantes.
J'écouterai les
développements que l'on pourra présenter. Jusqu'à présent, je ne puis voter
pour la loi telle qu'elle est. Je ne consens qu'à voter un subside proportionné
à l'intérêt qu'à l'Etat dans cette dépense.
M. Delehaye. - Comme il s'agit de préserver les Flandres des
inondations qui proviennent de l'excès d'eau que nous envoient le Hainaut et
A cette même époque, on exigeait l'ouverture des
écluses aux approches des saisons de pluie ; on faisait en sorte que le bassin
de Gand était à cette époque à même de recevoir toutes les eaux qui amène
l'hiver. Ce même rapport adressé au gouvernement par le conseil de Gand indique
la plupart des mesures à prendre pour prévenir ces inondations ; je ne sais
pour quels motifs la plupart des mesures que j'ai indiquées ne sont plus prescrites.
Je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre
des travaux publics sur ces améliorations, d'autant plus qu'elles ne doivent
donner lieu à aucune dépense. Il existe depuis quelque temps plusieurs
pétitions du commerce du Hainaut, notamment une de la chambre de commerce de
Mons, qui a demande que la navigation ne fût pas interrompue certains jours. A
cet effet elle a proposé un canal d'écoulement qui se dirigerait vers Melle,
partant de Zwynaerde. Ce canal permettrait aux
navires de se rendre à Gand, sans être retenus par les eaux. D'un autre côté,
pour faciliter l'écoulement en aval de Gand, quelques travaux sont aussi
nécessaires.
M. le ministre des travaux publics connaissant les
localités, je me permettrai donc lui indiquer les points qui d'après moi
nécessitent quelques modifications. A partir du point dit het
Pauwke, près
de Gand, jusqu'à Calcke, il conviendrait de pratiquer
une coupure qui, renfermée dans des écluses, pourrait à certaines époques
servir à donner aux eaux un prompt écoulement sans gêner la navigation.
Je me contenterai de signaler ces légers travaux, bien
convaincus que M. le ministre ne manquera pas d'y porter son attention. Ils
sont de nature à faire droit aux réclamations du Hainaut.
Ces travaux ne sont pas d'ailleurs de nature à
entraîner de grandes dépenses ; et surtout, elles apporteront de grandes
ressources au trésor.
La plupart des terres situées au long de l'Escaut, aux
endroits que je viens d'indiquer, se trouvent dans une classe très basse pour
la contribution foncière. Or, par les moyens que j'ai indiqués, ces terres
seraient portées à la première classe ; il en résulterait des ressources
nouvelles, des ressources considérables pour le trésor.
Un autre point sur lequel j'appelle l'attention de M,
le ministre des travaux publics, c'est que depuis quelque temps il nous vient
de
Je pense, messieurs, que, pour mettre un terme à ces
inondations, il serait nécessaire que toutes les eaux qui sont actuellement
dirigées vers Gand, ne traversassent plus cette ville. Et à cet effet il existe
des canaux qui ont été construits à des époques assez reculées et qui ne sont
pas suffisamment entretenus ; et même sur quelques points, ils n'ont plus la
largeur qu'ils avaient primitivement. En remettant ces canaux en bon état, on
donnerait, une voix nouvelle aux eaux qui viennent du département du Nord et on
les ferait dévier de Gand.
Il existe un canal de Deynze,
au hameau Deurme, commune de Meerendré
; ce canal, construit dans l'intérêt de l'écoulement de nos eaux, avait répondu
à sa destination. La négligence ou peut-être le défaut de connaissance a rendu
cette voie inutile, il importerait de lui rendre la largeur qu'il avait
d'abord. Il n'en résulterait pas de frais considérables pour le trésor. Cette
dépense, d'ailleurs, ne doit pas vous faire reculer ; parce que, comme je vous
l’ai dit, elle sera abondamment compensée par les ressources nouvelles
qu'apporteraient ces travaux au trésor.
En donnant à ce canal la largeur suffisante, vous
donnerez aux eaux qui viennent du département du Nord la faculté de se diriger
dans le canal de Bruges, et comme l'a dit honorable. M. Donny, les eaux
arriveraient alors en abondance suffisante aux écluses de chasse du port d'Ostende.
Ce travail aurait un autre avantage ; il faudra
plusieurs années avant que le canal, dont nous nous occupons, soit achevé ; en
attendant, il donnerait aux eaux qui abondent à Gand une nouvelle direction.
Elles iraient se jeter dans le canal de Bruges pour se diriger, soit vers cette
ville, soit vers
Je devrais entrer dans des explications plus étendues
sur ces travaux, mais pour bien les comprendre, il faudrait connaître les
localités.
Il me suffit d'appeler l'attention de M. le ministre des
travaux publics sur ce point, comme je l'ai dit, ces travaux ne sont pas de
nature à entraîner de grandes dépenses. Ils auraient pour résultat immédiat de
faire droit aux réclamations du Hainaut, et à celle que vous avez encore
dernièrement reçue de la chambre de commerce de Mons, et de détourner de Gand
les grandes quantités d'eau qui viennent inonder les propriétés environnantes.
Ils auraient encore pour résultat, résultat que vous ne perdrez pas de vue, de
donner au trésor des ressources qu'il ne perçoit pas maintenant, en faisant
ranger dans la première classe des terres qui se trouvent maintenant dans la
dernière. Vous ne reculerez donc pas devant ces travaux, parce que les
résultats en seront immenses et les dépenses qui en résulteront, peu élevées.
Quoique cet objet ne soit pas à l'ordre du jour, je n'ai pu me dispenser de
soumettre ces observations au ministre qui, connaissant nos canaux, pourra les
rendre bientôt propres à répondre au but dans lequel ils ont été creusés ; que
le ministre ne perde pas de vue que des trois
robinets d'écoulement que nous avons à Gand, il en est deux qui ne répondent
plus à leur destination.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières)
– Messieurs, l’honorable préopinant m'a adressé une question en commençant son
discours. Il m'a demandé si d'anciens décrets relativement aux eaux de l'Escaut
étaient tombés en désuétude, s'ils n'étaient plus observés. Il est vrai qu'il
existe quelques anciens décrets qui déjà depuis longtemps ne sont plus
observés. Mais tout ce qui concerne le régime de l'Escaut fait en ce moment
l’objet d'une instruction à mon département ; le rapport est presque terminé.
Il s agira de voir s’il faut faire revivre ces anciens décrets ou s'il faut y
substituer d'autres règlements.
En ce qui concerne les travaux dont a parlé
l'honorable membre, ce sont là encore des points qui font l'objet d'instruction
dans ce moment au département des travaux publics, et sur lesquels il me serait
impossible d'exprimer aujourd'hui une opinion. Seulement, je puis dire, comme
l'honorable préopinant, que ces travaux ne me paraissent en effet pas de nature
à occasionner au trésor de grandes dépenses, et que d'un autre côté ils
procureraient au trésor des revenus plus ou moins élevés par l'amélioration des
terres.
Pour ce qui concerne les eaux de
M. Peeters.- Messieurs, j'avais demandé hier la parole pour
proposer l'ajournement du projet relatif a la construction du canal de
Zelzaete, mais, comme je vous l'avais dit, mon intention n'était pas de
m'opposer à cette construction ; je voulais seulement la faire marcher de pair
avec celle d'autres canaux, et surtout avec la canalisation de
En 1835, un projet a été présenté pour la canalisation
de
Ensuite on a remis la présentation du rapport de M.
l'ingénieur Vifquain jusqu'au moment où on allait discuter le projet sur le
canal de Zelzaete, comme si on avait voulu faire voter ce canal avant que nous
ne connaissions ce rapport.
Messieurs, déjà depuis deux ans, lorsque nous avons
discuté le budget des travaux publics, j’ai insisté pour avoir le rapport sur
la canalisation de
« Un membre de la section centrale (et ce membre
c'était moi) voulant se conformer au vœu exprimé par la deuxième section a
demandé à M. le ministre, lorsqu'il s'est rendu dans son sein de vouloir bien
s'expliquer sur ses intentions relatives à la canalisation de
Pressé davantage par moi dans la discussion, voici la
réponse qu'il m'a faite et qui se trouve au Moniteur du 24 février 1841,
numéro 35 : « Je suis étonné que l’honorable M. Peeters, au zèle et au
patriotisme duquel je suis le premier à rendre hommage, revienne encore
avec tant de chaleur sur une question à laquelle je lui ai déjà répondu à
plusieurs reprises depuis l'ouverture de cette session. Je lui ai déjà
exprimé ma pensée, que parmi les travaux de canalisation à exécuter,
Un
membre.
- Il ne s'agit pas ici d'un canal !
M. Peeters. - Si ce n'est pas un canal, l'Etat ne doit pas s'en
occuper.
M. Manilius. - C'est une grande rigole d'écoulement.
M. Peeters. - Alors que les Flandres la fassent elles-mêmes. Messieurs,
je vois bien que c'est toujours le grand nombre qui l'emporte ici. Je ne me
fais plus illusion ; nous n'obtiendrons rien pour
Puisque j'ai la parole, je demanderai à M. le ministre
des travaux publics, qui doit connaître le rapport de M. Vifquain, que nous
nous ne connaissons pas, mais qui aurait dû nous être distribué depuis
longtemps, quelles sont ses intentions à l'égard de la canalisation de
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières)
- Messieurs, je suis vraiment étonné que l'honorable membre puisse encore douter
des bonnes intentions du gouvernement à l'égard de
Mais, messieurs, le gouvernement ne peut vous
présenter que des projets, et ces projets, pour vous les présenter, il faut
bien qu'il ait le temps de les étudier, de les coordonner, les organiser de
manière à ce que vous puissiez les voter avec connaissance de cause.
En ce qui touche la route de Turnhout à Tilbourg, à laquelle le département de la guerre s'est
opposé par des motifs puisés dans la défense du pays, j'aurai l'honneur de
répondre à l'honorable membre, que depuis la discussion de mon budget pendant
laquelle il a fait les mêmes observations, le département de la guerre a nommé
un commissaire ; j'en ai nommé un de mon côté, et ils s'occupent dans ce moment
de chercher à aplanir les difficultés non seulement pour cette route de
Turnhout, mais aussi pour toutes les autres routes qui ont été signalées dans
la discussion de mon budget, et à l'égard desquelles le
département de la guerre avait élevé des difficultés.
M. Peeters. - Je demanderai à M. le ministre des travaux
publics, s'il a l'intention de présenter un projet pour la canalisation de
Si M. le ministre ne veut pas présenter un projet,
qu'il le dise, je prendrai alors sur moi d'en présenter un. Mais si l'on nous
remet toujours à l’année prochaine, nous resterons
éternellement dans la situation où nous nous trouvons aujourd'hui.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières)
- Encore une fois, je ne puis pas m'engager à présenter à la chambre un projet
de loi, dans tel ou tel délai déterminé, surtout en pareille matière cela ne
serait pas d'ailleurs, de la dignité du gouvernement ; tout
ce que je puis dire c'est que le gouvernement s'occupe avec la plus vive
sollicitude de cette question.
