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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du vendredi 18 décembre 1840
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre (notamment pétition relative à l’entrée
des bestiaux (Scheyven))
2) Projet de loi portant le budget de la justice pour l’exercice 1841.
Discussion des articles. Traitement des agents de l’administration centrale (Vandensteen, d’Hoffschmidt,
de Garcia, Leclercq, de Garcia, de Muelenaere, Leclercq, Dubus (aîné), Leclercq, Pirson, Dubus
(aîné)), recueils statistiques (Leclercq, Dubus (aîné)), frais de route, prisons (Leclercq,
Delehaye, de Garcia, Dubus (aîné), Leclercq), traitement
des membres de l’ordre judiciaire, notamment pour les juges des tribunaux de
première instance (Vandehove, Peeters,
de Man d’Attenrode, de Mérode, Pirson, Rodenbach, Vandenhove, Verhaegen, de Mérode, Peeters) et pour les
juges de paix (de Villegas, de
Garcia), haute cour militaire (de Garcia), palais
de justice (notamment celui de Bruxelles) et Moniteur (de
Langhe, Leclercq, de Langhe,
(+ équilibre général des budgets) Rogier)
(Moniteur belge n°354 du 19 décembre 1840)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Renesse fait l’appel nominal à 2 heures.
M. de Villegas lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Les administrations communales de Hofstade, Goefferdingen (Flandre orientale), Oostkerke (Flandre occidentale), réclament une augmentation de traitement pour les desservants des communes. »
« Le
sieur Pierre-Armand Toilliet, marchand de bestiaux à Lambusart (Hainaut), né en
France et habitant
« Le
sieur Palizer, musicien gagiste au 7e régiment d’infanterie, à Mons, né à
Hertveld (Hollande), et habitant
- Ces trois pétitions sont renvoyées à M. le ministre de la justice.
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« Des marchands de bétail de la commune de Lommel adressent des observations sur la loi relative à l’entrée du bétail. »
- Sur la proposition de M. Scheyven, cette pétition est renvoyée à la section centrale, chargée de l’examen du budget des voies et moyens.
_____________________
« Le sieur Paquot-Fayen, brigadier-champêtre pour le canton de Florenville, demande une augmentation de traitement. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
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Le sénat, par divers messages, annonce à la chambre qu’il a adopté, dans sa séance d’hier, le projet du budget de la marine et quarante projets concernant des demandes en naturalisation ordinaire.
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M. de Brouckere annonce à la chambre, par lettre, qu’il n’a pu assister aux dernières séances par suite d’indispositions, et demande un congé de huit jours.
- Ce congé est accordé.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE
Discussion des articles
Chapitre 1er – Administration centrale
Article 1
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
La chambre passe à la discussion de l’article 2. « Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service. (Chiffre proposé par le gouvernement) : fr. 158,500. (Chiffre proposé par la section centrale) : fr. 154,000. »
M. le président – M. le ministre se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Non, M. le président.
M. Vandensteen - Je crois, messieurs, que nous devons maintenir la réduction demandée par la section centrale. D’après les considérations émises par l’honorable rapporteur, il résulte évidemment que non seulement on désire obtenir une économie sur le chiffre du budget, mais on veut surtout empêcher le retour à de graves abus. En effet, quel est le motif que M. le ministre fait valoir pour appuyer cette allocation : c’est sous ce point de vue « que c’est un moyen puissant de soutenir le zèle des employés. »
Je vous le demande, messieurs, voilà un employé qui ne fait que ce qu’il doit, en vertu de l’obligation que lui impose le devoir de ses fonctions, et on croit qu’il est juste de le récompenser parce qu’il remplit les obligations qu’il a contractées. Selon moi, c’est un abus qu’il importe de faire disparaître.
Une autre considération me fait encore partager l’avis de votre section centrale. Avec ce mode de répartition et tout à fait facultatif, on ne peut jamais obtenir une harmonie parfaite entre tous les employés d’une même administration, on ne conservera pas cette union qu’il est indispensable de maintenir, et cela dans l’intérêt de la chose publique. Evidemment, l’employé qui n’aura pas reçu de gratification et qui cependant aura passé son temps au bureau, comme son collègue plus heureux que lui, verra avec déplaisir la faveur qui aura été accordée à ce dernier ; il ira même jusqu’à accuser peut-être de partialité le chef qui aura été chargé de fournir les renseignements et qui aura contribué de cette manière à faire donner un supplément de traitement à l’un ou à l’autre de ses agents.
En agissant ainsi, on met infailliblement de la désunion entre les membres de l'administration, ou tout au moins on refroidit le zèle des employés, bien loin de l’accroître.
Je crois qu’il est vicieux d’adopter en principe une semblable marche et de mettre chaque année au budget une somme fixe pour gratifications.
Avec ce système, on finit par augmenter indirectement les traitements des employés, c’est ce qui résulte encore d’un des motifs émis par M. le ministre en faveur du chiffre pétitionné (c’est un usage, vous dit-on, qui existe depuis longtemps ; on ne pourrait le supprimer sans augmenter le traitement des employés, qui ont touché régulièrement une indemnité lorsqu’ils l’ont méritée par leur zèle). S’il est reconnu que le traitement des employés n’est point assez élevé, que l’on augmente le chiffre porté au budget, chapitre 1, art. 2. La chambre aura à juger si cette majoration doit être admise ou non ; mais il ne faut point arriver à ce but, en mettant, comme je le disais tout à l’heure, continuellement au budget une somme de 5 ou 6,000 francs, sous l’éventualité de rémunérations que l’on se croirait peut-être obligé d’accorder à la fin de l’année, surtout que cette distribution, ne s’étendant pas à tous les agents du service, présente de graves abus, ne serait-ce que celui de mettre le désaccord parmi les membres d’une même administration. Loin de moi cependant, messieurs, la pensée qu’il ne faille jamais en aucune circonstance accorder de gratification. Je le sais, il doit y avoir des exceptions, mais aussi elles doivent être rares. Lorsqu’un employé par exemple, aura été chargé d’un travail spécial, extraordinaire, et lors le temps qu’il doit accorder au bureau, accorder dans ce cas une gratification n’est plus une faveur, c’est un acte de justice. Le budget qui nous occupe nous fournit l’application de ce principe. En effet, 500 francs sont demandés pour un agent qui a été chargé d’un travail spécial ; dans cet état de chose, qu’a fait la section centrale ? Elle a accordé la somme demandée par M. le ministre, parce qu’elle a trouvé que la demande était conforme à l’équité, et sur ce point je partage son avis. Vous voyez donc, messieurs, que si je m’élève contre le chiffre demandé par le gouvernement, c’est parce que, dans ma pensée, il ne se trouve pas justifié, et qu’il n’est pas sans danger de venir chaque année solliciter de la législature, des sommes spéciales pour cet objet.
M. d’Hoffschmidt – Messieurs, je ne puis partager l’opinion de l'honorable préopinant et de la section centrale, qui propose de réduire de 5,000 francs l’article dont il s’agit. Je désire vivement des économies ; mais je crois que nous ne devons pas les faire porter sur les émoluments d’employés d’une classe tout à fait inférieure. Leurs traitements sont déjà si faibles que la moindre réduction doit faire le plus grand tort à leurs revenus, doit diminuer leurs ressources déjà si minimes.
Cette réduction porterait sur des employés qui n’ont que 800, 1,100 et 1,200 francs de traitement. Or, une diminution sur de tels appointements, quelques faible qu’elle soit, quand elle ne serait que de 100 francs , comme le dit la section centrale, aurait déjà pour résultat de réduire d’une manière fâcheuse le revenu de ces employés qui ne sont pas trop rétribués.
On dira qu’il ne s’agit pas de traitements, mais d’indemnités. C’est, vrai, il s’agit d’indemnités, mais d’indemnités accordées depuis longtemps, auxquelles la plupart des employés sont accoutumés, qui figurent dans leurs revenus et dont la réduction aurait pour eux des conséquences très funestes, d’autant plus qu’ils ne devaient pas certainement s’y attendre.
Je partage du reste l’opinion que ces rétributions ne devraient pas être accordées, qu’il serait préférable qu’on fixât une fois pour toutes les traitements des employés, et qu’on n’eût plus recours à ces indemnités qui peuvent comme vous le disait tout à l’heure l’honorable M. Vandensteen, avoir des inconvénients. Il est probable que beaucoup d’employés qui n’obtiennent pas des indemnités croient qu’ils y avaient droit, se découragent et en veulent à leurs chefs ; de sorte que l’avantage qu’on trouve en ce que ceux qui obtiennent ces rétributions, sont encouragés, est compensé par le découragement que peuvent ressentir ceux qui n’en obtiennent pas, et qui croient être lésés dans leurs droits.
Je crois donc, je le répète, qu’il vaudrait mieux de fixer une fois pour toutes les appointements des employés, les moins rétribués. Mais je ne puis partager l’opinion qu’il faut réduire le chiffre demandé. Je crois que la réduction proposée fait partie intégrante des traitements et qu’elle porte sur des employés qui sont déjà peut-être trop peu rétribués.
M. de Garcia – Ayant fait partie de la section centrale, je crois devoir dire un mot sur les rétributions qu’elle présente sur les crédits pétitionnés par M. le ministre de la justice.
La section centrale a cru qu’elle devait admettre des économies partout où on le pouvait sans blesser l’intérêt du service. Dominée par cette pensée, elle s’est fait donner un tableau de tous les employés du département de la justice, et elle a cru que les traitements de ces employés étaient suffisants, vu l’état du trésor. Elle a cru qu’ils étaient suffisants, si on les compare à ceux donné à la magistrature en général.
L’allocation, pétitionnée par le gouvernement et rejetée par la section centrale, est demandée pour accorder des indemnités aux employés à titre d’encouragements. Votre section centrale a pensé que tout employé doit remplir ses fonctions moyennant son traitement ; elle a cru que ces indemnités seraient un motif fourni aux employés pour demander par la suite des augmentations de traitement. C’est ce que la section centrale n’a pas voulu dans l’état actuel de nos finances.
Je crois que si vous accordiez la somme demandée, sous le prétexte qu’elle est excessivement minime, vous donneriez naissance à des abus non seulement au département de la justice, mais aussi dans tous les autres : tous les départements demandent des indemnités de la nature de celle dont nous nous occupons.
Sommes-nous donc dans une situation financière à pouvoir accorder des indemnités ? Ne dites pas que ce sont des économies insignifiantes. Faites toutes les économies possibles, si minimes qu’elles soient ; marchez jusqu’au bout de cette voie, et vous serez peut-être étonnés du résultat que vous obtiendrez.
Nous savons déjà tous combien il est difficile d’obtenir de nouveaux impôts. De nouvelles bases vous sont présentées ; nous avons vu dans les sections toutes les réclamations qu’elles soulèvent. Quand il s’agit d’impôts nouveaux aussitôt le commerce, l’industrie, l’agriculture, tout le monde se plaint.
Prenons-y garde ; soyons sobres d’augmentations ; le peuple belge aime les libertés et supporte impatiemment les impôts trop lourds. Servons nos commettants fidèlement ; et qu’on ne nous accuse pas d’être avides d’une popularité éphémère. Remplissons notre mandat comme nous le devons ; soyons économes des deniers du peuple.
Quant à moi, je voterai pour les réductions de la section centrale, réductions apportées à l’unanimité par les membres présents. Et de plus ne voulant pas prendre sur moi la responsabilité de nouveaux impôts qu’il faudrait établir par suite des votes de la chambre, je demanderai l’appel nominal sur tous les articles qui me paraîtront présenter un chiffre trop élevé.
M. Pirson – Notamment pour le petit séminaire de Rolduc ; n’est-ce pas ?
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Je regrette vivement, messieurs, de ne pouvoir me rallier aux réductions proposées par la section centrale. Car elles sont si minimes en présence du chiffre du budget de la justice (ces réductions se montent à 7,000 francs et le budget est de 11 millions.) ; ces réductions, dis-je, sont si minimes, qu’en vérité on pourrait croire qu’il y a quelque entêtement de ma part à persister dans le chiffre que j’ai demandé.
Mais la nature de l’objet du crédit sur lequel nous discutons, la nature des fonctions de ceux à qui ces sommes doivent être payées, est telle qu’à mes yeux il y aurait de ma part manque de justice, manque aux premières règles de toute bonne administration, si je ne persistais dans l’allocation demandée. J’espère, messieurs, que les nouvelles explications dans lesquelles je vais entrer seront assez claires, même pour ramener à notre avis les membres de la section centrale.
La réduction qu’on propose est de 4,500 francs cette somme a deux objets distincts ; d’abord des suppléments de traitements à accorder à un certain nombre d’employés à la fin de l’année, lorsqu’ils ont rempli leurs fonctions avec zèle ; et en second lieu, quelques augmentations de traitement. Que ce mot, messieurs, ne vous effraye pas ; l’explication que je vous donnerai vous prouvera qu’il ne s’agit pas de majorations comme l’honorable préopinant vient de vous le dire.
La somme que je demande, il y a dix ans qu’elle est accordée au ministère de la justice ; il y a dix ans qu’elle est employée de la manière que je propose de l’employer l’année prochaine.
