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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 15 novembre 1839

(Moniteur belge n°320 du 16 novembre 1839)

(Présidence de M. Vanderbelen, doyen d’âge)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Villegas procède à l’appel nominal à une heure moins le quart.

M. B. Dubus donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Termonde

M. Van Cutsem – La troisième commission appelée à vérifier les pouvoirs des nouveaux membres élus à la représentation nationale par l’arrondissement de Termonde, dont j’ai l’honneur de faire partie, a décidé à l’unanimité moins une voix, la mienne, que l’élection de M. Desmet, président au tribunal de première instance de Termonde, devait être annulée : j’ai fait tout ce qui m’était possible pour me rendre à l’opinion de la majorité de la commission ; mais plus je méditais le contenu de l’article 36 de la loi électorale du 3 mars 1831, et moins je pouvais me résoudre à la partager. Je vais donc, messieurs, vous faire connaître les motifs de mon vote dans cette circonstance, et tâcher de vous convaincre que je ne me suis séparé de mes collègues de la troisième commission que parce que l’article 36 de la loi électorale m’y forçait.

Voici, messieurs, les faits qui on donné lieu à la question qui nous divise : le collègue électoral de l’arrondissement administratif de Termonde était, lors des élections de juin dernier, divisé en trois sections.

Dans la première, il y a eu 293 votants.

Dans la seconde, il y a eu 260 votants.

Dans la troisième, il y a eu 275 votants.

En tout, 628 votants.

M. Vandenbroeck de Terbecq a obtenu au premier tour de scrutin la majorité absolue, et son élection n’a pas été contestée ; quant aux trois autres candidats, M. Pierre de Decker, avocat à Gand, a eu au premier tour de scrutin, dans les différentes sections, 330 suffrages ;

M. le comte Hippolyte Vilain XIIII, 259 ;

M. Charles Desmet, président à Termonde, 259.

MM. Vilain XIIII et Desmet, ayant obtenu au premier tour de scrutin un nombre égal de votes au bureau principal, s’est présentée la question des avoir si le plus âgé de ces deux candidats devait être préféré à l’autre pour être ballotté avec M. de Decker, et si l’on devait ainsi admettre ces deux candidats à prouver leur âge, ou si l’on devait procéder à un nouveau scrutin entre eux, pour savoir qui des deux serait admis au ballottage avec M. de Decker, et le bureau principal a décidé qu’il fallait procéder à un nouveau scrutin entre M. Vilain XIIII et M. Desmet, pour savoir qui des deux serait admis au ballottage définitif avec M. de Decker.

Telle a été la question qui a été décidée par le bureau principal aux dernières élections de Termonde, et dont la majorité de la troisième commission, trouve la solution en opposition manifeste avec l’article 36 de la loi électorale de 1831, et que je soutiens, de mon côté, avoir été résolue conformément aux principes énoncés par le législateur dans ce même article 36.

Cet article 36 est conçu comme suit :

« Si tous les députés à élire dans le district n’ont pas été nommés au premier tour de scrutin, le bureau fait une liste de personnes qui ont obtenu le plus de voix.

« Cette liste contient deux fois autant de noms qu’il y a encore de députés à élire.

« Les suffrages ne pourront être donnés qu’à ces candidats.

« La nomination a lieu à la pluralité des votes.

« S’il y a parité de votes, le plus âgé sera préféré. »

Je vous le demande à présent, messieurs, si le dernier paragraphe de l’article 36 est ou non applicable au cas où, lors d’un premier scrutin, deux candidats ont obtenu un égal nombre de suffrages, et qu’il faut décider entre eux quel est celui qui sera ballotté avec un troisième candidat qui a obtenu un plus grand nombre de suffrages ; ou s’il est seulement applicable à celui où, après un premier scrutin, on a passé outre à un second ballottage, dans lequel deux candidats ont obtenu un nombre égal de suffrages ?

Il me paraît évident, à moi, que le législateur n’a eu en vue, dans son article 36, que le ballottage définitif qui a lieu après le premier scrutin entre deux personnes qui avaient obtenu un égal nombre de suffrages, et qu’il n’a pas songé au cas où deux personnes auraient obtenu dans un premier scrutin un nombre égal de votes ; d’où je déduis la conséquence qu’il y a lacune dans l’article 36 de la loi électorale, et que s’il faut nécessairement appliquer cet article par analogie, on ne peut le faire qu’après avoir mis les parties dans une position semblable à celle dans laquelle le législateur donne la préférence au plus âgé des deux candidats, et ce n’est qu’alors qu’on pourrait peut-être appliquer le dernier paragraphe de l’article 36 pour résoudre la question d’âge ; le faire avant, ce serait mettre le législateur en opposition avec lui-même, ce serait dire : le législateur a voulu, dans une partie de la loi électorale, que tous les électeurs fissent le choix des députés, dans une autre il a voulu que ce fût une partie de ces mêmes électeurs et le hasard qui désignassent le député ; c’est ce que je n’admettrai pas facilement, et, à prendre entre deux, j’aime mieux accuser le législateur d’imprévoyance que d’absurdité. Que le hasard écarterait un des candidats et non pas les électeurs, ceci résulte de ce que M. Desmet serait repoussé par son âge du second scrutin de ballottage avant que les électeurs qui, dans le premier scrutin, ont donné la préférence à M. de Decker, aient eu l’occasion de se prononcer pour ou contre lui. Laissez aux électeurs le temps de choisir entre les deux candidats, et quand tous auront fait connaître qu’ils sont divisés entre eux par juste moitié sur l’élection de leur député, accordez alors, par analogie, la préférence au plus âgé, parce que si vous n’admettez pas ce moyen de résoudre la question, vous vous trouverez, à défaut de disposition expresse, dans le cas de ne point pouvoir terminer les opérations électorales, si ce n’est par des moyens réprouvés par l’équité et la morale. Mais aussi longtemps que cette impossibilité ne sera pas constatée, ne faites pas décider par le hasard ce que le législateur a laissé à l’arbitrage des électeurs. La législateur a eu des motifs pour énoncer dans la loi électorale pour la formation de la chambre des représentants et du sénat, et dans celle pour la formation des conseils provinciaux et communaux, qu’en cas où il y aurait parité de votes, le plus âgé serait préféré, et ces motifs n’ont été autres que de faire terminer d’une manière honorable des opérations électorales qui, sans cela, ne pouvaient se terminer que d’une manière réprouvée par l’honneur ; or, toutes les fois qu’on voudra appliquer le dernier paragraphe de l’article 36, on devra prouver qu’il n’y avait pas moyen de faire décider la question honorablement entre deux candidats qui avaient obtenu un nombre égal de suffrages, et chaque fois qu’on pourra la résoudre par les votes des électeurs, il faudra le faire, parce que, en matière électorale, les votes des électeurs sont la règle générale pour la solutions des questions, et l’âge n’est que l’exception, et toutes exceptions étant de stricte interprétation, il ne faut les étendre d’un cas à un autre que lorsqu’il y a identité parfaite. Ceci admis, y avait-il moyen de décider ou non, par les votes des électeurs, la question indécise entre MM. Desmet et Vilain XIIII ? Oui, sans aucune doute, puisque quatre cent cinquante-huit électeurs seulement s’étaient occupés d’eux, et que l’assemblée électorale se composait de 828 membres, pari lesquels il y en avait qui auraient préféré, les uns M. Desmet, les autres M. Vilain XIIII, puisqu’ils avaient fait triompher leur candidat M. Vandenbroeck de Terbecq, et que pour les autres ils ne s’occupaient pas pour le moment de M. de Decker.

En agissant ainsi, on aurait connu celui dont la majorité des électeurs voulait pour représentants, et celui dont elle ne voulait pas, et si après cette épreuve il y avait du doute, on pouvait terminer la question, en appliquant par analogie le dernier paragraphe de l’article 36, parce qu’alors il y avait identité parfaite.

Pour combattre les arguments que j’ai fait valoir, on citera une circulaire ministérielle qui résout la question dont nous nous occupons, dans le sens de la majorité de la commission ; mais cette circulaire ne renverse pas les principes que j’ai déduits de la loi ; elle est l’expression de l’opinion d’un homme honorable, d’un homme instruit, qui a donné à une question une solution qu’il croyait conforme à la loi et utile à la généralité, mais elle n’est rien de plus ; et peut-être M. le ministre convaincu par les arguments que j’ai fait valoir pour soutenir une opinion contraire à la sienne, sera-t-il le premier à donner des instructions contraires à celles qu’il a transmises aux différentes administrations de son département. L’opinion émise en 1831 par un membre de la chambre sur la question qui nous divise est encore de bien moins de poids pour moi, puisqu’elle est énoncée sans arguments à l’appui.

J’ai une dernière observation à faire encore pour établir que la question d’âge n’est applicable qu’au ballottage de nomination et non au scrutin qui le précéde ; c’est que c’est la chambre et non le collège électoral qui décide entre deux personnes qui ont obtenu un nombre égal de suffrages, lorsqu’ils ont le même âge, parce qu’enfin l’âge peut être contesté. Que cela soit conforme à la loi, cela résulte de l’article 34 de la constitution, conçu comme suit : « Chaque chambre vérifie les pouvoirs de ses membres et juge les contestations qui s’élèvent à ce sujet. »

Cet argument me paraît péremptoire, et me porte à dire que l’article 34 de la constitution s’opposerait peut-être à ce que la question fût décidée par analogie ; que dans le cas où, au ballottage intermédiaire, les deux candidats auraient obtenu le même nombre de suffrages, il faudrait une disposition formelle dans la loi pour résoudre cette difficulté, quand elle se présentera. Mais, quoi qu’il en soit, nous n’avons pas à nous occuper de la solution de cette question pour décider la difficulté qui existe entre nous ; nous ne devons que prouver que c’étaient les électeurs et non l’âge qui devaient la décider, et je pense l’avoir fait.

D’après ce que je viens d’avoir l’honneur de vous exposer, je pense que le bureau principal de Termonde a pris une décision conforme à la loi, une disposition rationnelle que vous devez approuvez en maintenant l’élection de M. Desmet ; c’est dans ce sens que j’émettrai mon vote quand la question sera mise aux voix.

M. de Terbecq – Messieurs, je suis du nombre des électeurs qui ont protesté contre la décision du bureau électoral de Termonde, à l’occasion des élections du 11 juin 1839.

