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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du jeudi 6 février 1840
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Rapports de pétitions relatives à (a) l’impôt sur la fabrication des
boissons distillées (Demonceau, Liedts,
Rogier) et à (b) l’industrie des lins (Zoude,
Van Cutsem, Mast de Vries,
Zoude, Cools, Zoude,
Pirmez, Rodenbach, Demonceau)
3) Motion d’ordre relative à la loi sur les bois étrangers (Zoude)
4) Projet de loi sur les chemins vicinaux. Motion d’ordre (Cools, de Theux, Cools,
de Theux, Liedts, Dubus (aîné), de Theux) ; établissement
des plans de délimitation et d’alignement (articles 1 et 3) (Vandenbossche, Dubus (aîné), Cools, de Theux, Desmet,
Dubus (aîné), Cools, Cools, Dubus (aîné), Dubois,
de Theux) ; mesures de publicité et
possibilité de réclamation (articles 4 à 11) (de Garcia,
Dubus (aîné), Rogier, de Theux, Dubus (aîné), Liedts, de Theux, de Langhe, Dubus (aîné), Cools) ; imprescriptibilité des chemins vicinaux
(article 12) (de Theux, Peeters,
Verhaegen, de Theux, Milcamps, de Theux, Verhaegen, de Theux, Dubus (aîné), Milcamps, Verhaegen, de Theux, Milcamps, Demonceau, Liedts)
(Moniteur belge
n°38 du 7 février 1840)
(Présidence de M.
Fallon)
M. Mast de Vries procède à l’appel nominal à
midi et demi.
M. B. Dubus donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La
rédaction en est adoptée.
PIECES ADRESSEES A
M. Mast de Vries donne communication des
pièces adressées à la chambre :
« Trois anciens receveurs de la loterie d’Anvers
et de Gand renouvellent leur demande de pension. »
- Renvoyé à la commission des pétitions.
________________________
« Trois habitants d’Anvers demandent le payement
de leurs créances du chef de fournitures et prestations faites à l’hôpital
militaire d’Anvers, en octobre 1830. »
- Renvoi à la commission des finances.
________________________
« Les artistes vétérinaires de la province de
Liége demandent une loi répressive sur l’exercice de l’art vétérinaire sans
autorisation. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________________
« Des propriétaires, cultivateurs et marchands de
lin du canton de Jodoigne adressent des réclamations contre les pétitions qui
demandent l’élévation du droit de sortie sur le lin. »
Sur la demande de M. Eloy de Burdinne, cette requête
est renvoyée à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
_________________________
M. Dechamps, qui est de retour dans sa famille par
suite de la mort de sa mère, demande un congé.
- Accordé.
M.
Demonceau – Messieurs, pendant le cours
de la discussion du budget des voies et moyens, la régence de la ville d’Anvers
avait adressé à la chambre une pétition tendant à obtenir l’abrogation d’un
article de la loi du 27 mai 1837 sur les distilleries. L’honorable M. Ullens,
dans un but aussi moral que financier, proposa à la chambre d’abroger l’article
dont il s’agissait et qui est conçu comme suit :
« A partir du 1er janvier 1838, les
taxes municipales sur la fabrication des eaux-de-vie ne pourront, dans aucun
cas, excéder la moitié de l’impôt de l’Etat. »
La chambre renvoya la proposition de M. Ullens à la
section centrale avec invitation de faire un rapport le plus tôt possible. La
section centrale, messieurs, vient de se réunir ; elle a examiné avec
attention la proposition de l’honorable M. Ullens et elle a trouvé que la
disposition de la loi du 27 mai 1837 n’empêcherait pas les régences d’établir
des droits supérieurs à la moitié du droit perçu par l’Etat, sur les
eaux-de-vie fabriquées à l’extérieur des villes ; elle a trouvé que cette
loi ne s’appliquerait qu’aux droits à établir sur les distilleries ayant le
siège dans le ressort de l’octroi des
villes. Vous vous souvenez, messieurs, que la disposition don il s’agit a été
adoptée dans le but d’empêcher la fraude ; or la section centrale a pensé
que l’abrogation de cette disposition n’améliorerait pas la position financière
des régences, car si le gouvernement persiste à maintenir le principe de la
loi, il sera de son devoir d’empêcher que les régences n’élèvent le droit sur les
eaux-de-vie au-delà de la moitié du droit perçu par l’Etat, puisque sans cela
il y aurait fraude, du moins dans l’opinion de ceux qui ont provoqué l’adoption
de la disposition législative dont l’abrogation est demandée.
La section centrale, après un mûr examen, a été
d’avis, à l’unanimité des membres présents, que l’abrogation proposée, supposé
qu’elle fût admise, n’apporterait qu’une amélioration imparfaite à la loi pour
amener peut-être la fraude ; elle a pensé que le vice était dans le
système qui a servi de base aux lois actuelles sur les distilleries et sur les
débitants de boissons ; et tout en proposant la non-adoption de
l’amendement proposé par M. Ullens, elle pense qu’il y a lieu d’appeler
l’attention du gouvernement sur la pétition de la régence d’Anvers, du 30
octobre 1839 ; et, attendu les graves inconvénients signalés, elle exprime
le vœu de voir le gouvernement s’occuper le plus promptement possible de la
révision des lois sur les distilleries, et elle propose par suite le renvoi à M.
le ministre des finances.
M. Liedts – Je viens d’apprendre,
messieurs, par le rapport de l’honorable M. Demonceau, que, dans l’opinion de
la section centrale, la loi du 27 mai 1837, n’empêche pas les villes de frapper
de plus de la moitié du droit perçu par l’Etat, les eaux-de-vie distillés en
dehors du rayon de l'octroi. Je demanderai à l’honorable rapporteur si M. le
ministre a été appelé dans le sein de la section centrale et si cette opinion
est aussi celle du gouvernement.
M.
Demonceau, rapporteur – Je répondrai à l’honorable
M. Liedts, que l’opinion de la section centrale est la conséquence rigoureuse
du texte de la disposition dont il s’agit et dont j’ai donné lecture. Aussi M.
le ministre des finances qui a soutenu le projet de loi a entendu cette
disposition de la même manière que la section centrale ; voici comment il
a expliqué la portée de la disposition :
« Je prie la chambre de remarquer qu’il ne s’agit
en aucune façon, dans cet article, des octrois municipaux, les villes
demeureront libres de proposer tels droits à l’entrée des genièvres en ville
qu’elles voudront, nous ne nous occupons ici que de la fabrication des
eaux-de-vie, et si nous posons une limite à l’impôt sur cette fabrication, c’est
pour ne pas stimuler la fraude en détruisant l’économie des bases de la loi, ce
qui arriverait nécessairement si le droit pouvait, par exemple, être double ou
triple. Nous irions ainsi en sens inverse du but que nous nous proposons. L’on
frauderait à la fois les droits dus au trésor et à la caisse municipale, et
cette fraude ne se ferait pas seulement à l’intérieur des villes, elle
continuerait à se pratiquer du dehors comme on le voit chaque jour à Bruxelles
même. Par la disposition telle qu’elle est conçue, on évitera que le trésor
soit lésé, et l’impôt municipal, quoique réduit partiellement, produira en
définitive pour les villes au-delà de ce qu’elles ont retiré de cette taxe
jusqu’ici. »
Cette différence, du reste est justifiée par la nature
même des choses : le droit à la fabrication ayant une tout autre base,
d’après la loi que celui que peuvent établir les villes sur les eaux-de-vie
livrées à la consommation.
M.
Liedts – Messieurs, la proposition de
la section centrale est le renvoi pur et simple de la pétition de la ville
d’Anvers, à M. le ministre des finances ; je demanderai qu’on y joigne une
demande d’explications, et voici pourquoi :
Ce qui a empêché la section centrale de proposer un
projet de loi, ou de prendre une autre conclusion, c’est uniquement, si j’ai
bien compris le rapport, la crainte qu’en dérogeant à la loi du 27 mai 1837, on
ne facilite la fraude ; or, je voudrais savoir si M. le ministre des
finances partage cette crainte ; car, si le gouvernement pense que la
fraude n’est pas à redouter, la section centrale pourrait nous présenter
d’autres conclusions.
Je ferai remarquer, du reste, à la section centrale,
qu’imposer le genièvre à l’entrée des villes, ce serait accorder le monopole
aux distilleries de l’intérieur de ces villes. Or, toutes les régences
reculeront devant une pareille mesure ; et c’est absolument ne rien
proposer, que de proposer de donner aux grandes villes la perspective de
pouvoir imposer le genièvre fabriqué au dehors de leur enceinte.
M. Rogier – Je crois, messieurs, qu’il faudrait également renvoyer la
pétition avec demande d’explication au département de l’intérieur. La loi sur
les distilleries touche à des questions d’octroi ; elle touche l’industrie
et l’agriculture ; la chose rentre donc aussi, elle rentre même
principalement dans les attributions de M. le ministre de l'intérieur.
- Le renvoi à M. le ministre de l'intérieur, aussi
avec demande d’explications, est mis aux voix et adopté.
____________________
M.
Zoude, rapporteur – Une indisposition assez
sérieuse de M. Van Cutsem ne lui a pas permis de faire le rapport sur la
question des lins ; nous devons le regretter, car le soin avec lequel il
avait étudié cette question nous mettait en droit d’attendre qu’il aurait donné
à la chambre des renseignements très utiles.
Messieurs, des pétitions, revêtues d’une multitude de
signatures, vous dépeignent la position malheureuse dans laquelle se trouve
l’industrie linière.
Dans beaucoup de localités, des populations nombreuse
sont sans travail, ou ne vivent que du pain de l'aumône.
Tous les pétitionnaires conjurent le gouvernement de
venir à leur secours, en apportant des modifications au tarif des douanes sur
le lin, le fil et les toiles.
D’autres pétitions, moins nombreuses, à la vérité,
tout en convenant que l’industrie linière a besoin d’encouragement, protestent
contre toute majoration de droit à la sortie du lin.
La plupart de ces pétitions ayant été imprimées au
Moniteur, il serait superflu de vous reproduire les raisons que l’on a fait
valoir de part et d’autre ; et je me bornerai à vous rendre compte des
observations qui ont été faites, dans le sein de votre commission, sur cette
importante question.
D’abord on a dit, en faveur d’une augmentation de
droit à la sortie, que nos lins, surtout les extra-fins, étaient d’une
nécessité indispensable aux fabriques anglaises ; que dès lors un droit un
peu élevé pourrait restreindre les achats, mais ne les empêcherait pas au point
de compromettre l’agriculture.
On a répondu que les lins fins ne faisaient guère que
la deux centième partie de nos produits, et comme nos importations en
Angleterre s’élèvent au plus au vingtième des importations générales, il en
résulte que nos lins fins ne présentent à la consommation des fabriques
anglaises qu’une fraction minime d’un pour mille, ce qui paraît infirmer le
besoin indispensable que l’on aurait de nos qualités supérieures. A l’appui de
cette observation on a cité notamment un mémoire de Courtray portant que les
Anglais n’achètent que des lins courts de qualité moyenne, et que ceux-là
avaient reçu en Belgique toutes les préparations de rouissage et de teillage,
ce qui laissait au pays le bénéfice d’une main-d’œuvre considérable.
Que les Français, au contraire, enlevaient les
premières qualités en tige, parce qu’ils étaient en position, comme nous, de
les rouir avec avantage ; que c’était contre cette sortie de lin brut
qu’il fallait prendre des mesures pour conserver au pays les diverses
manipulations, et que cette restriction à la sortie du lin brut ne pourrait
être nuisible à l’agriculture.
On a demandé si, dans tous les cas, en présence du
prix élevé des lins, un droit protecteur pourrait effrayer l’agriculture. On a
consulté l’expérience qui a répondu « oui ». Il paraît, en effet, que
lors de la réunion du pays à
Voulant toujours nous éclairer davantage, nous avons
consulté les avis donnés par des juges qui nous ont paru devoir être compétents
sur la matière ; et nous avons entendu la chambre de commerce de Gand dire
que, si le lin n’avait pas été frappé d’un droit, il finirait par disparaître,
parce que le pays ne pourrait pas concourir avec les Anglais, à raison de leurs
machines, et qu’il ne concourrait pas davantage avec les Allemands, à raison du
bas prix de leurs terres et de la modicité de la main-d’œuvre.
