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Chambre des représentants de Belgique
Séance du dimanche 31
décembre 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à
la chambre
2) Projet de loi
portant le budget du département de la guerre pour l’exercice 1838.
a) Discussion générale.
Nécessité de réviser et de traduire l’ensemble des règlements militaires,
logements militaires (Brabant), remplacement en matière
de milice, congés accordés aux miliciens (houilleurs) pendant la durée de leur
service, règlements militaire en usage (de Man d’Attenrode),
réplique générale (Willmar), remplacement en matière de
milice, respect des obligations religieuses des militaires, logements
militaires (Dumortier), service de santé (Pirmez), logements militaires (Brabant,
Mast de Vries, (+service de santé) Willmar)
b) Discussion des
articles. Etat-major général (nombre de généraux et prérogative du Roi en
matière de nomination) (Willmar, Desmaisières, Dubus (aîné), Willmar, de Brouckere, Dumortier, Brabant, Willmar, Brabant)
(Moniteur belge
n°2, du 2 janvier 1838)
(Présidence de M. Raikem.)
M. B. Dubus procède à l’appel nominal à midi et quart.
M. Kervyn donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction
en est adoptée.
M. B. Dubus fait connaître l’analyse des pétitions suivantes
adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
« Des débitants de boissons distillées et liqueurs, à
Alveringhem, commune située dans le rayon réservé de la douane, demandent qu’il
soit apporté des modifications à la loi du 22 août 1822. »
________________
« Des propriétaires de bois et haies du quartier du
Luxembourg demandent la construction de la route de Stavelot vers
Trèves. »
________________
- Ces deux pétitions sont renvoyées à la commission
des pétitions, chargée d’en faire le rapport.
________________
Le sénat informe la chambre qu’il a adopté le projet
de loi concernant les budgets du ministère des finances, des non-valeurs et
remboursements et des dépenses pour ordre, de l’exercice de 1838.
Le sénat transmet à la chambre la liste des membres du
jury d’examen qu’il a nommés dans sa séance du 30 décembre.
- Pris pour notification.
PROJET DE LOI PORTANT
LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR L’EXERCICE 1838
Discussion générale
M. B. Dubus donne lecture de l’arrêté royal ci-après :
« Léopold, Roi des Belges,
« A tous présents et à venir, salut.
« Sur la proposition de notre ministre de la
guerre,
« Nous avons arrêté et arrêtons :
« Art. 1er. L’intendant eu chef de Bassompierre,
directeur de l’administration au département de la guerre, est nommé
commissaire pour soutenir la discussion du budget du département de la guerre à
la chambre des représentants et au sénat.
« Art. 2. Le présent arrêté sera notifié à MM.
les présidents des deux chambres
« Art. 3. Notre ministre de la guerre est chargé
de l’exécution du présent arrêté.
« Donné à Bruxelles, le 31 décembre 1837.
« Léopold,
« Par le Roi :
« Le ministre
de la guerre, Willmar. »
M. le président. - La discussion sur l’ensemble du budget de la
guerre est ouverte. La parole est à M. Brabant.
M. Brabant. - Messieurs, jusqu’à présent la discussion du budget de la guerre n’a
été qu’une discussion d’allocation de sommes ; l’on a uniquement travaillé à
obtenir sur le chiffre qui était demandé par le gouvernement, des réductions
que l’on croyait pouvoir être faites, sans entraver la marche de
l’administration, sans compromettre les moyens de défendre le pays. La section
centrale s’est bornée les années précédentes à voir quel était l’effectif des
troupes qui était réclamé par le gouvernement, et les réductions n’ont jamais
porté, à l’exception d’un seul article, que sur l’allocation destinée à
l’effectif qui était demandé. Jamais la section centrale n’a opéré la moindre
réduction sur le nombre d’hommes, sur le nombre d’officiers dont le
gouvernement faisait la demande.
L’année dernière seulement la section centrale avait
proposé une assez forte réduction sur le nombre des sous-lieutenants. Cette diminution,
vivement combattue par M. le ministre de la guerre, était cependant bien
au-delà des besoins auxquels on a dû pourvoir dans le courant de cette année,
et la section centrale avait si bien calculé que M. le ministre de la guerre
lui-même est venu vous proposer une réduction du même genre pour 1838.
Mais, messieurs, je crois que cette discussion de
chiffres qui a eu lieu jusqu’à présent n’était pas ce qu’il y avait de plus
essentiel sans doute, il faut de l’argent et des hommes pour défendre le pays,
mais cela ne suffit pas : il faut une bonne organisation, et cette bonne
organisation résulte de bons règlements bien exécutés. Eh bien, ces bons
règlements nous manquent. Si j’avais besoin d’une autorité pour étayer cette
assertion, je la trouverais dans l’ouvrage d’un de nos lieutenants-généraux
lui-même.
En 1834 (du moins l’édition que je tiens en mains est
de cette année), en 1834, le général Goethals disait :
« Les soins, les occupations, les embarras
multipliés dont j’ai été accablé comme chef de corps, faute de savoir où puiser
un mode de conduite qui me permît de ne rien omettre des mesures nombreuses, et
cependant nécessaires, à prendre pour une troupe en marche m’ont porté à
recueillir toutes les règles et instructions concernant la marche des troupes,
éparses dans plusieurs règlements et de les réunir dans cet ouvrage. A toutes
ces règles, qui sont de rigueur, j’ai ajouté différentes mesures de police et
d’ordre qui sont généralement adoptées par les chefs jaloux de les maintenir,
ainsi que d’autres qui sont le résultat de mon expérience, et qui, sans être
ordonnées par les règlements, n’en sont pas moins dictées, les unes aussi bien
que les autres, par l’esprit d’ordre par le bien du service. Je crois, par ce
travail, avoir rendu un grand service à MM. les officiers en général et à MM.
les chefs de corps en particulier. »
Le règlement dont l’absence est ici signalée par un
officier général n’est pas le seul qui nous manque. Nous avons emprunté à la
France, depuis la révolution, trois règlements : le règlement sur les manœuvres
d’infanterie, le règlement sur les manœuvres de la cavalerie et le règlement
sur le service des troupes en campagne : mais messieurs, c’était bien loin de
ce qu’il fallait pour combler les lacunes qui se trouvent dans notre service.
Les règlements sur le service intérieur des troupes
sont singulièrement arriérés ; il n’y a pas un bon officier d’infanterie ou de
cavalerie qui ne regrette les lacunes nombreuses qui se trouvent dans ces
règlements, et le peu d’ordre qui s’y rencontre.
Un officier général, une commission peut-être, se
trouve chargée de la révision de ces règlements ; mais voilà 18 mois, si je
suis bien informé, que cet officier général ou cette commission touche un
traitement pour le travail de la révision dont il s’agit.
Eh bien, il fallait faire en cette circonstance ce
qu’on a fait en ce qui concerne le service des manœuvres de cavalerie et
d’infanterie et le service des troupes en campagne ; il y avait un bon modèle à
emprunter à nos voisins, et puisqu’on lui avait déjà emprunté trois règlements,
on pouvait très bien lui emprunter les autres. Peut-être un officier instruit
n’aurait-il besoin que de 18 jours pour faire, dans les règlements français que
nous n’avons pas suivis jusqu’ici, toutes les modifications nécessaires pour
les adapter à notre service !
Que résulte-t-il de l’absence de dispositions précises
? C’est que chacun hésite dans son commandement, parce qu’il ne connaît pas
bien l’étendue de son droit ; c’est que souvent il y a refus d’obéissance, parce
que l’inférieur, ne reconnaissant pas certains droits à son supérieur, refuse
d’obéir et se trouve souvent avoir raison. Je vais en citer un exemple :
Un conflit s’est élevé entre un commandant d’un corps
de troupe dans une garnison et le commandant de place sur la question de savoir
si le corps devait fournir des soldats pour les représentations théâtrales ; le
commandant de place voulait fournir des soldats, mais les officiers du corps
ont refusé d’obéir en disant que les soldats n’étaient pas faits pour paraître
sur la scène. On s’est adressé à M. le ministre de la guerre qui a donné raison
au commandant de la place ; et dans le même temps qu’arrivait une instruction
du département de la guerre, le lieutenant-général, commandant la division,
donnait raison au chef du corps, en lui défendant d’obtempérer à semblable
réquisition.
Eh bien, il résulte de là des conflits déplorables,
conflits entre le ministre et un lieutenant-général, conflit entre les
officiers inférieurs et les commandants supérieurs : et le supérieur qui a une
fois tort vis-à-vis de son subordonné perd infiniment de la considération qui
est nécessaire pour que les ordres soient exécutés avec zèle et avec
ponctualité.
Messieurs, si nous avons certains règlements et s’il
en manque un grand nombre je dirai que tous les règlements manquent pour la
plupart de nos soldats et de nos sous-officiers. Je vous ai dit qu’on avait
emprunté trois règlements à la France ; il nous en est resté une certaine
partie de la Hollande.
Eh bien, les règlements que nous avons empruntés à la
France sont restés purement et simplement en français ; on ne s’est pas
seulement donné la peine de faire faire une traduction officielle en flamand
pour nombre de sous-officiers et soldats, qui, s’ils avaient eu ces règlements en
langue flamande, auraient pu pousser leur instruction.
Les règlements empruntés à la Hollande sont en
hollandais ; je ne sais (car je ne connais ni le flamand, ni le hollandais), je
ne sais si les Flamands comprennent facilement le texte hollandais.
Plusieurs membres.
- Non !
M. Brabant. - Mais pour ceux qui ne savent ni le flamand, ni le hollandais, il n’y
a pas une seule traduction française officielle, si l’on en excepte le règlement
d’administration de 1819. Que résulte-t-il de là ? c’est qu’il y a constamment
incertitude sut une foule de dispositions.
Il y a une arme spéciale dont tous les règlements
n’ont jamais été publiés qu’en hollandais : c’est l’arme du génie ; toutes les
instructions relatives à cette arme forment une collection de 10 à 12 volumes
(je n’en sais pas précisément le nombre) ; eh bien, il n’y a pas une des
instructions renfermées dans ce recueil qui ait été traduite, même les
conditions générales pour les adjudications des travaux du génie n’ont pas une
traduction officielle.
Et cependant vous devez concevoir que, depuis la
révolution, nous avons plusieurs officiers du génie qui ne savent pas le
hollandais, et la disposition qui a été introduite dans le projet de loi sur
l’école militaire, à l’effet de faire apprendre le flamand à nos officiers, a
même éprouvé une assez forte opposition dans cette chambre.
Je demande donc à M. le ministre de la guerre de
vouloir bien remplir les lacunes qui existent : c’est l’affaire de très peu de
temps ; l’on a d’excellents modèles, et un officier instruit pourra en 15 jours
on trois semaines introduire toutes les modifications nécessaires.
Messieurs, après les règlements, vient l’exécution des
règlements. Je vous ai dit qu’il y en avait fort peu, je ne suis pas surpris
dès lors qu’on fasse peu de chose, à ma connaissance, nous n’avons qu’un seul
règlement qui prescrive la durée du travail d’exercice dans les troupes : c’est
l’ordonnance sur les manœuvres de cavalerie ; l’infanterie n’a rien de
déterminé par mesures générales, et tout le travail est laissé au zèle de MM.
les chefs de corps.
Or, messieurs, des choses de la plus haute importance
sont complétement négligées. La troupe sait fort peu ou ne sait pas marcher. La
troupe n’est jamais exercée au tir des armes à feu. Nous avons dans ce moment,
je ne crains pas qu’on m’accuse d’indiscrétion, car notre ennemi est aussi
instruit que nous de ce qui se passe ; nous avons, dis-je, envoyé dans le
Luxembourg des bataillons dont un grand nombre de soldats n’ont jamais brûlé un
grain de poudre.
Messieurs, quand je signale des négligences pareilles,
je n’attaque ni les officiers, ni les soldats ; car notre armée n’est composée
de Belges et par conséquent de gens de bonne volonté, de gens de cœur qui ne
demandent pas mieux que de se présenter avec honneur à l’ennemi ; mais il y a
une négligence coupable dans les faits que je viens de signaler. Dernièrement,
dans la discussion du projet de loi sur l’école militaire et à propos de l’emplacement
à lui donner, j’ai cité un fait qui n’est pas moins grave, c’est celui d’une
compagnie de siège à Namur qui n’a jamais tiré le canon que pour la naissance
des princes et pour l’arrivée de Sa Majesté quand elle nous fait l’honneur de
visiter nos murs ; elle n’a jamais tiré un coup de canon à boulet. Il est
possible que ce qui s’est passé à Namur se soit passé aussi dans un très grand
nombre de batteries.
Une des charges les plus pesantes pour le pays, c’est
le logement des gens de guerre et on dirait que le gouvernement se plaît à
l’aggraver encore plus qu’elle ne l’est par sa nature. Les troupes ne font que
marches et contremarches, non pour les exercer, pour les faire à la fatigue,
mais pour vexer l’habitant et lui faire payer cette dure contribution. La ville
de Namur en est à sa quatrième garnison d’infanterie pour 1837, et un officier
à qui j’en parlais, il y a environ cinq semaines, me dit : « M. le
bourgmestre, cela n’est pas surprenant, car moi, j’en suis à ma
huitième. »
La discussion du budget de la guerre est venue plus
vite que je ne croyais. Je ne pourrais pas garantir le chiffre dont je vais
parler, mais je crois que la ville de Namur a eu de 8 à 10 mille hommes logés
chez l’habitant dans le courant de 1837. On ne se refuserait certainement pas à
ce logement, s’il y avait nécessité ; mais il est quelquefois imposé sans
aucune nécessité, ou par une nécessité qui ne résulte que de la négligence des
agents du département de la guerre.
J’ai encore un fait particulier à signaler. On a
envoyé un bataillon à Namur, sans prendre aucune précaution pour la fourniture
des effets de couchage nécessaires.
Je crois qu’une compagnie est obligée d’avoir le
matériel pour le couchage. Un membre de l’administration, qui se trouvait seul,
consent à loger ces soldats chez l’habitant ; on les laisse pendant deux nuits,
et pour la troisième on peut les loger à la caserne. On s’adresse
respectueusement à M. le ministre de la guerre, on le prie de faire cesser un
pareil état de choses ; mais comme il est bon de s’aider soi-même,
l’administration notifie que désormais on ne logera plus les troupes qui
viendront pour tenir garnison. Quelques jours après, 80 hommes du même corps
arrivent ; l’administration ayant refusé de les loger chez l’habitant, on
trouva moyen de les loger à la caserne. Savez-vous ce qui arriva du zèle que
les autorités municipales avaient mis à défendre les intérêts de leurs
administrés ? C’est que, par estafette, ordre vint à la majeure partie de la
garnison de quitter Namur et de se rendre à Liége. On alla plus loin, on
déclara en haut que si le gouverneur de la province avait eu de la tête, il
leur aurait dit de se loger militairement, comme cela s’était passé dans le
temps.
