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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 15 novembre 1836

(Moniteur belge n°322, du 16 novembre 1836)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal midi 3/4.

M. Lejeune lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pétitions suivantes.

« Les vicaires de plusieurs paroisses de la ville de Liége demandent le paiement de l’arriéré de leur traitement depuis 1835, et que la chambre assuré leur sort pour l’avenir. »


« Le docteur Koch, médecin du 7ème régiment de ligne, déclare que son intention a été de demander la naturalisation ordinaire au lieu de la grande naturalisation. »


« Le collège du conseil communal de Bellinghen (Brabant) demande que l’église de cette commune devienne succursale, et que le traitement du curé soit à la charge de l’Etat. »


« Des propriétaires et fermiers de prairies dans les polders d’Eeckeren, Merxhem, etc., renouvellent leur demande de la prohibition des foins de la Hollande. »


« Quatre jardiniers fleuristes de Bruxelles demandent de nouveau que la chambre refuse l’allocation demandée au budget pour subside au jardin botanique. »


« La veuve de J.-B. Cloetens, en son vivant garde forestier de la forêt de Soignes, demandé une pension. »


« Un grand nombre de cultivateurs des communes de Wilmarsdonck, Voordoren et Stabroeck (province d’Anvers), s’occupant principalement de la culture de la chicorée, demandent qu’on prohibe la chicorée hollandaise. »


« La dame baronne de Messemaere, née de Doncker, demande que sa pension de 200 florins soit portée à 300. »


« Les bourgmestres et les notables de Boulaide et de Sorré demandent que ces deux villages fassent partie de l’arrondissement judiciaire de Diekirch. »


« Quatre cultivateurs de la commune d’Oost-Acker demandent de nouveau à être payés des prestations militaires fournies par eux dans les années 1814 et 1815. »


« Un grand nombre d’habitants de Zeelhem (Limbourg) demandent : 1° que l’élection qui a eu lieu le 5 novembre courant, en remplacement d’un membre du conseil communal qui avait donné sa démission, soit déclarée nulle, et 2° que l’ancien bourgmestre qui fait de nouveau partie du conseil, soit maintenu dans des fonctions. »


« Le sieur P.-J. Vynesse à Zedelghem se plaint de ce que son frère, milicien de 1834, ait dû se rendre à l’armée par suite de la non-arrestation de deux réfractaires. »


« La dame Jeanne Landers, épouse de Pierre Guick, adresse la même plainte pour son fils Joseph. »


« Le sieur C.-L. Dansaert, armateur à Bruxelles, porte à la connaissance de la chambre les droits élevés que paient les navires belges tant à l’entrée qu’à la sortie de Prusse. »


- La chambre décide que la pétition relative au traitement des vicaires restera déposée sur le bureau pendant la discussion relative à cet objet.

La pétition relative à une demande de naturalisation est renvoyée à la commission des naturalisations.

Les autres pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.

Rapport sur des demandes en naturalisation

M. Milcamps dépose, au nom de la commission des naturalisations, un rapport sur des demandes de naturalisation.

- L’impression en est ordonnée.

Projet de loi relatif au traitement des vicaires

Discussion générale

M. Stas de Volder. - Messieurs, lors de la clôture de nos débats parlementaires, au mois de juin dernier, plusieurs membres de cette auguste assemblée témoignèrent tout leur regret de voir de nouveau ajournée la question du traitement des vicaires. Alors, comme aujourd’hui on sentait toute l’importance de s’occuper d’un projet de loi qui mît un terme à l’inconstitutionnalité exercée envers les ministres du culte professé par la presque totalité des Belges. Plusieurs vicaires ne reçoivent plus de traitement depuis que l’on persiste à vouloir leur faire une fausse application de l’art. 117 de la constitution et se trouvent par là dans un état de gêne auquel ils n’auraient pas dû être exposés.

Les journaux de toutes les nuances, l’opinion publique et surtout le rapport de la section centrale, si lumineux et si fort de raisonnements sur la matière, ont démontré à l’évidence combien il serait injuste de continuer plus longtemps à priver une classe de nos fonctionnaires ecclésiastiques des avantages constitutionnels dont jouissent les autres membres du clergé. Il est hors de doute qu’un traitement convenable appartient aux uns comme aux autres, à titre d’indemnité des biens dont le clergé a été dépouillé.