Bruges et Ypres, partageant cet avis, ont aussi
réclamé un droit protecteur, mais le Hainaut, Anvers et Ostende s’y
opposent ; le motif donné par Ostende est que la culture du lin forme la
richesse la plus considérable du territoire ; mais la question, dit notre
honorable collègue M. de Foere, dans un écrit lumineux sur la matière, et qui
mérite d’être consulté, la question n’est pas de savoir si la libre sortie du
lin procurera une plus forte somme de richesse au pays, mais si, par une sortie
restreinte, une richesse moindre n serait pas mieux distribuée parmi les
membres de la société auxquels elle procurerait un plus grande aisance.
On a dit encore en opposition aux motifs donnés par
Ostende, qu’il est des données statistiques qui prouvent que le produit de la
main-d’œuvre par la fabrication du fil et de la toile l’emporte
considérablement sur l’exportation du lin, et cela résulte à évidence du
rapport de l'honorable M. Van Cutsem sur la pétition d’Aeltre.
S’il en est ainsi, il est du devoir des amis de leur
pays, de restreindre la sortie d’une matière première qui présente tant de
ressource à la classe ouvrière, et ce devoir leur est particulièrement tracé
par la chambre de commerce de Bruxelles, qui dit, avec nous, que lorsqu’une loi
de douanes, procure ou maintient le travail de la main-d’œuvre au pays, elle
porte avec elle le cachet de sa bonté.
Après l’avis des chambres de commerce, nous avons
consulté les opinions émises par les commissions de la chambre même, et nous
avons trouvé qu deux rapports de la commission d’industrie, l’un présenté en
1832 et l’autre en 1838, avaient conclu au maintien du tarif actuel sur la
sortie du lin ; mais la section centrale, en
Le même rapport, messieurs, dit encore que la culture
du lin ne peut avoir de prospérité dans son avenir que pour autant qu’elle ait
toujours la fabrication des toiles à ses côtés, que le développement de la
culture en est la fille, qu’elle doit venir en aide à sa mère, que celle-ci,
par la réduction du lin en fil, produit plus de 7 fois son coût primitif, qui
allait à 8 lorsqu’il était converti en toiles.
La sortie d’une matière première, y est-il dit encore,
est quelquefois une mesure désastreuse pour le pays qui la permet. L’Italie
vend des soies brutes, et son commerce de soieries y est anéanti.
En Piémont et en France, l’exportation des soies
brutes est défendue ; et ces pays conservent leur industrie et le commerce
de soieries.
Vous le voyez, messieurs, les raisons pour et contre
l’augmentation du droit, qui déjà ici sont assez nombreuses, l’ont bien été
davantage dans les explications qui ont eu lieu.
Mais une considération domine, c’est celle du sort
d’une nombreuse population à l’aisance de laquelle
Prenons garde de jeter dans le désespoir une
population morale jusqu’ici, mais qui, poussée à bout, pourrait bien briser le
ressort des lins sociaux, si on refusait de la secourir.
Souvenons-nous que le pétitionnement, sous Guillaume,
fut méprisé d’abord.
Messieurs, votre commission, convaincue de l’état déplorable
dans lequel se trouve l’industrie linière, souffrances que reconnaissent tous
ceux qui s’opposent à la majoration du droit à la sortie, a l’honneur de vous
proposer le renvoi de toutes ces pétitions à MM. les ministres de l’intérieur
et des finances ; elle est persuadée qu’ils apporteront à leur examen
l’attention le plus sérieuse, et si le ministère partageait les doutes de la
commission sur les avantages et les inconvénients d’une majoration de droit, un
troisième intéressé, le fisc, devrait faire pencher la balance en sa faveur, et
on en ferait l’essai d’un droit.
M. le président – Messieurs, vous venez
d’entendre les conclusions de la commission ; quelque demande-t-il la
parole ?
M. Mast de Vries – Parmi les pétitions qui ont été envoyées sur cette question,
il en est un grand nombre qui demandent à ce qu’il ne soit pas porté de droits
sur la sortie du lin…
M.
Zoude, rapporteur – J’en ai fait mention.
M. Mast de Vries – Vous en avez fait mention,
il est vrai ; mais tout votre rapport est entièrement rédigé dans un seul
sens.
M.
Zoude, rapporteur – J’en appelle à la lecture
que je viens de faire ; je crois que je me suis expliqué suffisamment, en
faisant connaître les motifs qui sont allégués par ceux qui s’opposent à tout
droit quelconque. Les pétitionnaires, tout en protestant contre une majoration
de droits, conviennent de l’état de souffrance dans lequel se trouve
l’industrie linière.
Je
n’ai rien dissimulé dans mon rapport ; j’en suis incapable ; personne
ne me donnera jamais un démenti à cet égard ; je ne le mérite pas et je ne
l’ai jamais mérité.
M. Eloy de Burdinne – Toutes les pétitions pour
et contre doivent être renvoyées aux ministres de l’intérieur et des
finances ; c’est ainsi que j’ai entendu et qu’on doit entendre le rapport.
(Oui ! oui !)
M. Cools – Messieurs, si j’ai bien
compris M. le rapporteur, il conclut tout simplement au renvoi des pétitions
aux ministres de l’intérieur et des finances. Je ne sais pas s’il entre dans la
pensée de la commission de renvoyer également aux ministres les avis qu’elle a
recueillis sur ces pétitions. S’il en est ainsi, je ferai observer que la
commission s’est, il est vrai, entourée de beaucoup de renseignements pour
faire son rapport, mais qu’il y a des renseignements très essentiels qui
manquent. Lorsque la commission s’adresse aux chambres de commerce pour avoir
leurs avis, il faudrait qu’elle s’adressât indistinctement à celles qui sont
favorables à la demande comme à celles qui ont un intérêt opposé. A cet égard,
j’ai été étonné de ne pas voir dans le rapport l’avis de la chambre de commerce
de Saint-Nicolas, bien que, dans le district de ce nom, la culture du lin soit
pour ainsi dire générale. Je demanderai si le rapporteur ne propose pas le
renvoi des avis qu’elle a recueillis. Je devrais, dans ce cas, m’opposer à ce
double renvoi, parce que ces avis ne sont pas complets.
M. le président – La commission n’a pas proposé ce renvoi.
M. Zoude, rapporteur – Nous avons consulté tous
les anciens rapports qui ont été envoyés tant à la commission d’industrie qu’à
d’autres commissions sur la question des lins. Nous avons pris les rapports qui
présentaient le plus d’arguments, mais, je le répète, nous avons tout consulté,
et j’ai tout cité pour et contre.
M.
Liedts – Messieurs, cette
distinction est inutile, il est admis en jurisprudence constante devant la
chambre, que le renvoi d’une pétition à un ministre n’implique pas, de la part
de la chambre, l’adoption des motifs sur lesquels la commission s’est
fondée ; car s’il en était autrement, nous devrions soumettre ces motifs à
une décision.
M.
Rogier – Je voulais faire la même
observation. Il n’y a pas d’inconvénient à renvoyer les pétitions aux ministres
de l’intérieur et des finances, cela n’implique pas, de la part de la chambre,
l’approbation des principes ou des idées développées dans le rapport de la
commission ; sinon, il faudrait discuter ces idées et ces principes.
M.
Desmet – C’est un renvoi pur et
simple.
M.
Pirmez – La chambre est censée ne
pas approuver les raisons qui sont données dans le rapport, car il y a dans ce
rapport des choses extrêmement fortes, et des conséquences tout à fait fausses.
Ainsi l’on dit aux fileurs des Flandres : la cause de votre misère, cela
provient de ce qu’on laisse sortir le lin. Or, cela n’est pas exact.
M.
Zoude, rapporteur – Vous entamez le fond, nous
ne l’avons pas abordé.
M.
Pirmez – Si vous empêcher la sortie
du lin, vous n’améliorerez pas la situation de fileurs ; leur dire que
cette mesure améliorerait leur position, c’est très grave et très
dangereux ; on ne devrait pas laisser passer de semblables paroles.
M. le président – Le renvoi aux ministres ne signifie pas autre chose, sinon
que la chambre croit qu’il y a lieu à examiner.
M.
Rodenbach – Messieurs, on a dit que
dans le rapport de la commission, il n’y est pas parlé des pétitions qui ne
veulent pas de droits à la sortie du lin ; il n’en est rien ; j’ai
entendu que le rapporteur a fait valoir les motif allégués dans les pétitions
rédigées dans ce sens. Ainsi, il n’y a pas de reproche à faire de ce chef à la
commission.
Messieurs,
la question est très grave ; je ne soutiens pas qu’il faille empêcher la
sortie des lins ; mais il faut un examen sérieux et immédiat de la part du
ministère ; la question est de la plus grande urgence ; la misère
augmente de jour en jour dans les Flandres.
Je
demande donc que le ministre s’occupe sérieusement de cet objet, sinon il
arrivera des pétitions et des députations des Flandres, et alors le ministre
sera bien forcé de donner une réponse (Oh !
oh !) Il me semble que c’est une démarche qui serait très
constitutionnelle que de demander au ministre de donner de bonnes raisons, pour
motiver son refus de se rendre aux vœux légitimes d’une population immense.
M.
Demonceau – Messieurs, j’ai toujours
entendu dire que pour obtenir justice, il fallait la demander avec calme ;
je m’aperçois qu’on a l’air de dire qu’on forcera la main au
gouvernement ; pour ma part, je suis tout disposé, comme je l’ai toujours
été, à rendre justice à tout le monde ; mais si l’on veut me contraindre,
je ne céderai pas aussi facilement. On vient de faire une espèce d’appel aux
masses ; c’est un grand mal que de semblables paroles soient proférées au
sein de la représentation nationale. (Adhésion.)
M.
Rodenbach – Je conviens que, dans
l’improvisation, un mot assez fort m’est échappé, et que j’aurais dû employer
un autre terme ; mais je dis encore que, lorsqu’une population entière,
qui est réellement dans la détresse, fait une demande légitime au gouvernement,
il y a lieu de lui donner satisfaction. (Aux
voix ! aux voix !)
-
Le renvoi proposé par la commission est mis aux voix et adopté.
M.
Zoude – Je demande que la loi sur les bois étrangers soit mise à
l’ordre du jour immédiatement après la discussion du projet de loi sur les
chemins vicinaux. On a en avait décidé mais on paraît l’avoir oublié.
-
La proposition de M. Zoude est acceptée.
Motion d’ordre
M.
Cools – Je me borne à reproduite la motion que j’ai faite dans la
séance d’avant-hier ; je ne ferai valoir de nouveaux motifs à l’appui de
ma proposition que pour le cas où elle serait contestée.
M. le président – M. Cools demande que la discussion soit reprise à partir de
l’article premier du projet de loi.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – Messieurs, quand on a fait
cette motion dans l’avant-dernière séance, j’ai rappelé que la chambre en avait
déjà décidé autrement dans une autre circonstance. J’ai vérifié les faits, et
je me suis assuré que mon assertion était exacte. L’on avait, en 1837, avant le
renouvellement de la chambre, entamé la discussion de la loi sur les
douanes ; cette discussion était même entièrement terminée. Nous
demandâmes que la chambre procédât au second vote. Quelques membres firent
opposition et demandèrent qu’on recommençât la discussion. La chambre décida
que la discussion ne serait pas recommencée ; seulement elle admit qu’au
second vote on pourrait proposer des amendements à tous les articles.
Voilà
la marche qui a été suivie ; eh bien, dans la circonstance actuelle, il
existe encore plus de motifs pour suivre les errements qui ont déjà été adoptés
par la chambre ; car si l’on jette les yeux sur les articles qui ont été
votés, on se convaincra que ces articles ne doivent exercer aucune influence sur
la partie du projet qui reste à discuter. Il n’y a qu’un seul article,
l’article 13, qui a rapport aux articles non encore discutés ; mais par
cela seul que cet article a été amendé, il sera nécessairement remis en
discussion lors du second vote ; d’ailleurs, soit que l’on revienne au
projet du gouvernement quant à l’article 13, soit que l’on maintienne le vote
de la chambre, il n’en résultera absolument aucune modification aux articles du
projet qui restent encore à discuter.
Je
crois donc que ce serait perdre inutilement une ou plusieurs séances que de
recommencer la discussion de ce projet.
M. le président donne lecture du passage du
procès-verbal, qui est relatif à la décision prise par la chambre, en ce qui concerne
la question de savoir si l’on recommencerait la discussion du projet de loi sur
les douanes. Il en résulte que la chambre a décidé qu’il n’y aurait plus qu’un
second vote sur le projet, mais que l’on pourrait présenter de nouveaux
amendements.