S’il s’agissait d’un crédit nouveau, d’une allocation nouvelle, je concevrais l’opposition qu’on y fait ; mais, comme je viens de le dire, il s’agit d’une allocation qu’on a accordé depuis dix ans, dont jouissent depuis dix ans les employés de mon ministère ; retrancher cette allocation, c’est réellement opérer une diminution de traitement. Car lorsqu’une même classe d’employés jouit d’une allocation qui est distribuée entre eux et qui n’est refusée à l’un d’eux que lorsqu’il ne s’est pas conduit pendant l’année avec toute l’activité et l’exactitude qu’on est en droit d’exiger de lui, retrancher cette allocation, c’est diminuer leur traitement. C’est à cela que se réduit la question.
Or, faut-il diminuer un traitement fixé depuis dix ans ? c’est ce que je ne puis croire, surtout lorsqu’il s’agit d’employés, si peu rétribués, et la liste que je vais faire passer sous vos yeux vous le prouvera.
Cette somme s’élève à peu près à 3,000 francs ; elle est distribuée aux employés qui ont moins de quinze cents francs de traitement. Ces employés sont au nombre de vingt-deux environ. De ces vingt-deux, deux employés ont 1,500 francs ; trois en ont 1,200 ; un seul en à 900 ; deux en ont 800 ; d’autres 700 ; d’autres 600 ; d’autres 450 ; trois en ont 390 et un en a 200.
Voilà la classe d’employés entre lesquels est répartie, à la fin de l’année, cette somme de 3,000 francs. Or je demande si, recevant depuis dix ans la faible part qui en revient à chacun, lorsqu’ils se sont bien conduits, il est possible de penser à la leur retrancher ? Et si on examine la nature de leurs fonctions, la réponse à cette question n’en devient que plus incontestable ; la plupart de ces employés sont chargés de fonctions obscures, monotones, qui ne présentent aucun avenir ; fonctions dans l’exercice desquelles le dégoût se fait sentir souvent, où le sentiment du devoir peut seul les soutenir.
Certes, il faut les encourager, si on veut les tenir dans la bonne voix ; il est impossible, si on ne réserve pas des récompenses pour ceux qui se sont bien conduits ou qui ont fait quelques travaux extraordinaires, de les maintenir dans cette voie.
On dit : Ils doivent remplir leur devoir. Mais tous, messieurs, nous devons remplir notre devoir. Est-ce à dire qu’il ne faut ni peines ni récompenses ; est-ce à dire qu’il ne faut pas avoir égard à la faiblesse humaine, surtout quand il s’agit d’employés pour lesquels la surveillance la plus continue ne suffit le plus souvent pas, et pour lesquels en conséquence quelques encouragements sont nécessaires pour suppléer au défaut de cette surveillance ; c’est la légère allocation demandée ici qui a utilement servi jusqu’aujourd’hui à cette fin et qui doit continuer à y servir.
Ce qu’on a dit des funestes effets d’une pareille distribution, l’expérience a prouvé qu’il n’en est rien. Elle a lieu depuis dix ans, et il est prouvé qu’elle n’a causé ni mécontentement ni jalousie, mais qu’au contraire elle a pleinement rempli l’attente de l’administration.
Reste le deuxième objet auquel s’applique la somme contestée, la majoration de traitement. Il n’y a pas, messieurs, comme je vous l’ai dit en commençant, majoration de crédit, c’est toujours la même somme qui a été accordée au ministère de la justice. Mais il arrive souvent que lorsqu’on prend un employé, on le prend à essai, on commence à lui donner un traitement réduit ; et ce n’est qu’après quelques années, lorsqu’on est satisfait de lui, qu’on porte son traitement à la hauteur à laquelle il a droit.
C’est ainsi que dans ce moment (et vous verrez par là quel est l’objet du crédit que je demande), c’est ainsi que dans ce moment il y a trois employés au ministère de la justice dont il s’agit d’augmenter le traitement. De ces trois employés, l’un est un expéditionnaire, qui a remplacé un autre employé dont le traitement était de 1,200 francs ; on lui a donné d’abord 600 francs, en lui promettant que si l’on était content de lui, au bout de quelque temps, on lui donnerait le traitement de son prédécesseur. Je le demande, y a-t-il là quelque chose qui sente une majoration ?
Il est encore un autre employé, docteur en droit, âgé de 30 ans, chef de bureau et touchant un traitement de 800 francs ; il s’agit de porter son traitement à 1,500 francs, parce que nous sommes satisfaits de lui, et parce qu’il est impossible de conserver un employé qui a une pareille position avec un traitement de 800 francs.
Enfin, il y a un troisième employé qui en a remplacé un autre dont le traitement était de 1,800 francs ; il n’ aussi obtenu que 1,500 francs, et il s’agit aussi de porter son traitement au taux normal.
Messieurs, ces détails, je n’ai pas pu les donner à la section centrale, parce que le temps nous a manqué et qu’il fallait répondre d’abord aux demandes de renseignements qui nous étaient faites.
D’après ces explications, il me semble que la réduction proposée ne peut pas être admise.
M. de Garcia – J’aurai peu de mots à répondre à M. le ministre. Il observe que la différence entre le chiffre demandé par le gouvernement et celui qui est proposé par la section centrale, est si minime et accordée à des employés qui touchent un traitement si modique, qu’il ne conçoit pas qu’on puisse sérieusement la refuser. Je l’avoue, messieurs, j’adopterais volontiers les explications de M. le ministre, si je ne craignais de poser des règles qui peuvent donner lieu à des abus. Je regarde la mesure pour laquelle sont demandés les fonds dont la section centrale propose la réduction, je regarde cette mesure comme entraînant des abus, comme violant les principes, et dès lors, je persisterai dans la réduction.
M. le ministre nous a présenté une liste de différents employés de son département qui touchent des traitements fort minimes ; et il nous a dit qu’il est nécessaire d’augmenter ces traitement lorsque les employés dont il s’agit ont montré du zèle et du talent ; mais, messieurs, ces employés sont dans la même position que tous les autres employés de l’administration ; ils commencent par recevoir un traitement faible et lorsqu’ils font preuve de zèle et de talent on leur donne des fonctions auxquelles est attaché un traitement plus élevé. Il en est de même de la magistrature.
M. de Muelenaere – Messieurs, il résulte des explications qui viennent d’être données par M. le ministre, qu’il n’est demandé aucun crédit nouveau, aucune allocation nouvelle …
M. Dubus (aîné) – Si, si ; il y a au moins 15,000 francs d’augmentation.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Expliquons-nous, messieurs ; il y a une augmentation de 15,000 francs, mais ce n’est pas pour ces employés-là. On a adjoint au ministère de la justice de nouvelles administrations ; les employés de ces administrations sont venus au ministère de la justice, et on demande pour ces employés les traitements qu’ils touchaient au ministère de l’intérieur ; ce n’est pas là une augmentation de crédit, c’est un simple transfert d’un crédit qui a été alloué les années précédentes.
M. de Muelenaere – Il paraît donc, d’après ces explications, qu’il n’est demandé pour le département de la justice, aucun crédit nouveau, et que s’il y a une augmentation, elle n’est que le résultat d’un transfert opéré du département de l’intérieur au département de la justice. Du moins c’est ainsi que je comprends les explications données par M. le ministre de la justice. Dès lors, messieurs, je ne vois aucun motif pour refuser à M. le ministre de la justice la somme qu’il a pétitionnée.
Quant à moi, j’applaudis sincèrement au mode suivi par le département de la justice ; nous savons tous, messieurs, tous ceux qui ont été à la tête d’une administration quelconque savent qu’il faut nécessairement que le chef d’un département ait à sa disposition quelques sommes minimes pour encourager les employés d’un rang inferieur ; l’expérience m’a prouvé que c’est le seul moyen d’assurer une bonne administration, de maintenir le zèle de pareils employés.
Les sommes contestées par la section centrale se diviseraient en deux parties ; les unes seraient accordées à titre d’indemnité à certains employés dont le traitement n’excède pas 1,500 francs ; vous conviendrez, messieurs, que surtout parmi des employés de ce rang, parmi des employés d’un traitement aussi minime, il importe de conserver une certaine émulation ; le département de la justice n’a qu’un seul moyen d’établi cette émulation entre les employés, c’est d’accorder à ceux qui, au bout de l’année, se sont le plus distingués par leur zèle, par leur application, une légère indemnité. Cette indemnité augmente à la vérité le traitement de ces employés, mais je crois que cette augmentation est très légitime lorsqu’on fait attention à la circonstance que la plupart des employés auxquels elle est destinée, ne jouissent que d’un traitement de 6,7 ou 800 francs. Je me ferai donc un scrupule de refuser une allocation qui a une pareille destination.
L’autre partie de la somme contestée est destinée à des majorations de traitements, et dans l’état actuel des choses, je crois qu’il faut être très sobre sous ce rapport ; je désire aussi que l’on fasse des économies, mais je prie encore une fois la chambre de remarquer qu’il ne s’agit pas ici d’une majoration de crédit, qu’on ne demande que les sommes employées les années précédentes, et que si une partie de la somme contestée doit servir cette année à des majorations de traitements, c’est que des employés nommés, soit dans le cours de 1840, soit dans le cours des exercices antérieurs, n’ont pas encore reçu le traitement normal de la place qu’ils occupent. On nous a donné des détails à cet égard, on nous a appris qu’un de ces employés qui ne touche que 800 francs, devrait en toucher 1,500 pour avoir son traitement normal.
Il me paraît qu’un employé qui a été pris en quelque sorte à l’essai, touche, lorsqu’il a fait, pendant un certain laps de temps preuve de zèle et de capacité, le traitement affecté à la fonction qu’il remplit. Comme c’est dans ce sens que M. le ministre de la justice s’est expliqué et comme ses explications me paraissent entièrement satisfaisantes, je voterai volontiers la somme demandée.
M. Dubus (aîné) – Messieurs, votre section centrale a pris en considération les réponses qu’elle a reçues de M. le ministre de la justice. A ces réponses M. le ministre vient d’ajouter de nouvelles explications, dont plusieurs, je dois le dire, n’ont pu avoir aucune influence sur la section centrale, parce qu’elle ne les connaissait pas. Elle ne pouvait pas deviner, par exemple, qu’un chef de bureau, docteur en droit, ne reçoit qu’un traitement de 800 francs et qu’il est question de porter son traitement à 1,500 francs, somme que personne ne trouvera sans doute exorbitante pour le traitement d’un chef de bureau. Non seulement on ne lui avait pas fait connaître cette circonstance, mais le tableau qui lui a été soumis laissait précisément supposer le contraire ; en effet, aucun des chefs de bureau portés dans ce tableau n’étai présenté comme recevant seulement 800 francs de traitement. Il résultait bien clairement des réponses fournies à la section centrale que tous les traitements payés et même tous les suppléments de traitements payés, il restait une somme de 5,000 francs que l’on proposait de distribuer en gratifications. Eh bien, messieurs, nous avons été d’avis qu’il ne fallait point admettre ce système d’ajouter une somme de 5,000 francs au chiffre nécessaire pour les traitements pleins de tous les employés, afin de la distribuer en gratifications.
Avant de rencontrer ce système, je dois justifier l’allégation que j’ai faite tout à l’heure que, quoi qu’on en dise, on demande une augmentation d’allocation pour les traitements de l’administration centrale et que cette augmentation est d’au moins 15,000 francs. Pour justifier cette allégation, je n’ai qu’à mettre sous les yeux de la chambre les chiffres, qui parlent suffisamment eux-mêmes. En effet, messieurs, voyez le tableau des traitements des employés qui s’élèvent à 150,440 francs ; eh bien, cette somme comprend déjà 10,600 francs de suppléments de traitements qui ont été prélevés sur d’autres crédits que ceux qui ont été alloués pour l’administration centrale, et qu’est-ce que cela prouve ? C’est qu’on a accordé précédemment des augmentations de traitement que l’on ne pouvait pas payer sur le chiffre voté pour ces traitements, et que l’on a pris alors sur les crédits qui avaient une autre destination. Eh bien ! si vous ajoutez à ces suppléments de traitements la somme de cinq mille francs réclamée en sus, pour être distribuée en gratifications, et que la section centrale a été d’avis de ne pas allouer, vous verrez qu’on vous propose certainement une augmentation d’allocation d’au moins quinze mille francs. Je conviens que ces majorations de traitements au moyen de suppléments pris sur d’autres crédits ne datent pas d’aujourd’hui, mais l’augmentation du chiffre du budget date d’aujourd’hui.
Chaque fois que l’on nous a révélé des imputations de ce genre, on s’est toujours écrié qu’il y avait abus, et même alors qu’on votait une augmentation du chiffre destiné à payer les traitements, on ne le faisait qu’en disant que c’était pour rentrer dans la règle et avec l’espoir que cet abus ne se représenterait plus.
J’en vais citer quelques exemples relatifs au budget de l’intérieur et au budget de la justice, et cela viendra très à propos, puisque le budget actuel de la justice se compose de l’ancien budget de la justice et de quelques parties du budget de l’intérieur.
Ainsi, messieurs, je vous rappellerai qu’en 1833, époque à laquelle j’étais rapporteur du budget de l'intérieur, il avait été proposé une augmentation de crédit pour les employés de l’administration centrale, on avait proposé d’élever le chiffre, d’après les attributions qu’avait alors le ministère de l’intérieur, à la somme de 143 mille francs ; la section centrale s’opposa à cette majoration qui était cependant peu considérable, mais dans la discussion le ministre vient nous faire connaître qu’indépendamment de ces 143,000 francs qui étaient nécessaires, selon lui, d’après l’état des traitements des employés, il y avait encore des suppléments de traitements qui étaient prélevés sur d’autres allocations. Eh bien, on s’est écrié que c’était là un abus ; et l’on a demandé au ministre d’indiquer le chiffre de ces suppléments de traitement ; et sur sa réponse qu’il s’élevaient à 7,000 francs dans la séance même, on a ajouté ces 7,000 francs aux 143,000 francs demandés ; l’on a porté ainsi le chiffre de l’administration centrale à 150,000 francs, afin que l’abus qui venait d’être signé ne se reproduisît plus, et que tous les employés de l’administration centrale fussent payés sur le crédit expressément voté à cette fin et non sur d’autres.
