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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 23
décembre 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi accordant un crédit provisoire de 3 millions de francs au département
de la guerre pour l’exercice 1838 (+affaire de Grünewald) (Desmaisières, Willmar, Pollénus, Willmar, Desmaisières, Willmar, de Jaegher)
3) Projet de loi relatif aux droits d’accises
sur les sucres. Discussion des articles. Rendement de l’impôt (de Theux, Metz, Desmaisières, Dubus (aîné), Dumortier, Rogier, Verdussen, Ernst, de Theux, Dubus (aîné), Mast de Vries, Dumortier, Metz, Mercier, F.
de Mérode, Ernst), proposition d’ajournement de la
chambre (Gendebien, Ernst, de Theux, Seron, Dumortier, de Theux, Dubus (aîné), Ernst, Gendebien, F. de Mérode, Dolez, Dumortier)
(Moniteur belge
n°358, du 24 décembre 1837 et (Moniteur
belge n°359, du 25 décembre 1837))
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur belge
n°358, du 24 décembre 1837)M. B. Dubus procède à l’appel nominal à une
heure.
M. Lejeune donne
lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est adoptée.
M. B. Dubus
fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Les sieurs Anoye frères, négociants en vins et
boissons fortes à Iseghem, demandent qu’il soit introduit des modifications à
la loi sur les distilleries. »
- Cette pétition est renvoyée à la commission chargée
d’en faire le rapport.
________________
Le sénat, par divers messages, informe la chambre de
l’adoption de divers projets de loi de séparation de communes.
________________
M. Vanderbelen s’excuse de n’avoir pu, pour cause de
santé, prendre part aux travaux de la chambre depuis la fin d’octobre, et annonce
l’espoir de revenir partager ces travaux dans le courant du mois prochain.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT PROVISOIRE DE
3 MILLIONS DE FRANCS AU DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR L’EXERCICE 1838
M. Desmaisières. - La section centrale du budget de la guerre, chargée comme commission
spéciale de l’examen du projet de loi présenté par M. le ministre de la guerre,
contenant la demande d’un crédit provisoire de 3 millions de francs, a
l’honneur de vous proposer son adoption.
Malgré la promptitude que l’on apporterait dans la
discussion du budget de la guerre, il n’est guère probable que la loi de ce
budget pourrait être adoptée par les deux chambres avant le 1er janvier
prochain. Cependant, les dépenses du département de la guerre ne peuvent pas
souffrir de retard. Et le ministre de ce département doit avoir, chaque jour,
des fonds à sa disposition. Il y a donc nécessité d’accorder le crédit
provisoire qui forme l’objet de la demande de M. le ministre, sauf à ce qu’il
ne soit fait emploi de ces fonds que dans les limites des crédits tels qu’ils
ont été provisoirement fixés par la section centrale dans son rapport du 15
novembre dernier.
M. le président. - Désire-t-on s’occuper de suite de cette demande de
crédits ? (Oui ! oui !)
Voici comment est conçu le projet du gouvernement :
« Il est ouvert au ministre de la guerre un
crédit provisoire de trois millions de francs, pour faire face aux dépenses du
mois de janvier 1838. »
La section centrale propose l’adoption de ce projet,
mais en y ajoutant la restriction suivante :
« Sauf à ce qu’il ne soit fait emploi de ces
fonds que dans les limites des crédits tels qu’ils ont été provisoirement fixés
par la section centrale dans son rapport du 15 novembre dernier. »
M. le ministre de la guerre (M.
Willmar). - Je ne crois
pas pouvoir souscrire d’une manière absolue à cette réserve. La section
centrale propose une réduction assez considérable sur la solde d’infanterie qui
suppose une réduction de trois mille hommes pendant toute l’année ; cela
pourrait influer sur la moyenne de la dépense pendant le mois de janvier. Au
moment où je suis obligé de faire revenir les permissionnaires, je ne puis
souscrire à une réduction quelconque sur l’infanterie. Le projet du
gouvernement doit être voté sans restriction Il a été calculé sur les besoins
réels du mois de janvier, d’après la situation actuelle, sauf la circonstance
qui s’est présentée ; l’armée est sur le pied le plus faible possible. Les
dépenses ont été calculées au plus bas ; le crédit doit être adopté tel qu’il a
été présenté et sans la restriction proposée.
M. Pollénus. - Pour adopter la restriction que la section centrale
propose d’apporter aux crédits provisoires demandés par M. le ministre de la
guerre, il faudrait être d’accord, me semble-t-il, que les dépenses du
département de la guerre se trouvent dans leur état normal. Je vois, dans
l’exposé des motifs, que le crédit demandé par le ministre de la guerre est
destiné à couvrir non seulement les dépenses ordinaires, mais encore les
dépenses extraordinaires résultant de l’envoi d’un corps d’armée dans le
Luxembourg. La proposition de la section centrale qui limite l’allocation aux
prévisions ordinaires semble donc supposer que les circonstances qui ont donné
lieu aux prévisions du département de la guerre n’existent plus.
Dans cet état de choses, il serait désirable que M. le
ministre de guerre nous dît s’il a des communications à nous faire sur les
faits qui ont motivé la communication du gouvernement faite à la séance du 11
de ce mois. Si les difficultés du Luxembourg subsistent et se prolongent, il y
a nécessité de maintenir le corps d’armée qui est en marche ; les dépenses que
nécessite cet état de choses ne sont pas comprise dans les prévisions de la
section centrale, la restriction que propose la section centrale ne peut donc
être adoptée que pour autant que les difficultés dont je viens de parler
puissent être considérées comme terminées. Mon vote sur la restriction proposée
dépendra de la réponse qui me sera donnée par M. le ministre de la guerre.
M. le ministre de la guerre (M.
Willmar). - Les organes du
gouvernement ont énoncé l’opinion que la difficulté dont on vient de parler
s’arrangerait par voie diplomatique. Dans l’état actuel des choses, nous avons
encore lieu de penser que telle sera la conclusion de cette affaire. Mais il
n’existe pas encore de faits assez positifs pour permettre de renoncer à la
démonstration que le gouvernement a faite. Les choses doivent donc rester sur
le pied où elles sont aujourd’hui.
M. Pollénus.
- D’après la déclaration de M. le ministre de la guerre, je déclare de mon côté
que je voterai contre la restriction proposée par la section centrale et pour
la proposition du gouvernement.
M. Desmaisières. - Je viens de consulter mes honorables collègues de
la section centrale sur l’objection présentée par M. le ministre de la guerre.
Nous ne nous opposons pas, en raison des circonstances, à ce que le ministre de
la guerre fasse usage du crédit pour l’effectif de l’armée, tel qu’il désire
l’établir ; si nous apportons une restriction, si nous demandons qu’il se
tienne dans les limites posées par la section centrale, ce n’est pas à l’égard
de ce crédit, mais à l’égard des autres. Nous sommes donc d’accord avec M. le
ministre de la guerre. Il n’y a donc aucune difficulté à voter la loi avec
l’addition que nous avons proposée.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne vois pas de raison pour ne pas voter le
projet du gouvernement purement et simplement. Il n’y a pas possibilité qu’il
soit fait quelque chose de contraire aux désirs de la section centrale, pendant
le mois de janvier.
M. de Jaegher.
- Comme membre de la section centrale, je demande à expliquer les motifs de la
restriction qu’elle a proposée. Il est constant que la section centrale n’a pas
admis tout ce qui avait été demandé par M. le ministre de la guerre. Les
crédits refusés pourraient être considérés comme admis par M. le ministre de la
guerre, moyennant le tantième de 3 millions. La section centrale n’a pas voulu
que M. le ministre pût mandater sur ces crédits. En posant une restriction,
elle a voulu faire entendre que son intention n’était pas de lever les
prescriptions posées dans son rapport.
M. le président.
- Alors nous considérerons la restriction comme une explication de la section
centrale, et je ne mettrai aux voix que projet du gouvernement. (Oui ! oui !)
« Art. 1er. Il est ouvert au ministre de la
guerre un crédit provisoire de trois millions de francs, pour faire face aux
dépenses du mois de janvier 1838. »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er
janvier 1838. »
- Adopté.
On procède à l’appe1 nominal sur l’ensemble de la loi.
Elle est adoptée à l’unanimité des 61 membres qui ont
répondu à l’appel. En conséquence, elle sera transmise au sénat.
Les membres qui ont pris part au vote sont : MM.
Andries, Bekaert-Baeckelandt, Coppieters, Corneli, de Florisone, de Jaegher, de
Langhe, de Longrée, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, F. de Mérode,
Demonceau, de Nef, Dequesne, de Renesse, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de
Theux, d’Hoffschmidt, Doignon, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Duvivier, Eloy de
Burdinne, Gendebien, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn Lardinois, Lecreps, Lejeune,
Liedts. Manilius, Mast de Vries, Mercier, Metz, Milcamps, Morel-Danheel,
Pirmez, Pirson, Polfvliet, Pollénus, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, C.
Rodenbach, Rogier, Scheyven, Seron, Simons, Smits, Stas de Volder, Thienpont,
Trentesaux, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Verdussen, Willmar, Zoude.
PROJET DE LOI RELATIF AUX DROITS D’ACCISES SUR
LES SUCRES
Discussion des articles
Article 2
M. le président.
- A la séance d’hier, la chambre a décidé que le rendement serait augmenté. Voici
les amendements qui se rapportent à cet objet.
Amendement de M. Lardinois :
« Par dérogation à la loi du 24 décembre 1829 (Journal officiel, n°76), et à partir du
1er mars 1837, la décharge de l’accise sur le sucre, en cas d’exportation, est
fixée en principal à 40 fr. par cent kilogrammes de sucres candi ou de sucres
en pains ou en morceaux. »
Maintenant la discussion est
ouverte sur la question de savoir de combien le rendement sera augmenté.
Je viens de recevoir l’avis que M. le ministre des
finances est retenu chez lui par une indisposition. M. le ministre de la
justice doit venir dans quelques instants donner une explication.
Voici la nouvelle rédaction de l’amendement de M.
Dubus (aîné) :
« J’ai l’honneur de proposer de fixer la décharge
pour l’exportation des sucres, en principal, à 41 fr. les 100 kilog. de sucre
raffiné, désigné dans la proposition de M. le ministre des finances sous la
lettre A, et à 38 fr. les 100 kilog. de sucre raffiné dit lumps, désigné dans
la même proposition sous la lettre B. »
M. le ministre de l’intérieur et des
affaires étrangères (M. de Theux).
- Je ne vois aucun inconvénient à ce que la discussion continue. Je tiendrai
note des observations qui seront faites. Je serai obligé d’aller au sénat ; mas
M. le ministre de la justice sera ici avant que je quitte la séance. Je pourrai
lui transmettre les notes que j’aurai tenues.
M. le président.
- La parole est à M. Metz sur la question de la quotité du rendement.
M. Metz. - D’après
la marche que la discussion a suivie jusqu’à ce jour et au point où elle est
arrivée, nous n’avons, comme on vient de
vous le dire, qu’à examiner le taux du rendement, puisqu’on a décidé qu’en
principe il devait être majoré. Nous avons à voir jusqu’où il convient d’aller
pour concilier les droits du trésor et toutes les industries que nous voulons
protéger, quoiqu’on dise peut-être.
Pour cela et pour donner, je pense, une idée exacte du
rendement, il convient de remonter à l’époque où le système des primes a été
établi pour l’exportation du sucre, aussi loin que nos investigations ont pu
nous l’apprendre, et de vous la montrer suivant une voie progressive avec les
progrès que la raffinerie a pu faire elle-même. C’est donc à cette étude que je
me suis livré d’abord. Voici quel en a été le résultat :
Avant 1789, les droits portés pour l’importation
étaient en France restitués à la sortie en raison, pour cent livres de sucre
raffiné, du montant des droits sur 225 livres de sucre brut. Cette restitution
de droits avant 1789 a établi un rendement de 44 p. c.
Le 7 juin 1820 (car jusqu’à cette époque la
législation n’a pour ainsi dire pas subi de changement) la restitution pour le sucre
mélis fut fixée à 110 fr. et pour le sucre lumps (car il n’y avait eu jusque-là
aucune différence entre les sucres mélis et lumps) elle fut fixée à 80 fr., de
sorte que le rendement fut de 45 pour le sucre mélis et de 62 pour le sucre
lumps.
C’est dans cet état de choses qu’est arrivée notre loi
de 1822, qui chez nous (dans les Pays-Bas) établit un rendement qu’on voulait
rendre à peu près égal à celui établi dans les pays voisins qui avaient été
éclairés par l’expérience. On trouva alors qu’en France le droit était
équivalent à un rendement de 45 pour le sucre mélis, et de 62 pour le sucre
lumps ; on jeta un regard sur la législation anglaise ; et, comme l’a dit
l’honorable M. Rogier, on trouva que le rendement était fixé à 59.
Il importe peut-être à ceux qui n’ont pas fait de
cette matière une étude spéciale, d’apprendre qu’en Angleterre il y avait 2
systèmes pour les exportations. En Angleterre, tous les produits des colonies
anglaises étaient exportés au taux du rendement de 59 ; et pour tous les produits
des colonies étrangères à l’Angleterre, il y avait séquestration de tous les
produits importés ; ils étaient disposés dans des bâtiments où ils étaient
traités sous les yeux de l’administration en régie.