M. Cools – Messieurs, lorsque, dans la
séance d’avant-hier, j’ai fait ma proposition, j’ignorais quels étaient les
antécédents de la chambre ; j’ai proposé de commencer la discussion par
l’article premier, parce que, dans toute loi quelconque, il me semble qu’il est
plus naturel de commencer par le commencement. Hier on m’a fait observer qu’en
1837, une semblable question avait été décidée ; j’ai consulté le Moniteur
à cet égard et je vous avoue qu’au premier abord j’ai été étonné en apprenant
que la chambre aurait décidé la question contrairement à ma proposition.
Nouvellement arrivé dans son sein, devant respecter les usages, je n’aurais pas
renouvelé ma proposition, si j’avais reconnu qu’il y eût réellement un
antécédent. Mais ayant vu, en recourant au Moniteur, qu’il n’y avait aucune
identité, ni même d’analogie entre les deux questions, j’ai cru devoir
présenter de nouveau ma proposition.
Voici
ce qui s’est passé en 1837 :
La
chambre, avant de se séparer, s’était livrée à une longue discussion de la loi
des douanes ; beaucoup de discours avaient été prononcés ; tous les
principes avaient été discutés ; on avait voté sur toutes les propositions
de la loi ; il ne restait plus qu’à les soumettre à l’épreuve du second
vote et à voter sur l’ensemble. La question qui s’est présentée était celle de
savoir si on recommencerait toute la discussion, ou bien si on procéderait au
second vote.
Au
commencement de la séance où cette question a été agitée, M. le ministre de
l'intérieur a pris la parole, et s’est exprimé de la sorte :
« Je
ferais remarquer que, dans les circonstances actuelles, il y aurait peut-être
moins d’inconvénients que dans tout autre cas (M. le ministre ne se prononce
pas pour tous les cas) à continuer la discussion dans l’état où elle a été
laissée, parce que tous les articles ont été amendés, à l’exception de trois…
et même, à l’égard des trois derniers articles, je ne verrais aucun
inconvénient à les considérer comme connexes avec les autres articles amendés,
de manière qu’on serait libre d’amender ceux-là comme ceux-ci. »
Ainsi
il ne s’agissait que d’une question de temps, c’est parce qu’on avait eu une
longue discussion, qu’on ne voulait pas recommencer, qu’on proposait de rendre
la discussion au point où on l’avait laissée.
« Du
reste, continue M. le ministre, je ne tiens pas à ce mode de procéder, à
l’exclusion de celui qui consisterait à reprendre la discussion sur le rapport
primitif de la section centrale, en laissant de côté le premier vote. C’est un
point que j’abandonne à la décision de la chambre. »
Plusieurs
orateurs ont pris la parole, ont fait observer qu’on était entré dans de longs
développements, que la question avait été parfaitement approfondie, et que,
pour gagner du temps, il ne fallait procéder qu’au second vote. Ici, la même
chose se présente-t-elle ? Non ; la chambre, avant de se séparer, n’a
pas achevé d’examiner les diverses dispositions du projet mais seulement
quelques articles après le vote desquels elle a mis autre chose à l’ordre du
jour.
Il
ne s’agit pas ici de savoir si on recommencera toute la discussion ou si on la
reprendra au second vote ; mais si on reprendra la discussion du projet au
milieu, si on commencera par s’entendre sur les conséquences qui découlent de
principes sur lesquelles on reviendrait plus tard, de manière que les détails
subiraient une double épreuve, tandis que les principes ne seraient votés
qu’une fois.
Vous
sentez qu’il y a une différence complète entre les deux cas. La différence est
telle que, dans le dernier article qu’on a adopté, on a établi que dans les
provinces où il y a des usages contraires à la présente loi, ces usages
continueront à faire loi, c’est-à-dire que les riverains pourront continuer à
entretenir les chambres.
Maintenant,
nous allons nous occuper de la répartition des dépenses d’entretien et
d’amélioration des chemins vicinaux. Mais il y a une question à décider
d’abord ; c’est celle de savoir si, dans quelques provinces, l’entretien
continuera à être à la charge des riverains.
Voulez-vous
faire une loi applicable à 6 ou 7 provinces, tandis que, dans les autres
provinces, vous laisserez les conseils provinciaux régler le mode d’entretien.
Ce serait exorbitant que de faire une loi applicable dans six ou sept provinces
et sans valeur dans les autres ; et, dans tous les cas, c’est un principe
sur lequel la chambre actuelle doit se prononcer d’abord.
Je
crois devoir persister dans la proposition que j’ai faite.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – Je crois que le précédent
adopté en
Ainsi
que je l’ai fait remarquer, le chapitre Ier, qui est relatif à la
reconnaissance et à la délimitation des chemins vicinaux, quel que soit le
système d’entretien et d’amélioration qu’on adopte, ce chapitre Ier demeure
intact. Il est entièrement séparé ce qui concerne l’entretien, la surveillance
et l’amélioration des chemins vicinaux. Un seul article est resté en arrière,
celui relatif à la prescription. C’est un article tout spécial, ainsi que
chacun peut s’en convaincre.
Au
chapitre II, qui concerne l’entretien, la chambre a rejeté du premier article,
le treizième du projet, un paragraphe qui permettait aux conseils provinciaux
de maintenir les anciens usages d’après lesquels, dans deux provinces, les
riverains étaient chargés de l’entretien de certains chemins vicinaux. Mais
quelque décision qu’on prenne au second vote sur cet article, elle n’aura
aucune influence sur le reste du projet. Au reste, si on voulait discuter de
nouveau l’article 13, le premier du chapitre II, je ne m’y opposerais pas.
Comme
on a déjà employé beaucoup de temps à la discussion des premiers articles de ce
projet, que la session est avancée, et que nous avons à voter un grand nombre
de projet d’une très grande utilité, je crois, que, dans les circonstances
actuelles, la chambre sera conséquente avec elle-même, en reprenant la
discussion au point où elle l’a laissée.
M.
Liedts – Messieurs, je pense que la
chambre ne doit pas poser le précédent que propose l’honorable M. Cools. Je
conçois qu’on en agisse ainsi, comme il le demande à la suite d’une
dissolution, parce qu’alors, en supposant que tous les membres revinssent, ce
serait une chambre nouvelle, une législature nouvelle ; mais à la suite
d’un renouvellement partiel, bien que quelques membres nouveaux soient nommés,
ce n’en est pas moins l’ancienne chambre qui continue ses travaux. Si vous
admettez l’antécédent qu’on vous propose pour sept ou huit membres, vous devrez
faire la même chose quand trois ou quatre nouveaux élus viendront siéger dans
la chambre. Ce n’est pas parce qu’il y a eu un intervalle entre les deux votes
que M. Cools a fait sa proposition, mais parce que quelques nouveaux membres
ont été nommés. D’ailleurs quel est son motif ? Il craint que les articles
à voter ne soient les corollaires de principes qui recevraient des
modifications, si on recommençait toute la discussion de la loi. Mais rien ne
s’oppose, s’il trouve que des principes aient été omis, à ce qu’il les propose
sous forme d’article de loi, sauf classement. De cette manière, il pourra
atteindre son but sans recommencer la discussion de toute la loi. Au reste,
comme l’a fait remarquer l’honorable M. Dubus dans une séance précédente, tous
les articles votés ont été amendés, à l’exception d’un ou deux, et seront
soumis à un second vote ; si l’honorable membre les croit susceptibles de
modifications, il pourra les proposer. J’ajouterai qu’on pourra faire ce qu’on
a fait en 1837, ne pas s’attacher aussi rigoureusement à l’exécution de
l'article du règlement relatif aux modifications à introduire au second vote
d’une loi, et remettre en discussion même les articles qui auraient été adoptés
purement et simplement. De cette manière, M. Cools serait satisfait et nous ne
poserions pas un précédent qui nous obligerait à recommencer des discussions de
loi quand deux ou trois nouveaux membres viendraient siéger parmi nous.
M.
Dubus (aîné) – C’est aussi pour ne pas poser un précédent, que la chambre
aurait à regretter plus tard, que je me prononcerai pour la motion de M. Cools,
c’est-à-dire qu’il y a lieu de recommencer la discussion par l’article 1er.
Quoiqu’en procédant d’un autre façon il n’y ait pas d’inconvénient dans cette
circonstance, je craindrais qu’on ne fût entraîné, par le même précédent, dans
des circonstances où il présenterait de véritables inconvénients. Je pense qu’en
principe, une chambre renouvelée par l’élection quand même elle serait composée
des mêmes membres, n’est aucunement liée par des résolutions partielles prises
par la chambre précédente. Une chambre renouvelée par moitié n’est pas liée
davantage. Pour apprécier cette conséquence, il suffit de jeter les yeux sur
l’article de votre règlement qui porte que, pour valider une décision, il faut
qu’elle ait été votée par la moitié des membres de la chambre plus un. Donc,
quand la moitié des membres est renouvelée, l’effet doit être le même que quand
il y a renouvellement total, si on fait abstraction du cas où les mêmes membres
sont réélus. L’honorable préopinant doit l’admettre ici, puisqu’il l’a admise
en cas de renouvellement total.
Messieurs,
la chambre avait admis, je crois, que les actes consommés demeuraient
consommés ; elle avait admis que lorsqu’une section centrale avait
présenté un rapport, ce rapport demeurait comme œuvre d’une section centrale de
la chambre et que la nouvelle chambre délibérerait sur ce rapport là. Mais ici
nous ne sommes pas dans une espèce semblable. Il s’agit d’un acte qui a été
commencé. La chambre ne s’est prononcée que sur les premiers articles de la loi
et on voudrait que la chambre qui succède vînt reprendre le travail au point où
il a été laissé. La nouvelle chambre se
trouverait embarrassée dans l’exercice de ses prérogatives par l’œuvre de ses
prédécesseurs ; elle se trouverait dans un premier vote. Mettre le reste
de la loi en harmonie avec les articles votés, et quand viendrait le second
vote, elle renverserait les bases de l’édifice et modifierait l’édifice entier.
Ce n’est pas là une manière rationnelle de procéder. Il me paraît que la
chambre doit commencer par reprendre l’édifice par ses fondements pour pouvoir
la construire en entier.
Relativement
à la loi des douanes, il y avait eu un premier vote. La chambre a pensé qu’elle
n’était pas liée par ce premier vote ; tout s’est borné à décider qu’il
n’y aurait qu’un vote ; mais, on a recommencé l’édifice par ses fondements,
et je crois que c’est toujours ce que nous devons faire. C’a été une
disposition du règlement pour un cas spécial ; je n’en vois pas
l’application pour le cas actuel.
On
a mis en avant le désir de gagner du temps. Eh bien, je ne crois pas qu’on
puisse gagner une heure de temps par la marche qu’on propose. Si vous reprenez
le projet de loi au point où la discussion en est restée, les membres qui
voudront élever des discussions les élèveront au second vote. Si vous ne devez
pas avoir de discussion au second vote, vous n’en aurez pas tout à l’heure,
dans le cas où la discussion commencerait par l’article premier ; et dans
ce dernier cas, si la résolution que vous prendrez sur les premiers articles, a
reçu l’assentiment d’une majorité notable de la chambre, il y a lieu de penser
qu’il n’y aura pas de discussion au second vote. Ainsi toute la question est de
savoir si la discussion sur ces articles aura lieu au premier ou au second
vote. Mais vous n’aurez pas deux discussions.
Au
contraire, si vous prenez le parti de recommencer la loi par l’article 14, et
qu’au deuxième vote vous modifiiez les premiers articles, il est possible que
ces modifications en entraînent d’autres, et qu’il faille de nouvelles
discussions. Ainsi même sous le rapport du désir de gagner du temps, je ne vois
pas qu’il y ait de raison pour recommencer par l’article 14 ou par l’article
13.
M.
le ministre a consenti à ce qu’on recommençât par l’article 13. je trouve qu’il
est plus raisonnable de commencer par l’article 1er. Si l’on fait
tant que de revenir sur un article, il est tout à fait naturel de revenir à
l’article 1er.
Au
reste, ces premiers articles n’ont pas demandé beaucoup de temps ; car la
discussion générale et la discussion des articles ont demandé trois séances. A
la quatrième séance, la discussion n’avait fait que commencer, lorsqu’est venue
la motion d’ajournement. Il n’y a donc eu que trois séances ; et, je le
répète, ce sont des discussions que vous n’éviterez pas, si des membres veulent
revenir sur les questions provisoirement décidées.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – Je ne veux pas prolonger la
discussion sur cet incident ; la chambre le videra par son vote. Mais je
veux dire que, quelle que soit la résolution de la chambre, soit qu’elle prenne
la discussion au point où elle s’est arrêtée dans la dernière séance, soi
qu’elle recommence la loi, en aucun cas la chambre ne sera liée pour l’avenir.