Et maintenant l’on nous dit qu’il y a de nouveau pour 10,600 francs de pareils suppléments ; qu’on ajoute encore au chiffre du crédit destiné à payer des traitements affectés aux employés de l’administration centrale ; vous comprenez très bien que c’est un moyen tout trouvé d’augmenter sans cesse les traitements des employés, en accordant de pareils suppléments, et en venant ensuite en faire la confidence à la chambre pour faire augmenter le chiffre du personnel, sous promesse qu’à l’avenir l’abus ne se renouvellera plus.
Ainsi, je le répète, c’est là une véritable et nouvelle augmentation, et bien que, pour ceux qui recevaient ces suppléments, elle ait peut-être une date un peu ancienne, toutefois elle ne nous est révélée qu’au budget d’aujourd’hui. Jusqu’à présent, elle n’y figurait pas ; car, quand nous votions des fonds pour la sûreté publique, ces fonds n’étaient pas destinés aux traitements des employés de l’administration centrale qui s’occupaient de cette partie des services publics ; quand nous votions des fonds pour le jury d’examen, aucune partie de ce chiffre n’était destinée non plus à payer des traitements à des employés de l’administration centrale ; quand nous votions des crédits pour les dépenses des prisons, encore une fois, aucune partie de ces crédits n’était destinée à payer des traitements à des employés de l’administration centrale.
J’ai dit que j’indiquerai aussi un exemple relatif au
ministère de la justice ; cet exemple, je le puise dans les budgets qui
remontent moins haut. Je ferai remarquer d’abord qu’en 1837 le chiffre des
traitements au ministère de la justice ne s’élevait qu’à 98,000 francs ;
on l’a augmenté de 2,000 francs en 1837, ce qui a porté le chiffre à 100,000
francs. Au budget de
Voici comment le ministre justifiait cette augmentation dans les développements du budget :
« Le refus de la part de la cour des comptes de continuer à liquider sur des allocations pour dépenses imprévues, frais d’impression des recueils statistiques (chapitre X, art 1er ; chapitre 1er, art. 4) les sommes allouées annuellement à titre d’indemnité pour travaux extraordinaires aux employés et gens de service, et la nécessité d’élever quelques traitements au chiffre normal affecté aux fonctions ; telles sont les causes de la majoration de 7,000 francs. »
Ainsi le motif donné à l’appui de cette demande de majoration, était d’une part de faire cesser ces suppléments de traitement alloués sur d’autres crédits, et d’autre part d’augmenter les traitements, de les porter au « chiffre normal ».
Eh bien, vous avez voté alors 107,000 francs, et à coup sûr, vous avez dû croire que tous les traitements étaient portés au « chiffre normal », et qu’il n’y aurait plus aucun supplément à prendre sur les autres crédits. Or, aujourd’hui, on vous demande une augmentation notable, parce que dans le calcul qu’on fait, on réunit de nouveaux suppléments de traitement aux traitements eux-mêmes ; et malgré ces suppléments, que la section centrale vous propose d’allouer, on vous dit que les traitements ne sont pas encore portés au chiffre normal.
J’arrive maintenant à cet usage dont on a parlé, qui existe, dit-on, depuis dix ans, et qui consiste à accorder des gratifications à certains employés.
On a annoncé en effet à la section centrale que la somme qui
a été distribuée à la fin de
D’où peut donc procéder cet usage de distribution à la fin de l'année ? La comparaison du tableau dont je parle, avec le chiffre qu’on a indiqué, semble faire connaître l’origine de cet usage ; c’est que, dans le cours de l'année, il arrive que tels ou tels emplois se trouvent vacants ; que par suite, il y a certaines parties des traitements affectés à des emplois qui ne sont pas payées ; et qu’au bout de l’année, cela représente un certain excédant. Il est probable que l’on aura pensé que les sommes économisées de ce chef devraient être équitablement réparties entre les employés qui avaient fait le travail de ceux dont les emplois étaient restés vacants. Voilà comment j’explique l’origine de cette distribution. De semblables circonstances ont pu produire une somme disponible de 2,400 francs, tandis que l’excédant au budget n’était que de 1,200 francs.
Mais ajouter une somme de 3,000 francs au budget, tout exprès pour faire cette distribution, c’est ce que je ne saurais admettre ; si j’insiste sur ce point, c’est que c’est une question qui ne regarde pas seulement le département de la justice. Et si la section centrale y a attaché de l’importance, c’est que l’usage dont il s’agit s’introduira, si ce n’est déjà fait, dans tous les autres départements ministériels, ce qui doit emporter pour tous ces départements l’emploi d’une somme très considérable. Or, nous devons nous garder d’une dépense qui tend à devenir si considérable. C’est donc une question de principe. Si vous accordez un crédit pour gratification aux employés du département de la justice, vous aurez à en voter pour les employés des autres départements. Je vous rappellerai qu’au département des finances, par exemple, les employés absorbent en traitement une somme de 400 et des mille francs ; les employés y sont donc nombreux, et si l’on entrait dans ce système de gratification, selon toute apparence, cela nous mènerait loin.
Ces gratifications, dit-on, sont minimes. En effet, 2,400 francs répartis entre 23 employés, cela ne fait que 100 et quelques francs pour chacun d’eux ; mais c’est précisément parce que ces gratifications sont minimes, qu’on peut s’abstenir de les accorder. L’employé à 12 ou 1,500 francs de traitement doit, comme la section centrale l’a dit, remplir ses devoirs pour ce traitement, sans qu’il soit besoin qu’une gratification quelconque lui soit donnée pour stimuler son zèle. S’il y a de traitements insuffisants, qu’on les rende suffisants ; que le ministre nous dise quel chiffre il destine à augmenter le traitement des deux ou trois employés dont il a parlé ; et je suis prêt à voter cette augmentation ; mais quant au crédit demandé pour être distribué en gratification, je ne puis lui donner mon assentiment.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Messieurs, malgré ce que vient de dire l’honorable préopinant, je maintiens que la somme demandée pour traitements n’est pas différente, pour cette année, de ce qu’elle était l’année dernière, et si l’on pouvait considérer comme des augmentations les suppléments de traitement dont on vous a parlé il n’y a qu’un instant, certes je serais bien mal récompensé de la franchise, de la loyauté entière que j’ai voulu apporter dans mes rapports avec la chambre, lorsque j’ai rédigé mon budget.
Ces suppléments qu’on porte à la somme de 10,000 francs ne sont pas des augmentations de crédit. Lorsque je suis entré au ministère, je me suis fait rendre compte de la manière dont les employés étaient salariés, et je me suis aperçu que depuis un grand nombre d’années, tant au ministère de la justice qu’au département de l’intérieur, les employés recevaient sur des crédits spéciaux une partie de leurs traitements, qu’on l’appelle supplément de traitement ou qu’on l’appelle d’un autre nom, ce n’en est pas moins une partie de leur traitement.
Ainsi au ministère de la justice, certains employés de l’administration de prisons touchaient une partie de leurs appointements sur les frais des ateliers de travail des grandes prisons. Au ministère de l'intérieur, une partie des employés de la sûreté publique touchaient leurs appointements sur les fonds secrets. D’autres en recevaient une partie sur les frais des jurys d’examen. Je n’entends nullement contester la régularité, ou plutôt je n’entends nullement critiquer la marche qui a été suivie par mes prédécesseurs à cet égard. Il y a certes une manière très naturelle de justifier ce mode de procéder. Ceux des employés qui touchaient une partie de leurs traitements sur la somme allouée pour le travaux des ateliers sont des employés de l’administration centrale qui se rendent parfois dans les grandes prisons et qui y travaillent pendant plusieurs jours, et dès lors on a pensé que les dépenses que nécessitait le travail de ces employés pouvait être considéré comme frais d’atelier. Il en est de même d’autres services auxquels étaient affectés des crédits spéciaux, et pour lesquels certains employés faisaient un travail extraordinaire.
On peut donc très bien justifier ce mode qui a été suivi par mes prédécesseurs, mais j’ai pensé qu’il était plus régulier de porter toutes ces sommes au crédit affecté aux traitements du personne, afin de pouvoir rendre compte d’une manière plus claire de l’emploi des crédits qu’on mettait à ma disposition.
Quant à la sûreté publique, je dois aussi donner quelques explications. Pendant plusieurs années le travail était assez irrégulier. Il était difficile de dire jusqu’à quel point on devait attacher des employés à l’administration centrale pour ce service. Pendant un certain nombre d’année, il a été impossible de déterminer le nombre d’employés que nécessitait, au ministère de la justice, l’administration de la sûreté publique. J’ai pensé qu’aujourd’hui l’expérience avait été assez longue et j’ai voulu que le nombre des employés de cette administration fût fixé ; je me suis fait rendre compte des besoins du service et j’ai décidé qu’on diminuerait les fonds secrets de la somme nécessaire pour le traitement de ces employés, et que cette somme serait portée à l’article 2 du chapitre er relatif aux fonctionnaires et employés de l’administration centrale.
Vous voyez que j’ai apporté plus de régularité dans mon budget ou du moins prouvé mon désir de régularité. Si on voulait considérer ce report comme une demande d’augmentation de crédit, ce serait bien mal récompenser le désir de franchise que j’ai apporté dans mes relations avec les chambres.
On a dit qu’il n’y avait que 1,250 francs d’excédant au budget de l’année dernière, tandis que cette année l’excédant est d’une somme plus forte. La raison de cette différence est très simple : c’est qu’un certain nombre d’employés me sont venus du ministère de l'intérieur, qui, dans ce département, prenaient part à la distribution de gratifications qui se fait à la fin de l'année. J’ai dû faire participer ces employés à la distribution de mon ministère, et par conséquent augmenter la somme qui y est consacrée. Voilà comment s’explique la différence qu’on a signalée. Il y a une autre explication à donner, c’est que le chiffre pour payer les employés varie, parce que quand un employé change on ne donne pas le même traitement à celui qui le remplace. C’est ainsi qu’un employé ayant 1,800 francs qui s’en va est remplacé par un autre employé à qui on ne donne que 1,500 francs.
On a répondu à cela que quand un magistrat était nommé on attendait pour lui donner une augmentation qu’une place supérieure fût vacante, et qu’il devait en être de même des employés du ministère de la justice.
Je ferai observer qu’il n’y a aucune analogie entre les magistrats et les employés. Quand un magistrat est nommé, il reçoit à l’instant le traitement attaché à sa place. Mais quand un employé est nommé, il n’a pas toujours le traitement attaché à son emploi. On lui donne d’abord un traitement inférieur parce qu’on ne le connaît pas, parce qu’on veut l’éprouver et après un certain temps on lui donne un traitement normal.
J’ai parlé d’un chef de bureau, mais je me suis trompé ; c’est un employé qui fait le service de chef de bureau ; c’est un jeune homme très instruit qui ne peut pas rester au ministère avec ce traitement, qui le quittera et aura raison de le quitter si on ne l’augmente pas. La somme que je demande pour lui allouer un traitement convenable est juste, et comme elle ne forme pas au fond une véritable augmentation de traitement, je ne pense pas qu’on puisse la refuser.
M. Pirson – J’ai peu de chose à dire, car d’après les explications données par M. le ministre de la justice et celles données par M. Dubus, qui consent aux augmentations demandées pour les employés qui n’ont pas leur traitement normal, il n’y aurait plus qu’une différence extrêmement minime entre la somme demandée et celle qu’on veut allouer. Je demande si la chambre s’arrêtera à une somme semblable destinée à des employés de classe inférieure qui ont besoin des encouragements dont vous a parlé M. le ministre de la justice ? Peut-être, comme on l’a dit, le ministre trouvera-t-il la somme dont il a besoin dans les mouvements du personnel qui laisse de temps en temps des moments de vacature, ou dans le remplacement d’un employé ayant 1,200 francs, par une employé n’en ayant que 600, ce qui laisse à la disposition du ministre une somme de 600 francs, qu’il peut employer en encouragements, ce que je ne regarde pas comme un abus. Mais le ministre n’a pas pu faire ses calculs aujourd’hui ; il fallait s’entendre avec les ministres dont les attributions sont changées. M. le ministre de la justice a remarqué lui-même que ce que M. Dubus qualifiait d’abus était irrégulier, et il a promis que dans le prochain budget ces irrégularités disparaîtraient ?.
En conséquence, je ne crois pas qu’il y ait lieu de refuser la somme demandée.
M. Dubus (aîné) – Messieurs, je suis obligé de prendre la parole pour le rapporteur de la section centrale, qui est indisposé.