Tous ces produits devaient, dans un temps plus ou
moins long, être sortis de 1’Angleterre ; de sorte que l’Angleterre ne recevait
rien. Ce n’était donc que pour le sucre des colonies anglaises que le rendement
était porté à 9 fr., et le rendement n’était porté à ce chiffre en Angleterre
que parce que dans les colonies anglaises tout travail préparatoire sur le
sucre brut est interdit pour charger davantage les navires, pour donner plus à
la navigation.
En 1822, la législation des sucres s’établit dans
notre pays de la manière suivante : au rendement de 55 on restitua ; mais quoi
? On devait, d’après la législation de 1822, restituer la haute décharge au
sucre en pain, au sucre mélis, et la moindre décharge au sucre raffiné de toute
autre espèce.
Dans la pensée de la loi de 1822, on avait entendu
restituer la haute décharge au sucre entièrement raffine, au sucre mélis, et
seulement la petite décharge aux autres sucres raffinés, aux sucres lumps. Mais
par suite d’une interprétation, comme le commerce ne manque jamais d’en faire
quand il y trouve son intérêt, la haute décharge fut attribuée à toute espèce
le sucres ; et le vague de la loi fit admettre cette interprétation par les
tribunaux.
Voici donc l’état de la législation en 1822.
En 1829, le droit a été majoré de 40 p. c.. parce
qu’on a senti que la loi de 1822 n’avait pas produit tout l’impôt dont on avait
voulu frapper les sucres, et pour le dire en passant, ce n’était pas dans
l’intérêt de la navigation que cet impôt avait été établi, et qu’on avait
frappé les sucres d’une majoration de droits de 40 p. c.
Cet état de choses a duré jusqu’aujourd’hui pour nous.
Mais dans un pays où les progrès des raffineurs ont fait sentir qu’il y avait
disproportion entre le droit d’entrée et le droit restitué, le chiffre a été
changé. En 1833, fut portée en France cette loi qui avait été l’objet d’une si
vive discussion, à laquelle j’ai fait allusion dans un discours que j’ai
prononcé il y a quelques jours. Les rendements, par la loi de 1833, furent
fixes à 70 pour les sucres raffinés et à 75 pour les sucres lumps. Eh bien, à
cette époque, dans toute la chambre française, il ne s’éleva pas une voix pour
dire que le rendement de 70 pour les sucres raffinés et de 75 pour les sucres
lumps était exagéré, alors que le principe de la loi était si vivement discuté ; le rendement fut donc fixé à 70 et
à 75. On sentit si tôt qu’on n’avait pas atteint par là le rendement probable
effectif des sucres que le 8 juillet 1834, quelques mois après la mise à
exécution de la loi de 1833, le chiffre du rendement fut fixé, par ordonnance royale,
à 75 pour le sucre mélis et 78 pour le sucre lumps.
Cette ordonnance du 8 juillet 1834 devint loi en 1836,
lorsqu’à la suite d’une discussion nouvelle, on reconnut à la chambre française
que le rendement qui se rapprochait le plus possible de la vérité était de 75
pour le sucre mélis et de 78 pour le sucre lump.
C’est donc en cet état que nous arrive la législation
de tous les pays sur les sucres.
A nous à voir maintenant si nous voulons profiter de
l’expérience de nos voisins, si nous voulons reconnaître que pour les nations
comme pour les individus, il y a des enseignements utiles ; à nous à voir s’il
faut maintenir aujourd’hui l’abus qu’on s’est pressé de réprimer ailleurs,
alors qu’on en a reconnu l’existence. Chez nous, que proposons-nous ? Nous ne
proposons pas le rendement de 75 pour le mélis, et de 78 pour les lumps ; nous
proposons un rendement de 65 pour les mélis, et de 70 pour les lumps. Et vous
pouvez voir dans quelle proportion bien favorable nous plaçons l’industrie
raffinière en Belgique en comparaison de ce que l’on a fait en France. Et
pourquoi n’élèverons-nous pas le rendement à la hauteur où il est en France ?
Oserions-nous faire l’humiliant aveu de notre infériorité vis-à-vis de
l’industrie française ? Oserions-nous dire, comme on l’a fait entendre dans
quelques mémoires, que notre industrie est restée stationnaire au milieu des
progrès qu’elle a faits de toutes parts ? Oserions-nous dire que nous avons
conservé tous les anciens appareils, presque improductifs, tandis qu’autour de
nous on s’est empressé d’adopter des appareils qui procurent des rendements
plus considérables ?
Nous proposons un chiffre bien inférieur au rendement
français ; en comparaison des chiffres français, nous donnons 10 p. c. de
bénéfice à nos raffineurs sur les sucres mélis, puisque nous demandons 65 au
lieu de 75 ; et nous leur donnons 8 p. c. de bénéfice sur les sucres lumps,
puisque nous demandons 70 au lieu de 78. Pourquoi ne portons-nous pas nos
chiffres à la hauteur des chiffres français ? C’est parce que nous voulons
ménager les raffineries de sucres exotiques ; c’est parce que nous n’entendons
pas justifier les reproches qu’on prétend nous faire de vouloir frapper de mort
une industrie importante. Nous voulons, lentement, si elle est restée en
arrière, l’amener, par la nécessité qui est la mère de toute industrie, à
produire autant que la raffinerie française. Et pourquoi ne produirait-elle pas
autant ?
L’industrie française n’exporte que les sucres qui
proviennent des colonies françaises, afin de favoriser ces colonies ; mais les
sucres de ces provenances sont moins riches que les sucres des colonies où nous
allons chercher les matières premières de nos raffineries.
Sans qu’il soit besoin d’analyser la discussion qui a
eu lieu en France, discussion qui a été éclairée par de savants chimistes, on y
a reconnu que les sucres bruts français produisaient 10 p. c. de moins que ceux
de Cuba, de Porto-Ricco, de la Havane, où nous allons nous approvisionner ; on
y a reconnu que dans les colonies françaises on avait adopté la même manière de
travailler que dans les colonies anglaises, et qu’ainsi les sucres bruts
étaient surchargés de matières étrangères à la matière saccharine.
Par cette seule observation vous voyez donc que le
rendement que nous proposons, de 65 pour le mélis et de 70 pour les lumps, est
plus loin encore d’atteindre le rendement auquel l’industrie peut parvenir.
Vous avez appris que la législation actuellement
existante laissait un vide dans le trésor ; pourquoi en est-il ainsi ? cela
vient de ce que le rendement y est fixé à 55 et demi, parce que ce rendement
permettait d’importer 22 millions de kilog. de sucres bruts, et d’exporter 12
millions de kilog. de sucres raffinés. D’après le chiffre 55, il s’ensuit que
185 kilog. de sucres bruts doivent faire 100 kilog. de sucres raffinés : or,
185 kilog. de sucres bruts produisent à l’entrée 55 fr. 50, et tout ce que nous
rendons de plus est au préjudice du trésor ; mais nous rendons 66 fr. 66 ; donc
le trésor rend plus qu’il n’a reçu, et nous payons 13 fr. 16 pour faire
exporter 100 kilog. de sucre raffiné. Puisqu’on peut en exporter 12 millions
par an, vous voyez quel immense sacrifice le trésor fait pour l’industrie
raffinière depuis quelques années !
On a dit que l’on ne voulait faire figurer les sucres
au budget que pour la somme de 1,200 mille francs, ou 1,500 mille francs : ce
n’est pas là ma manière de voir ; j’entends que l’on fasse produire aux sucres
tout ce qu’ils doivent produire.
On vous a dit encore, et je ne sais si cette vérité a
été bien saisie, que l’exportation était toujours limitée par la consommation.
Je vais expliquer cela en peu de mots. Quand vous exportez, si l’exportation
n’a pas absorbé tout le sucre brut pour lequel vous étiez en charge, il en
reste dans la consommation une certaine partie dont vous devez vous défaire ;
et du moment que le sucre brut que vous laissez dans la consommation, a atteint
le chiffre qu’exige cette consommation, il faut exporter. C’est ainsi que 22
millions de sucres bruts au rendement de 55 permettent une exportation de 12
millions de kilog. de sucres raffinés.
Mais par les rendements de 65 et de 70 la position du
trésor est bien différente. Au rendement de 70, en tenant compte du déchet de 5
p. c., il reste 25 kil. de matières sucrées, sous toutes les formes, ou que
l’on peut réduire en candis, en sirops, etc. Or, en supposant que l’exportation
soit toujours la même qu’en 1835, ou de 12 millions de kilog., on verra qu’au
lieu de pouvoir importer 22 millions de kilog., afin d’exporter 12 millions de
kilog, on ne pourra importer que 16 millions de sucre brut. Ainsi vous n’aurez
que 4 millions sans droit, livrés à la consommation ; ajoutez à cela deux
millions de sucre de betterave, et un million de sucre introduit en fraude, et
vous aurez en tout 7 millions sans droits.
Mais ces 7 millions ne suffisent pas à toute la
consommation intérieure ; il en faut au moins 12 millions de kilog. ; ainsi il
faudra que la raffinerie importe encore 5 millions de kilog. au droit de 37 fr.
Or, le droit de 37 fr. sur les 5 millions que les
raffineurs devront fournir à la consommation pour compléter le chiffre de 12
millions, produira au trésor 1,850,000 fr. Vous voyez donc, messieurs, l’énorme
sacrifice que nous avons fait jusqu’ici à l’industrie raffinière ; vous voyez
combien sont mal fondés les reproches que ses partisans font aux autres
industries, lesquelles ne demandent que protection. Mais, messieurs, si nous
avions dix industries comme cela en Belgique, nous serions bientôt conduits à
notre ruine.
Le système que nous proposons, messieurs, laissera
encore aux raffineurs un immense avantage, puisqu’ils pourront livrer à la
consommation 4 millions de kilogrammes de sucre qui n’aura payé aucun droit,
c’est-à-dire qu’ils profiteront 37 fr. pour cent kilogrammes sur 4 millions de
kilogrammes, ou 1,480,000 francs, ce qui donnera à chacune des 85 raffineries
qui se trouvent dans le pays, un boni de 17,000 fr.
Voyons, messieurs, ce qu’a produit en France une
législation que nos raffineurs veulent nous faire envisager comme devant opérer
leur ruine. En France où l’on raffine du sucre bien moins riche que celui qu’on
emploie dans notre pays, le rendement est calculé à 75 et à 78 ; eh bien,
messieurs, cette législation n’a pas arrêté l’exportation ; car, en 1835, la
France a exporté 4 millions et quelques centaines de mille de sucre, et en 1836
elle en a exporté plus encore. Nous ne devons donc pas craindre, messieurs,
d’adopter la proposition de l’honorable M. Dubus, qui mettra nos raffineurs
dans une position beaucoup plus favorable que celle des raffineurs français.
Nos raffineries
sont restées stationnaires, messieurs, lorsqu’elles avaient à soutenir la
concurrence des raffineries françaises qui jouissaient d’abus encore plus
scandaleux que ceux auxquels nous avons à remédier ; mais lorsqu’en France la
loi a été ramenée à ce qu’elle devait être, alors, à l’aide des vices de notre
législation, nos raffineurs ont eu un privilège sur les raffineurs français, et
c’est depuis lorsque nos exportations ont augmenté. Avec la législation que nous
voulons établir, nos raffineurs auront encore un immense avantage, comme nous
vous l’avons suffisamment démontré. Il y aurait donc déraison complète à ne pas
adopter nos propositions, que nous vous soumettons comme une espèce de
transaction, qui permettra aux raffineurs de mettre leurs procédés d’accord
avec les besoins de l’industrie. Lorsqu’ils en seront venus là, messieurs, n’en
doutez pas, ce sera le moment de frapper les sucres de betterave, de porter le
rendement des sucres exotiques au taux où il doit réellement être, et de
concilier ainsi tous les intérêts.
(Moniteur belge
n°359, du 25 décembre 1837) M. Desmaisières. - Après ce qui s’est passé
hier, ce n’est point sans éprouver quelque émotion, sans éprouver même un
sentiment pénible, que je prends la parole aujourd’hui. Oui, messieurs, je dois
le dire franchement et hautement, je croyais avoir mieux mérité qu’un refus, je
croyais avoir mérité mieux que le refus que j’ai essuyé de votre part, lorsque
j’ai demandé à pouvoir répondre à un discours qui avait duré deux heures, et
dans lequel le travail de la commission avait été attaqué avec une certaine
acrimonie, alors surtout que je promettais de ne point occuper votre attention
pendant plus de deux minutes.
Il est vraiment plus que pénible, messieurs, lorsqu’on
a consacré ses veilles, lorsqu’on a mis tout son temps, lorsqu’on a négligé et
sacrifié même ses affaires particulières pour se livrer entièrement à un
travail qui incombait plutôt au ministère qu’à une commission de la chambre ;
il est vraiment plus que pénible de se voir d’abord, sans égard aucun pour les
autres nombreux travaux dont on se trouve chargé de la part de la chambre,
pressé, poursuivi, harcelé et persécuté par ses adversaires, au nombre desquels
je suis fâché de devoir compter un ministre, et précisément celui dans les
attributions duquel sans doute plus que dans les miennes tombait le travail
difficile auquel j’ai dû me livrer pour arriver à la proposition d’un projet de
loi et à éclairer la chambre sur une question que tout le monde reconnaît
aujourd’hui se trouver au nombre des plus graves et des plus compliquées qui
peuvent se présenter à la solution d’une législature ; il est vraiment plus que
pénible alors, dis-je, d’obtenir pour toute récompense de ses veilles et de ses
travaux, l’interdiction de la parole, l’interdiction de la défense contre les
attaques dont le rapport, qui a été le résultat de ces veilles et de ces
travaux, a été l’objet de la part d’un honorable ancien rapporteur du budget de
l’intérieur de 1834, qui alors devint malade et qu’on ne vit plus depuis se
charger d’aucun rapport important.
