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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 3 avril
1838
Sommaire
1) Projet de loi relatif aux droits d’entrée sur
le tabac (Mercier)
2) Rapports sur des demandes en naturalisation
3) Projet de loi accordant un crédit
supplémentaire pour dépenses arriérées au budget du département de l’intérieur
pour l’exercice 1838 (Lejeune, Andries)
4) Projet de loi relatif aux pensions
militaires. Libelle anti-patriotique et retard apporté au dépôt du rapport de
la commission (Desmaisières), conditions
d’obtention de la retraite en matière d’ancienneté de service et d’âge (Willmar, Mast de Vries, Willmar, Desmaisières, Willmar, Verhaegen, de Jaegher, Willmar, Verhaegen, Dubus (aîné), Willmar), droit pour le roi de mettre d’initiative les
militaires à la retraite (Gendebien, Willmar, Gendebien, (+pensions
des officiers des Indes) de Jaegher, Desmaisières, (+pensions des officiers des Indes) Willmar, Dumortier, Lebeau, F. de Mérode, Gendebien, Willmar, Verhaegen, Verhaegen, Willmar, Verhaegen, de Jaegher, Lebeau, Willmar, Lebeau, Dubus
(aîné), Willmar, Lebeau, Willmar, Devaux, Willmar, Donny, de Muelenaere, Verhaegen, Willmar, Desmaisières, Lebeau, Dubus (aîné), Verhaegen, Desmaisières, Dubus (aîné), Willmar)
(Moniteur belge n°94, du 4 avril 1838)
(Présidence
de M. Fallon.)
M.
de Renesse procède à l’appel nominal à 1 heure.
M.
Lejeune donne lecture du procès-verbal de la dernière
séance. La rédaction en est adoptée.
PROJET DE LOI RELATIF AUX DROITS D’ENTREE SUR LE
TABAC
M.
Mercier présente, au nom d’une section centrale, le rapport
sur le projet de loi relatif aux droits d’entrée sur les tabacs.
RAPPORTS SUR DES DEMANDES EN NATURALISATION
M. Mast de Vries
dépose un rapport sur plusieurs demandes en naturalisation.
M.
Milcamps dépose aussi un rapport sur plusieurs demandes
en naturalisation.
PROJET DE LOI
ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE POUR DEPENSES ARRIEREES AU BUDGET DU
DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR POUR L’EXERCICE 1838
M.
Lejeune, au nom d’une commission spéciale, dépose un
rapport sur le projet relatif à un crédit supplémentaire demandé pour le
département de l’intérieur.
M.
Andries. - S’il était possible, je voudrais que la
chambre s’occupât prochainement du projet de loi concernant les crédits
demandés pour les créances arriérées de 1830 et 1831. Ces créances ont été
reconnues justes par la commission chargée de leur examen ; il est de la
dignité nationale de ne pas se montrer mauvais payeur. Le projet ne peut donner
lieu à aucune discussion ; on pourra s’en rapporter à l’avis de la commission.
Je demanderai que la chambre veuille mettre à l’ordre du jour, après les
pensions militaires, les créances arriérées de 1830 et 1831 ; ce sera l’affaire
d’un quart d’heure.
-
Cette proposition est adoptée.
Discussion générale
M. le
président. - Dans une des séances précédentes, M. le ministre
de la guerre s’est réuni à l’ensemble du projet présenté par la section
centrale, sauf quelques amendements qu’il présentera.
La
discussion générale est ouverte.
M.
Desmaisières. - Messieurs, lors de la discussion du budget
de 1837, un libelle, dont le but évident était une espèce de 18 brumaire moral
(si le mot moral peut être prononcé en cette occurrence), dont la tendance
évidente était de placer la chambre sous le coup d’une accusation aussi grave
que peu méritée vis-à-vis de l’armée ; un libelle publié par la presse qui
s’adresse quotidiennement à l’armée, et qui, ailleurs qu’en Belgique où il
suffit du bon sens du peuple et de l’armée pour en faire justice, aurait pu
peut-être amener la réalisation des coupables projets de son auteur, fut lancé
dans le public la veille du jour même fixé pour le commencement de la
discussion du budget.
Je
n’aurais alors, comme vous tous, messieurs, répondu à ce libelle que par le
silence du mépris ; mais quelques-unes des allégations erronées de ce libelle
trouvèrent malheureusement place dans des discours qui furent prononcés dans
cette enceinte, et dès lors je crus qu’en ma qualité de rapporteur de la
section centrale, de procureur délégué pour soutenir les opinions des sections
de la chambre, j’avais une tâche honorable à remplir, et heureusement je n’eus
qu’à vous faire passer sous les yeux, sous ceux de la nation et de l’armée, qui
ne doit jamais en être séparée, le tableau exact et fidèle des diverses
discussions et votes des budgets du département de la guerre, depuis l’époque
où l’on avait cherché à incriminer vos sentiments envers l’armée pour renverser
de fond en comble, pour réduire au néant tout cet échafaudage d’accusations mal
fondées lancées contre la chambre, et pour démontrer à tout le monde, si ce
n’est peut-être à quelques personnes habituées à vivre d’abus, combien avait
toujours été grande la sollicitude de la chambre pour les vrais intérêts des
braves défenseurs de la patrie.
(Addendum inséré au Moniteur belge n°95, du 5
avril 1837) Messieurs, ce que ce libelle a tenté alors contre toute la
chambre vient d’être tenté hier par un journal contre la section centrale et
son rapporteur, à l’occasion du projet de loi sur les pensions militaires dont,
par une bienveillance et par une marque d’estime et de confiance, vous avez
ajourné la discussion à aujourd’hui, afin que je puisse y assister.
Ici,
messieurs, la rumeur publique attribue la propriété du journal en question à un
membre du cabinet, et désigne certaine personne attachée au département de la
guerre comme prenant part à sa rédaction.
J’espère,
je suis certain même, j’en ai pour garant leur loyauté reconnue, que c’est à
leur insu que cet article a paru ; mais en présence de ces bruits publics, j’ai
cru ne point pouvoir me dispenser de repousser de toutes mes forces ces
reproches aussi graves que mensongers faits à la section centrale et
particulièrement au rapporteur. Avant même que je connusse l’article dont
j’entends parler (n’ayant trouvé chez moi qu’à mon retour de la séance, le
journal qu’y avait déposé un honorable ami, membre de cette chambre), j’ai
assisté hier à la séance de la commission, où l’honorable M. de Puydt a donné
lecture de son rapport, et là, en présence de M. le ministre de la guerre, j’ai
cru devoir faire connaître à la commission ce qu’un sentiment de délicatesse,
que vous apprécierez tous, messieurs, m’a empêché de consigner dans mon rapport
; j’ai fait voir comment il se fait que j’ai à joindre mon vote approbatif aux
résolutions prises, en mon absence, samedi dernier par ladite commission.
Les
membres de cette chambre qui ont fait partie souvent de sections centrales et
de commissions savent bien que quelquefois, à raison de ce que tous les membres
ne sont pas présents lors de l’examen des projets de loi avant la nomination du
rapporteur, il se trouve que lors de la lecture du rapport la majorité change.
Et c’est ce qui est arrivé pour les pensions militaires, et c’est ce que, je le
répète, mû en cela par un sentiment de délicatesse que tous vous apprécierez,
messieurs, je n’ai pas voulu consigner dans mon rapport, au risque de me voir
taxé de m’être opposé en qualité de délégué de la sixième section, tandis que
je représente au contraire la quatrième section, aux conditions d’ancienneté de
service et à l’élévation du taux des pensions proposées par le ministère, et au
risque de me voir prêter des opinions tout à fait opposées à celles que j’ai
soutenues dans le sein de la section centrale comme membre de la majorité du
second vote lors de la lecture de mon rapport.
Maintenant,
messieurs, je suis loin de prétendre que l’opinion de la majorité, qui
d’ailleurs a prouvé par les nombreuses améliorations qu’elle a introduites dans
le projet de loi, combien sa haute sollicitude pour les intérêts de notre brave
armée luttait dans son esprit contre la crainte de trop surcharger les
contribuables ; je suis loin de prétendre que l’opinion de la majorité n’est
pas soutenable en elle-même ; je la crois même tellement fondée en principe,
que ce n’est qu’une considération de fait qui m’a empêché de m’y rallier. Je
m’expliquerai lors de la discussion des articles.
Je
me bornerai seulement à justifier de nouveau, quant à présent, le retard que la
chambre m’accuse d’avoir mis dans l’examen du projet de loi d’un aussi haut
intérêt pour notre armée.
Ce
retard, messieurs, se justifie assez par ce haut intérêt lui- même, qui
exigeait un long et mûr examen, devenu possible lorsque la chambre a décidé,
peu de mois après la présentation du projet définitif du ministère, qu’en
attendant que ce projet fût converti en loi, l’arrêté-loi de 1814 pouvait et
devait être appliqué aux militaires admis à la retraite.
C’est
probablement par les mêmes motifs que l’honorable ministre de la guerre n’a
demandé la mise en discussion du projet qu’un an après la présentation du
rapport.
Personne
ne demandant la parole sur l’ensemble de la loi, la chambre passe à la
discussion des articles.
Discussion des articles
Titre I. - Droits à la pension de retraite pour
ancienneté de service
« Art.
1er (proposé par la section centrale). Les militaires de toute arme et de tout
grade ont droit à une pension de retraite après la durée du temps réglé pour
l’obtenir, pourvu qu’ils soient reconnus hors d’état de continuer à servir. »
L’amendement
suivant est présenté par M. le ministre de la guerre :
« Les
militaires de tout grade et de toute arme ont droit à une pension de retraite,
après quarante années de service, y compris les campagnes de guerre. »
La
commission spéciale propose d’ajouter à cet amendement le paragraphe suivant :
« Néanmoins
ils ne pourront exiger leur mise à la retraite qu’après avoir atteint en outre
l’âge de 55 ans accomplis. »
M. le
ministre de la guerre (M. Willmar). - Je reconnais que
la commission spéciale a apporté des améliorations sensibles au projet ;
toutefois je dois dire que je vois avec regret la restriction qu’elle a apportée
à l’article premier que j’ai présenté ; cet article devait être conservé dans
son entier. L’amendement avait pour objet d’établir que le droit à une pension
résultait d’une certaine durée de service ; la commission spéciale n’a pas
admis ce principe puisqu’à côté d’une certaine durée de service elle a placé
une condition d’âge. Je suis convaincu que dans le plus grand nombre des cas la
condition d’âge sera remplie ; cependant il pourrait arriver que dans quelques
cas particuliers la condition d’âge n’existât pas en même temps que celle du
nombre d’années de service, et je voudrais voir consacrer dans la loi qu’un
homme qui a consacré quarante ans de sa vie au service militaire, a le droit de
se livrer au repos, s’il croit que le repos lui est nécessaire.