Messieurs, il m’a semblé que tout à l’heure le ministre se plaignait de ce que la franchise ave laquelle il a rédigé les développements de son budget se trouvait mal récompensée. J’ai peine à comprendre, je vous avoue, cette espèce de reproche. Je crois n’avoir rien dit qui tendît à blesser le moins que ce soit M. le ministre de la justice. Je n’ai pas entendu méconnaître cette franchise dont il a parlé, j’y ai au contraire rendu hommage. J’ai pris les faits tels qu’ils se présentent. C’est d’après ces faits que j’ai argumenté. Je n’ai pas prétendu que les suppléments de traitement que nous ajoutons au chiffre de l’article relatif aux employés de l’administration centrale dataient de cette année ou de l'année dernière ; j’ai dit que probablement elle remontait à une époque antérieure ; mais que c’était la première fois que l’augmentation se réalisait au budget. Mon observation est juste ; ces augmentations, nous ne les avons pas contestées, nous les avons allouées, mais en les allouant, nous les constatons. C’est parce qu’on a dit que ces augmentations que la section centrale consent n’étaient pas des augmentations, que je reviens là-dessus pour maintenir que ce sont bien des augmentations.
Qu’on ne dise pas qu’on devait s’attendre à ce supplément de traitement. J’ai rappelé ce qui s’est passé en 1833, j’ai dit que pendant la discussion du budget de l’intérieur, à la séance même, on a ajouté une somme de sept mille francs, précisément afin qu’il n’y eût plus de suppléments semblables. J’ai fait remarquer aussi qu’en 1839 on avait porté de 100 à 107 mille francs le chiffre des traitements des employés de la justice, tout à la fois pour porter ces traitements à leur taux normal et pour y réunir le montant de quelques suppléments accordés à des employés aussi sur d’autres chapitres.
Ainsi, nous devions croire que les traitements entiers des employés des administrations centrales des deux ministères étaient payés sur les sommes allouées pour ces traitements, et pas du tout sur d’autres allocations du budget.
J’ai dit que je reconnaissais qu’il était juste de faire droit à une partie des observations du ministre de la justice, et je proposai en mon nom, non comme rapporteur de la section centrale, qui n’a pas pu s’assembler, je proposai, dis-je, en mon nom, le chiffre de 156,000 francs, au lieu de celui de 154,000 francs que proposait la section centrale.
Il semble dès lors que la différence entre le chiffre que je propose et le chiffre demandé est futile. Si moi-même, je ne considérais que cette différence de 2,500 francs, je n’y tiendrais pas, c’est pour la question en elle-même, et cette question ne s’applique pas seulement au budget de la justice, mais à tous les autres budgets ; et si vous admettez en principe qu’il faut ajouter ne fût-ce que 2,500 francs ou 3,000 francs au traitement des employés, afin d’être répartis entre eux à titre de gratifications, vous devez admettre la même chose pour les autres départements ministériels, et je soutiens que cela fait une somme considérable.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Je ne puis laisser passer cette observation que mon budget est augmenté. Il n’y a pas un sou d’augmentation à mon budget.
M. le président – Trois chiffres sont proposés, celui du gouvernement qui est de 158,500 francs, celui de 156,000 francs, proposé par M. Dubus, et celui de 154,000 proposé par la section centrale.
- Le chiffre du gouvernement qui est mis d’abord aux voix est adopté.
Article 3
« Art. 3. Matériel : fr. 20,000. »
« Art. 4. Frais d’impression de recueils statistiques : fr. 4,000. »
- La section centrale propose le chiffre de 3,500 francs.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Je ne me rallie pas à la proposition de la section centrale. Je crois qu’elle doit reconnaître que cette réduction ne peut plus avoir lieu, à moins qu’on ne reporte les 500 francs qu’elle propose de retrancher à l’article 2 que nous venons de voter.
Cette somme de 500 francs est destinée à payer un employé qui est chargé de corriger les épreuves des recueils statistiques. La section centrale les a retranchés de cet article, non pas pour les supprimer, mais pour les reporter à l’article 2, traitement du personne, qu’elle proposait de réduire de 4,500 francs, mais qu’elle aurait réduit de 5,000 francs si elle n’avait pas entendu y reporter les 500 francs qu’elle retranche à l’article 4. maintenant que le crédit demandé par le gouvernement à l’article 2 est resté entier, il faut qu’on y ajoute ces 500 francs ou que l’article 4 reste tel que je l’ai proposé.
M. Dubus (aîné) – La section centrale a entendu que les 500 francs qu’elle propose de retrancher de l’article 4 fussent reportés à l’article 2. C’est conforme à ce qu’elle annonce. Quand on a porté de 100 à 107 mille francs le chiffre du personnel de l'administration centrale de la justice, on a annoncé que les suppléments y étaient compris. Il a été entendu alors par le ministre comme par le chambre que tous les traitements, soit pour le travail ordinaire, soit pour le travail extraordinaire, devaient être pris sur l’article 2. Ainsi c’est à l’article 2 qu’il faut porter ces 500 francs.
- La chambre modifie le chiffre de l’article 2 et le porte à 139,000 francs au lieu de 138,500 francs.
L’article 4 réduit à 3,500 francs, comme le propose la section centrale est ensuite adopté.
La chambre passe à la discussion de l'article 5
« Art. 5. Frais de route et de séjour. (Chiffre proposé par le gouvernement) : fr. 7,000. (Chiffre proposé par la section centrale) : fr. 5,000. »
M. le président – M. le ministre se rallie-t-il à la réduction de 2,000 francs, proposée par la section centrale ?
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Je me rallie à une réduction de 1,000 francs. Je propose donc le chiffre de 6,000 francs. Je dois en dire le motif.
Lorsque le département de la justice a eu ses attributions augmentées de deux administrations, j’ai cru devoir augmenter de mille francs la somme de 3,000 francs portée au budget pour frais de route et de séjour. Depuis que le budget est présenté, je me suis fait rendre compte des dépenses faites, pendant l’année 1840, pour frais de route et de séjour, j’ai reconnu que, sur les 3,000 francs, il restait disponible une somme de 1,700 francs ; de sorte que je crois pouvoir maintenir l’article à 3,000 francs, sans augmentation de 1,000 francs.
Ce que je viens de dire prouve que les voyages sont ordonnés avec la plus grande discrétion ; car vous voyez que sur une somme de 3,000 francs, il n’a pas été dépensé la moitié. C’est une preuve que si je demande 1,500 francs, ou ils ne seront pas dépenses, ou ile ne le seront que s’il y a nécessité.
Ces 1,500 francs, je les demande pour frais de voyage de l’inspecteur général des prisons. Je sais que l’arrêté de nomination de ce fonctionnaire porte qu’il sera tenu de faire à ses frais les voyages qui lui seront ordonnés jusqu’à la concurrence de trois. Mais depuis sa nomination, l’administration des prisons a pris tant d’accroissement que sa position est tout à fait changée.
Dans les dix années qui se sont écoulées depuis lors, de très grands perfectionnements ont été introduits dans les prisons ; les travaux ont pris de l’accroissement ; un nouveau pénitentiaire a été établi. De sorte que le travail de l’inspecteur général a été considérablement augmenté. D’un autre côté, lorsque deux administrations nouvelles ont été réunies au ministère de la justice, je n’ai pas augmenté le nombre des chefs d’administration. L’administration de la sûreté publique est devenu en même temps administrateur des prisons. Il en résulte que cet administrateur qui a beaucoup plus de besogne, doit en laisser retomber une partie sur l’inspecteur général, qui a vu de ce chef sa position tout à fait changée.
Je ne demande pas pour lui d’augmentation de traitement ; il n’en demande pas lui-même. Mais au moins je demande qu’il ne fasse plus tous ses voyages à ses frais, et de ce chef je demande 1,500 francs ; mais de ce que cette somme sera allouée il ne s’ensuivra pas qu’elle doive nécessairement être dépensée. Aucun voyage n’est fait que sur l’ordre du ministre, et je n’en ordonne que dans les cas de nécessité réelle.
Tels sont les motifs pour lesquels je ne puis me rallier à la réduction proposée.
M. Delehaye – On ne m’accusera pas d’être peu partisan des économies. Cependant lorsqu’une économie est contraire à l’équité et à l’intérêt réel d’une administration, je ne puis y donner mon assentiment.
Par la nature des fonctions que j’ai remplies pendant 7 ans, je me suis trouvé en contact avec M. l’inspecteur général des prisons ; et je puis dire que depuis qu’il appartient à cette administration, le régime des prisons à reçu de grandes améliorations.
On propose une réduction sur les frais de voyage. Tous les
voyages (ceux qui connaissent les fonctions le savent) sont entrepris dans
l’intérêt du service. Dans son zèle pour ses devoirs, ce fonctionnaire ne s’est
pas borné à des voyages dans le pays ; mais il a parcouru à ses frais
l’Angleterre, l’Irlande, l’Ecosse, une partie de l’Allemagne et
L’augmentation demandée pour les frais de voyage de l’inspecteur général est d’autant plus fondée que ce fonctionnaire ne reçoit pas de frais de bureau et que depuis quelques temps, comme l’a dit M. le ministre de la justice, il a été construit un nouveau pénitentiaire, qui bientôt sera encore suivi d’un autre.
Le zèle et le talent de l’administrateur contribueront à placer ces deux établissements au rang de tout ce que l’Europe a de plus parfait en ce genre.
Je pense que, par ces motifs, la chambre ne voudra pas voter la réduction et qu’elle admettra la somme pétitionnée par M. le ministre de la justice.
(M. le vice-président de Behr remplace M. Fallon au fauteuil.)
M. de Garcia – La section centrale a demandé une réduction de 1,000 francs sur 1,500 demandés par M. le ministre de la justice pour frais de voyage. Cette réduction a été demandé par une raison absolue, que voici.
L’arrêté qui fixe le traitement de l’inspecteur général des prisons porte que ce traitement sera de 3,000 florins, c’est-à-dire six mille trois ou quatre cents francs. Les fonctions d’inspecteur général sont de parcourir les prisons, de les visiter, de voir si le service se fait exactement. Aussi cet arrêté l’oblige-t-il à faire trois voyages au moins par an dans chacune des prisons, dans chacun des pénitentiaires de l’Etat. La section centrale a bien voulu consentir à donner 500 francs pour frais de voyage extraordinaires, c’est-à-dire pour ceux qui ne sont pas compris dans l’arrêté ; mais elle a pensé que donner plus ou payer les voyages qui sont imposés par l’arrêté qui détermine les devoirs et les obligations de l’inspecteur général, c’était réellement majorer son traitement. La section centrale a pensé que le moment n’était pas venu de majorer un traitement quelconque, et par suite a proposé la réduction qui vous est soumise.
M. Dubus (aîné) – Ainsi que vient de le dire l’honorable M. de Garcia, la section centrale a vu dans la proposition M. le ministre de la justice celle d’une véritable augmentation de traitement. Quoi qu’on en ait dit, c’est une augmentation de traitement de 1,500 francs qui vous est proposée. En effet le fonctionnaire dont il s’agit avait un traitement de 3,000 florins ; mais il devait faire à ses frais trois voyages dans tous les établissements confiés à sa surveillance. Eh bien, d’après la proposition de M. le ministre, pour vous en assurer, vous n’avez qu’à lire les développements du budget, son traitement se trouverait être de 3,000 florins et, en sus, il recevrait une indemnité pour tous les voyages qu’il ferait. Il fait maintenant 3 voyages sans indemnité ; désormais tous ses voyages lui seraient payés ; seulement si ses dépenses de voyages excèdent 1,500 florins, on ne lui payera que 1,500. Ainsi son traitement sera majoré ; ainsi il touchera son traitement et en sus 1,500 francs. Si vous voulez augmenter le traitement, vous en êtes les maîtres ; mais la section centrale avait pensé qu’il fallait s’opposer, surtout cette année, à toute augmentation de cette espèce. Cependant il y a un motif pour accorder une augmentation, mais moindre que celle demandé. M. le ministre de la justice a parlé d’un nouveau pénitencier qui a été établi, d’un autre qui allait l’être. Cela entraînera une augmentation dans les voyages de l’inspecteur général ; cela peut donner lieu à des voyages extraordinaires. Nous avons pensé qu’il était juste d’allouer de ce chef une indemnité. Nous avons évalué cette augmentation à 500 francs. Mais si vous allouez les 1,500 francs qu’on vous demande, c’est évidemment une augmentation de 1,500 francs sur le traitement fixé par l’arrêté de 1830.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Je n’ai pas dit que l’arrêté de nomination de l’inspecteur général ne l’obligeait point à faire des voyages à ses frais. Mais j’ai eu l’honneur de vous dire que sa position était tout à fait changée. Non seulement le nombre de ses voyages est augmenté ; mais encore son travail est pour ainsi dire doublé. Je ne demande pas pour lui une augmentation de traitement de 1,500 francs ; je demande seulement que son traitement ne soit pas diminué par ses frais de voyage ; enfin qu’il en soit pour lui comme pour les autres inspecteurs généraux ; car il n’y en a pas un qui soit obligé à payer ses voyages.
J’ajouterai que ce fonctionnaire a un traitement qui, tel qu’il est, doit être regardé comme fort en-dessous de son travail, en ce sens qu’il s’impose des travaux qui ne lui sont pas imposés par sa place. Ainsi il a parcouru toute l’Europe à ses frais ; il a visité toutes les prisons dignes d’être visitées, et toujours à ses frais, et il nous a rapporté l’expérience de ses explorations, sans jamais demander le moindre avantage extraordinaire. C’est ainsi qu’il m’a remis dernièrement sur le pénitencier de Saint-Hubert, un travail qui ferait la matière d’un livre, et que, comme inspecteur général, il n’était nullement tenu à faire.
Je dis qu’à raison de l’augmentation de son travail, il était de toute justice de lui allouer des frais de voyage, dont il sera disposé avec la plus grande discrétion, puisqu’il ne sera fait aucun voyage sans mon ordre, et que je n’en ordonnerai que s’il y a nécessité.