Je ne dis pas cela, messieurs. parce que mon intention
serait d’imiter cet honorable membre auquel je fais allusion ; non : de quelques
dégoûts que l’on puisse vouloir m’abreuver, la conscience de mon devoir sera
toujours là pour me soutenir ; elle criera toujours plus haut que tous ces
dégoûts, et toutes les fois que mes honorables collègues tiendront à ce que je
me charge d’être leur rapporteur, j’aurai toujours le courage d’acquiescer à
leurs vœux. Je passe à la discussion du fonds de la question.
Le sort en est donc jeté, le rendement sera augmenté,
et à en juger par ce qui s’est passé d’inouï, je le répète, dans les fastes parlementaires,
nous devons penser que c’est de beaucoup qu’on veut l’augmenter.
Quoi qu’il en soit, je vais prouver qu’il aurait dû
rester le même et que l’amendement, soit de l’honorable M. Liedts, soit de
l’honorable M. Rogier, devrait prévaloir. Et qu’on ne vienne pas dire qu’en
cherchant à le démontrer, je ne suis pas dans la question ; car de quoi
s’agit-il maintenant ? Il s’agit de fixer la quotité dont le rendement sera
augmenté. Or, si je prouve qu’il devrait rester le même, j’aurai prouvé a
fortiori qu’il ne peut être augmenté que d’une fraction très minime.
M. le ministre des finances a commis, selon moi, une
grave et lourde erreur lorsqu’il nous a dit, dans une précédente séance, que
c’était à tort que nous prétendions que le législateur de 1822 n’avait pas
entendu faire payer de droits aux cassonades et sirops. Nous n’avons point dit
que ce législateur avait entendu rendre passibles du droit d’accise seulement
et exclusivement les sucres raffinés consommés en Belgique ; nous avons dit et
prouvé à l’évidence qu’il avait avant tout voulu pousser les raffineries à
l’exportation en leur permettant de livrer à la consommation, francs de tous
droits, les sucres communs provenant du raffinage de 100 kil. de sucre brut
après exportation de 55 11/20 kil, de raffinés candis, pains et lumps provenant
aussi de ces mêmes 100 kil. de sucre brut. Et s’il n’en était pas ainsi, si
l’on n’avait attaché pour toute faveur à l’exportation de 55 kil. 11/20 que la
livraison à la consommation du déchet de 5 p. c., il fait avouer, je le dis
encore, qu’alors le législateur de 1822 eût été ridicule et absurde, s’il avait
pu croire qu’il pouvait pousser à l’exportation en permettant aux raffineurs de
livrer à la consommation, franc de droits, ce simple déchet qui n’est pas même
du sucre. Mais non, messieurs, les termes et les chiffres posés dans la loi
sont clairs et précis ; et tout homme qui comprend ces termes et ces chiffres,
devra convenir que ce que nous soutenons à cet égard est tout à fait dans le
vrai.
Nous avons dit aussi que si le principe réel de la loi
de 1822 a été de pousser à l’exportation tant de nos sucres raffinés qu’au
moyen de ces mêmes sucres des produits agricoles et manufacturés du pays, le
droit d’accise, quoiqu’en apparence le but, n’a été que l’accident, que
l’exception, que le droit même à l’aide duquel on avait cherché à obtenir du
raffineur qu’il fasse tous ses efforts pour arriver au but réel de la loi,
celui d’enlever au profil du pays, à des nations jalouses et puissantes, une
grande partie de leurs déboursés industriels et agricoles.
Nous avons dit encore que dès lors l’auteur du système
de 1822 avait dû le présenter sous un autre point de vue, sous le point de vue
apparent de l’impôt, et ce afin de ne pas éveiller la susceptibilité de ces
nations rivales ; que dès lors par conséquent aussi il n’était pas étonné que
presque personne en Belgique n’avait d’abord compris ce système de législation
; et qu’enfin dès lors aussi il n’y avait pas à s’étonner qu’il avait fallu les
explications verbales de M. Appelius lui-même pour le faire comprendre à
plusieurs de nos raffineurs qui avaient été à La Haye élever des réclamations
très fortes à ce sujet.
Ainsi, a-t-on dit, si la consommation intérieure
pouvait ne se composer entièrement que de sucres communs, et si en outre elle
pouvait être poussée, augmentée au-delà de toute espèce de limite, on pourrait,
si la manière dont vous expliquez le système de la législation est vraie,
arriver par les exportations, dans le cas où elles seraient de même illimitées,
arriver à annuler entièrement le droit d’accise.
Oui, messieurs, on le pourrait, et c’est là ce que ni
nous, ni les raffineurs n’ont jamais nié. Oui, si le but de la loi,
c’est-à-dire la plus grande somme possible d’exportations, l’exportation
illimitée pouvait être atteinte, l’exception, c’est-à-dire l’impôt, pourrait
être légalement effacé.
Mais, encore une fois, pour cela il faudrait que la
consommation intérieure ait lieu exclusivement en sucres communs, et que le
chiffre de cette consommation pût s’élever, autant qu’on le voudrait, deux
conditions tout à fait impossibles. C’est là même l’une des meilleures preuves
de ce que la proposition du rendement n’est pas et ne peut pas être la cause de
la diminution des recettes du trésor.
Ces principes posés, que nous reste-t-il à prouver ?
Que le rendement de 55 11/20 en candis, pains et lumps fixé par la loi de 1822,
avait été bien fixé. Eh bien, messieurs, ce sont les tableaux du ministère, et
qu’à plusieurs reprises il a lui-même déclarés très rapprochés de l’exactitude,
qui vous prouvent que ce rendement légal est juste. Il y a plus, je vous ai
démontré par des calculs irréfutables qu’en ce moment même les raffineurs, qui
certes auront toujours le bon esprit de travailler la matière première qui leur
offre le plus d’avantages ; je vous ai démontré qu’en ce moment même nos
raffineurs ont un avantage très grand, en raison des prix, à travailler des
sucres à moindre rendement que celui de 55. Aussi a-t-on pu voir par les
documents officiels qu’il est entré en Belgique peu de havane blanc, peu de
sucre à rendement élevé, et qu’encore la plus grande partie a été réexportée
dans l’état brut.
On a été dans cette discussion jusqu’à contester le
système que la commission a cru devoir suivre pour calculer le rendement légal.
On nous a dit : C’est très adroit ce que vous avez fait là. Au lieu de calculer
sur des sucres à rendement riche, vous avez pris une moyenne entre tous les
sucres renseignés aux tableaux fournis par le ministère. Et puis on est venu
prendre de nouveau, en une espèce de flagrant aveu, quelques raffineurs
pétitionnaires, qui auraient dit eux-mêmes, dans leur pétition, que le sucre le
plus généralement employé était du havane blond. Mais, messieurs, quand bien
même une industrie serait solidaire des allégations plus ou moins erronées que
pourrait avoir émises tel ou tel industriel pratiquant cette industrie, eh bien
encore alors nous pourrions ici très bien supporter tout le poids de cette
solidarité ; il y a plus, c’est que ce que l’on a cru prouver contre nous
prouve pour nous. Vous allez bien.
En effet, messieurs, dire que le havane blond était le
plus généralement employé par les raffineurs de Gand à l’époque où ils ont émis
cette assertion, n’est certainement pas dire qu’il est employé en terme moyen,
mais seulement qu’on en emploie à Gand en plus grande quantité que d’autres
sucres ; que par conséquent la moyenne des rendements des différents sucres
travaillés à Gand doit se trouver plus rapprochée de celle de ce sucre à haut
rendement que de celle des nombreux sucres inférieurs en rendement qui sont
aussi employés, mais en moindre quantité. C’est donc dire que le chiffre de
cette moyenne doit se trouver plus près de 65 (taux du rendement du havane
blond) que du chiffre 25 (taux du rendement du sucre de Lima). Or, les
renseignements du ministère établissent que le rendement moyen à Gand va à 58
58/100, et ce chiffre est précisément bien plus près de 65 que de 25. Ainsi de
nouveau, loin de nous combattre avec cet argument, on a fait voir combien notre
opinion était fondée.
Ce n’est pas toutefois que notre manière de calculer
le rendement moyen en raison des tableaux C et D soit exempte de tous reproches
; il est un grave reproche que l’on pourrait nous faire ; mais comme celui-là
on se gardera bien de le faire, je vais, moi, me le faire à moi-même.
C’est que, messieurs, (on a pu le voir par le tableau
litt. A joint à mon rapport), qu’il y a à Gand seulement 21 raffineries et qu’à
Anvers il y en a 47 ; j’aurais donc dû, pour établir la moyenne, faire entrer
dans mes calculs proportionnels plus fortement le rendement moyen d’Anvers que
celui de Gand, et alors je serais arrivé à une moyenne générale encore
au-dessous de 55 41/100, puisque pour Gand elle est de 58 58/100 et que pour
Anvers elle est de 52-25 seulement, et puisque je me suis borné à additionner
ces deux moyennes et à prendre la moitié du total.
Mais, a dit l’honorable M. Dubus, la commission a
établi un calcul faux ; ce n’est pas le rendement moyen qu’il fallait prendre,
c’est un rendement possible ; il est possible aux raffineurs de travailler le
havane blond, ce sucre donne un rendement de 65, et par conséquent ce doit être
là le rendement légal.
Qu’aurait répondu cependant cet honorable membre à ses
adversaires dans la discussion relative à la bonneterie, si ceux-ci lui avaient
dit : « Pour certains bas de coton le droit au poids que vous proposez,
montera à 40 p. c., et comme il vous est possible de faire des bas relativement
auxquels l’application du droit proposé par vous va à 40 p. c., il vous est possible
d’atteindre une protection de 40 p. c., au lieu de celle de 15 que nous voulons
seulement vous accorder ? » Il aurait répondu avec sa logique accoutumée
qui (il me permettra de le lui faire observer) paraît l’avoir abandonné en
cette circonstance, que ce n’était pas sur le possible qu’il fallait calculer,
mais bien au contraire sur ce qu’on était intéressé à faire en raison de la
combinaison des prix coûtants et des prix de vente, sur ce qui se faisait en un
mot, et par conséquent ne pas prendre une espèce de bonneterie isolément, mais
établir une moyenne sur toutes les espèces. Eh bien, ce qu’il a fallu faire
pour la bonneterie, je l’ai fait pour le sucre, et je crois qu’ici encore on ne
peut m’accuser d’avoir changé de système par esprit de localité.
Mais est venue une autre objection que l’honorable
orateur auquel je réponds en ce montent a cru être bien forte, puisqu’il vous
l’a retournée dans tous les sens possibles, si ce n’est dans un seul, et vous
allez voir pourquoi.
Il a fait un reproche à la commission d’avoir joint à
son rapport le tableau litt. F, page 57, sans en avoir tiré parti pour ses
conclusions. D’abord, est-ce bien à ceux qui ont tant pressé la présentation de
mon rapport à me faire un pareil reproche ? Et ensuite si, comme on semble
vouloir le donner à entendre ; c’est le motif qu’il y avait à en tirer des
conclusions contraires à celles de la commission qui m’aurait guidé, j’aurais,
dans ce cas, bien mieux rempli mon but en ne joignant pas ce tableau à mon
rapport.
Voici, messieurs, le motif réel pour lequel je ne me
suis point appuyé sur ce tableau ; c’est l’intitulé lui-même de ce tableau qui
vous le dira.
Cet intitulé est ainsi conçu :
« Renseignements recueillis à Bruges. Terme moyen
des prix des sucres bruts et raffinés de toutes qualités, importés, exportés et
mises en consommation depuis le 1er janvier 1828 jusqu’au 31 juin 1836. »
J’avais par ma sixième demande, page 31 de mon
rapport, demandé à M, le ministre des finances les prix courants moyens des
sucres de 1825 à 1837.
M. le ministre a cru, et, je l’avoue, j’aurais
peut-être dû m’expliquer plus clairement, M. le ministre a dit que je demandais
purement et simplement le terme moyen de ces prix pendant toute la période de
1825 à 1837, et il ne m’a donné que ces termes moyens-là.