Elle pourra toujours, en toute circonstance ultérieure, décider ce qu’elle
jugera être le plus convenable à l’ordre de ses travaux ; or, je dis que
si dans une loi aussi importante que celle des douanes, on a admis la validité
du premier vote, et si on s’est borné à un second vote, à plus forte raison
doit-il en être ainsi dans la circonstance actuelle.
Ce
que je propose est conforme à ce qui se fait pour les travaux des sections,
lorsqu’il y a eu renouvellement de la chambre. On ne change pas alors les
rapporteurs des sections, quand même une section centrale n’a pas commencé son
travail ; le projet est repris au point où il est arrivé dans les sections
et dans la section centrale. C’est cette marche qu’à mon avis il convient de
suivre dans la circonstance actuelle. Je suis convaincu qu’il y aurait économie
de temps à reprendre le projet au point où il est arrivé, avec la réserve qu’on
pourra remettre en discussion les divers articles, ainsi que cela a été fait
pour la loi des douanes.
La
chambre consultée décide qu’elle reprend la discussion du projet de loi relatif
aux chemins vicinaux, en commençant par l’article 1.
Discussion des
articles
Article 1 (du projet du gouvernement)
L’article
1 du projet du gouvernement, supprimé par la chambre lors de la précédente
discussion est ainsi conçu :
« Art.
1er. Un chemin est vicinal, quel que soit le mode de circulation,
lorsqu’il est légalement reconnu nécessaire à la généralité des habitants d’une
ou de plusieurs communes, ou d’une fraction de commune. »
M. Vandenbossche – Sans approuver la
définition du gouvernement, je désirerais qu’à l’article 1er on
proposât des catégories de ces chemins. Sinon, on va nous faire retomber dans
tout le dédale des lois anciennes ; et la section centrale a déclaré que
le but de la loi nouvelle était précisément d’éviter cela.
Je
ne suis pas maintenant en mesure de proposer un amendement. Je le ferai au
second vote, si on ne propose pas maintenant de déterminer des catégories.
La
chambre consultée supprime l’article 1er.
Article 2
du projet du gouvernement (article 1 du projet de la section centrale)
La
chambre passe à l’article suivant, ainsi conçu :
« Art.
2 (projet du gouvernement). Dans les communes où il n’existe pas de plans
généraux d’alignement et de délimitation des chemins mentionnés à l’article 1er,
les administrations communales feront dresser ces plans dans le délai de deux
ans, à dater de la publication de la présente loi.
« Elles
feront dans le même délai, compléter, s’il y a lieu, les plans
existants. »
« Art.
1er (Adopté par la chambre). Dans les communes où il n’existe pas de
plans généraux d’alignement et de délimitation des chemins et sentiers
vicinaux, les administrations communales feront dresser ces plans dans le délai
de deux ans, à dater de la publication de la présente loi.
«
Elles feront, dans le même délai, compléter, ou réviser, s’il y a lieu, les
plans existants. »
M.
Dubus (aîné) – Je me prononce pour
l’article de la section centrale, et je dirai à la chambre que, lors de la
première délibération, le ministre s’y est rallié.
Quant
à l’amendement introduit dans le paragraphe 2, il l’a été sur la motion de
l’honorable M. Verdussen, et aussi du consentement de M. le ministre de
l'intérieur, parce qu’il peut exister, dans certaines commues, des plans déjà
dressés, qu’il n’y aura besoin que de réviser.
L’amendement
me paraît se justifier par lui-même.
M. Cools – Je crois que le système
établi dans cet article peut être amélioré. Il y a aurait dans l’exécution de
grands inconvénients à imposer aux communes l’obligation de faire des plans.
L’article
2 porte « dans les commune où il n’existe pas de plans généraux
d’alignement et de délimitation des chemins et sentiers vicinaux, les
administrations communales feront dresser ces plans. »
L’article
3 porte que « les plans indiqueront, outre la largeur actuelle du chemin,
y compris les fossés, la largeur qu’il doit avoir par suite des recherches et
reconnaissances légales, ainsi que la contenance et la désignation des emprise
à faire sur les riverains. »
Le
premier inconvénient qui résultera de ces deux articles, c’est que, dans les
communes où il y a des plans, il n’y aura aucun système uniforme, les plans
étant à des échelles différentes. Dès lors, lorsqu’on comparera les plans d’une
commune à ceux d’une autre, par exemple, pour suivre une route, ce sera
difficile. Je ne veux pas exagérer cet inconvénient, mais c’est est un réel. Un
inconvénient plus grave, c’est que, si vous voulez indiquer sur les plans la
largeur des voies vicinales, ces plans devront être faits sur une échelle
énorme.
Je
vous demande la permission de vous lire l’observation que fait à ce sujet la
députation provinciale du Hainaut ; voici cette observation :
« Ces
plans, pour pouvoir y indiquer la largeur des voies vicinales, devraient être
faits sur une plus grande échelle ; ils seraient, dans cette hypothèse,
beaucoup trop volumineux. En effet, les plans parcellaires du cadastre sont
fait à l’échelle d’un à 2,500 ; ainsi un chemin d’un largeur de
Il
y a encore un autre inconvénient, c’est que ces plans seraient faits sur un si
grande échelle qu’il serait presqu’impossible de les manier.
Il
faut bien se rendre compte, messieurs, que nous nous occupons des communes
rurales, et que là les maisons communales ne sont souvent pas spacieuses ;
cela est tellement vrai que, pour les plans du cadastre, l’administration
centrale a dû donner le modèle d’un meuble pour y placer ces plans ; dans
beaucoup de communes il a fallu placer à cette fin un tiroir en dessous de la
table qui sert aux séances du conseil communal. Or, les plans du cadastre ont
une dimension beaucoup moindre que ceux dont il s’agit en ce moment. Vous voyez
donc, messieurs, que la mesure rencontrerait les plus grandes difficultés dans
l’exécution.
Je
crois, messieurs, qu’il y a quelque chose de mieux à faire, c’est d’adopter une
disposition qui a été indiquée par trois députations provinciales, celles du
Brabant, du Hainaut et de
Il
s’agirait, messieurs, de se borner à dresser, d’après les plans cadastraux, des
plans qui contiendraient uniquement les chemins, et lorsque ces plan ne
seraient pas complets, on y ajouterait les chemins et les sentiers
manquants ; ces plans auraient exactement la même dimension que les plans
cadastraux, et l’on pourrait les placer dans le même meuble ; mais comme
la dimension n’en serait pas suffisante pour indiquer tous les aboutissants et
la largeur exacte des chemins, il faudrait les compléter par des tableaux
supplémentaires.
Pour appliquer ce système, messieurs, j’aurai
l’honneur de proposer un amendement rédigé dans ce sens.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – La députation provinciale a
donné à l’article en discussion une interprétation que cet article ne comporte
point. Il n’est pas nécessaire de faire figurer la largeur des chemins vicinaux
sur le plan ; il suffit d’indiquer cette largeur.
M. Desmet – Il me semble, messieurs, qu’il est impossible de faire les
plans cadastraux ; les articles 2 et 3 n’exigent pas seulement
l’indication de la largeur actuelle des chemins, ils exigent aussi l’indication
de la largeur que les chemins doivent avoir ; or, le cadastre ne donne que
la largeur actuelle.
Dans
J’adopterai l’article tel qu’il a été adopté par la
chambre.
M. Dubus (aîné) – Je crois, messieurs, que les difficultés dont on a parlé devront
nécessairement disparaître dans l’exécution de la loi ; tout dépendra de
la manière dont l’article qui nous occupe sera exécuté. A cet égard je ne pense
pas qu’il faille absolument rejeter les plans cadastraux ; il est bien
vrai que ces plans indiquent seulement la largeur qu’avaient les chemins au
moment où le travail du cadastre a été fait, mais c’est toujours là un
renseignement extrêmement utile. Une fois que le plan est fait, il ne s’agit
plus que de rectifier tout ce qui a besoin d’être rectifié, soit pour reprendre
ce qui a été empris sur le chemin, soi je dirai même que, dans bien des
circonstances où des contestations relatives aux chemins vicinaux ont été
portées devant les autorités judiciaires, ces plans ont été consultés avec
beaucoup de fruit et sont devenus des pièces du procès extrêmement utiles pour
constater les empiètements faits sur le chemin. Et, messieurs, il ne faut pas
croire que la dimension de ces plans soit telle qu’il y ait de la difficulté à
les manier ; j’en ai vu employer dans des contestations où il s’agissait
de savoir s’il y avait eu anticipation, oui ou non ; et je puis dire que
cette difficulté ne se présente nullement.
Je pense donc que M. le ministre p t pour donner au
chemin la largeur nécessaire pour qu’il demeure viable.
Je pense que l’on pourra se servir très utilement des
plans cadastraux ourra très bien, lorsqu’il s’agira de l’exécution de la loi,
utiliser les plans cadastraux et diminuer, sous ce rapport, la dépense qu’il
devra imposer aux communes.
M. Cools – D’après les explications qui viennent d’être données, je
pense que mon but sera atteint par la manière dont on exécutera la loi. Je
n’insisterai donc pas pour mon amendement.
- L’article 2 est mis aux voix et adopté tel qu’il avait
déjà été adopté par la chambre.
Article 3 du projet du gouvernement
(article 2 du projet de la section centrale)
« Les plans dressés et complétés en exécution de
l’article précédent indiqueront, outre la largeur du chemin, la largeur qu’il
doit avoir par suite des recherches et reconnaissances légales, ainsi que la
contenance et la désignation des emprises à faire sur les riverains. »
La section centrale avait adopté cet article, mais il
a été modifié comme suit par la chambre :
« Les plans dressés et complétés en exécution de
l’article précédent indiqueront, outre la largeur du chemin, y compris les
fossés, la largeur qu’il doit avoir par suite des recherches et reconnaissances
légales, ainsi que la contenance et la désignation des emprises à faire sur les
riverains. »
M. le président – Je crois que M. le ministre s’était également rallié à cette
rédaction.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – Oui, M. le président.
M. Cools – Je dois faire une
observation sur cet article. Je crois qu’il faudrait transporter les
mots : « y compris les fossés », et dire : « les
plans dressés et complétés en exécution de l’article précédent indiqueront
outre la largeur actuelle du chemin, la largueur qu’il doit avoir, y compris
les fossés. »
M.
de Behr – Pour mettre cet article en
harmonie avec l’article précédent, il faudrait également y insérer les
mots : « ou révisé », et dire : « Les plans
dressés et complétés, ou révisés, etc. »
M. Cools – Je crois, messieurs, qu’il
y aurait une autre modification à introduire dans cet article ; il me
semble qu’il faudrait supprimer les mots : « par suite des recherches
et reconnaissances légales » ; car il est bien certain que l’on ne
pourra pas empiéter sur la propriété des riverains, et dès lors il me semble
que ces mots sont inutiles.
M. Dubus (aîné) – Je me souviens, messieurs, qu’une semblable proposition
avait été faite lors de la première discussion ; le rapporteur de la
section centrale s’est alors opposée au retranchement dont il s’agit en faisant
connaître les motifs pour lesquels cette phrase avait été insérée dans
l’article, et la chambre a adopté l’opinion du rapporteur, qui avait insisté
sur cette considération qu’il fallait appeler l’attention des autorités locales
sur les moyens de déterminer la largeur des chemins ; il ne fallait pas,
disait le rapporteur, que cette largeur pût être fixée d’une manière
arbitraire ; il fallait exiger que l’on fît des recherches pour constater
l’ancienne largeur légale du chemin. Je pense donc, messieurs, que les mots
dont on propose la suppression ne sont pas inutiles, puisqu’ils ont pour objet
d’appeler l’attention des autorités locales sur le mode de fixation de la
largeur des chemins.
M. Dubois – Je demanderai une explication à M. le ministre sur la partie
de l’article ainsi conçue : « y compris les fossés », et qui
constitue une innovation tout particulière Est-il porté atteinte par là au
droit des riverains auxquels appartient ordinairement la moitié du
chemin ?
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Il ne s’agit pas du tout,
au moyen du redressement du plan, de rien préjuger quant à la propriété du
chemin et des fossés. Les questions de propriété demeurent intactes.
