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1) Pièces adressées à la chambre
2) Lecture du projet d’adresse de
(Moniteur belge du 18 novembre 1838, n°323)
(Présidence de M. Raikem)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à 2 heures.
M. Dubus lit le procès-verbal de la dernière séance de la session précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse de pièces adressées à la chambre :
« Le sieur A. Habart, avocat, éditeur du journal de Charleroy, déclare adhérer à la politique des éditeurs des journaux de Bruxelles afin d’obtenir un dégrèvement dans l’impôt du timbre des journaux. »
« Le gouverneur de la province de Namur transmet à la chambre le vœu énoncé par le conseil provincial d’obtenir promptement une loi sur l’instruction primaire. »
« La députation permanente du conseil provincial du Hainaut demande que l’état bonifie à la province la différence entre l’indemnité allouée par les règlements pour les transports militaires et le prix qui se paie aux voituriers. »
« Quatre soldats du 2e régiment d’infanterie, ayant perdu la vue par suite de l’ophtalmie, demande à jouir de la même pension que les militaires devenus infirmes au service de l’état. »
« Les électeurs du canton de Bettembourg (Luxembourg) protestent contre tout morcellement du territoire. »
« Même pétition de l’administration communale et des habitants notables de Warfusée-Bautet (Namur). »
« Même pétition de la commune de Fleurus (Hainaut). »
« Même pétition de la commune
de Meerssen (rive droite de
« Même pétition de la commune de Meersch (Luxembourg). »
- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un rapport dans la huitaine.
« Le sieur Jean Vandamme, menuisier à Turcoing (France), demande l’intervention de la chambre pour que l’autorisation pour l’acceptation du legs fait par son parent à la commune de Ruysselede soit refusée. »
« Le sieur J.-C.-N. Demunck, propriétaire à Bruxelles, réclame le paiement de l’indemnité qui lui revient du chef du pillage de sa maison en 1830, lors de l’attaque hollandaise. »
« Le sieur François Canivet demande que son fils, milicien de 1833, qui a été incorporé à la suite d’une injustice commise par l’administration de sa commune, soit renvoyé du service. »
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M. le marquis de Rodes rend hommage à la chambre de son essai sur la nationalité du peuple belge.
- Dépôt à la bibliothèque.
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M. Dubois, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de plusieurs jours.
Accordé.
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M. le président – La parole est à M. Dumortier, rapporteur de la commission de l’adresse.
M. Dumortier – Messieurs, voici le projet d’adresse que la commission m’a chargé de vous présenter :
« Sire,
« La nation ne pouvait douter
que V.M. ne partageât à l’égard de nos différents avec
« Nos droits, Sire, sont ceux que toute nation doit revendiquer : son unité, l’intégrité de son territoire ; ils reposent sur cette antique nationalité que le peuple belge n’a fait que reconquérir en 1830.
« Ces droits avaient été méconnus en 1831, et si
« Se plier aux dures conditions d’un traité de
circonstance que refuse, pendant de longues années, une puissance adverse, ce
n’est pas contracter l’engagement d’en subir exclusivement et sans terme toutes
les chances défavorables. L’exécution immédiate, qui était une des conditions
essentielles de l’acceptation et qui seule aurait pu placer
« Mais les paroles de Votre Majesté nous ont donné lieu de croire que le projet de nous imposer une dette que nous n’avons pas contractée, de morceler nos provinces, et de briser l’union séculaire de leurs habitants, n’était pas abandonné. Cependant, les erreurs commises dans le partage des dettes du royaume des Pays-Bas, son aujourd’hui manifeste ; et une expérience de huit années a démontré que les anciens et intimes rapports du Limbourg et du Luxembourg, avec les autres provinces belges faisaient le bonheur de toutes, sans troubler la paix d’aucun contrée de l’Europe.
« Depuis quatre siècles, le
Luxembourg est uni à
« La province de Limbourg a été constituée dans ses limites actuelles en vertu de traités. Les anciennes enclaves ont été échangées contre d’autres enclaves situées en Hollande. »
«
« Si, dans le traité définitif
à intervenir, des sacrifices pécuniaires équitables étaient nécessaires,
indépendamment de notre part légitime dans la dette des Pays-Bas, nous sommes
prêts à y consentir pour donner un gage de paix ; mais
« Nous en avons la confiance,
Sire ; les puissances sentiront la justice de notre cause.
« Nous sommes prêts, Sire, à
acquiescer à des arrangements qui s’accorderaient avec notre honneur et notre
situation actuelle ; nous sommes prêts à supporter plus que notre part
dans le fardeau de la dette qui pèse sur
« La bonne discipline de nos troupes, leur progrès dans les manœuvres et l’esprit patriotique qui les anime, prouvent ce que nous avons à attendre d’elles pour le maintien de nos droits. Les besoins de l’armée ne manqueront pas d’être l’objet de notre vive sollicitude.
« Nous avons appris avec
satisfaction, Sire, que de nouvelles relations ont été formées entre votre
gouvernement et diverses puissances étrangères. Les traités de commerce et de
navigation avec
« La vive impulsion donnée aux travaux publics, et spécialement à la grande entreprise du chemin de fer, nous permet d’espérer de voir, dans quelques années, la fin de cette œuvre nationale et la négociation de l’emprunt autorisé par la loi du 25 mai dernier, en prouvant de plus en plus la solidité de notre crédit et la confiance qu’il inspire, contribuera à atteindre ce résultat.
« Le pays a apprécié les effets de la loi récente sur l’organisation du jury, ainsi que les soins du gouvernement de V.M. et des conseils provinciaux pour toutes les institutions de bienfaisance. Les bons résultats produits par l’émulation pour l’instruction et l’éducation de la jeunesse sont généralement reconnus. Les lois relatives à l’instruction primaire et moyenne, celle sur les améliorations à apporter à l’instruction supérieure, fixeront notre sérieuse attention.