Récemment,
lorsqu’on a envoyé des troupes dans le Luxembourg, deux escadrons de cavalerie
arrivèrent à Namur, qui déjà logeait deux ou trois bataillons d’infanterie ;
l’administration communale s’adressa au commandant de la province pour le prier
de faire passer ces escadrons au faubourg ; vous savez que dans une ville il est
difficile de se procurer des écuries ; ceux qui en ont, ont aussi des chevaux,
et on ne déplace pas facilement ses chevaux. Eh bien, ce commandant qu’on
laissait sans instruction, et qui en a pourtant bien besoin, refusa insolemment
à l’administration de satisfaire à cette réclamation. Il dit dans un lieu
public que c’était un moyen de mettre à la raison cette administration
vétilleuse et tracassière.
Messieurs, j’aurais beaucoup d’autres choses à dite, mais
cela ne suffit pas ; non seulement je voterai toutes les réductions proposées
par la section centrale, mais je voterai contre le budget de la guerre quel
qu’en soit le chiffre.
(Moniteur belge
n°3, du 3 janvier 1838) M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, un
profond désir de voir marcher aussi bien que possible les divers services qui
dérivent de l’administration si éminemment importante dont le budget nous
occupe aujourd’hui, m’a engagé à vous communiquer quelques observations qui
pourront peut-être avoir quelque utilité.
C’est du système de remplacement que je vais vous
parler d’abord : les pères de famille peu fortunés, qui ont eu des choix de
remplaçants à faire pour exempter leurs fils du service, savent quels embarras
cela leur a causés.
Les chefs de corps savent aussi tout ce que la classe
des remplaçants occasionne de désordres, d’indiscipline, et, en résumé, de
non-valeurs pour la force morale ou numérique de l’armée.
Il résulte de l’état de choses actuel que des sommes
très considérables sont annuellement dépensées, qu’elles le sont en grande
partie aux dépens de beaucoup de familles médiocres qu’elles ruinent souvent
sans résultat, qu’elles le sont au profit de la classe la moins intéressante de
la société, qui les dissipe pour se livrer à mille excès, et qu’en résumé la
Belgique n’obtient pas des remplaçants le service qu’elle est en droit
d’attendre des remplacés comme de tous ses enfants.
Je m’en vais essayer de vous développer quelle est, à
mon avis, la cause principale de ces graves inconvénients. Cette cause est le
discrédit où est tombée la classe des remplaçants. Le soldat honorable, rangé,
croit déroger par le service de remplaçant. Le milicien, après avoir acquis
l’habitude des armes par trois ou quatre ans de service actif, pour rentrer en
congé indéfini dans ses foyers ne peut pas remplacer d’après la loi ; c’est
cependant le seul moment où il pourrait avoir la velléité de se laisser tenter
par les avantages pécuniaires du remplacement, et quand sa classe devient apte
au remplacement, il a repris l’heureuse habitude du travail et de la vie de
famille, et il rejette loin de lui l’idée de rentrer au service par un ignoble
remplacement. Quels sont donc les éléments qui restent au remplacement ? La
classe la plus désœuvrée, la plus portée au vice, quelques volontaires
congédiés ; et s’il en est quelques-uns dont la conduite précédente a été
raisonnable, la possession subite et inaccoutumée d’une somme d’argent
considérable, le préjugé qui leur persuade qu’ils ont déchu en entrant dans la
classe peu estimée des remplaçants, les jettent dans toute espèce d’excès qui
les conduisent à la déchéance militaire, au grand désespoir des remplacés, et
souvent aux compagnies de discipline.
On m’objectera sans aucun doute que c’est pour parer à
ces inconvénients qu’une société anonyme s’est organisée pour assurer des
remplaçants aux remplacés ; que cette société s’est entendue avec le
gouvernement, afin que le produit des remplacements soit accordé en partie, en
guise de prime, aux miliciens qui consentiront à se réengager. Mais, selon moi,
cette société est loin de satisfaire aux besoins, et cela est si vrai, que la
plupart des personnes qui ont sollicité des remplacements au moyen de cette
société, n’ont pu les obtenir, parce que peu de militaires se sont mis à sa
disposition ; je ne puis attribuer cette pénurie qu’au peu de confiance
qu’inspirent en général parmi le peuple les sociétés de ce genre. Je dirai,
comme notre honorable collègue, M. Rogier, dans son discours à l’occasion du
même budget, l’année précédente, sur la même matière : Pourquoi l’Etat ne
ferait-il pas lui-même ce que promet cette société ? Encourager le service
militaire par des primes de réengagement, au moyen des remplacements, et élever
un hôtel des Invalides avec les bénéfices. Si le gouvernement se chargeait
lui-même de ces opérations, le soldat accepterait plus facilement une prime
considérable qui lui éviterait l’odieux du remplacement ; et je pense, en tous
cas, qu’il est de la dignité du pays que ce soit l’Etat et non une société
anonyme qui se charge de l’honneur d’élever un asile aux braves qui ont
sacrifié leur santé et leur existence à la défense nationale.
Une disposition tendant à rendre profitable à l’armée
les sommes considérables qui proviennent des remplacés et qui sont annuellement
dissipées sans avantage, ne pourrait-elle pas être insérée dans une loi
nouvelle de recrutement ? C’est là une question importante qui devrait être
examinée. J’appelle, en tout cas, l’attention du gouvernement sur la
présentation d’une loi nouvelle sur le recrutement, dont le besoin se fait de
plus en plus sentir, et dont la discussion ne me semble pas devoir être si
épineuse après l’expérience acquise sur cette manière.
Les remplacements militaires m’amènent tout
naturellement à vous entretenir un instant des congés accordés aux miliciens
par le département de la guerre, pendant la durée de leur service actif.
D’après des informations que j’ai lieu de tenir pour
bonnes, il semble que dès que les camps d’exercice sont levés, tous les
militaires qui appartiennent aux travaux de l’extraction de la houille sont
renvoyés dans leurs foyers sur des listes transmises par MM. les industriels.
Cette mesure ne me semble pas dans les règles d’une justice distributive fort
consciencieuse ; car les congés accordés aux charbonniers le sont aux dépens
des ouvriers appartenant à d’autres industries et à l’agriculture, et je ne
vois pas de motifs pour accorder une faveur aux mineurs aux dépens de ceux qui
ne le sont pas.
Il en résulte que l’ouvrier mineur, qui jouit, dit-on,
du privilège de ne travailler que quatre jours par semaine et de gagner 6 ou 7
fr. par jour, a encore celui d’être exempté du service de la milice. Si, au
moins, cela procurait du chauffage à un prix modéré ; mais il n’en est pas
ainsi, et la famille du milicien, qui se trouve privée du travail de son fils,
retenu au service, paie encore le charbon à un prix exorbitant. Ces congés ont
encore d’autres inconvénients : tout le monde veut passer pour houilleur, afin
d’obtenir des congés à longs termes, et il paraît que le département de la
guerre a été quelquefois induit en erreur à cet égard. Il me semble, quant à
moi, que les congés doivent être accordés indistinctement à tous les miliciens
et à tour de rôle.
L’honorable M. Desmaisières nous a appris dans un de
ses derniers rapports, que la révision des codes militaires était presque
terminée ; j’ai été heureux d’apprendre que ce travail en était arrivé à ce
point, et j’espère qu’il pourra être soumis incessamment à la législature, car
il est urgent que la législation militaire en vigueur, qui est bien réellement
barbare, soit modifiée ; c’est ainsi que le soldat qui vend des effets de grand
équipement est puni criminellement comme s’il vendait des objets appartenant à
l’Etat, tandis qu’il ne devrait l’être que disciplinairement, attendu que les
objets qu’il vend lui appartiennent, qu’il ne se fait tort qu’à lui-même, qu’il
ne soustrait pas le bien d’autrui. Il est grand temps qu’un état de choses
pareil cesse d’être en vigueur, et j’espère que la commission rassemblée à cet
effet mettra plus d’empressement à terminer son travail, ne fût-ce que par
humanité.
Les codes ont une connexité trop grande avec les
règlements sur le service intérieur des corps de l’armée pour ne pas en dire un
mot. Je me suis procuré, j’ai parcouru, et j’ai comparé le règlement français
sur le service intérieur des troupes à pied et à cheval avec le règlement belge
sur la même matière. J’ai vu avec regret que la comparaison n’était pas à notre
avantage. Les règlements français mis en vigueur par ordonnance du 2 novembre
1833 sont un modèle de sage prévoyance ; on y trouve décrits avec le plus grand
ordre les devoirs des inférieurs à l’égard de leurs supérieurs, les devoirs
inhérents à chaque situation, les attributions du chef de corps jusqu’au simple
soldat. Les époques et le temps voulus pour l’instruction, la théorie, les
exercices, y sont fixés. Enfin la tenue et les punitions disciplinaires y sont
définies. Quant à nos règlements, ils sont surannés, incomplets, renfermant des
dispositions devenues impraticables ; c’est enfin une mauvaise traduction des
règlements hollandais, qui datent de plus de 25 ans.
Il vous a déjà été dit l’année dernière que nos
colonels sont surchargés de détails administratifs, qu’ils passent leur vie
dans la poussière des bureaux, occupés de détails d’administration, au lieu de
veiller à l’instruction de leurs régiments, et de les faire manœuvrer sur le
terrain. C’est là encore une suite de nos très défectueux règlements, faits
pour le régime hollandais. A cette époque, nos régiments étaient des corps
provinciaux, qui dormaient perpétuellement avec leurs dépôts. Un commandant de
dépôt faisait l’administration ; mais depuis que nos corps ont été mis sur le
pied de guerre, il n’a plus été possible de les tenir réunis à leur dépôt à
cause de leurs changements fréquents de garnison, et à cause des énormes
magasins dont ces dépôts sont encombrés ; les colonels se sont vus ainsi
chargés de détails administratifs, qui privent leurs régiments de soins plus
importants. En France le dépôt, moins encombré de magasins, suit toujours le
régiment tant qu’il ne passe pas la frontière. Un major avec grade de chef de
bataillon est chargé de toute l’administration, un lieutenant-colonel vient
encore décharger le colonel d’autres détails ; ce lieutenant-colonel surveille
la théorie, l’instruction, la discipline, il tient le registre des punitions,
des notes sur la bonne et mauvaise conduite, etc.
En France les
intendants militaires sont, d’après les mêmes règlements, chargés de revues sur
le terrain, chargés de constater si tous les hommes portés sur tes registres de
présence sont réellement présents ; ils sont, en un mot, commissaires aux
revues : en Belgique ils ne sont chargés que du service des subsistances. Je
crois qu’il serait très utile de donner à nos intendants des attributions plus
complètes, et de les charger des revues sur le terrain. Je terminerai ici mes
observations en formant le vœu formel que notre armée soit dotée au plus tôt
d’une ordonnance sur le service intérieur, calquée sur celle de France, en
modifiant les articles contraires à notre organisation fondamentale.
(Moniteur belge
n°2, du 2 janvier 1838) M. le ministre de la guerre (M. Willmar).- D’après
les observations générales que j’avais trouvées dans le rapport de la section
centrale, je ne m’étais pas préparé à prendre une grande part à cette
discussion ; mais la véhémente critique que l’honorable M. Brabant a faite de
la situation de l’armée et de l’inexécution des règlements me force à entrer
dans de longs détails. Je ne reviendrai pas sur la question du complet et de
l’incomplet des cadres, elle a été longuement discutée l’année dernière ; je
n’ai pas caché le point de vue sous lequel j’envisageais la question en
insistant pour maintenir les cadres, je n’ai pas manifesté l’intention de les
remplir ; j’ai dit que je ne voulais procéder qu’avec sécurité et en
connaissance de cause à des promotions, après avoir acquis la certitude que les
propositions seraient bien faites. Ainsi, il n’y a rien de surprenant à ce que
l’incomplet n’ait pas été rempli l’année dernière. Si, au budget de 1838, j’ai
proposé une diminution analogue à celle que la section centrale proposait
l’année dernière, c’est que je trouve une grande différence entre les deux
sources de cette mesure ; émanant du gouvernement, elle ne provoque pas de
découragement, elle ne porte pas atteinte à l’émulation, parce qu’on sait
qu’elle est calculée sur la connaissance vraie, réelle, des besoins de l’armée
et sur la possibilité d’y satisfaire.
Un grand grief contre la situation de l’armée, c’est
l’absence de règlements ; et ce grief a été longuement et vivement articulé
aussi par M. de Man d’Attenrode, en sorte que mes réponses s’adresseront aussi
bien à lui qu’à l’honorable M. Brabant.
Il y a une observation générale à faire sur la
situation de notre armée. Depuis que le pays existe, elle n’a jamais été dans
un état normal, jamais elle n’a été sur le pied de paix, jamais il n’a été possible
de se livrer d’une manière suivit aux travaux d’organisation intérieure. Ce
qu’on a eu pour objet de faire, c’était de pourvoir aux parties d’organisation
qui conduisaient aux dépenses. Ce motif de préférence est facile à saisir,
quant à ce qui tient à l’organisation de l’armée. On a tâché de pourvoir à ce
qui manquait aux règlements. On sait qu’une commission est depuis trop
longtemps sans doute chargée de réviser les codes. Mais si on examine avec
justice les causes qui sont venues entraver les travaux de cette commission, la
perte qu’elle fait tous les ans de plusieurs de ses membres, qui pendant plus
ou moins de temps, pour les réunions de troupes dans les camps, sont forcés de
quitter Bruxelles, on concevra le retard qu’a dû éprouver son travail.
Le règlement de service intérieur n’a pas cessé
d’occuper l’attention des chefs de l’armée. Dans ce moment, le projet de
règlement de police est prêt ; aussitôt que celui sur le service intérieur le
sera, la commission sera chargée d’y mettre la dernière main, et cette
commission ne finira pas en huit ou quinze jours, comme l’a dit M. Brabant,
parce que je ne crois pas qu’un travail aussi considérable puisse être
improvisé ; mais elle s’en occupera avec suite et le terminera dans un temps
très prompt. J’aurai l’occasion de citer à la chambre l’exemple d’une
commission qui a achevé en peu de temps un travail important, et la chambre y
verra le présage que les commissions s’occupent avec une activité suffisante.
On a parlé des règlements, de leur absence, ou de leur
insuffisance ; et l’on a été chercher le fait, arrivé dans la ville de Namur,
d’un conflit à propos des représentations de théâtre. Messieurs, il y a une
première observation à vous faire à cet égard, c’est que dans aucun règlement
il n’existe de disposition positive relative à ce service dans les théâtres.
C’est une chose consacrée par l’usage que les soldats en garnison vont faire
l’office de figurants ; mais cela se fait partout par suite du libre arbitre et
de la bonne volonté des hommes.