M. Dubus (aîné). - Je ne pourrai faire, messieurs, que quelques observations
incomplètes ; vous vous rappellerez, messieurs, qu'on nous avait promis, la
distribution du dernier travail, trois jours au moins avant la discussion ;
cette distribution a été retardée de plusieurs jours. Elle vient à peine de
nous être faite. Il semble qu'il s'agisse d'un projet de la plus grande
urgence, qu'on doit voter sans même avoir eu le temps de l'examiner. Lorsqu'une
discussion de cette nature a eu lieu en 1836, on nous disait que le projet
était de la plus extrême urgence ; le moindre délai pouvait amener des dommages
incalculables ; il fallait absolument porter un remède immédiat aux désastres
qui allaient croissant tous les jours. Il s'est cependant écoulé 6 ans depuis
lors, et je ne vois pas que les poldres des Flandres aient péri dans cet
intervalle. Si l'on nous avait accordé les délais que nous demandions, délais
qui ne devaient être que de quelques semaines, et qui avaient pour but de nous
mettre à même de nous procurer les documents à consulter, d’étudier tous les
rapports, de discuter et peser tous les faits ; si, dis-je, on nous avait
accordé ces délais, il n’en serait résulté aucun dommage pour les Flandres, et
nous aurions pu discuter le projet avec plus de maturité.
Que résultera-t-il de cette précipitation ? C'est que
les membres qui veulent s'opposer à un projet appuyé sur ces documents si nombreux
que l'on a eu à peine le temps d’assembler et de parcourir, seront réduits à
émettre un vote négatif, et qu'ils n'auront pu se préparer à développer
convenablement, et complètement leurs motifs. Je suis donc forcé, messieurs,
de me borner à de courtes observations.
Messieurs, le projet dont il s'agit tend, dit-on, à
procurer l'écoulement des eaux qui causent les inondations dont on souffre dans
les deux Flandres et, en première ligne, plusieurs orateurs parlent des eaux de
l'Escaut et de
On veut réparer, dit-on, un dommage causé par la
révolution. Il semble qu'autrefois tout allait bien et que maintenant tout va
mal. Cependant lorsqu'on parcourt les développements dans lesquels sont entrés
ceux-là même qui veulent faire exécuter le canal de Zelzaete aux frais de
l’Etat, on voit qu’elles signalaient comme cause du mal, le traité de Munster
de 1648, de manière que l'on remonte à un acte posé il y a deux siècles, pour
trouver l'origine du dommage dont on demande la réparation.
Il est dit aussi dans les documents qui sont sous nos
yeux, que les moyens d'écoulement ont toujours été en s'affaiblissant chaque
année par suite d'une cause naturelle et incessante ; on veut que nous
réparions, aux frais de l'Etat, le dommage causé à quelques propriétés privées
par suite de cette cause naturelle et incessante de ce mouvement d'alluvion qui
amène l'ensablement de tous les moyens d'écoulement qui existaient autrefois.
Jusqu'ici, messieurs, c'étaient les propriétaires des terrains qui souffraient
des inondations qui devaient pourvoir à leurs frais à l'assèchement de ces
terrains. Lorsqu'un des moyens d'écoulement existants venait à manquer, ils
devaient à leurs frais en procurer un nouveau.
Il n'y a pas longtemps que cette obligation était
encore reconnue par les propriétaires des terrains a assécher. Un des moyens
d'écoulement existait autrefois mais qui avait perdu presque entièrement son
efficacité ; le canal du Sas de Gand se trouvait tellement envasé au-dessous
du Sas qu'il ne pouvait plus servir à la destination qui lui était restée, de
procurer un écoulement aux eaux. Eh bien, messieurs, dans le rapport qui vous a
été adressé à la fin de 1837, par M. le ministre des travaux publics, on
signale cette circonstance qu'en 1823 tous les polders se virent menacés
d’une nouvelle submersion par l'impossibilité où ils étaient de se maintenir en communication
avec la marée basse dans l'Escaut et que le canal du Sas était aussi devenu
impropre à l'écoulement des eaux des Flandres par les bancs de sable qui
s'étaient formés devant les écluses de décharge à une hauteur de plus
de deux mètres sur les radiers. Après avoir constaté ces faits, le rapport
ajoute :
« Les propriétaires des poldres compromis, (erratum, Moniteur belge n°116, du 26 avril 1842) demandèrent l'autorisation
de construire à leurs frais, un canal de décharge pour leurs
eaux. »
Vous voyez, messieurs, que les propriétaires
reconnaissaient alors l'obligation ou ils se trouvaient, de construire de
nouveaux moyens d'écoulements pour leurs eaux, alors que les anciens moyens
venaient à leur manquer, puisqu'ils demandaient au gouvernement l'autorisation
de le faire.
Et pourquoi, messieurs, le canal qu'ils demandaient à
creuser, n'a-t-il pas été fait exclusivement à leurs frais ? Parce que le gouvernement
combina l'idée de leur procurer un nouveau canal de décharge avec celle de
rendre à la ville de Gand le port qu'elle avait eu autrefois. Il conçut alors
l'idée du canal de Terneuzen, qui est à la fois un canal d'écoulement des eaux
et un canal de navigation, et ce canal même n'a pas été fait aux frais de
l'Etat, il a été fait par concession.
Prenons acte, messieurs, de cet aveu des
propriétaires, que je viens de citer. Cet aveu est en opposition avec tout ce
que nous entendons répéter sans cesse, que le gouvernement est tenu à procurer
l'assèchement des propriétés qui ont souffert des inondations. Vous voyez,
messieurs, qu'il n'en est rien, vous voyez au contraire que les propriétaires
reconnaissaient en 1823 qu'il leur incombe de se procurer à leurs frais des
moyens d'assèchement.
Mais, enfin, messieurs, ce canal de Terneuzen est
fait, ce canal a été construit, non pas seulement pour la navigation, mais
aussi, et très spécialement, pour l'écoulement des eaux. Toutes les
constructions faites démontrent que c'est là sa destination principale ; les
déversoirs qui doivent servir à l'assèchement des polders, sont construits
sous la digue même de ce canal ; une écluse a été construite aussi pour
y faire arriver les eaux superflues de l'Escaut et de
Dans le même rapport fait en 1837 par le ministre des
travaux publics, on lit, en effet, encore ce qui suit :
« Le canal de Terneuzen était un débouché complet
et permanent pour toutes les terres à même par leur position d'y verser les
eaux ; il offrait, en outre, une ressource précieuse, et un grand soulagement,
en débarrassant les Flandres du trop plein de l'Escaut et de
Je lis, en outre, dans le
mémoire des ingénieurs, qui était annexé à ce rapport de 1837 :
« Le recreusement du canal
du Sas de Gand, qui fut poussé jusqu’à Terneuzen vint apporter une grande
amélioration dans la situation de l'écoulement des terres du nord de
Ainsi, messieurs, voilà le moyen d'écoulement pour le
trop plein de l'Escaut et de
« Mais, dit-on, ce canal traverse le territoire
hollandais pour arriver au point où il se décharge dans la mer. »
Eh, messieurs, les traités obligent le gouvernement
hollandais à laisser à ce canal sa double destination et nous avons les
moyens de faire exécuter le traité ; il y a plus, on ne nous dit pas que
le gouvernement fasse la moindre difficulté à reconnaître cette obligation et à
l'accomplir, on ne nous le dit point et on ne nous le dira point ; mais si le
gouvernement hollandais refusait de remplir ses obligations, nous aurions un
moyen fort simple de l'y contraindre ; il nous suffirait de refuser le
paiement des 5 millions de florins que nous payons annuellement à
Je vous ai fait remarquer, messieurs, il n'y a qu'un
instant, que ce canal avait fait disparaître selon le mémoire des
ingénieurs, une des grandes servitudes du canal de Gand à Bruges et à Ostende,
et comme il importe également de le remarquer, on nous présente comme quelque chose
de tout à fait nouveau, cette servitude du canal d'Ostende, qui consiste à
devoir servir à l'écoulement des eaux. Eh bien, messieurs, avant le creusement
du canal de Terneuzen cette servitude était un état permanent, et le rapport
des ingénieurs dit, lui-même que sous le gouvernement autrichien il en
était déjà ainsi. Ainsi, messieurs, non seulement avant le dernier traité
politique, mais avant 1789 déjà, le canal de Gand à Bruges et à Ostende était
un moyen d'écoulement pour le trop plein des eaux de
Indépendamment du canal de Terneuzen, l'assèchement
des polders des Flandres se faisait par le Brackman
et par le Zwyn.
On nous dit que, par le Brackman,
les moyens d'écoulement actuel sont précaires, insuffisants ; que le Brackman s'envase.
Mais, d'abord, d'après la règle qui était suivie
précédemment qui était même reconnue par les intéressés, ce serait aux
propriétaires à faire les frais de nouveaux débouchés ou à améliorer les moyens
qui existent.
Du reste, dans l'état actuel des choses, les terres
qui doivent s'assécher par le Brackman, s'assèchent
complètement par le Brackman. Il n'y a eu
d'inondation que dans le moment des hostilités, lorsque les Hollandais avaient
étendu l'inondation autour des forteresses qui couvrent
(erratum, Moniteur belge n°116, du 26 avril 1842) Sous ce rapport, la
situation n'est véritablement pas changée. Même après l'achèvement du canal de
Terneuzen, et malgré ce nouveau moyen d'écoulement, en 1829, si j'ai bon
souvenir, il y a eu une inondation considérable, parce qu'il y a eu une saison
tout à fait exceptionnelle ; mais dans le cas d'intempérie des saisons, ce ne
sera pas seulement dans les Flandres, mais encore dans beaucoup d'autres
parties du pays qu'il y aura des inondations.
Quant au Zwyn, on nous dit
que l'écluse du Hazegras subsiste ; mais que quant à
l'évacuation qui avait lieu par la ville de l'Ecluse, je crois, il n'a pas été
possible de la rétablir. Pour moi, je pense plutôt que les propriétaires n'ont
pas jugé à propos de faire les frais necessaires à ce
rétablissement, parce qu'ils s'attendent à ce que vous votiez le canal de Zelzaete
qui les en dispensera ; mais il n'est pas prouvé, on ne nous à rien produit
pour prouver qu'on ne pourrait pas rétablir le débouché qui existait autrefois
à l'Ecluse ; du moins, je n'ai trouvé aucune justification de cela dans ce qui
nous a été communiqué.
On a dit qu'il y a des atterrissements qui se sont
formés pendant l'inondation, Mais ce n'est pas la première inondation qui eût
été tendue autour de l'Ecluse ; dans les temps antérieurs, il est déjà arrivé
plusieurs fois qu'une inondation a été tendue, même pendant plusieurs années
autour de l'Ecluse, qu'il se formait des atterrissements. Qu'arrivait-il ?
c'est que lorsque les eaux étaient retirées, l'administration des wateringues
faisait la dépense nécessaire pour faire enlever les atterrissements, pour
faire rétablir le débouché Mais aujourd'hui ces travaux ne se font plus, parce
qu'on attend apparemment la construction du canal de Zelzaete et qu'on trouve
commode de voir créer un nouveau moyen d'écoulement aux dépens du trésor.
Mais, dit-on, le Zwyn dans
la partie qui aboutit à la ville de l'Ecluse, est envasé. Je répondrai d'abord
que cette partie du Zwyn sert encore, si je ne me
trompe, à l'écoulement des poldres hollandais : on pourrait donc y rétablir le
débouché des eaux des poldres belges.
Mais enfin, dans ce moment, les poldres situés, à
l'est du canal de Bruges à l'Ecluse, puisqu'ils n'ont plus leur débouché par
l'Ecluse, par où vont-ils écouler leurs eaux ? On me répondra, au moyen des
travaux qui ont été exécutés à cet effet en 1831, ou en 1832, c'est-à-dire, en
partie par l'écluse de Hazegras, en partie par le
canal d'Ostende. (Annexe no 3 du rapport de 1837.)