« Nous sommes heureux, Sire,
d’être informés que les renseignements recueillis sur le produit de nos
récoltes sont de nature à dissiper les craintes que l’on avait conçues sur la
cherté des blés. Les progrès de l’agriculture, du commerce, des manufactures,
de la pêche et de la navigation ; le développement des sciences, des
lettres des arts, prouvent les bienfaits que
« Sire, la chambre des représentants examinera soigneusement les projets de loi qui lui sont annoncés, et V.M. peut compter sur son concours à toutes les mesures que réclament les besoins du pays. »
Première motion d’ordre
M.
Dolez –
Messieurs, dans votre dernière séance vous avez décidé, sur la proposition de
notre honorable collègue M. de Brouckere, que le projet d’adresse serait
imprimé et distribué avant la séance, afin que chacun pût en prendre une
connaissance exacte. La chambre a senti, en prenant cette décision, tout ce
qu’a de grave, quant au fond et à la forme, une adresse dans cette occurrence.
Eh bien comment cette disposition a-t-elle été exécutée ? Ce n’est qu’à
notre arrivée à la séance qu’on nous a fait la remise d’un projet excessivement
long. Je déclare qu’il m’a été impossible de méditer le fond aussi bien que la
forme, avec toute la maturité que comporte un document de cette importance. Je
désire avoir le temps d’en peser les termes et d’en apprécier la portée. Il me
paraît nécessaire d’ajourner toute discussion sur ce projet à la séance de
lundi.
Plusieurs voix – Appuyé ! appuyé !
D’autres voix : Non ! non !
M. le président – J’avais annoncé qu’aussitôt que possible la distribution du projet de la commission serait faite à la chambre ; c’est ce qu’on a fait.
M. Metz – Messieurs, la séance royale a donné
le plus éclatant témoignage de l’union intime qui existe entre le gouvernement
et le pays. Je ne pense pas qu’on doive rendre cette union problématique, en
mettant de l’hésitation à aborder la discussion du projet de la commission.
Aussi, bien loin d’appuyer la proposition de M. Dolez, je m’y oppose
formellement. Je demande non-seulement qu’on passe immédiatement à la
discussion, mais qu’on procède tout de suite au vote sans la moindre
discussion.
Je ne pense pas que nous puissions hésiter à admettre l’expression de sentiments qui nous animent aujourd’hui, comme ils nous animaient il y a trois jours.
Je demande dans tous les cas qu’on procède immédiatement à l’examen de l’adresse.
M. Verhaegen – Notre honorable collègue ne peut pas douter des sentiments qui nous animent. Ce n’est pas parce que nous aurions quelques reproches à faire aux sentiments qu’exprime l’adresse relativement au Limbourg et au Luxembourg, que nous demandons l’ajournement à lundi.
Mais, comme l’a dit notre honorable collègue M. Dolez, quand il s’agit d’un document dont chaque phrase a une portée, il est du plus grand intérêt qu’on puisse l’examiner avec toute la maturité qu’exige son importance. Si la chambre le votait sans examen, notre honorable collègue pourrait demain regretter l’adoption de phrases qu’il aurait votées aujourd’hui. En ajournant la discussion à lundi, il ne peut résulter aucun préjudice.
On a dit qu’on avait remis le projet aux membres à leur entrée dans la chambre. Pour moi, je déclare que, jusqu’à présent, je ne l’ai pas eu ; je ne l’ai pas encore lu.
J’appuie donc de toutes mes forces la proposition de M. Dolez.
M. F. de Mérode – Messieurs, ce que contient l’adresse me semble extrêmement simple. Ce sont les sentiments dont on s’est toujours montré animé dans cette enceinte. De plus, le projet a été remis entre les mains de chacun de nous depuis deux heures au moins, et certainement c’est plus de temps qu’il n’en faut pour examiner une adresse aussi simple que celle)là.
Elle est de nature à donner de la
publicité aux motifs qui militent en faveur de la nationalité de
M. Dolez – Ce serait se méprendre sur la portée de ma proposition que d’y voir de l’hésitation sur les sentiments qui ont dicté l’adresse. Au contraire, je veux qu’on ne vote qu’après avoir pesé mûrement un acte aussi éminemment grave ; je veux que chacun ait pu se rendre compte de chacune des phrases et en ait senti la portée. C’est ainsi, et non par un vote d’entraînement émis à la légère, qu’on délibère sur un acte solennel.
Je comprends que M. de Mérode soit fixé sur la portée de toutes et de chacune des phrases du projet ; il était de la commission de rédaction ; mais nous n’avons cette adresse sous les yeux que depuis quelques minutes, il nous est impossible de la concevoir d’une manière aussi complète.
M. Verhaegen a dit qu’en entrant à la séance seulement il en avait eu connaissance. Beaucoup d’entre nous sont dans la même position et ne pourraient prendre part à la discussion sans avoir examiné le projet. Tout ce que nous demandons, c’est qu’on nous donne le temps nécessaire pour cet examen, et en vérité je ne pense pas qu’on puisse s’y refuser.
- La proposition d’ajournement est mise aux voix.
Après deux épreuves douteuses, on procède à l’appel nominal.
84 membres répondent à l’appel.
39 répondent oui.
44 répondent non.
1 s’abstient.
En conséquence la proposition n’est pas adoptée.
Ont répondu oui :
MM Coghen, David, de Behr, de Brouckere, de Florisone, de Jaegher, de Langhe, de Meer de Moorsel, de Perceval, de Puydt, Dequesne, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, Doignon, Dollez, Eloy de Burdinne, Frison, Gendebien, Keppenne, Lebeau, Lecreps, Maertens, Mast de Vries, Mercier, Milcamps, Pirmez, Rogier, Smits, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Van Volxem, Verhaegen, H. Vilain XIIII.
Ont répondu non :
MM Beerenbroeck, Bekaert, Berger, Brabant, Coppieters, Cornelu, Dechamps, de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmanet de Biesme, d’Hoffschmidt, d’Huart, B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Ernst, Fallon, Heptia, Hye-Hoys, Kervyn, Metz, Morel-Danheel, Nothomb, Pirson, Pollénus, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Scheyven, Simons, Stats de Volder, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Vergauwen, Wallaert, Zoude, Pieters et Raikem.