Il arrive quelquefois que les chefs de corps ou de
parties de corps ne veulent pas se soumettre à cet usage, et qui alors refusent
des hommes aux commandants de place qui en demandent : ils les refusent sans
donner d’autres motifs que celui-ci : cela ne nous convient pas ; ou bien ils
assurent que leurs hommes ne le veulent pas. Quand ce dernier motif est bien
constaté, il est toujours regardé comme péremptoire ; car on ne force personne.
On regarde comme une chose utile au bon ordre et propre à maintenir la bonne harmonie
qui doit exister entre les habitants d’une ville et les soldats qui y sont en
garnison, la faculté accordée aux soldats d’assister aux représentations
théâtrales comme figurants ; il en résulte d’ailleurs un bien-être pour le
soldat, sans nuire aux devoirs qu’il a à remplir, et ceci mérite d’être pris en
considération.
Quoi qu’il en soit, il est donc arrivé qu’un chef de
corps, à Namur, n’a pas trouvé convenable de laisser figurer des hommes au
théâtre, et de là conflit .On dit qu’il y a eu instruction ministérielle pour
approuver la conduite du commandant de place qui avait demandé les hommes, et
que cette instruction ministérielle aurait eu pour résultat de transformer en
obligation ce qui n’était que d’usage : il y erreur complète sur ce point. Il y
a eu refus d’un chef de corps au commandant de place, et le ministre a déclaré
que le refus d’un inférieur d’obéir à son supérieur devait être réprimé dans
tous les cas. Voilà, dans cette affaire, quelle a été toute l’intervention du
ministre. Mais arrive l’ordre du jour du général auquel appartient la fraction
du corps dont il s’agit et dans cet ordre du jour on rappelle simplement qu’il
n’y a aucune obligation réelle pour le soldat de paraître sur le théâtre s’il
ne le veut pas, et le général remettait au libre arbitre du chef la solution de
la question de savoir si les soldats devaient être figurants ou ne devaient pas
l’être. Dans ce cas j’ai trouvé quelques exagérations dans le libre arbitre
laissé au chef du corps ; j’ai fait remarquer qu’un usage observé dans tous les
pays méritait d’être conservé, et j’ai déclaré que j’approuvais celui qui s’y
soumettait plutôt que celui qui s’y refuserait sans motif grave. Je le répète,
ceci n’est point un article de règlement, c’est un article de simple bon sens,
de convenance, où le règlement n’a rien à faire. Ainsi, ce conflit n’a pas la
gravité qu’on a voulu lui prêter.
On a beaucoup insisté sur l’absence de bonnes
traductions officielles des règlements hollandais, et on a surtout insisté sur
l’absence de pareils règlements pour le corps du génie : je n’assurerai pas
qu’il y ait une traduction officielle de ces règlements, mais à coup sûr il en
existe une.
Elle a été envoyée dans toutes les directions, dans
toutes les places où il y a un officier commandant du génie. J’affirme ce fait
comme le sachant de science certaine, parce qu’en 1830, ayant été appelé au
ministère de la guerre pour être chargé de réorganiser le corps du génie, la
première chose que j’aie faite ç’a été de réclamer cette traduction ; ainsi, officielle
ou non officielle, la traduction existe partout.
Que ce règlement et que les autres règlements doivent
être révisés, c’est ce que nous avons toujours senti. Aussi s’en occupe-t-on.
Si la chambre veut apprécier les griefs articulés
contre l’organisation de l’armée, je la prierai de considérer l’état dans
lequel cette armée se trouve. Quant au corps du génie, je dirai qu’il n’a
jamais été en rapport avec les besoins du service. On l’a composé de personnes
du pays, et ce n’est que par suite d’un grand zèle et d’un travail forcé que ce
corps a pu suffire aux principales exigences du service. C’est parce que le
corps du génie a toujours eu trop d’occupation que le règlement n’a pas été
revu et coordonné avec l’état de choses actuel.
On a dit qu’il n’existait aucune espèce de règlement
pour établir les heures des divers exercices des troupes, et l’honorable M. de
Man d’Attenrode, renchérissant à cet égard sur les assertions de M. Brabant, a
prétendu que les chefs de corps étaient tellement accablés de travaux
administratifs qu’il n’avait pas le temps de s’occuper des manœuvres. Quant aux
heures des exercices des troupes, M. Brabant a dit qu’elles étaient abandonnées
au bon plaisir des chefs de corps. Ceci pourrait être vrai si l’armée n’était
pas organisée sur le pied de guerre. En conséquence de cette situation, chaque
chef de corps a au-dessus de loi un général de brigade ou un chef de brigade ;
les commandants de brigade ont au-dessus d’eux les généraux de division ; et
ceux-ci ont à leur tour au-dessus d’eux le chef d’état-major qui dirige le
service. Les heures des exercices et les heures de travail sont réglées entre
ces diverses autorités qui sont chargées d’y tenir la main.
Quant à l’assertion que les colonels n’ont pas le temps
de s’occuper des manœuvres, je répondrai que nos troupes ont été l’objet des
éloges les plus flatteurs et les mieux mérités de toutes les personnes capables
d’en bien juger, et qui les ont vues au camp : nos troupes ne manœuvreraient pas avec une telle précision si les chefs
n’avaient pas le temps de s’occuper d’elles, et s’ils ne s’en occupaient pas.
Tout ce qui est important pour le service se fait donc
maintenant quoiqu’il n’y ait pas de règlements officiels ; j’avoue qu’il
vaudrait mieux que ces règlements existassent ; je le répète, on s’en occupe,
et ils seront faits.
L’honorable M. Brabant a adressé au département de la
guerre un reproche très grave, selon lui, et qui, s’il avait l’importance que
cet orateur lui attribue, serait une indiscrétion de sa part, quoi qu’il en ait
dit. Il a dit que parmi les troupes parties pour Luxembourg, il y en avait qui
n’avaient pas fait l’exercice à feu.
Il est vrai que, dans la grande généralité des hommes,
il y en a qui n’ont pas fait cet exercice ; mais cela vient de ce que dans les
bataillons on a incorporé les hommes faisant partie du contingent de la levée
de cette année. Et je crois que l’on a très bien fait de ne pas retirer de ces
bataillons les troupes nouvelles : si elles avaient dû se battre, elles se
seraient bien battues, et auraient parfaitement reçu le baptême du feu, j’en
suis convaincu. N’eût-ce pas été une espèce de flétrissure imposée à ces jeunes
soldats que de ne les pas juger capables de bien se conduire devant l’ennemi ?
Le moment serait mal choisi de faire un triage dans les corps ; tous les
soldats veulent marcher, et ils regarderaient comme un affront d’être laissés
en arrière.
On a généralisé le reproche ; on a dit que l’armée ne
brûlait pas une amorce, et que nos soldats n’étaient pas exercés au tir :
messieurs, on les exerce au tir non seulement au camp, mais dans les
garnisons... Vous avez beau faire un signe négatif, il n’y a pas de corps dans
lequel on ne délivre des cartouches soit pour tirer au blanc, soit pour tirer à
balle ; et si ces exercices à feu n’ont pas lieu dans toutes les garnisons,
cela vient de ce qu’on ne trouve pas partout des endroits convenables pour s’y
livrer. Cela est si vrai que ces exercices ont été l’objet de correspondances
entre le ministère et les régences pour fournir les endroits convenables.
On a parlé d’une batterie qui n’avait pas tiré un coup
de canon : ce fait me paraît fort étrange. Voici la règle générale :
Il y a au camp de Beverloo un polygone, et non
seulement les batteries attachées aux corps font des exercices à feu à ce
polygone, mais il y a un autre polygone à … où passent successivement toutes
les batteries, tant de sièges que l’artillerie à cheval.
Ce serait vraiment une chose extraordinaire qu’une
exception en ce genre eût eu lieu pour la seule batterie qui siège à Namur. Les
mouvements de troupes dont on se plaint ont précisément pour cause qu’on fait
aller les troupes dans les lieux où elles peuvent convenablement recevoir
l’instruction dont elles ont besoin.
L’honorable M. Brabant s’est beaucoup plaint des
marches et contremarches des troupes ; il a prétendu surtout qu’elles ont lieu
sans motif. Il me semble vraiment extraordinaire qu’on puisse s’imaginer qu’on
fasse faire des mouvements aux troupes sans motif. J’avoue que l’idée ne m’en viendrait
jamais. Si l’on veut bien réfléchir à la situation de notre armée, on
comprendra facilement la nécessité des mouvements des troupes : ainsi, de tous
les régiments on enrôle chaque année plusieurs bataillons au camp ; la durée
ordinaire du camp est de trois mois ; on la partage en deux périodes, et l’on y
envoie chaque fois 1,000 hommes de manière que 15,000 hommes doivent tous les
ans quitter leurs garnisons, se rendre au camp et retourner chez elles ; il me
semble qu’il y a là un motif assez plausible des marches de troupes et par
conséquent de passage dans les différentes localités qui se trouvent sur leur
route, et par conséquent aussi de logements militaires. Ce mouvement général a
encore des conséquences plus étendues : les garnisons ne peuvent pas rester
vides pendant que les troupes se trouvent au camp ; il faut que d’autres
troupes aillent les remplacer, et voilà encore une raison de mouvements de
troupes. L’économie sévère qu’on cherche à introduire dans les dépenses de
l’armée fait que dans les moments où on n’a pas besoin d’avoir des forces
considérables dans les bataillons, on donne des congés forcés, des congés par
classes ; les hommes qu’on renvoie ainsi chez eux doivent être logés. Les
hommes des classes nouvelles, on les fait venir aux dépôts, et quand ils sont
instruits, on les renvoie au corps : voilà encore 12,000 hommes par an qui
doivent faire un double voyage.
Enfin l’hiver même il reste encore au camp une
garnison assez considérable, et comme le service est fort pénible, on ne le
laisse pas durer très longtemps ; de cette manière, encore une fois, dans la
partie de l’année où le camp ne semblerait avoir aucune influence sur les
marches de troupes, il en a encore une assez notable ; celle influence se fait
surtout sentir précisément dans la localité à laquelle appartient l’honorable
M. Brabant, parce que la garde du camp est en grande partie tirée de la
garnison de Namur.
Je viens à la grande affaire de ces logements qui ont
été refusés par la ville de Namur ; je commencerai par prier la chambre
d’observer que c’est un droit résultant des règlements que les troupes arrivant
dans une ville ne doivent pas immédiatement être mises dans les casernes, mais
qu’elles peuvent être logées chez l’habitant pendant deux fois 24 heures, afin
que les casernes puissent être préparées à les recevoir ; il résulte encore des
règlement (et cela est d’ailleurs dans les convenances) que les autorités
locales doivent être averties assez longtemps d’avance pour qu’elles puissent
prendre les dispositions nécessaires pour assurer des logements des troupes.
Voici maintenant le fait qui a eu lieu à Namur : il ne s’est pas agi d’autre
chose que de l’oubli de la part d’un chef de donner cet avertissement, et à
cause de cet oubli, le détachement a été mis sur les pavés, les troupes ont été
obligées de coucher dans les casernes sur les planchers, parce que toutes les
fournitures étaient occupées. C’est par suite de ce fait que le gouvernement a
envoyé à Huy un bataillon de la garnison de Namur, et le gouvernement pris des
mesures pour que des troupes ne soient plus traitées avec si peu de convenance,
avec tant d’inhumanité même, à l’avenir.
A propos du dernier mouvement de troupes, l’honorable
M. Brabant a cité un fait qui n’est pas venu à ma connaissance, mais je doute
fort que le commandant de Namur ait mérité des expressions assez peu
parlementaires d’avoir tenu une conduite insolente, comme l’a dit M. Brabant,
d’après un propos tenu dans un lieu public ; et je pense, messieurs, que quand
on veut dans cette enceinte articuler une plainte contre un chef de l’armée,
elle doit être fondée sur autre chose que sur un propos de cette nature.
L’honorable M de Man d’Attenrode s’est beaucoup plaint
des désordres qui seraient occasionnés dans les camps par les remplaçants ; comme
moyen de remédier à cet abus, il désirerait que le gouvernement pût se charger
de pourvoir aux remplacements ; je pense, messieurs que c’est là une chose
complétement impossible ; néanmoins, puisqu’il s’agit d’une nouvelle loi sur la
milice, on pourra examiner la question ; mais il me semble que la chose
entraînerait des embarras considérables ; je suis, par exemple, frappé de celui
qui résulterait de la circonstance que le gouvernement ne trouverait pas les
remplaçants nécessaires, circonstance qui peut se présenter, puisque les
remplaçants deviennent très rares et que la société qui a été formée pour
fournir des remplaçants a été obligée, pour réussir, de payer un prix plus
élevé ; depuis lors elle a eu plus de succès ; et je crois qu’elle pourra rendre
de grands services, car parmi les hommes qui ont consenti à remplacer par son
intermédiaire, il se trouve un grand nombre de sous-officiers, ce qui prouve
bien que cette société contribuera beaucoup à conserver à l’armée les hommes
qu’il est le plus désirable d’y conserver. Je n’entrerai pas dans la question
de savoir que l’association dont il s’agit fasse ou ne fasse pas un hôtel des
invalides, c’est là une affaire qui doit être traitée ailleurs qu’au
département de la guerre ; la chose essentielle, c’est que le militaire
obtienne un asile où son bien-être puisse être augmenté.
L’honorable M. de Man d’Attenrode s’est plaint de la
manière dont se distribuent les congés. J’ai déjà dit à la chambre qu’on donne
des congés forcés, par classes, afin de réduire l’armée à l’effectif que le
budget comporte ; quant aux autres congés, il y en a de différentes espèces,
mais on établit à cet égard des catégories qui embrassent à peu près toutes les
classes ; les ouvriers mineurs et houilleurs ont été placés dans la catégorie
qui doit être envoyée la première en congé ; cette mesure a été prise de commun
accord avec le département de l’intérieur, et j’ai cru satisfaire en cela à un
besoin réel du pays ; mais on envoie également en congé des miliciens de toutes
les classes : une des règles qu’on consulte le plus généralement, c’est celle
du besoin des familles, et sous ce rapport, je crois que le département de la
guerre peut se rendre cette justice qu’il a fait tout ce que l’équité exige, et
qu’il n’y a réellement aucun reproche à lui adresser.
Il y a encore, je
pense, un seul point du discours de l’honorable M. de Man d’Attenrode, auquel
je n’ai pas répondu, c’est ce qui concerne les revues sur le terrain qu’il
désirerait voir faire par les intendants militaires. C’est là, messieurs, une
question assez importante, et je m’en suis déjà occupé moi-même : s’il y a des
avantages dans cette mesure, elle présente aussi des inconvénients ; il est
nécessaire de peser mûrement les uns et les autres. Les inspections se font
fréquemment ; on exige un contrôle très exact, et pour qu’il pût y avoir des
malversations, il faudrait un concours réellement impossible entre un très
grand nombre de personnes. Je crois donc que la chambre peut être convaincue
qu’il n’existe pas d’abus sous ce rapport, et que par conséquent la mesure dont
a parlé l’honorable M. de Man d’Attenrode, et qui a surtout pour objet de
prévenir ces abus, n’est pas d’une urgente nécessité. Néanmoins, je le répète,
cette question fait l’objet d’un examen sérieux.