Le premier scrutin avait donné pour résultat que, de deux représentants à élire, un seul avait obtenu la majorité ; les votes étaient ensuite divisés comme suit : M. de Decker, avocat à Gand et membre du conseil provincial, a eu 330 votes, tandis que M. le comte Hippolyte Vilain XIIII, bourgmestre à Wetteren, et M. Charles Desmet, président du tribunal de première instance, à Termonde, en avaient chacun 259. En cas de parité de votes, dit l’article 36 de la loi électorale, le plus âgé sera préféré. M. Vilain XIIII étant plus âgé que M. Desmet, circonstance que le bureau principal ne pouvait ignorer puisque la liste des électeurs, où l’âge de ces deux candidats est parfaitement bien indiqué, était affichée dans la salle, et qu’un exemplaire se trouvait même déposé sur le bureau. C’était M. Vilain XIIII et non M. Desmet qui devait être compris dans le ballottage avec M. de Decker, car ce dernier avait obtenu le plus de votes.

Cependant que fait le bureau principal ? Sous prétexte entre autres que la loi est muette et partant douteuse, il décide qu’il sera ouvert un scrutin de ballottage « préliminaire » entre M. Vilain XIIII et M. Desmet, pour déterminer qui des deux sera ensuite compris dans un ballottage définitif avec M. de Decker.

Cette manière d’opérer était contraire au texte formel et faussait l’esprit de la loi.

La loi s’exprime en termes généraux quand elle donne la préférence à l’âge, en cas de parité de votes, on a eu bien soin de former de la dernière disposition de l’article 36 un paragraphe spécial pour qu’il fût évident qu’elle n’était pas applicable seulement au paragraphe qui précède, mais à tous les cas donnés dudit article.

En rapprochant cette disposition de celle qui prescrit, en cas de ballottage, de former une liste de candidats contenant deux fois autant de noms qu’il y a encore de députés à élire, on peut se demander si le bureau principal avait le droit de faire ballotter successivement trois candidats.

La loi n’a voulu prescrire que deux scrutins pour la même personne, car quel serait le résultat du troisième scrutin ? Il ne pourrait jamais être terminé que fort tard et deviendrait ainsi impossible quand il y aurait en même temps des sénateurs à élire. Ne produirait-il pas la désertion de la plupart des électeurs et par suite le triomphe d’une minorité qui serait restée jusqu’à la fin de l’élection ? Tel ne peut être l’esprit de la loi, elle veut que chaque scrutin donne un résultat, mais où serait le résultat si au scrutin de ballottage il y avait de nouveau parité de votes. Faudrait-il recommencer les opérations qui peuvent toujours donner le même résultat ? on tournerait dans un cercle vicieux, ce serait à n’en pas finir. J’ai donc cru devoir protester contre la décision du bureau principal, ainsi qu’un grand nombre d’électeurs parmi lesquels se trouvaient plusieurs bourgmestres, échevins, des membres du clergé et de électeurs notables, qui en furent étrangement surpris et se sont retirés immédiatement après, manifestant le plus grand mécontentement.

Au même moment, trois scrutateurs de la deuxième section, MM. De Weert, bourgmestre et notaire à Calken ; Beeckman, bourgmestre et notaire à Wichelen ; Leirens, échevin et notaire, et M. Rombault, secrétaire communal à Wetteren, ont transmis une réclamation au bureau principal par laquelle ils déclarent, ainsi que le porte le procès-verbal, « qu’à moins que le bureau principal ne révoque sa décision, n’étant plus intentionnés de voter, ils le prient de vouloir les remplacer, déposant entre ses mains la mission dont il avait bien voulu les honorer. »

Il est un autre point sur lequel j’ai dû protester. Messieurs les membres du bureau principal, après avoir suspendu les opérations électorales et quitté la salle sous prétexte, comme ils disent dans leur procès-verbal, de prendre quelque nourriture et repos (il était trois heures de relevée), ne sont revenus pour reprendre les opérations que trois quarts d’heure après. Ma protestation, que j’ai faite aussitôt leur retour, était basée sur une instruction de M. le ministre de l'ntérieur en date du 26 mai 1835, dont une copie avait été transmise à M. le président du tribunal par le commissaire d’arrondissement, sous la date du 2 juin suivant, instruction portant : « Qu’il faut qu’il soit procédé immédiatement outre après que le résultat du premier scrutin est connu, et que l’on doit se borner à laisser aux électeurs le temps de se rendre au local où se tient le bureau principal dans ceux qui leur sont respectivement assignés, vu que tout retard apporté aux scrutins de ballottage pourrait être considéré comme ayant eu pour but de fatiguer les électeurs et de les engager à se retirer en laissant le champ libre aux plus constants. »

Il n’y a pas de doute, ce me semble, que cette instruction ministérielle doive recevoir son exécution ; ce qui s’est passé à Termonde en est une preuve : plusieurs électeurs, vu l’interruption des opérations électorales, se sont retirés croyant que l’élection était terminée.

Je pense donc, messieurs, que, d’après les motifs que je viens de vous présenter, l’élection doit être reprise à partir du ballottage entre M. Hippolyte Vilain XIIII et M. Pierre de Decker.

En effet, messieurs, par votre vote d’hier, par mon admission à prêter le serment, vous avez déclaré la validité du premier scrutin ; or, il me semble que ce scrutin doit être validé aussi à l’égard de MM. De Decker et Vilain XIIII à qui il a accordé aussi des droits acquis.

M. Donny – Messieurs, dans le sein de votre commission, il s’est manifesté deux opinions différentes sur la portée du dernier paragraphe de l’article 36 de la loi électorale. La majorité de votre commission a vu dans ce paragraphe une disposition générale, une mesure applicable à tous les cas où se rencontre une partie de suffrages. La minorité, au contraire, n’y a vu qu’une mesure exceptionnelle, un remède nécessaire dans le cas prévu par le législateur, cas dans lequel la volonté électorale devient insuffisante pour consommer elle-même l’élection.

Il s’agit d’examiner, et c’est là toute la question dans cette élection, il s’agit d’examiner, dis-je, s’il faut donner à ce dernier paragraphe de l’article 36 une interprétation restrictive, ou considérer ce paragraphe comme une disposition générale.

Il me paraît que le texte de la loi entendu dans son sens naturel est favorable à la minorité de la commission.

L’article 36 prévoit le cas où tous les députés à élire n’ont pas été nommés au premier tour de scrutin, et pour ce cas le législateur a ordonné un scrutin de ballottage. Dans les trois premiers paragraphes de l’article 36, le législateur a déterminé le mode d’après lequel le ballottage doit être effectué, et dans les deux derniers paragraphes il a déterminé quel serait l’effet de ce scrutin de ballottage.

A la vérité, messieurs, dans ces deux derniers paragraphes il n’est pas fait mention expresse de ballottage , mais le sens naturel et la construction grammaticale de l’article 36 font voir suffisamment que c’est un scrutin de ballottage que le législateur a eu en vue.

D’abord, cela doit être évident pour tout le monde, quant à l’avant-dernier paragraphe, qui est ainsi conçu :

« La nomination a lieu à la pluralité des votes. »

Il doit être évident pour tout le monde que « la pluralité des votes » dont le législateur a voulu parler dans cet avant-dernier paragraphe, est une pluralité de votes résultant d’un scrutin de ballottage.

Maintenant, quand le législateur ajoute dans le dernier paragraphe que le plus âgé sera préféré, s’il y a parité de votes, il est clair, grammaticalement parlant, que la parité de votes dont il entend parler, est encore une parité de votes résultant d’un scrutin de ballottage.

Tel me semble le sens naturel de l’article 36.

Je dois cependant convenir qu’on peut à la rigueur, et sans violenter le texte, donner au dernier paragraphe de l’article 36 une portée plus étendue, et qu’on peut soutenir, quoique, selon moi avec moins de fondement, que la disposition du dernier paragraphe, c’est-à-dire la préférence accordée à l’âge, en cas de parité, est applicable à tous les cas où les députés à élire n’ont pas été nommés au premier tour de scrutin, et c’est à ce qui soutient la majorité de votre commission.

Le texte de l’article se prête donc d’une manière plus ou moins naturelle à deux interprétations différentes ; et dès lors, pour s’assurer de l’interprétation la plus rationnelle, il faut recourir au but que s’est proposé le législateur, et c’est maintenant ce que je vais faire.

La loi électorale n’est autre chose que l’organisation de ce principe fondamental : que c’est la volonté des électeurs qui fait les députés.

Il suit de là que le but que le législateur a dû se proposer dans la loi électorale, était d’obtenir la connaissance la plus complète possible de la volonté des électeurs. Il suit encore de là que dans les cas douteux il faut interpréter la loi plutôt de manière à faciliter la manifestation de la volonté électorale que de manière à restreindre cette manifestation. Il suit enfin de là que le législateur doit être censé avoir voulu préférer la volonté électorale à tout autre élément d’élection, et qu’on ne peut par conséquent, à moins qu’un texte formel et bien exprès n’établisse le contraire, prétendre que le législateur a voulu sacrifier la volonté électorale au hasard de la naissance.

Si les propositions que je viens d’émettre sont fondées en logique, il faudra bien reconnaître que le dernier paragraphe de l’article 36 doit être interprété d’une manière restrictive, comme l’ont fait le bureau central de Termonde et la minorité de votre commission.

Voilà les motifs, messieurs, qui me détermineront à voter pour le maintien des élections de Termonde contrairement aux conclusions de la majorité de votre commission.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, il n’est pas douteux pour moi que le bureau du collège électoral de Termonde n’ait pas méconnu le texte et l’esprit de la loi.

En effet, le premier paragraphe de l’article 36 est ainsi conçu :

« Si tous les députés à élire dans le district n’ont pas été nommés au premier tour de scrutin, le bureau fait une liste des personnes qui ont obtenu le plus de voix. »

A Termonde, tous les dépenses n’avaient pas été nommés au premier tour de scrutin. Qu’y avait-il dont à faire ? Il fallait dresser une liste des personnes qui avaient obtenu le plus de voix. Est-ce que cela s’est fait au bureau principal ? Nullement ; car , si l’on avait agi ainsi, l’ont eût porté sur la liste M. de Decker qui avait obtenu le plus de voix. Or, il ne s’est pas trouvé sur la première liste qu’a faite le bureau principal de Termonde. Ce bureau a donc évidemment violé le texte du paragraphe premier de l’article 36 de la loi. M. de Decker devait de toute nécessité figurer sur la première liste qui a été dressée par le bureau : il n’y figure pas : il y a donc là violation de la loi.