De nouveaux développements sur la matière, au point où la question en est, seraient, ce me semble, superflus, et ne serviraient qu’à faire perdre un temps précieux à la chambre pour la discussion des nombreux et anciens projets de loi dont elle n’a pu s’occuper jusqu’à ce moment.

Je voterai pour le projet de loi présenté par la section centrale, moyennant les modifications dont je le crois susceptible, et j’inviterai la chambre à prendre les mesures convenables en faveur des vicaires, dont les traitements n’ont pas été payés depuis plusieurs années.

M. Vandenbossche. - Messieurs, il est généralement reconnu que les vicaires sont d’une nécessite absolue pour le service du culte catholique ; dès lors il ne peut y avoir de doute sérieux qu’ils soient compris parmi les ministres des cultes que l’art. 117 de la constitution entend salarier aux frais de l’Etat.

Reste à savoir si la législature peut, pour le tout ou pour une partie, en charger soit les fabriques des églises ou les communes.

L’article 117 dit : « Les traitements et pensions des ministres des cultes sont à la charge de l’Etat ; les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget. »

Ces dispositions annoncent clairement, je pense, que l’Etat est chargé de l’intégralité des traitements et pensions des ministres des cultes. En effet, ce ne sont pas « des traitements et pensions, » mais ce sont « les traitements et pensions des ministres des cultes » que la constitution a mis à la charge de l’Etat.

M. le ministre pense que les termes de l’article 117 sont parfaitement synonymes de ceux de l’article 6 de la charte française, qui porte : « Les ministres..., reçoivent des traitements du trésor public, » et que c’est le peuple français que nous devrions consulter pour savoir ce que le congrès belge a voulu dire.

Je ne puis partager ici l’opinion de M. le ministre ; sans être né Français, ou même sans en connaître à fond la langue, je pense que tout homme, après mûre réflexion, conviendra qu’il y a une grande différence entre mettre les traitements à la charge de l’Etat, et recevoir des traitements du trésor public ; qu’il n’y a point de synonymie possible, et que par conséquent l’état de la législation française ne peut pas nous servir de règle de conduite.

Vainement dirait-on que le congrès n’a pas dit : «que ces traitements seraient exclusivement à la charge de l’Etat. » « Les », article déterminé, dénotait suffisamment l’intégralité des traitements, pour que le mot « exclusivement » n’y fût plus nécessaire pour assurer cette interprétation.

Le ministre dit que différents amendements furent proposés à la proposition de la section centrale ; que le premier mettait les traitements des ministres des cultes exclusivement à la charge des provinces et des communes ;

« Qu’un autre diamétralement opposé les mettait exclusivement à la charge de l’Etat ;

« Qu’un troisième demandait que la législature conservât le droit de réviser chaque année les traitements des ministres des cultes ;

« Que dans la séance du 5 février, la question de fixité occupa seule l’assemblée ;

« Qu’un membre proposa simplement de dire : Les ministres des cultes reçoivent un traitement de l’Etat, et qu’enfin un nouvel amendement devint l’art. 117 de la constitution. »

M. le ministre dit « qu’il ne résulte point de ces débats que le congrès ait voulu modifier la législation, en ce qui concernait le débiteur des traitements du clergé ; » mais il n’en résulte point non plus que le congrès l’ait voulu conserver.

« Le débat a roulé, dit-il, sur la garantie de fixité, et c’est cette garantie de fixité que le congrès a rejetée par l’adoption de l’art. 117 de la constitution. Il a voulu, d’une part, consacrer en principe l’obligation de l’Etat, et de l’autre laisser à la législature le soin d’apprécier annuellement le chiffre de la somme nécessaire pour remplir cette obligation.

C’est le ministre qui parle, et ici je partage son opinion ; l’article a voulu consacrer en principe l’obligation pour l’Etat de payer les traitements des ministres des cultes ; conséquent avec ses antécédents, le congrès ne pouvait point établir une autre disposition ; mettre à la charge soit des fabriques des églises soit des communes, le traitement des vicaires, eût été une infraction à l’art. 12 déjà voté, car le traitement des vicaires est un véritable impôt pour la commune, et charger de leur traitement la commune qui en possède, tandis que celles qui n’ont qu’un desservant ne doivent rien payer pour le culte, serait consacrer un privilège en faveur de celles-ci.

