Accueil Séances
plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note
d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du lundi 10 février 1840
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Motion d’ordre relative au projet de loi sur l’aliénation des
établissements de Meslin l’Evêque et d’Uccle (Zoude)
3) Projet de loi sur les chemins vicinaux. Charges d’entretien (communes
vs riverains) (article 13) (Milcamps, Verhaegen, Vandenbossche, Demonceau, de Roo, de Villegas, Milcamps, Dubus (aîné), de Langhe, de Theux, Desmet, Liedts,
Vandenbossche, de Theux, Dubus (aîné), F. de Mérode, Cools, Dubus (aîné), Verhaegen, Peeters, Desmet, Demonceau, F. de Mérode, Lebeau)
(Moniteur belge
n°42 du 11 février 1840)
(Présidence de M.
Fallon)
M. B. Dubus procède à l’appel nominal à une heure et quart ; il lit
ensuite le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est
adoptée, et il rend compte des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Ed. Tilleul, employé à la douane, à
Alveringhem, demande le paiement de ses appointements d’octobre et de novembre
derniers et l’exécution de l'engagement qu’il prétend avoir été pris envers lui
par le gouvernement. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_____________________
« Les propriétaires et fermiers du polder de
Santvliet demandent que la chambre s’occupe de la loi sur les indemnités.
Dépôt sur le bureau de la chambre pendant la
discussion du projet.
_____________________
« Le sieur Letellier, Français, né à Flessingue,
musicien du premier régiment de ligne, demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
_____________________
« Le sieur R. Vanmelle, dont le fils milicien de
- Renvoi à la commission des pétitions.
_____________________
M. de Brouckere informe la chambre qu’une
indisposition le retiendra chez lui pendant quelques jours.
- Pris pour notification.
_____________________
Par message du 8 février, le sénat informe la chambre
qu’il a adopté le projet de loi prorogeant au 1er janvier 1841 la
loi sur les concessions de péages.
- Pris pour notification.
M. Zoude – Messieurs, lors de la
discussion du budget de l’intérieur, la chambre a paru désirer qu’on s’occupât
du projet de loi présenté par le gouvernement pour l’aliénation des
établissements de Meslin l’Evêque et d’Uccle. Les sections du mois de mai
dernier se sont occupés de ce projet, mais un des rapporteurs, M. Heptia, ne
faisant plus partie de la chambre, je prierai M. le président, de vouloir bien
convoquer la première section du dit mois, pour procéder au remplacement de M.
Heptia.
M. le président – La première section du mois de mai dernier sera convoquée, à
l’effet de nommer un rapporteur, en remplacement de M. Heptia.
Discussion des
articles
Article 13 du projet du gouvernement (article 12 du projet de la
section centrale)
M. le président – A la fin de la dernière séance, on avait demandé la clôture
sur l’article 13 et les amendements qui s’y rapportent ; je proposerai à
la chambre de se prononcer sur cette demande de clôture. Quelqu’un demande-t-il
la parole ?
M.
Milcamps – Messieurs, dans la séance
d’avant-hier, il s’est élevé de très vifs débats sur l’amendement présenté par
M. Dubus. Je me suis livré à l’examen de cet amendement, et je désire soumettre
à la chambre le résultat de cet examen. Je demanderai donc la parole, si la
chambre décide que la discussion continue.
M.
Verhaegen – Il est bien entendu que si
M. Milcamps obtient la parole pour soumettre ses observations, on sera en droit
de lui répondre. (Sans doute !)
M. le président – Je mets aux voix la clôture.
Deux épreuves sont douteuses ; en conséquence la
discussion continue.
M.
Milcamps – Les questions qu’ont fait
naître les débats de samedi sur l’article 13 m’ont paru si graves, que je n’ai
pas osé prendre part à la discussion. Vous vous le rappelez, messieurs, trois
députés des Flandres et un député de Bruxelles ont prétendu que la proposition
du gouvernement et surtout l’amendement de M. Dubus plaçaient les deux Flandres
hors du droit commun, que la disposition portant qu’ « il n’est en
rien renoncé aux obligations résultant d’usages locaux », rendrait la loi
inapplicable aux Flandres, où l’usage met à la charges des riverains
l’entretien des chemins, et que c’est au maintien et à l’observance de cet
usage qu’il fallait attribuer le mauvais état des chemins dans ces provinces.
Le gouvernement a défendu l’article 13 tel qu’il
l’avait proposé comme exprimant le vœu des conseils provinciaux des deux
Flandres.
Deux députés ont soutenu l’amendement de M. Dubus en
s’appuyant principalement sur ce qu’il existait dans toutes les provinces, en
matière de réparations de chemins, des usages qu’il fallait respecter.
Nous voilà donc en présence de trois systèmes. Lequel
faut-il adopter ? C’est la difficulté.
J’ai, messieurs, profité de la journée d’hier pour
chercher des raisons de me décider. Et c’est le résultat de ces recherches que
je viens vous soumettre.
J’ai d’abord pensé qu’avant d’examiner chacun de ces
systèmes, il était utile convenable de bien définir ce qu’on entendait par
« chemin vicinal », « sentier vicinal », « servitude
vicinale », trois termes que nous rencontrons dans les projets en
discussion.
J’ai commencé par porter mes regards sur les lois
romaines, quand je citerai ces lois, vous me permettrez, messieurs, de vous en
rapporter le texte, cela est parlementaire ; naguère, un grand orateur, le
lord Peel, citait des vers de Virgile.
La loi 3, paragraphe 22 ff., titre 7, de locis et
itineribus, définit les chemins vicinaux des voies qui ont été formées avec les
champs des particuliers et dont l’origine est si ancienne qu’elle échappe à la
mémoire des hommes, on les range parmi les voies publiques.
« Viae vicinaies quae ex agris privatorum
collatis factae sunt quarum memoria non extat, publicarum viarum numero
sunt. »
La loi 2, 23 ff. titre 8, ne quid in loco publico,
dit : les voies vicinales sont celles qui sont dans les bourgs, ou qui
conduisent à des bourgs.
« Vicinales sunt quae in vicis sunt quae in vicos
ducunt. »
Dans la même loi, paragraphe 23, le jurisconsulte Paul
dit : Les chemins privés sont de deux sortes, les uns sont dans des terres
auxquelles on a imposé la servitude de fournir un chemin conduisant à la terre
d’autrui ; les autres mènent aussi à des domaines, mais tout le monde peut
y passer en quittant le grand chemin. En sorte qu’après le grand chemin, on
trouve une voie, un sentier ou un passage qui conduit à une métairie ; je
penserais que ces chemins qui conduisent au grand chemin dans les métairies ou
dans les villages sont aussi publics.
La même loi, paragraphe 21, avait dit auparavant qu’on
appelle chemin public celui dont le sol est au public.
Ces distinctions sont admises en France.
Tuliter, livre 3, n°497, édition de Bruxelles,
dit : « Outre les chemins vicinaux qui conduisent d’une ville ou d’un
bourg à une autre ville ou bourg ou à une route royale ou départementale, il y
a d’autres chemins publics qui conduisent d’un village ou hameau à un
autre ; on les appelle quelquefois chemins de traverse.
M. Garnier définit les chemins vicinaux ceux qui,
d’après leur destination, ont été classés par l’autorité administrative ;
sans classement, c’est une propriété ordinaire.
M. Isambert nie la conséquence : « un chemin
peut être public par sa destination et appartenir à la commune. Quant à la
propriété le classement ne fait rien. Le classement est nécessaire pour assurer
l’imprescriptibilité ».
« Des conseils non éclairés ont cru, en ne
réclamant les chemins qu’à titre de servitude, éluder la charge de l'entretien.
C’est une erreur. Si ces servitudes sont nécessaires à la vicinalité, on ferait
bien de les élever tout à fait au rang des chemins vicinaux, en indemnisant les
propriétaires.
« Nous appelons servitudes publiques, celles qui
ont été accordées non pas à des individus désignés nominativement ut singuli,
mais à la généralité d’habitants, ut universi.
« L’usage seul appartient au public ; celui
qui le doit, n’est tenu qu’à souffrir. »
Je reviens maintenant aux différents systèmes que la
discussion a fait naître. Et d’abord, je me suis demandé s’il était bien vrai
qu’il y eût pour les Flandres des usages observés pour l’entretien et la
réparation des chemins, je lis ce passage dans Degheweet, institutions du droit
Belgique.
« On
trouve dans Anselme deux placards touchant les réparations des chemins, l’un du
24 avril 1510, l’autre du 20 avril 1651. Le premier se trouve au deuxième
volume des placards du Brabant, folio 158 ; et le troisième volume des
mêmes placards, folio 592. La cour du parlement des Flandres les a adoptés pour
y être observés selon leur forme et teneur. L’arrêt est du 8 avril
Messieurs, que résulte-t-il de là ? C’est que les
Flandres comme les autres provinces de
Mais l’honorable M de Roo, député des Flandres, a fait
une observation. Il a dit que les usages locaux dans les Flandres n’étaient pas
aussi bien constatés qu’ils le paraissent à plusieurs membres. M. de Roo et M.
de Langhe ont demandé la suppression de l’amendement de M. Dubus, portant qu’il
n’est rien innové aux obligations « résultant d’usages locaux. » Ils
ont dit, et avec eux MM. Desmet et Vandenbossche, que l’adoption de cet
amendement allait maintenir les Flandres sous l’ancien régime. Ils ajoutent que
c’est à ce régime qu’on doit attribuer le mauvais état des chemins dans les
Flandres. Si cette objection était fondée, elle serait grave et elle devrait
préoccuper la chambre. Telle n’a pu être l’intention de la section centrale, ni
celle des députés qui l’appuient.
Messieurs, ce n’est pas à l’imperfection des lois
nouvelles qu’il faut attribuer l’observance, dans les Flandres, des anciennes
lois et des usages en matière d’entretiens et de réparations des chemins
vicinaux.
Les Flandres, comme je l’ai dit étaient, avant la
révolution française, comme les autres parties de
Ce qu’a voulu faire la section centrale, c’est de
soumettre tout le pays à la loi nouvelle, c’est que la loi fût obligatoire pour
tous. Il ne lui a pas été démontré que les Flandres fussent, sous le rapport de
l'entretien et de la réparation des chemins, soumises à de simples usages. Cela
est impossible. Elle a dû croire, et je le crois aussi, qu’elles étaient
soumises à la loi commune. Sans doute les édits des souverains, devaient pour
avoir force obligatoire dans les Flandres être enregistrés au parlement ;
mais j’ai établi que ceux de 1510 et 1651 l’ont été. N’est-il pas à présumer
que leurs postérieurs l’ont été également ? Et si, pour les édits
postérieurs, ce point n’était pas prouvé, il le serait au moins qu’on l’on y
suivait ceux de 1510 et 1651 et qu’ainsi M. de Roo lui-même avait raison de
dire qu’il n’était pas constant que les usages existassent.
Cela étant, ce n’était pas l’amendement de M. Dubus
qu’il fallait attaquer. Cet amendement est utile, et l’est pour le Brabant,
pour le Hainaut, pour Liége. Dans toutes les provinces, ce qu’on appelle
véritablement chemins vicinaux sont à la charge des communes ; mais il
y a des chemins dont, d’après l’usage,
l’entretien est à la charge des riverains, et ces usages la loi ne doit pas
innover. Tel a été le but de la section centrale.