Maintenant, messieurs, en agissant ainsi, je conçois que le bureau électoral pouvait avoir un doute entre M. Vilain XIIII et M. Desmet qui avaient obtenu le même nombre de voix, parce qu’il n’y avait qu’un des deux qui pût figurer sur la liste. Pour résoudre ce doute, comment fallait-il procéder ? Il fallait se conformer à la disposition finale de l’article 36, qui porte que s’il y a parité de votes, le plus âgé sera préféré.

Qu’on retourne la question dans tous les sens qu’on voudra, toujours est-il vrai qu’il y a violation du paragraphe 1er de l’article 36 de la loi ; que la première liste qui a été formée n’a pas contenu le nom de M. de Decker qui devait nécessairement s’y trouver aux termes de la loi. Dès lors il n’y a pas de doute sérieux sur la nullité de l’élection de Termonde.

M. Milcamps – Messieurs, je crois devoir motiver succinctement mon vote dans la présente discussion.

La troisième commission a conclu à la nullité de l’élection de M. Charles Desmet, élu membre de la chambre par le district de Termonde.

Ces conclusions nous paraissent devoir être adoptées, c’est-à-dire que les opérations qui ont eu lieu sont nulles à partir du deuxième scrutin, en ce qui concerne l’élection de M. Desmet.

Le rapport de la commission nous apprend qu’au premier tour du scrutin pour la nomination du deuxième député, personne n’avait obtenu la majorité absolue, mais que le plus grand nombre de voix portait sur M. P. de Decker qui avait obtenu 330 suffrages ;

M. le comte Vilain XIIII, 259 ;

M. Charles Desmet , 259.

La loi électorale, pour le cas où aucune des candidats n’obtiendrait au premier scrutin la majorité absolue, prescrit un scrutin de ballottage, et rien de plus, sur une liste de deux individus qui avaient obtenu le plus de voix.

Nulle difficulté, quant à M. de Decker, d’être porté sur la liste.

Mais, des deux autres qui avaient eu parité de voix, quel était celui qui devait y être porté ?

La loi ne le dit pas, elle ne prévoit pas ce cas.

Le bureau a pensé qu’un scrutin de ballottage devait avoir lieu entre le compte Vilain XIIII et M. Desmet.

D’autres auraient pu être d’avis que le sort en aurait dû décider.

D’autres encore ont pu croire que c’était le cas de faire application du dernier paragraphe de l’article 36 de la loi électorale. Je soutiens cette dernière opinion.

Permettez, messieurs, que je vous cite une loi romaine. Tous les cas particuliers, dit la loi 12 au Digeste, de legibus, ne peuvent être renfermés dans les lois ; mais lorsque leur sens est clair dans une cause, le juge peut les étendre aux causes semblables… Quand la loi s’est expliquée sur une matière, c’est une occasion favorable de l’étendre par interprétation ou par application aux choses qui tendent à la même utilité.

C’est là l’argument assimilé. Il consiste à appliquer à un cas non prévu la règle établie pour un autre cas semblable ; mais il faut reconnaître que la similitude de deux cas ne suffit pas pour décider l’un par l’autre, mais qu’il doit y avoir identité de raison pour leur appliquer la même règle ; rien n’est plus utile dans l’application des lois que cet argument.

On se sert aussi pour l’application de la loi de l’argument « a pari », qui consiste également à résoudre un cas par un autre semblable, argument qui tire sa force de la parité qui existe entre deux choses de différentes espèces : mais celui-ci ne suppose pas l’identité de motifs comme le premier, mais il est également utile pour l’application des lois.

Ici, messieurs, il y avait similitude des cas et identité de raison.

Le dernier paragraphe de l’article 36 qui ne porte, j’en conviens, que sur le deuxième scrutin, dit que, s’il y a parité de votes, le plus âgé sera préféré. Pourquoi le dit-elle ? parce qu’elle n’a voulu que deux scrutins ; et, en effet, il importe que les opérations se fassent promptement, parce qu’elle a voulu que le deuxième scrutin eût un résultat, celui de la nomination du député, et que sans cette règle ce résultat était impossible.

S’il en est ainsi, et s’il est vrai que la loi ne prescrit que deux scrutins, s’il est vrai qu’il faut mettre le plus de célérité possible dans les opérations pour retenir les électeurs, n’était-il pas naturel, puisque c’était un point douteux quelle marche on devait suivre ; n’était-il pas naturel, logique, dis-je, d’adopter celle qui, se rapprochant le plus des vues du législateur, ne donnait lieu qu’à un seul scrutin de ballottage ? n’était-ce pas le lieu de résoudre le cas qui se présentait, par celui que l’article 36 prévoit dans son dernier paragraphe ? C’est notre manière de voir.

Selon nous, le bureau principal ne pouvait pas créer un scrutin intermédiaire, car c’était aller directement contre la prescription de la loi, qui ne veut que deux scrutins ; c’était aller directement contre son but, la célérité ; c’était, en un mot, repousser les règles d’interprétation admises par tous les jurisconsultes pour l’application de la loi. Je voterai pour la nullité de l’élection de M. Desmet.

M. Dechamps – Messieurs, les orateurs qui soutiennent la validité de l’élection de M. Desmet, appuient leur opinion sur cette circonstance, que le cas qui s’est présenté n’avait pas été prévu par la loi. Il y a, dans leur opinion, une lacune dans l’article 36 de la loi électorale ; il y a eu, pensent-ils, un défaut de prévoyance de la part du législateur ; le bureau de Termonde devait, selon eux, suppléer à cette lacune, le bureau de Termonde n’a donc pas violé la loi. Telle est la doctrine que ces orateurs défendent aujourd’hui devant vous.

Nous prétendons qu’il n’y a pas lacune dans la loi ; que le législateur n’a pas fait preuve d’un défaut de prévoyance ; qu’une règle existe dans la loi, qui tranche la difficulté qui s’est présentée ; que le bureau électoral de Termonde n’avait pas le droit de faire l’office du législateur, en inventant un troisième genre de scrutin qui, certainement, n’avait pas été supposé dans la loi ; que la loi donc a été violée ouvertement, et qu’il ne nous reste plus qu’à prononcer l’annulation des opérations du district de Termonde.

D’abord, messieurs, pour prétendre qu’il existe une lacune dans la loi, que le législateur a fait preuve d’un défaut de prévoyance, il ne suffit pas de s’appuyer sur des allégations vagues, sur des hypothèses, sur des peut-être ; il faut que cette lacune nous apparaisse avec toute évidence ; il faut qu’on reconnaissance l’impossibilité d’accomplir les dispositions de la loi.

L’honorable M. Donny vous a dit tout à l’heure qu’il lui paraissait que le texte était favorable à son opinion. Mais, comme je viens de le dire, il ne faut pas que cela paraisse, mais il faut qu’il soit démontré à l’évidence que le texte de la loi ne peut s’exécuter tel qu’il a été formulé.

Or, c’est ce qui n’est pas dans la question qui nous occupe. Bien loin d’y voir la preuve que des lacunes existent dans la loi, je vois, au contraire, une disposition de l’article 36 qui tranche clairement la difficulté qui se présente. Cet article 36 a pour objet de régler les opérations de ballottage.

Il détermine comment le bureau doit procéder à la formation de cette liste de ballottage. Cet article ne parle que d’un seul ballottage à intervenir, toutes ses dispositions sont formellement contraires à ce scrutin d’épuration imaginé par le bureau de Termonde. Je trouve un dernier paragraphe qui indique le mode à suivre quand, il y a parité de voix entre divers concurrents, c’est le plus âgé qui obtient la préférence. Cette règle est renfermée dans un paragraphe séparé rejeté à la fin de l’article ; il n’est nullement rédigé en termes restrictifs ; au contraire, l’acception est générale. Or, vous le savez, quand le législateur a l’intention de donner un sens limité à une disposition, il a toujours soin de l’indiquer par des termes restrictifs et formels. Ce dernier paragraphe doit donc naturellement s’appliquer à tous les cas de parité de voix qui peuvent se présenter aussi bien au premier tour de scrutin qu’au dernier. Si la loi, de l’aveu de nos adversaires, tranche la difficulté quand il s’agit de l’élection, à plus forte raison doit-elle la trancher quand il ne s’agit que de ballottage. Aucun des mots de ce dernier alinéa ne suppose de distinction possible, pourquoi nous amener à en faire ? pourquoi supposer que cette règle écrite dans la loi en termes généraux ne s’applique pas au cas spécial et identique qui s’est présenté aux élections de Termonde ?.

Il est de principe, en matière d’interprétation, qu’une disposition législative doit toujours s’entendre dans le sens où il peut recevoir son exécution. C’est ce que nous faisons. Selon nous, la loi est complète et peut recevoir son exécution sans recourir à une interprétation forcée, sans recourir à un système nouveau, que la loi n’a pu ni prévoir, ni supposer.

Mes adversaires interprètent la loi dans un sens où elle ne peut pas recevoir d’exécution ; ils supposent une lacune dans la loi sans se donner la peine de la démontrer. N’est-ce pas violer un des premiers principes en matière d’interprétation ? veuillez remarquer que ce n’est pas à nous à prouver que l’article 36 est applicable au cas dont il s’agit, mais à nos adversaires à démontrer qu’il ne l’est pas. Nous trouvons, nous, que l’article 36 contient un paragraphe rédigé en termes généraux, qui a pour objet de résoudre la difficulté qui se présente quand il y a parité de voix.

Nous interprétons la loi dans son sens naturel, dans le sens où elle peut recevoir son exécution. Pour donner à ce dernier paragraphe un sens limité et restrictif, il faudrait que nos adversaires nous démontrassent l’existence de la restriction de manière à ne pas laisser le moindre doute à un esprit sensé.

Eh bien, pour nous convaincre combien l’interprétation de nos adversaires est loin de présenter ce caractère d’évidence, il me suffira de vous rappeler quelques faits.

Lorsque les opérations électorales furent connues, il n’y avait qu’une seule voix dans les journaux et dans l’opinion publique pour déclarer que cette élection était entachée de nullité.

Vous savez que les lois communale et provinciale renferment la même disposition que l’article 36 de la loi électorale. Quelques doutes s’étant élevés sur la portée de cette disposition, le gouvernement n’a pas hésité un seul instant à donner à cet article l’interprétation que nous lui donnons aujourd’hui. Une circulaire ministérielle du 8 décembre 1836 décide que lorsque après le premier tour de scrutin il reste un seul conseiller à élire, et qu’il y a parité de voix entre plusieurs candidats, le plus âgé doit obtenir la préférence. Tout cela, sans doute, ne forme pas décision, mais ce sont des précédents qui prouvent que nos adversaires sont loin d’avoir cette évidence qu’ils ne peuvent pas se dispenser de produire pour faire prévaloir une interprétation à laquelle personne n’avait songé jusque là, et qui est contraire à toutes les règles en matière d’interprétation.