Maintenant M. Dubus a tiré argument des prix qui y
sont signalés pour dire : Comment se fait-il que les sucres en poudre sont plus
chers que les raffinés lumps dans certains cas ? Messieurs, à cela je pourrai
répondre que ce sont là des anomalies commerciales que tous ceux qui ont fait
le commerce savent apprécier. Il arrive souvent que les fabricants de coton, de
toiles, de bonneterie, sont obligés de vendre leurs produits manufacturés à des
prix moindres que ceux auxquels, dans le moment même, ils sont obligés
d’acheter leur matière première, laquelle se trouvait beaucoup moins chère à
l’époque à laquelle ils ont acheté celle qui est entrée dans leurs fabricats,
et cela parce qu’alors il y avait abondance de matière première et qu’à
l’époque de la vente obligée de leurs fabricats il y a rareté de matière
première et abondance de fabricats. Mais je n’ai pas même besoin de me défendre
de cette manière, car bien certainement les comparaisons faites par M. Dubus
auront été démontrées pécher par leur base, dès que je lui aurai fait remarquer
qu’il a comparé entre eux des chiffres qui ne le pouvaient pas être puisqu’ils
sont les résultats moyens d’un grand nombre d’années. C’est même précisément là
le motif pour lequel, tout en ayant la bonne foi de faire connaître à la
chambre tous les documents que m’avait transmis le ministère, même ceux dont
l’exactitude au reste ne m’était pas démontrée, je n’ai tiré aucune
considération de ce tableau litt. F, parce que les éléments à l’aide desquels
on était parvenu à ces chiffres moyens, ne m’étant pas connus, je ne pouvais
asseoir aucune opinion sur leur valeur réelle et sur les conséquences à en
tirer.
Voici du reste comment M. Dubus aurait dû raisonner
s’il avait voulu arriver à quelque chose de fondé, s’il avait voulu examiner
réellement si l’assertion émise par nous et qu’il a voulu combattre, était
vraie. Cette assertion consistait à dire que la législation actuelle était
favorable aux consommateurs les plus nombreux et les moins aisés qui consomment
exclusivement les sucres communs.
Eh bien, de 1826 à 1828, les cassonades se sont
vendues à la consommation de 24 à 29 fl. courants, et en 1837 seulement de 18 à
21 fl. Les sirops se sont vendus, de 1826 à 1828, 43 à 48 escalins, et en 1837
on les vend 22 à 25 escalins seulement. Et cependant, remarquez-le bien,
messieurs, les sucres bruts sont aujourd’hui plus chers que de 1826 à 1828.
N’est-ce pas là, je vous le demande, la preuve la plus évidente de la vérité de
ce que nous avons dit à cet égard ?
L’honorable M. Metz qui vient de parler immédiatement
avant moi, vous a présenté un long historique de ce qui s’est passé en
Angleterre et en France, et il a prétendu que nous ne pouvions mieux faire que
d’imiter les législatures de ces peuples. Messieurs, il aurait pu se dispenser
de faire ce long historique s’il avait réfléchi à ce que c’est, précisément
parce que le système colonial et commercial de ces peuples les obligeait à ne
pas pouvoir faire comme nous, que nous avions pu réussir, à l’aide d’une
législation différente sur le sucre, à leur enlever une grande partie de leurs
débouchés extérieurs habituels, non seulement en sucres raffinés, mais en
divers autres produits de notre pays.
En France, a-t-il dit, on a augmenté considérablement le
rendement, et cependant les exportations ont successivement augmenté de 1
million ; elles sont arrivées à 5 millions. Si l’honorable membre avait lu un
peu plus attentivement et entièrement les documents que je lui ai communiqués
sur ce qui s’est passé en France, il n’aurait pas passé sous silence
qu’immédiatement avant d’être réduites à un million, ces exportations avaient
été de 19 millions, et que c’est précisément l’augmentation de la proportion du
rendement qui en a réduit immédiatement aussi, et tout à coup, le chiffre à
1/19 de ce qu’il était auparavant. Depuis, les exportations françaises se sont
quelque peu relevées, parce qu’apparemment la crise est souvent en pareille
matière plus forte au commencement, et qu’on se sera efforcé de trouver quelques
débouchés nouveaux ; mais tous les efforts que l’on a faits pendant plusieurs
années, n’ont pu faire arriver encore qu’au quart de ce que ces exportations
étaient avant l’augmentation du rendement. C’est donc là la meilleure preuve,
peut-être, de ce que notre opinion est vraie, de ce que si nous avions le
malheur d’augmenter le rendement d’une manière sensible, nous tuerions à
l’instant même nos exportations de sucres raffinés et avec elles tout notre
commerce maritime.
Cet honorable membre a été jusqu’à vouloir nous
provoquer à imiter le gouvernement des Pays-Bas lui-même. Voyez, a-t-il dit, ce
gouvernement n’a-t-il pas été tellement pénétré des bénéfices illicites que
procurait à nos raffineurs le rendement trop peu élevé de la loi de 1822 ?
N’a-t-il pas, en 1829, majoré le droit de 40 p. c. ?
Je regrette vivement, par deux motifs, que l’honorable
ministre des finances ne soit pas présent à la séance ; d’abord, parce que je
suis fâché d’apprendre qu’il est indisposé, et ensuite parce qu’il aurait sans
doute répondu à l’instant même à l’honorable M. Metz comme il a répondu à la
commission, lorsqu’elle lui a fait connaître qu’elle avait cru devoir majorer
de 3 fr. seulement le chiffre du droit d’accise actuel qui est de 37 fr. 2 c.,
principal et additionnels compris. Il me suffira, du reste, quant à moi, de
vous rappeler, messieurs, que ce ministre a déclaré s’opposer à cette
majoration, parce que dès que le rendement n’était pas fortement majoré, il
résulterait de cette majoration du droit encore plus d’avantages pour les
raffineurs contre le trésor. Ainsi, vous le voyez, par la majoration de 40 p.
c. de 1829, on a, selon M. le ministre des finances lui-même, augmenté encore
la somme des avantages que les raffineurs retiraient du rendement, puisque même
on a proposé en outre de diminuer encore le rendement jusqu’à 53.
M. Dubus a encore vu que le rendement légal actuel
était trop élevé, dans les nombreuses transcriptions qui, d’après ce qu’il dit,
se vendraient à la bourse jusqu’à 30 p. c. de prime. Je suis fâché de devoir le
dire, il a encore fait ici une exception à sa logique accoutumée. Car si nos
raffineurs peuvent vendre beaucoup de leurs dettes, si après raffinage et vente
de leurs sucres pris en charge, ils doivent encore beaucoup au trésor, c’est qu’apparemment
le rendement en candis, pains et lumps, à l’aide duquel ils peuvent se
décharger de leurs dettes, n’est pas cependant aussi élevé que le prétendent
nos adversaires.
Mais puisqu’absolument il faut répéter ce que l’on a
déjà expliqué bien des fois, puisqu’on paraît ne point encore comprendre de
quel effet sont les transcriptions non accompagnées de la marchandise, que la
commission propose d’interdire en ajoutant en outre dans son projet de loi que
celles seulement tolérées ne seront en outre permises qu’à la condition que la
marchandise soit placée sous la clef de l’administration jusqu’à son
exportation, je vais renouveler mes explications à cet égard.
Un négociant fraudeur va trouver en raffineur et lui
achète le restant de sa dette envers le trésor, qui est par exemple de 100,000
francs. Pour obtenir cette dette il accorde une prime, dont peu importe son
élévation pour les conséquences que nous avons à en tirer en faveur du projet
de loi que nous avons soumis à la chambre. Supposons donc cette prime de 10 p.
c., c’est 90,000 fr. que le raffineur doit payer au négociant. Car ici, c’est
le vendeur qui paie. Moyennant ces 90 000 fr. qu’il reçoit, le négociant fait
transcrire à son propre compte la dette totale de 100,000 fr. du raffineur
envers le gouvernement. Après cela il se procure du sucre raffiné qu’il
présente à l’exportation, et obtient une décharge proportionnelle à la
quantité. Supposons-là de 10,000 fr. Il fait ensuite rentrer ce même sucre dans
le pays en fraude, l’exporte de nouveau et obtient de nouveau aussi une
décharge de 10,000 fr., et ainsi successivement jusqu’à ce qu’il ait
entièrement apuré la dette de 100,000 fr. Voilà donc 100,000 fr. qu’il enlève
au trésor sans autres frais que ceux de la prime qu’il paie et ce qu’il paie en
outre pour fraude et transports.
Voilà, messieurs, un grand abus, un abus que nous
regardons avec raison comme l’une des principales causes de la diminution des
recettes du trésor, et qu’aussi nous vous proposons formellement de réformer,
parce que contrairement à la majoration du rendement, qui d’après nous agirait
en grande diminution, cette réforme doit sensiblement augmenter les recettes du
trésor.
Il se passe ici réellement, messieurs, quelque chose
d’étrange ; nous vous prouvons que le rendement n’est pas la cause de la
diminution des recettes du trésor, nous le prouvons en démontrant que leurs
propres intérêts obligent nos raffineurs à travailler des sucres à rendements
inférieurs à celui de la loi ; nous le prouvons parce que, s’il en était ainsi,
les recettes en 1831 n’auraient pas diminué de moitié, parce qu’il serait
réellement étonnant qu’en 1836 et en 1837, alors que le sucre de betterave nous
était apparu dès 1835, nos raffineurs auraient trouvé précisément à point nommé
pour soutenir cette concurrence, et lorsque nos exportations venaient d’être
amoindries, le secret d’obtenir un rendement plus fort en candis, pains et
lumps exportables à haute décharge, une proportion de rendement telle que tous
les droits dus par eux se trouvassent déchargés ; nous le prouvons, parce que
nous indiquons pour causes de la diminution des recettes et que nous démontrons
que ces causes sont réelles et fortes :
1° L’invasion du sucre de betterave ;
2° Les transcriptions non accompagnées de la
marchandise ;
3° L’introduction frauduleuse toujours croissante des
sucres raffinés étrangers ;
4° Quelques dispositions mal conçues dans la loi de
1822, en ce qui concerne la définition des qualités de sucre ayant droit à la
décharge, etc.
Nous vous proposons de remédier aux trois dernières
causes, et nous voulons bien laisser de côté encore l’invasion effrayante du
sucre de betterave, quoique tout le monde reconnaisse cependant que cette cause
est réelle. Nos honorables adversaires le reconnaissent eux-mêmes, et cependant
c’est à toutes forces à l’aide d’un rendement légal fixé à un taux tel qu’il
tuera le raffinage de ce sucre, que l’on veut qu’il soit suppléé au déficit des
recettes du trésor.
Aussi nous le déclarons ici à l’avance, si contre
notre attente il arrivait que la chambre augmentât trop fortement la proportion
du rendement, nous serions obligés, malgré tout le désir que nous avons de ne
pas arriver à cette extrémité, de proposer à l’instant même un amendement pour
imposer le sucre de betterave. Et nous verrons alors si tous ceux qui
aujourd’hui soutiennent que le sucre est éminemment imposable, si tous ceux qui
prétendent ne voir ici, ne soutenir ici que le trésor, persisteront alors dans
leur opinion.
Les raffineurs d’Anvers et de Gand sont unanimes pour
vous demander l’abolition du droit d’accise, et vous prouvent par là que tout
ce que l’on a dit sur les avantages qui résulteraient pour eux du rendement,
est entièrement dénué de fondement. Eh bien, c’est égal ; on prétend encore que
c’est le rendement qu’il faut élever pour suppléer aux recettes de trésor.
Plusieurs de mes honorables adversaires ont été
jusqu’à me dire, en particulier il est vrai, que les raffineries de sucre
jouissent d’une protection de 72 francs à l’entrée, et que par conséquent il
faut bien qu’elles paient en retour au trésor des sommes plus fortes qu’elles
ne paient.
Quoique nous vous ayons prouvé
qu’elles paient par accise, soit au trésor, soit aux négociants fraudeurs, de
très fortes sommes, et qu’elles paient au trésor encore plus indirectement que
directement ; eh bien, soit, réduisez le droit de 72 fr. à 30, à 25 si vous le
voulez ; ce ne seront pas les raffineurs de sucre exotique qui feront entendre
les plus hauts cris contre une pareille mesure, je crois même qu’ils y
accéderaient volontiers.
Mais non, messieurs, qu’on le dise franchement, c’est
le sucre exotique que l’on veut à toutes forces expulser. Mais qu’on y prenne
garde, ainsi que je l’ai déjà dit : car, expulsant ce sucre, que fera-t-on ?
Les sucreries de betterave auront perdu leur principal appui, et vous aurez
jeté dans les mains de la Hollande le restant, les débris de notre marine
marchande, et une foule de débouchés extérieurs pour notre industrie générale.
Quant à moi, je refuserai toujours mon vote à un pareil oubli des devoirs que
nous avons à remplir ici envers la nation.
M. Dubus (aîné). - Messieurs l’honorable orateur que vous venez d’entendre, s’est
plaint de ce que la chambre lui aurait refusé hier la parole. La chambre ayant
jugé que la discussion avait jeté assez de lumières sur la question de savoir
s’il y avait lieu d’augmenter le rendement, oui ou non, a voulu passer aux voix
sur ce point. C’était à la vérité refuser la parole à l’honorable membre, mais
c’était la refuser aussi à tous les autres membres qui auraient voulu continuer
la discussion sur la question que l’on considérait comme suffisamment
éclaircie. Je ne vois donc pas qu’à cet égard l’honorable préopinant ait à se
plaindre.
A l’occasion de cette plainte, l’honorable membre a fait
allusion au rapporteur du budget de l’intérieur pour 1833 ; ce rapporteur,
c’est moi ; en conséquence, j’avais à prendre la parole pour un fait personnel.
L’honorable préopinant a donné à entendre que ce
rapporteur avait été, dans la session de 1833, l’objet d’attaques assez vives,
et il a attribué à ces attaques le fait que le même député aurait depuis lors
décliné les fonctions de rapporteur du même budget. Je dois rappeler à
l’honorable membre ainsi qu’à la chambre qu’il y a dans cette insinuation une
erreur de fait, car le rapporteur du budget de l’intérieur pour 1833 a été
rapporteur du même budget pour l’année suivante ; quelques-uns de vous se
souviendront sans doute que, dans le cours même de la discussion, une
indisposition assez grave l’a empêché de continuer l’exercice de ces fonctions.