M. le président – La parole est à M. Willmar pour motiver son abstention.
M. Willmar – Je conçois très bien que l’assemblée soit divisée sur la question qui lui est soumise ; car d’un côté le projet d’adresse soulève des questions graves qui méritent d’être discutée, et de l’autre, il exprime des sentiments sur lesquels l’assemblée doit être unanime. Comme je ne vois pas de raisons péremptoires plutôt pour l’une que pour l’autre de ces opinions, j’ai cru pouvoir m’abstenir.
M. le président – La parole est à M. de Nef.
M. de Nef – Je suis prêt à parler ; mais je pense que pour le bien-être général que j’ai en vue avant tout, il convient que l’adresse soit votée de suite dans cette discussion. Par ce motif, je renonce à la parole. (Approbation.)
Seconde motion d’ordre
M. Metz – Je fais la proposition formelle que l’adresse soit votée de suite et sans discussion.
M. Gendebien – Je conçois difficilement que l’on ait eu la prétention de nous contraindre à discuter l’adresse sans que nous ayons eu le temps de l’examiner ; je conçois plus difficilement encore que lorsqu’il vient d’être convenu que l’adresse sera discutée, on demande qu’il n’y ait pas de discussion. J’ai vraiment droit de m’étonner qu ce soit précisément de la part des députés du Limbourg et du Luxembourg que vienne cette insistance pour nous empêcher d’examiner l’adresse, eux qui ont, plus que tous autres, intérêt de convaincre nos ennemis que nous agissons avec connaissance de cause et par conviction.
Nous éprouvons tout autant qu’eux la sympathie la plus vive pour leurs compatriotes qui sont aussi les nôtres ; mais nous avons le droit de penser que nous sommes un peu plus calmes qu’eux. Quelle que soit notre sympathie pour cette cause sainte, elle ne doit pas nous faire oublier la prudence et notre dignité ; et la prudence nous fait une loi de ne pas voter sans examen.
Si l’adresse doit être votée sans discussion, j’hésiterai beaucoup à voter pour son adoption, car dans certains passages, et même dans son ensemble, elle est rédigée de telle sorte, que je ne pourrais y donner mon assentiment sans explications ou modifications.
L’adresse est longue, très longue, beaucoup trop longue peut-être ; il est difficile que dans une adresse de cette étendue on soit unanime sur tous les points. Le vote par acclamation pourrait donc entraîner plus d’un vote négatif. A part la question du fond qui est grave, il y a la question de forme à laquelle il faut tenir aussi.
Quand il s’agit d’une adresse en temps ordinaire, on la discute toujours et l’expérience nous a démontré les avantages de cette discussion. Il est arrivé que telle adresse, regardée d’abord comme parfaite par ses auteurs et par une partie de la chambre, a été ensuite reconnue très imparfaite par la grande majorité, et même sur certains points par l’unanimité de la chambre. C’est ce qui est arrivé notamment il y a deux ans. Eh bien, nous devons aujourd’hui moins que jamais abdiquer la prudence et l’esprit d’examen.
En temps ordinaire, l’adresse est
lue à Paris par quelques personnes, et en Belgique, par peu de monde. Il n’en
est pas de même aujourd’hui ; l’Europe a les yeux ouverts sur
Depuis l’armistice du 15 décembre que j’ai refusé de signer, jusqu’à présent, je n’ai jamais varié, j’ai toujours été conséquent avec moi-même. Je n’ai jamais reculé devant aucun sacrifice personnel, ni devant aucun sacrifice raisonnable de la part de la nation ; je suis encore dans les mêmes intentions ; mais, je le déclare, si j’ai toujours agi de conviction, je ne sacrifierai pas plus mon opinion et surtout mon libre arbitre, aujourd’hui par complaisance pour la chambre, que je ne l’ai sacrifié autrefois par complaisance pour le gouvernement.
Si l’on persiste à vouloir voter l’adresse sans discussion, la moindre protestation que je pourrai faire sera de m’abstenir, et je suis même très disposé à voter contre.
Maintenant, vous êtes maîtres de procéder comme vous voudrez, mais ne comptez pas sur mon concours.
M. Metz déclare retirer sa proposition.
Discussion générale
M. le président – La parole est à M. C Rodenbach.
M. C. Rodenbach – Dans un moment où le discours du trône occupe la presse et le pays tout entier, il me semble qu’il est du devoir de tout Belge, digne de ce nom, de proclamer hautement son opinion. Cependant, messieurs, je l’avouerai, il est tard pour élever la voix. Il y a quelques mois, quand, palpitante sous l’humiliation qu’elle venait de subir, la province de Luxembourg jetait sur nous des regards éplorés, il nous fut bien dur de garder le silence ; comprimés que nous étions par la volonté générale, il nous fallut subir le mutisme, le comité secret ; il nous fallut étouffer tous les sentiments qui nous oppressaient. Qu’est-il résulté de cette peur ? (car nous avons sacrifié à la peur) ? Une difficulté de plus. On ne voulait pas alors que la chambre montrât de l’énergie, et maintenant c’est le pouvoir lui-même qui vient tâter notre courage et demander le concours de notre patriotisme. Mais qu’est-ce à cette heure que la fermeté et le patriotisme mis soudain à l’ordre du jour, et qui s’emparent de ceux qui naguère nous traitent de guerroyeurs ? Aujourd’hui ils nous débordent, c’est nous qui seront les modérés. Nous serons calmes parce que nous sommes forts. La violence décèle de la faiblesse.
Le temps est passé où la politique libérale était qualifiée de politique sentimentale et niaise, comme si par une épithète on pouvait stigmatiser, ridiculiser tout ce qu’il y a de sentiments élevés et généreux dans l’homme. Mais alors il faudrait ôter des mains de la jeunesse ces exemples éternellement admirés que nous offrent les Grecs et les Romains, il faudrait enfreindre ouvertement les lois naturelles et sociales et confondre le vice et la vertu. Quoi ! dans cette chambre, les plus minces intérêts de clocher auront été débattus avec vivacité, l’on aura déployé toutes les ressources de l’art oratoire pour des lois financières, l’on aura étalé une audace, une énergie, une indépendance extrême pour des droits différentiels, l’on aura été éloquent, zélé, enthousiaste à propos de sucre ou de bonnets de coton et quand il s’agit des intérêts moraux, de l’honneur belge, quand nos frères viennent à nous, quand, près de courber la tête sous le joug du despotisme, de supporter de honteuses avanies, ou forcés de quitter leurs foyers pour rester Belges comme nous, et professer librement le culte de leurs pères, ils crient merci…. nous invoquerions la modération et la prudence !