J’abandonne pour un moment toute cette argumentation ; je veux supposer, contre ce qui est réellement, qu’une lacune existe dans l’article 36 de la loi électorale et, dans ce cas même, je ne vois pas comment on pourrait justifier le système de scrutin intermédiaire d’épuration imaginé par le bureau de Termonde. S’il y avait une lacune, le bureau de Termonde ne pouvait pas introduire, pour la combler, un système en opposition formelle avec toutes les dispositions de cet article.

Pour moi, à la simple lecture de l’article 36, il me paraît que toutes ses dispositions sont contraires au système d’épuration auquel le bureau de Termonde a jugé à propos d’avoir recours.

Que dit, messieurs, l’article 36 de la loi électorale ? le voici, paragraphe premier : « Si tous les députés à élire dans le district n’ont pas été nommés au premier tour de scrutin, le bureau fait une liste des personnes qui ont obtenu le plus de voix. »

Ainsi donc, après le premier tour de scrutin, que devait faire le bureau ? Former une liste sur laquelle ne devaient figurer que les noms des candidats qui avaient obtenu le plus de voix, en nombre double de celui de députés à élire. En introduisant un scrutin d’épuration, vous arrivez à faire le contraire de ce que la loi exige. Au lieu de faire une liste des candidats qui ont obtenu le plus de voix, vous en faites une de ceux qui ont obtenu le moins de voix.

J’arrive à une seconde objection. Il est clair que l’article 36 ne suppose que deux scrutins ; un premier auquel il faut obtenir la majorité absolue, et le second qui est le scrutin de ballottage et en même temps le scrutin définitif. Ce serait une erreur de croire que le législateur a commis ici une imprévoyance, n’a pas prévu le cas qui s’est présenté lors des élections de Termonde. Le législateur a été mû par de puissants motifs en limitant le nombre des scrutins à deux et en n’en permettant jamais trois. Vous savez que dans une foule de dispositions des lois électorales, communale et provinciale, le législateur s’est attaché à circonscrire les opérations dans un cercle étroit, afin d’éviter les abus qui peuvent résulter des retards apportés à ces opérations.

L’honorable M. Donny a dit qu’il fallait recourir à une deuxième épreuve, à cette épreuve intermédiaire à laquelle a eu recours le bureau de Termonde, parce que le but du législateur est de faire manifester de la manière la plus complète la volonté des électeurs. Or, recourir à trois élections au lieu de deux, c’était marcher à un résultat tout opposé. En fait, l’élection de Termonde le prouve suffisamment. C’est une singulière manière d’arriver à la manifestation de la volonté des électeurs, quand nous voyons que M. Desmet, au troisième tour de scrutin, obtient 209 suffrages sur 828 votants qui composaient d’abord le collège. Il en sera toujours ainsi quand on prolongera les opérations d’une manière indéterminée et qu’on reculera le scrutin définitif à la fin du jour. Les électeurs éloignés et fatigués devront abandonner la lutte électorale ; Singulière manière de favoriser la manifestation la plus complète de la volonté des électeurs !

Vous voyez donc qu’en supposant même que le dernier alinéa ne se trouvât pas dans la loi, encore faudrait-il le supposer ; toujours est-il que jamais vous ne pourriez choisir ce mode de scrutin d’épuration trouvé par le bureau de Termonde, il viole l’une après l’autre toutes les dispositions de l’article 36.

J’arrive maintenant à une seconde question : si la chambre prononce l’annulation de l’élection de M. Desmet, cette annulation devrait-elle s’appliquer à l’élection entière, ou bien déclarerons-nous valider les opérations jusqu’au moment où la nullité a commencé d’exister ?

Messieurs, je pense que cette question a été formellement résolue par la discussion prise hier à l’égard de M. de Terbecq. Il me paraît évident que si M. de Terbecq avait des droits acquis au premier tout de scrutin MM. De Decker et Vilain XIIII ont les mêmes droits. Ces messieurs ont à mon avis puisé leurs droits au scrutin où M. de Terbecq a puisé les siens. Le corps électoral étant un être moral, nous devons reporter les choses au point où elles étaient lorsque les causes de nullité ont commencé d’exister.

Je bornerai là mes observations, me réservant de prendre la parole de nouveau, si des objections sont produites auxquelles je juge nécessaire de répondre.

M. de Brouckere – Messieurs, lors même que mon désir eût été de ne pas prendre part à la discussion qui s’agite en ce moment, je me trouverais dans la nécessité de rompre le silence ; en effet, la première fois que j’ai entendu parler des élections de Termonde avec quelque développement, c’était par un de nos honorables collègues, qui s’est prononcé dans la discussion contre cette élection. Il me raconta les choses comme elles se sont passées, mais en me disant que la nullité était tellement flagrante, que cela ne pouvait pas faire question. Sans recourir à la loi, je l’ai cru, et moi-même, dans les conversations où il en a été question, j’en ai parlé comme étant tellement nulle, que cela ne pouvait pas souffrir de discussion. Mon honorable collège m’avait dit que la loi tranchait la question. Depuis lors j’ai consulté la loi, et j’ai vu que la loi ne tranchait pas la question et que mon honorable collègue avait une opinion qu’il m’est impossible de partager.

Je suis dans la nécessité d’expliquer pourquoi, après avoir dit que l’élection était nulle, je la regarde comme complètement valable.

Messieurs, ceux qui attaquent l’élection de Termonde parlent de ce fait, comme d’un fait certain, que la loi déclare qu’en cas de parité de suffrages, le plus âgé doit l’emporter. Or, il n’en est rien, absolument rien ; qu’on veuille lire l’article invoqué avec quelque attention, et l’on verra que cet article énumère une suite d’opérations dont la première est un scrutin entre tous les éligibles, dont la seconde a lieu si, après le premier scrutin, aucun candidat n’a obtenu la majorité absolue, et, après cette deuxième opération, la loi dit que celui qui aura obtenu la pluralité des suffrages l’emporte. Voilà l’élection terminée. Cependant il a fallu que le législateur prévît le cas où les deux candidats qui auraient obtenu le plus de voix au premier tour de scrutin obtiendraient, au deuxième scrutin, parité de suffrages. Pour ce cas, le législateur a tranché la question en disant que le plus âgé serait préféré. Mais ce paragraphe ne se rapporte qu’à la quatrième disposition de l’article 36 et non à la première. Que s’il était entré dans la volonté ou dans la pensée du législateur de déclarer le dernier paragraphe de l’article 36 applicable à toutes les dispositions de cet article, il l’eût rédigé d’une manière beaucoup plus générale, il eût dit que dans tous les cas où il y aurait parité de votes, le plus âgé serait préféré. C’est ainsi qu’on s’est expliqué dans différentes lois et dans différents règlements. Je pourrais citer une loi française qui porte ce principe d’une manière générale : que dans tous les cas où il y aura parité de voix, le plus âgé l’emportera. Je crois que ce principe se trouve aussi d’une manière générale dans les règlements locaux. Mais nous ne l’avons pas inséré dans la loi électorale.

L’honorable orateur qui m’a précédé objecte : Vous prétendez qu’il y a une lacune : prouvez-la ; une lacune ne résulte pas d’une simple assertion, il faut la démontrer. Je ne sais pas où cet honorable membre a trouvé cette manière de raisonner, c’est à vous à prouver qu’il n’y a pas de lacune ; vous ne pouvez pas me forcer à administrer une preuve négative. C’est à vous à prouver que ce que vous prétendez exister existe réellement ; et vous n’avez certainement pas administré cette preuve.

L’honorable préopinant a fait le même raisonnement à l’égard de l’applicabilité du dernier paragraphe de l’article 36 au premier paragraphe de cet article ; il a dit : Prouvez donc que le dernier paragraphe n’est pas applicable à tous les cas, mais seulement à la disposition qui précède. Je réponds : prouvez qu’il est applicable à toutes. Vous ne pouvez pas faire cette preuve. C’est à cause de cette impossibilité où vous vous trouvez que vous voulez que nous administrions une preuve négative.

L’honorable membre, ne trouvant rien sur quoi il puisse s’appuyer, est venu avec une circulaire ministérielle. Mais il a joué de malheur. La circulaire ministérielle n’était pas un titre bien concluant, mais encore elle le condamne. Il s’est borné à la citer ; je vais la lire ; vous verrez que l’honorable M. Dechamps est condamné par l’honorable M. de Theux. Il nous a dit qu’elle portait que dans tous les cas de parité de suffrages, le plus âgé devait l’emporter. Voyez comment s’explique à cet égard M. de Theux.

(L’honorable orateur donne lecture de cette circulaire en faisant remarquer que M. le ministre de l'ntérieur ne raisonne que par analogie et ne dit nullement que la dernière disposition de l’article 36 est absolument applicable à tous les cas de parité de suffrages.)

Il me sera facile, continue l’orateur, de démontrer qu’il n’y a pas d’analogie dans le cas qui nous est soumis. En effet, lorsqu’après le scrutin de ballottage, deux candidats ont obtenu un même nombre de voix, il fallait de toute nécessité décider entre ces deux candidats, parce que le scrutin dix fois renouvelé aurait donné dix fois le même résultat. Mais ici en est-il de même.

Plusieurs voix – Oui ! oui !

M. de Brouckere – Je vais vous prouver que non.

Je vous demande si, lorsqu’on a procédé au scrutin de ballottage entre M. Vilain XIIII et M. C. Desmet, les électeurs qui avaient d’abord voté pour M. de Decker n’avaient pas une voix à donner. Il n’était pas certain que la préférence aurait été donnée à l’un plutôt qu’à l’autre. Ainsi on n’avait pas la perspective de faire huit ou dix scrutins inutiles, sans résultats, comme cela aurait eu lieu après un scrutin de ballottage où les deux candidats auraient obtenu le même nombre de voix. Il n’y a donc aucune analogie entre les deux cas.

Nos adversaires disent qu’on a voulu trancher la difficulté par l’âge pour que les opérations électorales se fissent d’un seul jet et aussi promptement que possible. Mais comment savoir quel est le plus âgé des deux concurrents ? on me dira que l’âge se trouve sur la liste des électeurs.