La
section centrale a reconnu qu’il ne fallait pas trop retarder le temps où les
officiers supérieurs pourraient être admis à la pension ; d’un autre côté,
cependant elle a paru craindre que le temps de service étant diminué, un grand
nombre de militaires voulussent quitter trop tôt la carrière, et dans un âge où
ils seraient encore capables de rendre de bons services : ce danger me paraît
très peu à craindre ; je crois que très peu d’officiers demanderont leur
retraite et voudront vivre de leur pension. D’après le tarif présenté par le
gouvernement, la différence est grande entre le traitement de retraite et celui
d’activité ; il faudra qu’un homme ait des raisons graves pour qu’il consente à
apporter des changements si grands dans sa manière de vivre ; et le nombre de
ceux qui voudront profiter de cet avantage sera très restreint. On doit
reconnaître en outre que vouloir forcer des hommes à rester dans l’armée, c’est
s’exposer à les voir ne pas rendre de bons services.
Dans tous les pays, c’est un droit absolu que
l’on reconnaît aux militaires de tous grades de pouvoir se retirer, après un
certain temps, du service. En France, ce droit existe après 30 ans de service
effectif pour tous les fonctionnaires. Si les fonctionnaires civils ont cette
faculté, elle doit à plus forte raison exister dans une carrière qui use
promptement les hommes.
Je
demanderais donc que la chambre voulût reconnaître que tout homme a droit de
prendre congé, de prendre la retraite après 40 ans de services, campagnes
comprises.
M. Mast de Vries. - Je pense que vous
devez admettre l’amendement de la commission spéciale. Elle a été guidée par
plusieurs raisons pour exiger 55 années d’âge.
La
section centrale avait posé 50 années de service ; le ministre de la guerre a
réclamé avec justice, parce que les officiers auraient pu avoir 70 ans ; mais
en admettant 40 ans, campagnes comprises, les officiers pourraient être
retraités à 50 ans.
Par
l’article 14 de la loi, vous autorisez l’officier à cumuler sa pension de
retraite avec le traitement d’un emploi civil, à condition qu’il ait 55 ans
d’âge ; vous voyez donc que la disposition présentée par la commission spéciale
est dans l’intérêt du militaire, parce qu’à 55 ans on peut s’occuper encore de
beaucoup de choses.
Le
chiffre de 55 ans a été posé par le gouvernement lui-même, car il a demandé à
être autorisé à mettre à la retraite les militaires ayant cet âge, même quand
ils ne la demanderaient pas.
Par
ces considérations je persiste dans l’amendement que j’ai proposé dans le sein
de la commission spéciale.
M. le ministre de la guerre (M.
Willmar). - L’honorable membre n’a répondu à aucune des
objections que j’ai présentées. Il me dit qu’à 55 ans on peut changer de
carrière ; je lui ferai observer que cela est très difficile, mais surtout pour
les militaires, par ce que, ainsi que je l’ai déjà dit, le service militaire
use promptement les hommes. Le nombre des militaires capables de remplir des
emplois civils sera donc très restreint.
Ce
fait-là est susceptible d’être vérifié par tout le monde, et par conséquent il
répond par lui-même aux craintes que l’honorable préopinant a manifestées.
L’honorable
préopinant dit que le gouvernement a demandé l’autorisation de mettre à la
retraite à 55 d’âge. Ce fait n’est pas exact, la proposition en a été faite par
la section centrale. Mais ici il y a une grande différence, la proposition
n’est nullement dans l’intérêt des officiers. C’est l’intérêt du service qui
fait désirer qu’à un certain âge, lorsqu’un homme n’est plus propre à remplir
un service actif, le gouvernement ait le droit de donner la pension.
M.
Desmaisières. - Messieurs, lorsque la section centrale a
proposé de restreindre le droit de tout militaire à l’obtention d’une pension
de retraite, quand il y a un certain nombre d’années de service ; de le
restreindre, dis-je, à ce qu’il fût reconnu hors d’état de continuer à servir,
elle a considéré cette restriction comme un principe tout à fait conservateur
de la bonne organisation de l’armée ; et dès lors je m’étonne que M. le
ministre de la guerre s’oppose aussi formellement à ce que ce principe soit
inscrit dans la loi.
Si
la section centrale a proposé de dire, dans l’article premier, que, pour avoir droit
à la pension de retraite, le militaire doit être reconnu hors d’état de
continuer à servir, c’est qu’elle a trouvé que, dans l’arrêté de 1814, cette
restriction est établie d’une manière encore plus rigoureuse.
Et
ici, je vous prierai de remarquer, messieurs, que loin d’avoir aggravé la
position des officiers, la section centrale l’a au contraire améliorée,
relativement à l’arrêté de 1814.
L’article
2 de cet arrêté porte une exception en faveur des militaires qui, par suite
d’indisposition ou d’infirmités contractées par des causes indépendantes de
leur volonté, se trouveront dans l’impossibilité de continuer le service actif,
« même dans une compagnie sédentaire. »
Voilà
ce que la section centrale n’a pas voulu vous proposer. Elle a cru qu’il
suffisait que le militaire fût reconnu hors d’état de continuer à servir dans
l’armée de ligne, pour qu’il ait droit à la pension ; et qu’il ne devait pas
être obligé probablement à faire partie d’une compagnie sédentaire.
Maintenant,
la commission chargée d’examiner les amendements de M. le ministre de la guerre
a modifié la proposition de la section centrale, en ce sens qu’au lieu d’exiger
que les militaires, pour avoir droit à la pension, soient reconnus hors d’état
de servir dans l’armée active, elle exige simplement qu’ils remplissent la
condition de 55 ans d’âge ; cela est un nouvel adoucissement porté aux
prescriptions de l’arrêté de 1814. Et pour le dire en passant, j’ai eu
l’honneur de faire voir hier à la commission que lors de la discussion du
projet de loi dans la section centrale, j’avais aussi professé l’opinion qu’il
valait mieux prescrire la condition des 55 ans d’âge que celle d’être reconnu
hors d’état de servir.
Maintenant M. le ministre de la guerre vous dit
: Mais il y aura peu d’officiers qui demanderont leur retraite avant qu’ils
aient atteint 55 ans d’âge, lorsqu’ils pourront encore rendre des services
actifs. Il est évident en effet que leur position dans le service actif est
beaucoup plus brillante sous le rapport pécuniaire que ne le serait leur
position de pensionnaire.
Mais,
messieurs, comme je l’ai déjà dit, cette clause me paraît pouvoir être insérée
dans la loi, parce qu’elle est un principe conservaient de la bonne
organisation de l’armée. Si réellement l’expérience prouve qu’il y a peu
d’officiers qui demandent leur pension avant d’avoir atteint l’âge de 55 ans,
eh bien cette clause dont l’on propose l’insertion dans la loi, présentera
d’autant moins d’inconvénient dans son exécution, que M. le ministre de la
guerre n’aura que très peu de refus à faire.
M. le
ministre de la guerre (M. Willmar). - Il me semble que
la dernière réflexion de l’honorable préopinant n’est pas juste. Il est au
moins inutile d’écrire dans la loi une condition onéreuse à l’armée, si cette
condition ne doit jamais être appliquée.
Quant
à l’opinion du même orateur que ce principe est conservateur de la bonne
organisation de l’armée, j’avoue que je ne suis pas frappé de sa justesse. Je
ne vois pas comment l’obligation qui en résulterait pour quelques-uns des
officiers de rester 4 ou 5 ans de plus au service, pourrait garantir la bonne
organisation de l’armée. Il est un fait, je ne dirai pas un principe ; c’est
que dans le service militaire, il ne faut pas qu’on serve avec dégoût.
M. Desmaisières a dit que les dispositions
proposées par la section centrale sont plus avantageuses à l’armée que l’arrêté
de 1814. Ce qui a influé sur la plupart de mes amendements, c’est le désir de
faire en sorte que l’armée ne perde rien par la nouvelle législation. Or, je
suis d’avis que la condition des 55 ans d’âge serait une aggravation de la
position actuelle de l’armée, quant aux pensions. Pour s’en convaincre, la
chambre n’a qu’à examiner l’article 2 de la loi que l’honorable préopinant a
citée.
Le
premier paragraphe de cet article accorde le droit absolu à la pension pour
ancienneté, après 40 ans de service, campagnes comprises : c’est ce que j’ai
demandé. Le paragraphe suivant, relatif à la mise à la retraite pour cause
d’incapacité, ne s’applique qu’aux cas où les 40 ans de service, campagnes
comprises, n’existent pas. C’est une disposition analogue à celle qui est
proposée dans l’article 3 du projet en discussion.
M. Verhaegen.
- Je partage tout à fait l’opinion du ministre, et je voterai dans son sens.
Mais la rédaction une paraît équivoque. On dit : « Les militaires de
tout grade et de toute arme ont droit une pension de retraite après 40 années
de services, y compris les campagnes de guerre. »
Qu’entend-on
par ces derniers mots ? Ne faut-il pas mettre l’article en rapport avec
l’article 15 qui statue que tout le temps du service des militaires aux armées
mises sur le pied de guerre sera compté double dans le règlement de leurs
années de service. Je ne sais pas si la rédaction de l’article en discussion
comporte réellement cette idée.
On
dit : « après 40 ans de service y compris les campagnes de guerre. » Il me
paraît inutile d’ajouter ces derniers mots, puisque l’article 16 porte que le
temps du service aux armées sur pied de guerre sera compté double ; l’article
15 sert de complément à l’article premier.
Il
est quelquefois dangereux d’ajouter à une disposition une chose inutile, parce
qu’on pourrait lui donner un sens autre que celui qu’elle doit comporter. Je
m’explique en deux mots : d’après l’article premier, il faut 40 années de
service ; voilà un principe ; l’article 15 en consacre un autre : celui du
calcul au double du temps du service aux armées sur pied de guerre. Or, en
disant dans l’article premier : « Après 40 années de service, y compris
les campagnes de guerre,» on peut donner lieu à des équivoques.
M. de Jaegher.
- Je pense que le doute où se trouve M. Verhaegen serait levé, s’il se rendait compte
de ce qu’on entend par campagne de guerre, et des avantages qu’elle procure.
Une campagne de guerre a le privilège de faire compter double l’année de
service dans laquelle elle a eu lieu. Cette définition une fois admise, il me
semble que lorsqu’on dit : autant d’années de service, y compris les campagnes
de guerre, cela doit s’entendre de cette manière, que les années de service
effectif seront comptées, plus encore autant d’années de service qu’il y a eu
de campagnes ; c’est-à-dire, en d’autres termes, qu’un militaire qui aura 30
années de service effectif, pendant lesquelles il comptera 10 campagnes, aura
40 années de service. Voilà comment je comprends la loi, et je pense que sous
ce rapport il ne conviendrait pas de retrancher la disposition.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar).