Sans doute, s’il était démontré qu’en Flandre on se
réfère pour l’entretien et la réparation des chemins à de simples usages,
l’exception introduite par la section centrale rendrait peut-être la loi
inapplicable aux Flandres, mais on ne nous a pas prouvé, on n’a même pas tenté
de prouver qu’en effet les Flandres fussent soumises à de simples usages.
Jusque-là l’amendement de la section centrale doit rester debout : c’est
du moins mon opinion.
Je dirai un mot de mon amendement que je retire, car
il m’est démontré que les mots « sentier vicinal » sont compris dans
l’expression « chemins vicinaux ».
M.
Verhaegen – Messieurs, en prenant de
nouveau la parole, je n’ai d’autre but que de tâcher de faire une bonne loi
s’il est possible. Il n’y a ici, messieurs, qu’une question de principes, et
cette question me paraît tellement claire, qu’il me serait impossible
d’admettre une opinion contraire à celle que j’ai eu l’honneur d’émettre dans
la séance de samedi dernier. J’ai à mon tour réfléchi, et beaucoup réfléchi à
la discussion ; je m’étais dit, en sortant de la chambre, que, d’après les
opinions contraires à la mienne, émises avec beaucoup de force, il y avait possibilité
que je me fusse trompé ; dès lors j’ai examiné de nouveau la question, et
à mon tour aussi j’ai fait des recherches et beaucoup de recherches. Cet examen
et ces recherches m’ont convaincu que l’opinion que j’avais soutenue était la
seule qui pouvait être admise.
Je me permettrai de résumer en peu de mots ce que j’ai
eu l’honneur de dire samedi dernier ; et je le crois d’autant plus
nécessaire, que samedi dernier ne se trouvaient pas dans cette enceinte
plusieurs des honorables membres qui s’y trouvent aujourd’hui et qui sont
appelés à donner leur vote sur cette question importante.
Nous faisons aujourd’hui une véritable loi de
principe. Nous sommes dans l’habitude de faire des budgets ; mais nous ne
sommes pas dans l’habitude de faire des lois proprement dites. Il est difficile
à une chambre abandonnée à elle-même de faire des lois proprement dites ;
il faudrait qu’un corps appliqué à cette mission préparât les travaux
législatifs sur lesquels la législature n’aurait plus qu’à donner son vote ;
malheureusement c’est ce que nous n’avons pas ; et nous en sentirons plus
d’une fois les inconvénients.
Il y a dans l’espèce une question, mais une question
tout à fait vitale, et qui mérite de fixer votre attention. Si, dans la session
dernière, des opinions contraires ont été émises ; si nous-mêmes nous nous
étions trompé, nous ne craindrions pas d’avouer nos torts si nous en avions eu.
Il ne serait d’ailleurs pas étonnant que dans la session dernière, où nous
avions de graves occupations et où nous étions forcément préoccupés, lorsqu’a
commencé la discussion de la loi sur les chemins vicinaux ; il ne serait
pas étonnant que nous n’eussions pas apporté à cette discussion tout ce que
nous pouvions y apporter dans d’autres circonstances. Ainsi je ne répondrai pas
à des citations qui ont été faites relativement à des opinions énoncées par M.
Gendebien et auxquelles nous aurions donné notre adhésion.
Je ne pense pas que, sous ce rapport, on ait tout à
fait raison, mais la chose fût-elle ainsi, je n’en soutiendrais pas moins
l’opinion que j’ai développée samedi dernier. Quand une erreur a été commise,
on ne doit pas rougir de revenir sur son erreur.
L’amendement de M. Dubus, soutenu par M. Demonceau,
nous conduit à cette conséquence ; c’est que, pour les provinces où il y a
des usages anciens d’après lesquels les chemins doivent être entretenus aux
frais des riverains, il faut nonobstant la loi que nous allons faire, maintenir
ces usages ; c’est-à-dire, en d’autres termes, que dans certaines
provinces de
Pareille loi, je l’ai dit dans la précédente séance,
et on a trouvé mes expressions trop fortes, pareille loi serait une
monstruosité : je maintiens ce que j’ai dit. J’en étais arrivé, à la fin
de la discussion dernière, à demander quel était le premier caractère d’une
loi ; car enfin, il importe au législateur qui fait des lois de savoir
avant tout, quels sont les caractères de la loi. D’après les vives réclamations
qui ont eu lieu, je pouvais croire m’être trompé, et en conséquence j’ai fait
des recherches ; eh bien, ces recherches m’ont convaincu que le premier
caractère de la loi est d’être générale pour le pays au nom duquel on la
décrète. Une loi dans laquelle vous direz : les chemins vicinaux sont
entretenus dans telles ou telles provinces, au frais des communes, et dans
telles ou telles autres provinces aux frais des riverains, pareille loi
serait-elle tolérable ? Ne serait-elle pas contraire aux premières notions
de législation ? Peut-on faire des lois séparées pour chacune des
provinces d’une pays ? Système semblable est inadmissible.
Il y a des principes diamétralement opposés dans la
question qui nous occupe ; j’en connais : l’un, d’après lequel les
chemins seraient entretenus aux frais des communes ; l’autre, d’après
lequel les chemins seraient entretenus aux frais des riverains : c’est à
un de ces principes que vous donnerez la préférence ; mais une fois que vous
aurez fait votre choix, vous le proclamerez dans l’intérêt général ; et il
fera l’objet de la loi que vous décréterez. Mais dire que pour les provinces du
Hainaut, du Brabant, d’Anvers et de Liége, les chemins seront entretenus par
les communes, et que pour les autres provinces, les chemins seront entretenus
par les riverains : c’est faire une loi bigarrée ; c’est faire ce qui
est impossible, d’après les premières notions de la législation.
J’ai dit que l’amendement de M. Dubus conduit à ce
résultat. Et en effet, si vous décrétez dans votre article 13 que l’entretien
des chemins vicinaux est à la charge des communes sans préjudice des usages
locaux que vous maintenez, il est évident que vous décrétez par cela même que,
dans les provinces où il existe de pareils usages, les chemins vicinaux sont
entretenus aux frais des particuliers : l’amendement conduit là. M.
Milcamps croit échapper aux inconvénients en disant que, pour lui, il n’est pas
constant qu’il y ait dans les Flandres des usages constants.
Mais peu importe : pour les provinces où les
usages existent vous les maintenez ; pour les provinces où les usages sont
consacrés par écrit, où il y a des coutumes, vous les maintenez. C’est ainsi
que j’ai signalé à l’attention de la chambre la coutume d’Alost, d’après
laquelle les chemins, en général, doivent être entretenus par les propriétaires
riverains, et d’après laquelle les rivières mêmes doivent être entretenues à la
charge des riverains. Il résulte de là, que, pour ces provinces, ou ces parties
de provinces, où des usages constants, où des coutumes mettent à charge des
riverains les chemins vicinaux, la loi que vous allez faire maintiendra
l’entretien de ces chemins à charge des propriétaires riverains. Selon M.
Milcamps, la question sera, de la part des tribunaux, de savoir s’il y a des
usages établis.
Mais, messieurs, ces usages qui existaient dans les
Flandres, étaient le corollaire d’un droit, celui de plantation ; et le
tout dérivait des droits féodaux. L’entretien des chemins vicinaux par les riverains,
corollaire du droit de plantation, lequel droit était le corollaire du droit
féodal, est-ce une chose que vous puissiez maintenir en 1840. pouvez-vous
maintenir la féodalité, alors qu’on cherche à faire disparaître des
législations tout ce qui tient aux droits féodaux ? Qu’en résulterait-il
d’ailleurs ? ce sont les propriétaires qui profitent des plantations, ce
sont les pauvres fermiers qui entretiennent les chemins ; c’est une
observation qu’il ne faut pas perdre de vue.
Mais si l’on veut d’un pareil système, pourquoi faire
une loi ? laissez les choses telles qu’elles sont si vous pensez que les
usages anciens donnent encore des droits aujourd’hui ; car, dans ce cas,
il n’y a qu’une chose à rechercher : y a-t-il des moyens ou n’y en a-t-il
pas ? Mais s’il y a des usages locaux, et si ces usages donnent encore
aujourd’hui des droits, vous n’avez pas besoin de faire une loi ; dans ces
provinces ou les parties de province où ces charges existent, s’il ont encore
force aujourd’hui, on les appliquera ; dans les provinces ou les parties
de provinces où sont consacrés de pareils usages, les communes prendront toutes
les mesures nécessaires pour entretenir convenablement leurs chemins vicinaux.
Messieurs, la loi que vous faites n’est nécessaire
qu’autant que vous soyez disposés à faire quelque chose d’uniforme. Mais, si
vous voulez une bigarrure, si vous voulez pour la petite Belgique le système
coutumier d’autrefois ; si vous voulez autant d’usages que de provinces,
que dis-je, autant d’usages que de communes ; si vous voulez qu’il y ait
des dispositions particulières pour chaque province, pour chaque partie de
province, pour chaque commune ; si vous croyez que cet état de choses
puisse exister dans la situation actuelle de nos mœurs, vous n’avez rien à
faire, messieurs, vous n’avez pas besoin de vous compromettre par une loi qui
consacre une pareille bigarrure, vous n’avez qu’à laisser les choses telles
qu’elles existent. Mais, selon moi, ce serait là une erreur et une erreur
capitale.
Ces anciens usages, ces anciennes coutumes sont depuis
longtemps abrogés. Et l’on voudrait aujourd’hui leur donner une existence
nouvelle, on voudrait les faire revivre par la loi que nous discutons !
C’est, messieurs, ce que la législature belge ne fera pas en 1840 ; elle
ne consentira pas à ce que le pays, déjà assez petit, soit gouverné par des
lois différentes ; elle voudra l’uniformité, parce que l’uniformité est le
caractère essentiel, le premier caractère de la loi.
Trouve-t-on des inconvénients à mettre l’entretien des
chemins à charge des communes ? Eh bien, qu’on mette cet entretien à la
charge des particuliers, qu’on fasse les stipulations convenables, qu’on
procède d’une manière uniforme et qu’il n’y ait pas de privilège.
S’il y a des contrats, la chose est différente. Il
faut maintenir ces contrats. L’erreur, messieurs, dans laquelle on reste
provient de ce qu’on confond le contrat avec l’usage. L’honorable M. de Langhe
l’a parfaitement senti, et c’est à son amendement que je donne la préférence.
L’honorable M. de Langhe propose de dire qu’ « il n’est rien innové
par le présent article aux obligations des particuliers, ni aux règlements des
wateringues ».
Eh bien, cet amendement devrait suffire pour ceux-là
mêmes qui sont d’opinion que les anciens usages sont encore en vigueur, car si,
contrairement à mon opinion, les anciens usages n’avaient pas été abrogés par
les lois qui ont paru depuis, il résulterait de ces usages les obligations
légales pour les particuliers.
Pourquoi donc voulez-vous trancher la question, en
disant dans votre loi : qu’il n’est rien innové aux anciens usages qui
mettent l’entretien des chemins à charge des particuliers ?
pourquoi ? Parce que ceux qui veulent cette ajoute, veulent faire revivre
ce qui n’existe plus, car enfin s’ils étaient bien convaincus que ces usages
existent encore, il ne faudrait pas dire dans la loi que ces usages sont
maintenus.
Je le répète, l’amendement de l’honorable M. de Langhe
maintient les obligations légales des particuliers, et l’erreur des honorables
membres qui veulent cette disposition additionnelle dont il s’agit, résulte de
la confusion qui existe chez eux entre les usages et les contrats. Les contrats
donnent des droits acquis, non seulement pour le passé, mais pour le futur. Une
obligation contractée est un titre onéreux, qui donne des droits qu’un loi ne
peut pas enlever.