M. Dubus (aîné) – Je crois que M. le ministre explique le changement de position dont il parle en ce que l’inspecteur général serait soumis à divers travaux d’administration. Mais c’est ce que prescrit l’arrêté de sa nomination qui l’oblige, lorsqu’il est à Bruxelles, à aider dans ses travaux l’administrateur des prisons.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Alors l’administration des prisons n’avait pas pris l’extension qu’elle a maintenant ; alors il y avait pour les prisons un administrateur. Aujourd’hui c’est l’administrateur de la sûreté publique qui en remplit les fonctions. Voilà ce qui fait que l’administration des prisons donne plus de travail à l’inspecteur général. Voilà en quoi sa position est changée. Le travail de bureau n’est plus le même.
- Le chiffre de 6,000 francs proposé par le gouvernement à l’article 5, frais de route de séjour, est mis aux voix par assis et levé.
L’épreuve est douteuse.
Plusieurs membres – L’appel nominal !
D’autres membres – Laissez faire une seconde épreuve.
Le chiffre de 6,000 est mis aux voix par appel nominal ; voici le résultat du vote :
75 membres prennent part au vote.
42 votent l’adoption.
33 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l’adoption : MM. Buzen, Cogels, Coghen,
de Behr, Dedecker, Delehaye, Delfosse, de Mérode, de Perceval, de Puydt, de
Renesse, de Sécus, de Terbecq, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dolez,
Donny, Dumont, Duvivier, Fleussu, Lange, Lebeau, Leclercq, Liedts, Lys,
Manilius, Mercier, Milcamps, Nothomb, Pirson, Puissant, Raymaeckers, Sigart,
Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenhove, Van Volxem, Verhaegen, Vilain XIIII, Zoude.
Ont voté contré l’adoption : MM. Brabant, Cools,
Coppieters, de Florisone, de Garcia de
Chapitre II – Ordre judiciaire
Articles 1 à 4
« Art. 1er. Cour de cassation. Personnel : fr. 233,000. »
- Adopté.
________________
« Art. 2. Matériel : fr. 4,000. »
- Adopté.
________________
« Art. 3. Cour d’appel. Personnel : fr. 540,200. »
- Adopté.
_______________
« Art. 4. Matériel : fr. 18,000. »
- Adopté.
La chambre passe à la discussion de l’article 5, tribunaux de première instance : fr. 844,000.
M. Vandenhove – Messieurs, je viens appuyer la réclamation des juges de Louvain, qui demandent à ce qu’il plaise à la chambre de les élever au second rang avec augmentation de personnel ; cette demande est fondée sur l’importance qu’a acquise cet arrondissement depuis l’époque de l’établissement de son tribunal.
Indépendamment de Louvain chef-lieu
de l’arrondissement, qui, après Bruxelles, Gand, Anvers et Liége, est une des
villes les plus populeuses de
La concurrence de ces diverses industries, et la division des propriétés multiplient tellement les procès, que nous lisons dans une pétition qui a été remise à M. le ministre de la justice naguère et dont je vais avoir l’honneur de vous donner lecture :
« Depuis quatre ans, le tribunal de Louvain, malgré ses efforts soutenus et incessants, ne parvient pas à faire face au nombre des affaires dont il est saisi, ce n’est qu’à l’adjonction d’une seconde chambre formée à l’aide de juges suppléants présidés par un magistrat effectif qu’il doit de n’être pas accablé d’un arriéré considérable.
« Si cette longue expérience ne suffisait pas
pour démontrer l’insuffisance de personnel actuel, les considérations que nous
nous permettons de vous exposer aujourd’hui, M. le ministre, sont de nature,
nous l’espérons, à vous donner une conviction intime à cet égard.
« Depuis la première organisation judiciaire
faire par suite de la réunion de
A tout ce que nous venons de dire pour motiver les sollicitations
des magistrats de Louvain, nous ajouterons des considérations qui touchent à
leur existence, et qu’ils ont eu la délicatesse de ne point énoncer dans leur
pétition, c’est que les vivres sont renchéris de beaucoup depuis la
réinstallation de l’université de Louvain, et que les moyens des maisons y ont
également éprouvé une grade augmentation.
Ce motif seul sera assez puissant, messieurs, pour
vous déterminer à majorer le traitement de ces juges que l’on a laissés dans
l’oubli, tandis que depuis l’installation du tribunal de Louvain, il y a
au-delà de 40 ans, presque tous les traitements des employés des autres
administrations ont été à peu près doublés.
Vous ne leur refuserez pas aujourd’hui, messieurs, à
ces magistrats, ce que vous leur eussiez accordé en 1838, alors que vous avez
conféré le second rang au tribunal de Charleroy avec augmentation de son
personnel, si leur pétition fût arrivée en temps opportun ; ils auraient
obtenu le même succès, car l’arrondissement de Louvain prime celui de Charleroy
(de plus de 51,000 habitants) par sa population, par le nombre de ses villes,
et par la quantité de jugements rendus, dans les deux années 1835 et 1836, qui
dépassent ceux de Charleroy de 272.
Arrive maintenant la question financière qui ne peut
jamais être un obstacle lorsqu’il s’agit de faire acte de justice ; et,
après tout, messieurs, à combien s’élevait la dépense pour porter les
appointements des juges de Louvain de 2,400 à 2,800 francs, et leur donner une
deuxième section ? Cette dépense ne monterait qu’à 5,960 francs, parce que
M. le ministre de la justice pourrait y envoyer des magistrats rentrés en
Belgique, qui n’ont pas encore été replacés, ainsi que des juges qui se
trouvent en disponibilité dans les tribunaux d’Arlon, de Tongres et de Neufchâteau,
par suite de la réduction de leur personnel.
Ne serait-ce point décourager les juges de Louvain que
de ne point leur adjoindre des collègues qui sont sans emploi, et alors qu’ils
n’ignorent point que dans tel tribunal où il y a surabondance de personnel, les
juges à tour de rôle prennent un mois de congé ?
Mais non, messieurs, vous ne consentirez pas à une
pareille injustice, et vous saurez apprécier toutes les raisons qui se
présentent en faveur des juges de Louvain à qui vous rendrez pleine et entière
justice, en augmentant leurs appointements et en leur accordant une deuxième
section.
M. Peeters – Messieurs, on vous a
beaucoup parlé dans cette enceinte de l’augmentation des traitements de la
magistrature dans l’intérêt des magistrats, permettez-moi de vous entretenir un
instant de l’augmentation des traitements de quelques juges dans l’intérêt des
justiciables. Vous comprenez sans doute que je veux parler de la proposition
faite il y a environ quatre ans par notre ancien collègue l’honorable M. Heptia
tendant à supprimer la quatrième classe des tribunaux de premier instance,
proposition qui n’a pas été discutée jusqu’à ce jour, et que je crois urgent et
même indispensable pour quelques localités.
Je m’explique.
Je conçois qu’il y ait une première classe de
tribunaux de première instance dans les villes de premier ordre, une seconde
classe dans les chefs-lieux de province où siège une cour d’assises, et une
troisième classe dans les autres tribunaux d’arrondissements, tous égaux en
autorité ; mais je ne comprends pas pour quel motif on a pu former une
quatrième classe inférieure en grade et moins rétribuée.
Aussi les tribunaux de quatrième classe, au grand
préjudice des justiciables, ne sont envisagés que comme des stages ou noviciats
judiciaires.
A la moindre vacature, les juges de ces tribunaux
s’empressent de solliciter un changement pour avoir un rang et un traitement
supérieur, et ainsi cette quatrième classe, continuellement renouvelée, réunit
d’ordinaire peu de magistrats de mûre expérience connaissant les usages, les
mœurs et les coutumes de leurs justiciables ; vous savez, messieurs,
qu’une affaire mal jugée en première instance fait quelquefois la ruine du
plaideur.
Lorsque la quatrième classe a été créée, on s’est
imaginé peut-être que dans les villes où ces tribunaux devaient être établis,
la vie était moins chère, dans ce cas, le choix qu’on a fait pour le tribunal
de Turnhout n’est pas fondé, dans cette ville de fabriques la vie est plus
chère que dans plusieurs autres villes où il y a des tribunaux de troisième
classe.
Des faits irrécusables viennent conformer ce que
j’avance, depuis la réorganisation de l’ordre judiciaire, six mutations ont eu
lieu dans ce tribunal, ce qui prouve à l’évidence que la position des juges n’y
est pas avantageuse.
Ainsi au moment où je parle, le tribunal de Turnhout,
par suite de ces mutations, se trouve dans l’impossibilité de se composer pour
les affaires civiles, lesquelles doivent être forcément remises à un temps
indéterminé au grand détriment des justiciables, et remarquez qu’il y a des
affaires importantes devant ce tribunal, entre autres une contestation sur la
propriété du grand domaine de Postel qui vient d’être rendue récemment pour un
million cinq cent mille francs.
Je recommande cette affaire à l’attention sérieuse de
M. le ministre, persuadé que je suis que, pour le tribunal de Turnhout, il y a
urgence, d’améliorer le sort des juges. La suppression de tous les tribunaux de
quatrième classe n’occasionnerait qu’une augmentation de dépenses d’environ 14
mille francs pour tout le pays, somme bien minime en proportion des avantages
qui en résulteraient pour les justiciables, puisque les juges de ces tribunaux
mieux rétribués ne mettraient plus d’empressement pour les quitter.
J’espère aussi que bientôt nous pourrons nous occuper
d’améliorer le sort des juges de paix, qui, ainsi qu’on l’a très bien fait
observer dans une séance précédente, n’ont pas été augmentés depuis leur
institution.
Je pense que la suppression de la quatrième classe des
tribunaux de première instance, et l’amélioration du sort des juges de paix,
doivent précéder l’augmentation générale demande pour la magistrature.
M. de Man d’Attenrode – L’honorable M. Vandenhove
vient de plaider la cause du tribunal de Louvain. Je viens appuyer sa demande.
Ce tribunal, déjà à plusieurs reprises, a adressé des
réclamations sur ce que son personnel n’était pas en rapport avec les affaires
qui lui sont déférées. Ces réclamations sont restées sans suite ; il vient
de les renouveler, et sa requête est déposée usr le bureau.
Il y a deux ans, la chambre a accordé une deuxième
chambre au tribunal de Charleroy, convaincue qu’elle était de l’insuffisance de
son personnel. Si cette insuffisance lui a procuré cet avantage, le tribunal de
Louvain peut se fonder sur une insuffisance encore plus grande ; en effet,
le tribunal dont j’appuie les réclamations se trouve surchargé d’un tiers de
causes de plus que celui de Charleroy ; M. le ministre de la justice
pourra se convaincre de l’exactitude de ce que j’avance. Le tribunal de Louvain
est encore constitué tel qu’il l’était sous l’empire français ; depuis
cette époque, la population est presque doublée ; le nombre des causes a
suivi cette progression ; elles se sont encore accrues par un plus grand
mouvement dans les affaires, par l’impulsion que donne nécessairement la
prospérité dont jouit le pays. Je demande donc que le gouvernement veuille bien
prendre en considération la requête du tribunal de Louvain qui tend à obtenir
une deuxième chambre.
M. de Mérode – Messieurs, il me semble
qu’il serait à propos de supprimer la quatrième classe de tribunaux par les
raisons qu’a fait valoir tout à l’heure mon honorable collègue, M. Peeters. A
cet égard, j’appelle aussi l’attention de M. le ministre de la justice.
La ville de Nivelles a aussi son tribunal rangé dans
la quatrième classe. Si je nomme celui-là, ce n’est pas parce que je suis
député de l’arrondissement de Nivelles ; mais je désire signaler les
inconvénients qui résultent de cette quatrième classe. Je crois que tous les
tribunaux de quatrième classe devraient être portés à la troisième ; trois
classes me semblent suffire pour distinguer les différents tribunaux. Ce
serait une mesure d’ordre général.
M. Pirson – Je ne parlerai pas du
tribunal de Dinant, mais de tous ceux qui se trouvent dans la même position.
Tous les tribunaux qui sont dans la quatrième classe sont en position de
demander à être relevé jusqu’à la troisième. Comment voulez-vous qu’un juge
vive aujourd’hui honorablement, avant d’arriver dans l’état-major de la
magistrature ? Il faut au moins donner à vivre à ceux qui sont dans les
rangs les plus inférieurs. Comme on vient de le faire remarquer, la dépense ne
serait pas très grande, si on plaçait les tribunaux de quatrième classe dans la
troisième.
Depuis quatre ans on réclame cette mesure ; on en
a reconnu la nécessité, et cependant on l’a toujours ajournée. Si vous
l’ajournez encore, je ne sais quand viendra le moment où vous ferez cet acte de
justice.
Messieurs, il y a dans les grandes villes des
avantages qu’on ne trouve pas dans les petites. Ceux qui ont des enfants
peuvent leur faire donner de l’éducation dans une grande ville ; tandis
que ceux qui sont dans une petite ville, où il n’y a pas d’établissement d’instruction, ne
peuvent y faire élever leurs enfants. Tout l’avantage n’est donc pas du côté
des petites villes.
Mais, comme vous l’a fait observer l’honorable M.
Peeters, la plupart de ceux qui se présentent pour remplir des places dans les
tribunaux de première instance regardent ces emplois comme un marchepied pour
arriver plus haut, je ne dirai cependant pas cela du tribunal de Dinant, qui
est composé d’hommes honorables, et qui ont bien l’intention d’y rester, parce
qu’ils y ont leur famille, et qu’ils sont placés de manière à ne pas désirer
d’aller ailleurs, à moins que pour un avantage considérable.