Pour moi, je félicite le pays des
paroles consolantes tombées du trône et m’associe à cette pensée généreuse qui
en appelle au courage de la nation. Assez et trop longtemps, il a fallu
contenir l’indignation qui nous animait. Nos cœurs étaient pleins de paroles
amères et douloureuses au souvenir des affronts qu’il nous a fallu subir. Mais
aujourd’hui, puisqu’on reconnaît que
Mais, après huit années de paix,
dans la situation la plus heureuse et la plus prospère, ce n’est pas de l’or,
mais du fer, qui doit racheter la possession de nos provinces, qui doit
cimenter notre indépendance ? Jamais on ne courut moins de risquer à
montrer de la fermeté.
Un mot encore. Un de nos honorables
collègues nous a peint naguère en traits énergiques le patriotisme des
Luxembourgeois. Nous qui les avons appelés quand leurs secours nous étaient
utiles, leur dirons-nous aujourd’hui : Vous nous avez donné vos enfants,
votre or, votre argent, maintenant nous n’avons plus besoin de vous ;
demandez à
Le pays soumis à de si grands sacrifices depuis huit ans ne peut-il en recueillir aucun fruit ? Avons-nous une armée pour contempler tour-à-tour, l’arme au bras, les Hollandais, les Français, les Prussiens ? Il est temps qu’on se prononce dans cette chambre, afin de donner un appui au gouvernement qui a si noblement pris l’initiative, afin que ceux qui crient pouvoir disposer de nous sachent qu’il y a des hommes d’énergie en Belgique et que les traditions de 1830 sont palpitantes encore !
Je me réserve, messieurs, mon vote, et j’espère que le projet d’adresse recevra quelques modifications.
M. de Renesse
– MM., c’est avec une vive satisfaction que, nous tous, nous avons appris
par le discours du trône que nos droits et les intérêts du pays sont la règle
unique de la politique du gouvernement, et qu’ils seront défendus « avec
persévérance et courage » ; ces paroles royales, qui ont exercé dans
cette enceinte le plus grand enthousiasme, auront eu un profond retentissement
dans tout le royaume, et surtout chez les populations du Limbourg et du
Luxembourg qui, rassurés que les droits, qui sont aussi ceux de
La discussion de l’adresse au Roi me
fournit l’occasion d’émettre quelques considérations sur notre situation
politique envers la conférence et
Maintenant que ceux qui se sont
établis nos juges politiques n’ont pas tenu leurs engagements les plus formels,
qu’ils ont reculé devant l’entière exécution de ce traité, et qu’ils ont permis
au roi Guillaume pendant sept années de s’opposer à l’exécution d’un traité qui
devait immédiatement amener la solution de la question belge,
L’on ne peut prétendre aujourd’hui
avec quelque droit que
Si actuellement le cabinet de La
Haye veut accepter ce traité sans modifications aucunes, cette acceptation tardive
ne peut nuire aux droits acquis de
Aujourd’hui que la question
belgo-hollandaise s’est singulièrement éclaircie par les nombreux écrits qui
ont traité cette matière, le monde politique pourra juger avec impartialité si
Aujourd’hui que les populations du
Limbourg et du Luxembourg ont resserré leurs anciens liens avec
Si
Si
Si donc, dès les premiers moments de
la révolution, la conférence reconnaissait qu’il fallait séparer de
Si
Forts de notre bon droit, nous
attendrons avec calme et fermeté l’arrangement de nos différends avec
M. Simons – Messieurs, le vote d’une adresse dans les circonstances actuelles est d’une portée immense ; il doit nécessairement exercer une influence majeure sur le résultat des négociations qui viennent de s’entamer ; à mon avis, cette adresse ne peut être trop énergique. Nous devons au Roi, à la nation, de nous prononcer avec franchise et fermeté.
Nous ne le dissimulons pas, messieurs, l’attitude que prendra la chambre dans ce moment solennel décidera en grande partie du sort qui nous est réservé.
Si nous ne nous montrons fermes,
tenons nous-en bien assurés, nos plus chers intérêts seront de nouveau sacrifiés,
nos droits les plus incontestables derechef méconnus, et
Au lieu d’une part équitable dans la dette, on nous imposera de nouveau, comme en 1831, un véritable tribut à payer annuellement comme une reconnaissance de foi et hommage à notre ancien maître. On fera de nouvelles tentatives pour arracher du sein de la grande famille une partie de nos frères, et pour décimer, par un lâche abandon, la population belge, en expiation du crime d’avoir dérangé la combinaison la plus révoltante qu’ait jamais pu concevoir la diplomatie. L’unique moyen de prévenir ce malheur, c’est d’être, dans cette occasion, franchement et sans arrière-pensée, les interprètes fidèles de la nation, que plus que jamais nous devons être fiers de représenter.
Point de morcellement de territoire, tel est le cri admirablement unanime de tous les Belges, exprimé si énergiquement par des milliers de pétitions, par les assemblées provinciales et par la majeure partie des administrations locales.
Telle est encore la pensée du Roi, qu’il saura défendre avec persévérance et courage. Nous pouvons compter sur sa parole.
Telle doit être et sera aussi désormais notre devise et le but constant et invariable de tous nos efforts. Nous ne reculerons devant aucun sacrifice pour l’atteindre.
Ensemble avec nos frères du Luxembourg et du Limbourg, nous avons conquis notre indépendance nationale ; ensemble nous avons scellé de notre sang notre régénération politique ; ensemble nous devons vivre et mourir sous le sceptre paternel de celui qui, dans l’épanchement de son cœur, nous a donné l’assurance que « Belge par notre adoption, il se fera aussi une loi de l’être par sa politique. »
Point de morcellement de territoire, telle est la pensée qui devait surtout dominer dans l’adresse en réponse au discours du trône. Elle se trouve dignement et énergiquement exprimée dans le projet qui vous est présenté par votre commission. J’appuie cette adresse de toutes mes forces.