Messieurs, le choix des électeurs ne peut-il porter que sur les électeurs eux-mêmes ? est-ce que l’on n’est pas éligible sans être électeur ? est-ce que les électeurs de Termonde n’ont pas pu nommer un citoyen de Bruges ? Le système que l’on soutient conduirait à des résultats évidemment erronés.

Quant à ce qui concerne le cas dont parle le dernier paragraphe de l’article 36, on sent qu’il s’agit du choix à faire lorsque l’élection est complètement terminée ; alors, si deux candidats ont obtenu le même nombre de suffrages, ils apportent leur acte de naissance.

On a cru tirer un argument de cette considération, que le second scrutin, pour choisir entre MM. H. Vilain XIIII et Ch. Desmet, avait prolongé les élections, et qu’il fallait, à tout prix, les abréger : je conviens qu’on doit les abréger autant que possible ; mais personne ne soutiendra que de ce qu’on les aurait allongées ce serait une cause de nullité.

A Waremme on avait prolongé les opérations électorales parce que les deux sections, au lieu de procéder simultanément, ont procédé successivement faute d’une double boîte convenable. Cependant pas une voix ne s’est élevée ici pour demander la nullité de ces élections : on aurait eu tort de la demander ; c’est une irrégularité qu’on a bien fait de signaler, et qui ne pouvait entraîner la nullité.

On a dit qu’il n’y avait eu qu’une voix dans les journaux et dans le public pour soutenir la nullité des élections de Termonde. L’honorable orateur qui a avancé cette assertion ne lit apparemment qu’une partie des journaux ; l’opinion publique n’a pas été si unanime qu’il le pense. Dans cette enceinte vous avez entendu trois orateurs soutenir la validité des élections de Termonde, et ces orateurs sont aussi des organes de l’opinion publique.

Une élection a eu lieu à Termonde ; elle a eu lieu conformément à une décision prise par le bureau principal, véritable tribunal de première instance dans cette matière. A la suite des opérations, ce bureau principal a proclamé l’un des candidats représentant. On nous soumet la décision du bureau principal, et l’on nous dit qu’il y a eu mal jugé, et que c’est à vous à casser la décision ; ainsi on nous érige en tribunal de cassation. Eh bien, j’accepte la mission, et je me suppose, en conséquence, appelé à rédiger un arrêt. Or, voici comment je le rédigerais :

« Attendu que la dernière disposition de l’article 36 de la loi électorale ne se rapporte qu’au paragraphe qui la précède immédiatement, celui qui prévoir le cas où, après un scrutin de ballottage, il y a eu parité de voix ;

« Que si le législateur l’ait entendu autrement et avait voulu étendre l’effet de cette disposition au cas prévu par le premier paragraphe de l’article, il se fût exprimé évidemment en termes plus généraux ;

« Attendu que la loi électorale ne prévoit pas le cas où, après un premier tour de scrutin, deux ou plusieurs personnes ont eu le même nombre de voix, sans qu’elles puissent toutes êtres portées sur la liste qui doit contenir deux fois autant de noms qu’il y a de députés à élire ;

« Que dans le silence de la loi on ne saurait mieux faire que de consulter la volonté des électeurs dont le vœu doit être la règle, chaque fois que la loi ne prononce pas ;

« Qu’il n’y a pas d’analogie entre la cas où il y a eu parité de voix entre deux candidats après un premier tour de scrutin, et celui où semblable parité se présente après le scrutin de ballottage, surtout quand les opérations électorales ont plus d’une nomination pour objet ;

« Qu’en supposant même que le bureau de Termonde n’ait pu suivre une autre marche que celle qu’il a adoptée, à coup sûr on ne peut pas dire qu’il y a eu de sa part ni mauvaise foi, ni violation ou fausse application d’une loi ;

« Que par conséquent il n’y a pas lieu à casser la décision de ce bureau, ni à annuler l’élection qui en a été la conséquence. »

Messieurs, voilà mon opinion motivée.

Je ne dirai que deux mois sur la seconde question soulevée par M. Dechamps. Cet orateur a prétendu qu’on ne devait casser que la première partie de l’opération électorale, c’est-à-dire à partir du premier scrutin de ballottage qui a eu lieu. Je crois devoir faire remarquer que la chambre n’a pas à connaître de ce qui s’est passé dans les élections, qu’elle n’a à statuer que sur un point. Le bureau dit : M. Desmet est représentant ; la chambre n’a rien autre chose à dire : l’élection est valable ou elle n’est pas valable. Elle ne peut annuler une partie des élections.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, vous aurez remarqué que, malgré les efforts que l’on a faits pour mettre en contradiction l’opinion que je soutiens maintenant, avec la circulaire sur la loi municipale que j’ai adressée à M. le gouverneur du Hainaut, on n’y est pas parvenu. L’opinion que je professais alors, je la professe encore, et j’applique à la loi électorale des chambres législatives, ce que j’appliquais aux élections municipales, parce qu’il y a identité de motifs. Il n’y a donc pas, je le répète, de contradiction.

Il me semble qu’il est facile de répondre au dernier orateur. L’article 36 contient deux dispositions bien formelles. Il résulte du premier paragraphe que sur la liste pour le ballottage doivent être portés les candidats qui on obtenu le plus de voix. Partant de là, M. de Decker devait être porté sur la liste à former par le bureau. Y a-t-il été porté. Non.

Il résulte du deuxième et du troisième paragraphe qu’il ne doit y avoir qu’un seul scrutin de ballottage, et que ne doivent figurer à ce scrutin que ceux qui ont obtenu le plus de voix. A des dispositions aussi précises, y a-t-il une exception dans la loi même ? Evidemment non.

La disposition finale de l’article 36 dit, au contraire, qu’en cas de parité de voix, il faut choisir le plus âgé. Si le législateur eût voulu deux ballottages, le premier pour savoir, en cas de parité de voix, celui qui devait être compris dans le ballottage définitif, il l’aurait exprimé ; car il le devait, en présence surtout des dispositions formelles des premiers paragraphes de l’article 36.

Ce serait une fausse argumentation que de dire : Lorsqu’une loi ne distingue pas, nous ne pouvons pas distinguer. Les mots : « dans tous les cas », ne sont pas essentiels dans une loi ; il suffit qu’il y ait similitude, pour qu’il y ait application de la même disposition.

On a dit que la chambre est tribunal de cassation, qu’elle ne peut réformer la décision provisoire du bureau électoral, qu’autant qu’il y a eu violation de la loi. Je soutiens que la chambre n’est pas de cassation, mais qu’elle vérifie simplement les pouvoirs. Mais si elle était tribunal de cassation, comme membre de ce tribunal je n’hésiterais pas à prononcer l’annulation, parce que la violation des paragraphes 1, 2, 3, 4 et 5 de l’article 35, est manifeste.

M. Dolez – En demandant la parole, je n’ai pas la pensée d’ajouter quelque chose à ce qui a été dit sur la question de droit. Cette question est fort sérieuse et fort douteuse à mon sens ; mais je crois avoir trouvé dans les procès-verbaux des points de fait qui peuvent éviter de la résoudre. Il résulte, en effet, de quelques passages d’un procès-verbal que je tiens à la main, qu’il y a eu contestation sur la suffisance des désignations de quelques bulletins, et que d’une part on a accordé des voix à M. Vilain XIIII, tandis que d’autre part on a refusé d’accorder à M. Desmet des bulletins portant Ch. Desmet.

La loi dit, il est vrai, dans son article 34 : « Sont nuls tous les suffrages qui ne portent pas une désignation suffisante ; le bureau en décide comme dans tous les autres cas, sauf réclamation. » Mais quand faut-il annuler un suffrage pour insuffisance de désignation ? ce n’est évidemment que lorsque cette insuffisance est démontrée. Or, que trouvons-nous dans le procès-verbal dont je viens de lire un passage ? C’est que l’on a allégué que plusieurs individus portaient le nom de Charles Desmet. Eh bien, messieurs, il ne fallait pas se borner à une semblable allégation, il fallait démontrer qu’il pouvait réellement y avoir incertitude sur la personne désignée dans le bulletin, et cette incertitude n’étant pas démontrée, c’était pour la validité du suffrage qu’il fallait se prononcer. Il fallait donc attribuer le suffrage à M. Charles Desmet qui était seul connu au moment de l’élection.

Mais s’il suffisait, messieurs, d’alléguer qu’il existe plusieurs individus du même nom, pour faire annuler des suffrages, à chaque instant on fausserait le vœu des électeurs. Il y a quelques années, la chambre a annulé une élection de Mons, parce qu’elle considérait comme ne portant pas une désignation suffisante des bulletins qui avaient été admis, comme valables par le bureau principal ; la chambre a donc cru alors qu’elle avait le droit d’examiner si la désignation était suffisante ou insuffisante ; ce droit qu’elle a exercé alors, elle doit encore l’exercer aujourd’hui, et je l’engage à examiner si le bulletin portant « Charles Desmet » doit être attribué au seul candidat de ce nom dont il fut question au moment des élections, ou si l’on peut, sur la seule allégation qu’il existe plusieurs individus du même nom annuler un suffrage qui s’appliquait réellement à lui. C’est ce point de fait, sur lequel la commission aurait peut-être bien fait d’appeler l’attention de la chambre, que j’ai cru devoir signaler.

M. de Terbecq – Messieurs, j’aurai l’honneur de répondre à M. Dolez qu’il y a plusieurs Charles Desmet électeurs et éligibles. En effet on trouve inscrits sur la liste des électeurs de Termonde, pour la composition des chambres, deux Charles Desmet. Sur une autre liste, celle de Zele, on trouve aussi un Charles Desmet, huilier.

Dans la liste des électeurs communaux de Zele, ce nom de Charles Desmet et Charles-L. Desmet, est porté jusqu’à trois fois.

On ne pouvait donc attribuer ce vote, ni à l’un, ni à l’autre.

Aussi personne dans le collègue électoral n’a élevé la voix pour demander la validité de ce bulletin.

Je crois même me rappeler que dans la troisième section on a aussi annulé un bulletin portant le nom de M. Vilain XIIII sans autre désignation ; on peut vérifier ceci dans le procès-verbal de cette section.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je dois vous faire remarquer messieurs, que même dans le cas cité par l’honorable M. Dolez, l’élection serait vicieuse, car alors il aurait fallu ballotter immédiatement M. de Decker avec M. Desmet, et non pas remettre ce ballottage jusqu’au moment où une grande partie des électeurs s’étaient retirés.