M. le président – Je mets aux voix la proposition de M. Cools, tendant à
transporter les mots : « y compris les fossés. »
- Cette proposition n’est pas adoptée.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – Messieurs, l’on a bien fait
de ne pas adopter cette transposition ; le plan doit constater deux
choses : la largeur du chemin dans l’état actuel, et la largeur qu’il doit
avoir par suite des recherches et connaissances légales ; les fossés étant
mis sur la même ligne que les chemins, la double opération doit avoir lieu pour
les chemins et pour les fossés.
- L’article 2 est mis aux voix et adopté.
Article 4 du projet du gouvernement
(article 3 du projet de la section centrale)
« Art. 3. Ces plans seront exposés pendant deux
mois au secrétariat de la commune.
« L’exposition sera annoncée par voie de
publication et d’affiches, dans la forme ordinaire et dans un journal de
l’arrondissement, s’il en existe. »
M. de Garcia – Je demande qu’on finisse
ainsi l’article : « dans un journal de la province ou de
l’arrondissement, s’il en existe. »
M. Dubus (aîné) – J’appuie l’addition de ces mots : « de la
province » ; j’ai remarqué, en consultant le Moniteur, que
l’amendement qui a été introduit dans cet article était formulé de cette
manière.
M. Rogier – Messieurs, je dois renouveler l’observation que j’ai faite
lors de la première discussion ; je demandais la suppression des
mots : « s’il en existe ». Le doute qu’on formule n’a pas de
cause, puisqu’il existe des journaux dans chacune de nos provinces. Je disais
que c’était en quelque sorte donner une fâcheuse idée de l’état intellectuel du
pays que de supposer qu’il n’existerait pas de journaux dans l’une ou l’autre
de nos provinces. Je voudrais qu’on supprimât ces mots.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Messieurs, je dois faire
remarquer que l’exécution de cet article peut donner lieu à un recours en
justice ; si la loi prescrit impérativement l’insertion dans un journal de
la province et de l’arrondissement, et que cette insertion ne puisse être faite,
faute d’un journal, on élèvera, devant les tribunaux, la question de savoir si
l’on peut donner suite à l’expropriation qui doit avoir lieu par suite des
formalités indiquées à l’article 3. Je ferai remarquer, d’ailleurs, que rien ne
prouve qu’une province ne pourra pas se trouver momentanément sans journal.
Nous en avons vu un exemple. Le Limbourg a été, pendant quelques temps, sans
journal ; cette province en possède un maintenant ; mais ne peut-il
pas arriver des circonstance qui en suspendent la publication, au moins
temporairement ? Il n’y a donc aucun inconvénient à conserver les
mots : « s’il en existe. »
L’article 3 est adopté avec l’addition des mots :
« de la province. »
Article 5
du projet du gouvernement (article 4 du projet de la section centrale)
« Art. 4. Les propriétaires des parcelles
indiquées au plan comme devant être restituées ou incorporées au chemin, seront
avertis du jour du dépôt du plan.
« L’avertissement contiendra la désignation de
ces parcelles et leur sera donné sans frais, au moyen de la signification qui
leur en sera faite, à la requête du collège des bourgmestre et échevins, par
l’officier de police ou le garde champêtre du lieu, soit à personne, soit à
domicile, s’ils habitent la commune. Dans le cas contraire, l’avertissement
sera adressé par la voie de la poste aux lettres, si leur résidence est
connue ; il sera en outre affiché deux fois à huit jours d’intervalle
suivant le mode usité. »
- Adopté.
Article 6 du projet du gouvernement (article 5 du projet de la section
centrale)
« Art. 5. Pendant le délai de deux mois à partir
du jour de l’avertissement donné conformément au mode de publication prescrit
par l’article précédent, tout individu a le droit de réclamer, soit contre les
plans nouveaux, soit contre les rectifications apportées aux plans
existants. »
- Adopté.
Article 7 du projet du gouvernement
(article 6 du projet de la section centrale)
« Art. 7
(Projet du gouvernement). Les réclamations sont adressées au conseil
communal ; elles contiennent élection de domicile dans la commune ;
il en est donné récépissé par le secrétaire.
« Le conseil communal est tenu d’y statuer dans
les mois après l’expiration du délai fixé à l’article 4.
« Sa décision est notifiée conformément à
l’article 5. »
L’article 6 du projet de la section centrale
correspondra à cet article, il est ainsi conçu :
« § 1. Comme au projet du gouvernement
« § 2. Le conseil est tenu d’y statuer dans les
deux mois après l’expiration du délai fixé à l’article 3 ci-dessus.
« § 3. Sa décision est notifiée conformément à
l’article 4. »
M.
Dubus (aîné) – J’ai une observation à
faire relativement à la troisième disposition de l’article 7. Il y est dit que
la décision est notifiée conformément à l’article 5.
On a fait remarquer, lors de la première discussion,
que ce renvoi pouvait donner lieu à certaine difficulté, car l’article 5 ne se
borne pas à prescrire la notification soit à personne, soit à domicile, si le
réclamant habite la commune ; mais dans le cas où il n’habiterait pas la commune,
il prescrit la notification par la poste. On a fait observer qu’il ne
s’agissait plus de notification par la poste, puisqu’il y avait un domicile élu
et qu’alors la notification doit se faire au domicile élu.
Voici la rédaction qui avait été proposée lors de la
première discussion ; je la fais mienne ; je la propose. Je vois même
d’après le Moniteur, qu’elle aurait été adoptée par la chambre. Cependant, le
procès-verbal n’en fait pas mention. Comme elle me paraît utile, je la propose :
« La décisions sera notifiée, soit à personne,
soit à domicile, conformément à l’article 4 ; si le réclamant n’habite pas
la commune, la notification sera faite au domicile élu. »
De cette manière, la disposition est claire, toutes
les difficultés sont levées.
M. Liedts – Je demanderai, quoique cela
semble résulter de l’article, il n’est pas nécessaire que les notifications
soient faites par acte extrajudiciaire, par ministère d’huissier, et si le
conseil municipal stature sur lettres missives.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Il suffit d’une réclamation
par voie administrative.
M. de Langhe – Je demande si l’élection de domicile est facultative ou
nécessaire, d’après l’amendement de M. Dubus.
M. Dubus (aîné) – J’avais pensé que l’élection de domicile était plus dans
l’intérêt du réclamant que de la commune, afin qu’il eût un mandataire dans la
commune même qui l’informât d’une décision qui l’intéresse beaucoup. Sous ce
rapport, j’avais même proposé une rédaction qui rendait facultative l’élection
de domicile. Cet amendement a été rejeté. On a fait observer que l’élection de
domicile était bien dans l’intérêt du réclamant, mais qu’elle était aussi dans
l’intérêt de la commune. Mon intention n’est pas de renouveler cette
discussion.
- L’amendement de M. Dubus est mis aux voix et adopté.
L’article 7 du gouvernement, ainsi amendé, est
également adopté.
Articles 8 à 11 du projet du gouvernement (articles 7 à 10 du projet
de la section centrale)
« Art. 8. L’appel contre les décisions des
conseils communaux est ouvert devant la députation permanente du conseil
provincial.
« Il doit être notifié, à peine de déchéance,
dans le délai de deux mois à partir de la notification de la décision du
conseil communal. »
« Art. 9. L’appel a lieu par requête présentée à
la députation permanente.
« Le greffier reçoit la requête ; il en donne
récépissé.
« La députation permanente statue, sans recours
ultérieur, dans les trois mois, à dater de la réception de la requête ; sa
décision est notifiée conformément aux articles 4 et 6. »
« Art. 10. Après l’accomplissement des formalités
ci-dessus, les plans sont arrêtés définitivement par la députation permanente.
« Néanmoins, il peuvent toujours être modifiés
par les autorités compétentes, en se conformant aux dispositions des articles
4, 6 et 8. »
- Ces articles sont adoptés sans discussion. »
« Art. 11. L’ordonnance de la députation
provinciale qui arrête définitivement le plan, ne fait aucun préjudice aux
réclamations de propriété ni aux droits qui en dérivent.
« Les instances auxquelles ces droits donnent
lieu sont instruites et jugées devant les tribunaux comme affaires sommaires et
urgentes.
« Lorsqu’en exécution du plan, il y aura lieu à
expropriation, le plan sera approuvé par arrêté royal, et on se conformera aux
dispositions de la loi du 17 avril 1835, sur l’expropriation pour cause d’utilité
publique. »
M. Cools – J’aurais un amendement à présenter qui devrait prendre place
entre les articles 11 et 12 ; mais comme il dépendra de la résolution
qu’on prendra sur l’article 13, j’attendrai pour le proposer.
Article 12 du projet du gouvernement
(article 11 du projet de la section centrale)
« Art. 12. Les chemins vicinaux sont
imprescriptibles, soit en tout, soit en partie. »
M. le président – Cet article a été renvoyé à la section centrale. Dans son
dernier rapport, elle a proposé de le remplacer par la rédaction
suivante :
« Les chemins vicinaux, tels qu’ils sont reconnus
et maintenus par les plans généraux d’alignement et de délimitation, sont
imprescriptibles, aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public, sans
préjudicier aux droit acquis antérieurement à la présente loi.
« La servitude vicinale de passage peut être
acquise par prescription. »
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – Je ne me rallie pas
maintenant à cette rédaction. J’attendrai pour me prononcer ; mais je
demanderai une explication sur le sens de la disposition.
Je demanderai si l’on entend que toutes les anticipations
ne peuvent pas s’acquérir par voie de prescription, aussi longtemps que le
chemin demeure livré à la circulation. Tel doit être le sens de la disposition,
sans cela elle serait complètement inutile.
En second lieu je demanderai si on a également entendu
parler des sentiers. Il est indispensable d’en faire mention par suite de la
disposition adoptée à l’article 1er. Cette disposition porte :
« dans les communes où il n’existe pas de plans généraux d’alignement et
de délimitation des chemins et sentiers vicinaux, les administrations
communales feront dresser ces plans. » Si l’on ne rappelait pas également
ici les sentiers vicinaux, il s’ensuivrait que les empiètements sur les chemins
vicinaux seraient soumis à la prescription. Or, telle ne peut pas avoir été la
pensée de la section centrale. Elle a voulu qu’un sentier, tant qu’il est
affecté au passage, conservât ses limites, de même qu’un chemin vicinal.
Je suppose que c’est dans ce sens que la rédaction
doit être entendue.
M. Peeters, rapporteur – Ainsi que le fait observer M. le ministre, la section
centrale n’a voulu admettre la prescription que pour les chemins vicinaux
devenus inutiles, et pour ainsi dire acquis par la prescription ; mais les
empiètements ne peuvent avoir lieu par prescription sur les sentiers vicinaux,
pas plus que sur les chemins vicinaux.
M. Verhaegen – Je me rappelle que, l’an dernier, nous avons parlé assez
longuement sur cet article que nous avons trouvé fort grave.
On pose en principe que les chemins et sentiers
vicinaux (par conséquent les servitudes de passage) sont
imprescriptibles ; cependant plus loin on dit : « La servitude
vicinale de passage peut être acquise par prescription. » Ainsi la
servitude peut être acquise par prescription, mais elle ne peut être perdue par
prescription. Il semble que cela n’est pas juste. Si l’on peut l’acquérir par
prescription, il faut qu’on puisse la perdre par prescription. On dit que, d’un
côté, on peut l’acquérir par prescription, parce que c’est au profit d’une
commune considérée comme mineure, et que d’un autre côté, la servitude ne peut
être perdue par prescription parce que ce serait au préjudice d’une commune
considérée comme mineure. Mais remarquez que le premier de ces principes, qui
est admis dans la loi, est assez exorbitant. Au sujet de cet article il a été,
si je me rappelle bien, observé dans la première discussion, que dans plusieurs
provinces les chemins vicinaux ont été pris sur des propriétés particulières, de
telle manière qu’ils constituent plutôt une servitude sur le fond, qu’une
propriété communale.
On a cité à cet égard d’anciennes ordonnances et
placards du Brabant. Je ne sais s’il en est de même en France ; mais il
est positif que dans ce pays les chemins vicinaux ont été pris sur les
propriétés particulières. C’est pour cela que dans tous les actes de vente, on
stipule que les chemins sont compris dans la vente, soit pour le tout, soit
pour moitié ; pour le tout quand le chemin est sur une seule propriété,
pour moitié quand le chemin est moitié sur une propriété moitié sur une autre.
L’honorable membre qui siège auprès de moi (M. Donny) me dit qu’il en est de
même en Flandre.
S’il en est ainsi, les chemins vicinaux ne sont pas, à
proprement parler, des propriétés communales, mais plutôt des servitudes sur
des propriétés particulières. Maintenant, si l’on déclare les chemins et les
sentiers vicinaux imprescriptibles, et si l’on déclare que les servitudes
vicinales de passage pourront être acquises par prescription, cela est
exorbitant.