M. Desmaisières. - Soit, je n’ai commis qu’une erreur de date.
M. Dubus (aîné). - Ce n’est donc pas à cause d’attaques dont le rapporteur aurait été
l’objet qu’il a cessé de remplir ces fonctions, mais bien pour raison de santé
; et depuis lors sa santé n’a pas été telle qu’il ait pu et qu’il puisse
travailler autant qu’il le voudrait. En cela surtout, il faut prendre le
possible pour limite.
Maintenant, je répliquerai quelques mots aux réponses
que l’honorable préopinant m’a faites ; je crois qu’il me sera facile de faire
voir qu’il n’a nullement affaibli les inductions que j’ai tirées hier de
différents faits.
Et d’abord, messieurs, quant à la question de
rendement, j’ai combattu le système de la commission, consistant à prendre une
moyenne entre les rendements de diverses qualités de sucres bruts, et prendre
en outre une moyenne entre les résultats, très incertains d’ailleurs, du
travail des raffineurs de Gand et de ceux d’Anvers : sur cela l’on soutient que
la commission n’a pas été aussi loin qu’elle aurait dû aller, et que, puisqu’il
y a 21 raffineurs seulement Gand et 47 à Anvers, on aurait dû faire entrer dans
le calcul de la moyenne le résultat obtenu à Anvers pour une proportion double.
Je dirai d’abord que je ne pense pas que les résultats donnés comme ceux du
travail des raffineurs de Gand et de ceux d’Anvers soient exactes ; mais les
supposât-on exacts, je maintiens qu’il fallait avoir égard au rendement le plus
considérable. Vous allez en avoir la conviction.
Je suppose que dix raffineurs seulement travaillent
pour l’exportation dans notre système de drawback, et que vingt travaillent
pour la consommation intérieure. Les raffineurs qui travaillent pour
l’exportation chercheront, non à obtenir le produit le plus considérable en
diverses espèces de sucre qui peuvent alimenter avantageusement la consommation
intérieure, y compris la cassonade ; mais à convertir, autant que possible, le
tout en sucre raffiné. Or, ce sont précisément ceux-là qui reçoivent le
drawback, et vous ne voulez pas que ce soit le travail de ces raffineurs que
nous prenions en considération !
Il y a plus. Je suppose que sur 30 raffineurs qui
travaillent pour l’exportation, dix obtiennent, par des procédés plus
perfectionnés, un rendement beaucoup plus considérable que les vingt autres ;
avec le temps ils absorberont toute l’exportation, puisque le drawback leur
présente un avantage beaucoup plus grand qu’aux autres ; ce sont ceux qui
ouvriront la porte à l’affaiblissement, il y a plus, à l’absorption totale du
produit de l’impôt. Car n’y eût-il que le tiers des raffineurs qui en eût
trouvé le moyen, le moyen, étant trouvé, sera employé jusqu’à épuisement de la
caisse du trésor. Cela me paraît évident.
Ainsi, il est très vrai que lorsqu’il s’agit de
calculer la restitution à faire pour l’exportation, l’on doit considérer ce qui
est possible, et non pas prendre une moyenne entre le travail de celui qui
emploie le meilleur procédé, et le travail de celui qui conserve le procédé le
plus imparfait, le plus suranné. Je suis donc convaincu que dans l’état actuel
il ne fallait pas prendre de moyenne, et qu’il fallait prendre en considération
le chiffre du rendement le plus élevé.
Messieurs j’ai tiré des conséquences de la comparaison
des prix des sucres bruts, des raffinés, soit en entrepôt, soit en
consommation, et des sucres vergeois, le tout d’après les tableaux imprimés à
la suite du rapport de la commission ; je ne les reproduirai pas, je crois
qu’elles sont encore suffisamment présentes à vos esprits ; mais je rencontre à
l’instant la réponse de l’honorable préopinant ; selon lui, les tableaux ne
prouvent rien, parce que ce sont des moyennes prises sur huit à neuf années. Je
viens de vérifier qu’en effet les prix sont indiqués comme étant ceux des
années 1828 à 1836, mais je n’admets pas la conséquence qu’en tire l’honorable
préopinant, savoir que ces prix ne signifient rien, parce que ce sont des
moyennes ; je m’étonne que maintenant on ne veuille plus de moyennes.
Puisque de 1828 à 1836, l’impôt a été le même ;
puisque le drawback pendant le même intervalle a été aussi le même ; puisqu’il
y a un rapport, toujours le même, entre l’impôt qui a été pris en charge à
l’importation et la somme restituée à l’exportation, puisque le rapport doit
demeurer le même aussi entre le prix des sucres bruts importés et celui des
différentes espèces de sucres obtenus par le raffinage ; et parmi ceux-ci entre
le prix des sucres livrés à la consommation de l’intérieur et le prix des
sucres vendus pour l’exportation, il me paraît que nous trouvons une base bien
plus sûre de calcul dans une moyenne prise relativement à huit années que dans
les chiffres présentés pour une seule année. Car le calcul fait sur la
comparaison des chiffres d’une seule année pourrait partir d’une fausse base si
comme cela peut arriver, quelque circonstance extraordinaire ou particulière
avait influé sur l’un ou l’autre de ces chiffres ; et c’est précisément pour
cela qu’on prend alors une moyenne sur plusieurs années, de sorte qu’il me
semble que l’honorable préopinant devrait tenir pour contraire qu’un argument
appuyé sur des chiffres qui sont une moyenne sur huit années, avait beaucoup
plus de force que si nous n’avions pris pour base de notre argumentation que
les chiffres d’une seule année, que le rapport d’une seule année entre le prix
de la matière première et le prix auquel l’objet fabriqué est vendu, tant à
l’intérieur qu’à l’extérieur ; or, c’est précisément du rapport de ces
différents prix en moyenne pendant 8 à 9 années, sous l’empire de la loi
actuelle, que j’ai tiré la conséquence évidente que le consommateur belge paie
amplement l’impôt de consommation dont est frappé le sucre en Belgique, tandis
que l’étranger ne paie guère que la matière première.
L’honorable préopinant a prétendu croire que j’avais
tiré une très fausse conséquence de l’usage que l’on a fait de la faculté des
transferts, des ventes à prime dont j’ai parlé, et qui se font à la bourse ; il
a trouvé que j’aurais dû tirer de ce fait une conséquence tout opposée à celle
que j’en avais déduite. Car, dit-il, si un raffineur trouve à vendre une
faculté de transfert, c’est donc qu’il n’obtient pas de sa matière première un
rendement suffisant pour absorber tout l’impôt pris en charge ; car sans cela
il ne lui resterait rien à transférer.
Cela serait vrai, messieurs, si c’était le raffineur
qui exporte, qui vendît ; mais tout le monde sait fort bien qu’il y a des
raffineurs qui travaillent pour l’exportation et d’autres qui travaillent
uniquement pour la consommation intérieure. Or, ce sont ceux-ci qui vendent
leur droit d’exporter : pour qu’ils puissent vendre, ils doivent trouver des
acheteurs ; or, ils ne peuvent trouver pour acheteur qu’un raffineur qui a déjà
obtenu un rendement supérieur à 55 p. c.
Ainsi, vous le voyez, c’est l’honorable préopinant qui
tire une fausse conséquence du fait qu’il vient de rappeler. Il est clair que,
puisqu’il se trouve des raffineurs qui achètent ces facultés d’exporter, c’est
qu’ils ont obtenu un rendement supérieur à 55 ; sans cela, ils n’auraient pas
besoin d’acheter, puisqu’ils n’auraient point de sucre à exporter.
J’entends dire près de moi que ce sont des négociants
qui achètent ; soit, mais ces négociants, s’ils ne raffinent pas, doivent avoir
acheté à un raffineur, et la conséquence devient la même. D’ailleurs, tout le
monde sait (et je pourrais citer des noms propres) qu’il y a des raffineurs qui
ne travaillent que pour la consommation intérieure ; tout le monde sait aussi
qu’il y a des raffineurs qui achètent des facultés d’exporter ; on sait encore
qu’il y a des raffineurs qui obtiennent 86 p. c. en lumps ; je demande comment
ceux-là pourraient exporter ces 86 p. c. sans acheter ?
L’honorable préopinant a signalé comme principale
cause de la disparition des recettes l’invasion du sucre de betterave ; il
prétend que dès l’année 1835 on fabriquait une quantité énorme sans doute de ce
sucre. Mais, messieurs, il y a un chiffre qui répond victorieusement à ses
assertions. Rappelez-vous, messieurs, que l’exportation avec prime ne peut
avoir lieu qu’en proportion, non seulement de la consommation intérieure, mais
de ce que les raffineurs de sucre exotique peuvent livrer à cette consommation
; puisque tout le monde convient que, sur 100 kilog. de sucre, on obtient 95
kilog. de sucre de diverses espèces, il est évident qu’on ne peut exporter 55
kilog. qu’en livrant 40 kilog. à la consommation intérieure. J’entends que l’on
me conteste ce chiffre ; mais supposez, si vous voulez, que sur 100 kilog.
d’importation de sucre brut soumis par lui au raffinage et après exportation de
55 kilog. de raffinés, il ne lui reste à livrer à la consommation intérieure
que 30 ou même que 20 kilog., par exemple ; l’argument sera toujours le même,
et il restera toujours évident que l’exportation avec prime ne peut avoir lieu
qu’en proportion de la quantité livrée à la consommation intérieure par les raffineurs
de sucre exotique.
Eh bien, messieurs, l’exportation avec prime a été
plus forte en 1836 qu’en 1835, et par conséquent les raffineurs de sucre
exotique ont livré une plus grande quantité de sucre à la consommation
intérieure en 1836 qu’en 1835
Je le demande, messieurs, que signifie, après cela,
cette prétendue invasion du sucre de betterave, qui aurait amené la disparition
des recettes ? Du reste, messieurs, ce n’est qu’à la fin de 1836, comme je l’ai
dit hier, que les fabriques de sucre de betterave ont commencé à travailler, et
qu’elles ont produit du sucre brut qui n’a pu être livré au raffinage qu’en
1837. Il est donc évident, messieurs, qu’en 1836 le sucre de betterave n’est
entré pour rien dans la consommation intérieure.
Je crois, messieurs, avoir répondu suffisamment à la
réfutation de l’honorable préopinant. Il me reste quelque chose à dire sur les
chiffres que j’ai proposés pour drawback.
Pour établir ces chiffres, je me suis basé tout à la
fois et sur le calcul du rendement qui sert de règle à la restitution en
France, et sur celui qui sert de règle à la restitution en Hollande. Je vous ai
rappelé qu’en Hollande la restitution a lieu sur le calcul d’un rendement de 61
1/3 pour les sucres raffinés fins et 64 1/4 pour les sucres lumps.
J’entends dire que c’est une erreur. Mais j’ai puisé
mes chiffres dans le rapport de la commission que personne n’a combattu sur ce
point.
Je lis cela au bas de la page 14. En Hollande, le
droit est de 13 fl. 50 et la restitution est de 22 florins pour les sucres fins
et de 21 pour les lumps. M. le rapporteur a fait observer en note que la
restitution de 22 florins (le droit étant de 13 fl. 50) était calculée sur un
rendement de 61 26/100 et la restitution de 21 fl. sur un rendement de 64
28/100. J’ai vérifié les calculs et je les trouvés exacts.
Il m’a été démontré que ce chiffre était insuffisant
par le rapport de la commission elle-même dont j’ai lu hier le passage à la
chambre. Je puis aussi me prévaloir de l’opinion d’un honorable membre qui, je
crois, connaît parfaitement la question, et qui est à même d’ailleurs de puiser
ses renseignements à très bonne source. Voici comment cet honorable membre
s’expliquait dans la séance du 19 décembre :
« En effet, si nous abaissons le drawback d’une
manière sensible, nous livrons tous les marchés, où nous exportons aujourd’hui,
aux Hollandais et aux Anglais, parce que nous mettons nos producteurs dans une
position trop désavantageuse pour pouvoir concourir avec leurs rivaux. Mais si
nous n’abaissons le drawback que faiblement, nous n’aurons rien fait non plus
pour le trésor. La Hollande a aussi, dans des vues financières, apporté un jour
des modifications au drawback des sucres ; mais l’activité des producteurs a
bientôt augmenté à un point tel, qu’ils ont infailliblement absorbé toute la
somme que le gouvernement croyait voir entrer dans ses caisses ; et voilà ce
qui arriverait chez nous aussi si le gouvernement belge tombait dans la même
erreur. »
Messieurs, j’ai mis à profit cet avertissement que
vous a donné M. Hye-Hoys à la séance du 19 décembre.
Il a fait remarquer qu’en Hollande on a pris une
mesure insuffisante, et que la même chose arriverait chez nous si nous prenions
la même mesure que la Hollande. Cela a été un motif de plus pour moi de
proposer un chiffre plus élevé que le chiffre hollandais.