Mais il est d’autres tribunaux, celui de Marche, par
exemple ; et d’autres localités dans le Luxembourg, où on croit que les
dépenses ne sont pas aussi élevées. C’est une erreur ; la vie y est plus
chère qu’on ne le pense, parce qu’on ne peut s’y procurer les moyens de
nécessité qu’en allant dans une ville à sept ou huit lieues de distance. Il
convient donc que vous amélioriez la position des juges de ces localités.
Si je fais attention à la besogne, et si je vous parle
du tribunal de Dinant, tous les ministres ont reconnu qu’il y avait là un
arriéré considérable, aussi considérable qu’il pourrait l’être à Charleroy ou
dans toute autre ville.
J’avais demandé qu’on ajoutât quelques juges pour
composer une seconde chambre. Mais mes réclamations n’ont pas été aussi vives
que celles qu’on faites pour Charleroy et quelques autres localités. Ces
localités avaient des orateurs assez tenaces qu’il n’ont pas lâché prise avant
d’avoir obtenu ce qu’il demandaient bien légitimement. Si nous ne sommes pas
aussi tenaces, veuillez au moins écouter ce que nous vous disons pour que la
justice soi véritablement rendue.
Quant à la question de reporter les tribunaux de
quatrième classe à la troisième, je voudrais que le principe fût admis
aujourd’hui. Car si vous ne l’admettez pas aujourd’hui, ce sera encore remis je
ne sais à quelle année.
Un membre – A l’an 40.
M. Pirson – Non, car nous y sommes, nous sommes même presque au bout.
Si vous adoptez aujourd’hui le principe d’ici à ce que
le budget soit voté, M. le ministre pourra faire ses calculs et vous proposer
la majoration nécessaire au budget.
M.
Dubus (aîné) – La chambre est saisie d’un projet de loi.
M. Pirson – Oui, elle est saisie d’un projet. Mais je n’en persiste
pas moins à demander qu’on vote le principe. Vous n’en saurez pas davantage
quand la commission qui est saisie de ce projet aura fait son rapport. Tout le
monde connaît la position des juges de ces tribunaux ; l’affaire a été
instruite par le gouvernement. Pourquoi ne l’a-t-on pas encore discutée ?
C’est parce qu’on l’a toujours remise au moment où on pourrait s’occuper de
l’amélioration de la position de tous les membres des tribunaux. Mais avant de
faire quelque chose pour les grands tribunaux, faites quelque chose pour les
petits ; faites quelque chose pour assurer la vie des personnes attachées
aux tribunaux inférieurs.
Je demande donc qu’on vote aujourd’hui le principe,
c’est-à-dire qu’on décide que les tribunaux de quatrième classe sont portés à
la troisième ; ou au mois qu’on mette à l’ordre d’un jour le projet qui
vous est soumis relativement à cet objet.
M. Rodenbach – Messieurs, les honorables
préopinants ont formé le vœu que les tribunaux de quatrième classe soient
supprimés. Je ne disconviens pas qu’ils peuvent former ce vœu ; mais il me
semble qu’on choisit mal le moment, alors qu’on parle de faire des économies,
que nous sommes accablés d’un budget énorme. Ce ne serait pas là faire des
économies, ce serait se mettre dans l’obligation de voter quelques millions de
plus.
Je pourrais aussi former des vœux, mais je m’en
abstiens, parce qu’on dirait que je parle aussi pour mon district. Je pourrais
dire, par exemple, que dans l’arrondissement de Courtray, il ne se présentait
avant la révolution que cinq cents causes par an ; maintenant il y en a
mille ; voilà le double. Je pourrais donc demander qu’on élevât le
tribunal de cet arrondissement de la troisième à la deuxième classe. Mais je
sais que ce n’est pas le moment.
D’ailleurs on s’occupera plus tard de la magistrature ;
on verra s’il manque quelques juges dans certains tribunaux et on les
complètera. Mais, je le répète, ce n’est pas le moment. Il faut songer à faire
des économies. Car il paraît que la plupart de propositions nouvelles faites
dans le budget des voies et moyens sont rejetées à l’unanimité. Il faut trouver
le moyen d’équilibrer nos recettes avec nos dépenses.
Ainsi, je pense que les honorables préopinants
comprendront eux-mêmes qu’il est tout à fait inopportun de demander maintenant
la suppression des tribunaux de quatrième classe.
M. Vandenhove – Je demanderai que la
commission soit invitée à faire un prompt rapport sur la pétition du tribunal
de Louvain, qui nous a été adressée lundi dernier.
- Cette proposition est adoptée.
M. Verhaegen – Il me semble que ce qui
est arrivé les années précédentes arrive également cette année ; de toutes
parts on fait des propositions particulièrement relativement à tel ou tel tribunal,
mais on laisse de côté ma proposition qui est générale, qui comprend tous les
tribunaux. J’appuierais volontiers ces propositions particulières parce que mon
but est d’améliorer la position des magistrats. J’appuierai volontiers la
proposition de M. Vandenhove relativement au tribunal de Louvain parce qu’il me
paraît démontré que le tribunal de Louvain a réellement trop de besogne et
qu’il ne peut suffire à cette besogne sans avoir quelques juges de plus ;
mais il y a d’autres tribunaux qui ont trop de juges et il en est d’autres
aussi qui se trouvent dans la même position que celui de Louvain.
Il faut donc, à cet égard, un projet de loi général et
je viens d’apprendre à l’instant par un de mes honorables collègues que M. le
ministre de la justice s’occupe d’élaborer un projet semblable, et qu’il se
propose de nous présenter ce projet dans quelques temps. S’il en est ainsi, je
ne persisterai pas dans le vœu que j’ai émis précédemment à cet égard et que je
me proposais d’émettre encore aujourd’hui, car je préfère laisser au
gouvernement le soin de régler les choses d’une manière convenable. Le
gouvernement pèsera tous les intérêts et mon but sera atteint.
M. de Mérode – Ce n’est pas, messieurs, dans
l’intérêt des magistrats qui composent les tribunaux de quatrième classe, c’est
dans l’intérêt de leurs justiciables que j’ai parlé. Je conçois très bien qu’un
jeune homme se contente du traitement affecté aux fonctions de juge d’un
tribunal de quatrième classe ; mais lorsqu’un juge a tant soit peu vieilli
dans un semblable tribunal, il demande à passer dans un autre et c’est là,
selon moi, le grand inconvénient de l’existence de ces tribunaux de quatrième
classe.
Si ce que l’honorable M. Rodenbach dit est vrai, si
l’on refuse toute espèce d’augmentation dans le budget des voies et moyens,
alors il faut renoncer à administrer le pays. Alors on fera comme on pourra, on
administrera au rabais ; quant à moi, je pense que le plus mauvais service
que l’on puisse rendre au pays, c’est de ne pas augmenter le budget des voies
et moyens.
- Le chiffre de 844,000 francs est mis aux voix et
adopté.
« Art. 6. Justices de paix et tribunaux de
police : fr. 282,120. »
M. de Villegas – Puisqu’on a parlé des tribunaux de première
instance et de commerce et que chacun me paraît avoir plaidé la cause de sa
localité, je me permettrai d’élever la voix en faveur des justices de paix.
Déjà les années précédentes, plusieurs orateurs ont attiré
l’attention bienveillante de la chambre sur la nécessité d’apporter des
améliorations au sort des juges de paix en général (erratum, Moniteur du 20
décembre 1840) et des juges de paix de campagne en particulier. Ces orateurs
ont démontré que les fonctionnaires dont il s’agit ne sont pas rétribués en raison
des services qu’ils rendent au pays. Les vœux qui ont été exprimés à ce sujet
et auxquels je m’associe sincèrement peuvent, je pense, être réalisés
complètement si la chambre consent à s’occuper, immédiatement après la
discussion des budgets, du projet de loi sur la circonscription cantonale.
J’aurais l’honneur de faire remarquer à la chambre que ce projet de loi a déjà
été mis à l’ordre du jour l’année dernière et qu’il n’en a été retiré que par
suite de la crise ministérielle.
Je prie donc la chambre de vouloir s’occuper de
l’organisation des justices de paix, aussitôt après la discussion des budgets,
et en premier lieu, du projet de la circonscription cantonale, auquel se
rattache la révision de la législation sur le notariat, révision qui, comme vous
le savez, messieurs, est réclamée depuis longtemps par de nombreux intérêts.
Je prie M. le ministre de la justice de vouloir bien
prêter son appui aux observations que je viens d’avoir l’honneur de présenter.
M. de Garcia – La discussion générale du
budget de la justice ayant été tant soit peu excentrique, cela m’a empêché de
présenter mon observation sur la nécessité d’organiser incessamment les
justices de paix. Cette magistrature moderne, mais très intéressante, mérite
toute la sollicitude du gouvernement. Si nous procédons à l’organisation des
justices de paix, cela n’entraînera pas une dépense considérable ; moi,
qui suit économe par excellence et qui veut des réductions partout où elles
sont praticables, je crois que 50,000 francs suffiraient pour cette
organisation, et je la voterai avec empressement. Je convie donc M. le ministre
de la justice à vouloir présenter le plus tôt possible un projet de loi pour
organiser cette partie de la justice.
Tel a été le vœu manifesté par la section centrale. La
section centrale n’a pas partagé l’opinion de l'honorable M. Verhaegen sur
l’opportunité de majorer de suite les traitements des autres membres de la
magistrature, parce que cette magistrature a reçu une organisation à une
époque, il est vrai, où l’on voulait un gouvernement à bon marché. Les temps
sont un peu changés ; tout le monde veut aujourd’hui des majorations de
traitements. Savez-vous, messieurs, quel est aujourd’hui le traitement moyen
des juges de paix ? Ils reçoivent moins de 900 francs, et il faut convenir
que ce n’est pas là un traitement convenable. Faites attention, messieurs,
qu’un bon juge de paix rend plus de services à l’Etat et aux justiciables, je
n’hésite pas à le dire, qu’un membre de la cour de cassation. Nous ne devons
pas oublier que cette classe de magistrats mérite toute notre sympathie et
notre sollicitude.
Je prie donc M. le ministre de la justice de vouloir
nous présenter le plus tôt possible un projet de loi sur l’organisation des
justices de paix.
- L’article est mis aux voix et adopté.
M. Peeters – Puisqu’on a rien décidé
pour les tribunaux de quatrième classe, je fais mienne la proposition qui a été
faite dans le temps par M. Heptia. Je demande que cette proposition soit
renvoyée aux sections.
Plusieurs membres – Elle y a été renvoyée.
M. Peeters – J’examinerai ce qui en est et je ferai demain une
motion à cet égard.
Chapitre III – Justice militaire
Article 1
« Art. 1er. Haute cour militaire –
Personnel : fr. 62,050. »
La section centrale, d’accord avec M. le ministre,
propose de majorer cet article d’une somme de 770 francs, qui devra être
diminuée du budget des finances.
(Moniteur n°355
du 20 décembre 1840) M. de Garcia – Messieurs, en prenant la parole à l’occasion de la
partie du budget, concernant la haute cour militaire, mon intention est moins
de critiquer le chiffre pétitionné de ce chef pour 1841, que de présenter
quelques considérations sur la nature de ce corps judiciaire.
La haute cour militaire entraîne le pays dans des
dépenses considérables ; le seul article de son personnel figure au budget
pour une somme de plus de 62,000 francs et si l’on ajoute à cette dépense celle
des allocations demandées pour matériel, constructions et réparations des
bâtiments, qui lui sont indispensables, l’on doit considérer que de ce chef le
pays et le trésor sont soumis à une dépense de 80 à 100 mille francs au moins.
Dans cet état, messieurs, qu’il nous soit permis de jeter
un coup d’œil sur la nécessité de la haute cour militaire et sur sa
constitutionnalité.
Suivant ma manière de voir, la double question que je
me fais, savoir, si dans notre pays et d’après les institutions dont nous
jouissons, la haute cour militaire constitue un degré de juridiction je ne
dirai pas nécessaire, mais utile, constitue un degré de juridiction
constitutionnel, doit recevoir une solution négative.
J’aurai d’abord l’honneur d’observer que quant à la
question de la constitutionalité de cette institution, je la soulève avec tous
les doutes que comportent les questions de cette nature. En peut de mots, je
présenterai les considérations qui me déterminent à penser que la haute cour
militaire, dans le cercle des attributions qui lui sont conférées par l’ancien
code militaire des Pays-Bas, n’est réellement point en harmonie avec nos
principes constitutionnels. L’ancien code militaire des Pays-Bas confère à la
juridiction militaire, de la manière la plus générale, la connaissance de tous
les délits et crimes commis par des militaires, sans avoir aucun égard à la
circonstance, si ces crimes ou délits touchent à la discipline ou à la
subordination nécessaire dans toute armée bien organisée.
A mes yeux un pareil ordre de choses constitue un
véritable tribunal d’exception pour les crimes et délits, qui n’ont nul trait,
nul rapport à la discipline, à la subordination de l’armée.
Or, l’article 94 de la constitution du pays veut que,
sous aucun prétexte, il ne soit créé de tribunaux extraordinaires. Sans doute,
l’on ne peut considérer comme telle la juridiction militaire, si elle était
renfermée dans la connaissance des crimes et des délits contre la discipline et
la subordination, mais hors de là il m’est impossible d’y voir autre chose
qu’un tribunal d’exception ; le militaire est citoyen avant tout, et, pour
les délits et crimes ordinaires, il doit être renvoyé devant les tribunaux
ordinaires.