Il n’est donc pas juste de dire, je pense, que l’article a voulu écarter le deuxième amendement, parce qu’il mettait exclusivement à la charge de l’Etat les traitements et pensions des ministres des cultes.

M. le ministre pense que la disposition de mettre « exclusivement » à la charge de l’Etat les traitements des ministres des cultes n’eût pas manqué d’être l’objet d’une discussion approfondie, attendu qu’il en résultait nécessairement pour l’Etat un accroissement considérable de charges et qu’on ne découvre aucune trace de pareille discussion.

Mais s’il y a un accroissement considérable de charges pour l’Etat, les charges des communes subiront un décroissement dans la même proportion, et comme c’est le peuple qui fournit aux besoins de l’Etat, il ne lui importe guère comment il y contribue ; toutefois, mettant ces traitements exclusivement à la charge de l’Etat, on préviendrait tout privilège, et on n’en ferait qu’une plus équitable répartition.

Si donc cette question n’a subi aucune discussion, on doit se tenir à la lettre de l’article qui déclare à suffisance que les traitements des ministres des cultes sont exclusivement à la charge de l’Etat.

La section centrale désirerait y faire une exception pour les fabriques des églises, qui jouissent en biens immeubles ou en rentes, toutes dépenses et charges acquittées, d’un revenu ordinaire suffisant pour supporter ces traitements. Mais le nombre de ces fabriques est si petit, et il y aurait peut-être encore des difficultés pour établir cette suffisance ; de sorte que je pense qu’il vaudrait mieux mettre indistinctement tous ces traitement à la charge exclusive de l’Etat.

Nous n’avons pas à craindre que toutes ces fabriques n’emploieront pas leurs revenus : d’ailleurs, ne devant plus rien payer aux vicaires, l’Etat ou la commune ne devra plus aussi les secourir pour les réparations ou restaurations que pourraient exiger leurs églises, comme on en voit l’exemple à Bruxelles et à Gand.

Mais quel doit être le montant du traitement d’un vicaire ?

Le projet de M. le ministre, ainsi que celui de la section centrale, établissent le minimum à 500 florins. L’un et l’autre admettent qu’ils pourront recevoir un traitement plus élevé et semblent préjuger qu’ils recevront des suppléments.

Le congrès, d’accord avec les lois et décrets préexistant, a voulu accorder des traitements convenables ; il a même voulu conserver tous ceux qui n’étaient pas trop élevés. Or, je vois dans l’exposé des motifs de M. le ministre que 1,600 vicaires reçoivent 969,487 fr. 65 cent., ce qui fait, terme moyen, 605 fr. 50 cent. par tête. D’après ces considérations, je désirerais voir établir directement les traitements des vicaires à 600 fr., tout en supprimant, dans l’art. 2 du projet de la section centrale, « sans préjudice, etc. »

Quant aux fabriques d’églises qui n’ont pas besoin d’être secourues par la commune, elles resteront libres, car la commune n’a pas à se mêler de leur budget.

Mais si dans la loi nous stipulons cette faculté aux communes, ces suppléments dépendront des régences : l’une l’accordera, l’autre pas ; et les régences ne pourront faire l’un ou l’autre sans encourir des critiques de la part de leurs administrés, ce que je désirerais de tout mon cœur pouvoir prévenir.

M. le ministre nous annonce qu’un nombre plus considérable de vicaires est nécessaire pour le service du culte.

Il résulte de l’art. 16 de la constitution que les évêques ont le droit de nommer autant de ministres du culte qu’ils le jugent convenable. « D’un autre côté dit M. le ministre, il n’est dû de traitement qu’aux ministres du culte réellement nécessaires ; or, il faut un juge de cette nécessité, et ce juge doit être le pouvoir législatif. » Or, je ne peux encore partager ici l’opinion de M. le ministre, car il est de toute impossibilité que le corps législatif puisse connaître s’il y a ou non nécessité ; impossible par conséquent d’en décider. Nécessairement nous devons laisser cette besogne aux évêques, dans l’espoir qu’ils n’en abuseront pas : libre au corps législatif de déterminer leur traitement, gros ou maigre, comme il l’entendra.