M. Dumortier. - Je ne crois pas, messieurs, qu’il serait
convenable que le gouvernement se chargeât de pourvoir aux remplacements ; le
gouvernement ne peut pas entrer dans cette espèce de trafic, il doit le laisser
aux particuliers, d’autant plus que le système de l’honorable M. de Man
d’Attenrode amènerait encore un surcroît de dépenses.
Je crois donc que l’état actuel des choses est le
meilleur et qu’il n’est pas prudent d’engager le gouvernement à le modifier ;
mais il est un point sur lequel je dois présenter quelques observations. M. le
ministre a dit qu’au moyen de l’association qui s’occupe de remplacement, on
est parvenu à conserver à l’armée beaucoup de sous-officiers qui ont pris un
nouvel engagement.
Ce système présente un avantage réel en ce qu’il tend
à faire avoir de bons cadres composés de gens habitués au service ; mais je
désire que ce système ne fasse pas méconnaître les droits qu’ont à l’avancement
les miliciens capables. L’avancement les déterminera à rester au service, et
ils feront une bonne pépinière d’officiers.
Un honorable collègue s’est plaint de l’incertitude
qui a régné relativement au concours des soldats aux représentations
théâtrales. M. le ministre de la guerre, dans sa réponse, a dit que cet usage
reposait sur des habitudes d’ordre et qu’il convenait de le maintenir. Je
trouve cette règle très sage quand les soldats ne se refusent pas à figurer au
spectacle ; puisque c’est un usage consacré, il ne faut pas les en empêcher ;
mais, d’un autre côté, on ne doit pas empêcher les soldats d’assister aux
cérémonies religieuses, car cet usage repose éminemment sur des idées d’ordre.
Je demande que M. le ministre de la guerre fasse
cesser les difficultés que les soldats rencontrent dans certains corps pour
assister aux cérémonies religieuses, d’autant plus qu’il n’est résulté aucun
inconvénient des ordres que M. le ministre de la guerre a donnés à Bruxelles
dans ce sens. Je ne pense pas qu’il faille forcer les militaires, s’ils
refusent d’assister aux cérémonies religieuses ; je suis d’accord avec M. le
ministre de la guerre qu’il ne faut pas les y forcer ; mais d’un autre côté, je
crois que la plupart ne s’y refuseront pas et que tout se passera ainsi qu’il
convient.
J’ai un mot à ajouter à ce qu’a dit mon honorable ami
M. Brabant sur le logement militaire : il est certain que de toutes les charges
qui pèsent sur une nation, c’est incomparablement la plus lourde. On prend son
parti du paiement des impôts ; mais recevoir des soldats chez soi, n’être plus
maître dans son domicile, jamais on ne prendra son parti de pareille charge.
Dans tous les pays, le logement militaire est
considéré comme une charge extrêmement lourde. Dans l’ancienne Belgique la
charge du logement militaire n’était pas imposée aux citoyens.
Il en est encore ainsi en Angleterre ; quand les
troupes voyagent, elles logent dans les auberges, elles logent comme elles
l’entendent, jamais les habitants ne sont contraints de les loger. Ce principe
posé dans les plus anciennes constitutions de la Belgique fut respecté dans la
loi fondamentale qui porte à son article 212 :
« Le logement et la nourriture des gens de
guerre, les prestations de quelque nature qu’elles soient à faire aux troupes
du roi ou aux forteresses, ne peuvent être à la charge d’un ou de plusieurs
habitants, d’une ou de plusieurs communes. »
Voilà le principe consacré dans la loi fondamentale.
Depuis la révolution, un changement total s’est opéré, aujourd’hui, il n’y a
pas d’année où chaque citoyen ne doive à plusieurs reprises et même souvent loger
des militaires. Je sais qu’il est des circonstances où le département de la
guerre ne peut pas éviter cela ; mais il ne semble que l’on devrait viser par
tous les moyens à rendre cette charge aussi rare que possible.
Il y a beaucoup de villes où les lits de fer sont en
plus grand nombre que les soldats de la garnison ; l’Etat paie à la compagnie
Legrand pour les lits de fer, occupés ou non ; d’autre part il paie aux
citoyens une indemnité pour les logements militaires, il résulte de là une
double dépense ; si donc M. le ministre de la guerre disposait des lits de
fer, maintenant inoccupés, pour les militaires qui sont logés chez l’habitant,
il en résulterait le double avantage de diminuer la dépense et de débarrasser
les citoyens d’une charge qui leur est odieuse.
J’ai vu dans le rapport qu’a fait, aux termes de la
loi communale, l’administration de la ville de Tournay, qu’il y a dans les
casernes de cette ville 500 lits de fer inoccupés ; cependant à chaque instant
il y a des logements milliaires à Tournay ; il me semble que quand il passe
moins de 500 hommes, on pourrait, au lieu de les loger chez l’habitant, leur
donner ces lits de fer disponibles.
Je pris M. le
ministre de la guerre de prendre en considération ces observations.
M. le ministre de la guerre parle du droit qu’aurait
le gouvernement de faire loger les militaires chez l’habitant ; il a dit que ce
droit résultait des règlements militaires ; pour moi, je ne saurais admettre
que les règlements militaires puissent établir ni ce droit, ni aucune espèce de
droit à la charge des citoyens.
Je sais que les citoyens ne se refusent pas aux
logements militaires, mais ils n’en trouvent pas moins pour cela cette charge
odieuse ; j’engage donc le gouvernement à ne pas abuser de la bonne volonté des
citoyens et à recourir aux moyens que j’ai indiqués pour diminuer les logements
militaires.
M. Pirmez, dans un discours écrit qui ne nous a pas été
communiqué, se plaint de l’état d’infériorité dans lequel sont les officiers de
santé, relativement aux autres officiers de l’armée ; il attribue à cet état de
choses les décisions données dans le service de santé, et établit que les
médecins de l’armée, en raison de l’instruction coûteuse qu’ils ont reçue et
des achats de livres et de journaux de médecine, devraient être assimilés,
quant à la solde aux officiers des armes spéciales.
M. Brabant. - Il y a deux points du discours de M. le ministre de la guerre sur
lesquels j’ai à m’expliquer. C’est d’abord sur les logements. On a prétendu que
d’après les règlements les troupes avaient le droit de loger pendant deux ou
trois jours chez les habitants. Puisqu’on ne connaît pas les règlements, je
vais en donner lecture. L’article 73 du règlement porte :
« Art. 73. Dans les villes où il n’y aura point de
casernes, ou dans lesquelles les casernes seront déjà occupées, les troupes
seront logées chez les habitants, sans distinction, exception, ni
privilège. »
Eh bien, à Namur, il y a des casernes, et ces casernes
ne sont pas occupées, puisque dans ce moment il y a tout au plus 1,600 hommes
de garnison à Namur et que, d’après les documents fournis par le ministère de
la guerre à la commission des lits de fer (les honorables membres qui en
faisaient partie peuvent se le rappeler) Namur a des casernes qui peuvent
contenir 6,000 hommes ; ce sont, après celle d’une autre ville, je ne me
rappelle plus laquelle, les plus grandes casernes qu’il y ait dans le royaume.
Quand on a dit que les troupes avaient droit au logement
pendant deux ou trois jours on a confondu les droits des officiers avec ceux
des soldats ; je trouve dans le règlement du général Goethals :
« Art. 206. Dans les garnisons, les officiers,
quel que soit leur grade, devront se loger à leurs frais ; cependant, à leur
arrivée, on ne pourra leur refuser des billets de logement pour trois nuits au
plus. »
Voilà la seule disposition que j’aie pu trouver sur
laquelle on puisse s’appuyer pour réclamer le logement chez l’habitant pendant
deux ou trois jours, même dans le cas où il y a des casernes.
Un point grave en matière militaire, c’est le tir à la
cible. Comment se fait-il qu’un objet aussi important ait été tellement perdu
de vue, qu’un régiment à ce que l’on m’a assuré, n’ait pas même tiré au blanc
cette année ?
J’ai dit que parmi les troupes envoyées au Luxembourg,
il y a un régiment qui n’a pas encore brûlé un grain de poudre.
Savez-vous quand on commence en France à tirer à la
cible ? Dès qu’on a terminé l’école du soldat. Les appels se font au mois d’avril,
soit trois mois pour apprendre l’école du soldat. Vous voyez donc qu’il y avait
du temps de reste pour tirer à la cible.
On a dit qu’on
faisait tirer dans les villes de garnison où il se trouvait des lieux où les
troupes pussent recevoir l’instruction, et on a pris prétexte de ce que
certaines administrations communales se seraient refusés à donner des terrains
propres aux exercices, pour dire que s’il n’y a pas de tir à la cible, c’est à
cette cause que cela tient ; mais parmi les villes ayant garnison, ayant au
moins de fortes garnisons, je ne connais que Louvain et Bruxelles qui ne soient
pas des places fortes, et dans toutes les places fortes les fossés des
fortifications offrent des emplacements où le tir à la cible peut avoir lieu
sans aucun danger, moyennant quelques mesures de police relatives à la
circulation sur les glacis pendant la durée des exercices.
M. le ministre de
la guerre a révoqué en doute ce que j’ai dit du tir à la cible ; je tiens
pourtant de trois officiers de corps différents qu’on ne tire à la cible dans
aucun de ces corps. Je me garderai bien de les nommer ; car, quoique M. le
ministre de la guerre ait dit qu’il faille se fonder sur autre chose que sur
des paroles proférées dans les lieux publics, je crois qu’en pareil cas il se
fonderait sur une conversation intime pour pincer ceux qui m’ont communiqué ces
renseignements.
M. Mast de Vries. - Je demanderai à M. le ministre de la guerre si
dans les villes qui ont des casernes avec des lits garnis des fournitures
nécessaires, les militaires doivent être logés chez l’habitant. Ainsi, à
Lierre, il y a une caserne, la plus belle caserne de la Belgique ; elle
contient 700 lits garnis de leurs fournitures, il n’y en a pas 350 d’occupés ;
s’il arrive de la troupe à Lierre, faut-il la loger chez l’habitant ? Voilà ce
que je demande.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je pourrais me référer à ce que j’ai dit : car,
malgré les assertions contraires, tout ce que j’ai dit demeure exact.
L’honorable M. Brabant a cité l’article 73 du
règlement, qui porte :
« Dans les villes où il n’y a point de casernes ou
dans lesquelles les casernes sont déjà occupées, les troupes sont logées chez
les habitants. » Mais je pense que quand les casernes sont dépourvues de
fournitures, c’est comme si elles n’existaient point. Or c’est le cas qui s’est
présenté à Namur, cas auquel M. Brabant a fait allusion et que j’ai expliqué
tout au long. Cela est tellement vrai, que, ainsi que je l’ai dit, les hommes
ont dû coucher site le plancher.
Lorsqu’il n’y a pas de fournitures dans les casernes
ou lorsqu’il n’y a pas le temps de les mettre en place, on regarde toujours les
casernes comme n’existant pas.
Cette question du logement militaire doit être envisagée
en rapport avec la situation extraordinaire du pays. Nous avons des casernes
pour loger l’armée sur le pied de paix, mais nous n’en avons pas pour la loger
sur le pied de quasi-guerre actuel ou sur le pied de guerre réelle où elle se
trouve pendant la durée du camp. Voilà les seules raisons qui multiplient les
logements, que l’on cherche à toujours diminuer autant que possible.
Si dans la ville de Tournay il y a eu un moment 500
lits inoccupés, c’est que les troupes composant la garnison se trouvaient au
camp. Mais en général on a soin d’envoyer des troupes là où les fournitures de
la compagnie Legrand se trouvent disponibles. Lorsqu’une garnison est supprimée
ou diminuée pour un terme assez long, on fait déplacer les lits. Ainsi dans ce
moment les 700 lits dont on vient de parler n’existent plus à Lierre, où une
bonne partie est sur le point d’être éloignée, parce qu’il n’est pas question
d’augmenter la force de la garnison ; c’est la manière dont on opère chaque
fois que le besoin s’en est fait sentir.
L’honorable M. Pirmez a traité une question à laquelle
j’attache toute l’importance qu’elle mérite. Je crois qu’il peut être juste
d’améliorer en général le sort des officiers de santé, et de mettre, comme cela
est dans un pays voisin, leur traitement de niveau avec la solde des officiers
du génie ; mais je ne partage pas l’opinion de cet honorable membre sur les
inconvénients qu’il prétend être le résultat de l’état actuel des choses. Quant
au nombre des démissions, il y a beaucoup d’exagération.
Il a été donné des démissions pour défaut de capacité
des médecins, cas extrêmement rare, ou bien parce que des médecins, après
s’être formés dans le service sanitaire de l’armée, trouvaient plus d’avantages
à se livrer à la clientèle civile.
Néanmoins, je n’aurais pas hésité à proposer
d’améliorer la position des officiers de santé si je n’avais pas été arrêté par
la considération des sommes considérables que coûte déjà le budget de la
guerre.
M. Dubus (aîné), vice-président, remplace M. Raikem au fauteuil.
- La discussion générale est close.
La chambre passe à la discussion des articles.
Discussion des
articles
Chapitre I. - Administration centrale
Articles 1 à 5
Les cinq articles suivants composant le chapitre premier
sont successivement mis aux voix et adoptés sans discussion.
« Art. 1er. Traitement du ministre et indemnité
de logement : fr. 25,000. »
« Art. 2 Traitement des employés et gens de
service : fr. 165,000. »
« Art. 3. Frais de route et de séjour : fr.
10,000. »
« Art. 4. Matériel du ministère : fr.
60,000. »
« Art. 5. Matériel du dépôt de la guerre : fr.
8,000. »
Chapitre II. - Soldes et masses de l’armée,
frais divers des corps
Section I. - Soldes des états-majors
« Art. 1er. Etat-major général : fr. 750,538 95
c. »
La section centrale propose de réduire ce chiffre de
11,542 fr. et de le diviser de la manière suivante :
« Art. 1er. Traitement des officiers généraux en
activité et disponibilité : fr. 402,965 fr. 10 c. »
« Art. 2. Traitement des officiers titulaires et
adjoints de l’état-major général, et supplément de solde aux officiers
d’infanterie, aides-de-camp, officiers d’ordonnance et détachés au ministère :
fr. 316.041 fr. 85. c. »
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je demande le maintien de l’article tel qu’il a
été présenté par le gouvernement, et je viens développer mon opinion qui est
diamétralement opposée à celle de la section centrale.