- Messieurs, je ne vois pas que l’interprétation défavorable à l’armée que
paraît redouter l’honorable M. Verhaegen puisse avoir lieu. Je dois reconnaître
cependant qu’il est assez peu utile que l’on conserve les mots dont l’honorable
membre voudrait la suppression. Je le répète toutefois, il n’y a aucun
inconvénient à les laisser.
M.
Verhaegen. - Je n’ai fait mon observation que dans
l’intérêt de la chose même. Je me rallie, du reste, entièrement à l’opinion de
M. le ministre. Toutefois il me semble qu’en maintenant dans l’article en
discussion les mots « y compris les campagnes de guerre, » on
restreint la portée de l’article au lieu de l’étendre. Il y a d’autres
hypothèses dans l’article 15, que l’on semble exclure dans l’article Je trouve
donc qu’il vaudrait mieux retrancher l’expression dont il s’agit ; j’en fais la
proposition.
M. Dubus (aîné).
- Je voudrais m’assurer que je saisis bien le sous-amendement de la section
centrale. Je pense que, d’après ce sous-amendement, les officiers ne peuvent
exiger leur mise en retraite qu’après avoir atteint l’âge de 55 ans. Mais il en
résulte aussi qu’avant qu’ils aient atteint cet âge, et lorsque les officiers
ont 40 années de service, ils peuvent demander leur mise à la retraite. Le
gouvernement n’est juge de leurs motifs que dans ce cas ; mais il se présente
alors une question tout individuelle. D’une part, il peut arriver, il arrivera
(je l’admets) qu’il y aura des motifs l’équité pour accorder la mise à la
retraite avait l’âge de 55 ans accomplis ; mais il peut arriver d’un autre
côté, que ces officiers se trouvent encore en état de rendre des services, et
que l’Etat ait encore besoin d’eux ; dans ce cas la section centrale veut que
le gouvernement, juste appréciateur dans cette question individuelle, puisse
refuser la mise à la retraite, lorsque l’officier n’a pas 55 ans de service. Il
me semble que M. le ministre ne devrait pas s’opposer autant qu’il le fait à la
proposition que la section centrale nous soumet à cet égard, car il doit
admettre avec moi que le gouvernement est, en général, bon juge en ces
matières, et dès lors la disposition dont il s’agit ne peut en aucune façon aggraver
la position des officiers, seulement elle garantirait l’intérêt de l’Etat.
Quant à moi, quand le cas où le gouvernement devrait refuser la mise à la
retraite, ne se présenterait qu’une fois sur cent demandes, j’y verrais encore
un motif suffisant pour admettre le sous-amendement de la section centrale.
M. le
ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs, chez
les nations essentiellement militaires, on a admis le principe qu’une certaine
durée de service donne aux militaires des droits absolus à la retraite, et
l’expérience a démontré qu’il ne résulte de là aucun inconvénient ; en effet,
il est excessivement rare qu’un homme soit absolument nécessaire ; un homme
n’est pas unique dans sa position, et on trouvera toujours l’équivalent de
celui qu’on voudra laisser jouir d’un avantage qu’on a partout regardé comme
équitable ; je crois d’un autre côté que
l’intérêt des individus n’est jamais aussi bien garanti quand on laisse au
gouvernement le soin de statuer sur leur sort que quand on écrit à cet égard
des dispositions formelles dans la loi même. Un militaire peut, ce me semble,
désirer du repos quand il a servi pendant 40 ans y compris ou d’utilité
publique pour refuser à l’armée belge un avantage qui s’accorde partout. Je le
répète, c’est dans l’intérêt de l’armée que je demande le maintien de ma
proposition, afin que les militaires ne soient pas traités moins bien que la
législation nouvelle que par la législation ancienne, qui établissait le droit
absolu sans laisser au gouvernement la faculté de le restreindre.
-
Le sous-amendement de la commission est mis aux voix et adopté.
L’amendement
de M. Verhaegen est également mis aux voix et adopté.
L’article
premier avec ces amendements est ensuite mis aux voix et adopté.
« Art.
2 (proposé par la section centrale). Le temps fixé pour avoir droit à une
pension de retraite est de 30 années de service effectif, ou de 50 années pour
les officiers, de 40 années pour les sous-officiers, caporaux, brigadiers et
soldats, les campagnes de guerre compris. »
«
Art. 2 (proposé comme amendement par M. le ministre de la guerre). Le Roi a la
faculté de mettre à la faculté de mettre à la pension de retraite, les
militaires qui comptent 30 années de service effectif, et qui sont reconnus hors
d’état de continuer à servir. »
M.
Gendebien. - Il est excessivement fâcheux, messieurs,
qu’à la fin d’une session beaucoup trop longue, nous soyons appelés du jour au
lendemain à discuter une loi aussi importante, qui a été déposée sur le bureau
de la chambre il y a 4 ou 5 ans, et dont beaucoup de membres n’ont pas
seulement pu se procurer le projet primitif ; quant à moi, je déclare, non
seulement que je n’ai pas lu le projet ni les rapports, mais que je n’ai pas
même pu les retrouver ; je viens, à l’instant, de recevoir le premier rapport,
et je suis encore à me demander quel est le mécanisme de la loi. Je ne sais si
je me trompe, mais je ne comprends pas l’analogie qu’il peut y avoir entre
l’article 2 du projet de la section centrale, qui nous a été présenté au mois
d’avril de l’année dernière, et l’article amendé par M. le ministre de la
guerre.
L’article
2 de la section centrale porte :
« Art.
2. Le temps fixé pour avoir droit à une pension de retraite est de 30 années de
service effectif, ou de 50 années pour les officiers, de 40 années pour les
sous-officiers, caporaux, brigadiers et soldats, les campagnes de guerre
compris. »
L’article
2 de M. le ministre de la guerre est ainsi conçu :
«
Art. 2. Le Roi a la faculté de mettre à la faculté de mettre à la pension de
retraite, les militaires qui comptent 30 années de service effectif, et qui
sont reconnus hors d’état de continuer à servir. »
Vous
le voyez, messieurs, d’un côté c’est un droit qu’on accorde aux officiers ; et
d’un autre côté c’est une faculté qu’on laisse au gouvernement ; c’est-à-dire
que le projet de M. le ministre, tout en voulant accorder un droit aux
officiers, donne au Roi la faculté de les mettre à la retraite sans leur
demande et malgré eux. Je crains que si une telle disposition était adoptée, on
n’en fît ce qu’on a fait en France après la campagne de 1815, où tous les
partis se sont successivement emparés de la loi sur la retraite pour écarter
les hommes qui offusquaient les hommes avec lesquels les « revenants »
(on sait qu’il y a toujours des revenants, même de nos jours) ne pouvaient pas
soutenir la comparaison. Je vois dans cette disposition une source d’abus
dangereux. Il est possible que je me trompe, mais je demande qu’on me donne des
apaisements à cet égard ; car je le répète, ce n’est que samedi dernier que le
nouveau projet nous a été révélé, et j’ai seulement reçu tout à l’heure le
rapport improvisé de la commission : elle-même vous dit qu’elle n’a pu
l’examiner que très sommairement ; dans cet état de choses, je ne puis voter
une disposition qui, à la première vue, me paraît tout à fait en opposition
avec le but qu’on semble se proposer.
Je ne sais pas si d’autres membres se trouvent
dans la même position que moi, mais je n’ai pas même reçu de convocation pour
la séance d’aujourd’hui, et si quelqu’un n’était pas venu me voir à une heure
et demie, au moment où j’allais sortir pour me promener, croyant qu’il n’y
avait pas séance, je ne serais pas venu ; au milieu de toutes ces
circonstances, il est fort difficile, pour moi au moins, il est très dangereux
pour tous, de discuter une loi dont dépend tout l’avenir de nos plus braves
militaires ; je ne pourrai voter sur l’article qui nous occupe, sans avoir reçu
des explications satisfaisantes de M. le ministre de la guerre.
M. le
ministre de la guerre (M. Willmar). - Je pense que
l’honorable M. Gendebien sera satisfait des explications que je vais lui
donner. Je lui ferai d’abord remarquer que l’article 3 du projet de la section
centrale est ainsi conçu :
« Le
gouvernement a la faculté de mettre à la pension de retraite les militaires qui
ont atteint les années de service indiquées à l’article précédent.
« Il
peut aussi mettre à la retraite les militaires qui ont atteint l’âge de 55 ans
accomplis.
« Dans
ce dernier cas la pension sera proportionnée au nombre d’années de
service. »
C’est
là précisément ce que stipule l’article 2 des amendements que j’ai présentés à
la chambre, seulement j’ai restreint la disposition dans des termes moins
absolus. L’économie de la partie de la loi qui a pour objet de déterminer les
droits à la pension résultant du temps de service, se trouve dans les articles
1, 2 et 3 du projet de la section centrale : le premier de ces articles
établit, d’une manière absolue, qu’il résulte des droits à la retraite de la
durée du service, pourvu qu’elle soit accompagnée de l’incapacité de continuer
ce service, le deuxième fixe le temps nécessaire pour donner ces droits ; le
troisième accorde au gouvernement la faculté de mettre d’office à la retraite
les militaires qui ont acquis ces mêmes droits.
Eh
bien, messieurs, le système que j’ai substitué à celui de la section centrale
est celui-ci : par l’article premier je détermine les cas dans lesquels le
droit à la pension existe d’une manière absolue ; je regrette de n’avoir pas
été soutenu par l’honorable M. Gendebien lorsque je défendais cet article, que
je ne suis pas parvenu à faire adopter tel que je l’avais proposé ; il a dû
voir que j’abondais dans son sens ; dans l’article premier, j’établissais les
droits des militaires ; dans l’article 2 j’établis les droits que par son
article 3, la section centrale proposait d’accorder au gouvernement, en
restreignant la faculté de mettre les militaires à la retraite aux cas où ils
ont 30 années de service effectif.
Je fais remarquer que ce que la commission
spéciale a bien voulu faire sur ma demande, c’est d’admettre le droit à la
retraite après 40 ans de service au lieu de 50 ans et d’effacer la condition
qu’il fallait incapacité de service, dont le gouvernement était juge, pour y
substituer la condition moins onéreuse d’avoir atteint l’âge de 55 ans.
Quant
à la distribution tardive du rapport, c’est un fait dont je ne suis pas
responsable. Il y a huit jours, je crois, que la loi sur les pensions
militaires a été mise à l’ordre du jour. Je n’étais pas présente quand la
chambre a pris cette décision, et jeudi, quand on ne s’est pas trouvé en mesure
de commencer la discussion, la chambre a nommé une commission spéciale pour prendre
connaissance des changements que je proposais au projet de la section centrale
et pour fournir à la chambre les moyens de continuer ses délibérations.
M.