Ainsi, une commune aura fait une concession à un
particulier et ce particulier aura pris comme équivalent l’obligation
d’entretenir les chemins communaux ; il sera tenu à cet entretien,
nonobstant votre loi, parce que, par une loi, vous ne pouvez pas enlever les
droits et les obligations qui résultent d’un contrat.
Mais quel droit un simple usage donne-t-il aux
particuliers ? En faisant toutes les concessions à ceux qui veulent
l’abolition des mots : « ou résultant d’usages locaux », je
demanderai à ces honorables membres si un usage a plus de force qu’une
loi ? Je l’ai dit dans la séance précédente, pour qu’un usage puisse avoir
force de loi, il faut pour cela plusieurs conditions, et que lorsqu’un usage
réunir ces conditions, il peut avoir tout au plus force de loi.
Mais l’usage, comme la loi, peut être abrogé par une
loi nouvelle ; et pourquoi donc en agiriez-vous autrement ? La seule
objection qu’on ait faite est celle-ci :
« Dans les Flandres et les autres provinces où
l’on a mis à la charge des riverains l’entretien des chemins, ceux qui y ont
acquis des biens, savaient qu’ils étaient tenus à cet entretien ; ce
serait donc leur faire un avantage, en mettant cet entretien à charge des communes. »
Mais, messieurs, autant vaudrait-il dire que ceux qui
achètent des biens dans telle ou telle commune où ils savent qu’il existe tel
ou tel impôt communal, obtiendraient un avantage, si la commune ne renouvelait
pas cet impôt. Mais, messieurs, c’est la nature de tout impôt ; celui qui
achète des biens court toutes les chances d’impôt ; il peut être grevé
comme il peut être dégrevé ; s’il obtient un avantage, il peut être frappé
d’une charge.
Mais, est-ce une raison pour qu’il faille maintenir
cet état de choses, cette bigarrure ; pour qu’il faille maintenir pour
certaines provinces, un usage qui met l’entretien des chemins à charge des
riverains, pour qu’il faille, à l’usage d’autres provinces, faire une loi qui
mette cet entretien à la charge des communes. C’est messieurs, ce que je ne
puis concevoir.
Messieurs, je crois avoir établi par ces courtes
observations, qu’il y a une différence énorme entre les droits résultant d’un
contrat et les conséquences d’un usage. On m’a dit, et c’est la seule objection
à laquelle je doive encore une réponse, on m’a dit :
« Vous prétendez qu’il serait si extraordinaire
de conserver les anciens usages ; vous dites que ce serait une
bigarrure ; mais les auteurs du code civil ont adopté le même
système ; car dans telle ou telle disposition du code civil, le
législateur renvoie aux usages locaux. Ainsi, il ne sera permis de planter sur
sa propriété dans le voisinage d’un chemin qu’à telle ou telle distance
déterminée par les règlements et usages locaux. Une autre disposition dit qu’il
ne sera pas permis d’élever tel ou tel établissement, des fours, par exemple,
qu’à telle ou telle distance déterminée par les règlements et les usages
locaux.
En matière de baux, pour les récoltes, on observera le
délai voulu par les usages et règlements. Voilà le législateur, dit-on, qui a
renvoyé aux usages. J’ai eu l’honneur de répondre à ces observations
samedi ; j’y réponds de nouveau en deux mots ; s’agit-il là de
questions de principe, d’enlever aux uns et de donner aux autres ? Si on
avait dit que dans certaines provinces, dans certains départements, il serait
permis de planter sur sa propriété et que cela ne serait pas permis dans
d’autres, un pareil système eût-il été tolérable ? Quant à la distance, on
renvoie à des règlements de police ou aux usages qui en tiennent lieu. Quand il
s’agit d’observer une distance pour la construction d’un four, d’une fosse
d’aisance, les articles du code civil, cités par M. Dubus, renvoient aux
usages, mais cela tient à des règlements de police. C’est tout autre chose, de
venir dire que l’entretien des chemins vicinaux, dans telle partie du pays, est
à la charge de la commune, et que, dans telle autre partie, cette entretien est
à la charge des propriétaires riverains, en invoquant les usages locaux. Il s’agit
là de droit radical ; et c’est avec ce droit radical qu’on se met en
opposition.
Il n’y a aucune analogie entre les deux cas.
J’ai donné une autre raison à laquelle personne n’a
répondu. Je me permets de la répéter pour ceux de mes honorables collègues qui
n’étaient pas à la séance de samedi. Ceux qui étaient présents se rappelleront
mon argument. Indépendamment des principes qui doivent toujours diriger le
législateur, alors qu’il s’agit de faire une loi, à savoir de lui conserver son
caractère essentiel qui est d’être générale, il y a ici une raison
constitutionnelle qu’il ne faut pas perdre de vue. Mettre l’entretien des
chemins vicinaux à charge des riverains, qu’est-ce donc ? N’est-ce pas les
frapper d’un véritable impôt à raison de leur propriété ? Cet entretien,
n’est-ce pas un véritable impôt et n’est-ce pas vous qui allez les en
frapper ?
M.
Demonceau – C’est un impôt
communal !
M.
Verhaegen – Je vais répondre à
l’objection que me fait l’honorable membre et la rétorquer contre lui. Je
continue mon argumentation. C’est un impôt ; nous examinerons quelle est
sa nature ; car enfin un chemin passe sur ma propriété, on mettra
l’entretien à ma charge, c’est m’obliger à l’entretenir en nature, si je fais
le travail moi-même, en payant, si je fais travailler d’autres. Vous allez dire
que dans votre Belgique, dans certaines provinces, les propriétaires riverains
seront tenus d’entretenir les chemins vicinaux, et que, dans certaines autres
provinces, ils ne seront pas tenus de cet impôt. Mais que devient alors
l’article de la constitution qui dit qu’il ne peut y avoir de privilège en
matière d’impôt.
C’est, dit-on, un impôt communal. Prenons-y garde,
cette observation ne peut valoir qu’autant que le législateur ne fasse rien.
Laissez les choses dans le droit commun ; ne dites rien ; si la
commune à intérêt à imposer, comme la constitution lui en donne le droit en
certains cas, elle fera dans le cercle de ses attributions ce qu’elle jugera à propos.
Mais si nous portons une loi, cette loi portée par le
pouvoir législatif aura pour conséquence que la commune n’aura plus le droit de
régler l’impôt dans le sens indiqué par l’honorable membre que nous
déterminerons d’une manière invariable que cet impôt, dans telles provinces,
sera supporté par les propriétaires riverains, et dans d’autres provinces par
la commune. Ce sera la loi elle-même qui établira le privilège, car elle
laissera la charge aux uns et l’ôtera aux autres. Ainsi, au lieu de faire une
loi, cela vous démontrera la nécessité d’abandonner ce système ; ceux qui
veulent arriver là ne doivent rien dire
du tout. Qu’on laisse la commune maîtresse d’agir comme elle le jugera
convenable. Si la commune veut prendre à sa charge, comme être moral, l’entretien
des chemins vicinaux, qu’elle le fasse ; si elle ne le veut pas ou qu’elle
n’en ait pas les moyens, elle frappera d’un impôt communal comme elle pourra
aux termes de la constitution. Pourquoi nous mêler de ce qu’ont à faire les
communes, pourquoi leur enlever un droit ? Pourquoi les lier ?
Pourquoi admettre un privilège pour les uns en leur ôtant une charge qu’on
laisse aux autres ? C’est nous qui faisons mal, car nous détruisons
l’économie de la loi en matière d’impôt. Vous voyez que mon argumentation reste
entière, que l’objection de M. Demonceau prétendant que c’est un impôt
communal, je la rétorque contre lui, parce que la loi aurait pour effet
d’enlever aux communes ce que lu prétend leur accorder.
Voilà ce que j’avais à dire pour étayer mon opinion
qui n’est, en définitive, que celle de MM. de Roo et de Langhe. Ces deux
membres appartiennent aux provinces où ces usages paraissent être ou avoir été
en vigueur autrefois ; s’il s’agissait de raisons de convenance, mon
opinion se fortifierait de l’opinion de M. Desmet. Je demandera s’il y a des
inconvénients à mettre l’entretien des chemins vicinaux à la charge des
communes. Pour ce qui est de la convenance de mettre ou ne pas mettre cet
entretien à la charge de la commune ou à la charge des particuliers, ceux qui
représentent les Flandres en sont les meilleurs juges ; eh bien, ils
demandent que, par une disposition uniforme, on le mette à la charge de la
commune. Si la majorité est d’une opinion contraire et qu’on veuille mettre la
chose à la charge des particuliers, je préférerais cela à faire une loi
reposant moitié sur un principe moitié sur un autre, formant une véritable
bigarrure, et pêchant par les premières notions en matière de législation.
J’aurais un mot à dire encore à M. Milcamps, citant
les lois romaines et une masse d’autorités pour établir, quoi ? Qu’il faut
commencer par définir les chemins vicinaux. Ainsi, dans ses loisirs d’hier,
l’honorable membre a cherché la démonstration de ce que j’avais dit avant-hier
et qu’on avait contesté. J’avais dit : Nous, législateurs, nous devons
commencer par comprendre ce que nous faisons. Nous parlons de chemins vicinaux,
nous voulons appliquer des principes à ces chemins ; nous devons commencer
par déclarer ce que c’est que des chemins vicinaux. J’ai cherché à me faire
comprendre, on a dit qu’on verrait au second vote ; force a été de me
taire. Aujourd’hui c’est M. Milcamps qui a de nouveau soulevé cette discussion.
Je lui sais gré de ses recherches elles me serviront pour établir qu’une belle
et bonne définition est indispensable, et que, sans cela, nous ne ferions rien
de bon.
M. Vandenbossche – Le paragraphe amené par l’addition des mots « résultant
d’usages locaux » astreint impérieusement toutes les communes où ces usages
existent, à les continuer. Il ne s’agit pas seulement des usages reposant sur
des lois ; il suffit que des usages existent, pour qu’elles soient
astreintes à les exécuter. M. Milcamps dit que ces usages n’existent que pour
autant qu’il y aurait des lois qui les eussent établis. Mas je demande si, au
milieu du 19e siècle, on devrait encore nous renvoyer aux lois du 16e
siècle. Je ne le pense pas. En outre, comme je l’ai déjà dit, c’est dans
l’espoir de voir supprimer ces usages, que beaucoup d’habitants des Flandres et
d’autres provinces encore désirent la loi.
Mais, messieurs, comme il y a beaucoup de personnes
qui désirent aussi que ces usages soient maintenus en tant que les autorités
locales pourraient le vouloir, on y trouverait de l'avantage, et je pense que
le paragraphe que l’on a supprimé du projet du ministre pourrait mieux y
pourvoir.
On a supprimé ce paragraphe parce qu’on a voulu
enlever par là des contestations à la connaissance des tribunaux, tandis
qu’elle leur était attribuée. J’aime à croire que l’on n’a pas très mûrement
examiné ce paragraphe. Ce paragraphe n’autorise pas les conseils provinciaux à
statuer que ces dépenses demeureraient, en tout ou en partie, à la charge de
tel ou tel propriétaire.
Je crois qu’il n’a eu en vue que d’autoriser les états
députés à statuer sur les réclamations de telle ou elle autre régence
relativement à la généralité de la commune. Une autorité communale pourrait
ainsi préférer que cette dépense restât en général à la charge des riverains.