J’ai pris en considération le chiffre français. On l’a
présenté comme ayant porté dommage à l’industrie d’exportation ; on a dit que
cela l’avait tuée. J’ai trouvé dans un rapport qui nous a été distribué par les
soins de nos adversaires et qui a été fait en France en mai 1837, que, sous
l’empire de cette nouvelle loi, on exporte encore, et qu’il y a eu même une
augmentation notable de l’année 1835 à l’année 1836. Cependant ce chiffre n’est
pas considérable pour la France, puisqu’il s’élève à six millions et demi de
kilogrammes. Eh bien, j’ai proposé un chiffre intermédiaire entre le chiffre de
la loi hollandaise et celui de la loi française, une mesure qui se rapproche
plus du chiffre hollandais que du chiffre français.
Certains honorables membres croient que ce chiffre
sera insuffisant. J’avoue que je conserve des doutes à cet égard ; mais j’ai
été retenu par la crainte de dépasser le but en voulant l’approcher de trop
près. Il me semble qu’à tout prendre, il vaut mieux la mesure modérée que je
propose, parce que si elle nous laisse trop loin du but que nous nous
proposons, nous pourrons y arriver après une nouvelle expérience d’une année ;
c’est pour cela que j’ai proposé une mesure modérée, car, messieurs, en âme et
conscience, je la trouve modérée, et je suis convaincu d’une chose, c’est
qu’elle ne pourra pas faire de mal.
M. F. de Mérode. - Elle ne produira rien.
M. Dubus (aîné). - Je répète que je doute si le trésor recevra grand-chose, même avec
ce chiffre. Mais je veux avant tout être certain de ne pas dépasser le but. Je
viens de dire que cette mesure ne peut pas faire de mal. En effet, ou bien de
cette mesure jointe aux autres modifications proposées, sans lesquelles elle
serait illusoire, notamment la définition des lumps proposée par le ministre
des finances, il résultera que les exportations se restreindront, et dans ce
cas le trésor recevra quelque chose. Et si elle amène le résultat que craignait
M. Hye-Hoys, si l’activité des raffineurs de sucre exotique augmente à tel
point et que leurs exportations prennent un tel accroissement que le trésor
n’en tire rien, alors cet accroissement même d’activité et d’exportations
serait un bien qui devrait faire adopter cette proposition par nos adversaires,
puisqu’elle serait dans leur sens. Et véritablement on ne pourra arriver à
absorber encore tout le produit de l’impôt qu’en exportant et en important
beaucoup plus, puisque sur 100 kilog. de sucres bruts pris en charge, il faudra
en exporter 60 et 70 au lieu de 55 seulement. Ce n’est donc que par des
exportations et des importations plus fortes, qu’on sera arrivé au point de
mettre le trésor dans la même situation. Les honorables membres qui ont à cœur
de favoriser l’importation et l’exportation des sucres exotiques rempliront
leur but en prenant cette mesure.
Après ces observations et celles que j’ai présentées
hier, je crois avoir suffisamment justifié mon amendement.
(Moniteur belge n°358, du 24 décembre 1837) M. le président. - Voici la nouvelle
rédaction de l’amendement de M. Dumortier :
« J’ai l’honneur de proposer de fixer le rendement
comme suit :
« 1° Sur les sucres raffinés désignés au litt. A par
le ministre des finances, 75 p. c. ;
« 2° Sur les sucres désignés au litt. B par le
ministre des finances, 78 p. c. ;
« 3° Sur les sucres désignés au litt. D par le
ministre des finances, 90 p. c. »
M. Dumortier. - Les chiffres que j’ai présentés sont ceux de la loi
française.
Le chiffre que je propose pour les sucres mélis est le
même que j’ai proposé l’an dernier. J’ai réduit à 78 le rendement des lumps.
J’ai ajouté une catégorie à 90 ; c’est la catégorie D indiquée par M. le
ministre des finances.
M. Rogier.
- Si vous adoptez la législation française, vous imposez donc la betterave.
M. Dumortier.
- Il ne s’agit pas maintenant de cela. Je m’en tiens à l’objet de la loi qui
est un impôt sur les sucres.
Le motif pour lequel je persiste dans mon amendement
et pour lequel je ne puis me rallier à celui de mon honorable ami, c’est que je
ne vois pas qu’avec cet amendement le trésor soit assuré de recevoir l’impôt
dont on a voulu frapper les sucres, impôt qui a été établi pour fournir des
fonds au trésor public et non pour favoriser l’étranger ou des industries
particulières. Mon honorable ami en doute lui-même : ce qui me fait penser
qu’avec cet amendement l’impôt ne rapportera rien au trésor, c’est que, en
Hollande où le taux du rendement est plus élevé que celui que présente mon
honorable ami, les droits ne rapportent presque rien au trésor.
Vous avez vu dans la discussion aux états-généraux que
plusieurs membres se sont plaints de ce que l’impôt sur les sucres ne rapporte
rien au trésor ; le ministre des finances a répondu que cela était vrai, mais
qu’on ne pouvait modifier cette législation aussi longtemps que la Belgique
conserverait sa législation sur les sucres.
Il résulte de là cette vérité que le rendement existant
en Hollande, et qui est plus élevé que celui que propose mon honorable ami, ne
rapporte presque rien ; d’où l’on doit conclure que toute chose étant égale, il
en sera de même en Belgique, et par conséquent que le trésor ne recevrait
presque rien. Si vous adoptiez l’amendement de mon honorable ami, je demanderai
que l’on y ajoutât l’amendement de l’honorable M. Liedts pour assurer 10 p. c.
au trésor, sans cela le trésor ne recevrait rien.
J’arrive maintenant à ma proposition.
Il est une vérité démontrée quoiqu’on ait voulu
longtemps la dissimuler, c’est que le sucre étranger arrivant dans nos ports
donne un produit de 95 p. c. de matières sucrées ; ces matières sucrées étant
clarifiées, du sucre mélis, du sucre candi, du sucre lumps, de la cassonade ou
du sirop. Il me paraît que dès l’instant que le taux du rendement s’élève à 95
pour cent, nous ne pouvons être taxés d’injustice, car l’on ne doit donner de
restitution à l’exportation que pour une somme équivalente à ce qui est
exporté. J’admets sur ce rendement de 95 une réduction de 20 p. c. pour le
sucre métis et une réduction de 18 p. c. pour le sucre lumps ; je ne crois donc
pas qu’on puisse se refuser à admettre mon amendement, si l’on veut que le
trésor reçoive quelque chose.
Un honorable préopinant a dit
qu’il ne disconvenait pas que dans le sucre des colonies il y avait un
rendement de 95 p. c. ; mais comment concilier cette assertion de ce préopinant
avec la demande qu’il fait de la décharge des droits pour une exportation de 55
p. c. en sucre mélis ? Il vous restera ainsi 40 p. c. en cassonade, sucre
candi, sucre lumps ou autres marchandises qui doivent nécessairement le droit ;
car le droit doit être payé sur les quantités du même sucre consommées dans le
pays sous quelque forme que ce soit. Il doit en être ainsi puisque les
raffineurs font payer au consommateur le prix de la cassonade, plus le montant
de l’impôt. Vous devez donc admettre mon amendement ; j’ai la confiance qu’il
aura l’assentiment de l’assemblée ; je crois en avoir dit assez pour le
justifier.
M. Verdussen. - Lorsque j’ai vu le vote d’hier, je me suis prédit
ce qui arrive, à savoir qu’on aurait fait une discussion générale sur le
rendement ; car si aujourd’hui on m’appelait à m’expliquer sur un rendement
quelconque, je ne saurais rien vous répondre, parce qu’il est impossible de se
faire une idée du rendement sans connaître le système que l’on veut adopter.
Je voulais faire une interpellation à M. le ministre
des finances ; j’ai appris avec regret qu’il est retenu chez lui par une
indisposition. M. le président, en nous faisant connaître cette fâcheuse
nouvelle, nous a dit que M. le ministre de la justice viendrait à la chambre
pour donner les explications qui seraient réclamées. Je demanderai donc si le
ministre compte maintenir son système d’après lequel il ne serait apporté aucun
changement au rendement actuel.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, M. le ministre des finances m’a prié de
déclarer à la chambre qu’il considère toujours le système qu’il a présenté
comme le meilleur, et qu’il pense que la simple augmentation du rendement que
la chambre a adoptée ne produira pas pour le trésor public l’effet qu’on en
attend.
M. Verdussen.
- D’après la déclaration de M. le ministre je dois demander que la chambre vote
sur le système, car dans l’incertitude de savoir s’il faut une augmentation de
2, de 4, de 6 ou de 20 p. c. il faut connaître à quoi cette augmentation de
rendement sera appliquée.
Il est possible même qu’il ne soit plus question de
rendement aujourd’hui, car je ne pense pas qu’il soit entré dans la pensée de
la chambre, en votant sur un article qu’elle n’a pas discuté, de rayer tout le
système de l’honorable M. Rogier sous-amendé par l’honorable M. Dubus aîné. Là
il n’est plus question de rendement ; donc toute la discussion d’aujourd’hui
qui a duré plus de 2 heures sera inutile si ce système doit prévaloir ; donc il
est nécessaire, pour ne pas perdre de temps, de savoir quel système sera
adopté. Si ce doit être le système qui consiste à frapper le sucre brut d’un
droit plus élevé qui assure au trésor une somme donnée non restituable, alors
il n’y aura plus de rendement et toute la législation actuelle sur les sucres
sera anéantie. Si au contraire nous admettons le maintien du rendement avec le
système du ministre des finances, la discussion sur l’augmentation du rendement
sera inutile ; car on ne peut séparer l’opinion du ministre, quant au maintien
du rendement, de son opinion quant à une certaine somme de la prise en charge
par le trésor en acquit du rendement, car je ne parle pas de cette faible
augmentation de rendement que propose le ministre.
Je demande donc que la chambre
se prononce sur le système qu’elle entend adopter avant que je m’explique sur
le rendement proprement dit.
M. le ministre de l’intérieur et des
affaires étrangères (M. de Theux).
- Je demande que la chambre n’émette pas aujourd’hui un vote sur l’un ou
l’autre système, mais que la discussion continue. M. le ministre des finances
pourra assister à la première séance ; il aura là le compte-rendu de la
discussion dans le Moniteur,
peut-être émettra-t-il une opinion différente de celle que va soutenir l’honorable
M. Verdussen, en examinant l’un ou l’autre système.
M. Verdussen.
- Je commencerai par supposer qu’on adoptera un système auquel s’applique le
rendement.
On a beaucoup parle de rendement ; je doute qu’on
sache ce que c’est. (Rires dans une
partie de l’assemblée.)
Le rendement, c’est ce que peut rendre le sucre brut.
Si on veut savoir ce que peut rendre un quintal de sucre brut, il faut
s’entendre sur la signification de ce mot.
Je vous déclare que les orateurs que vous venez
d’entendre, MM. Metz et Dubus aîné, m’ont prouvé qu’ils sont dans l’ignorance
la plus complète de ce que c’est que le rendement.
Voici comment l’honorable M. Metz a justifié
l’augmentation de rendement proposée par l’honorable M. Dubus aine. Il vous dit
: « Nos adversaires avouent qu’après avoir exporté 55 kilogr. de sucre
raffiné, il reste 40 kilogr., puisqu’il y a (ajoute-t-il très judicieusement) 5
p. c. de déchet sur un quintal de sucre brut après la clarification. » Comme il
l’a dit dans un de ses premiers discours, « 100 kilogr. ne donnent que 95
kilogr. de matières sucrées. 55 kilogr. sont exportés, donc 40 kilogr. restent
pour la consommation du pays ; ainsi (dit l’honorable membre), voilà 40 kilogr.
de matières sucrées dont vous ferez du sucre candi, du sucre mélis, du sucre
lumps, de la cassonade, comme il vous conviendra. Comment, messieurs, comme il
nous conviendra ! Alors rien n’est plus simple que de tirer d’un quintal de
sucre brut 95 kilogr. de sucre candi. Si nous obtenions de tels produits, nous
serions bientôt riches, il ne faudrait pas nous mêler d’autre chose ; mais
malheureusement c’est qu’il n’est pas possible de tirer ce qu’on veut des 40
kilogr. de matières sucrées restants. Comme, après qu’on a extrait de la farine
toute la fleur de farine, il ne reste que du son, ainsi il arrive qu’après
avoir retiré de 100 kilogr. de sucre brut 55 kilogr. de sucre exporté à haute
décharge, il ne reste que 40 kilogr. de matières communes de cassonade et de
sirop. La nature a tracé la limite au-delà de laquelle il n’est pas possible
d’aller ; ainsi dans ces matières sucrées il y a la mélasse, cette partie du
sucre qu’on ne peut amener à l’état de cristallisation quels que soient les
moyens qu’on emploie.
Je pense pouvoir faire à cet égard tant soit peu le
magister, car dans ma première jeunesse j’ai été à la tête d’une raffinerie de
sucre pendant plus de 10 ans ; j’ai vu et travaillé toute espèce de sucres ; il
y a 30 ans de cela. Vous ne me croirez peut-être pas, messieurs, je vous le
déclare cependant sur l’honneur ; parmi les millions de kilog. de sucre brut
sur lesquels j’ai travaillé, je n’ai jamais eu un rendement de sucre fin
excédant 55. On nous dit que depuis lors il y a des procédés tels qu’on peut
obtenir beaucoup plus qu’on n’obtenait alors.
je crois que jusqu’à un certain point cela peut être
vrai, et surtout par rapport à la couleur ; mais la couleur n’ajoute rien au
poids. On a remplacé le terrage par un autre procédé qui donne des pains plus blancs,
sans donner davantage de sucre fin. Je n’étais donc pas si ridicule, tout à
l’heure, quand je disais qu’on ne comprenait pas le mot rendement ; en effet,
j’ai entendu prétendre qu’on pouvait faire, des 40 kilogr. qui restent, tout ce
qu’on voulait.