C'est ici que je demanderai si c'est là réellement un
état de chose intolérable, et qui oblige la législature à intervenir pour une
somme de plusieurs millions.
Dans le fait, les poldres de cette partie de
Mais, dit-on, il résulte de grands dommages, par suite
de l'emploi du canal d'Ostende, pour cet écoulement, qui entrave la navigation,
et augmente dans une forte proportion la dépense annuelle à laquelle donne lieu
l'entretien du canal.
Quant à l'augmentation de la dépense annuelle, je
crois qu'elle a été exagérée, et je fonde cette opinion sur les pièces mêmes
qui nous ont été produites :
On l'a évalué à 50,000 francs, et l'on vous renvoie
aux annexes 6 et 7 du rapport de 1837.
Il est vrai que l'annexe no 6, qui est datée (erratum, Moniteur belge n°116, du 26 avril 1842) de septembre 1837, porte
en total une dépense de 356,500 francs ; mais dans ce chiffre, on a compris une
somme de 200,000 fr. pour les dépenses qu'il y avait lieu de faire à l'avenir, si
l'évacuation continue.
Mais ces 200,000 francs auxquels on évalue d'avance
les dommages qui seront causés plus tard si l'évacuation continue, et
les dépenses qui seront faites pour réparer ces dommages, ne sont qu'une simple
prévision pour l'avenir ; et c'est par erreur qu'on les ajoute à la dépense qui a été faite pendant les sept
années écoulées jusque là pour arriver à une dépense totale de 356,000 francs
en sept années, et ainsi au chiffre annuelle 50,000 fr. Ce calcul est donc tout
à fait erroné : le dommage futur, qu'on évalue d'ailleurs arbitrairement, ne
doit pas être réparti sur les années écoulées.
Ainsi, vous voyez, messieurs, qu'on a exagéré de plus
du double cette prétendue augmentation de dépense par année.
Quant à l'augmentation du nombre de jours de chômage dont
on s'est aussi prévalu, elle a été également exagérée. Lorsque vous recourez au
tableau qui contient l'indication du nombre des jours de chômage, vous ne voyez
de chômage extraordinaire que pendant deux années, pendant les années 1831 et
1852 où des inondations étaient tendues.
En effet, vous trouvez 121 jours pour 1831, et 123
jours pour 1832 ; mais pour les années qui suivent, ce nombre décroît considérablement,
et la moyenne pendant les 5 années suivantes n'est plus que de 55 jours de chômage
pour toute l'année : Ce qui n'est pas exorbitant ; encore pour telle ou telle
année, cela a-t-il dû tenir à une saison plus ou moins défavorable, ou
peut-être à quelques manœuvres de le part des Hollandais avec lesquels nous
n'étions pas encore en état de paix. Nous voyons que pour l'année 1835, il
n'y a eu que 23 jours de chômage. Et c'est pour faire cesser un état de choses
qui oblige à faire chômer la navigation pendant une cinquantaine de jours au
plus par année,que vous iriez dépenser une somme de 4 à 5 millions ! Y a-t-il
là, je le demande encore une fois, quelque chose d'intolérable, comme on l'a
dit ?
Messieurs, autrefois, lorsqu’on n'avait que le canal
de Bruges et le canal d'Ostende pour voie unique dans cette direction, nous
voyons par les rapports des ingénieurs que l'emploi de ce canal comme moyen
d'évacuation des eaux, notamment des eaux de
Ce chemin de fer doit compter pour quelque chose pour
le transport des marchandises. On n'entend sans doute par le restreindre au
transport de quelques rares voyageurs. Il me paraît donc pouvoir combler
largement la lacune qui résulte (erratum, Moniteur belge n°116, du 26
avril 1842)
d'une cinquantaine de jour de chômage sur le canal d'Ostende.
Mais indépendamment de ce moyen de communication, un
autre s'exécute en ce moment ici ; on l'a rappelé dans la séance d'hier ; c'est
le canal de Roubaix. On demande maintenant au nom d'Ypres et de ses environs,
de mettre le canal d’Ypres en communication avec le canal de Roubaix, et par ce
moyen, il y aura une nouvelle voie navigable jusqu'à la mer, indépendante du
canal de Bruges et du canal d'Ostende. Sans doute, cette voie navigable devra
emprunter sur une certaine étendue le territoire français, et c'est là un
grand inconvénient, alors que nous pouvions rétablir sur notre propre
territoire ; mais enfin ces moyens ont été présentés, lorsqu'on a discuté la
question du canal de Roubaix, la chambre ne s'y est pas arrêté ; elle a jugé
cette nouvelle voie utile. Nous devons croire qu'elle concourra pour quelque
chose à faciliter nos communications avec la mer.
La situation, loin d'être plus mauvaise qu'autrefois,
sera donc meilleure pour le transport des marchandises, même en supposant,
qu'il faille à l'avenir faire chômer le canal d'Ostende, cinquante jours par
an, pour les besoins de l'évacuation des eaux.
Ainsi, messieurs, les principales raisons qu'on a fait
valoir, ne me touchent pas au point de me déterminer à engager le trésor dans
une dépense aussi considérable, que celle qui nous est proposée, car on
propose de décréter le canal depuis Zelzaete jusqu'à la mer. Or, la
dépense est évaluée à 4,720,000 fr. On peut dire 5 millions, et je crois que
nous serons au-dessous de la dépense réelle, qui a toujours, en pareille
circonstance, dépassé les prévisions.
Mais j'appelle ici l'attention de la chambre sur une
autre question qui me paraît très importante au point de vue de l'intérêt du
trésor ? Il semble que vous n’avez à vous prononcer maintenant que sur le canal
de Damme à la mer. Cette partie seule est présentée comme urgente ; mais
ce qui est indispensable cependant, c’est de décider maintennat
si on se bornera au canal de Damme à la mer, ou si l’on arrête définitivement
dès à présent que ce canal sera continué plus tard, jusqu’à Assenede
ou jusqu’à Zelzaete ; cela fait en effet une grande différence pour la
dépense même de la section à exécuter de suite ; car pour creuser le canal
de Damme avec prévision de le continuer jusqu'à Zelzaete, il faut le faire
d’une dimension telle que cette seule section coûtera deux millions, et du
canal entier 4,720,000 francs ; tandis que si vous décidez que vous ne ferez
que le canal de Damme à la mer, la dépense ne s'élèvera qu'à 800 mille francs.
Cela fait, avec la proposition dont nous sommes saisis, une différence de
quatre millions.
C'est donc à tort que l'on précipiterait le vote, par
le motif qu'on ne serait lié irrévocablement que pour le canal de Damme à la
mer ; car il faut se donner le temps d'examiner mûrement s'il devra être
porté jusqu'à Zelzaete ; puisque de ce point dépend la question de savoir si on
construira la section de Damme à la mer, de dimension telle qu'elle coûte deux
millions, ou seulement huit cent mille fr. : différence sur cette seule
section, douze cent mille francs.
Je crois qu'il faut qu'il soit évidemment établi que
non seulement le canal de Damme à la mer est nécessaire, mais que celui de
Damme à Zelzaete est également nécessaire pour que la chambre se laisse
entraîner à voter un canal à grande dimension qui entraînera une dépense de
cinq millions.
Messieurs, les pièces que j'ai sous les yeux m'ont
fait désirer bien des renseignements que je n'ai pas trouvés dans les développements,
dont elles sont accompagnées. J'ai examiné la carte qui est jointe au rapport
de M. le ministre de 1837 et j'y ai vu qu'autrefois il existait deux canaux, de
Bruges à la mer, celui de Blankenberg et celui de Lisseweghe.
Maintenant on nous dit que les écluses qui ouvraient
sur la mer sont détruites. Pourquoi ces écluses ont-elles cessé d'être entre
tenues ? On ne trouve rien à cet égard dans les développements. Par qui ces
deux canaux avaient-ils été construits ? ce n'est pas certainement par l'Etat.
Pourquoi les a-t-on laissé s'ensabler ? parce qu'on avait d'autres moyens
d'écoulement. Si ces moyens manquent aujourd'hui, que ceux qui avaient fait
construire les canaux d'écoulement dont je viens de parler les rétablissent,
au lieu de demander cinq millions à l'Etat pour construire un nouveau canal.
On ne trouve rien dans le rapport sur les canaux de Blankenberg
et de Lisseweghe, qui, autrefois, procuraient aux
Flandres l'écoulement des eaux vers la mer.
J'aurais désiré présenter mes observations avec plus
d'ordre, mais le temps m'a absolument manqué. J'en ai assez vu cependant pour
que ma conviction soit formée.
Je voterai contre le projet
de loi.
M. Desmet. - Le premier argument qu'a fait valoir l'honorable député de
Tournay, a été celui-ci : vous avez le canal de Terneuzen et le Sas, pourquoi
ne vous en servez-vous pas ? Quand on considère la situation de
l'écoulement des eaux en aval de Gand, on peut voir que ce canal ne peut pas
servir à l'usage auquel on voudrait qu'on l'employât. Le Sas est un canal de
navigation, chaque fois qu'un bateau y passe avec quelque tirant d'eau il faut
tellement hausser le canal, qu'au lieu d'écoulement des eaux intérieures, il y
a refoulement. On dit : baissez le canal suffisamment, et vous pourrez évacuer
vos eaux. Mais ce n'est pas le canal de Terneuzen, c'est le Moervaert
qui est constamment employé pour faire évacuer les eaux intérieures vers
l'Escaut. On nous dit : Pourquoi n'ouvrez-vous pas les écluses, pourquoi ne
voulez-vous pas sacrifier votre navigation à l'écoulement des eaux ? Mais je
ferai observer que cela ne dépend pas seulement de vous, et que si les Belges
voulaient faire ce sacrifice, les Hollandais ne le voudraient pas ; car ils
tiennent à conserver leur navigation. Comme je viens de le dire, nous pouvons
si peu faire usage du canal de Terneusen, que les
ingénieurs doivent continuellement tenir ouverte l'écluse à la maison Rouge, au
commencement du canal du Moervaert, pour les envoyer
par
Et, messieurs, je suppose que le canal de Terneuzen
puisse servir constamment de canal d'écoulement. Une partie très petite des
Flandres, celle du bassin maritime en aval de Gand, jusqu'à la mer, pourra en
profiter,car il y a un point où les eaux se divisent : une partie se dirige
vers le Sas et l'autre vers le Zuynde.
Les eaux qui viennent de
L'honorable membre voudrait encore que l'on fît servir
le canal de Bruges à Ostende, en le faisant chômer quelques jours, à écouler
les eaux. Je lui ferai observer que chaque fois qu'il y a un passage d'eau
limoneuse, le canal s'envase. C'est ainsi que le canal de Bruges à Ostende, qui
était le plus beau du monde, se trouve maintenant réduit à
Il me paraît qu'il est fort clair que le canal de Sas
ne peut pas servir à ce à quoi on voudrait l'employer. On a prétendu que chaque
fois qu'on avait pourvu à l'écoulement des eaux, on l'avait fait aux frais des
propriétaires. C'est une erreur. Quand on a ouvert une voie pour les eaux vers
la mer, ce n'est pas seulement une province, mais toutes les provinces qui ont
contribué. Avant notre réunion à
En 1753 en voyant la nécessité d'ouvrir un débouché de
plus en amont de Gand pour l'écoulement des eaux supérieures,
On a parlé des traités de Munster et de Fontainebleau.