Ce paragraphe donne le droit d’en demander l’autorisation au conseil
provincial, et le conseil provincial pourrait l’accorder, non pas à un
particulier de cette commune, mais à la généralité de la commune. Donc pour la
commune qui aurait demandé à faire entretenir les chemins vicinaux par les
riverains, cette règle deviendrait pour elle générale. D’après ce principe, la
règle générale serait que cette charge incomberait à la généralité de la
commune et que ce ne serait qu’une exception à cette loi qui pourrait être
accordée sur la réclamation des autorités communales.
Les autorités communales réclamant une pareille
autorisation, cette autorisation pourra alors rencontrer des contradicteurs
dans les particuliers. Ces contradicteurs pourront réclamer non seulement pour
eux, mais encore pour la généralité ! c’est sur ces contestations que la
députation des Etats aura à prononcer.
Mais je ne pense pas que ces contestations pourront
enlever aux tribunaux la connaissance d’une action contentieuse ; et au
lieu de laisser le mots « ou résultant d’usages locaux », je
préférerais de beaucoup qu’on rétablît le paragraphe du ministère. On pourrait
y ajouter que les conseils provinciaux ne pourront statuer que sur les
réclamations des autorités communales, afin de leur interdire le droit de
statuer d’office, comme le paragraphe semble les y autoriser ; et je pense
que le maintien de ce paragraphe pourrait satisfaire plus ou moins au vœu de
ces honorables membres, qui soutiennent avec persévérance les derniers termes
du second paragraphe de l’article 12 de la section centrale, ajoutés sur la
proposition de l’honorable M. Gendebien.
Pour ces raisons, je persiste toujours à supprimer ces
derniers mots. Mais si l’on croyait qu’il y a nécessité de donner une certaine
latitude à des communes, qu’on rétablisse le paragraphe du projet de M. le
ministre, tel qu’il est, ou avec quelques variations qu’on pourrait y
introduire.
M. Demonceau – Je ne m’attendais pas à voir continuer la discussion.
Cependant je crois de mon devoir de justifier l’opinion que j’ai émise dans une
séance précédente ; surtout alors que l’honorable M. Verhaegen persiste
dans l’opinion qu’il a émise avant-hier, que nous faisons une monstruosité.
Cette « monstruosité » consiste, en ce que la disposition proposée
manquerait aux premières règles que doit suivre le législateur, pour la
confection d’une loi qui doit être générale.
M. Verhaegen est dans l’erreur ; la loi est
générale, aussi générale que les dispositions du code civil que nous lui avons
indiquées. Les frais d’entretien des chemins vicinaux sont à la charge des
communes ; voilà la règle générale. Mais est-ce que les principes
n’admettent pas qu’on puisse faire d’exception ? Arrivé donc ensuite
l’exception résultant des usages locaux. Je pense qu’il n’y a pas là de
monstruosité comme le prétend M. Verhaegen. On peut contester au fond l’utilité
de la mesure ; mais il ne faut pas dire qu’elle est contraire aux
premières notions en matière législative.
Le code civil range les chemins vicinaux parmi les
servitudes légales, c’est-à-dire parmi les servitudes établies par la loi. Tout
ce qui concerne cette espèce de servitude, dit l’article 550, est déterminé par
des lois ou des règlements particuliers ; le législateur suppose donc
l’existence possible de règlements légaux, et certes, les règlements peuvent
être le résultat d’un usage constant, et nous disons qu’il peut en outre se
trouver des circonstances où la commune ait, par suite de pareil usage, le
droit de faire supporter la charge de l’entretien par les propriétaires
riverains en compensation de certains avantages garantis à ceux-ci par suite du
même usage ; des droits peuvent être acquis aux communes, comme aux
particuliers, nous voulons laisser ces droits intacts. Cependant l’honorable M.
Verhaegen et nos honorables collègues qui partagent son opinion, nous demandent
pourquoi nous voulons trancher la question, je viens de vous dire que, pour mon
compte, j’entends en laisser la solution à l’autorité compétence ; mais
puisque l’on nous demande pourquoi nous voulons trancher la question, à mon
tour, je demande à mes honorables contradicteurs : « Pourquoi
voulez-vous trancher la question contre la commune ? » Jusqu’à
présent les communes ont le droit de faire faire les réparations par les
propriétaires riverains du moins pour certains chemins. Vous la tranchez,
permettez-moi de vous le dire, en décidant qu’à l’avenir les communes
supporteront seules les frais d’entretien.
Réfléchissez ce
qu’a dit l’honorable M de Roo. Il a dit (en en cela il a eu raison) que celui
qui a une servitude doit en faire les dépenses d’entretien, les travaux
nécessaires pour en user et la conserver. Mais nous avons une autre disposition
qui dit : Lorsqu’un titre quelconque porte que les frais d’entretien sont
à la charge de celui qui doit la servitude, celui-ci doit se conformer à ce
titre, sauf à abandonner le fonds suivant. Mais M. de Roo prétend que le droit
de planter résulte de ce que les propriétaires qui ont laissé prescrire le
droit de passage sur leurs fonds, n’ont pas laisser prescrire le droit d’y
planter ; le droit de plantation est donc une suite du droit de propriété,
dans l’opinion de M de Roo, des propriétaires qui lui sont connus ont abandonné
à la voie publique une partie de leurs propriétés pour y laisser exercer des
servitudes ; mais ils ont eu soin de conserver la propriété et ils
entendent la conserver pour y faire des plantations. Mais M. de Roo pourrait-il
affirmer que, quand les communes ont accepté le délaissement qu’il suppose pour
l’exercice d’un passage avec réserve au propriétaire du droit d’y faire des
plantations, elles n’ont pas mis pour condition l’entretien des chemins par les
propriétaires riverains. Les communes peuvent avoir prescrit aussi, par l’usage
immémorial qu’ont eu leurs habitants, le droit de passer sur certaines
propriétés, avec obligation pour les propriétaires d’entretenir les chemins, et
le droit d’y faire des plantations. Est-on en droit pour cela de diviser le
titre possessoire ? Mais M. de Roo trouve beaucoup plus commode de conserver
aux riverains le droit de planter et de les libérer de la dépense d’entretien
mise, par compensation, à leur charge, et que M. de Roo mettait, pour l’avenir,
à la charge exclusive de la commune. Les communes devront donc laisser les
riverains continuer de planter sur les chemins où elles exercent des
servitudes, quoique le droit de planter n’ait pur ainsi dire jamais existé au
profit des riverains qu’à la charge d’entretenir le chemin. A l’avenir, au
contraire, le droit de planter appartiendra au riverains et les communes
répareront les chemins. Voilà le système de M de Roo.
Mais on a parlé de constitutionnalité, d’impôt, etc.,
je vous ai déjà dit que les chemins vicinaux sont des servitudes légales, et je
pense que ce serait au contraire mettre un impôt indirect à la charge des
communes, que de les contraindre à s’imposer pour opérer des réparations qui,
jusqu’à ce jour, n’ont pas été à leur charge, mais puisqu’on a parlé de
constitutionnalité, je prie l’honorable M. Verhaegen de s’expliquer sur la question
que je me permets de lui adresser.
Aux termes de l’article 11 de la constitution, nul ne
peut être privé de sa propriété sans une juste et préalable indemnité. Il a
toujours été entendu que celui qui a un droit de servitude, a un droit inhérent
au fonds. Supposons donc qu’on vienne, pour utilité publique, exproprier un
terrain sur lequel j’ai un droit de passage, on devra me donner un autre
passage, ou, si ce n’est pas possible, me payer une indemnité. Eh bien, les
communes ont acquis, sous une législation qui permettait de prescrire les
servitudes, certains droits de passage, avec charge nécessaire pour le
propriétaire du fonds servant, d’entretenir le chemin ; peut-on diviser le
titre de la possession pour mettre les frais d’entretien à la charge des
communes sans leur donner une indemnité ?
Nos honorables collègues paraissent préférer
l’amendement présenté par M. de Langhe, s’il était entendu que, par
« obligations légales », M. de Langhe n’entend rien préjuger sur les
questions que nous voulons laisser intactes pour les tribunaux. Je voudrais
bien pour mon compte ne pas insister sur l’insertion des mos qui semblent
effrayer nos honorables collègues, mais, je le répète, des communes peuvent
avoir soit en vertu d’usages ou règlements locaux, soit par la prescription,
des servitudes de passage, à la charge par les propriétaires du sol, sur lequel
les servitudes existent, d’entretenir les chemins. Je trouve qu’il serait
injuste de libérer les riverains de la charge, sans indemnité pour les
communes. Je vois ensuite que les législateurs du code supposent que tout ce
qui concernent les servitudes, établies pour l’utilité publique et communale,
est réglé par des lois et règlements particuliers ; et c’est ce qui me
décide à persister.
Ne pensez pas, messieurs, que ce soit seulement dans
les Flandres que certains usages ou règlements mettent les frais de certains
chemins à la charge des riverains ; je crois qu’il en est de même dans le
Brabant et dans d’autres localités. C’est précisément pour ne rien déroger à ce
qui exige sous ce rapport que nous voudrions qu’on s’en référât aux usages
locaux. Si les communes, après cela, pensent qu’elles ne peuvent renoncer aux
droits que ces usages leur donnent, elles seront libres de le faire, mais je ne
pense pas que nous devions leu en imposer l’obligation.
M. de Roo – On dit toujours, messieurs, que nous voulons enlever aux
communes les droits qui leur appartiennent, mais c’est précisément décider ce
que nous contestons. J’ai dit que les usages dont il s’agit sont loin d’être
aussi bien établis qu’on le suppose ; à cela, l’honorable M. Milcamps a
répondu que ces usages sont fort bien établis, qu’ils résultent même des
placards des Flandres ; mais, messieurs, il y avait d’autres usages dans
les Flandres, des usages bien mieux établis, et qui résultaient aussi des
placards ; cependant les tribunaux ont plusieurs fois décidé que ces
usages avaient été abolis par les lois françaises qui ont été promulguées en
Belgique, eh bien, messieurs, je suis très disposé à croire qu’il en serait de
même pour l’usage qui met l’entretien des chemins vicinaux à la charge des
riverains : ce qui est certain, c’est que si vous renvoyez aux usages
locaux, il en résultera une infinité de procès, dont les frais surpasseront
l’entretien des chemins lui-même.
L’honorable M. Demonceau a trouvé étonnant que j’aie
dit que le droit de plantation n’est pas la conséquence de l'obligation
d’entretenir les chemins ; mais, messieurs, cela se conçoit
aisément : beaucoup de chemins vicinaux ne sont devenus la propriété des
communes que par prescription ; or, les propriétaires qui ont laissé
prescrire les fonds n’ont pas laissé prescrire le droit de planter, vous ne
pouvez donc pas leur enlever ce droit, qui n’est que la conséquence du droit de
propriété.
Si maintenant, dans quelques cas, le droit de
plantation a été concédé comme indemnité des frais d’entretien du chemin, alors
il en existera des actes, des contrats quelconques. Eh bien, l’amendement de la
section centrale ne touche pas aux droits qui résultent de titres, droits
auxquels la loi ne pourrait toucher dans aucun cas.
M. de Villegas – Messieurs, dans l’exposé des motifs accompagnant le projet de
loi relatif aux chemins vicinaux, M. le ministre de l'intérieur reconnaît que
le mode de pourvoir à la dépense pour l’entretien et l’amélioration des chemins
vicinaux, est un des points fondamentaux du projet. Les chemins vicinaux, dit
l’organe du gouvernement, étant dans l’intérêt commun des habitants, ils
doivent être entretenus sur les budgets communaux, là où il y a suffisance de
fonds.