J’en viens à l’explication du mot lumps. Selon M.
Dubus, ce mot lumps serait magique, et il a dit qu’on pouvait tirer 86 en lumps
de 100 kil. de sucre brut. Le mot lumps s’applique à la forme du pain ; tout
pain qui dépasse 12 livres anciennes devient lumps. On fait des lumps qui ont
jusqu’à deux pieds de haut. On en fait de toutes les dimension. C’était le
sucre en forme de lumps qui pouvait entrer en Prusse ; alors les raffineurs, au
lieu de travailler en pains de quatre à cinq livres, ont travaillé en grands
pains, ou en lumps, mais avec du sucre aussi fin que celui des petits pains.
En Prusse on se trompait quand on croyait que le lumps
qu’on lui envoyait était d’un sucre inférieur au sucre des petits pains.
Alors, comment se fait-il que la France et que la
Hollande fassent de la différence entre le lumps, le sucre candi et le sucre en
forme de petit pain ? C’est parce que, s’il est possible de faire de petits
pains avec du sucre fin, on ne peut pas en faire avec du sucre qui ne serait
pas très fin.
Le sucre étant évaporé ou bouilli, est jeté dans de
petites formes ; il y cristallise ; ce premier produit est ce qu’il y a de plus
fin. Le sucre le plus fin cristallise le mieux. Il reste dans les formes à peu
près le tiers de ce qu’on y jette.
Les deux tiers qui s’écoutent sont de nouveau mis sur
le feu ou évaporés, parce qu’ils contiennent trop d’eau ; on jette ce sucre
dans de grandes formes ; il ne cristalliserait pas dans de petites. Moins le
sucre est fin et plus il faut le réunir en grandes masses pour qu’il puisse
cristalliser. Si, en premier lieu, on n’a pas employé de sucre brut d’une belle
qualité, la cristallisation dans les secondes formes est le lumps, parce que ce
sont de très grandes formes.
Les lumps ne sont donc pas d’un demi-raffinage ; c’est
un sucre qui cristallise, mais qui ne peut cristalliser qu’en certaines masses.
Ce lumps jette aussi un sirop avec lequel on fait, en
l’évaporant, des bâtardes, ou des pains de 150 livres. Moins le sucre est fin,
et plus la masse doit être considérable pour qu’il prenne la forme cristalline.
De ces énormes pains il en découle la mélasse qui n’est plus cristallisable.
Ces détails vous prouvent que plusieurs de nos collègues, qui ont parlé avec
tant d’assurance, et j’ajouterai, avec tant de talent, étaient cependant loin
de la vérité quand ils disaient que les 40 p. c. qui restaient pouvaient faire
toutes sortes de sucres.
Aujourd’hui l’honorable M. Dubus nous a parlé des
transcriptions ou des transferts, dans lesquels nous trouvons que gît tout le
mal pour le trésor ; mais j’ai vu avec regret que l’on ait mis en doute les
observations de la commission à cet égard.
Ces transferts consistent en ceci : un raffineur a été
pris en charge pour 10,000 fr., il n’a pu exporter que pour 2,000 fr. ; il
reste 8,000 dus à l’Etat. Le terme de six mois est près d’expirer, et il faut
payer le lendemain. Il trouve un homme qui consent à prendre la dette pour lui,
et qui, au lieu de payer 8,000 fr. dit : Je ne paierai que 7,800 fr. ; et il y
a transfert. Cet acquéreur de la dette obtient un nouveau crédit de 6 mois, et
il fait bénéfice. Il bénéficie non pas pour exporter le sucre qu’il prend chez
un raffineur, mais pour exporter le sucre qu’il prend à l’étranger ; et c’est
ainsi que par ces transferts le trésor fait d’énormes pertes.
Il va sans dire que le raffineur qui n’a pu acquitter
que 2,000 fr., a jeté dans la consommation tout ce qu’il faut de sucre pour
qu’à l’entrée ce droit soit de 8,000 fr.
Mais il y a des raffineurs qui prennent pour leur
compte ces transferts, et qui par conséquent, après avoir exporté 55, ont
encore du sucre exportable. Toutefois, j’ai toujours pensé que les neuf
dixièmes des transferts se font par des négociants qui fraudent ou éludent la
loi.
Celui qui achète le sucre brut à très bas prix ne peut
tirer 55, cela est évident ; il n’en tirera que 40 p. c. Mais vu la modicité du
prix qu’il a mis dans l’achat de la matière première, et vu la mélasse qu’il
peut avoir en plus grande quantité, et qui n’est pas atteinte par l’accise, il
peut se tirer d’affaire.
Remarquez que la mélasse seule ne donnerait pas de
bénéfice. Elle se vend 36 fr. les 100 kilog. ; et comme le droit est de 37, le
marchand y mettrait du sien en n’opérant que sur cette matière. Vous avez
entendu ce que l’on a dit à cet égard : voilà les absurdités dans lesquelles on
tombe quand on ne connaît pas le sujet que l’on traite.
Si un raffineur achète du sucre très beau, il en
obtient 60, 65 ; et il peut se rattraper sur le haut prix qu’il a mis à son
achat.
Si le raffineur fait un mélange de beau sucre brut
avec du sucre brut de qualité inférieure, il retire à peu près 55 et pas
au-delà.
L’honorable M. Metz en parlant des législations des
peuples qui nous environnent, est tombé dans l’erreur. Il a dit qu’au fur et
mesure que le talent du raffineur avait grandi, on avait changé la législation
; et il en a tiré la preuve de la comparaison de la législation de 1822 à celle
de 1829.
Messieurs, il y a une chose fort étrange : c’est qu’un
homme versé dans la jurisprudence, habitué à lire les lois et à les méditer,
tombe dans une pareille erreur : s’il avait bien lu la loi de 1822, il aurait
vu qu’elle fixait le rendement à 60 p. c. pour les sucres exportables, il
aurait vu aussi qu’en 1829 on a réduit le rendement à 55 1/2, et que le
gouvernement avait proposé de le fixer à 53, comme l’honorable M. Smits l’a dit
dans le premier discours qu’il a prononcé dans cette discussion. M. Metz a cru,
lui, trouver le fin mot de l’affaire ; il a dit qu’en 1829 on a augmenté le
rendement parce qu’on s’était convaincu que les raffineurs obtenaient beaucoup
plus que par les procédés employés en 1822 ; il a dit que par ce motif on avait
augmenté le droit de 40 p. c. Il est très vrai, messieurs, que le droit a été
augmenté de 40 p. c., mais la restitution a été augmentée dans la même
proportion, et par conséquent les choses restaient absolument les mêmes ; ou
plutôt le rendement a été diminué puisqu’il a été abaissé de 60 à 55 1/2.
L’honorable M. Dumortier est tombé dans des erreurs
graves. Je ne pourrais pas le suivre mot à mot, car il est impossible prendre
des notes aussi volumineuses ; je citerai seulement une de ses méprises. Il a
dit que le système hollandais élève le rendement plus haut que ne propose de
l’élever son honorable ami M. Dubus. Vous n’avez, messieurs, qu’à lire ce qui
se trouve dans le rapport de l’honorable M. Desmaisières, d’où il résulte que
le rendement est en Hollande de 61 pour le sucre en pain, et de 64 pour les
lumps, tandis que l’honorable M. Dubus propose de le porte pour 65 pour les
sucres fins en pains et candis, et à 70 pour les lumps.
L’honorable M. Dubus a commis
aussi une légère erreur dans les calculs qu’il a établis sur le système
français, le chiffre de 63 kilogrammes qu’il a posé ; il aurait dû l’augmenter
de 15 centièmes, et au chiffre de 70 kilog. qu’il a établi pour les lumps, il
aurait dû ajouter un tiers de kilog. ; les chiffres exacts sont en effet 63
kilog. 15 centièmes et 70 1/3 kilog. Cette erreur est, du reste, assez peu
importante.
En résumé, messieurs, il me serait impossible de voter
en ce moment sur le rendement, ne sachant pas si le système de M. le ministre
des finances sera adopté.
M. Dubus (aîné). L’honorable député d’Anvers vient, messieurs, de
signaler une erreur que j’ai commise en présentant le chiffre de la restitution
qui existe en France, mis en regard du chiffre du rendement par kil. ; j’ai eu
effet négligé une légère fraction, parce que j’ai cru qu’elle était sans
importance, car je pense que la chambre n’ira pas fixer la restitution à 38 fr.
et 10 ou 15 centimes, à 14 fr. et 7 ou 8 centimes, mais qu’elle négligera les
centimes et prendra une somme ronde.
M. Mast de Vries. - Plus nous avançons, messieurs, dans la discussion, plus le but qu’on
se propose devient palpable. L’honorable M. Dumortier est venu maintenant
proposer le système français ; or, messieurs, à l’aide de ce système, la France
n’exporte plus que 4 millions à 4 millions et demi de sucre raffiné, sur une
importation de 100 millions de sucre brut ; je demande, messieurs, si ce n’est
pas vouloir tuer notre exportation que de proposer un système semblable.
L’honorable M. Dumortier dit qu’en Hollande on
n’attend pour modifier la législation sur les sucres que l’introduction de
modifications dans la législation belge ; si l’honorable M. Dumortier avait la
moindre idée du commerce du sucre exotique, il se serait au moins borné à
proposer le système hollandais, qui augmenterait déjà notamment le chiffre du
rendement ; dans le cas où nous aurions admis le système hollandais, le
ministère de Hollande pourrait alors partir de ce point pour demander aussi une
augmentation du rendement ; mais ce ne sont pas des modifications sages que
l’on veut : ce qu’on veut à toute force, c’est de détruire les raffineries de
sucre exotique. (Réclamations.)
Lorsque l’honorable M. Rogier
vous a dit que vous ne proposiez point la loi française en ce qui concerne les
betteraves, vous répondez que lorsque l’on proposera des impositions sur cet
article, vous verrez ce que vous aurez à faire. Je dis donc avec raison que
votre seul but est de détruire les raffineries de sucre exotique.
M. Dumortier.
- L’honorable préopinant m’accuse, messieurs, de vouloir détruire les
raffineries de sucre exotique, alors que par l’amendement que j’ai eu l’honneur
de vous proposer, elles auront encore une marge de 15 ou 20 p. c. de bénéfice,
comme je l’ai démontré.
Il est évident qu’on tire du sucre brut 95 p. c. de
matière sucrée, et que toute cette matière doit payer le droit ; mais c’est là
un argument que nos adversaires n’ont pas rencontré et qu’ils ne rencontreront
jamais, car c’est là qu’est toute la question. Aujourd’hui on fait payer le
droit aux consommateurs ; mais ce droit, au lieu de profiter au trésor public,
ne profite qu’aux raffineurs.
De deux choses l’une, messieurs, ou bien le système
que je propose ne sera pas nuisible aux raffineries de sucre exotique, ou bien
le système de l’honorable M. Rogier leur sera cent fois plus fatal ; si cette industrie
peut exister avec un droit d’entrée de 4 fr. et sans prime d’exportation, il
est absurde de dire que celui qui propose de lui laisser un avantage de 20 p.
c. veut la ruiner. Je renvoie à l’honorable préopinant de pareilles
accusations.
M. Metz. - Je me
garderai bien, messieurs, de prendre pour un fait personnel le reproche
d’ignorance de l’honorable M. Verdussen, je regarde cela comme un mouvement de
mauvaise humeur.
Vous avez entendu, messieurs, que l’honorable membre
vous a dit avoir étudié et pratiqué la matière il y a 30 ans, qu’il était un
peu magister dans cette question ; je ferai remarquer à l’honorable M.
Verdussen que ce n’est pas le cas de venir dire magister dixit, car il est
facile de lui prouver qu’il s’est trompé : il est vrai, messieurs, que passé 30
ans, lorsque l’honorable M. Verdussen exploitait les sucres, le rendement
n’était pas plus considérable que 55 p. c. ; il l’était même moins : en 1789,
époque, à peu près, dont l’honorable membre veut parler, le rendement n’était
évalué qu’à 44 p. c. ; mais par suite du progrès des sciences et du
perfectionnement des procédés, il s’est successivement élevé. Si M. Verdussen a
quitté la partie depuis 30 ans, il n’a pu être témoin de ces perfectionnements
; mais ce n’est pas une raison pour que les choses n’aient pas changé.
Voici, messieurs, ce que disait un ministre français,
qui avait aussi, comme M. Verdussen, fabriqué le sucre, qui avait aussi fait le
commerce des sucres :
« Grace aux progrès de la science et aux
perfectionnements de l’industrie, nous en sommes arrivés aujourd’hui à pouvoir
tirer du quintal jusqu’à 70 kilog. de petits pains ; après cela il reste encore
dans le résidu une assez grande quantité de sucre fin, etc. »
Il résulte, messieurs, de tout ce qui a été dit en
France par les hommes distingués qui ont illustré la discussion des sucres,
que, des sucres Porto-Ricco, Havane, des Indes, qu’on raffine dans ce pays, on
peut tirer jusqu’à 80 p. c. de sucre cristallisé.