M. Dubus (aîné) – Je viens, messieurs, motiver brièvement le vote que j’émettrai sur la question soumise en ce moment à la chambre. Cette question est toute entière, me paraît-il, dans l’article 36 de la loi électorale. Pour proposer l’annulation de l’élection de M. Desmet, on vous a fait remarquer, messieurs, qu’il y avait violation des premiers paragraphes de l’article 36 ; il résulte de cet article qu’après le premier scrutin l’on ne fait comprendre au scrutin de ballottage que les noms des candidats qui ont obtenu le plus de voix, et cela en nombre double de celui des députés qu’il reste à élire ; cette disposition est générale, elle est absolue et tout le monde est d’accord qu’elle a été sinon violée, du moins méconnue dans les opérations qui ont eu lieu à Termonde ; mais pour justifier cette déviation de la loi, on dit qu’il y avait nécessité, que l’exécution de la loi était impossible dans l’espèce dont il s’agit, puisque parmi les trois personnes qui avaient le plus de voix, deux avaient obtenu le même nombre de suffrages, et l’on ne trouve pas dans l’article 36 de règle de décision pour ce cas ; que, ne trouvant pas dans l’article 36 de règle de décision pour ce cas, il a fallu en créer une, et qu’on n’en a pas trouvé de plus convenable que d’imaginer un scrutin d’épuration. Voilà, me paraît-il, toute l’argumentation de ceux qui défendent la validité de l’élection.

On leur répond que la dernière disposition de l’article 36 prescrit la marche à suivre dans le cas dont il s’agit, mais ils répliquent à l’instant même qu’il est évident que cette dernière disposition ne peut recevoir son application que dans le cas de l’avant-dernier paragraphe. Vous en demanderez la raison peut-être ? mais on vous répond que cela est évident, et des raisons, on n’en allègue aucune, ou plutôt ils ont voulu trouver une raison ; ils ont dit, si j’ai bien compris les développements qui ont été donnés par un honorable orateur, que, dans une loi française, la même phrase : « S’il y a parité de votes, le plus âgé sera préféré », est précédée des mots : « dans tous les cas. » or, la loi belge n’a point dit que ce serait dans tous les cas et par conséquent, la disposition n’est pas aussi générale ; mais, messieurs, argumentant de la même manière, je pourrais dire : « Si le législateur belge avait voulu restreindre la disposition au dernier cas, il aurait dit : « dans ce dernier cas » ; et comme il ne l’a point fait, il est certain qu’il a voulu que la disposition fût générale. » Il me semble que cette argumentation vaut bien l’autre. Dans l’article 36 il y a deux cas possibles de l’application des règles posées dans le dernière paragraphe. Il plaît, à la vérité, à nos adversaires de supposer que le législateur n’a aperçu que l’un des deux cas ; mais lorsque je ne vois pas dans le texte de la loi la preuve qu’il n’a pas aperçu à la fois les deux cas possibles, je crois qu’il n’est pas très raisonnable de soutenir une semblable assertion. Il n’y a donc pas de lacune dans la loi ; mais on s’est créé une lacune, et on se l’est créée tout exprès pour autoriser le bureau d’un collège électoral à faire des lois, à substituer la volonté tout à fait arbitraire à la volonté du législateur.

Je le répète, messieurs, on a dit qu’il est évident que la disposition de l’article 36 ne s’applique qu’au cas de l’avant-dernier paragraphe, et l’on s’est abstenu de donner des raisons pour le prouver ; mais je donnerai une raison pour démontrer qu’elle doit s’appliquer aux deux cas où l’application en est possible, c’est que pour que la disposition s’applique aux deux cas, il n’y a pas une seule syllabe à changer à l’article : en effet, séparez les deux premiers paragraphes de l’article et ajoutez immédiatement la dernière disposition, vous verrez qu’elle s’y applique de la manière la plus claire. Lisez donc l’article ainsi : « Si tous les députés à élire dans le district n’ont pas été nommés au premier tour de scrutin, le bureau fait une liste des personnes qui ont obtenu le plus de voix.

« Cette liste contient deux fois autant de noms qu’il y a de députés à élire.

« S’il y a parité de votes, le plus âgé sera préféré. »

Je vous le demande, messieurs, y a-t-il un seul mot à changer pour que cette disposition présente le sens le plus clair ? Prétendra-t-on maintenant qu’elle présente un autre sens parce qu’elle est reportée à la fin d’un article ? Mais, messieurs, une disposition reportée à la fin d’un article s’applique tout naturellement à tout l’article, lorsqu’il n’est pas démontré par le texte, ou par une raison aussi forte que le texte lui-même qu’il faut en restreindre la porté. Voilà, je pense, les véritables de l’interprétation des lois.

On a cependant dit, messieurs, qu’il y avait un motif pour que le législateur n’appliquât pas la disposition du dernier paragraphe aux deux cas dont il est parlé, et ce motif c’est qu’il y aurait ici une véritable difficulté d’exécution. Comment, s’est-on demandé, connaîtra-t-on l’âge des deux candidats qui auront obtenu le même nombre de voix ? Faudra-t-il renvoyer le ballottage à une autre époque pour s’assurer de l’âge de ces candidats ? D’abord je ferai remarquer, messieurs, que, dans le cas présent,, cette difficulté n’existait point, puisque la liste elle-même dont le collège électoral était en possession indiquait l’âge de chacun des deux candidats. Mais, dit-on, les électeurs peuvent choisir des personnes appartenant à un autre district, et alors on ne sera pas toujours à même de vérifier l’âge. Je répondrai à cela que cette difficulté doit être excessivement rare, plus rare encore que le cas déjà fort rare qui se présente aujourd’hui, où il y a parité de votes ; car on n’élit ordinairement que des personnes généralement connues dans le district, et des personnes généralement connues le sont aussi bien quant à l’âge que quant aux autres qualités ; c’est donc là une difficulté qui ne se présentera peut-être jamais. Mais supposons qu’elle se présente une fois ; eh ben, alors on remettrai l’élection. Cela s’est déjà fait. Aux élections de 1837, dans un collège du Luxembourg, au moment où les électeurs se sont séparés, on ne connaissait pas le résultat du scrutin, parce qu’une partie des opérations avait lieu sur une rive de la Meuse et une autre partie sur la rive opposée ; eh bien, alors lorsque le bureau principal a proclamé le résultat du scrutin, comme tous les députés à élire n’étaient pas nommés, il a remis les opérations à trois semaines, et cela n’a été critiqué par personne ; au contraire, on a rendu hommage dans cette enceinte à la sagesse du bureau principal. Vous voyez donc bien, messieurs, que cette difficulté, qui ne peut du reste se présenter que dans des cas extrêmement rares, n’en est réellement pas une.

L’avant-dernier orateur a fait remarquer que, selon lui, la difficulté qui se présente, pouvait être évitée, parce que M. Desmet avait eu un vote de plus que M. Vilain XIIII ; qu’en effet, on annulé un bulletin portant Charles Desmet sans désignation, tandis qu’on n’a pas annulé un vote qui portait Hippolyte Vilain XIIII sans désignation.

Messieurs, pour apprécier ce moyen, il faudrait avoir été mis à même de connaître toutes les circonstances qui ont influé sur la décision du bureau. Le bureau principal était à même d’apprécier ces circonstances, et s’il les avait appréciées de manière à n’être pas approuvées par le public qui était présenté, il me semble qu’il y aurait eu des réclamations. Dans le cas qui a été cité par l’honorable préopinant auquel je réponds, il y a eu une réclamation ; des électeurs avaient prétendu qu’un suffrage qu’on avait compté à l’élu, ne lui appartenait pas, de sorte que cette réclamation a pu être considérée comme rendant la décision douteuse ; mais ici il n’y a pas de réclamation ; quelle raison dès lors de croire qu’un suffrage qui portait les mots d’Hippolyte Vilain XIIII sans désignation, pouvait s’appliquer à deux personnes ?

Au reste, s’il était vrai que M. Desmet eût un suffrage de plus que M. Vilain XIIII, il est encore évident qu’il ne fallait pas procéder comme on l’a fait. Or, la manière dont on a conduit les opérations aurait seule vicié cette élection, et vous pourrez, messieurs, en juger par le résultat.

828 électeurs ont pris par à la première opération ; à la seconde opération, un grand nombre d’électeurs ne voulant ni l’un ni l’autre des deux candidats qui faisait l’objet de l’opération, se sont retirés ; et la preuve, c’est qu’il ne s’est plus trouvé que 501 électeurs ; enfin, à la dernière opération, qui a eu lieu à peu près dans la nuit, il y avait moins de 400 électeurs.

Par ces motifs, je voterai pour les conclusions de la commission. (Aux voix.)

M. Dolez – Il faudrait vérifier le fait allégué par M. de Terbecq.

M. Verhaegen - Messieurs, avant d’avoir entendu la discussion, je n’avais pas formé mon opinion ; la discussion n’a donné la conviction que l’élection est valide. Je vais avoir l’honneur de vous donner en deux mots les motifs qui ont déterminé mon opinion.

Je ne m’occuperai pas de la question de fait. Un honorable collègue, s’en étant occupé, répondra sans doute aux observations qui ont été faites. Je ne m’occuperai pas non plus de la question de savoir s’il faut annuler le tout pour une partie ; l’article 4 de notre règlement et les articles de la constitution sont trop évidents pour qu’il soit nécessaire de traiter ultérieurement ce point. La chambre s’occupe de vérifications et ne s’occupe pas d’autre chose. Je n’en dirai pas davantage à cet égard.

Messieurs, la nomination de M. Desmet est-elle valide ? C’est ce que nous avons à examiner. D’accord avec l’honorable préopinant, je dis que toue la question gît dans l’interprétation de l’article 36 de la loi électorale. C’est en me servant des arguments mêmes de l’honorable préopinant que je crois pouvoir établi ma thèse. Il s’est appuyé sur le commencement de l’article 36 qui porte que lorsque les députés à élire n’ont pas été nommés au premier tour de scrutin, le bureau fait une liste des personnes qui ont obtenu le plus de voix…

Je m’arrête ici. Dans le cas prévu par le commencement de cet article, le bureau fait une liste des personnes qui ont obtenu le plus de voix ; que fallait-il donc faire ? M. de Decker avait obtenu le plus de voix, il avait eu 330 voix ; il fallait le porter sur la liste, c’est ce qu’a dit tout-à-l’heure M. le ministre de l'ntérieur. Or, ce que le ministre prétend qu’on devait faire, a été fait. Il fallait ensuite un second individu pour le porter sur la liste ; quel était cet individu ? celui qui avait eu le plus de voix. Qui avait eu le plus de voix ? Etait-ce M. Desmet ? Etait-ce M. Hippolyte Vilain XIIII ? Ce n’était ni l’un ni l’autre ; aucun des deux n’avait le plus de voix. Il n’y a avait qu’un individu sur la liste, je le répète, c’était M. de Decker, et il en fallait prendre un second ; prendra-on le plus âgé ? Et puisqu’on en est sur le chapitre des interprétations, je demanderai : le plus âgé aura-t-il plus de voix que le moins âgé ? mais non… (bruit) J’entends des murmures qui ont l’air de désapprouver les observations que je fais ; cependant veuillez remarquer, messieurs, que quand on raisonne d’un texte, comme on vient de le faire, il faut qu’on suive toutes les conséquences de l’interprétation qu’on en a donné.