A son avènement, le Roi a juré le maintien de l’intégrité du territoire ; nous avons tous juré d’observer la constitution, qui, dans son article premier, désigne ce territoire. Nous saurons maintenir notre serment ; car un peuple parjure est indigne d’exister.
M. Doignon – Au mois de mai dernier, comme rapporteur de la commission des pétitions qui protestaient contre le morcellement du Luxembourg et du Limbourg, je disais, au nom de cette commission que le vœu émis par la chambre pour le maintien de l’intégrité du territoire était dès lors considéré par nous comme une résolution définitive qu’elle saurait maintenir.
Aujourd’hui, le projet de réponse au discours du trône et les intentions déjà hautement manifestées dans nos chambres, viennent prouver que notre prévision était juste. Oui, il est maintenant permis de le dire tout haut ; nous sommes fermement résolus à repousser toute condition qui amènerait un démembrement de notre territoire, et le pays accepte avec nous la responsabilité de cette résolution.
Mais, en présence de la conférence qui nous menace toujours de ce morcellement, jamais le gouvernement ne pouvait plus à propos faire un appel à la persévérance et au courage de la nation. Si le temps lui-même ne peut désarmer nos ennemis, qu’ils sachent que nous acceptons cette épreuve, et que s’il le faut, nous ne compterons ni le nombre des années, ni celui de nos sacrifices annuels.
Le Roi a parlé, et qu’à sa voix notre courage se ranime ! Il peut compter sur la patience de la nation à supporter ses charges comme en toutes circonstances sur son énergie et son ardeur à repousser toute agression. Nos ennemis n’auraient qu’à s’imputer à eux-mêmes d’avoir troublé la paix.
On ne peut en douter, ils sentent
aussi profondément que nous tout le prix qu’on doit attacher à sa conservation,
et si plusieurs puissances ont songé et songent encore à faire démembrer nos
deux provinces, c’est qu’elles ont cru et croient encore erronément qu’elles
pourraient le faire sans compromettre la paix. Mais grâce à nos manifestations
énergiques arrivées de tous les points du royaume, grâce plutôt à la volonté
nationale, ces puissances doivent être aujourd’hui convaincues que leur
prétention serait une déclaration de guerre à
Or, à Dieu ne plaise que nous soyons jamais les agresseurs ! mais dans le moment actuel, des cris de guerre feraient trembler quelques rois sur leurs trônes, et plus tard, nous n’en doutons pas, les mêmes causes produiraient les mêmes effets !
A l’égard des négociations, nous ne
pouvons toutefois nous dispenser d’adresser un reproche. Si quelques puissances
n’ont point connu l’état des esprits en Belgique, si quelques-unes se sont
trompées jusqu’à douter de notre nationalité, nous devons en accuser notre
diplomatie étrangère qui, depuis sept ans, a souffert presque dans le silence
les calomnies dont notre pays a constamment été l’objet à l’étranger ;
notre diplomatie a négligé les moyens convenables de mettre de jour la vérité,
de rectifier les faits, de dissiper ou détruire de fâcheuses préventions contre
nous ; les crédits nécessaires auraient été votés avec empressement par
les chambres. Il est résulté de là que dans plusieurs états nos ennemis ont
tout à fait faussé l’opinion sur la véritable situation de
Il faut maintenant que les puissances soient de plus en plus convaincues que ce n’est que par la violence qu’elles pourraient jamais nous séparer de nos frères du Limbourg et du Luxembourg. Le pays doit donc continuer son agitation toute pacifique, toute légale et constitutionnelle. Notre premier soin doit être de nos préparer à la défense. Il serait peut-être nécessaire de fortifier dès à présent plusieurs points des provinces du Limbourg et du Luxembourg et d’y envoyer quelques troupes afin d’éviter toute surprise. Nous devons en ce moment prendre pour règle : Si vis pacem, para bellum. Nous ne devons nous fier qu’à nous-mêmes : car tel cabinet disposé en ce moment à nous donner son appui pourrait lui-même se trouver comprimé par suite des complications que ferait naître la diplomate.
La question de la déchéance des 24 articles a déjà été si souvent et si lumineusement débattue et décidée en notre faveur qu’elle est à présent devenue pour nous une question presque oiseuse. Elle est encore nécessairement résolue par le projet d’adresse tel qu’il nous est présenté, de sorte que nous ne croyons plus devoir nos en occuper ici.
Or, en mettant à l’écart cet odieux traité que les puissances elles-mêmes n’ont voulu d’ailleurs ni ratifier, ni exécuter, la justice de nos droits ne saurait être douteuse un instant, et c’est en remontant à leur origine même qu’ils apparaissent dans tout leur jour.
Dans la vérité, ce qui s’est passé en 1830 est bien moins une insurrection qu’une guerre entre deux peuples que la politique européenne avaient imprudemment réunis, tandis que la nature même des choses rendait cette réunion impossible. Le peuple belge voulu donc se délivrer à toujours du joug hollandais.
Or, en cas de guerre de peuple à peuple, le droit des gens a ses principes qui reçoivent ici leur application comme d ans toute autre circonstance semblable. En pareil cas, le vaincu, forcé de se retirer et d’abandonner le territoire, y perd tous ses droits, et le vainqueur est substitué à sa place. Le vaincu est tellement dessaisi, qu’il est sans droit pour demander la moindre indemnité d’argent ou de territoire. Ces règles sont constamment observées dans toutes les guerres de peuple à peuple. Ce droit résulte d’un titre unique, et à ce titre, c’est la possession, conséquence de la victoire. Or, en 1830, le Hollandais ayant été chassé et dépossédé par le peuple belge des provinces de Limbourg et du Luxembourg, comme de toutes les autres provinces, il s’ensuit que notre titre est le même pour les unes et les autres, et qu’en ce moment nous possédons ces deux provinces aussi légitimement que précédemment le roi Guillaume lui-même.
Les événements de 1831 n’ont rien changé à cet état de choses, puisqu’à l’aide d’un fidèle allié, les Hollandais sont demeurés expulsés du territoire conquis et que nous en sommes restés maîtres. Ainsi, le Luxembourg et le Limbourg nous appartiennent au même titre que le Brabant et les Flandres.