Gendebien. - Je dois d’abord répondre à une espèce de reproche
que m’a fait M. le ministre de la guerre de ne lui être pas venu en aide pour
repousser l’amendement proposé à l’article premier. Il y avait pour cela une
bonne raison, c’est que je ne comprenais pas, à tel point qu’à la première
épreuve je me suis abstenu. Mais à la seconde épreuve, je me suis levé pour
appuyer le ministre. Il me reproche de ne pas l’avoir secondé par la parole. Je
ne pouvais pas l’appuyer de ma parole, car pendant la première épreuve, je
priais M. le rapporteur de m’exprimer le mécanisme du projet, ou plutôt des
trois ou quatre projets qui se croisent et se heurtent. Je ne pouvais pas
prendre la parole pour soutenir une proposition que je ne comprenais pas.
Quant
aux observations que j’ai faites, on n’y a pas répondu. Si, comme le dit le
ministre, le gouvernement ne veut pouvoir mettre à la pension de retraite que
les militaires comptant 30 années de service effectif, et qui se trouveraient
réellement hors d’état de continuer à servir, il ne peut s’opposer à mon
amendement ; or, je propose d’ajouter que ce soit sur la demande de l’officier.
Par ce moyen, on évitera les abus qu’on a signalés en France et qu’on y signale
encore tous les jours ; car on applique encore en France arbitrairement les
dispositions d’une loi de la restauration pour mettre à la pension de retraite
des généraux, des officiers supérieurs et de tous grades qui déplaisent. A
chaque instant la chambre des députés de France reçoit des réclamations de la
part d’officiers généraux qui se plaignent d’avoir été mis à la pension de
retraite contre leur gré, et alors qu’ils pouvaient encore rendre de longs et
bons services.
L’article,
tel qu’il est rédigé, ne présente aucune garantie contre cet abus ; cette
garantie existera quand il sera dit que c’est sur leur demande que les
officiers seront mis à la retraite.
L’article
2 porte : « Le Roi a la faculté de mettre à la pension de retraite les
militaires qui comptent 30 années de service effectif, et qui sont reconnus
hors d’état de continuer à servir. »
Ce
sera le gouvernement qui reconnaîtra si les militaires sont hors d’état de
continuer à servir. Dans la loi française, c’est la même chose. Un officier mis
à la retraite a beau réclamer et dire qu’il est encore en état de continuer à
servir, on ne l’écoute pas. L’arbitraire est poussé si loin que nous voyons, à
chaque instant, le conseil d’Etat de France saisi de contestations pour
règlement de pensions sans pouvoir faire respecter la loi contre la
jurisprudence ministérielle. Je voyais encore hier au Moniteur français une décision du conseil d’Etat en faveur d’un
ancien militaire qui, en 1815, était lieutenant, et il fut mis, sous la
restauration, à la pension de retraite en cette qualité.
Lors
des événements de juillet 1830, il concouru au renversement de Charles X et fut
remis en activité avec le grade de capitaine et envoyé aux colonies. Là il
contracta des infirmités qui l’obligèrent à demander sa retraite. On la lui
donna, mais on ne voulut l’admettre qu’à la pension de lieutenant, ne tenant
aucun compte du grade de capitaine qu’il avait occupé depuis la révolution ; le
conseil d’Etat dut intervenir, et donna gain de gain au réclamant. Il rendit
plusieurs décisions favorables à grand nombre de militaires, et malgré cela, le
ministre de la guerre ne continue pas moins à refuser de faire droit à des
réclamations analogues, et à refuser arbitrairement ce que le conseil d’Etat a
reconnu être dû.
Si
un officier n’a pas des amis parmi les avocats au conseil d’Etat, qui se
chargent de faire les démarches nécessaires et de défendre ses droits gratis,
il ne peut pas obtenir justice.
Ce
qui se passe en France se passera à plus forte raison en Belgique, puisqu’il
n’y a pas de recours contre les décisions des ministres. C’est d’ailleurs
toujours le même esprit qui préside dans tous les gouvernements à la conduite
qu’on tient envers l’armée. Quand on a besoin d’une armée, on fait tout ce
qu’on peut pour flatter les citoyens, les attirer dans ses rangs, et les
pousser sur les champs de bataille ; mais quand on croit qu’on n’a plus besoin
de leurs services, quand on croit que d’autres, dans des circonstances données,
pourront rendre plus de services, ou un autre genre de services, on écarte les
premiers, et on use pour cela, ou plutôt on abuse, de tous les moyens qu’on a à
sa disposition. C’est ainsi qu’on abusera de la disposition dont il s’agit, du
moins je le crains beaucoup, pour faire en Belgique ce qu’on a fait en France
sous la restauration, et ce qu’on veut faire encore aujourd’hui.
Si le ministre de la guerre veut sincèrement, comme
il le dit, agir dans l’intérêt de l’armée, qu’il ajoute à l’article 2 que la
mise à la pension n’aura lieu que du consentement de l’officier. Sans cela on
mettra à la retraite un officier du moment qu’il déplaira au ministère. On le
privera ainsi de son grade et des avantages qu’il ara obtenus pour prix de
plusieurs campagnes, dans lesquelles il aura versé son sang pour son pays.
Je
demande qu’on ajoute à l’article 2 que les militaires, dans les cas qui y sont
mentionnés, ne pourront être mis à la retraite que de leur consentement.
M.
de Jaegher. - Je demande la parole pour prier M. le
ministre de la guerre de me donner quelques explications à l’égard d’une
catégorie d’officiers, concernant lesquels je ne vois aucune disposition dans
le projet de loi qui nous occupe. Après la révolution, appel fut fait aux
militaires belges servant dans l’armée hollandaise pour les inviter à revenir
dans le pays. Un grand nombre d’entre eux servaient dans les Indes. Ces
officiers se sont successivement, à des époques plus ou moins rapprochées,
rendus à l’invitation qui leur était faite en rentrant au service de la
Belgique, après avoir donné leur démission du service hollandais.
Vous savez que le service militaire aux Indes,
pour ce qui regarde la liquidation de la pension, est régie par des
dispositions particulières : après 20 années de service dans l’Inde, on
obtenait la pension qui n’était accordée dans l’armée d’Europe qu’après 40
années de service. Je désire savoir si M. le ministre de la guerre a compris
ces officiers dans une disposition spéciale pour les années de service passées
aux Indes. Il est un grand nombre d’officiers de notre armée qui ont servi
pendant un certain nombre d’années dans l’armée des Indes. Il en est aussi qui y
ont été envoyés en 1826, pour une expédition extraordinaire dont le terme était
limité à 3 ans. Je pense que ces militaires, comme ceux dont j’ai parlé avant,
doivent faire l’objet d’une catégorie spéciale.
M.
Desmaisières. - J’avais demandé la parole, parce que je
croyais que l’honorable M. Gendebien m’avait demandé, en qualité de rapporteur
de la section centrale, des explications sur l’économie du projet en
discussion. J’ai renoncé ensuite à la parole, parce que, d’après les
observations du ministre de la guerre, il m’a paru que c’était au rapporteur de
la commission spéciale que M. Gendebien voulait faire allusion.
M.
Gendebien trouvera à la page 83 de mon rapport le projet du gouvernement et
celui de la section centrale, en regard l’un de l’autre, article par article ;
seulement ces numéros ne concordent pas, parce que la section centrale ayant
trouvé la division du gouvernement défectueuse, l’a entièrement refondue. Je
crois que M. le ministre de la guerre s’est rallié à cette nouvelle division.
Il est donc plus simple, maintenant, de suivre pour la discussion l’ordre du
projet de la section centrale. Les articles 2 et 3 de ce projet correspondent
aux articles 6, 7 et 8 du projet du gouvernement et aux articles 2 et 3 des
amendements du ministre de la guerre.
La section centrale, en acquiesçant à la demande
du projet ministériel d’accorder au Roi la faculté de mettre à la pension de
retraite les militaires ayant 30 années de service effectif, ne s’est pas
dissimulé que cela pouvait donner lieu quelquefois à des abus. C’est pour cela
qu’elle a proposé le nouvel article 27 de son projet qui se trouve page 38 de
mon rapport, où il est dit : « Les pensions de toute nature sont accordées
par un arrêté royal précisant les motifs pour lesquels elles ont été données.
Ces arrêtés sont insérés textuellement au Bulletin
officiel. » La section centrale a pensé que cette disposition
présentait toute garantie quant aux abus qui pouvaient résulter de la faculté
accordée au gouvernement de mettre à la pension de retraite les officiers qui
comptent 30 années de service effectif et qui sont reconnus hors d’état de
continuer à servir. Cependant, quant à moi, je ne m’opposerai pas à ce que la
garantie supplémentaire, demandée par M. Gendebien, soit admise par la chambre.
M. le
président. - Voici comment M. Gendebien propose de
rédiger l’article 2 :
« Le
Roi a la faculté de mettre à la pension de retraite, sur leur demande, les
militaires qui comptent trente années de service, etc. »
M. le
ministre de la guerre (M. Willmar). - Je suis heureux
d’avoir eu occasion de défendre les intérêts de l’armée autant que cela était
en mon pouvoir, car je ne puis pas appuyer l’amendement proposé par l’honorable
M. Gendebien .
Je
crois que la garantie qu’il réclame se trouve jusqu’à certain point dans ces
trente années de service effectif exigées par l’article 2 ; cela suppose
environ 50 ans d’âge. On peut admettre que, soit par maladie, soit par
affaiblissement des facultés intellectuelles, un homme à cet âge ne soit plus
capable de servir. Il est rare qu’on se rende justice quand il s’agit de se
condamner à une position différente de celle qu’on occupe. Personne ne demande
à être mis à la pension de retraite.
Cependant il pourrait y avoir de graves
inconvénients à laisser dans l’armée des officiers d’un rang élevé qui seraient
incapables de remplir leurs fonctions. Il en résulterait le plus grand
préjudice pour le service comme pour l’esprit de l’armée. Il est convenable que
quand un homme ne peut plus servir, on puisse le mettre à la pension. Quand on
demande la faculté de prendre une mesure semblable avec les hommes qui ont
trente années de service effectif, il me semble qu’on ne doit pas supposer
qu’on veuille en faire abus. Il est vrai que c’est le gouvernement qui est juge
de l’aptitude. Il n’y a pas possibilité de faire autrement. S’il en peut
résulter quelques abus, il y en aurait de plus grands encore à laisser dans
l’armée le principe d’inertie et de mort, ce qui arriverait si le gouvernement
n’en écartait les hommes qui ne sont plus en état de servir. L’article 2 tel
qu’il est doit donc être maintenu. C’est dans l’intérêt même de l’armée que je
le demande.
J’aurai
maintenant quelques mots à répondre à l’honorable M. de Jaegher . L’article 23
du projet de la section centrale réserve les droits des officiers qui ont servi
dans l’armée hollandaise, quant à l’époque à laquelle ils auraient déclaré
vouloir servir dans l’armée belge. Il supprime l’inconvénient résultant de leur
éloignement. L’article 33 réserve tous les droits acquis avant 1831 aux
officiers qui ont servi dans les Indes. Je pense que l’honorable membre se
trouvera satisfait sur cette disposition et ne persistera pas à demander qu’il
en soit inséré une spéciale.