Avant de finir, je dois témoigner à la chambre que j’eusse désiré voir, dans la loi qui nous occupe, déterminer les traitements des desservants : ceux-ci ont toujours eu droit, à charge de la commune à un supplément de 200 francs, cette contribution à leur entretien est devenue facultative avec notre constitution. Une commune, à ma connaissance, s’est déjà refusée à porter ce supplément dans son budget pour 1837, et je ne doute pas qu’elle ne soit bientôt imitée par d’autres, tandis qu’il est généralement reconnu, je pense, que le traitement des desservants, avec le supplément des 200 francs de la commune, est déjà insuffisant pour beaucoup de localités.

M. Lebeau. - Messieurs, lorsque la grave question qui occupe la chambre fut soumise à ses délibérations, à l’occasion de la loi communale, la raison qui paraît avoir déterminé un grand nombre de ses membres à voter contre le système du projet ministériel, a été puisée dans le texte de la constitution ; il semblait que ce texte fût tellement clair, tellement évident que le doute ne pouvait pas subsister en présence de ses dispositions. Quoique décidé, messieurs, à voter contre le projet de M. le ministre de l’intérieur, il m’est impossible, après un examen approfondi de la question, de souscrire aux raisons de légalité qui ont entraîné plusieurs honorables membres de cette assemblée. La question constitutionnelle ne me paraît pas aussi simple ni aussi claire qu’on l’a prétendu.

M. le ministre de l’intérieur, dans l’exposé des motifs du projet de loi, vous a rappelé, messieurs, les circonstances dans lesquelles la disposition constitutionnelle, relative à la matière qui nous occupe, a été portée : il vous a dit que cette disposition a été votée avec une certaine précipitation, parce qu’à cette époque on avait hâte de clore le travail constitutionnel ; il vous a fait voir qu’aucune des conséquences financières qui résultaient du texte de la constitution, interprété comme il l’a été par la majorité de la chambre, ne paraît s’être présentée à l’esprit des membres du congrès, quoique ces conséquences soient graves ; il vous a fait remarquer ensuite que dans la rédaction du budget de l’Etat, faite sous l’impression, encore récente, de la discussion de la constitution, on a appliqué pendant plusieurs années le texte constitutionnel comme il soutient qu’il doit être appliqué aujourd’hui ; il vous a fait remarquer en outre que dans toutes les communes on a continué à considérer, comme une dépense communale, les traitements des chapelains et des vicaires, et que cela n’a donné lieu qu’à des protestations rares et tardives. Si je consulte mes propres souvenirs, je dois à la bonne foi d’avouer que je n’ai pas entendu, en votant la disposition dont il s’agit, introduire un droit nouveau, en ce qui concerne les traitements des ministres des cultes. Si donc je me suis décidé à combattre le projet ministériel, c’est par d’autres raisons que celles qui dérivent du texte constitutionnel.

« Le vicaire est-il un ministre du culte, oui ou non ? » Voilà toute la question, » a dit l’honorable M. Jullien. Si la réponse est et doit être affirmative, tout est résolu, » a dit, à peu près, l’honorable M. Fallon. Je pense, messieurs, que la question n’est pas bien posée de cette manière ; car si vous la posez ainsi, tout prêtre remplissant les devoirs de son état est-il ministre du culte ? L’affirmative me paraît incontestable : un prêtre agréé par l’évêque, mais qui n’a pas charge d’âmes, est-il, dans le langage vulgaire, dans le langage légal, ministre du culte ? Le desservant d’un oratoire particulier est-il ministre du culte ? Oui, sans aucun doute. Si vous consultez les lois civiles, les lois administratives, si vous examinez notamment la loi communale, quand elle énumère les incompatibilités, si vous vous arrêtez aux exemptions prononcées dans les lois sur la milice et sur la garde civique, si vous cherchez dans ces lois ce que c’est qu’un ministre du culte, évidemment, messieurs, dans l’esprit du législateur cette qualification s’applique aussi bien au prêtre agréé par l’évêque, au desservant d’un oratoire particulier qu’à tout autre fonctionnaire ecclésiastique ; les incompatibilités créés par les lois administratives pour exclure de certaines fonctions administratives les ministres des cultes s’appliquent évidemment à cette catégorie de prêtres, aussi bien qu’aux curés, aux desservants, aux chapelains et aux vicaires.