On a prétendu qu’il fallait faire figurer sur la liste les individus qui avaient eu le plus de voix ; je pars aussi de cette base : eh bien, un individu, M. de Decker, a été porté sur la liste ; pour un second, il n’y en avait pas ; il fallait donc chercher un second individu, et aussi longtemps qu’il y avait des moyens de le trouver, il fallait les employer, et ne s’arrêter que lorsque toute nouvelle tentative aurait été trouvée impossible, car à l’impossible nul n’est tenu.

Voilà ce que j’ai à répondre à l’honorable préopinant.

Je vais plus loin maintenant, j’attaque les principes de l’honorable préopinant en matière d’interprétation ; examinons les choses froidement, sans prévention ; je vais mettre en rapport l’article 36 de la loi électorale avec l’article 35.

L’article 35 porte :

« Nul n’est élu au premier tour de scrutin, s’il ne réunit plus de la moitié des voix. »

L’article 36, dans son premier paragraphe, prévoit le cas où un député n’aurait pas été élu au premier tour de scrutin ; il s’agit de l’élection parfaite des députés, c’est dans ce sens qu’il faut évidemment entendre le premier paragraphe de l’article.

Examinons tout de suite la fin de l’article :

« S’il y a parité de votes, le plus âgé sera préféré. »

Le plus âgé sera préféré relativement à l’élection dont on a parlé au commencement de l’article, car la première idée qui domine est celle relative à l’élection finale du député, et l’idée par laquelle l’article se termine est encore relative à l’élection finale : à cet égard il ne peut y avoir l’ombre d’un doute sur l’interprétation ; et, pour arriver à cette interprétation, il faut examiner l’article dans son ensemble ; il ne faut pas considérer les dispositions isolément, mais il faut les examiner en tout et pour tous, et s’enquérir quelle a été l’intention de celui qui a fait la loi.

Messieurs, l’honorable M. Dubus vous a dit que si le dernier paragraphe : « S’il y a parité de votes, le plus âgé sera préféré. » avait été placé comme troisième paragraphe, à la suite du second paragraphe, Paragraphe, il n’y aurait pas eu l’ombre d’un doute ; eh bien, il ne me faut à moi que cet argument pour prouver que, puisque le dernier paragraphe ne s’est pas trouvé à la suite du troisième, mais à la suite de l’avant dernier, l’argument que l’honorable préopinant a fait valoir est rétorqué avec fruit contre celui qui l’a présenté.

Il est évident qu’on viole l’article 36 de la loi électorale pour arriver à un résultat. Tels sont les motifs qui me portent à voter la validité de l’élection.

- La clôture de la discussion est prononcée.

M. Devaux – Je demande la parole sur la position de la question. On va voter sur les conclusions de la commission qui propose l’annulation de l’élection. Mais j’ai entendu parler d’annulation partielle. Je voudrais savoir si c’est là ce dont il s’agit. Pour moi, qui trouve que l’élection est irrégulière et qui suis disposé à en voter l’annulation, je trouve qu’il serait encore plus irrégulier de l’annuler partiellement ; et plutôt que de donner lieu à une élection que je me verrais ensuite obligé d’annuler, je préférerais valider celle qui nous occupe. Il faut que nous soyons certains du sens du vote que nous allons émettre. Le gouvernement ne peut pas la trancher. S’il convoquait les électeurs seulement pour un scrutin de ballottage, la question entière se représenterait. Il faut la trancher aujourd’hui.

M. Dechamps – Je ne sais si, en votant les conclusions de la commission purement et simplement, la chambre décidera la question comme l’entend M. Devaux. Car la chambre, en proclamant la validité de l’élection de M. de Terbecq, a décidé que MM. de Decker et H. Vilain XIIII avaient seuls le droit d’être ballottés ; car elle a ainsi déclaré valide le premier scrutin qui donne un droit à M. de Decker comme ayant obtenu le plus de voix, et à M. Vilain XIIII comme plus âgé que M. Desmet.

J’ajouterai que M. de Brouckere est d’avis que la question ne peut être résolue dans le sens indiqué par M. Devaux, puisqu’il a soutenu que la chambre n’était pas compétente pour décider comment les opérations nouvelles devaient se faire en cas d’annulation.

M. de Brouckere – L’interpellation de M. Devaux est toute parlementaire. L’on propose l’annulation. M. Devaux demande comment on entend cette annulation, s’il s’agit d’une annulation totale ou partielle. Mais, selon M. Dechamps, il y a quelqu’un ici de son avis ; et ce quelqu’un, c’est moi. J’ai dit que la chambre devait prononcer la validité ou la nullité de l’élection. Mais s’ensuit-il que le gouvernement puisse convoquer les électeurs pour des élections irrégulières ? s’ensuit-il que je prétends fermer la bouche à ceux qui demandent des explications ? Non, sans doute. M. Devaux demande des explications ; il faut qu’il les ait. On parle de ce que fera le gouvernement. Pour moi, j’ai trop bonne opinion de MM. les ministres pour croire qu’ils convoquent les électeurs pour une demi-élection ; qu’ils leur disent : « Vous avez fait il y a quelque temps un morceau d’élection, vous allez maintenant en faire un autre. » (On rit.) Où trouverait-on un seul exemple d’une résolution pareille ? Nulle part assurément.

M. Dechamps nous oppose que nous avons validé l’élection de M. de Terbecq. Mais M. de Terbecq a été nommé au premier tour de scrutin et sans qu’il y ait eu aucune réclamation ; mais cela ne peut pas empêcher la chambre d’annuler entièrement l’élection de M. . Desmet, si c’est l’opinion de la majorité. Quant à moi, je suis de l’opinion contraire.

M. Dechamps – Pourquoi la chambre ne déclarerait-elle pas formellement si elle entend prononcer qu’il y aura une élection générale ou partielle ? Si la clôture n’était pas prononcée, je proposerais un amendement dans ce sens.

M. Dubus (aîné) – Il paraît que l’on veut faire une question préalable de ce qui n’est qu’une question secondaire. La commission propose d’annuler l’élection de M. Desmet. La question de savoir si, dans le cas de l’annulation, il doit y avoir lieu à une élection générale ou à une élection partielle est indifférente ; car le motif de l’annulation, c’est l’irrégularité de l’élection. Ce motif subsiste dans tous les cas.

Je crois savoir que la question soulevée maintenant l’a été dans le sein de la commission. La commission a pensé qu’elle n’avait pas besoin de la résoudre, et que quand la chambre aurait prononcé, le gouvernement verrait ce qu’il convient de faire. Ainsi, en proposant l’annulation de l’élection, la commission a cru laisser la question entière. D’honorable membres soutiennent qu’il vaut mieux que la chambre décide la question. Mais cette question doit être l’objet d’un examen spécial. (Réclamations de la part de quelques membres.) Si d’honorables membres sont prêts à voter, moi je ne le suis pas. On a dit que cela était évident. Quant à moi, cette évidence ne me frappe pas.

Il est vrai de dire que ce qu’on propose (reprendre l’élection en tenant compte du premier scrutin) est sans précédent. Je crois que cette question n’a pas été encore soulevée et que c’est la première fois qu’elle se présente. Elle mérite, ce me semble, un examen.

Je suis prêt à voter les conclusions de la commission ; elles auront le sens que le gouvernement jugera à propos de leur donner.

M. Devaux – A quel propos la chambre s’occuperait-elle de l’élection de M. Desmet, quand elle aura décidé qu’il n’est pas député ?

Je ne pense pas que le gouvernement puisse trancher la question. S’il faisait une déclaration, on pourrait s’en contenter. Mais il ne dit rien. Pour moi, je pense que la commission tranche la question et qu’elle propose l’annulation, non d’une partie de l’élection, mais de l’élection entière. Je demande formellement que M. le ministre de l'ntérieur déclare de quelle manière il entend les conclusions de la commission.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je demanderai à M. le rapporteur dans quel sens la commission a entendu les conclusions de son rapport.

M. Morel-Danheel, rapporteur – La commission a proposé l’annulation de l’élection de M. Desmet.

M. Dumortier – La question est fort simple. Laissez mettre aux voix d’abord la proposition. Tout le monde paraît d’accord. Ensuite on s’occupera de l’autre question. Dans le Hainaut la question a été résolue comme le propose M. Dechamps. On a renvoyé les électeurs provinciaux pour qu’ils eussent à procéder à un ballottage. C’est là un précédent formel.

Il me semble, au reste, comme l’a dit mon honorable ami M. Dubus, qu’il y a lieu d’examiner spécialement cette question, et que maintenant la proposition de la commission doit être votée purement et simplement.

M. de Brouckere – Voici les conclusions de la commission :

« En conséquence, votre commission a l’honneur de vous proposer : 1° l’admission de M. le baron Vandenbroeck de Terbecq, et 2° d’annuler l’élection de M. Charles Desmet. »

Il va sans dire que si on annule l’élection, il faudra procéder à une nouvelle élection.

M. Dolez – Je crois qu’il importe d’insister sur l’interpellation faite par M. Devaux à M. le ministre de l'ntérieur. Nous devons savoir si, dans le cas où l’élection serait annulée, le gouvernement convoquerait les électeurs pour une élection totale ou pour une demi-élection. Car plus d’un membre, plutôt que de donner lieu à une irrégularité telle qu’une demi-élection, préférerait, ainsi que M. Devaux, déclarer valide l’élection de M. Desmet. Je ne vois pas pourquoi M. le ministre de l'ntérieur ne voudrait pas émettre franchement son opinion sur ce point.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – J’avoue franchement que, sur cette question, je n’ai pas arrêté d’opinion. Mon opinion sur le premier point n’a jamais varié. Quant au deuxième point, je n’ai pas d’opinion. J’attendrai la discussion et la décision de la chambre.