Il est hors de doute que ce premier moyen de subvenir
aux dépenses pour les chemins dont la vicinalité a été reconnue et déclarée par
l’administration, est fondé en raison comme en équité, et que, de même que les
grandes routes seront à la charge de l’Etat, ou de la province, les chemins
vicinaux, de quelque communication qu’ils soient, deviennent une charge
communale.
En nous proposant la présente loi, le gouvernement a
donc eu le but avoué d’introduire une règle uniforme d’entretien. Il a voulu,
je pense, faire disparaître les diverses législations qui existent dans le
pays, et dont quelques-unes paraissent résulter d’usages fort anciens.
On sait que dans telle province les chemins vicinaux
étaient entretenus par la commune, et que dans telle autre ils étaient une
charge de la propriété riveraine, que dans une troisième on distinguait entre
les chemins vicinaux proprement dits et les sentiers, tandis que partout
ailleurs cette distinction était prescrite.
De cette diversité de législation sont nés des
règlements administratifs basés sur des principes divers, encore en vigueur
aujourd’hui.
Il était donc utile d’avoir une législation uniforme
et applicable à toutes les localités.
L’urgence d’une règle uniforme était généralement
sentie. Il fallait en outre énumérer les divers moyens de pourvoir à
l’entretien des chemins, et c’est ce qui a été fait dans le projet de loi.
L’obligation première d’entretenir les chemins doit
incomber aux communes ; ensuite, en cas d’insuffisance de revenus, la
subvention doit être une obligation de tous ceux qui retirent le plus
d’avantages des chemins, soit comme habitants, soi comme propriétaires forains,
et qui, par l’usage qu’ils en font, concourent à le détériorer.
C’est par ce motif qu’il serait injuste de faire
supporter exclusivement les charges de cet entretien par les propriétés
riveraines. Un chemin sert à la généralité des habitants. Ce n’est pas toujours
le riverain qui le détériore ; dès lors il importe que l’habitation et la
propriété concourent aux dépenses.
Comme s’est-il donc fait qu’à côté de ce principe
d’uniformité du mode d’entretien des chemins vicinaux, on veuille encore le
maintien d’usages locaux contraires à ce principe ?
Il me paraît que l’addition de ces mots
« résultant d’usages locaux » renverse toute l’économie de la loi. Je
comprends aisément que le législateur ne déroge en rien aux obligations
particulières qui résultent d’un titre ou d’un contrat et par lesquelles
l’entretien serait à charge d’un particulier, qu’en un mot, on respecte les
droits acquis, comme vient de le dire l’honorable M. Demonceau ; mais
comment concevoir qu’après avoir dit que les communes doivent en premier lieu
entretenir les chemins vicinaux, la loi maintienne les usages locaux ?
Si, comme cela existe dans les deux Flandres,
l’entretien des chemins vicinaux est une charge de la propriété riveraine, ces
deux provinces seraient excluent du bénéfice de la loi.
Avec un pareil système on peut détruire tous les
principes fondamentaux de la loi. Prenons pour exemple le second moyen de
subvention aux dépenses pour les chemins vicinaux, à savoir la prestation en
nature. La loi organise cette prestation. L’on voudrait donc que le législateur
pût dire que l’habitant contribuera à l’entretien des chemins par le travail de
lui et des siens, à moins qu’il n’existe des usages locaux contraires !
Mais c’est renverser, comme j’ai eu l’honneur de le dire plus haut, toute
l’économie de la loi.
Les partisans de ce système nous déclarent que dans
cette matière, il serait dangereux de heurter les usages locaux et de grever
aussi les communes au profit des particuliers auxquels par ces anciens usages
incombaient les dépenses pour les chemins vicinaux.
On a donc proposer d’exprimer dans la loi d’abord que
les dépenses relatives aux chemins vicinaux sont à la charge des communes, et
qu’il n’est en rien innové aux règlements des wateringues, ni aux obligations
particulières légalement contractées ou résultant d’usages locaux.
J’ai été étonné d’entendre, à la séance dernière, des
orateurs fortement insister sur le maintien de ce système malgré les vives
réclamations des représentants des Flandres, et essayer de démontrer que les
usages locaux leur étaient plutôt avantageux que préjudiciables.
Etrange manière, il faut l’avouer, de prouver sa
sollicitude envers deux provinces qui ne sont pas les moins importantes du
pays !
On a dit que c’était à tort que les Flandres se plaignaient,
puisque les conseils provinciaux avaient adopté à l’unanimité le projet du
gouvernement.
Je ne connais pas les motifs d’adoption exprimés par
le conseil provincial de Bruges, mais je sais pertinemment que le conseil de
Du reste, l’honorable M. Cools vous a dit que tous les
commissaires voyers, aux lumières et à l’expérience desquels on avait eu
recours, s’étaient prononcés contre le système de l’entretien à charge des
communes.
On a encore dit qu’il serait imprudent de froisser les
anciens usages, et que le législateur a constamment respecté ces usages dans
une foule de dispositions que l’on rencontre dans le code civil.
Il n’y a aucune similitude entre les cas cités par un
honorable préopinant, et le système que l’on voudrait consacrer dans la loi.
Je conçois très bien que les usages locaux puissent
être maintenus en ce qui concerne les formalités qui s’attachent à l’exécution
du mode d’entretien, je le conçois encore lorsqu’il s’agit de la classification
ou de la longueur des chemins, de la distance à observer pour les plantations
d’arbres, de haies le long des routes ou pour le creusement et curage des
fossés ; mais je ne comprendrai jamais qu’après avoir indiqué les divers
modes d’entretien, après avoir ainsi introduit une uniformité de principe dont
la justice a été reconnue, on voudrait encore la consécration de ces anciens usages
contre lesquels on s’est élevé.
Je crois avoir répondu aux principales observations
que l’on a fait valoir en faveur de l’amendement de M. Dubus. En résumé :
Je voterai le paragraphe premier de l’article en question avec le rejet des
deux autres paragraphes, sauf la modification y apportée par l’honorable M. de
Langhe. Je pense qu’il est plus sage de retranche ces mots, « résultant
d’usages locaux » ; de laisser à cet égard, toute la question
intacte ; et le cas échéant, d’en réserver la solution à l’autorité
judiciaire.
M. Milcamps – Messieurs, l’honorable M. Verhaegen ne m’a pas
compris ; ce que j’ai soutenu, c’est que les Flandres étaient soumises à
la loi commune, comme l’étaient les autres provinces de
Par l’amendement de M. de Langhe, vous n’atteindriez
pas le résultat que vous voulez : qu’entendez-vous par obligations légales
des particuliers ? ce sont aussi bien celles qui résultent des usages
locaux que des conventions. Si l’amendement de la section centrale était rejeté
et qu’on adoptât celui de M. de Langhe,
mais d’abord je demanderai si l’amendement de M. de Langhe ne s’entend
que d’obligations résultant des conventions ; mais alors tous les chemins
quelconques, sentiers, servitudes de passage seront à la charge de la commune
d’après les principes généraux du droit.
Si vous êtes certains, mais je suis loin d’avoir cette
conviction, que c’est d’après de simples usages que l’entretien des chemins a
lieu dans les Flandres, au lieu d’attaquer l’amendement de la section centrale,
présentez un amendement tel qu’il ne soit plus permis d’éluder la loi.
L’erreur de l’argumentation du député auquel je
réponds provient de ce qu’il confond les usages avec les lois et les coutumes.
Sans doute, si la section centrale avait dit qu’il n’est rien innové aux lois,
aux coutumes et aux usages anciens, l’argumentation serait bonne ; mais la
section centrale n’a pas confondu ces trois espèces de droit : quand elle
a parlé d’usages, elle a entendu parler d’usages non écrits, et c’est ainsi que
ce terme doit d’entendre, du moins c’est dans ce sens que j’entends ce terme.
Or, j’ai nié qu’il existât pour les Flandres d’autres
usages pour les chemins vicinaux que pour les autres provinces.
Je ne dis pas qu’il faille soustraire les Flandres à
l’empire de la loi que nous discutons. Telle n’est pas mon intention, j’ai
cherché même à établir, et c’est la conséquence de mon discours, que si les
conseils provinciaux le veulent, ils pourront exécuter la loi comme on le fera
dans d’autres provinces. Je ne puis comprendre que la loi dirait, d’un
côté : l’entretien sera à la charge des communes, de l’autre, qu’il ne
serait rien innové aux obligations résultant d’usages locaux, alors il y
aurait, dans le pays, deux provinces dont les usages mettraient l’entretien des
chemin s la charge des riverains. Mais si j’ai la conviction qu’un pareil usage
existât et que la loi que nous faisons ne fût pas applicable aux Flandres,
j’adopterais à l’instant l’opinion de l’honorable M. Verhaegen. Mais messieurs,
l’honorable M. de Roo et moi dénions les usages.
M. Dubus (aîné) – J’ai reproduit, messieurs, un amendement qui avait été admis
l’année dernière, et je le reproduis pour le cas où (ce qui est déjà arriver
l’an dernier) on supprimât le deuxième paragraphe de l’article en discussion.
La section centrale avait proposé la suppression de ce deuxième
paragraphe ; je m’étais joint à ceux qui combattaient cette suppression,
notre opinion ne prévalut pas ; mais en supprimant le paragraphe dont il
s’agit, la chambre adopta un amendement de l’honorable M. Gendebien qui
consistait à ajouter au dernier paragraphe les mots : « ou
résultant d’usages locaux ». la différence entre l’amendement adopté et le
deuxième paragraphe du gouvernement était, dans l’opinion de ceux qui ont
préféré l’amendement de M. Gendebien, que le deuxième paragraphe investissait
les conseils provinciaux d’un droit dont on ne doit pas les investir ; les
investissait du droit de décider en quelque sorte sur le meum et le tuum, sur
des droits réels, sur des questions de propriété. Mais il me semble que telle
ne devait pas être la portée de cette disposition. Ou bien on vous proposerait,
en retranchant ce paragraphe, de faire la même chose : c’est-à-dire qu’au
lieu que les conseils provinciaux décideraient ces questions, c’est nous qui
les déciderons ; or, nous ne pouvons pas plus le faire par une loi, que
ces conseils ne pourraient le faire par un règlement.
Quant à moi, je ne voyais pas d’inconvénient à ce
deuxième paragraphe, je trouve absolument nécessaire d’ajouter ce troisième
paragraphe, consistant en ces mots : « ou résultant d’usages
locaux. » L’article 13 pose en principe que la dépense relative à l’entretien
des chemins vicinaux et à la charge des communes. Mais ce principe est
susceptible d’exceptions. On rejette une partie de ces exceptions, on en admet
d’autres, et celles qu’on admet, on n’a pas plus de raison de les maintenir que
de maintenir celles qu’on veut exclure. Ainsi, on admet sans difficulté une
exception pour les règlements des wateringues ; les chemins qui, d’après
ces règlements, sont à charge des propriétés riveraines, on veut les laisser à
la charge de ces propriétés riveraines. Voilà un première exception qu’on
admet, je pense, sans difficulté.
MM. Lebeau et Verhaegen – Sans doute, la constitution nous en fait un devoir par son
article 113.
M.