J’aurai d’abord besoin de rappeler quel a été en
général le système du gouvernement en fait de promotions et surtout celui que
j’ai suivi. Ce début est naturel puisque l’objet de la division proposée par la
section centrale est de rendre impossible, à l’avenir, la nomination
d’officiers généraux. Je dirai donc que le système généralement suivi par le
gouvernement et auquel je me suis conformé avec le plus grand soin, a été de
prendre pour objet les choses et non les hommes, les besoins du service et non
les récompenses à accorder pour services rendus : les promotions de généraux
qui ont eu lieu dans le courant de 1837 ont été faites d’une manière
parfaitement conforme à ces principes. C’est ce que je ne chercherai pas à
établir ici, mais ce qui aurait pu être l’objet d’une discussion au sein de la
section centrale, si des explications avaient été demandées.
La section centrale veut évidemment rendre impossibles
des nominations nouvelles, et par suite elle blâme implicitement le
gouvernement des nominations qu’il a faites. Il me semble que si la chambre
veut y réfléchir, il doit lui paraître évident que, dans la situation où nous
nous trouvons, des promotions parmi les généraux peuvent devenir nécessaires,
et que par conséquent il y a danger à lier les mains au gouvernement à cet
égard. Si ce cas arrivait et que, par suite de l’adoption de la proposition de
la section centrale, le gouvernement se trouvât dans l’impossibilité de choisir
l’homme qu’il croirait convenir à une circonstance donnée, à un besoin donné de
la situation du pays, ce n’est pas au gouvernement que la responsabilité en
resterait.
Je n’ai pas besoin de rappeler à la chambre que le Roi
est le commandant en chef de l’armée, qu’il confère les grades et emplois, et
que cette faculté lui est accordée d’une manière absolue ; car pour d’autres
fonctions il est dit dans la constitution qu’il y nomme, sauf les exceptions
établies par les lois, ou en vertu d’une disposition expresse d’une loi ;
tandis que, pour les grades militaires, c’est de la manière la plus absolue que
la faculté de les conférer lui est donné comme commandant en chef de l’armée.
De là, il me paraît que dans le refus de toute latitude au gouvernement, dans
l’intention avouée de le mettre hors d’état de conférer un grade, il y a une
atteinte à la constitution. Surtout il peut y avoir un danger réel pour la
sûreté de l’Etat.
Messieurs, profiter d’une latitude que laisse un
chapitre du budget pour faire une promotion qu’on sait ne pas être conforme à
l’opinion de la chambre, engage toujours la responsabilité d’un ministre, présente
un inconvénient, une sorte de danger pour lui. Par conséquent, quand il se
résout à faire pareille chose, il faut qu’il soit bien persuadé de l’importance
et de la nécessité qu’il a de la faire. La chambre n’a donc véritablement pas à
craindre qu’il soit fait abus de cette latitude qu’elle laisserait au
gouvernement, et il n’y a pas lieu d’adopter la division proposée par la
section centrale.
Pour ma part, je ne puis ne pas protester contre cette
proposition et contre le blâme qu’elle renferme implicitement, et j’avoue que
je ne voudrais pas ne pas avoir fait les promotions qui semblent avoir excité
du mécontentement et provoqué la disposition que je combats. Si la conséquence
d’un pareil blâme était que je dusse me retirer, je pourrais partir avec le
sentiment d’un service rendu.
Je dis que dans la situation où nous sommes, il peut y
avoir un danger réel à refuser au gouvernement la latitude nécessaire pour
mettre et maintenir l’armée dans la position la plus propre à rendre les
services que les circonstances peuvent exiger. Je ne me servirai pas de
l’exemple très frappant que l’affaire du Luxembourg vient me fournir. Dans
l’état actuel de l’Europe, la guerre doit toujours être prévue. En Hollande on
est toujours prêt à pouvoir l’entreprendre ; on donne des soins continuels à
l’entretien de l’armée ; l’habillement, l’équipement et l’instruction des
troupes sont toujours tenus dans le meilleur état.
L’armée est toujours rassemblée en masse, canonnée sur
nos frontières, comme si d’un jour à l’autre elle devait se mettre en marche
pour les envahir. La schuttery est toujours au grand complet. Ce n’est pas sans
motif, sans arrière-pensée qu’on maintient un pareil état de choses ; il y a là
attente d’événements quelconques, et certes il y a bien des événements, bien
des combinaisons possibles, desquelles peuvent sortir des conflits ; partout
les principes et les partis sont en présence ; partout des germes de guerre
existent ; c’est une précaution sage que d’être partout prêt à la soutenir de
son côté. Par conséquent, il est tout à fait désirable, nécessaire, que le
gouvernement ait une action aussi libre que possible en tout ce qui concerne
l’armée ; il est dangereux, irrationnel, inconstitutionnel même d’enlever au
Roi la faculté de nommer au besoin un nouveau général de division ou de
brigade, s’il en reconnaissait la nécessité.
Messieurs, il y a encore un autre motif pour ne pas
arrêter d’une manière absolue l’avancement dans les grades supérieurs de
l’armée. Ce motif est la nécessité de ne pas décourager l’esprit militaire. Il
est aussi dangereux de faire naître ce découragement au haut de l’échelle
qu’aux degrés inférieurs. Un grand motif de l’émulation qu’il faut entretenir,
c’est que la carrière militaire exige un goût, une ardeur qui ne peut exister que
là où il y a amour de son état.
L’esprit militaire dans un pays où règne une grande
prospérité industrielle a sans cesse autour de lui une sorte de dissolvant, des
motifs propres à le détruire ; car les professions industrielles offrent de l’avenir
un bien-être toujours croissant, des avantages toujours en rapport avec la
situation. Dans l’état militaire, au contraire, il y a presque toujours
contraste entre les avantages personnels qu’une position donne et les
obligations que cette position impose. Les dépenses croissent dans une
proportion plus grande que les avantages. Ainsi il y a presque toujours
position fausse, gêne, par conséquent défaut de goût, d’amour du métier.
Si maintenant cet encouragement qu’offre un avancement
raisonnable est encore enlevé, alors le découragement descendra de la tête,
dans les derniers rangs, et l’esprit militaire, je le crains beaucoup, finira
pas s’éteindre.
J’ai dit que l’article 65 donne positivement au Roi le
droit de conférer les grades. J’ai déjà fait remarquer la distinction que fait
la constitution entre les grades militaires et les autres emplois qui ne
peuvent être conférés qu’en vertu d’une loi. Puisque le droit de conférer les
grades dans l’armée est attribué au Roi d’une manière absolue, une loi qui
restreindrait ce droit porterait une véritable atteinte à la constitution.
Maintenant, d’après la proposition de la section
centrale, ce droit serait limité, il ne pourrait plus être exercé dans sa
plénitude ; il y aurait une véritable atteinte à la prérogative royale, et qui
pourrait avoir des conséquences graves pour le pays.
Voilà pour la proposition de la section centrale de
faire un article à part du traitement des officiers-généraux, article qui
aurait pour but avoué d’empêcher des promotions nouvelles parmi les officiers
généraux.
Une autre proposition de la section centrale est celle
qui aurait pour résultat de ne pas accorder le nombre des généraux de brigade
porté au budget. Je ne sais pas si les membres de la section centrale se sont
rendu compte de la position de l’armée à cet égard. Ils auraient dû savoir que
plusieurs brigades d’infanterie et de cavalerie ne sont pas commandées par des
généraux, et que même, il n’y a aucune mutation possible entre les officiers
généraux. Cependant il est impossible qu’il ne se présente pas des
circonstances où des mutations seraient nécessaires.
Nulle part il ne faut des connaissances plus
spéciales, pus en harmonie avec la situation dans laquelle les hommes sont
placés, que dans le commandement des brigades. C’est qu’il faut à l’officier
plus d’ardeur, plus de maturité, plus de prudence. Si l’on pouvait choisir, on
ne pourrait mettre tel homme dans la position précisé où ses qualités le
rendent le plus propre ; on ne pourrait obtenir les commandements désirables,
et les plus grands malheurs seraient le résultat du manque de cette faculté.
Indépendamment de ce que plusieurs brigades ne sont
pas commandées par des généraux, et qu’ainsi le nombre actuel de ces officiers
est insuffisant, il serait nécessaire que, pour un cas donné, le gouvernement
pût choisir un homme nouveau, lequel serait le plus convenable à une situation
nouvelle.
Je reviens à la question relative à la division de
l’article, parce que j’y attache toute l’importance qu’elle mérite ; cette
importance est très grande.
La question n’est pas nouvelle ; elle a déjà été
traitée dans la discussion du budget de la guerre de 1836. Jusqu’à cette
époque, la solde de l’état-major général n’était pas séparée des autres soldes
; mais par un amendement de M. Desmaisières on fit un article à part pour tout
ce qui concerne l’état-major général.
Je prierai la chambre de remarquer la marche qu’elle
suit, marche qui me paraît un empiétement sur l’action du gouvernement.
Il y a deux ans, il lui a suffi d’avoir un article en
bloc pour l’état-major-général ; maintenant elle trouve que ce n’est pas assez
resserrer le gouvernement, que c’est lui laisser une latitude trop grande ; et
la section centrale vient proposer de faire un article à part pour les seuls
généraux.
Je ne sais pas où cette marche pourra s’arrêter, et si
la chambre ne doit pas réfléchir gravement avant de faire ce pas qu’on lui
demande. Un des motifs dont on s’est servi en 1836 pour faite passer la
proposition était tiré de ce qu’il n’existait pas de loi sur l’avancement. On
disait que quand on s’occuperait de cette loi, on donnerait à l’armée des
preuves de bienveillance, et qu’on pouvait limiter la faculté de l’avancement
en attendant que la loi sur l’avancement eût détruit toute possibilité d’abus.
La loi sur l’avancement existe depuis 18 mois ; cependant voilà une proposition
plus forte que celle faite alors, et qui était motivée, comme je viens de le
dire, sur la non-existence de la loi sur l’avancement. Ces considérations
répondent par avance aux arguments par lesquels on voudrait défendre la
proposition nouvelle.
La section centrale a prétendu que cet article
donnerait au ministre la force de repousser des prétentions exagérées ; ce que
j’ai dit montre que cette observation n’a pas d’exactitude. Pour ma part, je
n’ai pas besoin de cette force : un ministre de la guerre doit trouver en
lui-même la force nécessaire pour repousser les exigences et les prétentions
déplacées, et pour ne faire que les promotions commandées par le bien du
service.
Le système auquel j’ai été fidèle jusqu’à ce jour, a
été de ne proposer aux avancements qu’à raison des besoins du service. Je l’ai
adopté, au fond, à regret ; je l’ai adopté par suite de l’esprit d’économie,
peut-être poussé trop loin, qui a été manifesté dans la chambre. Je pense que
ce système est fâcheux par la raison que je viens le développer ; c’est qu’on
empêche une émulation suffisante de régner dans l’armée.
L’honorable M. Desmaisières a traité d’autres
matières, et notamment la question de prérogative, et il a examiné les
arguments que l’on a fait valoir en faveur de la prérogative royale ; il a dit
: Nous aussi nous avons une prérogative, nous avons le vote des traitements.
Ceci est incontestable, La chambre a le droit de refuser le budget ; quant au
droit d’influer sur les traitements, par conséquent de limiter les promotions,
droit qui, dit-on, suit du refus du budget, c’est un droit dont la lettre ne se
trouve pas dans la constitution. C’est par induction seulement qu’on le tire ;
mais de ce que la chambre peut refuser le budget, elle peut seulement, non pas
empêcher le gouvernement de faire des nominations, mais lui en ôter le moyen.
Ce que la constitution accorde de la manière la plus positive à la chambre,
c’est le vote de toutes les dépenses ; relativement aux divisions et
subdivisions qu’elle étend chaque année, ce droit n’est pas précisément l’œuvre
de la constitution, c’est l’œuvre de la chambre elle-même ; c’est un pouvoir
qu’elle s’attribue ; dans des cas donnés, c’est un véritable usage de la force,
c’est sa dernière raison.
La prérogative de la chambre que l’on réclame consiste
dans la faculté incontestable d’user de cette dernière raison ; mais par cela
seul elle ne doit en faire usage que dans des cas extrêmes, et dans des limites
qui ne portent pas atteinte à d’autres droits également concédés par la
constitution. Or, il n’est pas possible d’avoir un droit plus clairement établi
par la lettre même de la loi fondamentale qui celui qui assure au Roi la
nomination des commandements et des grades militaires.
L’honorable M. Desmaisières a dit que l’amendement
limitera seulement les nominations aux grades supérieurs de l’armée aux
dépenses que le pays peut faire : si cela était juste, je ne comprendrais pas
pourquoi une limitation plus grande serait nécessaire. Est-ce parce qu’il y a
eu promotion d’un général de brigade au grade de général de division, et d’un
colonel au grade de général de brigade ? Si c’était là la limite que le pays ne
peut dépasser, je le plaindrais ; mais heureusement il n’en est pas ainsi.
La question de prérogative a été traitée par M. Dubus,
et à peu près dans les mêmes termes que ceux dont s’est servi M. Desmaisières ;
ainsi je me dispenserai de répéter les mêmes arguments pour le réfuter.
Toutefois, je crois devoir répondre à quelques considérations nouvelles sur
lesquelles il s’est appuyé.
Il a dit que c’était au ministre à faire connaître les
promotions nécessaires, et que c’était à la chambre à juger de leur nécessité.
J’avoue que je ne puis reconnaître à la chambre la possibilité de l’exercice de
ce droit ; car je demanderai quels seront les éléments d’après lesquels la
chambre formera ses jugements ? Je demanderai si elle connaît assez bien les
détails de la situation de l’armée, les relations du pays avec les pays
voisins, pour qu’il lui soit possible de juger de la nécessité d’une promotion
dans l’armée ? Ce qui appartient à la chambre d’une manière incontestée, c’est
la possibilité de refuser les moyens de faire de telles promotions, faculté qui
peut être éclairée, qui peut être aveugle, qui peut reposer sur le savoir, mais
qui peut aussi reposer sur de faux aperçus. Le pouvoir législatif, dont la
chambre fait partie, peut déterminer les divers grades dans l’armée ; la
chambre seule peut refuser les budgets, mais elle ne peut forcer l’adoption
d’une autre loi, parce qu’il faut le concours d’autres pouvoirs pour rendre la
loi exécutoire.
L’exercice de ce droit serait donc encore une sorte
d’induction à tirer de l’esprit de quelques articles de la constitution, mais
il ne résulte nullement du texte même de la constitution. Les droits de la
chambre en ce qui concerne l’armée sont clairement établis dans les articles
118 et 119 de la constitution, et ces articles ne renferment pas un mot
relativement à l’organisation même de l’armée, pas un mot sur la détermination
du nombre des grades.
L’article 118 dit : « Le mode de recrutement de
l’armée est déterminé par la loi. Elle règle également l’avancement, les droits
et les obligations des militaires. »
« Art. 119. Le contingent de l’armée est voté
annuellement. La loi qui le fixe n’a de force que pour un an, si elle n’est
renouvelée. »
Certes, messieurs, il n’y a rien dans ces articles
d’où l’on puisse conclure que le pouvoir législatif doive intervenir dans
l’organisation de l’armée.