L’honorable M. Verdussen vient
de m’opposer, messieurs, que j’ai dit que lorsqu’on a exporté 55 p. c. et subi
un déchet de 5. p. c., il reste encore 40 p. c. dont on peut faire du sucre
candi, des lumps, des mélis, tout ce qu’on veut, et il conclut de là que j’ai
prétendu que ces 40 p. c. se composaient encore entièrement de sucre
cristallisé. J’ai dit qu’on pouvait convertir ces 40 p. c. dans toutes les
formes, parce qu’il renferme encore du vergeois, de la cassonade et en
définitive du sirop. Voilà, messieurs, comment je me suis expliqué ; M.
Verdussen a jugé à propos d’interpréter mes paroles d’une autre manière, afin
de donner une certaine couleur à son opinion. Que l’honorable membre consulte
les livres qui constatent les progrès des sciences, et il verra que mes
observations sont parfaitement exactes.
(Moniteur belge
n°359, du 25 décembre 1837) M. Mercier. - Messieurs, je persiste à croire que le
système présenté par le gouvernement, abstraction faite de tout chiffre de
quotité, est préférable à celui qui est basé sur une augmentation de rendement
parce qu’il nous fait arriver à des résultats plus certains, aussi bien sous le
rapport du produit nécessaire au trésor public que relativement à son influence
sur le commerce du sucre exotique.
Quoi qu’il en soit, puisqu’il s’agit maintenant du
rendement, je vais examiner cette question
Dans la deuxième partie du premier discours que j’ai
prononcé dans cette enceinte sur la question des sucres, je me suis attaché à
démontrer par des faits, par la consommation même du pays, que le rendement
moyen des sucres bruts raffinés en Belgique était nécessairement supérieur à
celui de 55 1/2 kil. ; j’ai établi en même temps qu’il est impossible de
déterminer ce rendement d’une manière précise à cause des différentes
circonstances auxquelles il est subordonné, mais que pour obtenir des
proportions tant soit peu rationnelles, il fallait adopter des chiffres qui
s’éloignassent peu de ceux qui ont été admis dans la législation française.
Voyons quelles seraient les conséquences probables de
l’amendement de l’honorable M. Dubus qui fixe à 65 et 70 le rendement légat du
sucre raffiné.
Je vais établir mon raisonnement dans deux hypothèses,
en supposant d’abord que nos importations resteront aussi considérables que
précédemment, et en admettant ensuite qu’elles subiront une diminution.
Le terme moyen des importations de sucre en Belgique
ou plutôt des prises en charge aux comptes des négociants ou raffineurs a été
de 21,690,500 kil.
Celui de nos exportations de sucre raffiné, de
10,487,800 kil., ce qui en calculant par moitié au taux de 65 et de 70, selon
l’amendement de l’honorable M. Dubus, absorberait une prise en charge de
15,469,500 kil.
Il ne resterait donc, sur le terme moyen des prises en
charge d’après la moyenne des exercices antérieurs, qu’une quantité de
6,221,000 kil.
Or, en admettant que sur 12 millions de kilog. de
sucre qui forme la consommation de la Belgique, le sucre de betterave doit
entrer pour la moitié, les six millions de kilog. de sucre indigène
remplaceront précisément ce restant de prise en charge provenant d’une moyenne
d’années pendant lesquelles on ne faisait presqu’aucun usage de sucre de
betterave.
Ainsi dans cette hypothèse le trésor public ne
recevrait rien ou n’obtiendrait qu’une ressource insignifiante : alors même
qu’on prétendrait qu’il y a exagération dans le chiffre que j’attribue à la
production future de sucre indigène et qu’on voulut le réduire à 5,000,000, il
ne serait encore perçu qu’environ 300,000 fr. de droits en principal.
En suivant l’hypothèse que nos
exportations en sucre raffiné seront diminuées, par exemple, de 2,487,800 kil.,
il résulte des calculs auxquels je me suis livré que le produit que nous
obtiendrions ne s’élèverait encore qu’à une somme d’environ 550,000 fr. en
principal, insuffisante pour les besoins du trésor.
J’insiste donc de nouveau pour que la chambre se
détermine à donner la préférence au système qui réserve à l’impôt une quotité
déterminée de la prise en charge des sucres bruts,
(Moniteur belge n°358, du 24 décembre 1837) M. F. de Mérode. - Messieurs, il me
semble qu’il serait difficile d’aller maintenant aux voix, après ce qu’a dit M.
le ministre de la justice, au nom de M. le ministre des finances. M. le
ministre des finances déclare qu’avec le rendement l’on n’obtiendra rien. Si
c’est pour ne rien obtenir, il me paraît assez inutile de voter : je pense donc
qu’un vote ne peut être émis en ce moment ; nous devons nécessairement attendre
sa présence.
M. le ministre de la justice (M.
Ernst). - Messieurs, l’heure de la
séance est déjà assez avancée ; un grand nombre d’amendements sont proposés, il
est difficile dès lors que toutes les parties de la question soient votées
aujourd’hui. D’un autre côté, il serait très avantageux, en ce qui concerne les
nouveaux amendements et notamment celui de M. Dumortier, que M. le ministre des
finances pût encore prendre une résolution ultérieure sur le système
d’augmentation du rendement, système qu’il n’a pas proposé et qu’il serait possible
de concilier, sous certains rapports, avec le système que le gouvernement vous
avait présenté. Pour ces motifs, je crois, messieurs, qu’il serait convenable
de remettre la discussion à la prochaine séance.
M. Gendebien. - Je ne vois pas de motif pour qu’on vote
aujourd’hui. Mais je demanderai si le ministre a bien ses apaisements sur la
question de savoir si nous serons en nombre mardi pour voter. Je ne pense pas
que nous soyons en nombre. Il résultera de cet ajournement que nous n’aurons
rien fait, et que le résultat d’une très longue discussion serait réduit à
zéro.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, ii n’est pas question de proposer un ajournement
; mais comme j’ai eu l’honneur de le dire tout à l’heure, il ne paraît guère
possible de terminer la question aujourd’hui. La remise à une autre séance est
le résultat de la nécessité. J’ai lieu de croire que si l’on remettait la
séance à mercredi, la chambre serait en nombre. Je fais la proposition que
l’assemblée fixe sa prochaine séance à mercredi.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- Je pense aussi qu’il est indispensable que la chambre ne suspende pas ses
séances au-delà de mercredi. Il est urgent que la loi en discussion soit votée,
ainsi que le budget de la guerre, et celui des voies et moyens. Il faut que le
sénat soit saisi à temps de ces diverses lois, pour pouvoir les voter avant le
1er février. J’engage donc instamment la chambre à fixer sa prochaine séance à
mercredi.
M. Seron.
- Messieurs, je demande la parole pour faite observes que nous ne serons pas en
nombre mercredi. Il est à remarquer que le député qui a proposé que la chambre
ne prît pas de vacances, est M. Henri de Brouckere ; or, M. Henri de Brouckere
n’est pas venu à la séance d’aujourd’hui comme il n’est pas venu à celle
d’hier. Il en sera de même de beaucoup d’autres, et il n’y aura pas de
majorité. Décidez-vous donc à prendre un congé, c’est bien plus simple. Pour ma
part, je propose que la chambre s’ajourne jusqu’au 9 janvier. (Appuyé.)
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Si la chambre s’ajourne au 9 janvier, il sera
impossible de voter les différentes lois indispensables qui restent à discuter,
assez à temps pour que le sénat puisse les avoir votées à son tour avant le 1er
février. Je persiste donc à demander que la chambre fixe sa prochaine séance.
M. Dumortier.
- Messieurs, je ne pense pas qu’on doive considérer les membres de la
représentation nationale comme des ouvriers se livrant à un travail sans
relâche, comme des esclaves attachés à la tribune pendant une grande partie de
l’année.
Voilà trois mois que nous
siégeons et que nous n’avons revu nos familles. Pour mon compte, je déclare que
je suis rendu de fatigue, beaucoup de mes collègues sont dans le même cas.
J’entends un membre qui dit ah ! ah ! Je conçois que pour lui qui n’est arrivé
ici que depuis 15 jours ou trois semaines, ce soit chose commode de rester à
Bruxelles ; mais pour nous, qui avons abandonné nos foyers depuis trois mois,
qui n’avons pas eu un moment de relâche depuis lors, il serait absurde que nous
ne prissions pas la vacance ordinaire de Noël. En Angleterre où l’on a certes
l’expérience du gouvernement représentatif, le parlement siège toujours pendant
six semaines, et il prend ensuite six semaines de congé.
Je ferai remarquer au reste que dans les 10 jours qui
vont s’écouler, nous n’avons forcément pas de séance pendant 6 jours. Rien ne
s’oppose donc à ce que nous prenions un congé.
M. le ministre de l’intérieur et des
affaires étrangères (M. de Theux).
- Il nous serait certes aussi agréable qu’a l’honorable préopinant d’avoir une
interruption dans les séances de la chambre, puisqu’indépendamment des travaux
législatifs nous avons encore à suivre des travaux administratifs. Cependant je
déclare que dans l’intérêt général il est indispensable que nous nous
réunissions au plus tard mercredi prochain.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la fixation de la
prochaine séance à mercredi.
M. Dubus (aîné). - Pourquoi ne procède-t-on pas suivant les
précédents de la chambre, en mettant d’abord aux voix l’ajournement le plus
éloigné ?
M. le ministre de la justice (M.
Ernst). - Fixer la séance à mercredi
n’est pas un ajournement, car demain et après-demain il n’y aura pas de séance.
Différer d’un jour n’a jamais été considéré comme un ajournement ; une
assemblée ne doit pas nécessairement siéger tous les jours.
M. Gendebien.
- Il faut décider qu’on prendra une vacance, je crois la chose nécessaire ; je
ne demande qu’une chose, c’est qu’on prenne l’engagement formel d’être ici le 9
janvier à une heure. Toute autre décision sera nulle dans ses résultats.
M. F. de Mérode. - La chambre a décidé qu’il n’y aurait pas de
vacance avant d’avoir voté les choses indispensables. J’admire le patriotisme
de ces honorables membres qui nous disent : il y nécessité que je sois chez moi
15 jours. Cette nécessité d’une vacance est une invention qui n’est pas dans la
nature de la constitution. Il n’y en a pas en France ; en Angleterre on siège
la nuit ; on n’a pas de petites séances qui commencent à une heure et finissent
à quatre ; si M. Dumortier est fatigué, nous savons tous pourquoi. Les autres
membres heureusement ne partagent pas cette immense fatigue que se donne M.
Dumortier. (La clôture ! la clôture !)
M. Dolez. - Je demande la parole contre la clôture, parce que
j’ai une proposition à faire sur le vote que vous avez à émettre et sur la
forme. Je crois qu’il serait utile de m’entendre. Je suis prêt à consentir à ce
qu’on mette aux voix l’ajournement à mercredi, pourvu que ce soit par appel
nominal, et que chaque membre qui répondra oui, prenne l’engagement d’être ici
mercredi ; sans cela, vous verrez que nous ne serons pas en nombre ; déjà
plusieurs de nos collègues sont partis aujourd’hui, plusieurs de nos bancs sont
dégarnis, et il arrivera que ceux qui voteront contre l’ajournement seront les
premiers à s’absenter, comme cela est déjà arrivé.
M. Dumortier.
- L’honorable M. Dolez propose l’appel nominal pour constater combien de
personnes répondront oui. Quand nous aurons voté à 56 ou 57 et que 28 auront
dit non et 29 oui, avec les 29 qui auront dit oui, ferez-vous une séance ? Il
est évident que ce vote ne peut avoir aucun résultat.
M. le président.
met aux voix la question de priorité.
La chambre décide qu’on votera d’abord sur la
proposition de fixer la prochaine séance à mercredi.
Cette proposition est ensuite mise aux voix par appel
nominal.
En voici le résultat :
67 membres sont présents.
65 prennent part au vote.
2 s’abstiennent.
47 répondent oui.
18 répondent non.
En conséquence, la prochaine séance est fixée à
mercredi.
Ont répondu oui : MM. Bekaert-Baeckelandt, Berger,
Coghen, Corneli, de Florisone, de Langhe, de Longrée, F. de Mérode, W. de
Mérode, Demonceau, Dequesne, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de
Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, Donny, B. Dubus, Ernst, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn,
Lardinois, Lejeune, Mast de Vries, Mercier, Milcamps, Nothomb, Pirmez,
Polfvliet, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Simons,
Smits, Thienpont, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Van Volxem,
Willmar, Zoude.
Ont répondu non : MM. Coppieters, de Meer de Moorsel,
Desmet, Doignon, Dolez, Dubus (aîné), Dumortier, Duvivier, Gendebien, Lecreps,
Meeus, Metz, Morel-Danheel, Pirson, Pollénus, Seron, Stas de Volder,
Trentesaux.
M. Eloy de Burdinne. - Je me suis abstenu par la crainte qu’une question
aussi grave ne fût pas décidée par une fraction de la représentation nationale
; je n’ai pas voulu voter pour le congé parce que je sens la nécessité
d’avancer nos travaux.
M. Verdussen.
- Je me suis abstenu parce qu’on a attaché au vote à émettre l’obligation de
venir ou de ne pas venir. Je n’ai pas voulu voter pour l’un ni pour l’autre.
- La séance est levée à 5 heures.