M.
Dumortier. - Je pense avec mon honorable ami M. Gendebien
que l’article 2 doit être supprimé ou considérablement modifié. Il s’agit de
donner des garanties aux officiers qui servent dans l’arme belge. Vous exigez
qu’ils ne puissent demander leur retraite qu’après 40 ans de service et quand
ils ont 55 ans d’âge, et vous voulez qu’on puisse la leur donner lorsqu’ils
n’ont que 30 années de service.
Le
service militaire est un contrat synallagmatique entre le gouvernement et
l’officier ; de même que le gouvernement a le droit d’exiger que l’officier
serve 40 ans et ait atteint 55 ans d’âge pour avoir droit à sa retraite, de
même l’officier doit avoir le droit de rester au service jusqu’à ce qu’il ait
40 ans de service et soit âgé de 55 ans.
En
vain m’objectera-t-on l’impossibilité où se trouverait un officier de continuer
à servir. Cela ne doit pas vous toucher. Car un officier dans cette position,
un officier dont les facultés physiques et morales seraient affaiblies comme le
suppose le ministre de la guerre ne pourrait pas continuer le service de place
ou le service de garnison, ou ce qui est plus fatigant, le service de campagne.
Il devrait alors demander à être mis à la retraite. C’est le cas de l’amendement
de M. Gendebien. Si, au contraire, l’officier à cet âge peut continuer son
service, pourquoi voulez-vous le mettre dans une position exceptionnelle ? Si
M. le ministre de la guerre veut sincèrement l’intérêt de l’armée, s’il veut
être favorable aux officiers, il ne doit pas demander qu’on les mette dans une
position exceptionnelle. Car il ne fera jamais croire à personne qu’une mesure
exceptionnelle de cette nature peut être favorable à ceux qui en sont l’objet.
Je le répète, le service militaire est un contrat
synallagmatique entre le gouvernement et ceux qui composent l’armée. Le
gouvernement ne peut pas avoir le droit de les mettre à la retraite avait
l’époque à laquelle ils peuvent demander à y être mis. Il est vrai qu’il s’agit
ici du cas où ils seraient reconnus hors d’état de continuer à servir. Mais
quel sera le juge de l’incapacité ? Celui-là même qui aura intérêt à mettre tel
ou tel officier à la retraite. Ainsi, un colonel qui aura 30 années de service
sera mis de côté précisément parce qu’il aura pris part à la révolution. Je ne
veux pas donner la main à de pareilles choses. Si l’amendement de M. Gendebien
n’est pas admis, je voterai contre l’article entier.
M. Lebeau.
- Je voudrais une explication. M. le ministre vient de dire que les 30 années
dont il est question dans l’article 2 sont non compris les campagnes. Cette
explication me semble contraire à celle qui a été donnée à l’article premier,
car on a dit que l’expression 40 années de service comprenait les campagnes. Il
doit en être de même ici, à moins que le mot effectif n’implique l’exclusion
des campagnes.
M. le
ministre de la guerre (M. Willmar). - Précisément.
M. F. de Mérode. - Quand on parle
de mesures favorables à l’armée, on entend à l’armée prise dans son ensemble.
S’il s’agissait seulement des intérêts des individus qui appartiennent à
l’armée, il serait possible que le système de M. Dumortier serait préférable,
mais nous ne devons nous occuper que de l’intérêt de l’ensemble de l’armée,
parce que l’intérêt de l’ensemble de l’armée est en même temps l’intérêt du
pays.
Si
un officier pouvait rester dans l’armée quand ses services ne sont plus utiles
au pays, sans doute il serait très favorisé ; il serait très agréable pour lui
de rester bon gré mal gré au service. Mais si cela est contraire à l’intérêt du
pays, vous devez donner au gouvernement le droit de mettre cet officier à la
pension.
Personne
ne s’avoue que l’âge a affaibli ses facultés. On ne se rend pas justice. Je
connais des hommes qui se croient encore très aptes à remplir des fonctions, et
qui cependant ne le sont pas.
Quant
à la crainte manifestée par l’honorable préopinant de voir écarter les
officiers qui ont pris part à la révolution, elle n’est pas fondée ; car, dans
12 ou 15 ans que la loi que nous faisons sera mise à exécution, la révolution
grandissant de jour en jour dans l’esprit public, il sera difficile d’attaquer
les hommes qui y auront pris une part spéciale.
M.
Gendebien. - L’honorable rapporteur de la section
centrale avait cité l’article 27 comme pouvant présenter une garantie
suffisante coure l’abus qu’on pourrait faire de l’article. 2. Mais il a senti
et il n’a pas tardé à convenir que cette garantie n’était pas suffisante,
puisqu’il m’a fait l’honneur d’appuyer mon amendement. En effet, cet article 27
ne signifie rien. La seule garantie que donne cet article, c’est que les
arrêtés seront motivés et insérés au Bulletin
officiel ; or, nous savons quelle est la valeur des motifs d’un arrêté.
Quand il a été question de la décoration de l’ordre civil arrachée à la chambre
malgré la constitution, on a offert comme garantie contre les abus possibles la
condition que les arrêtés conférant la décoration seraient motivés. Eh bien,
quels sont les motifs qu’on donne, quand on confère la décoration de l’ordre
civil qui est déjà un abus en elle-même devant le texte de la constitution ?
« Pour services rendus. » Quand il s’agira de mettre à la retraite un
officier malgré lui, on se servira d’un motif aussi banal.
Je
ne vois pas pourquoi les ministres prendraient plus de peine pour motiver une
mise à la retraite, qu’ils n’en prennent pour motiver un arrêté conférant une
décoration d’abord repoussée par la majorité de la chambre, et qui n’a été
admise après tout que par vous savez quel tour de passe-passe. Pardonnez-moi
l’expression.
Cette
décoration ayant été rejetée énergiquement par la chambre comme par la
constitution, c’était une raison puissante pour les ministres d’être très
circonspects dans leurs choix et surtout de les bien motiver ; mais on ne s’est
jamais donné cette peine. Il en sera à plus forte raison de même pour les
arrêter de mise à la retraite.
Quel
inconvénient signale-t-on pour repousser l’amendement que je propose et que je
considère comme la seule garantie contre les abus auxquels peut donner lieu
l’article 2 tel qu’il est conçu ? On n’en signale aucun. Mais on veut pouvoir
faire en Belgique ce qu’on fait en France ; voilà le seul inconvénient de mn
amendement. Il faut en Belgique les mêmes dispositions qu’en France ; parce que
le gouvernement belge ne vaut pas mieux que le gouvernement français ; tous les
gouvernements se ressemblent.
Le
ministre de la guerre vous a dit que, si ma proposition était admise, on ne
pourrait jamais mettre à la retraite, après 30 ans de service, un officier qui
serait hors d’état de continuer à servir, parce que chacun désire conserver sa
position, que personne ne conviendrait de ses infirmités ; que par conséquent
il y aurait impossibilité d’appliquer la mesure.
C’est
là une erreur grave ; je ne sais pas comment le ministre a pu la commettre.
Quand un officier sera dans l’impossibilité de faire son service par suite de
maladie chronique qui ne lui laissera plus d’espoir de remplir activement et
utilement ses fonctions, je compte assez sur l’honneur des officiers belges
pour penser qu’il demandera lui-même sa retraite. Mais en supposant que nos
officiers n’aient pas cette délicatesse, supposition que je repousse de toutes
mes forces, si, dis-je, des officiers n’avaient pas, comme le suppose le
ministre, la délicatesse de demander à être mis à la retraite quand ils ne sont
plus capables de faire leur service, leurs chefs sont là pour exiger qu’ils
remplissent leurs devoirs et pour les punir s’ils ne le font pas. Si les
punitions s’accumulent, vous êtes armés d’une loi qui vous donne le droit de
les mettre en disponibilité, en non-activité, et même en traitement de réforme.
Vous avez toutes les armes nécessaires contre le mauvais vouloir, s’il y a
mauvais vouloir, ou entêtement de la part d’un officier qui doit légalement
être mis à la retraite, ces lois suffisent, un nouvel élément d’arbitraire et
inutile.
Le
remède que je propose est une garantie contre les abus, et ne peut présenter
aucun des inconvénients signalés par le ministre de la guerre.
On
vous a dit, messieurs, que quand on s’occupait des intérêts de l’armée, il
fallait s’occuper de l’ensemble de l’armée. De l’ensemble de l’armée ! Je le
veux bien. Mais qu’est-ce qui compose l’ensemble de l’armée ? Ce sont toutes
les individualités qui en font partie ; et croyez-vous que vous ne manquez pas
à toute l’armée quand vous mettez en doute les droits des officiers de tous
grades, quand vous soumettrez chacun d’eux aux caprices ministériels ? Mais
vous attaquez l’ensemble de l’armée en mettant en péril la position de chacun
des membres qui la composent. Vous y jetez la défiance et des germes dangereux
de dissolution.
Ainsi
je prie M. de Mérode de remarquer que s’il veut satisfaire les besoins de
l’ensemble de l’armée, il doit satisfaire les besoins des individus qui la
composent ; et le premier besoin de tous, c’est la justice, c’est un abri
contre l’arbitraire.
Quant aux officiers de la révolution, dont on a fait
mention, je n’avais pas cru devoir en faire une catégorie spéciale, bien que
sous le rapport de l’arbitraire ils aient toujours été traités dans une
catégorie spéciale. J’ai plaidé la cause de tous. Mais il est évident qu’il est
un grand nombre d’officiers de l’armée qui sont l’objet d’investigations, de
récriminations et de molestations de toute espèce, et ces hommes n’ont pas
attendu 10, 15 ou 20 ans pour avoir 30 ans de service comme on vous l’a dit ;
il en est qui ont déjà 50 années de service, il en est de même qui ont déjà 30
années de service. Mais, je le répète, je ne veux pas faire de catégorie ; je
défends ici tous les officiers de l’armée, parce que tous peuvent se trouver un
jour dans ces disposions générale de la loi : tantôt parce que telle opinion
dominera dans le ministère, tantôt parce que telle autre opinion y sera toute
puissance ; je ne veux pas que les exemples de bascule de 1831 se reproduisent.
Que l’armée le sache bien : toutes les catégories d’officiers sont exposées à
l’abus que j’ai signalé dans l’article 2 ; c’est ce que je veux éviter par mon
amendement.
M. le
ministre de la guerre (M. Willmar). - L’interprétation
du mot « effectifs » est une chose généralement admise ; quand on dit
: « services effectifs, » on dit services réels quant au temps. Lorsque l’on
dit simplement « services, » sans joindre le mot
« effectif, » cela veut dire services, comme on les compte, en
doublant les années de campagne. Je crois donc que l’on peut laisser la
rédaction.