Voici maintenant ce que porte l’article 120 :
« L’organisation et les attributions de la
gendarmerie font l’objet d’une loi. »
Il me semble, messieurs, que cet article qui établit
le droit d’organisation pour un corps spécial, l’exclut par cela même pour le reste
de l’armée.
Ainsi, messieurs, ce droit qu’on veut attribuer à la
chambre de limiter le nombre des grades dans l’armée, n’est véritablement pas
écrit dans la constitution. L’honorable M. Dubus veut faire dériver ce droit de
celui le voter le contingent ; mais, messieurs, il n’y a pas le moindre rapport
entre ces deux droits : le contingent doit être voté tous les cas ; il faudrait
donc que les cadres puissent être également changés tous les ans ! Le vote du
contingent, c’est le vote de l’impôt en hommes, mais il n’a pas le moindre
rapport direct ou nécessaire avec la manière d’enrégimenter ces hommes.
L’honorable membre dit que la nomination d’officiers généraux occasionne un
avancement général dans toute la série de l’ordre hiérarchique et par là une
augmentation de dépenses ; cela n’est pas exact, messieurs, et les faits l’ont
prouvé, puisqu’aucune autre promotion n’a suivi celle des généraux dont il
s’agit. Il en a été de même de celle qui a été faite en 1835, et qui a donné
lieu à une vive discussion dans cette enceinte.
L’honorable M. Dumortier a dit alors que le
gouvernement devait avoir les coudées franches pour les grades subalternes,
mais qu’il n’en était pas de même pour les officiers généraux ; je vous avoue,
messieurs, que la distinction dans un sens inverse serait beaucoup plus
raisonnable, car les qualités que réclament les fonctions d’officiers
subalternes sont en général d’un ordre tel qu’il est facile de voir si un
individu les possède ; il est loin d’en être de même pour les officiers
supérieurs et surtout pour les officiers généraux ; là il faut certaines
qualités tout à fait spéciales qu’il n’appartient de bien apprécier qu’à celui
qui possède une connaissance parfaite de tous les détails, de tout le mécanisme
de l’armée, de sa situation et de la situation du pays.
L’honorable M. Desmaisières a parlé de l’effectif réel
des officiers généraux, et il s’est plaint de ce que le ministre ne veut pas se
conformer à cet effectif ; je demanderai à l’honorable membre ce qu’il entend
par effectif des officiers généraux de l’armée ; je lui demanderai quelle est,
dans notre situation militaire, la limite que le gouvernement ne peut pas
franchir quant au nombre des officiers ? La chambre a décidé de nouveau cette
année que la force de l’armée pourrait, au besoin, être portée jusqu’à 110,000
hommes ; or, messieurs, il me semble que les cadres actuels de l’armée sont
loin d’être exagérés en proportion de cette force à laquelle, dans des
circonstances qui ne sont pas impossibles, il serait nécessaire de porter notre
armée.
Une armée de 110,000 hommes devrait être divisée en 11
divisions ; elle formerait 4 corps d’armée, pour lesquels il faudrait 5 chefs
d’état-major général, y compris le chef de l’état-major de l’armée ; les armes
spéciales qui acquerraient une importance plus grande à mesure que l’armée
serait montée sur une plus vaste échelle, demanderaient aussi 2 généraux de
division ; en sorte qu’on arriverait à 22 généraux de division en activité. Ces
11 divisions formeraient 22 brigades qui auraient chacune un sous-chef
d’état-major-général, lequel devrait être général de brigade. Vous avez les
provinces frontières qui demandent la présence d’un officier-général pour le
commandement ; vous avez les officiers-généraux des armes spéciales ; si vous
voulez encore récapituler cela, vous trouverez un nombre de 31 généraux de
brigade. Voilà uniquement pour l’armée active ; mais le service non-actif
réclamerait encore au moins 3 généraux de division et 1 général de brigade ;
enfin vous aurez nécessairement toujours des généraux en disponibilité ; si
vous récapitulez tout cela, vous arriverez à un cadre de 25 généraux de
division et 36 généraux de brigade ; ajoutez-y le ministre de la guerre qui
doit convenablement être officier-général, et vous aurez un total de 62
officiers-généraux.
Eh bien,
messieurs, vous en avez 27, et vous voulez fixer le maximum à ce nombre ! Il me
semble que ce n’est pas là avoir un sentiment suffisant de la situation du
pays. Si des besoins se présentent, où prendra-t-on les officiers nécessaires
pour commander l’armée, dont il faudrait considérablement augmenter la force ?
Recourrait-on à l’étranger ? Je crois que cette idée doit répugner au pays en
général et aux membres eux-mêmes qui me combattent en ce moment. Cette idée est
aussi très loin de moi, et je ne pense pas que nous devrions avoir recours à ce
moyen ; je suis persuadé que lorsque le besoin serait venu les commandements
pourraient très convenablement être remplis par des officies d’un grade inférieur.
Je pense que quant aux promotions, il faut se renfermer dans des limites très
étroites ; mais je pense aussi que la marge est tellement grande entre 62 et 27
qu’il serait réellement exorbitant de vouloir s’arrêter d’une manière fixe à ce
dernier nombre. Je crois qu’il serait ridicule de traiter aussi l’armée dans ce
qu’elle a de plus important, et qu’il vaudrait mieux la supprimer tout à fait ;
alors au moins l’économie vaudrait la peine, tandis que celle que l’on propose
n’est absolument rien en comparaison des inconvénients qui en résulteraient.
Je prierai donc la chambre d’accorder le chiffre tel
qu’il a été demandé par le gouvernement, et je pense qu’elle trouve dans nos
antécédents la garantie que nous n’en abuserons pas.
M. Desmaisières, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a cru devoir vous
proposer l’allocation pour les officiers-généraux distincte de celle pour les
autres officiers de l’état-major-général, parce que depuis le vote du budget de
l’année dernière, un fait est venu démontrer qu’il n’y a pas d’autre moyen
d’arriver à ce que les intentions de la chambre soient dorénavant remplies.
La chambre se rappellera que, presque chaque année,
une discussion très vive a eu lieu sur l’augmentation des cadres des
officiers-généraux, et que chaque fois le ministre de la guerre, prédécesseur
de l’honorable général qui vient de parler, avait pris l’engagement de ne pas
outrepasser le nombre des généraux pour lesquels il demandait des traitements,
et que cependant chaque année ce nombre a été augmenté. L’année dernière, deux
discussions ont eu lieu à cet égard et chaque fois nous avons refusé
l’augmentation demandée. Cependant cette augmentation a eu lieu, et cela parce
que les traitements des officiers-généraux se trouvant englobés avec ceux des
autres officiers de l’état-major, on a trouvé le moyen, en ne tenant pas
ceux-ci au complet, de solder un plus grand nombre d’officiers-généraux.
M. le ministre de la guerre dit qu’en fait
d’organisation, en fait de nominations, il ne faut voir que les choses et non
pas les hommes. Je me permettrai de lui faire observer qu’il a oublié ici de
prendre en considération une chose très essentielle : c’est le vote de la
chambre. Voilà une chose qu’il devrait avant tout prendre en considération.
Quant aux hommes, nous avons toujours évité avec le
plus grand scrupule d’entrer dans des questions de personnes et si, l’année
dernière, j’ai été, en ma qualité de rapporteur de la section centrale, obligé
de faire connaître, sans nommer personne, quelle était la distribution des
emplois entre les divers généraux de l’armée, je ne l’ai fait qu’à mon corps
défendant, et lorsqu’il n’y avait plus moyen de faire autrement.
Quant aux promotions qui ont eu lieu cette année,
aucun membre de la section centrale n’a trouvé à redire à ces promotions en
elles-mêmes ; les nominations qui ont été faites, nous les croyons méritées.
Mais ce que nous voulons, c’est que, lorsqu’une fois plusieurs budgets
successifs ont arrêté le nombre des officiers généraux, une fois que la chambre
a émis plusieurs votes formels à cet égard, ce nombre ne soit pas dépassé.
M. le ministre de la guerre a dit qu’il fallait, avant
tout, tâcher de faire naître, de raviver et ensuite de continuer l’esprit
militaire dans l’armée. Mais, messieurs, il est un autre principe qui aussi
peut amener l’esprit militaire ; c’est un principe de toute nécessité que l’on
doit mettre en action lorsqu’on veut avoir constamment une bonne armée : c’est
qu’il faut aussi rajeunir cette armée ; et si on la rajeunissait, comme elle
doit être rajeunie, il y aurait de l’avancement pour tous les officiers qui en
méritent, et nous estimons qu’il y en a qui en méritent. Voilà aussi,
messieurs, une cause de découragement (puisqu’il nous a parlé de causes de découragement)
que M. le ministre ne devrait pas perdre de vue.
M. le ministre de la guerre a également parlé d’une
opinion que j’ai émise à une autre époque ; j’aurais proposé alors cette
division
De l’allocation concernant l’état-major-général, et
d’après ce que vient de rappeler M. le ministre de la guerre, je me serais
appuyé sur ce que la loi d’avancement n’était pas encore votée ; il est
possible que j’aie agi ainsi ; mais parce qu’alors la loi sur l’avancement
n’était pas votée et qu’aujourd’hui elle est promulguée, s’ensuit-il que je
doive me reporter à cette époque et que je doive maintenir ce que j’ai dit
alors, et l’appliquer au fait d’aujourd’hui ? Mais, messieurs, encore une fois,
lorsque j’ai parlé ainsi, si la loi d’avancement n’était pas votée, le fait qui
s’est passé cette année n’avait pas non plus eu lieu.
Ce fait que je viens de citer est que les intentions
de la chambre ont été formellement transgressées ; et dès lors il n’y avait
plus moyen pour nous (car nous, membres de la section centrale, nous avions
aussi des prérogatives à défendre), et dès lors, dis-je, il n’y avait plus
moyen pour nous, qui voulions que les intentions de la chambre fussent
dorénavant ponctuellement exécutées, de vous proposer autre chose que ce que
nous avons proposé, c’est-à-dire, la séparation des deux allocations qui
composent le crédit pour la solde de l’état-major-général.
M. le ministre de la guerre a cité les articles 118 et
119 de la constitution, pour arriver à prouver qu’il était dans la prérogative
royale de nommer autant d’officiers de tout grade qu’il lui plairait.
Messieurs, je respecte beaucoup, et nous devons tous
respecter les prérogatives royales, si nous voulons que les nôtres soient
respectées. Mais je crois que ni l’un ni l’autre des pouvoirs de l’Etat ne peut
empiéter sur les attributions de l’autre.
Messieurs, que dit l’article 119 de la constitution ?
Il porte :
« Le contingent de l’armée est voté annuellement.
»
Cela veut-il dire simplement que nous avons à voter le
nombre de soldats ? Eh bien, messieurs, je ne le crois pas ; car si M. le
ministre de la guerre vous a cité les articles 122 et 123, relatifs à la garde
civique, pour vous rappeler que là il est dit que l’organisation est réglée par
une loi, il a oublié de citer l’article 139 de la constitution où le congrès
national déclare « qu’il est nécessaire de pourvoir, et dans le plus bref
délai possible, aux objets suivants. » Et parmi ces objets se trouve au
n°10 l’organisation de l’armée.
Ainsi, vous le voyez, messieurs, nous n’avons qu’à
voter ou à rejeter purement et simplement, le budget en masse sans pouvoir
diviser les diverses allocations, sans pouvoir diviser le nombre des
traitements. D’ailleurs, à quoi se réduirait notre vote du budget s’il était
dans la prérogative du gouvernement de créer autant de grade qu’il lui
plairait, et si toute notre opposition pouvait se réduire à refuser tout le
budget ? Mais refuser tout le budget de la guerre c’est vouloir une révolution,
c’est vouloir empêcher que le pays puisse se défendre contre les attaques de
ses ennemis. Jamais il ne pourra entrer dans l’esprit d’une chambre de refuser
le budget de la guerre tout entier, et cependant c’est là où l’on voudrait nous
amener.
La constitution dit positivement que le Roi confère
les grades ; mais dire que l’on confère les grades, ce n’est pas dire qu’on
pourra en créer autant qu’on en voudra. Sous ce rapport, je crois que la charte
française s’exprime à peu près de la même manière que notre constitution. Il y
a aussi le nombre des maréchaux de France qui est limité. Or, dans un des
derniers budgets l’on avait outrepassé ce nombre, et sur la proposition de M.
le président Dupin, la chambre a refusé le crédit nécessaire pour payer le
maréchal en plus. Les chambres françaises revendiquent donc aussi pour elles le
droit de limiter le nombre des traitements à accorder.
Le ministre de la guerre a dit encore que probablement
la section centrale ne s’était pas rendu compte de ce que plusieurs divisions
ou brigades de l’armée se trouvaient sans général pour les commander.
Messieurs, par la note que j’ai eu l’honneur de vous faire connaître l’année
dernière, vous avez pu voir que s’il y a des brigades, des divisions, qui ne
sont pas commandées par des généraux, il y a des généraux qui sont employés à
autre chose, et il faut le dire, sans utilité, sans nécessité aucune.
D’ailleurs, je le répète, ce n’est pas nous qui avons fixé le nombre des
généraux ; nous avons accordé tous les ans le même nombre de généraux ; je
crois même que nous avons acquiescé à quelques augmentations sous ce rapport
d’année en année.
Ce n’est pas à
nous, j’en conviens, à juger s’il faut 10, 15, 30 ou 40 généraux ; mais au
moins c’est au gouvernement à nous demander le nombre dont il a besoin, et
c’est à lui à justifier la nécessité de ce nombre. Or, le gouvernement a
reconnu pendant plusieurs années que le nombre que nous avions accordé
suffisait aux besoins de l’armée, et l’on ne peut par conséquent nullement nous
accuser de ce dont l’on nous accuse, de ne pas accorder ce qui est nécessaire
pour la bonne organisation de l’armée, puisque c’est d’après le gouvernement
lui-même que nous avons accordé et déterminer ainsi tacitement le chiffre des
officiers-généraux, au point où il est arrivé. Si ce nombre n’est pas
suffisant, c’est au ministère à en demander les augmentations qu’il juge
nécessaires ; mais je dois faire observer qu’il y a pour lui en même temps
obligation de justifier toute demande d’augmentation qu’il croit devoir nous
soumettre.
Je bornerai là pour le moment me observations.
M. Dubus (aîné). - Messieurs, vous votez en ce moment le budget de la
guerre, mais je vous ferai remarquer que vous votez implicitement le budget des
voies et moyens. Le vote déféré en ce moment à la chambre, qui se trouve
réduite à peu près à la moitié ses membres, est peut-être le vote le plus
important de la session, car vous allez poser les bases d’une augmentation
d’impôts, augmentation qui vous est demandée par le gouvernement et contre
laquelle toutes les sections et la section centrale se sont élevées.