On sait que le Luxembourg a été
légalement incorporé aux Pays-Bas par suite d’un échange que le roi Guillaume
fit avec son fils puîné, qui lui-même avait reçu cette province en retour du
pays de Nassau qu’il céda à
Sans doute, l’effet de cette guerre
a été de faire perdre au roi Guillaume et à
Le roi Guillaume est également sans droit pour rappeler aujourd’hui les échanges qui ont jadis été faits par rapport aux enclaves du Limbourg. Ce qui s’est passé il y a de longues années, relativement à ces enclaves, est tout-à-fait insuffisant en ce moment que le droit de conquête nous a mis en possession de leur territoire.
On est donc obligé de reconnaître que Diekirk et Venloo nous appartiennent maintenant au même titre que Bruxelles et Gand, et la circonstance que ces deux premières villes sont situées sur la frontière ne change absolument rien à la question ni à nos droits.
Les puissances contractantes au congrès de Vienne n’ont pas plus à se plaindre de notre possession du Luxembourg et du Limbourg que de l’envahissement de toutes les autres provinces par le peuple belge et son gouvernement ; c’est en vertu du même droit que nous possédons celles-ci et celles-là, et la prétention qu’on élèverait à présent contre le Limbourg et le Luxembourg pourrait tout aussi bien être opposée au brabant et à Anvers.
Il est donc évident que vouloir
aujourd’hui nous troubler dans notre possession, c’est vouloir mettre en
question la justice de la guerre faite à
Ce qui précède démontre encore que
toute
Ainsi, députés du Hainaut, du Brabant, des Flandres, vous ne devez pas plus souffrir le morcellement du Limbourg et du Luxembourg que celui de vos propres provinces. Nous ne devons pas permettre qu’on fasse aux autres ce que nous ne voudrions pas qu’on fît à nous-mêmes.
L’on a soutenu qu’on avait besoin du consentement des agnats de la famille de Nassau. Cela ne pourrait être vrai que s’il s’agissait de cessions purement volontaires. Mais le droit de conquête, en anéantissant les droits du maître, anéantit à plus forte raison ceux de ses héritiers. L’abandon, qui serait reconnu par un traité de paix, en serait toujours et forcé et commandé par la nécessité.
Les puissances du congrès de Vienne
peuvent nous reprocher d’avoir rompu la barrière qu’on a voulu opposer à
A l’égard du duché de Luxembourg,
nous n’avons pas plus contrevenu aux stipulations du congrès de Vienne, qu’en
conquérant le reste de
Quant à la dette, il est d’autant plus indispensable de la faire réduire au chiffre le plus bas possible, que depuis 7 ans nos charges ordinaires annuelles sont devenues énormes. Nos budgets qui, il y a quelques années, ne s’élevaient qu’à 75 ou 80 millions, y compris les dépenses de la guerre, s’élèveront bientôt jusqu’à 100 millions.
A l’égard du projet d’adresse, je suis du nombre de ceux qui ont demandé la remise de la discussion à lundi. S’il ne s’agissait que de s’associer aux sentiments qu’elle exprime pour le maintien du territoire et la réduction de la dette, je n’hésiterais pas un seul instant ; mais on y soulève une question de la plus haute gravité : on y parle de concessions, de sacrifices pécuniaires ; on consentirait dès aujourd’hui à payer au-delà de notre part légitime dans la dette. C’est là une question qui mérite un mûr examen. Je réserve mon vote.
M.
Scheyven –
MM., depuis longtemps la question de nos différends avec
Déjà l’accueil que ces paroles ont
reçu dans votre enceinte prouve qu’elles sont dignes du Roi de notre choix. Nos
droits et nos intérêts seront défendus avec persévérance et courage. Ceci nous
en dit assez pour croire qu’il ne consentira jamais au démembrement de
Notre cause a du reste la sympathie
de
Un semblable sort ne peut pas être réservé à notre beau pays ; l’Angleterre a trop d’intérêts à nous voir conserver notre nationalité.
Que nous reste-t-il à faire dans cette circonstance, à nous, mandataires de la nation, si ce n’est de nous unir autour du Roi pour lui offrir l’appui dont il pourrait avoir besoin pour soutenir nos droits ? La nation ne reculera devant aucun sacrifice, et l’armée, en cas de besoin, justifiera, par sa bravoure, la haute opinion que l’on a conçue d’elle.
Cependant, ne nous exagérons point le danger qui pourrait nous menacer. Quelle serait la puissance qui voudrait se charger de nous imposer par la force des armes un traité honteux, que la nation toute entière repousse ? Ne serait-ce pas là le signal d’une guerre générale, puisqu’elle ne peut être que favorable à la cause de la liberté ? Ne perdons pas surtout de vue ce qui se passe actuellement dans un pays voisin du nôtre.
Ne craignons pas non plus que l’on vienne bloquer nos ports ; les intérêts du commerce anglais nous garantissent suffisamment contre un pareil acte.
Soyons unis et attendons avec courage la conclusion de nos démêlés politiques.
Je me résume donc, et je dis : point de morcellement de territoire ; nous en avons pour garantie les paroles royales. Douter des bons sentiments du Roi serait une faiblesse, ne pas y croire serait un crime.
Avant de terminer, je ne puis, comme député du Limbourg, que témoigner hautement toute ma gratitude à ceux qui, par leur talent, ont défendu si noblement et avec tant d’énergie la cause de notre pays.
M. de Longrée – Après les discours lumineux que vous avez déjà entendus et qui tous respirent le plus pur patriotisme, je sens la nécessité d’être bref pour ne pas tomber dans des répétitions et chercher à faire comprendre à la chambre ce que déjà elle a bien compris, je veux dire qu’il n’est jamais entré dans sa pensée de consentir au plus petit morcellement de notre territoire ; non jamais, ni pour tout le monde, nous ne consentirons à livrer un seul de nos frères à l’esclavage en le replaçant cruellement sous une domination que tous ensemble nous avons repoussée ; je le déclare, au nom des populations du Limbourg et du Luxembourg, comme au mien propre, nous ne nous soumettrons jamais, et par quelque considération que ce soit, ni au prix des plus grands sacrifices matériels, à subir une honte qui ne s’effacerait jamais, ni les malheurs qui en seraient la conséquence.