Dubus (aîné) – On admet une exception pour
les obligations particulières légalement contractées, et quand on explique
cela, on voit que l’on a en vue, par l’exception, la charge qui serait le
résultat d’une convention qui pourrait être reproduite. Et cependant cette charge
pourrait résulter d’obligations très valables qui pourraient être prouvées
autrement que par une convention.
Pourquoi cette différence ? On ne saurait la
justifier.
Messieurs, pour apprécier la disposition qu’on vous
propose, il faut jeter un coup d’œil sur ce qui existe. On met toujours en
avant la question, comme si elle n’intéressait que les Flandres, mais elle
intéresse toutes les provinces.
En effet, si j’ouvre le recueil qui nous a été
distribué, je vois que le conseil provincial du Brabant fait remarquer qu’on
reconnaît dans le Brabant deux classes de chemins vicinaux, une classe dont
l’entretien est à charge des communes, et dont l’autre est à charge des
riverains. Et l’on vous demande de maintenir cette classification. En effet,
j’ouvre le règlement pour le Brabant, et le premier article porte qu’il y a
deux classes de chemins, que les communes entretiennent ceux de la première
classe, et que ceux de la seconde classe, ainsi que les sentiers, sont
entretenus par les riverains. Maintenant vous effaceriez cette distinction et
vous mettriez à charge des communes dans le Brabant l’entretien des chemins de
toutes les classes, y compris les sentiers ?
J’ouvre le règlement pour la province de Namur, et j’y vois également la distinction des chemins en deux classes, et la stipulation que ceux de la deuxième classe sont à charge des riverains.
J’ouvre le règlement pour le Hainaut et j’y remarque que l’entretien de sentiers est mis à la charge des riverains, ainsi que celui de certains chemins. Et quand on y pose le principe général, on l’y pose avec des exceptions stipulées à peu près dans les mêmes termes que ceux que nous proposons maintenant.
Ainsi, partout il y a des obligations pareilles qui pèsent sur les particuliers à la décharge des communes et qui ne reposent pas seulement sur des contrats, mais qui reposent aussi sur des usages. Si ces obligations sont valables, pourquoi voulez-vous donner, par votre loi, quittance de cette charge aux particuliers et en grever les communes ? Avez-vous mandat pour enrichir les particuliers aux dépens des communes ? car, en définitive, voilà la question.
L’honorable M. de Roo, parlant pour les Flandres, dit : « Nous n’entendons pas enlever aux communes un droit qui leur appartiendrait ; mais le droit qu’on leur attribue en cette circonstance, nous le leur contestons. » messieurs, je ne veux pas examiner si les communes ont ou n’ont pas ce droit ; mais je dis que, dans l’opinion que l’honorable membre soutient, il faut tout au moins laisser la question entière, et si le droit existe, les communes le feront valoir.
Les communes, dit l’honorable membre, feront des procès. Ainsi, pour éviter des procès, on dépouille les communes d’un droit qu’elles pourraient avoir. De cette manière, tous les procès que pourraient avoir les communes, seraient bientôt terminés : il n’y aurait qu’à les dépouiller par une loi. A coup sûr, elles ne pourraient plus soutenir leurs réclamations en justice.
Il y aura des procès, et
l’honorable membre soutient néanmoins que les communes ne seraient pas fondées
dans leurs réclamations. Il y a cependant une circonstance assez remarquable,
c’est que l’honorable membre se fonde, lui, sur une loi qui aurait été publiée
dans les départements réunis à
Messieurs, j’ai entendu objecter que le résultat de la loi avec l’amendement que je soutiens serait de faire peser sur les particuliers un impôt communal. Je vous avoue que je ne comprends pas cette objection, car je me demande où est cet impôt communal.
Si un particulier est tenu à l’entretien d’un chemin vicinal, qu’est-ce qui en résulte ? il en résulte une servitude pour ce particulier au profit de la commune, et si l’on contestât que cela doive s’appeler ainsi, je renverrais à l’article 650 du code civil qui considère comme une servitude établie pour l’utilité publique ou communale, la construction ou la réparation des chemins.
Là où cette servitude pèse sur les propriétés des particuliers à la décharge des communes, laissez subsister cette servitude, puisqu’il en résulte que les communes ont une charge de moins.
On objecte que dans les Flandres c’est une charge générale. C’est peut-être une raison de plus pour ne pas en libérer légèrement tous les propriétaires, pour ne pas en grever légèrement toutes les communes.
Mais dans d’autres provinces, ce sont des exceptions, ce sont des charges spéciales, et vous voulez tout niveler. Vous voulez, là où tel propriétaire est tenu à la réparation d’un chemin envers la commune, le libérer de cette charge par cela seul que le droit de la commune serait fondé que sur un usage. Les usages peuvent être contestés : on peut soutenir que tel usage est abusif, et que la loi doit prédominer sur l’usage. Le recours aux tribunaux est là pour celui qui voudra soutenir cette question.
Je reviendrai sur une considération que j’ai fait valoir samedi, c’est celle qui se rapporte aux sentiers. Je remarque que dans toutes les provinces, sauf un petit nombre d’exceptions, on a admis que l’entretien des sentiers est à la charge des riverains. Et voilà une disposition qui tomberait devant la loi actuelle, telle qu’on veut la faire.
Or, remarquez, messieurs, qu’ici l’inconvénient serait très grave pour les communes ; car, du moment où vous posez le principe que ce sont les communes et non les riverains, comme cela a été jusqu’ici qui doivent réparer les sentiers, les communes seront accablées de procès, parce qu’une loi de 91, la loi sur la police rurale, autorise à passer à côté du chemin, quand le chemin n’est pas praticable. Mais quand la réparation est à la charge de la commune, le propriétaire riverain, sur le terrain duquel on a passé, a son recours contre la commune. Je puis invoquer ici le témoignage de ceux qui ont l’expérience de ce qui se passe dans les campagnes. Presque toujours on voit, à côté des sentiers, des voies tracées par les passants sur le champ ensemencé. Les sentiers étant presque toujours impraticables, il pleuvra des masses de réclamations en indemnité contre les communes, elles seront ruinées. Jamais dans le Brabant, dans le Hainaut et la province de Namur, on n’a mis les réparations des sentiers à la charge des communes.
M. de Langhe – Pour autant que j’ai pu comprendre M. Milcamps, il m’a paru qu’il donnait à mon amendement une portée qu’il n’a pas. L’intention que j’ai eue, en le proposant était de laisser aux tribunaux le pouvoir le plus large, de leur laisser à juger si les obligations particulières sont légales, oui ou non. Voilà pourquoi j’ai supprimé les mots contractés. Je n’admets même pas, les obligations particulières contractées. Je veux seulement, si elles sont légales, que l’obligation de les exécuter puisse être imposée.
Je ne veux pas non plus de l’introduction des mots « usages locaux », parce que les usages lient les tribunaux. Ils sont liés en ce sens que, dès qu’il est prouvé qu’un usage est établi, un tribunal est obligé de le faire exécuter. Je veux laisser aux tribunaux un pouvoir plus large, je veux les laisser juger de la question de savoir si les obligations sont légales ; M. Milcamps a demandé si on voulait faire une loi que les Flandres éluderaient. Elles ne devront pas se donner beaucoup de peine pour éluder la loi, si on la vote telle qu’elle est proposée ; elles feront à peu près ce qu’elles voudront ; elles appliqueront les usages quand elles voudront, et quand elles ne voudront pas, elles ne les appliqueront pas.
Quant à M. Dubus, en résumé, il veut laisser les choses dans l’état où elles se trouvent, alors il n’est pas nécessaire de nous casser la tête à faire une loi ; c’est de couper court à la discussion et de retourner chacun chez nous.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – J’ai demandé la parole pour rectifier un
fait. L’honorable préopinant a dit que le conseil provincial de
Cet avis est on ne peut pas plus
formel. Il est vrai que le conseil provincial a demandé qu’on supprimât
beaucoup d’articles du projet, qu’il considérait comme règlementaires. Mais
quant à la charge d’entretien, son avis formel était qu’on maintînt le deuxième
paragraphe du projet du gouvernement. L’avis du conseil de
Faisant droit à ces vœux, le gouvernement présenté le
projet actuellement en discussion. Après que ce projet eût été examiné en
sections, le rapport de la section centrale fut envoyé aux conseils
provinciaux. Les conseils des deux Flandres, à l’unanimité, appuyèrent
fortement le projet du gouvernement. C’est un fait qu’on aura beaucoup de peine
à s’expliquer, en présence des opinions divergentes, émises par quelques
députés de ces provinces. Il ne faut pas perdre de vue que les conseils provinciaux
sont formés d’hommes ayant l’expérience de ce qui se pratique dans les communes
rurales. Les anciens états provinciaux, lors de la confection des règlements,
avaient déjà exprimé le même avis. Il en résulte la présomption que les usages
actuels ne sont pas mauvais ; car s’ils donnaient lieu aux divers abus
qu’on a signalés, ces assemblées n’auraient pas itérativement exprimé le vœu
qu’ils fussent conserver.
D’ailleurs, remarquez que ni les anciens règlements,
ni la loi actuelle, en supposant les usages existants, n’empêcheraient en
aucune manière, l’amélioration des chemins vicinaux. Il faut distinguer
l’entretien et l’amélioration. L’amélioration est une charge exclusivement
communale. Aussi l’ancien règlement de
Quant à la difficulté d’exécution, elle est absolument
la même, soit que les communes fassent entretenir les chemins par les
riverains, soit quelles soient obligées d’aviser à des impositions spéciales
pour l’entretien, d’admettre même le système des corvées ; si l’amendement
de la section centrale est adopté, les embarras sont les mêmes.
On pourrait s’étonner que ces usages aient été
maintenus dans
On a parlé de l’entretien des sentiers. Il est certain
qu’en général, les communes n’y font pas attention, la plupart sont abandonnés
au bon vouloir des propriétaires ; s’ils jugent à propos de faire des
réparations, ils les font, s’ils n’ont pas intérêt à empêcher qu’on passe au
travers des terres ensemencées ils les laissent dans un état déplorable. Il me
semble qu’il serait utile que la loi assurât du moins l’entretien de certains
sentiers ; il en est qui sont fréquentés par une multitude de personnes.
M.
Desmet – A entendre M. le ministre
de l'intérieur, il semblerait qu’en Flandre, on est fort satisfait de ce qui
existe. Chez nous comme partout cependant, on demande une loi plus précise,
plus générale sur l’entretien des chemins vicinaux. D’abord pour faire cesser
une injustice criante, ensuite pour avoir des chemins bien entretenus.
On a beaucoup parlé d’usages locaux. A cet égard on a
cru que des usages locaux mettaient l’entretien des chemins vicinaux à la
charge des riverains. Il n’y a pas de province où il y ait moins d’usages
locaux qu’en Flandre. Ce sont des règlements qui datent de quatre ou cinq
siècles. On se trompe encore quand on dit que c’est une charge de
propriété ; c’est une charge de personne. La loi impose l’obligation de
faire les réparations au pauvre fermier. Un vieux proverbe du pays trouve ici
son application : « le paysan pourra tout et le propriétaire
rien. » C’est la loi qui dit que c’est le fermier et non le propriétaire
qui entretient le chemin. Faites attention à cette grande injustice, une langue
de terre fort étroite longe une route ; toute la valeur de sa récolte
entre dans l’entretien, c’est la raison pour laquelle les chemins ne sont pas
entretenus. On a fait exception pour les wateringues. Les wateringues sont une
communauté, le curement et le dévasement des fossés, l’entretien, tout se fait
en commun.