J’irai plus loin, et, d’après l’article 98 de la
constitution conçu comme suit : « Le jury est établi en toutes matières
criminelles, et pour délits politiques et de la presse, » je demande si la
juridiction militaire peut connaître d’aucun crime et des délits commis par la
voie de la presse ? Dans ce cas, la constitution veut un jury ; où se
trouve le jury dans la juridiction militaire ?
C’est en vain que, pour contester les observations que
j’ai l’honneur de vous soumettre, l’on voudrait m’objecter ce qui s’est fait
depuis 1830, et l’arrêté du gouvernement provisoire qui a rétabli la haute cour
militaire.
Cet arrêté a été pris sous la loi impérieuse de la
nécessité et je suis bien éloigné d’en faire un reproche à ce gouvernement.
Permettez-moi de vous donner lecture des motifs et du
dispositif de cet arrêté et vous aurez la preuve de ce que j’ai l’honneur
d’avancer.
Voici comment est conçu cet arrêté qui est du 6
janvier 1831 :
« Le gouvernement provisoire de
« Revu son arrêté du 27 octobre, par lequel sont
provisoirement maintenus les règlements et le code pénal militaires ;
« Considérant que, dans l’état actuel de choses,
les militaires condamnés par les conseils de guerre ne peuvent user de la
faculté d’interjeter appel ;
« Que les jugements prononcés par le conseils de
guerre ne peuvent être exécutés ;
« Qu’enfin la justice est entravée dans son
action, envers les militaires justiciables en premier et dernier ressort de la
haute cour militaire ;
« D’où résulte une triple lacune, qu’il est de la
plus grande nécessité de remplir, dans l’intérêt des condamnés de la société et
d’une bonne discipline militaire. »
En présence des termes de cet arrêté, il est plus
qu’évident que si le gouvernement provisoire a rétabli la haute cour militaire,
ce n’était que pressé par la nécessité, par la force des choses qu’il
rétablissait la haute cour militaire ; je suis convaincu que le
gouvernement provisoire était d’opinion, comme moi, que la haute cour
militaire, dans le cercle des attributions que lui conférait le code pénal des
Pays-Bas, était chose aussi inconstitutionnelle que les cours spéciales.
Dans l’impossibilité d’improviser un code pénal
militaire, dans l’impossibilité de pouvoir donner exécution aux condamnations
prononcées par les conseils de guerre, le gouvernement provisoire a dû
consacrer ou plutôt a dû maintenir provisoirement un ordre de choses qu’il
pouvait regarder comme inconstitutionnel, mais qui était indispensable.
Les questions que je viens de soulever méritent un
profond examen ; je ne puis dissimuler que je les soulève avec quelques
doutes, mais je désire qu’elles fixent l’attention du gouvernement.
Voilà, messieurs, tout ce que j’avais à dire sous le
point de vue de la constitutionalité du maintien de la haute cour militaire.
Je me propose maintenant de vous présenter quelques
considérations sous le point de vue de son utilité et sous le point de vue de
ce que la loi devrait faire à cet égard.
Supposons gratuitement que la juridiction militaire,
telle qu’elle est organisée aujourd’hui par le code pénal des Pays-Bas, soit
constitutionnelle, dans l’intérêt d’une bonne justice militaire ; est-il
nécessaire, utile même, de conserver la haute cour militaire ?
D’après ma manière de penser, et dans cette hypothèse,
la haute cour militaire est chose complètement inutile et une véritable
sinécure en gros.
Je pense que dans le nouveau code militaire, dont on
devrait s’occuper, l’on devrait se borner à avoir uniquement des conseils de
guerre, qui jugeraient en premier et en dernier ressort sur toutes les
contestations qui leur seraient déférées.
Toutes les décisions des conseils de guerre ne pourraient
être attaquées que par la voie de la cour de cassation, pour vice de formes ou
violation de la loi.
L’on m’objectera peut-être que, par ce mode les
militaires seraient privés de deux degrés de juridiction ; mais,
messieurs, prenons-y garde, cette justice, cette juridiction est une sorte de
tribunal de famille, qui n’est d’ailleurs pas neuve dans le système de nos
lois. Moi, messieurs, magistrat, tous les juges de première instance, tous les
officiers de police judiciaire, si nous commettions un délit, dans certains cas
données, nous n’aurions, d’après les principes des lois pénales qui nous
régissent, nous n’aurions qu’un seul degré de juridiction, nous sommes aussi
alors soumis à un espèce de justice de famille.
Ce que j’ai l’honneur de proposer à l’égard de la
juridiction militaire est donc, en quelque sorte, consacré par les lois dont
nous jouissons.
Au surplus, messieurs, comme je l’ai dit, en
commençant, si j’ai pris la parole, ce n’est pas pour contester, dans le moment
actuel, l’allocation demandée par le gouvernement. Nous sommes placés dans la
même situation que le gouvernement provisoire, nous ne pouvons improviser un
code militaire et il faut que justice se fasse. Je me borne à attirer
l’attention du gouvernement sur cette matière ; je l’engage à s’occuper
sérieusement de cette partie du service public, et à nous présenter dans le
plus court délai un projet de loi qui mette la justice militaire en harmonie
avec nos lois, et porter dans cette branche de l’administration générale
l’économie dont elle est susceptible.
Surtout qu’aucun considération de position acquise
n’arrête le gouvernement ni les chambres. Notre devoir comme celui du
gouvernement, est d’améliorer nos institutions et de faire toutes les économies
praticables dans les dépenses de l’Etat.
D’après les observations que je viens d’avoir
l’honneur de vous soumettre, je voterai le chiffre pétitionné par le
gouvernement pour l’année 1841, mais si l’an prochain rien n’était fait à
l’égard de la juridiction militaire, je voterai contre le budget de la justice
pour 1842.
(Moniteur n°354
du 19 décembre 1840) - Personne ne demandant plus la parole, le chiffre de
62,050 francs est mis aux voix et adopté.
Articles
2 et 3
« Art. 2. matériel : fr. 5,000. »
Adopté.
« Art. 3. Auditeurs militaires et prévôts :
fr. 44,253. »
Adopté.
Chapitre IV – Frais de justice
Article
unique
« Art. unique. Frais d’instruction et
d’exécution : fr. 555,000. »
Adopté
Chapitre V – Palais de justice
Article 1
« Art. 1er. Constructions, réparations, loyers de
locaux : fr. 200,000. »
M. de Langhe – Messieurs, M. le ministre
de la justice m’a porté en quelque sorte le défi de prouver que les majorations
qui étaient demandées dans les divers budgets : ces majorations, les
chiffres les prouvent mieux que moi : En voici une. Je sais bien que
toutes les majorations proposées seront justifiées ; ce seront toujours
celles que l’on attaquera qui seront les plus nécessaires ; on nous
dira : demandez tout autre chose, mais pour cette réduction, nous ne
pouvons pas y consentir.
Quoi qu’il en soit, je ne m’engage pas à voter toutes
les majorations qui ont été demandées ; les chiffres sont là, ils seront
plus éloquents que moi. Je dis de plus que toutes les majorations ne peuvent
pas être attaquées dans une chambre ; que, lorsqu’un ministère déclarera
que les besoins de l’Etat rendent indispensable une majoration, il vous sera
extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, de démontrer mathématiquement
le contraire. En effet, nous n’avons pas sous la main les éléments nécessaires
pour nous fixer d’une manière positive sur beaucoup de chiffres des budgets.
Des économies sont possibles, je le crois fermement,
je crois que notre état administratif a été beaucoup moins dispendieux
autrefois que maintenant et que l’administration a toujours été augmentée
d’année en année, au moyen d’un accroissement, souvent très considérable de
dépenses.
Je sais bien qu’on me dira encore : mais arrangez
un budget, et votez-le.
Je dirai d’abord que la manière dont les budgets sont
arrangés par la chambre n’est pas toujours la même, et que si je dois à la
majorité le respect dû à ses décisions, je ne leur dois pas le sacrifice de mes
opinions, et par conséquent de mes votes.
J’avouerai franchement qu’il y a quelque chose de
systématique dans mes votes contre les budgets. Je ne veux pas cependant
renverser le ministère actuel ; il m’est assez indifférent que telles ou
telles personnes soient assises sur les bancs des ministres ; je ne tiens
qu’à une chose, c’est que le pays soit bien administré. Quand je trouve que les
ministres s’engagent dans une mauvaise route, mon devoir est de m’y opposer par
tous les moyens en mon pouvoir.
Pour revenir à l’article en discussion, on demande
200,000 francs pour cette année. L’année dernière on n’a demandé que
35,000 francs. Il y a donc une majoration de 165,000 francs. A quoi cette
majoration est-elle destinée ? il y a beaucoup de vague dans les
explications données par M. le ministre. C’est d’abord pour l’assainissement et
l’appropriation du palais de justice de Bruxelles. On a dit beaucoup de mal du
palais de justice de Bruxelles, mais on n’a pas dit qu’il fût malsain, on a dit
que la pluie y pénétrait, mais lorsque la pluie pénètre dans un bâtiment, il
n’y a pas de si mince propriétaire qui ne sache qu’il faut boucher les trous
qui donnent passage à la pluie.
Or, je dis que si depuis trois ans, comme on prétend,
la pluie a pénétré dans les salles d’audience du palais de justice de
Bruxelles, je ne saurais comment qualifier la conduite de ceux qui sont chargés
de l’entretien du bâtiment. On pourrait croire qu’on l’a négligé exprès, pour
avoir le prétexte de bâtir un nouveau palais de justice.
Le crédit est encore destiné à construire un logement
pour le directeur du Moniteur dans le local de l’ancienne imprimerie normale.
Je crois qu’en vertu du contrat un logement n’est pas dû à ce fonctionnaire.
On parle aussi de réparations aux bâtiments occupés
par les différentes cours de justice ; mais sans doute ces réparations ont
été faites les années précédentes, et il n’y a pas de raison pour les faire
toutes exécuter aujourd’hui.
Je dirai à ce sujet que j’ai appris avec étonnement
que les cours et tribunaux qui occupent des bâtiments appartenant à l’Etat, ne
paient aucun loyer. Je crois que nous sommes dans un moment où nous devons
faire usage de toutes nos ressources, et n’en négliger aucune.
Je demanderai donc que M. le ministre veuille bien me
dire en quoi consistent les travaux d’assainissement et d’appropriation qu’on
se propose de faire exécuter au palais de justice de Bruxelles ; ce
bâtiment est depuis vingt ans à la disposition des tribunaux, et il est à
croire qu’il est maintenant approprié à l’usage auquel il sert depuis si
longtemps.
M. le ministre nous a dit qu’il ne sait pas
positivement ce qu’il avait à demander pour certaines dépenses. Eh bien, c’est
une raison pour les ajourner. Il nous a dit qu’il ne ferait usage des crédits
que dans la limite des besoins. Or, je pense, messieurs, que dans la position
financière où nous sommes, nous devons nous borner à voter les sommes
strictement nécessaires, car si nous allions voter des sommes plus fortes, nous
devrions élever d’autant nos impôts. Or, ce n’est pas le moment de les majorer.
Je prie donc M. le ministre de la justice de me donner
des explications sur les points que j’ai signalés : ces explications
détermineront mon vote.
M. le ministre de la
justice (M. Leclercq) – Messieurs, j’espère que mes explications seront aussi
satisfaisantes que l’honorable préopinant peut le désirer.
Je dois d’abord m’expliquer sur le loyer du palais de
justice. Jusqu’à présent il n’a pas été pris de mesures pour exiger ce loyer
auxquels les provinces sont tenues, aux termes de la loi provinciale.
Cet objet a attiré d’abord mon attention lorsque je me
suis occupé de l’état du palais de justice, et j’en ai entretenu M. le ministre
des finances, pour qu’il pût aviser aux moyens de demander aux provinces le
payement qu’elles doivent. Au reste, c’est une affaire assez délicate. Les
provinces n’ont pas payé de loyer depuis nombre d’années, et il faut y mettre
quelques mesures, en exigeant ce payement.
La dépense, je ne dis pas la majoration, mais la dépense,
parce que si l’année dernière on demandait pour réparation et construction
35,000 francs seulement, tandis que cette année on demande 200,000 francs,
c’est que l’année dernière on demandait en même temps 400 mille francs pour la
construction du nouveau palais, ce qui avec les 35,000 francs faisait 435,000
francs. Cette année, par suite d’un dissentiment qui s’est élevé entre la ville
de Bruxelles et le gouvernement, il n’y aura plus lieu de construire un palais
de justice neuf, de sorte que cette dépense qui se serait élevée cette année à
400 mille francs, cessera de figurer au budget mais on ne peut cesser de l’y
faire figurer, sans la remplacer par une autre dépense, afin de mettre le
palais de justice actuel en état de servir à sa destination. Je l’ai fait
examiner par une commission d’ingénieurs qui avaient mission de voir si à
l’aide d’une somme quelconque on pouvait le réparer au point qu’il puisse
servir encore pendant un grand nombre d’années. Maintenant je puis dire que le
palais actuel moyennant les réparations qui seraient faites pourra durer encore
30 ou 40 ans. (Très bien ! très
bien !)