Cependant, messieurs, personne ne soutient que les prêtres agréés par l’évêque et les titulaires des oratoires particuliers aient droit à un traitement sur le trésor. Et cependant il est évident que d’après le texte des lois administratives, ils sont ministres du culte comme les autres fonctionnaires ecclésiastiques. Je suis donc en droit de dire, messieurs, que la question n’est pas bien posée, et que tous les ministres du culte n’ont pas droit à un traitement sur le trésor public. La section centrale l’a reconnu elle-même, car elle n’a pas demandé qu’il fût accordé un traitement sur le trésor de l’Etat aux prêtres agréés ni aux titulaires d’oratoires particuliers, bien qu’ils soient ministres du culte, bien qu’ils rendent des services aux fidèles, bien qu’ils soient admis à célébrer la messe, avec l’agréation de l’évêque, dans telle ou telle église.

La section centrale a reconnu ailleurs encore que la disposition de la constitution n’a pas l’inflexibilité qu’on veut lui prêter : ainsi, par exemple, elle excepte de la rétribution par le trésor de l’Etat les vicaires des communes où la fabrique possède des revenus suffisants pour faire face à leur traitement ; or si le texte de la constitution est absolu, il doit profiter non seulement aux communes, mais encore aux fabriques ; et je ne conçois pas de quel chef la section centrale établirait une exception résultant d’une circonstance à laquelle la constitution n’a pas eu égard. La section centrale ne s’en est donc pas tenue au texte seul de la constitution, puisqu’elle a fait une distinction qui ne s’y trouve pas ; mais elle a consulté l’esprit de la constitution, comme nous devons le faire.

Messieurs, si l’article de la constitution que l’on invoque ne pouvait pas être interprété par la législature, il en résulterait que toute secte qui est reconnue secte religieuse n’aurait qu’à s’établir dans le pays pour pouvoir invoquer le bénéfice de cette disposition. Si des quakers, des méthodistes, si toute espèce de secte, généralement reconnue comme secte religieuse, s’introduisait en Belgique, elle pourrait, si le texte de la constitution n’était pas susceptible d’interprétation, en revendiquer le bénéfice, au même titre que le culte catholique.

Lorsqu’il s’est agi, messieurs, de rétribuer le culte anglican, si mes souvenirs ne me trompent pas, ce n’est point la constitution à la main, mais par des considérations d’une tout autre nature, pas des considérations politiques, qu’on a amené la chambre à lui voter une allocation.

La constitution ne veut donc pas qu’on accorde sans distinction un traitement à tous les ministres du culte, et s’il en est ainsi, la loi peut désigner quels sont les ministres qui seront salariés ; la section centrale l’a reconnu elle-même.

Maintenant les vicaires doivent-ils être du nombre des ministres du culte salariés par l’Etat ? c’est là la véritable question.

Après l’avoir examinée consciencieusement, je penche quant à présent pour l’affirmative.

Je crois que le gouvernement et la chambre sont d’accord sur un point, c’est qu’il y a quelque chose à faire pour le clergé des campagnes : assez souvent, messieurs, lorsqu’on a exercé ici une critique plus ou moins sévère sur certains détails du budget du clergé, je n’ai jamais entendu exprimer qu’une seule opinion à l’égard du clergé des campagnes ; tout le monde a été d’accord qu’il y a quelque chose à faire pour lui, qu’il y a lieu d’améliorer sa position.

C’est donc une pure question de moyens qui se présente, et vous aurez à choisir entre ceux qu’indique le gouvernement et ceux que vous propose la section centrale. Ces moyens pourront, si le système de la section centrale est admis, être modifiés par suite d’amendements.

Je crois qu’il entre dans la nature de la discussion de jeter un coup d’œil sur la législation qui régit la matière.

Nous pouvons considérer, je pense, après les décisions de l’assemblée constituante, comme point de départ de la discussion actuelle la convention du 26 messidor an IX, autrement dite le concordat ; car, messieurs, je ne partage pas l’opinion qui a été quelquefois exprimée dans cette enceinte ; que toutes les dispositions organiques relatives au clergé, et notamment celles du concordat de 1801, aient cessé d’être obligatoires dans toutes leurs parties, par le seul effet de la promulgation de l’acte constitutionnel.