La matière est assez grave pour qu’on y réfléchisse.
Je vous avoue que, dans les pièces qui nous ont été distribuées, il y a
quelques jours, je n’avais pas suffisamment vu la proposition de la section
centrale telle qu’elle a été adoptée. Je crois qu’il conviendrait de renvoyer,
sur cette question, à la discussion de demain.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Si j’ai bien compris la proposition
de la section centrale, elle a admis une connexion entre l’acquisition des
chemins vicinaux par prescription et la perte des chemins vicinaux par
prescription. Ainsi la section centrale admet qu’un droit de passage, un chemin
vicinal peuvent être acquis, par prescription, lorsque, pendant 30 ans, le
public en aura joui sans contestation. D’une part, elle entend que ces droits
pourront se perdre par prescription, lorsque pendant 30 ans ils n’auront pas
été mis en usage. Mais la section centrale n’admet pas qu’on puisse par
prescription empiéter sur un chemin vicinal. Il résulte implicitement de cette
disposition qu’une commune ne pourra élargir son chemin par prescription,
puisqu’en recourant au plan officiel sur lequel la largeur du chemin sera déterminée,
le propriétaire riverain pourra toujours faire constater les limites réelles de
sa propriété.
Je pense que tel est le sens de la disposition du
projet.
M. Milcamps – On a demandé la remise à demain. Comme on n’est pas d’accord
sur le sens de l’article, on suppose des intentions à la section
centrale ; mais il me semble que ces intentions devraient être exprimées
dans la loi. On dit bien que les chemins vicinaux sont imprescriptibles aussi
longtemps qu’ils servent à un usage public, mais on ne dit rien des sentiers.
M. le ministre pense que cela est dans l’intention de la section
centrale ; je le pense aussi ; mais de toute nécessité il faut le
dire dans l’article.
Maintenant s’élève une discussion sur les servitudes
de passage ; car il serait bon de décider si un sentier n’est pas une
servitude de passage.
Toute la question est de savoir si les chemins et les
sentiers vicinaux appartiennent à la commune ; mais le sentier n’est qu’un
droit de passage sur le terrain d’autrui ; alors c’est une charge sur le
fonds d’autrui, il faut voir s’il n’y aurait pas lieu de rendre cette servitude
imprescriptible. Il est difficile de prendre la parole là-dessus, sans
connaître positivement l’intention de la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Il est bien évident que la
section centrale, en admettant l’acquisition d’un passage par voie de
prescription, n’a pas voulu s’expliquer sur la question de savoir si la commune
aurait le droit de propriété ou un simple droit de passage. Cela dépendra des
circonstances.
M. Verhaegen – J’avoue que je n’ai pas mes apaisements là- dessus. Mon seul
but est de ne pas de faire une loi qui serait, en quelque sorte, en
contradiction avec elle-même. Nous sommes à nous enquérir de ce qu’a voulu la
section centrale. L’ancien rapporteur, l’honorable M. Heptia, ne fait plus
partie de la chambre ; de sorte que nous ne pouvons savoir ce que la
section centrale a eu en vue, dans les dispositions qu’elle nous soumet. Il me
semble que, dans cet état de choses, il est extrêmement dangereux de prendre un
parti.
Je vois dans la première disposition qui nous occupe
des termes différents de la seconde disposition. Dans la première disposition,
il s’agit des chemins, et sans doute des chemins vicinaux tels qu’ils sont
reconnus et maintenus par les plans généraux d’alignement et de
délimitation ; ceux-là son imprescriptibles. Je pense même qu’on veut comprendre
dans cette disposition la servitude vicinale de passage. Ainsi, la servitude de
passage est imprescriptible ; mais, d’après une seconde disposition, elle
peut être acquise par prescription.
Je ne sais (il faudrait qu’on s’en expliquât) ce qu’on
entend par servitude vicinale de passage, et surtout, je voudrais que l’on nous
dît si ce n’est pas un chemin vicinal ; car si l’on emploie des termes
différents, il faut une différence réelle ; et s’il n’y a pas de
différence, c’est une chose absurde que de dire, tantôt chemin vicinal, tantôt
servitude vicinale de passage.
Mais je crois pouvoir vous dire comment on rencontre
ces termes différents dans les deux dispositions. On n’est pas d’accord sur
cette question dont j’ai eu l’honneur de vous parler, à savoir si les chemins
vicinaux constituent une propriété communale, ou s’ils ne sont en réalité que
des servitudes vicinales de passage. J’ai soutenu cette dernière opinion en
invoquant d’anciennes ordonnances ; si cette opinion est admise par la
chambre, il faut substituer aux termes de la première disposition ceux dont on
s’est servi dans la seconde.
Si, au contraire, c’est l’autre idée qui domine, il
faut abandonner les termes de l’article 2, et conserver ceux de l’article 1er.
Je m’étais étonné qu’il y eût une différence de
principe pour l’acquisition de la servitude et pour la perte de la servitude.
M. le ministre, croyant saisir l’esprit qui a guidé la section centrale, nous a
dit que la servitude de passage ne peut pas se perdre pour une partie, mais qu’elle
peut se perdre pour le tout ; et dans une autre hypothèse que la servitude
ne peut pas s’acquérir pour une partie plus forte, mais qu’elle peut s’acquérir
pour le tout par prescription. Cela paraît obscur au premier abord, mais je
vais le rendre plus sensible. « Il ne faut pas croire, dit M. le ministre,
que lorsqu’une commune possède, par exemple, un chemin de
M. le ministre dit que, d’après l’esprit qui domine
dans le rapport de la section centrale, la prescription ne peut pas donner
Ce que je propose n’a, du reste, aucun
inconvénient ; que l’on continue la discussion du projet de loi, mais que
l’on renvoie à demain l’article qui nous occupe.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Je ne m’oppose pas du tout,
messieurs, à ce qu’on remettre la discussion de cet article jusqu’à demain,
mais je pense qu’on peut toujours, dans la séance d’aujourd’hui, présenter
quelques observations.
Je dirai, en premier lieu, que l’article se réfère
nécessairement aux articles déjà votés, notamment à l’article 1er et
à l’article 10 ; or il résulte clairement de l’article 1er mis
en rapport avec l’article 10, que, par la confection des plans généraux de
délimitation, on n’a nullement entendu préjuger la question de propriété, et
que cette question demeure entièrement sauve ; en effet, l’article 1er
porte :
« Dans les communes où il n’existe pas de plans
généraux d’alignement et de délimitation des chemins et sentiers communaux, les
administrations communales feront dresser ces plans dans le délai de deux ans,
à dater de la publication de la présente loi.
« Elles feront, dans le même délai, compléter, ou
réviser, s’il y a lieu, les plans existants. »
Comme cet article ne fait aucune distinction entre les
chemins et sentiers qui appartiennent à la commune à titre de propriété et les
chemins ou sentiers qu’elle ne possède qu’à titre de servitude, il est évident
que les uns et le autres doivent également être portés aux plans, ce qui est
entièrement confirmé par l’article 10, dont le premier paragraphe est ainsi
conçu :
« L’ordonnance de la députation provinciale qui
arrête définitivement le plan, ne fait aucun préjudice aux réclamations de
propriété ni aux droits qui en dérivent. »
Le droit de propriété n’est donc pas préjugé par la confection
du plan, ni par l’article 12 qui se réfère aux plans mentionnés dans les
articles 1er et 10.
J’ai dit, messieurs, qu’en ce qui concerne la largeur
des chemins et sentiers vicinaux, le plan de délimitation doit servir de titre
tant au profit de la commune que contre la commune ; ainsi de la même
manière que le particulier ne peut pas usurper sur le chemin vicinal, de la
même manière les habitants de la commune ne peuvent pas élargir le chemin en
passant sur les propriétés riveraines. Lorsque le plan existe, c’est au plan
seul qu’on doit se rapporter pour connaître la largeur du chemin, et tout ce
qui est en deçà ou au-delà de la limite fixée dans le plan est nécessairement
usurpation. Il est évident que les habitants des communes usurpent fréquemment
sur les propriétés riveraines des chemins, et il ne serait pas juste, lorsqu’il
y a un titre, que la commune pût se prévaloir de la largeur usurpée par les
habitants.
Mais on fait observer avec fondement que la rédaction
de la section centrale n’est pas très claire ; c’est pour ce motif que, si
la chambre adopte le principe proposé par la section centrale, je crois que
l’article devrait subir un changement de rédaction et qu’on devrait dire :
« La largeur des chemins et sentiers vicinaux,
tels qu’ils sont reconnus dans les plans généraux d’alignement et de
délimitation, est imprescriptible aussi longtemps que ces chemins et sentiers
servent à l’usage public. »
Cette rédaction rendrait exactement la pensée de la
section centrale, qui voulait que le chemin lui-même fût sujet à prescription,
mais qui ne voulait pas que la largeur du chemin le fût. Si donc la chambre
admet le principe de la section centrale, je suis disposé à proposer la
rédaction que je viens d’indiquer ; cependant j’attendrai, à cet égard, la
suite de la discussion.
M. Dubus (aîné) – Comme l’article qui nous occupe en ce moment est fort
important, puisqu’il touche à la législation en vigueur, je consens volontiers
à ce que le vote en soit ajourné à demain ; toutefois, je ferai quelques
observations sur l’article de la section centrale, parce qu’il me semble que
l’on a tort de prétendre que l’on ne sait pas ce que veut cette section. La
section centrale ne s’est pas bornée, messieurs, à présenter une rédaction, elle
a appuyé cette rédaction de motifs, et il me semble que si l’on veut lire ces
motifs avec quelque attention, on y trouvera sans peine l’explication du texte
qu’elle vous a proposé.
Il faut aussi, messieurs, pour apprécier la
proposition de la section centrale, se rapporter à la discussion qui l’a
amenée. Cette discussion est maintenant un peu loin de nous ; mais quand
le rapport a été rédigé et la proposition faite, cette discussion était toute
récente ; par conséquent, le rapporteur a dû s’attendre à rencontrer des
esprits tout préparés à le comprendre, ce qui ne se présente plus en ce moment.
Dans cette discussion, la question de
l’imprescriptibilité des chemins vicinaux avait précisément été agitée ;
et voici la proposition qui avait été faite par M. le ministre :
« Les chemins vicinaux, y compris les servitudes
de passage légalement établies au profit des communes, sont imprescriptibles,
soit en tout, soit en partie, tels qu’ils sont reconnus et maintenus sur les
plans généraux, en conformité avec la présente loi. »
Vous voyez, messieurs, que cette proposition était
très large ; elle comprenait à la fois les chemins vicinaux et les
servitudes de passage ; elle en déclarait d’une manière générale, absolue,
l’imprescriptibilité ; elle les déclarait imprescriptibles soit en tout
soit en partie.
On fit remarquer dans la discussion qu’il y avait une
distinction à faire, que l’on comprenait très bien que les chemins vicinaux
fussent imprescriptibles sous ce rapport que les riverains ne pussent pas
invoquer leur possession pour s’approprier les anticipations qu’ils auraient
faites sur la largeur du chemin, alors que ce chemin continue à être fréquenté.
On insista sur cette considération qu’il était utile de déclarer
l’imprescriptibilité dans ce cas, parce que, sans cela, les communes n’auraient
pas été suffisamment protégées contre ces usurpations qui sont très
fréquentes ; mais on fit remarquer en même temps que la question changeait
de face lorsqu’il y avait suppression totale du chemin, parce qu’alors il fallait
supposer que le chemin était devenu inutile et qu’il avait été vendu ou
remplacé par un autre chemin. De pareilles transactions peuvent en effet avoir
été faites sans qu’il soit possible d’en représenter les titres après un temps
plus ou moins long.
Remarquez, messieurs, qu’il n’est pas du tout à
craindre qu’un chemin disparaisse totalement par suite des empiètements des
riverains, comme il est à craindre qu’un chemin soit notablement rétréci par de
semblables empiètements ; car lorsqu’un chemin est utile, les riverains
auraient beau vouloir l’absorber dans leurs propriétés le public continuerait
toujours à passer, mais lorsqu’on fait des empiètements sur une partie de la
largeur d’un chemin, le public passe par la partie restante.
Mais si on tente de le supprimer en entier, le public
s’obstine et passe, parce qu’il a besoin de passer.