Ces réparations sont de deux sortes. Dans les
explications données à la section centrale, quand j’ai parlé de dépenses
d’assainissement, je n’ai pas entendu parler de la pluie qui tombe par les
toits, mais de l’humidité dont certains murs sont imprégnés au point que les
pièces ou appartements qu’ils renferment ne peuvent être habitées sans que la
santé des magistrats ou des fonctionnaires en souffre. Ces murs, il est
nécessaire de les changer.
D’un autre côté, il y a un grand nombre de poutres à
remplacer. Ensuite, la cour de cassation n’est pas logée, il faudra, pour
qu’elle le soit, faire des constructions nouvelles sur les terrains vagues qui
se trouvent dans l’intérieur du palais actuel. Je pense qu’avec de la prudence
et une bonne direction donnée aux travaux, le palais actuel ne sera pas aussi
convenable qu’un palais, mais pourra servir de siège à l’administration de la
justice. Voilà les motifs pour lesquels, au lieu de 400 mille francs, j’en
demande 200 mille.
Je dois donner aussi quelques explications sur les
palais de justice des différentes parties de
On a parlé du logement du directeur du Moniteur. Le
directeur du Moniteur a le rang de chef de division mais il n’a qu’un
traitement de 4 mille francs et dans les termes de son acte de nomination, il
doit avoir un logement, sans lequel d’ailleurs, il ne pourrait pas surveiller
les ateliers. On avait construit à côté de son ancienne demeure un atelier, cet
atelier tombait en ruine, il aurait fallu le reconstruire, cette dépense ainsi
que la location de la maison formaient une somme qui, capitalisées, nous a
fourni les moyens de faire la dépense de la construction d’une maison qui
formera l’entrée du siège de la haute cour militaire. Ainsi, au lieu d’une
dépense, c’est en réalité une économie.
Tels sont les objets sur lesquels porte le crédit
demandé.
M. de Langhe – Messieurs, les
explications données par M. le ministre de la justice me prouvent qu’il n’est
pas encore bien fixé sur ce qu’il veut faire, qu’il n’a pas encore fait faire
les devis nécessaires pour savoir à quoi se montera cette dépense. Je propose
qu’il s’en occupe dans le courant de l’année, et que l’année prochaine, il
demande des fonds. En attendant, je pense que 60 mille francs suffiraient pour
les travaux urgents. Je propose ce chiffre.
C’est avec répugnance que je prends la parole pour
combattre le ministère. Comme je l’ai déjà dit, je ne demande qu’une chose,
c’est que le pays soit bien administré. Quand je trouve qu’il ne l’est pas, mon
devoir est de le dire.
J’admire le sang-froid et la quiétude de ceux qui sans
de vives préoccupations peuvent envisager notre avenir financier. Pour moi, je
ne l’envisager qu’avec effroi.
Comment tout cela finira-t-il ? Je vais vous le
dire sans exagération. Je parlerai aussi bien dans l’intérêt du ministère que
dans l’intérêt de l’Etat. Je suppose que le ministère obtienne à peu près tout
ce qu’il demande, c’est ce qui arrive ordinairement. Voilà de nouveaux impôts
établis. Mais ces nouveaux impôts on ne les établira pas sans porter une
atteinte profonde à l’affection de la nation.
(erratum, Moniteur du 20 décembre 1840) Après cela, si
vous, ministres, vous continuez à marcher dans la voie où vous vous êtes
engagés, si vous n’avez pas le courage de porter d’une main vigoureuse le
scalpel de l’économie dans toutes les parties de l’administration, si vous vous
laissez toujours aller à céder à toutes les demandes, à toutes les exigences,
nos besoins iront toujour croissants et bientôt il faudra songer à établir
encore de nouveaux impôts.
Au surplus, vous avez la bonté de nous annoncer, nous
les voyons en perspective, mais bientôt vous ne pourrez plus en établir, vous
hésiterez à en proposer, rentrerez-vous alors dans le système des emprunts des
bons du trésor ? Il est facile de prédire où ce système doit nous mener
bientôt.
Arrêtons-nous, il est temps encore, au bord du précipice
dans lequel nous sommes prêts d’être entraînés. Mais il faut le vouloir
fermement et promptement. Si nous avons cette volonté ferme, chambres et
gouvernement, sans doute nous exciterons des plaintes, des clameurs, mais les
hommes sages nous applaudiront, mais la véritable nation, la nation qui paie
nous comblera de bénédictions.
M. le ministre des travaux
publics (M. Rogier) – Messieurs, le gouvernement est pénétré tout autant que
l’honorable préopinant de la nécessité d’apporter la plus grande économie dans
les dépenses publiques. On vous l’a dit, messieurs, rien n’est plus heureux
pour une administration que d’avoir à annoncer aux chambres qu’elle a pu
administrer le pays avec la plus grande économie. Rien n’est plus heureux pour
un ministre que d’avoir à annoncer qu’une réduction a pu être faite sur
l’allocation d’un crédit ; et ce plaisir nous l’avons récemment ressenti
en venant déclarer à la chambre, qu’un crédit supplémentaire de 375,000 francs
présumé nécessaire pour 1840, ne serait pas nécessaire et qu’il n’y aurait rien
à demander de ce chef à la législature. D’autre part, une réduction de 620
mille francs après vérification faite des besoins, ayant été jugée possible
pour 1841, nous n’avons rien eu de plus pressé que de venir vous l’annoncer.
Nous ne sommes pas plus insensibles que d’autres à la popularité qu’on acquiert
par les économies qu’on introduit dans les dépenses.
Nous nous trouvons vis-à-vis d’un déficit que
l’honorable préopinant, avec une grande exagération, compare à un abîme. Ne
perdons pas de vue que ce déficit vis-à-vis duquel nous nous trouvons, n’est
pas le résultat des propositions du budget, que ce déficit leur est antérieur,
que ce n’est pas l’augmentation de dépense proposée qui a produit l’insuffisance
de ressources. Ce déficit est le résultat des exercices antérieurs et non des
dépenses nouvelles.
Un membre – La dette hollandaise.
M.
le ministre des travaux publics (M. Rogier) – La dette hollandaise
n’est pas le fait du budget de 1841, mais d’un traité voté par les chambres et
non encore une fois le résultat des propositions faites par le ministère pour
assurer le service de 1841. Il faut donc examiner avec impartialité le budget
de et exercice, faire la part des exercices antérieurs et voir de combien
l’exercice nouveau se trouve grevé par des augmentations de dépenses.
Quant aux augmentations, comment faut-il les
examiner ? Faut-il les examiner en vue du service public, ou bien les
rejeter aveuglement par cela seul que ce sont des augmentations ?
Je pense que la situation du trésor exige beaucoup de
circonspection dans le vote de dépenses nouvelles, mais je pense que le
gouvernement et les chambres manqueraient à leur premier devoir, s’ils
repoussaient aveuglément, sans examen, tout dépense nouvelle par cela seul
qu’elle est nouvelle, que la dépense soit nécessaire ou non. Il faut s’assurer
d’abord de la nécessité de la dépense et du moment que cette nécessité est
démontrée, il faut avoir le courage de la proposer et de la voter.
En ce qui concerne le palais de justice, n’a-t-il pas
été démontré à l’évidence, alors qu’il s’est agi non de réparations, mais de
construire un palais nouveau dont la dépense était évaluée à 2 millions pour
l’Etat, n’a-t-il pas été démontré, dis-je, que la justice ne pouvait pas être
rendue d’une manière convenable dans le palais actuel tel qu’il est ? Cela
a été démontré tellement à l’évidence, qu’alors que le déficit existait déjà,
la chambre n’a pas hésité à engager le trésor dans une dépense éventuelle qui
pouvait aller à 2 millions.
Aujourd’hui, que venons-nous faire ? Venons-nous
demander l’exécution d’un vote antérieur, venons-nous demander une allocation
annuelle de 400 mille francs, qui devra se renouveler pendant cinq
années ? Non ; au lieu de vous demander deux millions, nous venons
vous dire que nous nous contentons d’une somme de 200,000 francs ; donc
nous vous proposons une économie de 1,800 mille francs. Y a-t-il dès lors
justice à reprocher au gouvernement la facilité qu’il aurait à se laisser
entraîner dans des dépenses exagérées ?
On a dit que l’on regardait avec effroi notre
situation financière. Je crois qu’on s’est encore ici laissé aller à des écarts
d’imagination. Notre situation financière n’a rien d’effrayant ; elle a aujourd’hui
le mérite d’être parfaitement connue ; et elle est claire pour tout le
monde. On a pu se faire illusion pendant quelques années sur cette
situation ; on a pu croire que nous avions une réserve de quelques
millions que nous n’avons pas. Mais de ce que le budget de 1841 s’ouvre comme
celui des années antérieures avec un déficit qu’il s’agit de combler, déficit
de quelques millions, il ne s’ensuit pas que notre situation financière soit
telle qu’il faille se livrer à une sorte de désespoir. Notre situation
financière est encore meilleure que celle d’aucun pays de l’Europe.
Au point de vue de l’impôt, est-il un seul pays qui
paye moins d’impôts que
La révolution s’est faite, avec une diminution
d’impôts imprudente peut-être, et qui n’était réclamée ni par les besoins du
pays, ni par l’opinion ; car j’entends dire que la révolution a été faite
pour obtenir un gouvernement bon marché ; mais nous sommes de ceux qui
savent pourquoi et comment la révolution a été faite. Je le déclare, parmi les
griefs de l’ancienne opposition, de l’union à laquelle je me fais honneur
d’avoir appartenu et d’appartenir encore, ne se trouvait point celui-là. Il ne
s’est jamais agi d’obtenir un gouvernement à bon marché. Ceux qui ont fait la
révolution étaient mus par des considérations d’un ordre plus élevé.
M. de Langhe – On demandait aussi la
réduction des dépenses.
M.
le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Cela venait en seconde ligne.
Les hommes généreux qui ont voulu la révolution étaient mus par des
considérations de nationalité qui dominaient de beaucoup les considérations de
budget. Eh bien, je le répète, depuis la révolution, n’avons-nous pas été, non
pas d’augmentation en augmentation, mais de diminution en diminution ?
Qu’on veuille bien me prouver que nous avons augmenté nos dépenses depuis la
révolution.
Le budget des dépenses qui pouvait être, je suppose,
de 80 millions la première année, est maintenant de 105 millions. Voilà donc un
grand accroissement de dépenses !
M. de Garcia – Je demande la parole.
M.
le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Mais d’où cela
résulte-t-il ? De l’accroissement successif de la fortune publique, de
l’état florissant du royaume et des dépenses productives qui ont été faites.
Car pour aborder un des griefs de l’opposition « économe », je
parlerai du chemin de fer. Le chambre, je le reconnais, a entraîné le pays dans
des dépenses considérables. Nous avons de ce chef au budget de la dette
publique 3 millions, au budget des dépenses 3 millions. Voilà donc 6 millions
dont le budget est grevé pour le chemin de fer. Mais en compensation de ces
dépenses, le chemin de fer figure au budget des voies et moyens pour 7
millions. Ce revenu ira, d’année en année, toujours en croissant ; et si
un jour le chemin de fer donnait lieu à une dépense de 20 millions et à une
recette de 30 millions, vous ne diriez pas que le pays est appauvri, qu’il a
une charge de 20 millions, vous diriez qu’il a fait un bénéfice de 10
millions ; voilà comment vous calculerez si vous voulez être justes
vis-à-vis du gouvernement et du chemin de fer.
Ce que je dis du chemin de fer est parfaitement
applicable aux autres travaux publics, par exemple, aux canaux. Le canal de
Charleroy, le canal de
Ainsi, lorsque le gouvernement, faisant en cela acte
de courage, vient vous demander de mettre vos recettes au niveau de vos
dépenses, et pour cela demande au pays un sacrifice de quelques millions, n’y
a-t-il pas lieu de s’effrayer, n’y a-t-il pas lieu de présenter la situation du
pays comme plus mauvaise qu’elle n’est ?
Je le répète, il ne faut pas supposer au gouvernement
des goûts dépensiers parce qu’il propose une augmentation dont il reconnaît la
nécessité. Il lui eût été bien plus commode de venir vous présenter mot à mot
le même budget que l’an dernier et pour les dépenses et pour les voies et
moyens ; cela lui eût été bien plus facile. Mais nous avons cru de notre
devoir de faire cesser un déficit qui n’a que trop longtemps existé. Ce déficit
n’est pas le résultat de dépenses nouvelles qui seraient proposées ; c’est
le résultat de dépenses anciennes.
Quand nous arriverons aux dépenses nouvelles, vous en
calculerez le montant ; vous les discuterez une à une avec une
impartialité patriotique, celles qui ne vous paraîtront pas positivement
nécessaires, vous les rejetterez ; mais en même temps celles dont vous
reconnaissez la nécessité et l’urgence et sur la nécessité au point de vue de
l'intérêt général, celles-là, vous n’hésiterez pas à les accorder.
J’espère que l’honorable membre ne verra rien de
personnel dans la réponse qui vient de lui être faite. Je suis le premier à
rendre hommage à son caractère. Je sais le rôle honorable qu’il a rempli dans
une autre législature. Les patriotes de 1830 n’ont pas oublié sur quels bancs
siégeait l’honorable membre que je combats en ce moment.
Je lui conserve, quant à moi, beaucoup de gratitude
pour l’indépendance de ses votes d’alors ; nous ne lui demandons pas
d’être moins indépendant vis-à-vis de nous ; nous ne lui demandons que
d’être juste pour le gouvernement et pour le pays.
Un grand nombre
de membres – Bien ! très bien !
- La séance est levée à 5 heures un quart.