Je
répondrai ensuite à M. Gendebien que ma conviction intime est que le
gouvernement a besoin d’avoir la faculté demandée dans l’article 2, parce que
s’il ne l’a pas, il est exposé à devoir laisser dans l’armée des hommes qui ne
peuvent plus lui rendre aucun service, et qui pourraient s’y multiplier de
telle sorte que l’armée s’en trouverait paralysée.
Mais,
dit l’honorable membre, on peut mettre à la pension des officiers uniquement
parce que l’on serait mécontent d’eux : je reconnais la possibilité de l’abus ;
mais je dirai qu’il n’est pas autant à craindre pour les pensions de retraite,
que la faculté de mettre en disponibilité, à la non-activité et au traitement
de réforme qui est bien plus grave ; cependant la législation accorde cette
faculté au gouvernement. L’honorable orateur invoque cette législation pour
forcer à servir des officiers qui montreraient de la mauvaise volonté ; mais ce
serait prendre une mesure contraire au bien du service ; ce serait obliger les
chefs à employer toute leur activité à stimuler des hommes qui ne voudraient
pas aller.
Ce sont là des moyens de rigueur que l’on
n’emploie qu’avec regret et qui ne produisent rien de bon.
La
disposition est présentée dans l’intérêt général de l’armée et les abus en
seront, j’en suis sûr, très rares. Si les membres de la chambre voulaient se
rappeler plusieurs discours prononcés pendant la discussion des budgets, ils
verraient que cette disposition est conforme aux opinions émises alors.
L’honorable
M. Dumortier a dit qu’entre le gouvernement et les officiers, il devait y avoir
des droits parallèles ; mais l’article renferme cette condition. Il est évident
qu’on doit pouvoir mettre à la retraite un officier qui après 30 ans n’est plus
capable de servir.
On
a érigé une commission d’officiers supérieurs pour examiner les titres des
officiers demandant leur retraite ; c’est sur l’avis de cette commission que
les pensions sont accordées, les officiers sont des juges naturels.
M.
Verhaegen. - Le ministre de la guerre nous dit que dans
quelques circonstances l’article 2 peut donner lieu à des abus ; je ne pense
pas que nous ayons à les craindre pour le présent ; mais nous disposons pour
l’avenir, et je ne suis pas d’avis d’adopter l’article 2 comme il est.
S’il
y avait une autorité quelconque qui reconnût quand un officier après 30 ans de
service est incapable, j’admettrais cet article 2 ; on pourrait en former une
avec des gens de l’art.
-
L’amendement de M. Gendebien, mis aux voix, n’est pas admis. L’article 2 est
ensuite mis aux voix et adopté.
«
Art. 3. Le Roi a aussi la faculté de mettre à la pension de retraite les
militaires qui se trouvent dans le cas de l’article premier, et ceux qui ont
atteint l’âge de 55 ans accomplis. »
M.
Verhaegen. - Je pense, messieurs, que cet article doit
nécessairement subir des changements, surtout par suite de l’amendement qui a
été introduit dans l’article premier. Dans l’article 3, la particule
« et » est disjonctive, c’est-à-dire qu’il donne au Roi la faculté de
mettre à la pension de retraite les militaires qui se trouvent dans le cas de
l’article premier, et, en outre, ceux qui ont seulement atteint l’âge de 55 ans
accomplis. L’article premier exige deux choses pour que le militaire ait droit
à la pension de retraite : qu’il ait autant d’années de service et de plus 55
ans d’âge ; l’article 3, au contraire, accorde au gouvernement la faculté de
mettre à la retraite les militaires qui se trouvent dans l’un de ces deux cas ;
il me paraît qu’il serait juste de mettre sur la même ligne la faculté de
mettre à la retraite et le droit de demander cette retraite.
M. le ministre de la guerre (M.
Willmar). - Cette disposition qui accorde au gouvernement
la faculté de mettre d’office à la retraite les officiers qui ont atteint 55
ans d’âge, ne se trouvait pas dans le projet primitif du gouvernement ; elle a
été introduite par la section centrale, mais il me paraît que dans l’intérêt du
service elle devrait être adoptée, car il se peut qu’à l’âge de 55 ans un homme
ne soit véritablement plus en état de servir, quelle que soit d’ailleurs la
durée du temps pendant lequel il a fait partie de l’armée. Toutefois j’ai
proposé, au titre de la fixation des pensions, un amendement dans lequel on
trouvera un correctif équitable à ce qui pourrait déplaire dans le droit
accordé au gouvernement, de mettre à la retraite pour cause d’âge ; par cet
amendement je propose d’établir que dans le cas où l’officier est mis à la
retraite par le seul motif qu’il a 55 ans d’âge, la pension ne pourra jamais
être au-dessous du minimum des pensions accordées, quelle que soit la durée du
service du militaire mis à la retraite. Je crois qu’avec cette disposition
l’article en discussion peut être adopté sans inconvénient, et dans l’intérêt
du service il est très utile qu’il le soit.
M. Verhaegen.
- Il est évident, messieurs, que aucun cas l’article 3 ne peut rester tel qu’il
est, car il avait été rédigé pour être en rapport avec l’article premier
proposé par M. le ministre, et cet article ayant été amendé, il est nécessaire
que l’article 3 le soit également ; comme l’a fort bien dit l’honorable M.
Dumortier, il faut ici un engagement réciproque, il fait que tout le monde soit
mis sur la même ligne ; lorsque l’officier ne peut obtenir, sur sa demande, la
pension de retraite que quand il se trouve dans tel cas, il est raisonnable que
la retraite ne puisse lui être imposée que quand il se trouve dans un cas semblable.
Je propose donc à la chambre de retrancher de l’article 3 les mots : « et
ceux qui ont atteint l’âge de 55 ans accomplis. »
M. de Jaegher. - Il me semble,
messieurs, que l’amendement introduit dans l’article premier ne doit changer en
rien la disposition de l’article 3. En effet, que trouve-t-on dans cet article
? D’abord la faculté de mettre à la retraite les officiers qui ont 40 années de
service et 55 ans d’âge, et en deuxième lieu la faculté de mettre encore à la retraite
ceux qui n’ont pas 40 années de service, mais qui ont 55 ans d’âge ; si l’on
retranchait cette dernière disposition, il en résulterait qu’un officier ne
pourrait être mis à la retraite que quand il aurait 40 années de service,
quelque avancé que fût son âge. Eh bien, messieurs, j’ai beaucoup de
considérations pour l’âge ; mais je vous avoue que la carrière militaire étant
celle qui exige le plus de vigueur, le plus de forces physiques, il me paraît
qu’un officier qui serait âgé de plus de 55 ans et qui serait jugé par le
gouvernement incapable de continuer son service, devra nécessairement l’être ;
car le gouvernement n’ira pas, contre l’intérêt du service, mettre de côté des
hommes qui peuvent encore être utiles ; cela n’est pas à craindre ; ce qui est
à craindre, c’est de voir surtout les grades subalternes, occupés par des
hommes d’un âge trop avancé pour qu’ils puissent encore remplir convenablement
leurs fonctions. Par ces motifs, j’adopterai la disposition de l’article 3,
contre laquelle réclame l’honorable M. Verhaegen, et qui dans l’intérêt du
service doit être conservée.
M. Lebeau.
- Je crois, messieurs, que si M. le ministre veut mettre l’article 3 en
harmonie avec l’amendement qui a été introduit dans l’article premier, il
devrait modifier la rédaction de l’article 3 ; je crois que cet article devrait
être conçu dans les termes suivants, que je soumets à l’appréciation de M. le
ministre :
«
Le Roi a aussi la faculté de mettre à la pension de retraite les militaires qui
ont 40 années de service, et ceux qui ont atteint l’âge de 55 ans. »
M. le ministre de la guerre (M. Willmar).
- Je trouve que l’amendement proposé par l’honorable M. Lebeau est défavorable aux
officiers, qu’il aggrave leur position, et que par conséquent il ne faut pas
l’admettre ; l’article premier ne donne le droit d’avoir une pension qu’aux
militaires qui ont 40 années de service et en outre 55 ans d’âge ; tandis que
l’article 3 donnerait au gouvernement la faculté de mettre les officiers à la
retraite, quand ils auraient soit 40 années de service, soit 55 ans d’âge ; on
donnerait donc au gouvernement un avantage qu’on n’a pas donné aux intéressés ;
cela ne doit pas être, et il vaut mieux adopter la disposition que j’ai
présentée et qui met le gouvernement et les intéressés sur la même ligne, tout
en permettant au premier de mettre à la retraite les officiers qui par leur âge
sont incapables de continuer utilement leur service.
M. Lebeau. - Je n’entends pas
insister pour l’adoption de mon amendement ; je l’avais seulement présenté
parce que je le croyais de nature à mettre l’article 3 en harmonie avec
l’article premier, modifié par la chambre. Quant à la question de prérogative
du gouvernement, j’en laisse volontiers l’appréciation à M. le ministre de la
guerre.
Je
déclare par conséquent retirer ma proposition.
M. Dubus (aîné).
- Il me semble, messieurs, que l’amendement proposé par l’honorable M. Lebeau
ne changeait aucunement la portée de l’article 3, il ne faisait que rendre la
rédaction plus claire. Si nous adoptons l’article tel qu’il est, quelle en sera
la portée ? D’après l’opinion de M. le ministre il en résultera que le roi pourra
mettre à la retraite les militaires de tout grade qui ont 40 années de service
et ceux qui ont atteint l’âge de 55 ans ; c’est ainsi aussi que je comprends
l’article. Eh bien, la rédaction de M. Lebeau ne fait qu’exprimer cela d’une
manière plus claire. Si maintenant l’on veut restreindre la faculté de mettre à
la retraite au seul cas où l’officier aurait tout à la fois 40 années de
service et 55 ans d’âge, il en résulterait que quand un militaire qui n’aurait
pas l’âge de 55 ans, demanderait la pension de retraite on ne pourrait pas la
lui accorder : c’est précisément là ce que la chambre n’a pas voulu quand elle
a adopté l’amendement proposé à l’article premier.
Je
ne sais donc pas pourquoi M. le ministre repousse la proposition de l’honorable
député de Bruxelles, qui me paraît uniquement porter sur la rédaction sans
changer le moins du monde la portée de l’article.
M. le
ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs,
l’article premier, avec l’amendement de la commission, est celui-ci : « Les
militaires de tout grade ont le droit d’obtenir une pension de retraite
lorsqu’ils ont 40 ans de service et 55 ans d’âge. » Ils ne peuvent
l’obtenir plus tôt, si ce n’est dans des circonstances spéciales, comme, par
exemple, lorsqu’un militaire n’a que 30 ans de service, et qu’il est hors
d’état de continuer à servir. Le seul cas, je le répète, où le droit absolu
existe pour les militaires, c’est celui où ils ont 40 ans de service et 55 ans
d’âge ; voilà le résultat de l’amendement de la commission.