Nous demandons qu’on supprime la charge monstrueuse
imposée au fermier, qu’on en mette une partie à la charge de la commune et une
partie à la charge du propriétaire, voilà ce qu’on demande.
A cet égard, si vous n’admettez pas l’uniformité, ce
sera une injustice ; il y aura une foule de procès, parce que les communes
croiront qu’elles ont des droits acquis. Et comment en auraient-elles ?
jamais un chemin vicinal n’a été acquis par l’usage.
Remarquez qu’il ne s’agit pas seulement de l'entretien
des chemins, mais aussi de celui des points.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – Il ne s’agit pas de grandes
communications.
M.
Desmet – Il est vrai qu’il a été
fait une exception pour les grandes routes.
On dira aussi que les frais d’améliorations sont à la
charge des communes ; mais ces frais sont insignifiants ; la plus
grande charge, ce sont les frais annuels d’entretien.
J’espère que la chambre admettra la suppression des
mots « ou résultant d’usages locaux. »
M. Liedts – Je me sens très disposé à voter la suppression des mots
« ou résultant d’usages locaux. » Cependant un point de vue sous
lequel la question n’a pas été traitée, c’est la relation entre le droit de
planter les chemins vicinaux et l’obligation de les entretenir. Dans les
Flandres, les riverains ont le droit de planter les chemins vicinaux, en vertu
de règlements qui mettent à leur charge l’entretien de ces chemins. Il me
semble donc utile d’examiner si, en enlevant aux riverains l’entretien des
chemins vicinaux, nous ne devons pas les priver du droit de les planter ;
car s’il fallait leur accorder une indemnité, proportionnée au droit de planter
sur les chemins vicinaux, c’est alors que je craindrais de ruiner les communes
qui devraient payer des indemnités proportionnées à l’étendue des chemins
vicinaux.
Remarquez qu’en fait on n’use pas du droit de planter
sur les chemins vicinaux. La raison en est simple : c’est que si l’on
plantait sur ces chemins, il en résulterait que les frais d’entretien, qui sont
à la charge de riverains, seraient décuplés, du moins dans les terres fortes
des Flandres ; mais du moment que vous mettez l’entretien des chemins
vicinaux à la charge des communes, si vous laissez aux riverains le droit de
planter, il est évident qu’ils en useront, parce que si les frais d’entretien
deviennent par suite quatre ou cinq fois plus élevés, c’est la commune qui les
supportera.
Je voudrais que la section centrale, ou la chambre, si
on ne veut pas un nouveau renvoi à la section centrale, examinât la question.
Peut-être dira-t-on que les propriétaires riverains
n’ayant qu’abusivement le droit de planter sur les chemins, nous pouvons leur
enlever ce droit ; mais je n’ai pas mes apaisements sur ce point. Je ne
sais jusqu’à quel point un riverain, qui, depuis des siècles, plante sur un
chemin vicinal, n’a pas acquis le droit d’y planter. C’est une question qui
doit au moins être examinée. Si vous admettez que le droit existe au profit du
riverain, vous reconnaissez qu’il ne peut en être dépossédé qu’après avoir reçu
une juste et préalable indemnité, car c’est une expropriation pour cause
d’utilité publique, et ces indemnités devront être payées par la commune.
Vous voyez donc qu’il ne suffit pas d’examiner
isolément la question d’entretien, il faut la mettre en rapport avec le droit
de planter. Je voudrais, je le répète, que la section centrale ou la chambre
s’en occupât. Si l’on parvenait à résoudre cette question, je voterais pour la
suppression des mots « ou résultant d’usages locaux » ; car pour
moi, un usage, si ancien qu’il soit, n’est respectable qu’autant qu’il soit
conforme à la saine raison, or, le bon sens nous dit que celui qui détruit les
routes doit les entretenir, et il est absurde de mettre l’entretien d’une route
à la charge de celui dont la propriété la longe, car il est peut être celui qui
la détruit le moins. D’autre par il n’est pas exact de dire qu’en mettant les
frais d’entretien à la charge de la commune, vous en affranchissez entièrement
le propriétaire riverain, vous ruinez la commune pour faire un avantage aux
riverains. Cela n’est pas exact, car il résulte de la loi que, comme
propriétaire ou comme fermier, le riverain concourra pour une quote-part, soit
en proportion du nombre de ses bestiaux, soit en proportion de l’étendue des
terres, à l’entretien des routes qui les longent ou les traversent.
Outre cette question de fait, il y a une question de
droit qui ne semble pas avoir été examinée ; c’est que, quoi qu’on en
dise, l’entretien des chemins vicinaux est un véritable impôt communal. Il
suffit, pour s’en convaincre, de lire l’article 113 de la constitution. Il
porte :
« Art. 113. Hors les cas formellement exceptés
par la loi, aucune rétribution ne peut être exigée des citoyens, qu’à titre
d’impôt au profit de l’Etat, de la province ou de la commune.
« Il n’est rien innové au régime actuellement
existant des polders et des wateringen, lequel reste soumis à la législation
ordinaire. »
Vous voyez bien que le législateur du congrès a très
bien senti que l’entretien des polders et des wateringen, et par des
considérations de bien public, il a fait une exception en faveur de ces
administrations. Mais il n’est pas moins vrai que l’entretien des chemins
vicinaux est un véritable impôt, de même que l’entretien des autres routes. Dès
lors, d’après la constitution, il est nécessaire de donner à la loi un
caractère général ; c’est-à-dire que vous ne pouvez pas décider que, dans
une province, ces frais seront à la charge de tels et tels ; dans d’autres
provinces, à la charge de tels et tels autres. Si dans une loi relative aux
routes, vous déclariez qu’il sera pourvu à leur entretien, dans une province,
par les droits de barrières ; dans une autre par un impôt sur la propriété
foncière, serait-ce là le caractère général qu’une loi doit nécessairement
avoir ? Evidemment non. C’est cependant ce que vous faites par la
proposition en discussion. Vous déclarez que, dans les provinces où cet usage
existe, les chemins vicinaux seront entretenus par les propriétaires riverains,
que, dans les autres, ils seront entretenus aux frais des communes.
Par ces considérations, si on parvient à me donner une
solution sur le droit de plantation dont j’ai parlé en commençant, je voterai
pour la suppression des mots « ou résultant d’usages locaux. »
M. Vandenbossche – L’honorable M. Dubus, auteur du renouvellement de
l’amendement de M. Gendebien, a dit qu’il se contenterait du deuxième
paragraphe de l’article du gouvernement. Je pense qu’avec ce paragraphe, la loi
n’aurait pas le moindre inconvénient. Il a été supprimé, a dit M ; Dubus,
parce qu’il s’y agissait de questions de propriétés. La chose fût elle ainsi,
je ne pense pas encore que ce fût un mal de soustraire ces questions aux
tribunaux et de laisser cette matière contentieuse aux états provinciaux. Ce
serait en tout cas éviter une grande perte aux particuliers ainsi qu’aux
communes.
Au surplus, on parle toujours de ces servitudes ;
mais elles sont en général établies au profit des communes. En admettant que
les communes soient libres, soit de renoncer à leurs droits, soit d’en réclamer
la continuation auprès des conseils provinciaux.
Je persiste à croire que cela ne peut donner lieu à
une action judiciaire, puisque les réclamations de la commune devront être
nécessairement générales. On ne pourra réclamer le droit d’imposer tel
particulier pour telle route et de laisser l’entretien des autres routes à la
charge de la commune. Et encore, y perdrait-on ou y gagnerait-on ?.
Dans le premier cas, celui où l’entretien est à la charge
du propriétaire riverain, il sera forcé d’entretenir seul le chemin qui est sur
sa propriété ; dans l’autre cas, il ne fera que concourir à cette
dépense ; mais il concourra également à l’entretien de tous les chemins de
la commune. Ainsi cela revient au même.
M. de Langhe a proposé un autre changement. Il n’a pas
voulu des obligations légalement contractées. Pour nous toutes les obligations
imposées par les lois, je me refuse à les admettre. Je veux bien admettre les
obligations particulières également contractées ; mais les obligations
résultant de la loi, c’est à la loi à les abolir ; à moins que le
législateur ne trouve plus utile de les conserver. Mais M. Liedts a parlé des
plantations que le règlement permet de faire sur les chemins. Ce droit est
également partout très restreint. Il faut savoir qu’on ne peut planter que sur
les chemins qui ont neuf mètres de largeur, et ces chemins sont très rares, je
ne sais pas même s’il en existe. Par ce motif, je propose à la chambre de
rétablir le deuxième paragraphe de l’article du gouvernement, avec l’addition
après le mot « pourront » des mots « sur la réclamation des
autorités communales. »
- L’amendement n’est pas appuyé.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – L’honorable M. Liedts a dit
avec vérité que, d’après les règlements des Flandres, les propriétaires avaient
le droit de planter. Ce droit est formellement accordé, notamment dans
On s’est demandé de quelle utilité serait la loi
si elle laissait subsister des usages locaux ; mais, messieurs, la loi n’a
pas seulement pour objet l’entretien des chemins, et dans les Flandres par
exemple, ce n’est pas du défaut d’entretien des chemins que l’on se plaint, car
si je m’en rapporte à l’avis de la députation de
M. Dubus (aîné) – En réponse à l’observation faite par l’honorable M. Liedts, qui
pense que le droit de planter est corrélatif à l’obligation qui existe dans les
Flandres pour les propriétaires riverains d’entretenir les chemins
vicinaux ; je ne sais pas, messieurs, si réellement ce droit et ce devoir
dépendent l’un de l’autre dans les Flandres, mais s’il en était ainsi, ce
serait une raison de plus pour ne pas libérer ces propriétaires, par une
disposition absolue, de la charge qui pèse sur eux, avant d’avoir examiné ce
qu’il y a à faire relativement au bénéfice qui serait la compensation de cette
charge.
Dans la province du Hainaut, et notamment dans
l’arrondissement de Tournay, il est à ma connaissance que beaucoup de
propriétaires du plat pays jouissent du droit de planer sur les bords des
chemins vicinaux qui ont une certaine largeur, à l’endroit où leur propriété
confine au chemin, mais ils jouissent de ce droit comme d’un droit inhérent à
leur propriété, et cela est si vrai que dans plusieurs circonstances où les
communes ont voulu faire cesser le droit dont il s’agit, les tribunaux ont
prononcé en faveur des propriétaires. Je ne pense pas que nous puissions par
une loi, dépouiller ces propriétaires, à moins que ce ne sont pour cause
d’utilité et moyennent juste indemnité.
Beaucoup
de membres – La clôture !
M. F. de Mérode – Je conviens, messieurs, que la discussion a été fort longue,
mais l’objet est des plus importants, car il s’agit du résultat de toute la loi
qui sera de la plus grande utilité si elle est bien faite, et je dois avouer à
la chambre que, malgré tout ce qui a été dit, je ne suis pas suffisamment
éclairé sur la question.
- La clôture est mise aux voix ; elle n’est pas
prononcée.
M. Cools – Je crois, messieurs, que les observations que j’ai à
présenter seront de nature à amener un résultat. Dans la séance précédente,
j’ai annoncé que j’aurais un amendement à déposer qui devrait prendre place
entre l’article 11 et l’article 12, mais j’ai ajouté que la présentation de cet
amendement dépendrait de la décision qui serait prise à l’égard de l’article
13. Les observations faites tout à l’heure par l’honorable M. Liedts m’engagent
à présenter mon amendement, dès ce moment.