C’est parce que le principe de l’augmentation de
l’impôt se trouve dans le budget des dépenses qu’on a reconnu la nécessité de
voter ce budget préalablement au budget des voies et moyens. La section
centrale vous propose sur le budget de la guerre des réductions qui s’élèvent à
environ 1,700,000 fr.
Prenez garde, maintenant, que par des raisons plus ou
moins spécieuses, on ne nous les fasse rejeter toutes isolément. Il ne nous restera
qu’à voter les augmentations d’impôt contre lesquelles tout le pays en quelque
sorte a déjà réclamé.
Par l’article en discussion, le gouvernement a demandé
une augmentation d’environ 43,500 fr. ; la section centrale ne propose qu’une
réduction de 11 mille et des cents francs. Il restera toujours 57,000 fr.
d’augmentation. Quelque modérée que soit cette proposition, le ministre la
combat.
La section centrale a fait remarquer en même temps que
si vous ne changiez pas le libellé de l’article, le ministre pourrait faire une
application de ce crédit, contraire à l’intention de la chambre. Ce libellé, le
ministre le combat encore ; il conteste à la chambre le droit de formuler un
article de manière à avoir la garantie que la somme qu’elle vote recevra l’application
qu’elle désire. C’est une chose inouïe dans les fastes parlementaires, de notre
pays du moins, que l’on vienne dénier à la chambre le droit de rédiger le
libellé d’un article de façon que nous puissions assurer l’application d’un
crédit telle que nous la voulons. Cela, dit-on, n’est pas dans la prérogative
de la chambre, et on vient nous opposer la prérogative royale, on vient
chercher dans l’article 78 des limites en ce qui concerne le budget de la
guerre.
Selon le ministre, tout ce que la constitution
n’accorde pas à la législature, par celui seul doit lui être dénié. Il
s’attache à faire ressortir un argument a contrario de l’article concernant la
gendarmerie ; de ce qu’on n’a parlé que de l’organisation de la gendarmerie, on
lui a dénié le droit de s’occuper de la partie de l’armée qui n’est pas la
gendarmerie. Voilà le principe que pose M. le ministre. La représentation
nationale n’a de pouvoirs que ceux qui sont écrits dans la constitution, tout
le reste appartient à la prérogative royale. C’était le principe contraire
qu’il fallait proclamer, parce qu’il est écrit en toutes lettres dans la
constitution.
L’article 78 porte :
« Art. 78. Le Roi n’a d’autres pouvoirs que ceux
que lui attribuent formellement la constitution et les lois particulières
portées en vertu de la constitution même. »
Ainsi c’est nous qui pouvons dire : Vous devez trouver
écrits en termes exprès dans la constitution les droits que vous prétendez être
réservés au pouvoir exécutif ; tout ce que vous n’y trouverez pas écrit, appartient
au pays, à la représentation nationale. Ce seul article renverse déjà par sa
base toute l’argumentation du ministre de la guerre. Il s’est complétement
trompé de principe ; il a pris le contre-pied de ce qui est écrit. Il a
prétendu que la chambre n’avait de pouvoirs que ceux écrits dans la
constitution, tandis que c’est le pouvoir exécutif qui n’a de prérogatives que
celles expressément écrites dans la constitution.
M. le ministre a débuté par une considération tirée de
l’importance qu’il y a à conserver l’esprit militaire, de la nécessité, afin
d’atteindre ce but, de pouvoir accorder de l’avancement aux officiels qui en
méritent. Je conteste formellement cette considération mise en avant par le
ministre. Je prétends que la carrière militaire ne diffère pas des autres
carrières. Je prétends que pas plus les grades dans l’armée, que les fonctions
appartenant aux autres départements ministériels, ne doivent être créés par les
hommes ; on doit uniquement les créer pour les besoins du service. Vous ne pouvez
y nommer que lorsqu’ils sont vacants. Lorsqu’ils sont suffisants et qu’il n’y a
pas de vacants, il n’y a pas de droit, il n’y a pas plus de raison de créer un
nouveau grade de général de division ou de brigade, pour récompenser les
services d’un individu, que vous n’auriez le droit de nommer un gouverneur en
plus pour donner à un fonctionnaire public de l’avancement en récompense de
longs services, que vous n’auriez le droit de nommer un conseiller surnuméraire
à la cour de cassation ou à une cour d’appel pour récompenser les longs
services de juges qui appartiendraient aux tribunaux inférieurs.
Le principe est le même pour toute espèce de
fonctions, leur nombre est déterminé d’après les besoins du service. Ce n’est
que quand une fonction est vacante par décès, démission ou révocation du
fonctionnaire, dans le cas où on a le droit de le révoquer, qu’on doit le
remplacer et donner de l’avancement, s’il y a lieu, à un autre fonctionnaire du
même ordre. Le texte de l’article relatif à la prérogative royale ne présente
rien de contraire à ce que je viens de dire. L’article 66 porte que le Roi
confère les grades dans l’armée. Il suppose que les grades existent. Il examine
à qui appartient de conférer la fonction. C’est au Roi. Il résulte de là que là
que vous ne pourriez pas faire une loi qui, en instituant un nombre déterminé
de grades, attribuerait à un autre qu’au pouvoir exécutif le droit de nommer.
S’il convenait au gouvernement de nommer deux colonels par régiment, deux
capitaines et quatre lieutenants par compagnie, vous n’auriez pas le droit de
faire une loi qui porterait qu’il y aurait un tel nombre de régiments, un
colonel par régiment et un capitaine par compagnie ? Evidemment vous avez ce
droit. Et vous n’auriez pas celui de dire qu’il y aura tel nombre de généraux
de division et de généraux de brigade !
On a confondu deux clauses : le droit de conférer les
grades et celui de les créer en tel nombre que l’on voudrait.
Certes, il n’est écrit dans aucun article de la
constitution que le Roi a droit de créer autant de fonctions d’officiers qu’il
lui plaît. De ce que cela n’est pas écrit dans la constitution, il en résulte
que cela n’appartient pas à la prérogative royale. C’est l’article 78 qui l’a
déclaré d’avance.
Le ministre a argumenté des articles 118 et 120 de la
constitution. Il a vu dans l’article 118 une disposition limitative, il a vu
que la législature n’avait aucun des pouvoirs qui n’étaient pas compris dans
cet article. Je rappelle qu’il a perdu de vue l’article 78.
Il a comparé l’article 118 à l’article 120, et parce
que dans ce dernier il a trouvé qu’il s’agissait de l’organisation de la
gendarmerie, il a conclu à contrario que l’organisation de l’armée, que
l’organisation de ce qui n’est pas la gendarmerie, ne peut pas faire l’objet
d’une loi. Mais on lui a répondu que l’article 139 faisait de l’organisation de
l’armée l’objet d’une loi. Ainsi voilà toute l’argumentation du ministre
renversée par un article de la constitution.
Voici comment est conçu cet article :
« Art. 139. Le congrès national déclare qu’il est
nécessaire de pourvoir par des lois séparées, et dans le plus court délai
possible, aux objets suivants :
« … 10° L’organisation de l’armée, les droits
d’avancement et de retraite, et le code pénal militaire ; »
Or, si le congrès a non seulement laissé le droit,
mais fait un devoir à la législature, de pourvoir par une loi à l’organisation
de l’armée, sur quel texte se fondera-t-on pour prétendre, lorsque la
législature s’en occupera, qu’elle n’a pas le droit de limiter les fonctions militaires
? Quel est le texte qui prête seulement à une pareille supposition ? Aucun,
messieurs.
Ainsi, c’est un point constant, constitutionnellement,
que la législature a réellement le droit de limiter, si elle trouve sage et
convenable de le faire, le nombre des fonctions militaires. Une fois cette
limitation écrite dans la loi, en résulterait-il qu’on aurait porté atteinte à
l’article 66 ? Le Roi pourrait toujours conférer, rejeter les grades. Cet
article ne dit pas que le nombre en sera illimité.
Cependant le ministre n’a pas tout refusé à la
législature. Il a dit : Vous avez le droit de rejeter l’article s’il ne
convient pas. Je ne comprends plus comment on vient nous concéder le droit le
plus étendu ; si nous avons le droit de rejeter la proposition, à plus forte
raison nous avons celui de l’amender. Qui peut plus peut moins.
Ce qui a particulièrement fait l’objet de la critique
du ministre de la guerre, c’est la division que la section centrale propose de
l’article, afin d’introduire dans l’application plus de spécialité, pour mieux
s’assurer qu’on n’appliquera pas la somme allouée d’une manière qui lui semble
abusive. Ce droit de diviser est écrit en toutes lettres dans la constitution,
article 42.
Ainsi, c’est là
l’une des prérogatives formellement attribuées aux chambres par la
constitution, c’est qu’elles peuvent introduire dans les budgets autant de
spécialités qu’elles désirent, qu’elles peuvent diviser les articles, afin
d’empêcher que ce qui a été demandé pour cette dépense ne soit appliqué à une
autre pour laquelle les chambres n’auraient pas voulu l’accorder peut-être.
Ainsi ce que propose la section centrale, elle le fait
en conséquence et en vertu de l’article 42 de la constitution. Elle propose par
amendement de diminuer de 11,000 francs le chiffre proposé, de changer le
libellé et de diviser l’article en deux. Je ne sais pas comment le ministre
pourra persister à soutenir que cet amendement présente une violation de la
constitution, alors que ce n’est que l’exercice du droit attribué aux chambres
par l’article 42 de la constitution.
Je me bornerai à ces observations qui portent sur
l’objection principale du ministre de la guerre, me référant pour le reste aux
développements qui seront donnés par les membres de la section centrale dont je
n’ai pas fait partie.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je désire répondre à quelques-unes des
observations très importantes présentées par l’honorable préopinant. Je pense
qu’il ne m’a pas suffisamment compris. Je commence par dire qu’il n’est
nullement entré dans ma pensée de contester à la chambre le droit de diviser
les articles ou de les amender, d’une manière absolue. Mais, mon opinion est
toujours que s’il existe dans la constitution une disposition quelconque qui fait
que tel ou tel amendement serait contraire à cet article, alors la chambre doit
s’abstenir de la faculté qui lui est accordée par l’article 42 de la
constitution. Voilà la limite dans laquelle je crois que ce droit est
restreint. Je persiste à dire que l’organisation de l’armée, dans le sens qu’il
faut donner à ce mot, appartient au Roi comme commandant en chef de l’armée.
C’est dans ce sens que j’entends encore qu’un
amendement ayant pour objet une organisation implicite de l’armée serait par
cela même contraire à la constitution et que la chambre doit s’en abstenir.
Dans l’article 139 de la constitution qui demande que
le pouvoir législatif, que le gouvernement s’occupe d’une organisation de
l’armée, à la suite des mots « l’organisation de l’armée, » se
trouvent ceux-ci, que j’en considère comme l’explication : « les droits
d’avancement et de retraite, et le code pénal militaire. » Voilà, à mon
avis, avec la position des officiers et la perte des grades, objets qui ont
déjà été réglés par une loi, que je regarde comme du domaine du pouvoir
législatif. Ce que je crois du domaine du gouvernement, c’est l’organisation de
l’armée résultant de sa division et de sa subdivision en corps, et de la
détermination de la manière dont les corps doivent être composés. Ce droit
d’organisation me paraît attribué au Roi par l’article 66 de la constitution.
On a dit que si on nommait deux colonels par régiment,
deux capitaines par compagnies, la chambre aurait le droit d’empêcher les abus.
Sans doute ; mais je crois que si de tels abus avaient lieu, la chambre ne
pourrait les faire cesser qu’en usant du droit qu’elle a de refuser le budget,
droit que je n’ai contesté en aucune façon.
On a voulu conclure de mon argumentation que je prétendrais
que le Roi, comme commandant en chef de l’armée, aurait le droit de créer des
grades en nombre indéfini. Telle n’a pas été ma pensée ; mais je crois avoir
prouvé que si on voulait établir le maximum des grades susceptibles d’être
donnés, on serait obligé de le fixer à un chiffre supérieur au nombre des
grades existants. La limite que l’on pourrait fixer n’a donc pas été atteinte
par le gouvernement. Mais le fait est qu’il n’y a aucun motif pour fixer le
nombre des officiers généraux ; il y a au contraire de très fortes raisons pour
que cette fixation n’ait pas lieu.
On a cru que je voulais que l’on créât des grades pour
encourager l’esprit militaire ; mais je n’ai jamais prétendu qu’il fallût, pour
encourager l’esprit militaire, donner autre chose que l’avancement nécessaire
pour porter les grades au complet.
Parce que j’ai cité la constitution et les lois
portées en vertu de la constitution, on a prétendu que je voulais faire
accorder au Roi des pouvoirs par induction. J’ai trouvé dans les articles 66 et
68 de la constitution que le Roi confère les grades dans l’armée et qu’il
commande l’armée ; j’ai conclu de là que l’organisation résultant de la
division et de la subdivision en corps lui appartenait.
Quant aux droits de la chambre, je ne les ai pas
contestés, mais j’ai fait un appel aux lumières de la chambre pour savoir si
c’était le cas de faire usage de ce que j’appellerai la dernière raison de la
chambre, en refusant l’allocation nécessaire pour un objet d’une importance
financière si minime et d’une importance si grande au contraire pour le
gouvernement dans l’intérêt de la bonne organisation de l’armée.
On a commencé par appeler l’attention de la chambre
sur la nécessité d’adopter les amendements de la section centrale afin de
diminuer les dépenses de l’Etat, et de ne pas avoir besoin de voter un budget
des voies et moyens trop fort.
A mon tour je prierai la chambre de songer à la
situation du pays, à la nécessité d’avoir une armée bonne et forte, animée d’un
bon esprit, et qui, quand l’occasion se présenterait comme cela vient d’avoir
lieu, fût prête à voler partout où la défense du pays peut la réclamer. On ne
peut pas dire que nous avons des généraux en masse, lorsque nous n’avons pas la
moitié du nombre des généraux qui seraient nécessaires pour commander l’armée
sur le pied où elle est susceptible d’être portée ; nous n’avons donc pas des
généraux en masse, c’est là une erreur véritable. Je crois que la chambre ne
doit pas voter sous cette impression qui véritablement ne repose pas sur un fait
exact.
L’honorable M. Desmaisières a justifié la mesure
proposée par la section centrale, par la nécessité d’empêcher l’augmentation
des charges publiques. Je conçois que la proposition de la section centrale
peut, jusqu’à, un certain point, faire atteindre ce but ; le gouvernement
n’aurait alors d’autre ressource que de s’en rapporter au patriotisme des
généraux, et de supposer qu’ils pourraient servir sans le traitement de leur
grade.
Messieurs, je ne crois pas qu’on ait recours à ce
moyen ; je ne crois pas qu’on augmente le nombre des généraux et qu’on le porte
au-dessus du cadre sans de grandes nécessités. La chambre doit donc renoncer
aux intentions de sa section centrale, aux intentions de limiter l’action du
gouvernement en tout ce qui tient au commandement des troupes.