En même temps que l’on faisait ressortir cette
distinction des motifs mêmes qui peuvent faire désirer l’imprescriptibilité des
chemins vicinaux, on s’était attaché à l’appuyer en outre sur les principes du
code civil, selon qu’ils sont expliqués par les meilleurs auteurs ; parce
que, s’il est vrai qu’on ne peut pas prescrire les choses qui sont hors du
commère, et que, selon eux, les chemins vicinaux, en tant qu’affectés à des
usages d’utilité publique incompatibles avec une propriété privée, sont hors du
commerce, ce n’est toutefois qu’aussi longtemps qu’ils servent à l’usage auquel
ils sont destinés ; mais que, du moment que cet usage vient à cesser, le
terrain alors rentre dans le commerce, et est susceptible d’une possession
légale, et par suite d’une prescription.
Or, du moment où un chemin est supprimé en entier,
l’usage auquel il est destiné, cesse, et partout le terrain sur lequel le
chemin a été primitivement établi rentre dans le commerce et peut être acquis
par prescription. C’est ainsi que le décident les meilleurs auteurs.
A la suite de cette discussion, la chambre a renvoyé
la proposition de M. le ministre à la section centrale. Cette section a admis
la distinction dont je viens de parler, et l’a formulée en article ; elle
l’a formulée dans les termes mêmes dans lesquels ces auteurs avaient énoncé
leur opinion.
L’article qu’il propose est ainsi conçu :
« Les chemins vicinaux, tels qu’ils sont reconnus
et maintenus par les plans généraux d’alignement et de délimitation, sont
imprescriptibles aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public, sans
préjudice aux droits acquis antérieurement à la présente loi. »
Par cet article la section centrale limite
l’imprescriptibilité du chemin au cas où il continue de servir à usage de
chemin. D’où il faut conclure qu’il n’y aurait aucune prescription, quelque
longtemps qu’on eût possédé une usurpation faite sur la largeur du chemin, tant
qu’il reste une largeur de terrain, si étroite qu’elle soit, à usage de
chemin ; mais il faut en conclure aussi que, si un chemin était
entièrement supprimé depuis de longues années, par exemple, depuis 40 à 50 ans,
et qu’on vint à découvrir ensuite que ce chemin a existé autrefois, on ne pourrait
pas le rétablir. Dans ce cas, le terrain ayant cessé de servir à usage de
chemin, serait rentré dans le commerce depuis 40 à 50 ans, il aurait pu être
possédé légalement et être acquis par prescription.
Voilà pour les chemins vicinaux. Je crois que l’intention
de la section centrale n’est pas douteuse ; elle entend refuser la
prescription à ceux qui auraient anticipé sur la largeur du chemin, et
l’accorder à ceux qui auraient dépassé le temps qu’il aurait fallu pour
prescrire le chemin entier, alors que le chemin entier serait supprimé depuis
de longues années.
Quant aux servitudes légales de passage, M. le
ministre a présenté la même disposition générale, et ici la section centrale a
fait remarquer que cette proposition du ministre était en opposition manifeste
avec la législation en vigueur, que c’est une dérogation grave à cette
législation.
Voici ce que je lis dans le rapport de la section
centrale :
« Quant aux simples servitudes de passage,
l’article 706 du code civil statue qu’elles s’éteignent par le non-usage
pendant trente ans (…) L’amendement de M. le ministre porterait, sans nécessité
aucune, une forte atteinte à différentes dispositions du code civil, doit il
dérangerait l’économie : l’article 2227, qui soumet les communes aux mêmes
prescriptions que les particuliers, serait en partie abrogé, etc. »
Ainsi, la section centrale admet comme constant que
les servitudes de passage s’éteignent par la prescription. Elle a examiné
ensuite la question de savoir si une commune peut acquérir ces servitudes par
prescription. Elle a fait remarquer que cette question présentait une
difficulté grave, vu la disposition de l'article 691 du code civil ; que
cependant on pouvait, jusqu’à un certain point, écarter l’application de cet
article, en considérant l’utilité générale qui est le principe de toutes ces
servitudes vicinales de passage, comme un titre ; lequel, étant joint à
une possession pendant le temps voulu pour la prescription, semble devoir faire
acquérir la servitude par prescription de la même manière que celui dont le
terrain est enclavé, trouve dans cette situation un titre, lequel étant joint à
une possession pendant le temps voulu par la loi, peut faire acquérir par
prescription le droit de passer sans indemnité.
Il me semble qu’il y a une analogie très remarquable
entre les deux cas. Mais comme il y a utilité pour les communes à faire cesser
le doute sur cette question qui est véritablement controversée, la section
centrale vous propose cette disposition.
« La servitude vicinale de passage peut être acquise
par prescription. »
Ce qui revient à dire que l’article 692 du code civil
n’est pas applicable à la servitude vicinale de passage, parce que nous
considérons l’utilité générale comme un titre suffisant, pour qu’elle puisse
s’acquérir par la prescription.
Nous n’avons donc pas entendu considérer la servitude
vicinale de passage comme imprescriptible, nous avons pensé qu’elle peut
s’éteindre par la prescription, et nous vous proposons de déclarer qu’elle peut
aussi être acquise par la prescription.
On a demandé ce que c’était qu’une « servitude
vicinale de passage » et ce que c’était un « chemin vicinal ».
Je ferai remarquer qu’en supprimant l’article 1er
elle a jugé convenable d’éviter les définitions ; ces définitions sont le
fait de la doctrine ; on y arrive lorsque l’on vient à l’application de la
loi. D’ailleurs, la section centrale n’a été amenée à s’occuper de la
« servitude de passage » que par la proposition même du ministre.
J’ai entendu demander aussi si l’intention de la
section centrale était de déclarer que les communes ne pourront obtenir par
prescription qu’un chemin vicinal ait une plus grande largeur que celle qui
résulterait du plan primitif. On a dit, je crois, que l’intention de la section
centrale était qu’en effet la commune ne peut pas acquérir par prescription un
chemin plus large que celui dont la largeur aurait été fixée par le plan. Il
n’est pas dans mes souvenirs que la section centrale aurait entendu trancher la
question je crois même qu’elle ne se l’est pas proposée.
M. Milcamps – Messieurs, je n’attache pas d’importance à l’adoption ou à
la non adoption de la disposition qui déclare les chemins vicinaux
imprescriptibles. Ce n’est pas introduire un principe nouveau, mais confirmer
un principe préexistant. En Belgique, d’après l’édit de 1664l les décisions 85
et 86 de Stochmans, la jurisprudences de nos cours et l’article 2226 du code
civil, personne ne peut prescrire un chemin public vicinal ni une portion de ce
chemin lorsque la largeur en a été déterminée. Ce n’est donc pas là la
difficulté de la discussion.
La difficulté, dans mon opinion, n’existe que
relativement aux sentiers publics, aux servitudes de passage. A cet égard, il y
a dissentiment entre M. le ministre et la section centrale.
M. le ministre, par son amendement, propose la
disposition suivante :
« Les chemins vicinaux, y compris les servitudes
de passage légalement établies au profit des communes, sont imprescriptibles,
soit en tout, soit en partie, lorsqu’ils sont reconnus et maintenus sur les
plans généraux, en conformité de la présente loi. »
La section centrale n’admet l’imprescriptibilité que
des chemins vicinaux à des conditions, mais elle ne parle pas des sentiers
publics, des servitudes et des passages, mais elle en propose un autre, celui
que :
« La servitude vicinale de passage peut être
acquise par prescription. »
Pour ma part, je suis disposé à donner mon assentiment
au principe de l’amendement de M. le ministre. J’y vois une règle conservatrice
des droits des habitants de la commune pour les sentiers et les servitudes de
passage ; lorsque les habitants d’une commune ont un droit légal à l’usage
d’un chemin ou d’un sentier, ou d’une servitude, je ne veux pas qu’ils le
perdent, je veux qu’ils le conservent. Or, c’est là le but de l’amendement de
M. le ministre.
La section centrale, quant à l’amendement de M. le
ministre relativement aux servitudes de passage, n’a pas méconnu la nécessité
de garantir les droits des communes contre les entreprises des particuliers,
mais elle y voit une forte atteinte à différentes dispositions du code civil
dont il dérangerait l’économie, à l’article 2227 qui soumet les communes aux
mêmes prescriptions que les particuliers, à l’article 701 qui donne au
propriétaire du fonds sujet à une servitude de passage le droit d’assigner, à
celui à qui la servitude est due, un autre endroit pour l’exercice du droit de
passage.
Cette objection ne me touche guère, parce que
réellement l’amendement de M. le ministre déroge seulement à l’article 2227 du
code civil, sans porter atteinte à l’article 701, règle d’équité qui n’est pas
incompatible avec l’imprescriptibilité de la servitude de passage. Quant à la
dérogation à l’article 2227, il n’y a là aucun inconvénient, d’autant moins que
la section centrale, en proposant de déclarer que la servitude vicinale de
passage peut être acquise par la prescription, déroge elle-même à une
disposition du code civil, à l’article 691, d’après lequel les servitudes
discontinues, telles que sont celles de passage, ne peuvent s’établir que par
titres.
Ainsi ce n’est pas la crainte de déroger au code civil
qui a porté la section centrale à repousser l’amendement de M. le ministre.
Quel autre motif l’a dirigée ? c’est ce que je n’aperçois pas.
Pour moi, je l’ai déjà dit, l’amendement de M. le
ministre renferme un principe de conservation des droits de la commune, c’est
l’application aux servitudes de passage de cette règle de la loi romaine, la
loi 2 ff. de via publica : Le public ne peut pas perdre un chemin public.
Il importe aux habitants d’une commune de ne pas perdre le droit qu’ils ont
légalement à une servitude de passage.
Les mêmes raisons existent pour déclarer les
servitudes de passages acquises aux communes imprescriptibles que pour les
chemins vicinaux, et je cherche vainement les raisons de la différence ;
j’en trouve même qui appuient la servitude dans l’article 2 qui prescrit des
plans pour les chemins et sentiers vicinaux ; j’en trouve encore dans le
rapport de la section centrale où il est dit qu’il est aussi important de
maintenir les communications qui servent aux gens de pied que celles qui
servent à la circulation des voitures.
La section centrale croit faire assez en faveur des
communes en proposant que « la servitude de passage peut être acquise par
prescription. » C’est quelque chose, sans doute, sous le rapport de la
législation, c’est une dérogation formelle à l’article 691 du code civil, c’est
le renouvellement du droit existant avant le code civil en Belgique, où les
servitudes, sans distinction, s’acquéraient par la prescription de 30 ans, mais
c’est peu de chose relativement à la commune. Cette disposition ne disposant et
ne pouvant disposer que pour l’avenir, quelle apparence peut-il y avoir, de nos
jours où les particuliers sont si soigneux de leurs intérêts, qu’ils laisseront
acquérir, sur leur propriété, par la commune ou par ses habitants, une
servitude de passage ?
Si cette disposition pouvait avoir un motif d’utilité,
ce serait sous un rapport que n’indique pas la section centrale, celui de faire
acquérir, à l’avenir, à la commune, la possession d’an et jour à l’égard tant
des servitudes nouvelles que de celles existantes avant la loi en discussion.
Mais j’aurais désiré qu’à côté de cette disposition,
on eût rencontré celle proposée par M. le ministre, de déclarer
imprescriptibles les servitudes de passage légalement acquises aux communes. De
cette manière, vous feriez réellement quelque chose pour la commune, qui aurait
en outre ce résultat de placer sous une législation exceptionnelle, quant à la
prescription, tout ce qui concerne les chemins ou sentiers publics vicinaux.
Je livre ces réflexions à votre méditation, et si l’on
ne me donne d’autres raisons que celles qu’on a données jusqu’à présent, je
voterai pour l’amendement de M. le ministre, tout en admettant la proposition
de la section centrale.
M. Verhaegen – Messieurs, les explications de l’honorable M. Dubus sont
tout à fait différentes des explications de M. le ministre de l'intérieur.
Maintenant je comprends très bien ce qu’a voulu la section centrale, et je suis
loin de rejeter son système.
D’après ce système, les chemins vicinaux ne sont
imprescriptibles que quand la largeur est déterminée par les plans ; voilà
le principe, c’est-à-dire qu’on ne pourra jamais prescrite contre la commune un
empiètement qui aurait pu avoir été commis sur la largeur du chemin. Mais le
chemin est prescriptible, alors que cessant de servir à l’usage public, on s’en
empare entièrement et qu’on en jouit pendant 30 ans. Voilà le système de la
section centrale contre lequel je n’ai rien à dire.