Cet amendement, messieurs, est relatif aux
plantations ; et je déclare d’avance que, comme il tend à faire consacrer
un principe nouveau, je me défie de moi-même ; et que s’il est appuyé,
j’en demanderai immédiatement le renvoi à la section centrale.
Je dirai maintenant quelques mots pour expliquer mon
amendement.
Dans les Flandres, messieurs, les riverains ont le
droit de planter sur le chemin là où il touche leur propriété ; mais quand
il y a deux rangées d’arbres, il n’est pas certain si elles appartiennent
toutes deux aux propriétaires riverains, ou bien s’il y en a une qui appartient
à la commune ; c’est là une source de procès.
Quand le chemin est très large, il y a deux voies, et
entre les deux voies se trouvent une rangée d’arbres ; de temps immémorial
cette rangée d’arbres appartient pour moitié à la fabrique de l’église et pour
moitié aux pauvres.
D’après le principe que je propose de décréter dans la
loi, les communes auraient, à l’avenir, seules le droit de planter sur les
chemins, mais comme il faut surtout respecter le droit de propriété, elles
seraient tenues d’accorder, de ce chef, une indemnité à ceux qui ont eu cette
faculté jusqu’ici, et comme le droit de plantation peut quelquefois être,
jusqu’à un certain point, une compensation à la charge d’entretenir le chemin,
je voudrais que l’indemnité fût calculée en raison du droit de plantation
combiné avec la charge d’entretien. Quant à l’évaluation de cette base, ce
serait aux tribunaux de la faire.
J’arrive à la question du paiement.
Il est certain que si les communes doivent racheter
immédiatement le droit de plantation des riverains, il en résultera une
dépense, que dans l’état actuel des choses, les communes seront hors d’état de
faire en une seule fois ; il faut donc donner aux communes un moyen facile
de se libérer, c’est là l’objet du dernier paragraphe de mon amendement, sur lequel
j’aurai encore quelques observations à faire après que je vous aurai donné
lecture de tout l’amendement. Cet amendement, le voici :
« Les communes auront seules le droit de faire
des plantations sur les chemins vicinaux.
« Ce droit sera racheté par les communes, contre
une juste indemnité,, dans les localités où, d’après d’anciens usages, il était
dévolu, en tout ou en partie, à des particuliers ou des établissements publics.
« Si les particuliers ou les établissements
publics, en possession de ce droit, sont en même temps tenus, d’après les mêmes
usages, de pourvoir à l’entretien du chemin, l’indemnité sera calculée à raison
des avantages résultant du droit de plantation, combinés avec la charge de cet
entretien.
« Ces indemnités seront converties en rentes à
charge des communes. »
Un doute m’a arrêté lorsque j’ai conçu ma proposition, c’est de savoir si, en forçant les riverains à accepter en paiement des rentes à charge des communes, on respectait assez le droit de propriété, auquel il n’entre pas dans ma pensée de porter la moindre atteinte. Il m’a paru, après mûre réflexion, qu’à cet égard les principes de droit étaient respectés, parce que l’appréciation du montant de l’indemnité est réservée aux tribunaux et que dès lors, si elles estiment que les rentes à payer par les communes n’ont pas leur valeur nominale, ils peuvent régler l’indemnité en conséquence, et que d’autre part les rentes sont toujours négociables et peuvent être converties en numéraire par le créancier.
Messieurs, cet amendement je ne le donne pas comme parfait. Je crois qu’il peut être amélioré, mais il me semble qu’il contient un principe sur lequel nous devons prendre une décision, c’est celle des plantations.
- L’amendement est appuyé.
M. Cools – Je demande le renvoi à la section centrale.
M. Dubus (aîné) – Je n’ai pas bien saisi si cet amendement est en rapport avec l’article que nous discutons ; en cas d’affirmative, il y aurait lieu de renvoyer le tout à la section centrale.
M. Cools – Mon amendement n’est pas en rapport avec l’article qui a été proposé par le gouvernement ni par la section centrale, mais il est en rapport immédiat avec l’amendement qui a été proposé par l’honorable M. Dubus. Ce dernier amendement a pour but de maintenir les usages locaux ; or il est de fait que dans les Flandres les usages locaux imposent aux riverains la charge de l’entretien et leur accordent le droit de plantation. Je n’examine pas si la plantation est accordée comme compensation de la charge d’entretien et leur accordent le droit de plantation. Je n’examine pas s la plantation est accordée comme compensation de la charge d’entretien ; je m’en tiens au fait résultat des usages par lequel le riverain qui a le droit de plantation est en même temps chargé de l’entretien Dès lors, je dis que les deux bases peuvent être adoptées simultanément pour l’évaluation de l’indemnité. Ainsi mon amendement est en relation directe avec celui de M. Dubus, et il y a lieu de renvoyer l’un et l’autre à la section centrale.
M. Verhaegen – Je pense que tout est dans l’amendement de l’honorable M. de Langhe. M. de Langhe maintient les obligations légales des propriétaires riverains. Si un propriétaire riverain a un droit de planter, et si, par suite de ce droit, il est tenu à l’entretien du chemin, eh bien, cet entretien sera une obligation légale, parce qu’elle sera un titre onéreux ; or, l’honorable M. de Langhe, maintenant dans son amendement les obligations légales des particuliers, la question dont nous nous occupont devient parfaitement inutile.
Messieurs, loin d’avancer dans la loi, nous reculons. Voilà que dans une loi où il s’agit uniquement de savoir à charge de qui sera l’entretien des chemins vicinaux, nous voulons décider s’il convient ou non d’enlever aux propriétaires le droit de planter. Ne nous trompons pas ; quand on accorde le droit de planter, c’est que celui qui plante a la propriété qui longe le chemin.
Messieurs, ce qui nous jette dans toutes ces difficultés, c’est que nous n’avons pas de définition du chemin vicinal, et nous sommes encore une fois dans l’inconvénient que j’ai déjà signalé ; que nous faisons une loi, sans savoir sur quoi porte la loi. Sans définition vous ne ferez rien de bon.
M. le président – Voici un amendement de M. Peeters
« Je propose de sous-amender l’amendement de M. Dubus aîné de la manière suivante :
« Les riverains ne peuvent, en aucune manière, être chargés de l’entretien des chemins, s’ils n’ont pas le droit de plantation, ou s’ils abandonnent ce droit à la commune. »
M. Desmet – Si l’on renvoie à la section centrale l’amendement relatif aux plantations d’arbres, ce renvoi ne suffit pas, il faudrait y joindre l’examen de la question des ruisseaux et des cours d’eau. Mais cette dernière question, ainsi que celle des plantations, me paraît devoir faire l’objet d’une loi spéciale.
M. Demonceau – Messieurs, il y a une grande confusion dans les propositions qui sont faites, et il serait prudent de renvoyer le tout à la section centrale, ne fût-ce que pour coordonner les divers amendements. Je sais bien que de la manière dont la section centrale est composée et eu égard à l’opinion que ses membres ont exprimée, il n’y a guère lieu d’espérer d’obtenir une solution positive. Cependant il y aura un travail de rapporteur qui servira de guide pour la discussion.
Messieurs, on vient de plaider le maintien, sans charge, du droit de plantation en faveur des propriétaires riverains. Moi, j’ai soutenu qu’un semblable droit n’avait jamais été concédé qu’à charge de réparer le chemin. On voudrait maintenant conserver le droit de planter, et libérer le propriétaire de la charge des réparations. Ce serait, je le répète, une injustice.
M. F. de Mérode – Messieurs, je suis d’avis, tant qu’on ne m’aura pas éclairé davantage, que si la loi n’établit pas un principe uniforme pour la réparation des chemins vicinaux, elle ne produira rien de bon dans deux de nos provinces les plus importantes. Je suis donc disposé, quant à présent, à voter pour l’amendement de l’honorable M. de Langhe, et je ne puis que me référer à ce que vous a dit l’honorable M. Verhaegen : c’est qu’il faut définir ce que c’est qu’un chemin vicinal, et pour mon compte, je voudrais qu’on supprimât tout ce qui concerne les sentiers. Les sentiers sont un objet spécial, et je pense qu’à cet égard nous pouvons laisser les choses telles qu’elles sont.
Si on admet le
principe que dans les Flandres les riverains resteront chargés de l’entretien
des chemins vicinaux, je voudrais que ces riverains fussent obligés de se
racheter de cette obligation, et alors je présenterais subsidiairement
l’amendement que voici :
« Les propriétaires qui, par suite d’obligations
qui pèsent actuellement sur eux, seraient chargés de réparation complètes ou
partielles de chemins vicinaux, s’affranchiront de cette obligation moyennant
une indemnité payable en dix ans, par dixième, à la commune et applicable à la
réparation desdits chemins.
« Cette indemnité sera fixée à dire de deux
experts nommés et par l’administration communale et par les propriétaires
intéressés. En cas de contestation, un troisième expert sera désigné par la
députation provinciale. »
Mais, je le répète, je ne propose cet amendement que
subsidiairement, dans le cas où l’on n’établirait pas out tout le pays un régime
uniforme.
La chambre ordonne le renvoi à la section centrale, de
tous les amendements qui ont été présentés dans la séance de ce jour sur
l’article 13.
M. le président – Je dois faire observer que la section centrale est incomplète,
il manque quatre membres. Comme la chambre désire-t-elle que la section
centrale soit complétée ?
Un
grand nombre de membres – Par le bureau.
M.
le ministre de la justice (M. Raikem) – Cela s’est déjà fait plusieurs fois.
- La chambre décide que le bureau complètera la
section centrale.
La séance est levée à 4 heures et trois quarts.
Amendement de M. Lebeau à l’article 14 du
gouvernement
En cas d’insuffisance des revenus ordinaires de la
commune, il est pourvu chaque année, aux dépenses des chemins vicinaux, au
moyen :
1° D’un rôle de prestation de deux journées de
travail, à acquitter en argent par chaque chef de famille ou d’établissement
payant au moins trois francs de contributions directes ;
2° D’un rôle de prestation de trois journées de
travail, payable en argent par le propriétaire, usufruitier ou détenteur, par
chaque cheval bête de somme, de trait et de selle, charrette, tombereau et
voiture attelée au service de la famille ou de l’établissement dans la commune.
« La prestation à payer sur les chevaux et autres
bêtes, ainsi que sur les charrettes, tombereaux et voitures, exclusivement
employés à l’agriculture, ne sera que du tiers de celle à imposer sur les
bêtes, voitures, charrettes ou tombereaux employés à un autre usage ;
3° Des centimes spéciaux en addition à la cote des
contributions directes, payées dans la commune, patentes comprises.
Ces centimes spéciaux contribueront toujours pour un
tiers au moins dans la dépense ; si le montant des prestations imposées d’après
les deux premières bases excède les deux autres tiers, elles concourront par
part égale ;
4° Des subventions spéciales qui pourront être
fournies par les exploitants de mines, carrières, forêts ou autres industriels,
aux termes de l’article 27 ci-après ;
5° Des droits de péage autorisés ;
6° Des amendes perçues par suite des contraventions,
conformément à l’article 39 ci-après ;
7° Des subsides qui pourront être accordés soit par
des provinces, soit par l’Etat ;
8° De toute autre somme qui, par résolution dûment
approuvée, aura reçu cette destination.
Ne seront comprises sous la dénomination de revenus ordinaires de la commune, ni les réparations personnelles sur les habitants, ni les coupes de bois délivrées en nature à ceux-ci pour leur affouage, lorsque la répartition et délivrance auront été dûment autorisées. »