Je n’ai pas
dit que la section centrale eût un motif de mécontentement dans le choix du
général qui a été nommé ; j’ai dit qu’elle avait été mécontente de ce qu’on
avait fait une nomination ; mais la nomination n’a en lieu que parce qu’elle
était extrêmement utile.
On a dit qu’un moyen de donner de l’avancement à
l’armée était celui de la rajeunir : je crois que ceci est une erreur. Je ne
pense pas que le respect réel pour d’anciens services, pour des positions
acquises au prix de nombreux dévouements, au prix du sang versé, soit une cause
de découragement ; je pense qu’il entre dans l’esprit militaire d’avoir du
respect pour ces positions, afin que chacun puisse se dire que, s’il y
parvient, le pays les lui conservera.
M. de Brouckere. - Faut-il que la loi règle l’organisation de
l’armée, dans ce sens que cette loi établisse combien il y aura de généraux de
division, combien de généraux de brigade, combien de colonels, combien
d’officiers de chaque grade ? En l’absence d’une semblable loi, entre-t-il dans
les attributions de la chambre de suppléer à la législation et de fixer ainsi
le nombre des officiers de chaque grade qu’il pourra y avoir dans l’armée ? Ce
sont là des questions d’une grave importance et des questions qui peuvent
donner lieu à de très longs débats ; mais je ne vois pas, moi, la nécessité de
les résoudre aujourd’hui dans un sens absolu ; je me fais une autre demande, et
c’est de la solution de cette demande qu’il doit s’agir actuellement.
Dans les circonstances où nous nous trouvons,
convient-il de circonscrire les droits du gouvernement à tel point que, quelles
que soient les circonstances qui se présentent, il ne lui soit pas loisible de
nommer un colonel général de brigade, ou un général de brigade général de
division ? Voilà la question que je me fais ; et à celle-là je réponds : Non,
il ne convient pas de circonscrire ainsi les droits du gouvernement dans les
circonstances où nous nous trouvons.
Y a-t-il dans les nominations de ce genre des abus si
graves que nous devions nous tenir en méfiance ? Je ne le pense pas ; je ne
pense pas que le ministre en fonctions ait tellement abusé de la confiance qui
lui a été donnée qu’on puisse se récrier beaucoup contre les nominations qu’il
a faites. Eh bien, si le passé n’est pas de nature à nous donner de la
méfiance, je ne vois pas pourquoi nous nous montrerions aussi méfiants envers
lui qu’on nous le propose.
Croyez-vous qu’il soit impossible qu’il se présente de
tels événements qu’il soit dans l’intérêt du pays que le gouvernement ait la
faculté de nommer un ou deux officiers généraux ? Croyez-vous qu’il ne pourrait
pas arriver de telles circonstances où vous auriez des reproches à vous faire
d’avoir mis le gouvernement dans l’impossibilité de compléter le cadre des
généraux, ainsi que le gouvernement le jugerait nécessaire afin de répondre aux
besoins du service ?
Pour moi, je ne
veux pas prendre sur moi la responsabilité d’entraver l’action du gouvernement
à cet égard ; je ne veux pas que si des événements malheureux arrivaient, on
puisse en rejeter la responsabilité sur la chambre et lui dire : Si l’armée n’a
pas été conduite comme les représentants du peuple avaient droit de l’exiger
dans l’intérêt du pays, c’est à eux qu’on doit l’attribuer, parce qu’ils ont
mis le gouvernement dans l’impuissance d’organiser convenablement le service.
C’est par ces considérations et sans m’enquérir
aujourd’hui de la nécessité de porter une loi sur l’organisation de l’armée,
que je voterai dans le sens du gouvernement.
M. Dumortier. - L’honorable préopinant a singulièrement déplacé la
question. Le ministre de la guerre était venu dans cette enceinte dénier à la
chambre les droits que la constitution lui assigne ; et l’honorable préopinant
vient de nous parler de l’exercice de ce droit : cette dernière question est
une question de personnes, et c’est s’écarter de l’objet primitif du débat.
Quant à moi je ne voulais pas parler dans cette discussion, mais je croirais
manquer à mon mandat si je ne repoussais les prétentions du ministre ; je
croirais trahir mon mandat si je ne défendais les prérogatives de la
représentation du peuple.
Le ministre vient de dire que puisque la constitution
déclarait que l’organisation de la gendarmerie serait faite par une loi, il en
résultait que l’armée ne serait pas organisée par une loi ; mais je demande
quelle différence il y a entre les termes des articles qui concernent l’armée
et les termes des articles qui concernent la gendarmerie ? Aucune ; en présence
d’une pareille déclaration de la part de la constitution, n’est-il pas
extraordinaire de voir raisonner comme on a fait ?
N’attribuez pas au Roi les mêmes pouvoirs qu’avait le
roi de France d’après la première charte ; la différence entre les deux prérogatives
est immense.
D’après l’article 66 de notre constitution, le Roi
confère les grades dans l’armée ; il nomme aux emplois d’administration
générale et de relations extérieures, sauf les exceptions établies par les
lois... Mais d’après l’article 14 de l’ancienne charte française le Roi était
le chef suprême des armées de terre et de mer ; il faisait les traités de paix,
d’alliance, et de commerce ; il faisait la guerre ; il était chargé de veiller
à la sûreté de l’Etat... Il avait enfin une véritable dictature.
Vous voyez combien la comparaison entre les
prérogatives du Roi en Belgique et les prérogatives du Roi en France est
erronée, et qu’il n’y a aucune similitude, à cet égard, entre les deux pays.
Je regrette que le ministre de la guerre ait entamé
d’une manière si imprudente une discussion de prérogatives : en 1829, un
ministre audacieux est venu ainsi dénier à l’assemblée ses droits
constitutionnels ; on l’écarta avec indignation ; je dois aussi repousser avec
indignation de semblables propositions.
Vous demandez la faculté de nommer de nouveaux
généraux ; n’en avez-vous pas assez ? Ouvrez votre budget, vous y verrez
figurer sept généraux de division ; et je pense qu’un huitième vient récemment
d’être nommé ; il existe même neuf généraux de division ; et comme vous n’avez
que quatre divisions dans votre armée, vous en avez cinq sans emploi. Si vous
n’en avez pas assez, il en existe encore d’autres dont on pourrait se servir ;
vous avez le général Daine, par exemple, qui peut être très utile.
N’est-ce pas un abus de voir qu’un de ces généraux de
division à la retraite ne reçoive de pension que pour commander la garde
civique, tandis que ce commandement est une infraction flagrante à la loi sur
l’organisation de la garde civique qui ne veut pas de militaires à sa tête ?
Si vous voulez, mettez à la retraite ceux des généraux
de division qui doivent y être afin de les remplacer par ceux des autres
généraux de division dont les services peuvent être réclamés.
Les ministres de la guerre qui se sont succédé, nous
ont tous assurés qu’ils n’avaient besoin que de cinq à six généraux de
division.
A quoi bon augmenter le personnel de l’état-major de
l’armée en temps de paix ? Est-ce le moment de faire de plus grandes dépenses
quand nous voyons qu’il faudra augmenter les charges du pays ?
Mais, a-t-on dit,
nous ne voulons pas assumer la responsabilité des calamités qui pourraient
peser sur la Belgique ; je suis étonné d’entendre le préopinant s’exprimer de la
sorte. Nous votons un budget pour quarante à cinquante mille hommes ; et les
généraux sont assez nombreux pour une armée semblable. Si des événements
malheureux arrivaient, que le ministère assemble la chambre, qu’il demande les
crédits nécessaires, et il les aura ; mais lorsqu’on présente un budget qui
consacre une armée infiniment moins forte, je ne consentirai pas à augmenter le
nombre des officiers généraux. C’est une absurdité de vouloir augmenter
l’état-major alors qu’on n’augmente pas le nombre des soldats, qui sont les
véritables défenseurs du pays.
Que le ministre de la guerre vienne nous demander, au
nom de l’honneur et de la défense du pays, les moyens de mettre 110,000 hommes
sous les armes, nous nous empresserons de les lui accorder, et nous lui
permettrons alors d’augmenter les cadres des officiers généraux ; mais je ne
pense pas qu’il faille voter des centimes additionnels pour le seul plaisir de
créer des généraux ; je ne les voterai donc pas, surtout lorsque le
gouvernement vient de dénier les prérogatives de la chambre.
M. Brabant. - Messieurs, il se présente ici une double question : l’article
premier du chapitre II sera-t-il divisé, comme le propose la section centrale ?
Refuserons-nous les 11,600 fr. demandés pour un général de brigade, comme le
propose également la section centrale ? Quant à la division je ne vois pas quel
intérêt le gouvernement peut avoir à s’y opposer ; la section centrale a
proposé de faire deux articles afin qu’on ne puisse pas, contre l’intention de
la chambre, augmenter le nombre des officiers généraux, et c’est peut-être le
meilleur moyen d’atteindre ce but.
Je conçois très bien que M. le ministre de la guerre
s’oppose à la réduction de 11,600 fr., qui lui enlèverait la possibilité de créer
un 20ème général de brigade ; mais je ne conçois pas du tout qu’il s’oppose à
la division de l’article, s’il n’a pas l’intention d’employer à une autre
destination les fonds demandés pour les officiers de l’état-major. Ou bien ces
officiers sont indispensables, et alors vous ne pouvez pas distraire un centime
des fonds qui leur sont destinés, pour les donner aux généraux ; ou bien une
partie de ces fonds sont inutiles, et alors dites-le, nous pourrons affecter la
somme qui pourra être prise sur le crédit que vous demandez pour eux, au traitement
des officiers généraux à nommer. On n’a jamais rien perdu
dans cette chambre à agir avec franchise : posez la question de savoir si le
nombre des généraux de brigade est insuffisant, et chacun y répondra suivant ses
lumières, suivant sa conscience, et suivant la confiance qu’il aura dans le
gouvernement ; mais refuser de consentir à la division, cela cache une
arrière-pensée, cela prouve qu’on veut donner au crédit qu’on demande une autre
destination que celle pour laquelle on le sollicite.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs, il y a une chose très importante à
remarquer, quant à cette division, c’est qu’on la propose dans le but de
limiter l’action du gouvernement et surtout dans une pensée de blâme de ce que
le gouvernement a fait dans le courant de l’année qui vient de s’écouler :
c’est sous ce rapport, messieurs, que je dois repousser la division. On dit que
je ne la repousserais pas si je n’avais pas l’intention de faire un usage
irrégulier des fonds que je réclame. On demande si les officiers d’état-major
sont ou ne sont pas nécessaires. Il est bien certain, messieurs, qu’on se tient
toujours dans les limites du budget ; mais lorsqu’un article présente quelque
généralité ; qu’il embrasse un certain nombre de fonctionnaires, s’il arrive
dans la suite que les fonds destinés aux appointements de quelques-uns
deviennent disponibles, et qu’en même temps il se présente une nécessité
d’augmenter le nombre des autres, on ne croira pas commettre une infraction en
faisant des nominations en conséquence.
C’est là,
messieurs, ce qui a été fait dans le courant de 1837 ; après cela, messieurs,
il me semble que les reproches qui nous ont été adressés n’ont pas de
fondement, et qu’on ne peut pas craindre que nous voulions abuser de la
latitude que nous demandons. Je n’ai aucunement l’intention de proposer la
nomination de généraux qui ne seraient pas nécessaires au service ; tout ce que
je demande, c’est qu’on laisse au gouvernement assez de liberté d’action pour
qu’il ne soit pas dans l’impossibilité de faire les nominations qui
deviendraient indispensables.
L’honorable M. Dumortier s’est élevé beaucoup contre
la prétention qu’il m’attribue de dénier les droits de la chambre. Je crois,
messieurs, m’être suffisamment expliqué à cet égard ; je n’ai voulu dénier
aucun droit réel de la chambre, j’ai simplement réclamé pour le gouvernement
l’exercice de ses propres droits, qui lui est indispensable pour qu’il puisse
assumer la responsabilité de la défense du pays. Je ne sais pas où l’honorable
M. Dumortier a trouvé que j’aurais établi un parallèle entre la charte
française et la constitution belge, je n’ai pas dit un mot de cela.
M. Brabant. - M. le ministre de la guerre a dit, messieurs, que c’est dans une
intention de blâme que la section centrale a proposé la division de l’article
qui nous occupe. Eh bien, messieurs, oui, c’est dans une intention de blâme,
dans le sens qui a été expliqué par l’honorable M. Desmaisières, parce que le
gouvernement s’était engagé pendant trois années de suite à ne pas nommer
au-delà du nombre d’officiers généraux portés au budget, et que cependant il
l’a fait ; mais le blâme ne porte en aucune façon sur la proposition qui a été
faite cette année, car la section centrale a été unanime pour approuver le
choix du gouvernement ; si elle l’a blâmé, ce n’est que parce qu’il a devancé
l’époque où il aurait pu demander un crédit pour faire face à la dépense
résultant de cette nomination.
- Le chiffre du gouvernement est mis aux voix et
adopté.
M. le président. - Je vais consulter la chambre sur la question de
savoir si l’on divisera l’article en deux.
Plusieurs membres.
- L’appel nominal ! l’appel nominal !
Il est procédé au vote par appel nominal.
56 membres y prennent part
21 répondent oui.
35 répondent non.
En conséquence la division de l’article n’est pas
adoptée.
Ont répondu oui : MM. Andries, Brabant, de Meer de
Moorsel, Demonceau, Desmaisières, d’Hoffschmidt, Dubus (aîné), B. Dubus,
Dumortier, Gendebien, Heptia, Kervyn, Lecreps, Lejeune, Mast de Vries, Metz, A.
Rodenbach, Thienpont, Trentesaux, Vandenbossche et Wallaert.
Ont répondu non : MM. Bekaert, Berger, Corneli, de
Brouckere, de Florisone, de Longrée, F. de Mérode, W de Mérode, de Nef, de
Puydt, de Renesse, de Sécus, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux,
d’Huart, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Hye-Hoys, Lardinois, Mercier,
Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Raymaeckers, Troye, Ullens,
Vandenhove, Vilain XIIII, Willmar, Peeters et Raikem.
Plusieurs membres.
- A demain ! à demain !
M. de Brouckere. - Il ne peut pas y avoir séance demain. La
députation de la chambre doit se rendre auprès du Roi, et je crois que les
ministres y seront retenus beaucoup plus longtemps que la députation.
Un membre.
- Qu’on fixe la séance à deux heures.
M. le président. - Je vais consulter la chambre par appel nominal ;
ceux qui voudront fixer la séance à deux heures, répondront oui, ceux qui
voudront qu’elle ait lieu à l’heure ordinaire répondront non.
- Le résultat de l’appel nominal constate que la
chambre n’est pas en nombre.
En conséquence, la séance de demain est fixée à midi.
La séance est levée à 4 heures et demie.