Certes, les dispositions contraires au texte et à l’esprit de la constitution ne peuvent se trouver dans la convention de messidor an IX, dans la loi de germinal an X, et dans toutes les lois postérieures, ces dispositions, dis-je, sont abrogées. Mais si, dans les lois organiques des rapports du clergé avec l’Etat, il se trouve des dispositions qui peuvent se concilier avec la constitution, sans contredit, messieurs, ces dispositions n’ont cessé d’être en vigueur ; c’est ainsi que le gouvernement applique journellement le décret du 18 germinal art X, en ce qui concerne l’érection des cures et des succursales ; qu’il applique le décret du 30 septembre 1807, sur les créations des places de chapelain et de vicaire ; qu’il applique enfin les dispositions du décret du 30 décembre 1809, qui règle l’administration des fabriques d’église.

J’argumente donc d’abord de la convention du 26 messidor an IX, et j’y lis, art, 10 : « Les évêques nommeront aux cures, leur choix ne pourra tomber que sur des personnes agréées par le gouvernement. »

(Il va sans dire que je regarde la dernière partie de cette disposition comme abrogée, puisque l’intervention de l’Etat dans la nomination des ministres du culte est opposée à la constitution.)

L’article 11 de la même convention porte que le gouvernement assurera des traitements convenables aux évêques et aux curés dans les diocèses et les paroisses qui seront comprises dans la circonscription.

A la vue de ces deux dispositions, abstraction faite de toutes les dispositions postérieures, si l’on se demande de bonne foi ce que l’on a voulu dire par cures, curés et paroisses, évidemment on doit reconnaître que ces expressions ont un sens beaucoup plus étendu que celui qui leur a été donné par des dispositions ultérieures ; ces mots : cure, curé, paroisse, dans leur sens naturel et vulgaire, m’ont toujours paru signifier qu’il y aurait au moins un pasteur par commune, et que sous ce rapport l’administration spirituelle était au moins, dans l’ordre des besoins des habitants, placée sur la même ligne que l’administration civile. Evidemment, messieurs, ces expressions doivent s’expliquer par les besoins des populations, par les intentions qui, de la part de la cour le Rome, devaient avoir préside à la convention de messidor an IX.

Or, en présence de ces dispositions, il est manifeste qu’en restreignant le mot cures aux chefs-lieux des justices de paix, on n’avait pas rétabli en France le culte catholique, objet exprès de la convention du 26 messidor an IX.

Remarquez que les dispositions qui ont suivi sont des dispositions unilatérales, où une des parties interprétait sans le concours de l’autre, à la différence du concordat qui est un véritable contrat bilatéral, un traité.

Dans la loi du 18 germinal an X, on définit avec d’étranges restrictions ce qu’il faut entendre par cure, curé, paroisse : l’art. 10 porte : « Il y aura au moins une paroisse dans chaque justice de paix ; il sera, en outre, établi autant de succursales que le besoin pourra l’exiger. »

Voilà déjà, messieurs, une grave restriction du mot paroisse, mot qui n’était pas défini dans la convention de messidor an IX.

Ensuite arrive pour la première fois (toujours dans une disposition unilatérale qui interprète un traité) la définition d’une succursale, mot nouveau qui n’a pas été une seule fois introduit dans la convention de messidor.

Ce n’eût été rien, si l’art. 68 de la même loi n’avait pas ajouté immédiatement que les vicaires et les desservants des succursales ne jouiraient d’aucun traitement à charge de l’Etat.

Voilà une étrange façon d’exécuter l’art. 11 du concordat, portant que le gouvernement assurera des traitements convenables aux évêques et aux curés ; on restreint la définition des cures aux chefs-lieux des justices de paix ; on déclare ensuite qu’il y aura des succursales, et, en outre, que ces succursales ne seront pas rétribuées par le trésor public, qu’elles seront à charge des communes. Il me semble que si l’on rapproche le commentaire de la convention de messidor an IX du texte même de la convention, il n’y a pas moyen de justifier une pareille interprétation.

Comment expliquer ceci ?