Je donnerai mon assentiment au projet d’adresse qui nous est soumis.
- La discussion est close sur l’ensemble du projet. La discussion est ouverte sur le premier paragraphe.
M. Gendebien – Bien que dans cette circonstance, si importante pour le pays et si solennelle pour nous, on puisse jusqu’à un certain point se dispenser de tenir rigoureusement aux formes, il me semble qu’il vaut mieux les observer quand on le peut.
Ainsi que je le disais, l’adresse sera lue partout, elle pénètrera dans les quatre partes du monde, partout où est parvenu le nom belge, partout où l’on a connaissance de la révolution belge. Il convient donc que l’adresse soit au moins rédigée en français. Or, j’y ai remarqué un assez grand nombre de fautes qui sont, j’aime à le croire, des fautes d’impression ; je désirerais que la commission ou le rapporteur fût chargé de la réviser après son adoption.
Le paragraphe premier est ainsi conçu :
« « La nation ne pouvait
douter que V.M. ne partageât à l’égard de nos différents avec
Je ne comprends pas l’utilité des mots « mais cette ». Evidemment il n’y a pas à d’opposition avec la phrase qui précède : c’est tout au moins une superfluité. Au lieu de : « Mais cette éclatante manifestation », il faudrait dire : « L’éclatante manifestation. »
M. Dumortier – C’est un reproche toujours facile à faire à une adresse ou à un document quelconque que celui qui porte sur le style. Nous savons que les plus grands écrivains (titre auquel ni moi, ni aucun de la commission n’avons de prétention) ont été critiqués : Racine et Corneille ont trouvé des épilogueurs. Après cela la commission a de quoi se consoler.
Ce qui serait absurde, ce serait de vouloir transformer une chambre des représentants en une chambre de rhétorique. C’est à quoi tendent les observations de l’honorable préopinant. J’espère que la chambre ne s’y arrêtera pas.
L’adresse a été terminée hier au soir ; elle a été imprimée dans la nuit ; elle contenait quelques fautes d’impression que j’ai rectifiées à la lecture ; elle paraîtra demain dans le Moniteur avec ces rectifications.
M. Gendebien – Messieurs, mon intention n’est en aucune façon d’épiloguer ; je sais comme l’honorable préopinant que les plus grands auteurs ont été soumis à la critique, et à une critique quelquefois trop sévère ; je dois déclarer franchement que, dans mon humilité, si l’auteur de l’adresse était l’immortel Racine, je m’abstiendrais de critiquer son travail, mais je crois pouvoir, sans blesser son amour-propre, indiquer quelques changements qu’il conviendrait de faire ; il ne s’agit que de retrancher deux mots inutiles ; si l’honorable rapporteur et la chambre préfèrent laisser l’adresse telle qu’elle est, je n’insisterai pas davantage, mais au moins on me tiendra compte de l’intention qui m’a fait faire cette observation, et des motifs qui me feront abstenir d’en présenter d’autres.
M. F. de Mérode – Messieurs, dans la rédaction d’une adresse et de tout document quelconque qui doit se faire par plusieurs personnes, il est impossible qu’il ne se glisse quelques irrégularités de style ; et je crois que si nous voulons corriger ici celles qu’on reproche au projet dont nous nous occupons, nous risquons fort qu’il ne s’en introduise d’autres ; car souvent, en relisant des passages qu’on a adoptés, on est fort étonné d’y remarquer des fautes dont on ne s’était pas aperçu auparavant. Je pense que si nous entrons dans le système dans lequel on veut nous entraîner, au lieu d’améliorer l’adresse, nous lui ôterons tout caractère quelconque ; on n se bornera pas à la correction que vient d’indiquer l’honorable M. Gendebien, on fera une autre adresse qui n’aura plus aucune physionomie.
Nécessairement une pièce de cette nature renferme toujours quelques imperfections de style ; on en voit dans les adresses de France, dans les discours du trône et dans tous les documents de cette espèce, qui exigent le concours de plusieurs personnes ; je crois, messieurs, qu’il vaut mieux passer sur quelques irrégularités de rédaction que de s’exposer à changer la nature même de l’adresse.
M. Dumortier, rapporteur – Je vous ferai remarquer, messieurs, que les mots dont l’honorable M Gendebien demande le retranchement sont indispensables ; dans la première phrase, nous disons que nous ne doutons pas des sentiments du Roi, et nous ajoutons : « mais la manifestation solennelle de ces sentiments était bien faite pour exciter l’enthousiasme qui a accueilli vos paroles. » Il me semble donc que ce serait réellement commettre une faute de français que de ne pas maintenir les mots dont il s’agit.
M. Gendebien – Si M. Dumortier préfère sa rédaction, il en est bien le maître, tout comme je le suis de préférer la mienne ; mais je pense que la chambre ne doit pas assumer la responsabilité du style de l’adresse ; dans tous les cas, je déclare que je ne veux pas, pour mon compte, prendre ma part de cette responsabilité.
- Les huit premiers paragraphes sont successivement mis aux voix et adoptés.
« § 9. Si, dans le traité
définitif à intervenir, des sacrifices pécuniaires équitables étaient
nécessaires, indépendamment de notre part légitime dans la dette des Pays-Bas,
nous sommes prêts à y consentir pour donner un gage de paix ; mais
M. de Jaegher
– Je pense, messieurs, qu’il y aurait ici deux mots à transposer : il
me semble qu’au lieu de : « et dont l’antipathie serait, pour elle,
une source permanente d’embarras », il faudrait dire : « et dont
l’antipathie, pour elle, serait etc… » Je crois, MM, que vous serez comme
moi d’avis que nous ne devons pas nous montrer si intéressés à éviter des
embarras personnels à
- La proposition de M. de Jaegher est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.
Le paragraphe, tel qu’il est proposé par la commission, est mis aux voix et adopté.
« § 10. Nous en avons la
confiance, Sire ; les puissances sentiront la justice de notre cause.