On a dit que c'était par suite de ces traités que nous manquions de moyens
d'écoulement, cela est très vrai. C'est depuis que les provinces unies sont
désunies, après la guerre dite de 80 années ; c'est depuis le traité de Munster
que
C'était vers ce canal que toutes les eaux qui se
versaient dans le bassin maritime se rendaient à la mer ;c'est donc ce canal
qu'on veut faire remplacer par le canal projeté ; c'est absolument le même
canal dans la même direction ; on remplace donc ce qui nous a été enlevé par
une nation étrangère et pour des causes politiques. Ah ! messieurs, la question
est tellement claire, que c'est vraiment étonnant qu'on veuille toujours y voir
un intérêt particulier, un intérêt de localité et qu'on
veuille constamment détourner la question de son véritable intérêt.
M. Osy. - Je désire simplement motiver mon vote. D'après la
discussion qui a eu lieu hier et aujourd'hui, je vois la nécessité de faire un
canal seulement de Damme à la mer du Nord. Quant au canal de Zelzaete à Damme,
il peut être différé, maintenant qu'il y a un traité de paix entre
- La discussion générale est close.
Discussion des articles
M. le président. - La discussion aura lieu sur les articles de la
proposition de M. Lejeune à laquelle se rapportent les amendements de M. le
ministre des travaux publics.
Les propositions de la section centrale seront
considérées comme amendements.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l'amendement proposé
à l'article premier par M. le ministre des travaux publics et auquel M. Lejeune
se rallie ; Il est ainsi conçu :
« Art. 1er. il sera exécuté aux frais du trésor
public, et avec le concours des propriétés intéressées un canal de Zelzaete à
la mer du Nord pour l'écoulement des eaux des Flandres. »
M. Fleussu reprend par amendement la première
disposition de l'article 1er du projet de loi adopté par le sénat, le 26 avril
1836. Cette disposition est ainsi conçue :
« Il sera exécuté un canal de Damme à la mer du
Nord, pour l'écoulement des eaux des Flandres. »
La parole est à M Fleussu pour développer cet
amendement.
M. Fleussu. - L'amendement tel qu'il est rédigé laisserait aux
frais du trésor toute la dépense, je voudrais savoir si les provinces des deux
Flandres ne considèrent pas cela comme d'un intérêt provincial, les communes
comme d'un intérêt communal et enfin si les propriétaires des terrains
desséchés n'ont pas un véritable intérêt à la construction de ce canal. S'il en est ainsi ne pourrait-on pas les contraindre à
concourir à la dépense ; je prierai M. le ministre de me répondre sur ce
point.
M. de Muelenaere. - Vous voyez par le
tableau qui vous a été distribué que cinq propositions différentes ont été
faites. D'après l'art. 1er du projet de loi adopté par la chambre, le 20 avril
1836, il avait été décidé qu'il serait exécuté, aux frais du trésor public un
canal de Damme à la mer du Nord pour l'écoulement des eaux des Flandres. L'honorable
M. Lejeune, par suite de l'opposition faite à cette disposition au sénat a
modifié sa proposition, en ce sens qu’il serait fait un canal de Zelzaete a la
mer du Nord pour l'écoulement des eaux des Flandres avec le concours des
propriétaires intéressés jusqu'à concurrence de la moitié de la plus value
conformément à la loi de 1807.
On a fait remarquer que de cette manière les
propriétaires intéressés ne devraient qu’éventuellement un subside pour la
construction du canal. M. le ministre des travaux publics a modifié la
proposition de M. Lejeune, en ce sens que les propriétaires intéressés devront
concourir dans tous les cas jusqu’à concurrence du quart d'après l'estimation.
Maintenant l'honorable M. Fleussu propose par amendement la première partie de
la disposition adoptée au sénat, mais il ne dit pas aux frais de qui sera
construit le canal de Damme à la mer du Nord. Il me semble qu'il est essentiel
de le dire dans l'article premier ; autrement vous pourriez décider l'exécution
de canaux sur tous les points au royaume et cette décision ne vous obligerait à
rien.
M. le président. - M. Osy vient de déposer
l'amendement suivant :
« Il sera accordé à la province de
M. Fleussu. - Ma proposition tend à restreindre le canal à exécuter de
Damme à la mer du Nord. Je désire expliquer en peu de mots les motifs qui m'ont
déterminé à présenter cet amendement. Il m'a été démontré à suffisance par la
discussion d'hier et par celle d'aujourd'hui, que de Zelzaete à Damme il n'y a
pas urgence, il n'y a pas même nécessité absolue. C'est ce qui résulte du
passage du rapport de M. l'inspecteur Vifquain.
« Les ingénieurs ont fait voir que la seconde
section du canal d'écoulement, qui comprend la partie de Damme à Zelzaete,
n'est point immédiatement indispensable à l'écoulement des eaux du pays qu'elle
doit traverser, puisque cet écoulement, bien que perdant tous les jours de sa
valeur, s'opère encore avec succès par les écluses de débouché au Brackman. »
Messieurs, nous sommes en présence de beaucoup de
projets de canalisation, je demande où est la nécessité de décréter dès
maintenant la construction du canal de Zelzaete à Damme. Il n'y en a évidemment
aucune. En contribuant à la construction d'un canal de Damme à la mer du Nord,
nous faisons tout ce que peuvent exiger les Flandres, c'est-à-dire que nous
faisons tous les travaux nécessaires pour l'évacuation de leurs eaux.
Maintenant, messieurs, il reste à savoir par qui de
semblables constructions doivent être effectuées.
Si ces constructions sont d'un intérêt général, quelle
que soit la dépense, c'est au trésor à les supporter. Si, au contraire, ce ne
sont que des constructions d'un intérêt provincial, d'un intérêt communal ou
d'un intérêt particulier, alors, messieurs, nécessairement c'est aux parties
qui en profite à supporter la dépense.
Eh bien ! examinons donc qui doit profiter de ces
constructions. Voyons, si ces constructions sont véritablement d'un intérêt
général. Quant à moi, je ne le pense pas. Je considère comme constructions
d'intérêt général, celles qui doivent profiter à tout le pays ou desquelles
tout le pays doit profiter. Ainsi, quand vous faites des voies de
communication, quand vous créez des routes, des canaux de navigation, je
conçois qu'il y ait là un intérêt général ; parce qu'il est libre à tous les
habitants du pays de se servir de ces voies de communication, mais alors que
vous n'établissez qu'un canal d'écoulement des eaux des Flandres, il est
évident que cela ne profite qu'aux Flandres. Il est évident dès lors, qu'il
s'agit d'un intérêt purement provincial. Cet intérêt est aussi communal, parce
que je conçois que les communes situées dans ces bas-fonds ont le plus grand
intérêt à ce que leur territoire soit desséché. C'est encore un intérêt
particulier, parce que les propriétés desséchées profiteront des constructions
qu'on doit faire. Mais évidemment le pays proprement dit n'a pas un égal
intérêt à ce que les Flandres soient débarrassées de leurs eaux. Il importe
certes moins aux autres provinces qu'à celles des Flandres que les eaux de
celles-ci s'éjournent ou s'écoulent.
On dira : mais l'intérêt de l'agriculture ! Messieurs,
une loi a pourvu à cela ; c'est la loi de 1807, pour le desséchement des marais.
Je conçois que lorsque vous desséchez des terrains, l'agriculture en profite,
qu'elle donne d'avantage pour l'alimentation du pays. Mais voyez où vous vous
engagez. Dans la province de Brabant même, il y a un lac qui couvre plus de
cent hectares de terrain. Il y a longtemps que le propriétaire de ce lac a
demandé l'autorisation de le dessécher ; je crois même qu'il l'a obtenue. Mais
que penseriez vous si ce propriétaire venait dire au gouvernement : desséchez
ce lac, j'en profiterai, mais la généralité du peuple en profitera aussi, car
il y aura cent hectares de terre de plus livrés à l'agriculture. Eh bien ! le
raisonnement que l'on tient ici est absolument le même.
Cependant, comme il y là une espèce d’intérêt général,
parce qu'on ne doit pas dédaigner l'intérêt des deux Flandres, je conçois que
le gouvernement fasse quelque chosé pour venir en aide dans la construction du
canal et c'est pour cela que je crois qu'il y a lieu d'accorder un
subside. Mais avant tout il faut intéresser la province, il faut intéresser
les communes, les particuliers qui ont des propriétés voisines.
Messieurs, dans les Flandres même ne croyez pas qu'on
considère la construction du canal de Zelzaete comme étant d'un intérêt général
; on ne le considère même pas comme étant d'un intérêt provincial. Car si mes
renseignements sont exacts, il a été fait aux conseils provinciaux des
Flandres, une proposition d'accorder des subsides pour le dessèchement des
propriétés et les conseils provinciaux ont répondu que ce n'était pas là une
affaire d'un intérêt provincial.
M. Delehaye. - Quel est ce conseil provincial ?
M. Fleussu. - Le fait m'a été affirmé, et je demanderai à M. le ministre ce qu'il en sait.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières)
- Je ne connais aucunement ce fait.
M. Delehaye. - J'ai fait partie du conseil provincial de
M. Fleussu. - Messieurs, un honorable membre de cette chambre
m'a assuré le fait. Je crois inutile de le nommer ; mais si vous le
connaissiez, vous reconnaîtriez qu'il n'est pas capable d'inventer, et vous me
connaissez assez moi-même, pour savoir que je ne suis pas capable de vouloir en
imposer.
Il me semble donc, messieurs, que nous faisons assez
lorsque nous mettons un subside à la disposition de la province de
- L'amendement de MM.
Fleussu et Osy est appuyé.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières)
- Messieurs, pour soutenir que le canal de Zelzaete n'est pas d'un intérêt
général, il faut absolument ne pas avoir entendu tous les motifs qui ont été
développés hier et aujourd'hui pour le prouver. Il faut absolument n'avoir
tenu aucun compte de tous les motifs et des rapports qui ont été distribués, il
faut même ne pas les avoir lus.
Messieurs, j'ai eu l'honneur de vous expliquer hier ce
qui a nécessité la construction du canal de Zelzaete. Avant 1788 il
existait un chenal entre le Zwyn et le Brackman. Ce chenal était constamment tenu à profondeur par
l'action du flux et du reflux. de la mer. Mais en 1788,
Quant au Brackman, il est
vrai que pendant quelques années encore les eaux pourront se déverser par cette
voie dans la mer. Mais il n'en est pas moins vrai que l'envasement est déjà
fort avancé et que d'ici à très peu d'années il n'y aura plus possibilité
d'écouler les eaux par cette voie. Mais quant à ce qui concerne le Zwyn, cette impossibilité d'écoulement n'existe plus ; et
elle n'existe plus par un autre fait politique dont tous le pays profite. Car
le fait politique de 1788, la création du Bakkersdam
a été au profit de
Vous voyez donc que non seulement il y a intérêt
général, mais aussi qu'il y a exigence politique.