Mais les explications de l’honorable M. Dubus excluent
nécessairement de l’article les servitudes de passage. Pourquoi la servitude de
passage ne pourrait-elle pas se prescrire, si le chemin vicinal peut se
prescrire ? Du moment qu’on jouit, pendant trente ans, de tout le chemin,
qu’on l’enlève à l’usage public, il y a prescription, et si j’enlève à l’usage
public la servitude de passage, par la même raison je puis prescrire la
servitude de passage.
Je puis la prescrire par un laps de 30 ans ? Vous
venez là de déclarer que les chemins vicinaux et les servitudes vicinales de
passage sont imprescriptibles.
J’ai compris l’observation de M. Dubus. Je l’admets.
C’est en parlant de cette observation que j’ai soumis la mienne. Toutefois je
me permettrai de demander sans que je tienne à ce qu’il intervienne une
décision, parce que je sais que les définitions sont toujours
dangereuses ; je me permettrai, dis-je, de demander ce qu’on entend par
chemins vicinaux et servitudes vicinales de passage, parce que, quand je me
sers d’un terme, j’aime à savoir quelle idée il représente. Quand je porte deux
dispositions distinctes, il est naturel que je sache à quoi elles s’appliquent,
pour ne pas m’exposer à ce qu’on vienne me faire le reproche d’avoir porté une
loi sur une matière que je ne connaissais pas.
Je voudrais savoir ce que c’est qu’une servitude
vicinale de passage.
J’entends dire à mes côtés que c’est une emprise sur
une propriété. S’il en est ainsi, c’est autre chose. Mais il y a des chemins
vicinaux qui sont des emprises ; on ajoute les servitudes vicinales de
passage, etc. Quant à présent, je ne puis pas saisir la différence entre les
chemins vicinaux et les servitudes vicinales de passage. J’ai eu l’honneur de
vous dire, et je reviens sur ce que j’ai dit, parce que M. Milcamps a parlé de
l’édit de 1664. C’est un sujet de grande controverse, c’est une question très
sérieuse qui a été soulevée à la session précédente et sur laquelle je me
permets de rappeler encore votre attention.
Un chemin vicinal constitue-t-il une propriété
communale ou une servitude au profit de la commune sur un fonds
particulier ? pour ce qui concerne la province du Brabant, je pense qu’un
chemin vicinal n’a jamais constitué une propriété communale, mais une servitude
au profit de la commune sur un fonds particulier. J’en trouve la preuve dans
l’édit de 1664 et dans les deux décisions de Stockmans. C’est ce principe qui a
guidé la section centrale dans les dispositions qu’elle vous a proposées telles
qu’elles ont été expliquées par M. Dubus. « Personne, dit l’édit, ne peut
prescrire un chemin vicinal quand la largeur en a été déterminée par
ordonnance. »
Les chemins vicinaux avaient été pris sur des
propriétés particulières et constituent une servitude sur un fonds particulier.
Je ne sais ce qui existait dans d’autres
provinces ; les honorables collègues qui appartiennent aux autres
provinces pourront vous en parler. Je ne m’occupe que du Brabant. Dans le
Brabant, les chemins vicinaux ne constituaient pas une propriété communale,
mais une servitude de passage au profit de la commune sur un fonds particulier.
Cela est parfaitement d’accord avec le système adopté par la section centrale.
On ne prescrira pas au-delà de ce qui est déterminé
par le tableau. Le particulier, quel que soit le temps pendant lequel il aura
joui de l’empiètement, ne pourra pas faire usage de la prescription, tant que
le chemin servira ; mais quand le chemin ne servira plus, la prescription
pourra être acquise.
Il me semble qu’il y a encore dans la deuxième
disposition une anomalie qu’il faut éviter. Je demanderai à cet égard une
explication soit à la section centrale, soit au ministre qui connaît plus ou
moins les intentions de la section centrale.
Quand le chemin ne sert plus, je puis, je suppose, le
parcourir en partie ; mais à une certaine distance on a fait un
empiètement, je ne peux plus le parcourir entièrement. Cet empiètement est
imprescriptible ; mais si un chemin s’est établi d’un autre côté, la
commune, par prescription, peut acquérir une servitude de passage.
Je vais traduire ma pensée par un exemple qui rendra
la réponse plus facile.
Je suppose un chemin vicinal d’une lieue. Au beau
milieu de ce chemin se trouve une propriété de
Tel chemin serait toujours tel chemin. La partie
usurpée serait reprise et s’appellerait chemin vicinal, et l’autre partie
s’appellerait une servitude de passage. Si c’est là la distinction entre le
chemin vicinal et la servitude de passage, qu’on le dise.
Mais cela pourrait être formulé d’une manière plus
précise ; si on trouvait des termes pour exprimer l’idée que c’est
seulement, quant aux empiètements qu’il n’y a pas prescription, tout serait
dit, toute contradiction cesserait, ; car les chemins vicinaux, comme ils
sont reconnus imprescriptibles, aussi longtemps qu’ils servent, si la
disposition passait et qu’un cas comme celui que je viens de citer fût porté
devant un tribunal, il serait singulièrement embarrassé pour décider la
question, tant la disposition est obscure.
Telles sont les réflexions que j’ai voulu vous
soumettre.
Comme M. Dubus peut mieux comprendre les intentions de
la section centrale, je l’engagerai à y réfléchir, d’ici à demain, et à tâcher
de formuler une disposition qui remplisse le but qu’elle s’est proposée, qui ne
me paraît pas conforme aux idées du gouvernement.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Je ne me crois pas en
désaccord avec l’honorable M. Dubus, quand je dis que la section centrale rend
imprescriptible la largeur d’un chemin vicinal, soit qu’il appartienne à la
commune, à titre de propriété, soit qu’elle en use à titre de simple servitude.
En effet, les articles 1er à 10 que nous avons votés font voir
clairement que la loi s’applique indistinctement aux chemins qui sont la
propriété de la commune et à ceux qui sont une servitude au profit de la
commune et à ceux qui sont une servitude au profit de la commune, puisque
l’article 10 réserve expressément les droits de la propriété et ceux qui en
dérivent. Si telle n’était pas la pensée de la section centrale, elle aurait
formulé une proposition incomplète, puisqu’une grande partie des chemins
vicinaux n’existent qu’à titre de servitude, la propriété appartenant aux
riverains.
Le point sur lequel l’honorable M. Dubus ne s’est pas
expliqué, c’est celui des sentiers. Il est tel sentier sur lequel on ne peut
pas empiéter, parce qu’il est réduit à sa plus simple expression ; il n’a
qu’un peu de largeur. Il en est d’autres d’une largeur de plusieurs
pieds ; elle est acquise, à raison de mauvais sol, de la fréquence du
passage, par exemple pour se rendre à l’église ou à une ville. Il est de ces
sentiers qui ont une largeur de 3 et
Il faut, là aussi, que la largeur des sentiers soit
maintenue, et que les propriétaires riverains ne puissent empiéter.
L’article 2 dispose que les plans indiqueront la
largeur des sentiers ; il faut que cette largeur soit conservée intacte,
contre les usurpateurs des propriétaires riverains.
En ce qui concerne les dernières observations du
préopinant, adressées à la section centrale, j’attendrai qu’un membre de la
section centrale y réponde.
M. Milcamps – L’honorable M. Verhaegen a fait plusieurs questions. Il a
d’abord demandé si un chemin vicinal est une propriété communale ; à cet
égard je dirai ce que je sais.
Pour
L’honorable M. Verhaegen a demandé ce que c’est qu’une
servitude de passage ; mais le code civil répond à cette question. C’est
une charge imposée sur un héritage pour l’usage d’un autre héritage. Voilà la
véritable définition de la servitude. Mais maintenant quelle différence y a
–t-il entre une servitude de passage et un sentier vicinal ? La différence
est sensible, c’est qu’il existe des sentiers qui appartiennent à la
commune ; or ces sentiers ne sont pas des servitudes de passage ; ils
sont absolument assimilés aux chemins vicinaux, avec cette différence qu’on
appelle chemins vicinaux les communications de commune à commune, et sentiers
vicinaux les communications qui ne servent guère qu’aux habitants de la
commune. Ainsi un sentier vicinal, quand il n’est pas sur le fonds d’autrui,
n’est pas une servitude et a le même caractère qu’un chemin vicinal.
M. Demonceau – Si j’ai bien compris la pensée de l’honorable M. Milcamps et
l’idée dominante pendant cette discussion, voici comment il me paraît possible
d’expliquer les différentes expressions que le gouvernement voudrait voir
admettre pour prouver, contrairement à l’opinion émise par l’honorable M.
Verhaegen, qu’il n’y a pas contradiction entre les expressions chemins,
sentiers et servitudes vicinales de passage.
Un chemin serait véritablement chemin vicinal
lorsqu’il servirait à l’usage du public ; il serait la propriété de la
commune et serait imprescriptible aussi longtemps qu’il servirait à l’usage de
tout ou partie des habitants ou autres.
Un sentier vicinal serait une espèce de passage
servant plus particulièrement aux personnes à pied ou même avec chevaux, etc., sur
un fonds qui serait, pour toute la largeur et l’étendue du passage, la
propriété de la commune. La servitude de passage serait, s’il m’est permis de
m’expliquer ainsi, le droit que peuvent avoir des habitants de passer sur un
fonds appartenant à un autre.
Mais il importe, messieurs, de ne pas faire abus du
mot servitude ; la servitude, telle que nous l’entendons d’après notre
droit civil, ne peut s’établir que sur un fond au profit d’un fonds ; ce
n’est donc pas, à proprement parler, une véritable servitude que celle établie
au profit des habitants d’une commune, sur un fonds d’un particulier ;
toutefois, il faut bien lui donner un nom, et l’on semble choisir celui de
« servitude vicinale de passage. »
Il ne nous est guère possible de dire ce qui se passe
dans toutes les provinces ; cependant il ne peut paraître douteux que tout
chemin vicinal ne soit présumé être la propriété de la commune exclusive. Dans
la partie de la province que j’habite il y a à ma connaissance, des chemins
vicinaux proprement dits, il y a aussi, je pense, des sentiers qui paraissent
être rangés dans la catégorie de ceux qu’on semble vouloir désigner sous la
dénomination de sentiers vicinaux. Ces sentiers, messieurs, servent de passage
aux habitants pour aller d’un hameau à l’autre et s’exercent sur des terrains
qui appartiennent aux communes.
Enfin l’on trouve encore une autre espèce de sentier
vicinal, et voici en quoi il consiste, c’est le droit qu’ont tous les habitants
de passer par certaines terres ou prairies pour aller d’un endroit à un autre,
malgré que les terrains sur lesquels pareils passages sont exercés soient la
propriété d’un ou plusieurs individus, c’est là une espèce de servitude ;
mais, encore une dfois, ce n’est pas une servitude réelle de l’espèce de celles
dont il est fait menton au code civil ; d’ailleurs consultons les articles
649 et 650 du code, et nous trouvons qu’on peut, pour ce qui concerne les
servitudes établies pour l’utilité publique ou communale, régler tout ce qui y
a rapport par des lois ou règlements. Comme la discussion continuera, je
soumets ces observations à la chambre, n’entendant rien improviser de plus
aujourd’hui, la question me paraissant trop grave.
M. Liedts – Puisqu’on est convenu de ne
mettre cet article aux voix que dans la séance de demain, je livrerai à M. le
ministre de l'intérieur et à tous ceux qui ont pris part à cette discussion la
proposition suivante. Elle consiste à ajouter au commencement de l’article de
la section centrale les premiers mots de la disposition additionnelle proposée
à l’article 12 :
« Les servitudes vicinales de passage, et les
chemins et les sentiers vicinaux, tels qu’ils sont reconnus et maintenus par
les plans généraux d’alignement et de délimitation, sont imprescriptibles aussi
longtemps qu’ils servent à l’usage du public, sans préjudice aux droits acquis
antérieurement à la présente loi. »
Vous remarquerez qu’une servitude vicinale de passage,
une fois qu’elle est acquise à la commune par prescription (elle peut également
lui être acquise par titre ou par achat), ne peut réellement pas plus se perdre
que la propriété d’un chemin vicinal, c’est-à-dire tant qu’elle sert à l’usage
public. Jusque-là elle est imprescriptible ; ce n’est que son non-usage
qui peut la faire cesser au profit d’un individu. Aussi est-il vrai de dire que
cette servitude, de même qu’un chemin vicinal, est imprescriptible tant qu’elle
sert à un usage public.
Je crois que la rédaction que j’ai proposée ôterait
tout doute sur le sens de la proposition de la section centrale.
- La séance est levée à 4 heures et demie.