M. Pirmez – La commission doit s’expliquer et dire ce qu’elle entend par ses conclusions. Si vous êtes préparés, vous devez répondre ; si vous ne l’êtes pas, retirez-vous dans votre bureau et prenez des conclusions.

M. Morel-Danheel, rapporteur – La commission a laissé la question indécise.

M. de Garcia – Je faisais partie de la commission. Je vais rendre compte à la chambre de la manière dont les choses se sont passées. La question de savoir quel serait le résultat de l’annulation de l’élection de M. Desmet a été soulevée. Nous nous sommes demandé si l’on devrait recommencer complètement l’opération ou faire seulement un ballottage.

M. Morel-Danheel, rapporteur (à M. Garcia) – Mais vous n’étiez pas membre de la commission. (On rit.)

M. de Garcia – J’en ai parlé à plusieurs membres de la commission, et je croyais en être.

Je vais expliquer mon erreur. J’ai entendu agiter la question devant moi, et j’ai exprimé mon opinion ; mais je me souviens maintenant que ce n’est pas dans la troisième commission que la discussion a eu lieu.

M. Duvivier – L’appel nominal !

M. Dubus (aîné) – L’honorable rapporteur vient de déclarer que la commission avait laissé la question entière ; qu’elle n’avait voulu résoudre que la question de régularité ou d’irrégularité. On demande le renvoi à la commission afin qu’elle examine où commence l’irrégularité ; mais rien n’empêche maintenant de se prononcer sur la question de régularité ou d’irrégularité.

Je demande la priorité pour la proposition de la commission, sans rien préjuger sur la seconde question soulevée.

M. de Brouckere – Je crois qu’on peut passer outre à l’appel nominal, parce que je crois que si le ministre voulait convoquer les électeurs pour procéder à une demi-élection, ils feraient justice de la décision en ne se rendant pas à l’élection.

M. Dolez – Vous voulez qu’on mette aux voix les conclusions de la commission, mais elle ne sait pas ce qu’elle demande, et le ministre ne sait pas ce qu’il fera après votre décision.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Le gouvernement n’a pas besoin de déclarer ni de savoir ce qu’il fera pour un cas qui ne se présente pas, car tant que la chambre n’aura pas décidé, le gouvernement n’a pas à examiner ce qu’il y a à faire.

M. Dubus (aîné) – On dit que la commission ne sait pas ce qu’elle propose, mais l’honorable rapporteur vient de déclarer que la commission avait voulu laisser la question entière, et qu’elle n’avait pris de conclusions que relativement à l’irrégularité.

M. Dolez – Par amendement, je proposerai à la chambre de déclarer nulle l’élection de M. C. Desmet, et toutes les opérations qui l’ont précédées ; et qu’en conséquence il sera procédé à une élection pour la nomination d’un représentant.

M. Dumortier – Il y a plusieurs questions soulevées ; il y a une question qui se rapporte directement aux conclusions de la commission ; celle-là est fort simple ; mais l’amendement de M. Dolez est complexe ; j’en demanderai la division. Je demanderai que l’on mette d’abord aux voix l’irrégularité. On verra ensuite s’il y a lieu à traiter l’autre question.

M. Dolez – Je retire ma proposition ; mais je déclare que pour n’avoir pas à annuler une seconde fois l’élection de Termonde, je voterai la validité de l’élection de M. Desmet.

M. Devaux – Si l’on divise, je déclare aussi que je voterai pour la validité.

M. Dumortier – Le système du préopinant est contraire au règlement ; la division est de droit. Vous voulez faire voter deux questions d’un seul coup ; cela n’est pas possible. Quand on aura examiné la première question, on examinera la seconde.

M. Lejeune – Qu’est-ce que la chambre est appelée à décider ? C’est si l’élection est valable ou non. A cette question on en joint une autre, à savoir où l’on doit reprendre les élections de Termonde dans le cas de non-validité. Je n’ai pas d’opinion arrêtée sur ce point ; mais je crois que la chambre ne doit pas s’en occuper ; que c’est au gouvernement à faire exécuter la loi et à aviser aux moyens de la faire exécuter convenablement. Après cela, si la chambre trouve que la loi a été méconnue, n’a pas été suivie, elle prendra une nouvelle décision.

Ce que je ne conçois pas, et ce que je ne pourrai jamais concevoir, c’est que l’on fasse dépendre son vote de la manière dont la question sera posée et non de l’examen de la question en elle-même. La question principale est tout ; la manière de voter n’est qu’un accident qui ne dénature pas le fait de la régularité ou de l’irrégularité.

M. de Brouckere – Je ne sais pas ce que l’on discute maintenant. M. Dolez a reconnu que sa proposition était présenté tardivement, puisqu’elle était présentée après la clôture. Il faut mettre aux voix les conclusions de la commission.

M. Liedts – Je suis dans l’intention de voter l’annulation de l’élection de Termonde ; mais je désire que mes honorables collègues qui partagent mon opinion puissent aussi voter consciencieusement, et puisqu’ils sont arrêtés par un scrupule qu’il est facile de lever, je demander que le ministère rompe le silence qu’il a gardé jusqu’ici. Ce silence est d’autant plus inexplicable, que dans maintes occasions, il ne manque pas de nous dire : Si vous votez de telle manière, le gouvernement fera telle ou telle chose ; ne peut-il pas, hypothétiquement, faire connaître son opinion dans cette circonstance ?

Il y a une chose évidente, c’est que si vous déclarez l’élection irrégulière partiellement, c’est comme si vous nommiez M. de Decker membre de la chambre, parce que M. H. Vilain XIIII, son concurrent, est hors du pays et ne brigue plus l’honneur de revenir à la chambre. Je suis bien loin d’être hostile à l’élection de M. de Decker ; mais il doit souhaiter comme moi que son élection soit regardée par tout le monde comme l’expression du vœu des électeurs de Termonde. Dans le laps de six mois, qui est-ce qui nous dira que l’on n’a pas changé d’opinion ?

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je suis véritablement surpris que l’on demande que le gouvernement se déclare. Ne vous a-t-on pas dit que la question avait été examinée dans la commission et que celle-ci s’est abstenue de formuler des conclusions sur ce point ? pourquoi s’est-elle abstenue ? parce qu’elle a trouvé cette question douteuse. Je la trouve douteuse aussi ; et je n’en ai pas fait un examen spécial et suffisant pour me prononcer. J’ai attendu la décision de la chambre, parce que j’ai cru qu’elle prononcerait sur tous les points. Si la chambre ne prend pas de décision à cet égard, le gouvernement examinera ce qu’il doit faire pour l’exécution de la loi.

M. Milcamps – Remarquez, messieurs, que la chambre est seule compétente pour décider la validité ou la nullité des opérations électorales qui ont eu lieu à Termonde ; je dis « des opérations électorales », parce que l’article 40 de la loi électorale est positif à cet égard ; cet article ne dit pas que la chambre se prononcera sur la validité des « élections », mais bien des opérations des assemblées électorales, de sorte que si vous déclarez que les opérations électorales de Termonde sont valides, ce n’est que par voie de conséquence que M. Desmet sera proclamé membre de la chambre. Je ne conçois donc pas ce que l’on veut faire de la déclaration que l’on demande au gouvernement. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président – Nous allons mettre aux voix les conclusions de la commission, qui tendent à annuler l’élection de M. Charles Desmet.

M. Delehaye – Je dois absolument faire une observation, c’est que si l’annulation de l’élection de M. Desmet peut accorder des droits acquis, je me verrai dans la nécessité de m’abstenir ; si la chambre ne revient pas de sa décision, je me trouverai dans un embarras extrême, et beaucoup d’autres membres seront dans le même cas ; en vérité, nous ne comprenons pas la portée du vote que nous sommes appelés à émettre.

- On procède à l’appel nominal sur les conclusions de la commission.

65 membres prennent part au vote.

5 s’abstiennent.

59 adoptent.

6 rejettent.

En conséquence, les conclusions de la commission sont adoptées.

Ont voté l’adoption : MM. Brabant, Coghen, Coppieters, de Behr, Dechamps, de Florisone, de Villegas, de Langhe, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, W. de Mérode, de Nef, de Renesse, de Roo, Desmaisières, de Garcia, Desmet, de Terbecq, de Theux, d’Huart, Doignon, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Fallon, Sigart, Vandensteen, Hye-Hoys, Kervyn, Lys, Lange, Lejeune, Liedts, Maertens, Mast de Vries, Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Polfvliet, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, Scheyven, Cools, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Van Volxem, Wallaert, Willmar et Zoude.

Ont voté le rejet : MM. Van Cutsem, de Brouckere, Donny, Jadot, Mercier et Verhaegen.

MM. Delehaye, Angillis, Devaux, Dolez et Rogier, qui se sont abstenus, sont appelés à énoncer le motif de leur abstention.

M. Delehaye – Comme j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, messieurs, je me suis abstenu parce que je ne comprenais pas la portée de mon vote.

M. Angillis – Messieurs, mon, intention était de voter l’annulation de l’élection, et je me serais expliqué à cet égard si j’en avais trouvé l’occasion ; maintenant une deuxième question a été soulevée ; on a voulu faire naître un droit acquis d’une élection que je considère comme nulle ; les explications qui ont été demandées et au rapporteur de la commission et au ministère, n’ont pas été données ; je n’ai pas voulu consacrer par mon vote un principe que je ne puis pas admettre, qu’une élection serait divisible, qu’on pourrait en annuler une partie en maintenant l’autre partie comme valable. J’ai donc cru ne pouvoir mieux faire que de m’abstenir.

M. Devaux – J’ai déjà explique les motifs de mon abstention, j’aime à comprendre les choses sur lesquelles je vote. Ni moi ni personne n’a compris la portée du vote dont il s’agissait ou du moins ceux qui l’ont compris n’ont pas voulu dire quel sens ils y attachaient.

M. Dolez – Je me suis abstenu, parce que ni la commission, ni la chambre n’ont voulu s’expliquer sur la portée du vote que nous avions à émettre.

M. Rogier – Je me suis abstenu pour les mêmes motifs.

M. Duvivier – Je demande que pour le surplus du vote que nous venons d’émettre, les choses soient envoyées à la commission pour qu’elle nous présente un nouveau rapport. (Oui ! oui ! Non ! non !).

- La chambre n’est plus en nombre pour délibérer.

La séance est levée à 4 heures et quart.