Maintenant, messieurs, on se réfère au projet de loi,
voté en 1836, pour soutenir qu'il ne faut voter aujourd'hui, comme à cette
époque, que la partie du canal de Damme à la mer. Mais, messieurs, pour tous
ceux qui ont pu relire la discussion qui a eu lieu en 1836 dans les deux
chambres, il doit être évident que, l'esprit de la loi était la construction du
canal entier de Zelzaete à la mer. Cela est tellement vrai qu'on n'a jamais
appelé le canal autrement que le canal de Zelzaete. S'il ne se fût agi que du
canal de Damme à la mer, on l'aurait simplement appelé le canal de Damme mais
toujours on l'a appelé canal de Zelzaete et dans la discussion on s'est
toujours basé sur la construction entière, et ce n'est, comme à présent encore
du l'este, que relativement à l'exécution immédiate qu'on s'est restreint à la
partie de Damme à la mer. Ce qui le prouve, c'est le chiffre élevé du devis de
cette partie du canal. Ce chiffre a été en 1836 comme aujourd'hui de 1,728,000
fr. Et pourquoi a-t-il été et se trouve-t-il encore aussi élevé ? C'est parce
que la construction du canal entier à partir de Zelzaete demande que la partie
de Damme à la mer soit faite sur de plus grandes dimensions ; les écluses et
tous les ouvrages d'art exigent de plus larges dimensions. Ainsi, messieurs, il
est certain que lorsqu'on a voté le projet en 1836, on s'est basé sur le
chiffre d'estimation nécessaire pour construire le canal de Damme à la mer
dans des dimensions telles qu'il pût faire partie du canal entier de Zelzaete à
la mer, et par conséquent on a réellement entendu voter le principe du canal
entier.
L'honorable M. Lejeune, la section centrale après lui
et le gouvernement maintenant ont pensé qu'il valait mieux que la loi s'exprimât
complètement sur ce point, que son texte renfermât tout ce qu'on voulait qu'il
contînt. Voilà ce qui a amené et l'honorable M. Lejeune et la section centrale
et le gouvernement à vous proposer de rédiger l'art. 1er de manière à ce que le
principe du canal entier voté implicitement à la vérité, mais positivement en
1836, fût voté actuellement d'une manière explicite et franche. Voilà toute la
différence, et c'est, je le répète, parce que les dimensions du canal de Damme
à la mer doivent nécessairement être plus fortes, si dans un temps indéterminé
et plus ou moins long on doit se résoudre à construire la partie
de Zelzaete à Damme. Et à cet égard, il n'y a pas de doute, il faudra le faire,
il n'y a d'incertain que l'époque.
M. Lejeune. - Messieurs, pour présenter des amendements, pour
bouleverser tout le projet de loi, on n'a rien eu de mieux à faire que de
déplacer la question, comme vient de le dire M. le ministre des travaux
publics. On ne tient plus aucun compte de toutes les considérations d'intérêt
général qu'on a fait valoir en faveur de la construction du canal de Zelzaete à
la mer du Nord.
On ne tient plus aucun compte ni de la question
politique qui, dans cette circonstance, devrait dominer, ni de l'acte d'indépendance
que
Eh, messieurs, a-t-on oublié tout ce qui nous a été
dit des effets que produirait le canal pour l'écoulement des eaux supérieures
? Est-il ou n'est-il pas d'intérêt général d'assécher le territoire, de jeter
dans la mer les eaux que nous sommes obligés de recevoir par suite de notre
position géographique ? Cela serait vrai, dit-on, s'il s'agissait d'un canal de
navigation. Mais, messieurs, il s'agit de rétablir la plus belle ligne de
canaux de navigation qui existe ; il s'agit de rendre à la navigation le canal
de Bruges à Ostende.
On dit qu'il ne s'agit pas d'un intérêt général, et
savez-vous pourquoi ? Parce que cet intérêt se trouve dans les Flandres.
Messieurs, on a parlé hier et aujourd'hui des Flandres
comme d'un pays conquis, on a parlé des Flandres comme d’un pays ennemi, et
qu'on devrait traiter comme un pays conquis. Mais lorsqu'un intérêt général se
place dans les Flandres, cet intérêt cesse-t-il par cela même d'être général ?
Est-il étonnant que ce soit quelquefois dans les Flandres qu'il s'agit de faire
des travaux d'intérêt général ?
Mais, messieurs, les Flandres forment le tiers du
pays, sous le rapport de l'étendue territoriale, sous le rapport de la
population, et peut-être bien plus encore sous le rapport des contributions
payées à l'Etat.
On a beaucoup exagéré, messieurs, lorsqu'on a dit que
les Flandres absorbent tout ; je crois que les Flandres donnent infiniment plus
qu'elles n'absorbent.
Je le répète, lorsqu'une chose est d'intérêt général,
cesse-t-elle d'intéresser le pays par cela seul qu'elle intéresse en même temps
les Flandres ?
Il s'est présenté dans cette chambre beaucoup d'autres
questions d'intérêt général, et il s'en présentera encore beaucoup, qui ne
trouveront pas leur application dans les Flandres ; eh bien, messieurs, pour
juger de l'avenir, il faut consulter le passé : lorsqu'on a décidé ici ces
questions d'intérêt général, quels sont les députés qui ont concouru à former
la majorité, alors même que cet intérêt général se trouvait placé partout
ailleurs que dans les Flandres ? Ce sont les députés des Flandres,
Que n'a-t-on pas dit hier pour obtenir l'ajournement ?
On vous a dit : « Nous Luxembourgeois, nous députés de
Nous ne sommes pas contraires au canal de Zelzaete,
mais donnez nous en même temps la canalisation de
Messieurs, il est un fait remarquable qui s'est
reproduit quelquefois dans cette enceinte, et que je prends occasion de
constater ici de nouveau. Quand on veut nous reprocher un acte de partialité
où puise-t-on les arguments ? C'est toujours dans l'avenir, jamais dans le
passé. On ne cite jamais dans le passé aucun exemple, aucun fait qui justifie
le reproche, eh bien, c'est d'après le passé qu'on devrait juger de l'avenir.
Il serait difficile, messieurs, il serait accablant
même, de rencontrer tous les petits arguments que l'on a fait valoir contre le
projet. Si l'on voulait le faire, il faudrait le répéter constamment. On vous a
dit par exemple : « On n'a rien fait pour telle ou telle partie du pays. »
Je n'ai pas, messieurs, fait valoir un argument de
cette nature en faveur du canal de Zelzaete, parce que je ne puis pas
considérer ce canal comme un objet d'intérêt local ; mais je pourrais rétorquer
l'argument et je pourrais dire aussi que rien n'a été fait pour les localités
où il s'agit de construire le canal de Zelzaete et qui ont tout perdu par la
révolution et pour la révolution. Qu'a-t-on fait pour ce pays ? On n'y a pas
dépensé un centime.
Voilà, messieurs, ce que je pourrais répondre aux
objections que je viens de relever, mais je le répète, je ne veux pas faire valoir
des arguments de cette nature, parce que je considère le canal de Zelzaete, non
pas comme un objet d'intérêt local, mais comme un objet d'un haut intérêt
national.
L'amendement qui vous est présenté, messieurs, tend à
ce qu'il ne soit construit qu'une section du canal de Zelzaete, la section de
Damme à la mer.
Eh bien, messieurs, présenter un amendement semblable,
c'est reconnaître un fait, qui est d'ailleurs incontestable, c'est reconnaître
que le débouché du Zwyn est entièrement perdu, qu'il
y a nécessité de procurer un écoulement nouveau aux terrains dont les eaux
s'écoulaient autrefois dans le Zwyn.
Mais cette nécessité n'existe-t-elle pas pour les
terrains qui devaient s'écouler dans l'autre section du canal de Zelzaete ? Messieurs,
ce ne sont pas seulement les terres qui avoisinent le Zwyn
qui y déchargeaient leurs eaux, et plus les terres sont éloignées de ce débouché,
plus il est indispensable de leur en donner un autre.
Vous avez à l'ouest de la ville de l'Ecluse une écluse
sur le Zwyn, qu'on appelle l'écluse du Pas ; cette
écluse sera remplacée par le canal de Damme à la mer ; mais il y a une autre
écluse qui débouche dans le Zwyn : c'est l'écluse de
l'est qui doit déverser dans le Zwyn les eaux d'une
grande étendue de terre, situées à une grande distance de ce débouché. Que
ferez-vous de ces eaux ? Vous dites aux propriétaires : Faites-les évacuer
vous-mêmes, mais où iront-elles ? Avec la meilleure volonté du monde les
propriétaires sont dans l'impossibilité, même avec les plus grands frais qu'ils
voudraient s'imposer, ils sont dans l'impossibilité absolue, je ne dis pas d'assécher
un marais comme on a voulu le faire croire, mais de conserver de bonnes
terres qui paient de fortes contributions à l'Etat.
Il y a donc urgence, messieurs, de décréter le canal
tout entier, et d'en commencer immédiatement la construction. Certes, vous ne
le ferez pas d'ici à demain ; jusqu'à ce qu'il soit fait on souffrira, mais
enfin on pourra au moins entrevoir alors le terme de ces souffrances.
L'honorable M. Fleussu a dit qu'il existe un débouché
sur le Brackman, et que de ce côté il n'y pas
nécessité de construire le canal. Oui, messieurs, il y a sur le Brackman une bonne écluse d'évacuation, une bonne
wateringue, c'est la wateringue du Capitalendam, mais
cette wateringue est insuffisante et elle le deviendra de plus en plus parce
que tous les terrains hollandais qui écoulaient leurs eaux dans le Zwyn, doivent écouler maintenant par cette écluse. Voilà,
messieurs, pour ce qui concerne les terres les plus rapprochées du Zwyn, mais ce sont les terres qui se trouvent en arrière,
qui souffrent, ce sont, par exemple, les terrains d'Assenede,
de Bouchaute, de Basseveld,
de Watervliet, de St-Jean,
de St-Laurent, de Maldeghem
etc., où les inondations sont maintenant périodiques, ces terrains ne pouvant
pas écouler leurs eaux sans le canal de Zelzaete.
Et lorsque vous aurez construit ce canal, tout ne sera
pas fait, messieurs, c'est alors que nous aurons nous à faire tous ces travaux
que l'on croit que nous n'avons qu'à faire maintenant, c'est alors que
commenceront nos dépenses.
Il y a donc nécessité absolue de décréter le canal
tout entier, et de le faire tout entier.
Qu'aurez-vous fait lorsque vous n'aurez construit
qu'une section du canal ? Vous aurez reculé une troisième fois devant un
ouvrage qui, comme je l'ai déjà dit,
Ainsi, messieurs, sans rechercher avec tant de soin
les petits intérêts particuliers qui se rattachent à un grand intérêt général,
on n'a rien de mieux à faire dans l'intérêt du pays que de décréter le canal de
Zelzaete et d'adopter le projet de loi tel qu'il a été amende
par monsieur le ministre et auquel, par esprit de conciliation, nous nous
sommes ralliés.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, j'ai demandé la
parole, pour appuyer l'amendement de l'honorable M. Fleussu. Cet amendement,
messieurs, est conforme à l'opinion que j'ai émise dans le discours que j'ai
prononcé tout à l'heure. Je veux prouver aux Flandres que nous ne les
considérons pas comme un pays conquis, que nous ne les considérons pas comme
des ennemis ; et ici je déclare que si je vote l'allocation d'un subside à la
charge de l'Etat pour faire des travaux, cela prouve uniquement que je suis
disposé à voter des sacrifices, lorsqu'il s'agit de maintenir la bonne amitié
entre les provinces. Voilà le motif qui me porte à consentir à un subside, et
jamais je ne donnerai mon assentiment à ce que le gouvernement exécute des
travaux, en vue de favoriser telles ou telles communes, tels ou tels
particuliers.