L’article
premier consacre donc seulement les droits des militaires ; l’article 3 a pour
objet de dire que dans le même cas où les militaires de tout grade ont un droit
absolu à l’obtention de la retraite, le gouvernement a aussi le droit de la
leur donner.
L’article
a également pour objet d’attribuer au gouvernement la faculté de mettre à la
retraite, lorsqu’il existe seulement la condition de 55 ans d’âge, abstraction
faite de toute durée de service. Voilà donc en quoi l’article 3 diffère de l’article
2.
L’intention de M. Lebeau, en proposant son
amendement, me paraît être que le gouvernement ait le droit, d’abord d’accorder
une pension aux officiers dans les mêmes cas que ceux où le militaire a le
droit absolu de l’exiger ; en second lieu, de donner cette pension lorsque la
condition d’âge seule existe. (M. Lebeau
fait un signe négatif.)
Puisque
telle n’est pas la pensée de M. Lebeau, je dirai que son amendement serait plus
défavorable à l’armée que ne l’est l’amendement qui vient d’être adopté, parce
qu’il en résulterait que le gouvernement aurait le droit de mettre un officier
à la retraite après 40 années de service sans qu’il ait rempli la condition
d’âge ; tandis que d’après l’article premier, tel qu’il est conçu, le
gouvernement ne peut pas mettre à la retraite un officier qui a 40 ans de
service, s’il n’a en même temps 55 ans d’âge.
M.
Lebeau. - Messieurs, j’avoue que je ne suis pas
d’accord avec M. le ministre de la guerre dans ce qu’il veut aujourd’hui ; mais
je suis parfaitement d’accord avec ce qu’il voulait hier, et avec ce qu’il
voulait tout à l’heure, alors qu’on n’avait pas encore admis l’amendement qu’il
a repoussé. Il est certain que si vous voulez mettre l’article en parfaite
harmonie avec l’article amendé, il faut adopter l’article tel que M. le
ministre de la guerre vient de l’indiquer. Mais je crois que par mon amendement
je restitue au gouvernement le droit qu’il avait sollicité hier, et qu’il a
perdu en partie par l’amendement qui vient d’être adopté, Car, que demandait M.
le ministre de la guerre avant l’adoption de cet amendement ? Il demandait à
pouvoir mettre à la retraite dans deux cas, à savoir lorsqu’il y avait 40 ans
de service, ou lorsqu’en l’absence de 40 ans de service, il y avait 55 ans d’âge.
M. le ministre de la guerre est conséquent avec l’amendement qui a prévalu,
mais il ne l’est plus avec lui-même ; le ministre de la guerre d’aujourd’hui
est en contradiction avec le ministre de la guerre d’hier.
Je crois pour ma part
qu’on peut donner au gouvernement le droit de mettre à la retraite, lorsqu’il y
a 40 ans de service et un âge indéterminé ; ou bien, lorsqu’il y a 55 ans
d’âge, sans qu’il y ait 40 ans de service. Si M. le ministre repousse ce
système, je n’ai pas mission de le soutenir, et je n’insisterai pas davantage.
M. le
ministre de la guerre (M. Willmar). - C’est uniquement
parce que l’article premier a aggravé la position des militaires, que je crois
devoir renoncer à la faculté d’établir un droit corrélatif qui ne serait plus
en proportion avec le droit que l’article premier attribue aux militaires.
M.
Devaux. - L’article 3, tel qu’il est rédigé, n’est pas
adoptable ; c’est à la fois une énigme et un non-sens. En effet, que dit cet
article ? Il donne au gouvernement la faculté de mettre un officier à la
retraite, lorsqu’il se trouve dans le cas de l’article premier ou lorsqu’il a
55 ans d’âge. Qu’entend-on par le cas de l’article premier ? Est-ce la
disposition qui concerne les 40 ans de service ? ou bien est-ce celle qui se
rapporte aux 55 ans d’âge, au bout desquels l’officier vient exiger une pension
? Evidemment, il y a là obscurité.
Ce
n’est pas tout. L’article, tel qu’il est rédigé, est un non-sens. En effet,
vous dites : pour que le gouvernement puisse mettre un officier à la retraite,
il faut qu’il ait 40 ans de service, ou deuxièmement qu’il ait 55 d’âge ; vous
ajoutez donc un secundo qui se trouve déjà dans le numéro primo.
Il est très difficile de discuter simultanément
quatre projets, car nous sommes en présence de quatre projets. Aussi, je vous
avoue que quand on a voté l’article premier, j’ai cru devoir m’abstenir. Je le
répète, l’article 3 s’il reste tel qu’il est, est très obscur ; le cas de
l’article premier est une chose à éclaircir.
Venant
au fond de la question, je dirai que pour ma part je pense que l’amendement de
la commission qui a été adopté ne change rien. Si le gouvernement a eu des
motifs plausibles pour réclamer le droit de mettre à la retraite, d’un côté
l’officier qui a 40 ans de service, sans remplir la condition d’âge, et de
l’autre l’officier qui a 55 ans d’âge, sans avoir servi pendant 40 ans, ces
motifs existent encore. Bien qu’on ait donné au gouvernement le droit de
refuser la pension dans tel ou tel cas, cela ne change rien à l’article 3. Je
ne vois pas la raison de l’alternative qu’on propose, je désirerais qu’on me la
fît connaître.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar).
- J’avoue qu’il doit résulter en général de l’obscurité du nombre de projets
qui se trouvent en présence ; mais je ne puis admettre que cette obscurité
existe dans l’article 3. Cet article porte : « Le Roi a aussi la faculté
de mettre à la pension de retraite les militaires qui se trouvent dans le cas
de l’article premier et ceux qui ont atteint l’âge de 55 ans accomplis, »
c’est-à-dire que le Roi aura aussi la faculté de mettre à la pension de
retraite les militaires ayant 40 ans de service et 55 ans d’âge, et ceux qui
auront 55 ans d’âge, quel que soit leur temps de service. Je ne pense pas qu’il
puisse s’élever de doute sur la signification de cet article. Il veut dire cela
et il ne veut dire que cela.
Quant
aux raisons qui avaient porté le gouvernement à avoir la faculté dont il s’agit
dans cet article, ce sont celles qui ont été développées à propos de l’article
2 par lequel le gouvernement a demandé la faculté de mettre à la retraite des
officiers hors d’état de continuer à servir, dans l’intérêt des besoins
généraux du service.
Cependant,
comme on a aggravé la position des militaires à l’article premier, je pense que
le gouvernement a une action suffisante pour ne pas laisser dans les rangs de
l’armée des officiers incapables de servir. L’article 2 lui donne le droit de
mettre à la retraite les officiers ayant 30 ans de service effectif, quel que
soit leur âge, qui seront reconnus hors d’état de continuer à servir, il suffit
que l’article 3 lui donne la faculté de mettre à la retraite les officiers
ayant 55 ans d’âge, abstraction faite du temps de service.
M. Donny.
- Il n’y a pas de non-sens dans l’article 3, mais il y a une redondance.
L’article 3 donne au gouvernement le droit de mettre à la retraite l’officier ayant
55 ans d’âge, quelle que soit la durée de son service, et ensuite l’officier
ayant 40 ans de service et 55 ans d’âge. Or, s’il peut mettre à la retraite
l’officier ayant 55 ans d’âge, quelle que soit la durée de son service,
qu’a-t-on besoin d’ajouter qu’il a aussi le droit de mettre à la retraite celui
qui, outre ses 55 ans d’âge, a 40 ans de service. Il suffit de donner au
gouvernement par l’article 3 la faculté de mettre à la retraite les militaires
ayant 55 ans d’âge.
M. de Muelenaere.
- J’avais demandé la parole pour présenter la même observation, que l’honorable
préopinant.
D’après
l’article premier, les militaires ont droit à la pension quand ils ont 40 ans
de service et 55 ans d’âge. Remarquez que la condition ne se trouvait pas dans
l’article premier tel qu’il avait été proposé. C’est par amendement qu’on a
exigé que le militaire, pour avoir droit à la retraite, eut, outre les 40 ans
de service, 55 ans d’âge. Quand l’article premier se bornait à exiger 40 ans de
service pour le droit à la retraite, la rédaction de l’article 3 était plus
claire. Mais aujourd’hui le gouvernement réclame le droit de mettre à la
retraite le militaire ayant 55 ans d’âge, n’importe la durée de son service ;
n’eût-il que 10 ans de service, le gouvernement demande à pouvoir le mettre à
la retraite, s’il a 55 ans d’âge.
Il
devient inutile pour le droit du gouvernement de parler des années de service,
puisqu’il réclame un droit indépendamment des années de service. Vous ne devez
pas fixer l’âge auquel vous voulez donner au gouvernement le droit de mettre un
militaire à la retraite malgré lui. Il faut réduire l’article à la partie qui
détermine cet âge, et supprimer le reste.
M.
Verhaegen. - On a fini par où j’avais commencé ; j’ai dit
que l’article 3 ne pouvait pas rester tel qu’il était après l’amendement adopté
à l’article premier. C’est évident ; c’est ce que vient de prouver M de
Muelenaere. Dès que l’âge suffit pour donner au gouvernement le droit de mettre
un militaire à la retraite, inutile de dire qu’il aura également ce droit quand
outre l’âge déterminé, le militaire aura un certain nombre d’années de service,
car le plus comporte le moins. Il n’y a pas l’ombre d’un doute.
Après
ces observations, j’en viens à mon amendement. M. le ministre de la guerre,
répondant à M. Devaux, a dit que par un sentiment d’équité, il voulait mettre
les officiers dans cette position que la justice réclamait, qu’il voulait leur
donner l’équivalent des obligations qu’on leur imposait. Je rends hommage à ces
motifs d’équité exprimés par M. le ministre de la guerre, et je pense qu’ils
vous engageront à adopter l’amendement dans lequel je persiste.
Les
officiers ne peuvent demander leur retraite que pour autant qu’ils aient 40 ans
de service et 55 ans d’âge. D’après le projet du gouvernement, il suffisait de
40 ans de service pour avoir droit à la retraite. En ajoutant la condition de
55 ans d’âge, on a traité les militaires moins favorablement qu’ils ne
l’étaient d’abord ; c’est par un sentiment de justice et pour les dédommager,
que M. le ministre propose à borner l’article 3 à donner au Roi le droit de
mettre à la pension de retraite les militaires qui ont atteint l’âge de 55
accomplis. Mais pour rétablir cet équilibre, pour mettre les officiers dans la
position où on avait voulu les placer, il faut que les obligations soient en
rapport avec les droits.