M. de Brouckere
– Messieurs, si je n’ai pas pris la parole dans la discussion générale, ce
n’est pas que je ne partage point l’élan qui anime la plupart des orateurs qui
ont parlé dans cette discussion mais j’ai si souvent exprimé mon opinion sur
les sacrifices imposés à
Mais c’est par égard même pour ceux qui ont émis leur opinion à l’ouverture de la discussion que nous avons voulu prévenir toute contradiction à ce sujet. J’ai cru cependant devoir vous proposer d’ajouter quelque chose au paragraphe dont il vient d’être donné lecture.
«
Je voudrais qu’on ajoutât ces mots :
« Et dans cette nationalité
même les autres grandes puissances qui, avec
De toutes parts – Très bien ! très bien ! appuyé !
- Le paragraphe en discussion est mis aux voix et adopté avec l’addition proposée par M ; de Brouckere.
La chambre passe à la discussion du paragraphe suivant :
« Nous sommes prêts, Sire, à
acquiescer à des arrangements qui s’accorderaient avec notre honneur et notre
situation actuelle ; nous sommes prêts à supporter plus que notre part
dans le fardeau de la dette qui pèse sur
M. Frison demande que l’on remplace ces mots : « Nous sommes prêts à supporter plus que notre part dans le fardeau » par ceux-ci : « Nous sommes prêts à supporter notre part légitime dans le fardeau. »
- La proposition de M. Frison est appuyée.
M. Dumortier, rapporteur – Messieurs, la commission, en rédigeant la phrase que l’on propose de modifier, n’a eu en vue qu’une répétition du paragraphe 9. Je pense qu’on ne peut pas l’entendre autrement. Si toutefois on pouvait y attacher un autre sens, il n’y aurait aucun inconvénient à adopter la modification proposée par M. Frison.
M. F. de Mérode – Je ne puis qu’appuyer ce que vient de dire l’honorable M.
Dumortier : en insérant dans le paragraphe en discussion la phrase dont il
s’agit, nous avons voulu indiquer d’une manière positie l’intention où est
M. Demonceau – Messieurs, je pense que le plus prudent serait de supprimer les
mots : « Nous sommes prêts à supporter plus que notre part dans le
fardeau de la dette qui pèse sur
M. Frison adhère à cette suppression.
- La suppression est mise aux voix et adoptée.
Le paragraphe, moins les mots qui viennent d’être supprimés, est ensuite mis aux voix et adopté.
Les §§ 12 et 13 sont ensuite adoptés sans discussion.
« § 14. La vive impulsion donnée aux travaux publics, et spécialement à la grande entreprise du chemin de fer, nous permet d’espérer de voir, dans quelques années, la fin de cette œuvre nationale et la négociation de l’emprunt autorisé par la loi du 25 mai dernier, en prouvant de plus en plus la solidité de notre crédit et la confiance qu’il inspire, contribuera à atteindre ce résultat. »
M. Gendebien propose de retrancher dans la deuxième ligne les mots : « de voir » et M. de Jaegher propose de mettre dans la quatrième, au lieu de : « à atteindre », ces mots : « à faire atteindre. »
- Ce retranchement et cette addition sont adoptés.
Le paragraphe ainsi modifié est adopté.
Les §§ 15, 16 et 1 qui terminent l’adresse sont ensuite adoptés sans discussion.
M. le président – La chambre désire-t-elle procéder maintenant à l’appel nominal pur le vote de l’adresse ? (Oui ! oui !)
M. Gendebien – Messieurs, je voterai l’adresse, mais je prierai M. le rapporteur de bien la revoir avant de la livrer définitivement à l’impression. Je suis convaincu qu’il y trouvera beaucoup à retoucher. Ce sera chose facile pour lui, lorsqu’il sera seul, ou assisté d’un membre de la commission, ou du bureau s’il le préfère.
M. le président – Si l’on désire une rédaction nouvelle, on doit la proposer maintenant.
M. Gendebien – Ces changements de rédaction ne doivent affecter en rien le fond de l’adresse ; il s’agit simplement de changer un temps de verbe dans telle phrase, de retrancher une particule dans telle autre. Ces légères rectifications n’ôteront rien au sens ; ne pas les opérer serait laisser subsister inconsidérément des taches dans un document émané d’une représentation nationale, et qui doit parcourir l’Europe.
M. Pirmez – Messieurs, les mots sont tout dans une adresse ; vous ne pouvez donner à personne le mandat de les changer ; s’il y a des changements à faire, c’est à la chambre de les opérer. L’adresse votée doit rester telle qu’elle est.
M. Gendebien – Je ne demande pas qu’on change les expressions, ni aucun mot, mais qu’on fasse disparaître quelques fautes de concordance de temps qui sont peut-être des fautes d’impression.
On procède à l’appel nominal sur l’ensemble du projet d’adresse, qui est adopté à l’unanimité des 83 membres présents. Ce sont :
MM. Beerenbroek, Bekaert-Baeclandt, Berger, Brabant, Coghen, Coppieters, Corneli, David, de Behr, de Brouckere, Dechamps, de Florisone, de Jaegher, de Langhe, de Longrée, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Perceval, de Puydt, Dequesne, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmanet, de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dollez, B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Frison, Gendebien, Heptia, Hye-Hoys, Keppenne, Kervyn, Lebeau, Lecreps, Maertens, Mast de Vries, Mercier, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Pirson, Polénius, Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Smits, Stas de Volder, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Van Volxem, Verdussen, Vergauwen, Verhaegen, H. Vilain XIIII, Wallaert, Willmar, Zoude, Peeters.
__________________
M. le président tire au sort les membres de la grande députation qui devra présenter au Roi l’adresse qu’on vient de voter.
Les membres désignés sont :
MM. de Puydt, Rogier, W. de Mérode, de Sécus, Maertens, Vandenhove, Heptia, Desmaisières, Simons, de Nef et Mast de Vries.
La chambre décide qu’elle s’occupera lundi des budgets dans les sections, et fixe à mardi une séance publique, pour la reprise de la discussion de la loi sur le timbre.
- La séance est levée à 4 heures et demie.