On vous a fait un reproche, à nous qui ne partageons
pas l'opinion de ceux qui soutiennent le projet, de n'avoir pas lu les documents
qu'on nous avait distribués, de n'avoir pas écouté les discours qui avaient été
prononcés dans cette enceinte pour démontrer que l'exécution du canal de
Zelzaete est d'un intérêt général. Mais, messieurs, ce canal n'est pas même
d'un intérêt général pour les Flandres. Quand je suis intéressé à obtenir
quelque chose, je cherche à prouver alors que mon intérêt est l'intérêt
général. Voilà comment on s’y est pris pour le canal de Zelzaete : on a taché
de faire de l'amélioration de quelques terres une question d'intérêt général.
Messieurs, on nous a dit aussi, pour appuyer l'opinion
: que la construction du canal était d'un intérêt général ; on nous a dit aussi
que la nécessité de cette construction était en quelque sorte le résultat de
la révolution. Les Hollandais, a-t-on ajouté, ont fermé leurs écluses, et le Zwyn s'est ensablé. Mais, messieurs, cet ensablement n'est
pas le fait de la révolution ; ne vous a-t-on pas déjà dit ici que sous le
règne de Marie-Thérèse, on avait reconnu que l'évacuation des eaux des Flandres
ne pouvait plus avoir lieu sans que l'on fît des travaux ? On a même dit que
des ingénieurs avaient été alors chargés de faire un travail, pour aviser aux
moyens d'évacuer les caux.
Ce n'est donc pas le fait de la révolution qui a amené
cet ensablement, la cause en doit être cherchée à une époque bien antérieure.
Messieurs, l'honorable M. Desmet vous a dit que dans
le moment actuel, les habitants des localités qui se trouvent surchargées
d'eaux, payaient tous les ans 150,000 florins aux Hollandais pour avoir le
moyen de s'assécher. C'est donc de cet impôt que l'on veut s'affranchir, en
mettant à la charge de l'Etat, toute la dépense de travaux qui ne doivent
profiter qu'à quelques localités.
Par ces considérations,
j'appuie de toutes mes forces l'amendement qui a été présenté par l'honorable
M. Fleussu.
M. Osy. - Je pense, messieurs, que nous devons attendre que le
rapport général sur la canalisation du pays soit achevé, pour nous prononcer
sur l'exécution du canal de Zelzaete jusqu'à Damme. Quant à présent, je suis convaincu
qu'il est nécessaire de faire un canal de Damme jusqu'à la mer ; mais la
discussion d'hier m'a donné aussi la conviction que l'exécution de ce canal
présente un intérêt provincial. Le gouvernement ne doit donc pas se charger
seul de la dépense de ce canal, pas plus qu'il ne se charge de faire construire
des routes et des canaux dans d'autres provinces, qui doivent même la plupart
du temps faire face à ces dépenses par leurs propres ressources. Le principe de
l'intervention des localités intéressées étant de règle en pareille circonstance, nous en avons fait la base de notre amendement
qui, je l'espère, sera adopté par la chambre.
M. Fleussu. - Messieurs, la proposition que l'honorable M. Osy
et moi avons eu l'honneur de soumettre à la chambre a eu le tort d'exciter chez
M. le ministre des travaux publics une animation extraordinaire, et de
soulever contre moi des reproches que je crois n'avoir jamais mérités. M. le
ministre sait en effet que chaque fois qu'il parle je me fais non seulement un
devoir, mais encore un plaisir de l'écouter, que je recueille avec une
scrupuleuse attention toutes les paroles qui sortent de sa bouche, parce
qu'elles ont le double mérite d'être bien dites, et d'être dites dans l'intérêt
du pays.
En second lieu, je crois avoir prouvé plus d'une fois
à M. le ministre que j'ai l'habitude de lire les pièces communiquées à la
chambre, et il n'y a pas bien longtemps que je pense lui en avoir encore donné
une preuve assez frappante. Qu'il me permette maintenant de lui dire que,
quoiqu'il nous ait été laissé peu de temps pour nous préparer, et que nous
soyons même de ceux qui n'ont pas assisté à la première discussion en 1836 ;
qu'il me permette de lui dire que j'ai lu les pièces, et ce qui le prouve, c'est
que j'ai donné lecture d'un extrait du rapport des ingénieurs, extrait qui
établit parfaitement, que si le canal de Damme à la mer du Nord est une
nécessité actuelle, la même nécessité n'existe pas pour le canal de Zelzaete à
Damme. Je n'ai pas été peu surpris de voir l'honorable M. Lejeune et M. le
ministre des travaux publics, s'insurger, en quelque sorte contre le résumé du
travail des ingénieurs.
J'avais dit, messieurs, que je ne considérais pas
comme un objet d'intérêt général la construction du canal qui fait le sujet de
vos présentes délibérations, je croyais l'avoir démontré par plusieurs
considérations. Comment m'a répondu le ministre des travaux publics ? Il m'a
répondu en disant que c'était un objet d'intérêt général. Mais cet intérêt
général est restreint aux deux Flandres. Or, je dis que quand l'intérêt général
est restreint à une seule localité, il ne s'agit plus là que d'un intérêt
local, et non pas d'un intérêt vraiment général, puisque dans l'occurrence, les
autres parties du pays ne sont pas appelées à profiter de la construction que
vous faites dans une localité.
Messieurs, on nous a dit que dans la pensée de la
législature en 1836, on avait voulu décréter la construction d'un canal depuis
Zelzaete jusqu'à la mer, et ce qui le prouve, a-t-on ajouté, c'est que le
projet a porté et porte encore le nom de canal de Zelzaete ; mais, messieurs,
ce qui prouve qu'on n'a pas voulu des deux sections du canal de Zelzaete, c'est
qu'on ne l'a pas fait. Si l'on a continué à donner du canal le nom de canal de
Zelzaete, cela provient de la qualification dont on l’a baptisé en premier
lieu ; on avait d'abord pris cette idée pour point de départ, et bien qu'on ne
s'y soit pas arrêté, on a continué par habitude à désigner le canal comme on
l'avait fait précédemment. Voilà tout.
On dit que c'est par le fait de la révolution qu'une
partie des Flandres souffre des inondations. Je veux bien admettre la vérité de
cette assertion ; mais j'avoue que depuis le traité, je croyais que
J'admets tout ce qu'on a dit, mais je demande si même
dans ce cas il y a lieu à ce que l'Etat se charge de la construction du canal
d'écoulement qui est proposé. Je réponds que non. La raison en est toute simple
: il y a des localités qui, par suite des événements politiques, ont souffert
autant et plus que les Flandres. Les poldres, par exemple, ont été inondés
pendant 10 ans. Eh bien, vous avez déclaré récemment que vous n'accorderiez
rien du tout aux propriétaires des poldres ; vous les avez formellement exclus
de la loi des indemnités. On me dit qu'on a fait quelques dépenses pour
l'endiguement, je le veux bien, mais il n'en est pas moins vrai que les
propriétaires eux-mêmes, qui ont souffert pendant 10 ans, se sont vus
dépouillés de leurs droits à une indemnité. Une foule d'autres personnes
souffrent par suite de la révolution. Croyez-vous que les sommes que vous avez
votées, les indemniseront entièrement des pertes qu'elles ont faites.
Et pourquoi donc les Flandres seraient-elles
parfaitement indemnisées ? Pourquoi ferait-on pour elles, aux frais du trésor
seul, ce qui se fait toujours et doit se faire aux frais des provinces, des
communes et des parties intéressées ? On m'a dit que ce n'était pas un objet
d'intérêt général, et que dès lors le trésor devait pourvoir à la dépense.
Mais, messieurs, il n'en est rien. Les inondations dans les Flandres ne sont
pas le fait d'un accident spécial : les Flandres ont été à diverses époques
sujettes à ces inondations. C'est ainsi qu'en 1807 il a fallu créer l'écluse
d'Isabelle.
Eh bien, aux frais de qui croyez-vous que cette écluse
ait été faite ? Croyez-vous que ce soit aux frais du trésor du grand empire ?
Non, messieurs, ce sont les localités elles-mêmes qui ont supporté cette
dépense ; c'est la commune de Bouchaute qui a fourni
un subside de 200,000 fr., ce sont les wateringues qui ont contribué dans la
dépense pour une somme d'égale valeur.
Ce n'est donc pas un intérêt général qui est en cause
ici, ce n'est qu'un intérêt particulier. Mais pourquoi a-t-on cherché à
présenter la question sous le manteau de l'intérêt général ? C'est parce qu'on
sait que la chambre montre beaucoup de facilité à mettre à la charge du trésor
public toutes les grandes dépenses qui devraient incomber aux provinces.
On a dit qu'il n'avait jamais été question du canal au
conseil provincial de
« Toutefois, quoique resserrées par les
endiguements, ces voies d'écoulement restèrent sujettes à un envasement
progressif et elles finirent par s'encombrer tellement que, dès 1816, les ingénieurs
en chef des provinces de Flandre orientale et de Zélande, présentèrent au
gouvernement un projet de recreusement du canal de
Gand au Sas de Gand, et d'ouverture d'un nouveau canal servant en quelque sorte
de prolongement au premier jusqu'à Terneuzen.
« Ce projet n'ayant pas reçu d'exécution, à cause
du peu de faveur avec
lequel il fut accueilli par les états provinciaux de
Vous voyez donc que j'ai lu
les pièces et que j'avais raison de dire que c'était une chose d'intérêt
provincial, puisque sous l'ancien gouvernement on soumettait la chose aux états
provinciaux.
M. Raikem. - L'honorable M. Fleussu a dit que les conseils provinciaux
des deux Flandres avaient été consultés et n'avaient pas voulu concourir aux
travaux relatifs au canal de Zelzaete à la mer. Vous sentez bien, comme il
s'agit d'une chose antérieure au vote du 2 avril 1836, cette locution de conseil
provincial qu'on emploie souvent pour désigner l'autorité provinciale est
inexacte, car nous n'avions pas encore la loi provinciale mise en vigueur depuis.
Mais ce n'est pas une raison, parce qu'une expression n'est pas exacte, pour
que la chose ne le soit pas, souvent on se sert d'expressions actuelles pour
désigner une chose qui autrefois se désignait autrement.
Voyons si les représentants des deux Flandres à cette époque
ont été consultés, et si, oui ou non, ils ont consenti à concourir à la
construction du canal de Zelzaete. Or, j'espère qu'on ne récusera pas un
discours prononcé par M. le ministre de l'intérieur dans la séance du 13 avril
1836, c'était une époque antérieure à la loi provinciale.
Voici ce que disait M. le ministre dans cette séance
du 13 avril :
« Il restait une question à traiter, savoir si la
province devait intervenir dans la dépense. Cet objet a attiré spécialement
notre attention. J'en ai écrit aux états de
C'était pour faire voir que le fait est exact. Si on
pouvait critiquer quelque chose ce n'était que l'expression employée, comme si
on se servait aujourd'hui des mots cour d'appel pour désigner la cour
impériale.
« L'on a fait remarquer qu'il ne s'agissait pas
ici d'une affaire locale, mais bien d'une affaire d'intérêt général : qu'à
l'égard de la navigation, la province du Hainaut avait un intérêt plus direct
que les deux Flandres, au libre usage du canal de Bruges, usage qui est en
partie subordonné à l'ouverture du canal projeté.