L’officier n’a le droit de réclamer la pension
de retraite qu’autant qu’il ait 40 ans de service et 55 ans d’âge ; il ne faut
donner à d’autres la faculté de le mettre à la retraite que dans les mêmes
circonstances. Il faut alors que les deux conditions soient réunies et non
qu’on les divise. D’un côté le « et » serait disjonctif, et de
l’autre il serait conjonctif : il faut que dans les deux cas il soit
conjonctif, il faut que le gouvernement ne puisse mettre un officier à la
retraite que dans les conditions où celui-ci a le droit de la demander.
Je
demande qu’on supprime de l’article 3 les mots : « et ceux qui ont atteint
l’âge de 55 ans accomplis. »
M. le ministre de la guerre (M.
Willmar). - L’article premier exige que les militaires,
pour avoir droit à la pension de retraite, aient 40 ans de service et 55 ans
d’âge. Je désirerais qu’il y eût réciprocité quant au gouvernement,
c’est-à-dire que le gouvernement n’eut pas le droit de mettre à la retraite des
officiers ayant 40 ans de service s’ils n’ont pas 55 ans d’âge ; mais je crois
qu’à 55 ans d’âge, quelle que soit la durée du service, il peut être nécessaire
de mettre un officier à la pension. Cela doit être d’une manière absolue. Mais
comme on a enlevé aux militaires le droit de demander la pension quand ils ont
40 ans de service s’ils n’ont pas 55 ans d’âge, le gouvernement peut renoncer
au droit de donner la pension aux officiers qui auraient 40 ans de service, ou
qui n’auraient pas 55 ans d’âge.
Après
tout, si le gouvernement peut donner la pension à un militaire ayant 55 ans
d’âge, la question du temps de service est peu importante.
M. Desmaisières. - La chambre
devrait adopter l’article 3 tel qu’il est rédigé, si elle avait adopté
l’article premier primitivement proposé, mais maintenant elle doit se borner à
admettre l’article 3 tel que l’a sous-amendé M. Donny, car l’article premier
voté au commencement de la séance confère aux militaires le droit d’exiger leur
pension quand ils ont 40 ans de service et 55 ans d’âge. Or, si on maintenait
la rédaction de l’article 3 telle qu’elle est proposée par le ministre, il s’en
suivrait qu’il y aurait dans la loi un véritable pléonasme. On dirait deux fois
la même chose : d’abord que le Roi aurait la faculté de mettre à la pension de
retraite les militaires qui se trouvent dans le cas de l’article premier,
c’est-à-dire les militaires ayant 40 ans de service et 55 ans d’âge, et ensuite
qu’il aurait la faculté de mettre à la pension de retraite ceux qui ont atteint
l’âge de 55 ans.
Peu
importe, s’il peut mettre à la pension tout militaire ayant 55 ans d’âge, que
les uns aient 40 ans de service ou non, puisque cette faculté de mettre un
militaire âgé de 55 ans à la retraite, est indépendante de la durée du service.
Il
faut se borner à adopter l’article tel que le propose M. Donny, qui n’est que
la reproduction du paragraphe 2 de l’article 3 du projet de la section
centrale.
M. Lebeau. - Je ne sais s’il
est nécessaire d’insister pour faire rejeter l’amendement de M. Verhaegen et
adopter la rédaction proposée par M. Donny. Les opinions paraissent unanimes à
cet égard ; la section centrale et la commission spéciale ont admis, à
l’unanimité, le principe de l’article 13.
Qu’arriverait-il,
si on adoptait l’amendement de M. Verhaegen ? Que tel officier entré au service
à 40 ans, j’ai des parents qui sont dans ce cas, ne pourrait être mis à la
retraite qu’à 80 ans. Les conséquences effraieraient l’auteur de l’amendement
s’il les connaissait. Le fait que je viens de citer est une éventualité qui
pourrait se réaliser à la suite de son amendement. Je pense donc, que d’accord
avec la section centrale et la commission spéciale, il faut adopter
l’amendement de M. Donny.
M.
Dubus (aîné). - Pour juger du sens de l’article 3, il faut
le rapprocher de l’article premier, tel qu’il était d’abord conçu, moins la
disposition additionnelle qu’on a adoptée aujourd’hui. Quand je compare ces
deux dispositions, il me paraît certain que l’article 3 attribuait au Roi la
faculté de mettre à la pension de retraite : 1° les militaires qui se
trouvaient dans le cas de l’article premier, c’est-à-dire ayant 40 ans de
service, quel que soit leur âge, et deuxièmement ceux ayant 55 ans d’âge, quel
que soit le nombre de leurs années de service.
Voilà
quel est le sens de la rédaction primitive.
On
me dit que c’est là l’opinion de la commission. Pour la maintenir, il faudrait
adopter la rédaction qu’avait proposée M. Lebeau et qu’il a ensuite retirée.
Il
n’y aurait que ce moyen de maintenir la disposition dans son sens primitif.
Cette rédaction était ainsi conçue :
« Le
Roi a aussi la faculté de mettre à la pension de retraite les militaires qui
ont 40 ans de service et ceux qui ont atteint l’âge de 55 ans accomplis. »
Mais,
dit-on, le gouvernement ne veut plus de cette disposition parce que, dit le
ministre, on a modifié à l’article premier les droits des militaires ; le
gouvernement peut aussi relâcher quelque chose de ce qu’il avait demandé à
l’article 3. S’il en est ainsi, je ne m’y opposerai pas. Mais j’ai besoin ici
d’une explication.
Je
rappellerai que quand je me suis prononcé sur l’article premier, j’ai dit comme
j’entendais cette disposition du projet rapprochée de celles qui suivaient.
J’ai dit que les militaires ayant 40 ans de service et n’ayant pas 55 ans
d’âge, pouvaient demander d’être à la pension et que le gouvernement était juge
de la question de savoir s’il y avait lieu de les admettre. Mais si vous
rédigez l’article comme le propose M. Donny, le gouvernement ne pourra plus
mettre à la pension de retraite les militaires ayant seulement les 40 ans de
service, parce que la condition d’âge ne s’y trouvera pas. Il arrivera ce que
je supposais et ce que supposait la section centrale quand l’amendement a été
proposé à l’article premier.
Que le militaire ayant 40 ans de service pût
avoir la pension, quoiqu’il n’eût pas 55 ans d’âge, mais qu’il ne pût pas
l’exiger. Voilà ce que voulait la section centrale. Avec la rédaction qu’on
propose, ce militaire ne pourra, dans ce cas, ni exiger, ni obtenir la pension.
Si
le gouvernement veut restreindre l’article 3 au cas unique de 55 ans accomplis,
il faudra ajouter que le gouvernement pourra même avant cet âge de 55 ans,
admettre à la pension de retraite les militaires ayant 40 ans de service, quand
ils le demanderont.
Je
crois que, vu l’heure avancée, nous ferions sagement de remettre le vote à
demain ; on pourrait examiner avec plus de maturité le rapport dont nous ne
sommes saisis que depuis ce matin.
M.
Verhaegen. - Je demande la parole pour faire une
observation en réponse à M. Lebeau qui a trouvé dans mon amendement une
contradiction et a prétendu qu’il ferait naître des inconvénients graves. Il a
dit que d’après mon amendement un militaire de 80 ans ne pourrait pas être mis
à la pension de retraite. Je retourne l’amendement contre mon honorable
adversaire et vous verrez quels inconvénients peuvent résulter de la faculté de
mettre à la retraite un militaire ayant 40 ans de service.
Voici
quel serait le résultat de ce système. Un militaire entré au service à 18 ans,
passe 20 ans dans les camps, c’est un militaire consommé, il n’a que 38 ans et
le gouvernement pourra le mettre à la retraite. S’il est entré au service à 15
ans et qu’il ait fait 20 années de campagne, le gouvernement pourra le mettre à
la retraite à 35 ans. Je vous demande si cela est fait pour encourager les
militaires. Vous voyez que l’argument tourne contre son auteur.
Mon amendement ne présente pas cet inconvénient.
Celui cité par l’honorable M. Lebeau peut être évité avec toutes les mesures
qui donnent au gouvernement le moyen d’agir comme il voudra dans un cas
semblable. Il ne faut pas lui donner une arme de plus contre des hommes qui
méritent votre sollicitude.
Si
on voulait suivre les idées de justice qui ont engagé le ministre à abandonner
une partie de l’article 3, pourquoi ne pas aller plus loin que 55 ans ? Si,
d’une part, les militaires ne peuvent demander la pension de retraite que quand
ils ont 40 ans de service et 55 ans d’âge, on pourrait ne donner au gouvernement
le droit de ne les mettre à la retraite qu’à 60 ans d’âge, abstraction faite du
temps du service. Au moins y aurait-il dans cette différence d’âge une espèce
d’équivalent.
M.
Desmaisières. - Comme l’a dit l’honorable M. Dubus, il est
évident que dans le système de la section centrale et de la commission, il
faudrait rédiger l’article 3 comme l’avait proposé M. Lebeau . Mais j’ai dit
tout à l’heure que si la chambre voulait
adopter le nouveau système proposé par le ministre de la guerre, il fallait
admettre la rédaction de M. Donny .
Le
système que le ministre de la guerre a développé tout à l’heure consiste à dire
: J’avais demandé que le militaire eût le droit d’exiger sa pension, dès que seulement il avait 40 années de service. Mais la
chambre a exigé qu’il eût en outre 55 ans d’âge. Maintenant, par suite de cette
aggravation, je demande que la faculté accordée au gouvernement par l’article 3
soit restreinte dans les mêmes limites. Mais MM Donny et de Muelenaere ont fait
observer que dans ce système il suffisait de dire que le gouvernement avait la
faculté de donner la pension quand les militaires avaient 55 ans d’âge. Inutile
de parler de l’article premier, puisque là il fallait toujours la condition
d’âge pour avoir la pension. Mais je dis que si le système de la section
centrale qui est le même que celui de la commission spéciale obtient la
préférence, il faut dire que le Roi aura la faculté de mettre à la pension les
militaires ayant 40 années de service et ceux ayant 55 ans d’âge.
M. le président.
- Voici l’amendement déposé par M. Dubus
(aîné) :
« Il
pourra, même avant cet âge, mais sur leur demande, mettre à la pension ceux qui
auront 40 années de service. »
M. le
ministre de la guerre (M. Willmar). - Je crois entrer
dans l’intention de M. Dubus en proposant une autre rédaction de l’article 2.
Il
serait ainsi conçu :
« Le
Roi a la faculté de mettre à la pension de retraite : 1° sur leur demande les
militaires ayant 40 années de service ; 2° les militaires ayant 30 années de
service effectif, qui seraient reconnu hors d’état de continuer à servir ; 3°
les militaires ayant 55 ans accomplis. »
Plusieurs
membres demandent l’impression des amendements proposés
par M. le ministre de la guerre et le renvoi de la discussion à demain, attendu
l’heure avancée.
MM.
les députés quittent leurs banquettes et la séance est levée.