« Relativement aux propriétaires dont les terres
sont actuellement en souffrance, on a fait remarquer que ces propriétaires, pour
profiter du canal, seraient obligés de construire des rigoles, que leurs
moyens d'écoulement sont compromis, et qu'il importe à l'Etat que des terrains
aussi considérables soient rendus à un état de fertilité.
« Il est inutile de relever ce qu'on a dit que
ceci n'est qu'un commencement d'exécution d'un grand canal de navigation qui
nous dispenserait de nous servir de l'Escaut. Je crois que cette assertion n'a
pas besoin d'être réfutée. On a déjà dit qu'un canal d'écoulement ne peut
servir de canal de navigation, au moins dans les terres basses.
« Je dirai en outre que si jamais il était
question d'établir un canal de navigation, ce n'est pas dans cette direction
qu'il devrait être établi. »
Le reste concerne d'autres objets. Vous voyez que la chose
est exacte.
Maintenant un amendement est proposé. Je n'avais
l'intention de prendre la parole que pour établir le fait dont je viens de
parler, mais j'ajouterai un mot. C'est que j'ai peine à concevoir comment une
dépense serait d'intérêt général sans être en même temps d'intérêt provincial,
d'intérêt communal et d'intérêt particulier, car l'intérêt général comprend
tout, vous avez à cet égard des règles tracées dans la loi de 1807. Les
départements plus spécialement favorisés que d'autres par des travaux d'utilité
publique doivent y contribuer en proportion. Les propriétaires peuvent être
obligés d'y concourir pour la moitié de la plus-value de leur propriété.
Ainsi vous voyez que d'après cette loi que je viens de
citer les travaux d'intérêt général sont en même temps d'intérêt provincial
communal et particulier. C'est parce que tout propriétaire, toute commune, tout
arrondissement, tout département, particulièrement dans les travaux dont il
s'agit, recueillent de plus grands avantages que les autres localités. Voilà
dans quel sens on entend que ces travaux sont en même temps d'intérêt général
et provincial. Je pense que les Flandres recueilleront plus d’avantage que les
autres localités du canal dont il s'agit. S'il en est ainsi, ce canal est aussi
d'intérêt provincial et particulier et chacun doit
concourir dans les dépenses en proportion des avantages qu'il doit en retirer.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières)
- J'ai peut-être mis quelque animation dans les paroles prononcées tout à l'heure
; c'est parce que je parlais de conviction dans l'intérêt général du pays. Si
dans ces paroles quelques mots ont pu blesser, contre mon intention,
l'honorable M. Fleussu que j'estime et respecte beaucoup, je suis près à les
retirer.
Cet honorable membre vient de vous citer un passage du
rapport de mon honorable collègue de l'intérieur, où il est dit : « Ce
projet n'ayant pas reçu d'exécution à cause du peu de faveur avec lequel il
fut accueilli par les états provinciaux de
M. Fleussu. - Je voulais prouver que cette question d'écoulement
était un intérêt provincial.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières)
- Ensuite M. Fleussu a prétendu que la question du canal de Zelzaete n'était
pas d'intérêt général, qu'elle était de pur intérêt local, qu'un conseil
provincial des Flandres avait lui-même décidé que, loin d'être d'intérêt
général, elle n'était pas même d’intérêt provincial. Et M. Raikem, après lui, a
cité un passage de la discussion de 1836, pour prouver que le conseil
provincial des Flandres s'était occupé de la question, et avait décidé que ce
n’était pas un intérêt provincial. Mais remarquez que c'est dans un autre sens
que celui qu'y attachait M. Fleussu ; car, encore une fois, il disait que non
seulement le canal projeté n'était pas d'intérêt général, mais qu'il n'était
pas même d'intérêt provincial, et que par conséquent il ne pouvait être et
n'était que d'intérêt local.
Eh bien ! ce qu'a dit l'honorable M. Raikem est tout
autre chose. Le conseil provincial qu'il a cité a dit que l'objet dont il
s'agit n'était ni d'intérêt provincial, ni d'intérêt local, mais d'intérêt
général. Vous voyez que le passage cité par M. Raikem était la meilleure
réponse qu'on pouvait faire à M. Fleussu.
M. Dumortier. - C'est un fait !
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières)
- Oui ; mais un fait en faveur de l'intérêt général qui s'attache au canal de
Zelzaete.
On a dit qu'on avait récemment refusé des indemnités
aux polders. Mais quel a été le principal motif de ce refus ? C'est qu'on avait
dépensé sept millions pour les rendiguer et qu'on a
pensé que cela suffisait. Voilà les véritables motifs de la décision de la
chambre sur ce point.
Vous voyez bien que la
chambre n'a jamais été dominée dans aucune de ces questions par l'esprit en
quelque sorte étroit qu'on voudrait bien lui prêter.
M. Peeters. - J'ai demandé la parole pour appuyer l'amendement
présenté par les honorables MM. Osy et Fleussu. Messieurs, les députés des
Flandres ont voulu séparer le projet concernant Zelzaete des autres canaux du
pays, en venant soutenir que ce n'était pas un canal de navigation, mais un
canal d'écoulement. Maintenant ils doivent en subir les conséquences. Si le
canal, dont nous nous occupons, n'est pas un canal de navigation, mais d'écoulement,
ce n'est plus un objet d'intérêt général, et alors c'est à ceux qui doivent en
jouir à en faire les frais. La proposition la plus favorable que l'on puisse
faire actuellement aux Flandres, c'est d'accorder un subside ; lorsqu'il s'agit
de la construction d'une route provinciale ou communale, d'un intérêt
secondaire, l'Etat accorde un subside à la province ou à la commune.
Mais c'est la province, ou le commerce, qui doit faire
construire la route. C'est ainsi que pour un petit bout de route, la commune
que j'habite s'est imposée de 18 centimes additionnels sur le foncier et la
contribution foncière pendant dix années. Une route pavée est sans doute un
objet d'un intérêt plus général qu'un canal d'écoulement, pour dessécher
quelques propriétés, tout le monde peut en profiter. Tous ce qui précède est le
résultat, messieurs les députés des Flandres de votre démarche, vous n'avez
pas voulu qu'on s'occupât de votre canal en même temps que des autres canaux du
pays ; vous avez voulu en faire une chose à part, vous devez en subir les
conséquences. Comme l'a expliqué M. Desmet, les constructions de ce genre ont
toujours été faites par deux ou trois provinces. Qu'on continue à procéder
ainsi, et nous consentirons à vous
accorder un subside.
L'honorable M. Lejeune nous a dit que les Flandres
seules payaient autant de contributions que le reste du pays. J'ai fait un
relevé général de toutes les contributions payées par les diverses provinces et
des subsides qui leur ont été accordés depuis la révolution ; car depuis
longtemps je m'occupe de cette question. Je donnerai lecture de ce relevé à la
chambre.
J'avoue que les deux Flandres n'ont pas été aussi bien
partagées que d'autres provinces dans l'exécution des travaux qui ont été
faits. Mais si elles ont obtenu moins que d'autres, c'est que déjà elles
avaient beaucoup avant la révolution.
M. Rodenbach. - Avec leur argent.
M. Peeters. - Avec leur argent, ou avec celui de l'Etat, je n'en
sais rien. Mais je sais qu'elles avaient, et cela suffit, il est temps
maintenant de s'occuper de ceux qui ne possèdent rien.
On parle de l'ensablement du canal de Bruges à
Ostende. Mais ce canal n'est plus nécessaire. N'avez-vous pas des routes pavées
? N'avez-vous pas le chemin de fer ? Il me semble qu'on pourrait s'en servir.
Autrement le chemin de fer n'est plus qu'une voie de luxe, destinée à vous
faire voyager vite et à bon marché. D'après le projet primitif, le
chemin de fer devait se borner à une seule ligne, d'Anvers à l'Allemagne, et il
devait passer par
Voici le relevé dont je viens de parler :
(Provinces. Contributions. Subsides.)
Anvers : 3,101,925 fr. ; 9,183,333 fr.
Brabant : 5,514,542 fr. ; 25,329,665 fr.
Flandre occidentale : 4,161,248 fr. ; 15,112,647 fr.
Flandre orientale : 5,110,628 fr. ; 13,288,496 fr.
Hainaut : 4,787,443 fr. ; 32,152,064 fr.
Liége : 2,759,976 fr. ; 27,819,935 fr.
Limbourg : 804,501 fr. ; 5,822,116 fr.
Luxembourg : 666,317 fr. ; 3,112,113 fr.
Namur : 1,521,092 fr. ; 11,476,035 fr.
Vous voyez, messieurs, que la province d'Anvers est la
plus mal partagée ; il est vrai que les Flandres ont eu moins en proportion
d'autres provinces, mais aussi elles avaient beaucoup avant la révolution. Les
députés de ces provinces ont voulu séparer leur canal du travail général ; ils
en ont fait un ruisseau d'écoulement, maintenant ils doivent en subir les
conséquences, fort heureux s'ils obtiennent un subside de 500,000 fr.
Je bornerai là mes
observations pour le moment.
M. Dumortier. - Je commencerai par répondre quelques mots à ce que
vient de dire l'honorable préopinant relativement à la répartition des subsides
depuis 1830. Sans doute le chiffre pour le Hainaut est assez considérable, mais
dans ce chiffre je vois figurer une somme de 8 millions et demi pour canaux ;
or, il n'est pas à ma connaissance qu'il ait été construit un canal dans le
Hainaut depuis la révolution, aux frais du gouvernement.
M. Peeters. - C'est le rachat d'un canal.
M. Dumortier. - Eh bien, ce n'est pas là un subside, c'est de
l'argent placé à 8 p. c., c'est-à-dire à un gros intérêt. Y a-t-il beaucoup de
canaux, même ceux à construire dans
Je ne sais ce qu'on a dépensé dans le Hainaut. Ce que
je sais, c'est que dans l'arrondissement de Tournay qui est aussi grand qu'une
province et qui est plus populeux que trois autres provinces, on n'a dépensé
depuis la révolution que 250,000 fr. Il ne s'agit pas là de millions. Quant aux
chemins de fer, nous sommes encore à attendre qu'on nous en donne un.
L'activité est telle sur le petit embranchement qu'on a bien voulu nous
concéder qu'il n'y a pas un ouvrier qui travaille : quant aux canaux de notre
province, ils n'ont rien coûté à l'Etat. Ceux qui ont été rachetés rapportent
jusqu'à 8 p. c. d'intérêt, c'est une très bonne opération financière ; on ne
peut présenter cela comme une faveur. Certes un pareil placement n'est
nullement ruineux pour un Etat. S'il était question de construire dans
Pour moi, rien ne m'est moins démontré que ces
inondations. Les choses sont au point où elles étaient avant la révolution, L'écoulement
de l'écluse de Hazegras est resté tel qu'il était. La
nécessité où se trouve
On disait alors que le canal était d'intérêt général
sous le rapport de la défense militaire. Le canal de Zelzaete, disait-on,
formera une ligne de défense militaire très utile dans notre état d'hostilité
avec
Quelques parties de
Vainement, dit-on, que le Hainaut est intéressé à la
question. Nous n'y sommes intéressés ni directement, ni indirectement. Il
serait commode de venir palper les deniers de l'Etat, en faisant croire que
c'est au profit d'un autre. C'est là un système hypocrite que nous devons repousser
de toutes nos forces. Ne venez donc pas parler des intérêts du Hainaut qui est
ici désintéressé. S'il y avait un intérêt pour le Hainaut, nous serions les
premiers à proclamer cet intérêt.
Si l'intérêt du Hainaut était en question, nous ne
contesterions pas cet intérêt ; et par le fait seul que nous qui sommes du
Hainaut, et qui devons désirer vivement d'être débarrassés des eaux, nous
déclarons que nous n'avons pas intérêt à la construction que l'on vous demande.
Nous pouvons être aussi bien crus que ceux qui encore une fois voulant palper
les deniers, cherchent à faire retomber sur nous l'intérêt de la chose.
Vous le voyez donc, il n'y a ici aucune question
d'intérêt général. Vous n'avez dès lors qu'une seule chose à faire, c'est
d'adopter la proposition qui vous est faite d'accorder un subside aux localités
qui veulent avoir ce canal.
Remarquez-le, messieurs, à aucune époque dans les
fastes de notre histoire, vous n'avez vu de provinces autres que les provinces
intéressées, prendre part à la dépense pour l'écoulement des eaux des poldres.
Et pourquoi ? Par un motif bien simple ; c'est que les poldres sont des
localités plus ou moins calamiteuses, dont la valeur varie précisément en
raison de cette circonstance.
Les poldres, vous le savez fort bien, sont des
terrains en dessous de la mer, dans les hautes marées. .Ces terrains n'étaient
donc pas par eux-mêmes susceptibles de culture. Comment les choses se
sont-elles passées ? Ouvrez les pages de l'histoire et elles vous le diront
clairement. Les souverains ont donné les poldres à des grands seigneurs ou à
des sociétés à charge de les endiguer ; mais aussi à charge d'en avoir les
avantages et les désavantages. Voilà quel a été le titre de la donation. Ces
propriétés n'ont pas été vendues ; mais elles ont été données à charge
onéreuse. C'est ainsi encore que sous l'empire, l'empereur a donné au général Vandamme bon nombre de poldres, que celui-ci a pu endiguer
à ses charges et péril. Et pourquoi donc voulez-vous, si vous avez eu ces
terrains à vos charges et péril, que l'Etat prenne sur lui leur entretien ?
Pourquoi, après avoir eu ces terrains pour rien, voulez-vous mettre à la
charge de l'Etat les frais d'amélioration. Car ne vous y trompez pas, ce qu'on
vous demande, c'est une dépense pour amélioration de propriétés. Or, vouloir
faire payer par l'Etat l'amélioration de propriétés, c'est ce que l'intérêt
privé demande souvent ; mais il n'y pas là du tout une question d'intérêt
général.
Maintenant, on vous l'a dit avec beaucoup de raison,
lorsque, en l832, M. le ministre de l'Intérieur vint
proposer au budget une somme de 550,000 fr. à l'occasion du canal de Zelzaete,
la chambre a commencé par ajourner le chiffre. Mais un des motifs principaux
qu'on donnait pour cet ajournement, c'est que c'était là une question dans
laquelle la provinces devaient intervenir pour une notable part ; et c'est
encore ce que nous soutenons aujourd'hui.
Eh bien ! qu'a fait l'honorable M. de Theux ? Il a
reconnu la force de cet argument et il a demandé aux conseils provinciaux des
Flandres d'entrer pour une somme quelconque dans la dépense de construction de
ce canal qui devait être un canal d'écoulement et non de navigation. Mais il y
a une réponse positive, dit M. le ministre des travaux publics ; c'est que les
états provinciaux ont refusé de souscrire à aucune partie de la dépense. Mais,
messieurs, je dis que les états provinciaux auraient été fort mal avisés de
voter un subside, alors qu'ils espéraient que la dépense entière serait faite
par l'Etat.
Voilà cependant comment les choses se sont passées.
Les administrations provinciales ont refusé d'accorder un subside, uniquement
dans l'espoir que l'Etat se chargerait de toute la dépense.
Maintenant vous savez que lorsque le projet est venu
au sénat, celui-ci a aussi admis le principe que nous soutenons. Et aujourd'hui
on voudrait encore que ce fût l'Etat qui fît toute la dépense. Mais évidemment
c'est là une monstruosité, que de vouloir mettre à la charge de l'Etat une
dépense purement d'intérêt privé, compliquée, il est vrai, avec un peu
d'intérêt provincial. Qu'on accorde un subside ; je suis le premier à y
souscrire ; mais vouloir prélever l'intégralité d'une pareille dépense sur
J'appuie donc la proposition de l'honorable M.
Fleussu. J'espère que la chambre comprendra la seule chose qu'elle puisse
faire, c'est d'adopter cette proposition. Si elle n'était pas adoptée, je vous
demanderais : Que voulez-vous faire ? Où voulez-vous marcher ? Vous allez donc
grever le pays d'une suite de dépenses successives. Mais réfléchissez-y, je
vous prie ; il est temps de mettre un terme aux emprunts où on veut vous faire
marcher successivement. Car la somme que demande M. le ministre est encore une
somme qui se résoudra en un emprunt. La création de bons du trésor est le
premier pas vers un emprunt. Je vous demande s'il est sage, s'il est prudent de
vouloir ruiner l'Etat pour faire les affaires de quelques localités ?
Je m'appuie sur cette considération pour adopter la
proposition de l'honorable M. Fleussu. Aussi longtemps qu'il ne sera pas démontré
qu'il y a dans la construction demandée un intérêt général,
on ne peut prétendre que l'Etat doive supporter intégralement la dépense.
M. Dubus (aîné). - Je dirai peu de mots pour appuyer aussi
l'amendement qui vous a été présenté. On a soutenu qu'il devait être écarté par
le motif qu'il s'agit ici d'une affaire d'intérêt général. Et pourquoi est-elle
d'un intérêt général ? Le motif principal qu'on a mis en avant, c’est qu’il
s’agit d’assécher un territoire. Or, dit-on, du moment où il s'agit de faire
écouler les eaux qui inondent une partie du territoire, c'est un objet
d'intérêt général.
Messieurs, je répondrai par cette simple question :
procurer l'écoulement des eaux qui inondent des terrains, assécher ces terrains,
est-ce les améliorer ? Est-ce améliorer le territoire que de l'assécher ?
On sera étonné de la question, mais, c'est que
l’expression : amélioration du territoire, est précisément l’expression de la
loi de 1807, alors qu'elle dit que la province doit intervenir. Effectivement,
il y a lieu à l'intervention de la province dans la dépense même des travaux
d'intérêt général, lorsque par suite de ces travaux, un ou plusieurs
arrondissements sont jugés devoir recueillir une amélioration à la valeur de
leur territoire. C’est ce qui résulte de l'art. 28 de la loi de 1807.
Je demande donc si, assécher des terrains qui ont
perdu les moyens d'écoulement de leurs eaux, ou qui sont à la veille de les
perdre, c'est en améliorer la valeur ? Messieurs, cela est manifeste, et je
dois dire que, s'il y a un cas où réellement la province a un intérêt direct,
c'est celui-ci.
Remarquez que la loi va si loin que même lorsqu'il
s'agit d'un objet qui est évidemment d'intérêt général, lorsqu'il s'agit
d'ouvrir un canal de navigation, une grand'route, si
un ou plusieurs départements doivent en retirer un avantage dans l'amélioration
du territoire, ils doivent intervenir pour une partie de la dépense.
Ici vous n'ouvrez pas une nouvelle voie à la
navigation ; vous n'ouvrez pas une nouvelle voie au commerce ; vous faites un
simple canal d'assèchement. L'effet direct de ce canal est uniquement, d'après
ce qu'on nous dit, de rendre propres à la culture des terrains qui, si on n'y
porte remède, seront absolument perdus. De sorte que l'effet direct de la
construction demandée est précisément de donner une valeur à des terrains qui
vont perdre celle qu'ils avaient.
Je ne sais comment on prouvera que ce n'est pas là un
intérêt territorial pour la province, que ce n'est pas là le cas de
l'application de la loi de 1807. Car, je le répète, s'il est un cas où cette
loi soit évidemment applicable, et bien plus applicable que dans les autres cas
où on l'applique, c'est celui-ci.
Mais cependant les conseils provinciaux n'ont pas
voulu intervenir dans la dépense ; et sur ce point je remarque une chose assez frappante.
C'est que lorsqu'il s'est agi de procurer un écoulement meilleur aux polders
qui se trouvent en aval de Gand, en recreusant le canal du Sas, la province ne
voulait pas non plus intervenir. Etait-ce parce que ce travail était considéré
comme d'intérêt général ? En aucune manière, mais c'est parce que jusque là
ces dépenses pesaient sur les propriétaires intéressés. Car nous voyons dans le
rapport de M. le ministre Nothomb, page 4, où l'on dit que le projet a été
reçu avec peu de faveur par les états provinciaux de
Ainsi, messieurs, l'intérêt provincial est ici
manifeste aux termes de la loi. Cela justifie donc l'amendement, qui accorde un
subside très suffisant pour la construction dont il s'agit, du moment où les
propriétaires et les provinces veulent concourir à la dépense dans une
proportion convenable.
Messieurs, on a dit encore qu'il ne suffirait pas de
faire un canal de Damme à la mer, que les écoulements sur le Brackman sont devenus insuffisants, et on a accusé ceux qui
contestent cette opinion, de ne pas avoir lu les pièces, et d'obliger certains
orateurs à répéter tout ce qu'ils ont dit.
Si c'est à moi que le reproche s'adresse, je regrette
d'avoir été cause que certains orateurs ont répété leurs assertions ; mais lorsque
des assertions sont dénuées de preuves, je crois avoir le droit de les mettre
en doute. Et c'est parce que j'ai lu les pièces que je me suis cru autorisé à
contester ces assertions. .
Ainsi, messieurs, on est venu vous dire, quant aux
écoulements sur le Brackman, que celui qu'on appelle
le Capitalendam, est encore bon, mais que celui qui
procure l'assèchement des poldres d'Assenede et de Bouchaute, est mauvais. Cependant je lis le contraire dans
le rapport des ingénieurs, page 34 du rapport du ministre des travaux publics
de 1837. Je trouve dans ce rapport, que l'on a creusé un petit canal depuis Assenede jusqu'à Bouchaute pour
mettre les eaux des poldres, en communication avec l'écluse Isabelle ; et a
cela le rapport ajoute :
« Le petit canal d'Assenede
à Bouchaute a parfaitement rempli son but et
l'assèchement de ce côté a pu s'opérer. »
Il me paraît donc que, d'après une phrase aussi
significative, on est bien autorisé à croire que l'écoulement se fait
convenablement sur le Brackman, aussi bien par Assenede et Bouchaute, que par le
Capitalendam.
Au point de vue de l'intérêt général, où dit encore
qu'il s'agit ici de recevoir les eaux des terrains supérieurs. Mais c'est
précisément là ce qui prouve qu'il ne s'agit pas d'un objet d'intérêt général,
car c'est une servitude naturelle qui assujettit les terrains inférieurs à
recevoir les eaux des terrains supérieurs et à faire tous les frais nécessaires
pour s'en débarrasser. C'est là un principe qui/ n'a jamais été contesté, et
c'est précisément là, je le répète, ce qui prouve qu'il ne s'agit pas d'un
intérêt général. Mais s'il en était autrement, nous aurions le droit de
demander aussi le concours de
Je persiste à appuyer l'amendement.
- La séance est levée à 4 heures et quart.