Qu’on se rappelle combien de préjuges, de préventions haineuses, le premier consul avait froissés, par la signature du concordat : le parti révolutionnaire, encore très actif alors, lui savait très mauvais gré d’avoir accompli cet acte, un des plus politiques peut-être de cette époque. De là, messieurs, une réaction plus ou moins vive ; et le premier consul fut ainsi amené à retirer, en partie, d’une main ce qu’il venait d’accorder de l’autre.

Mais bientôt la réaction qu’avait suscitée le concordat dans une certaine portion du peuple français, ne tarda pas à s’affaiblir ; des idées plus justes, plus bienveillantes envers le clergé, reprirent cours ; aussi voyez-vous le gouvernement français, à mesure que l’opinion publique devient plus favorable au culte, revenir peu à peu de l’interprétation restrictive et évidemment injuste qu’il avait donnée au concordat.

C’est ainsi, par exemple, que l’on voit successivement publiés : l’arrêté du 7 thermidor an XI, qui rend aux fabriques d’église leurs biens non vendus ; le décret du 11 prairial an XII, qui crée 74 mille succursales et qui accorde un traitement de 500 fr. sur le trésor public aux desservants de ces succursales ; puis le décret du 5 nivôse an XIII, qui détermine la circonscription des nouvelles succursales, et qui déclare que les titulaires de celles qui ne sont pas comprises dans cette circonscription, restent à charge des communes ; puis enfin le décret du 30 septembre 1807, qui porte les succursales à 30,000 et efface la distinction entre les succursales subsidiées par le gouvernement et les succursales subventionnées par les communes. Vous voyez quelle progression ont suivie les idées que j’ai signalées tout à l’heure. Vous voyez que successivement le gouvernement français se rapproche du véritable sens de la convention du 26 messidor an IX, en s’éloignant par une sage gradation des restrictions véritablement iniques auxquelles il avait assujetti l’interprétation de cette convention. Toutefois, messieurs, par le décret du 30 septembre 1807, on ne créa pas encore un curé ou desservant par commune ; ce qui, à mon avis, était le vœu du concordat de 1801. Le décret du 30 septembre 1807, après avoir institué de nouvelles succursales, ne s’occupa que de l’institution de chapelles et d’annexes destinées à suppléer aux besoins du culte, auxquels il n’avait pas été pourvu par la création de ces succursales ; mais on négligea de faire justice complète, et les traitements des chapelains et vicaires furent mis à la charge des communes.

Reconnaître la nécessité des chapelles, c’était cependant reconnaître la nécessité des succursales ; car, véritablement, dans l’ordre des services que rendent les chapelains et les desservants, il y a assimilation parfaite ; cela est si vrai, messieurs, que c’est très souvent un chapelain qui dessert seul une commune tout entière, c’est lui qui en est l’unique pasteur.

La chapelle a, comme la succursale, sa fabrique séparée : elle peut ester en justice et recevoir par testament et par donation ; le chapelain ressortit, non pas au desservant, mais au curé primaire, de manière que dans l’ordre des services qu’il rend, et dans la position qu’il occupe dans la hiérarchie ecclésiastique, le chapelain est entièrement assimilé au desservant. Dès lors, où est la raison d’une distinction qui n’a cessé d’exister jusqu’aujourd’hui ? le texte du décret du 30 septembre 1807 paraît contraire à cette assimilation, mais la jurisprudence administrative et judiciaire l’a positivement établie.

Il y a, sous la dénomination générale de vicaires, trois sortes de ministres du culte : les chapelains auxquels le gouvernement accorde un traitement de 400 francs ; les desservants d’annexes, qui reçoivent, je crois, un traitement de 210 francs, et enfin les vicaires qui desservent dans une église, sous la direction d’un curé ou d’un desservant, et auxquels, si je ne me trompe, le même traitement de 21 francs est alloué. Mais quelques-uns de ces fonctionnaires continuent à être rétribués par la fabrique, ou, à son défaut, par la commune. Les chapelles sont ordinairement créées par suite d’une délibération du conseil communal, qui établit les ressources destinées à constituer la dotation et qui fournit un logement. L’annexe s’établit d’après le vœu des principaux contribuables, et l’engagement qu’ils prennent de faire face au traitement des titulaires.

Les titulaires d’annexes ont aussi la dénomination de vicaires ; et, bien qu’ils soient jusqu’à certain point sous la dépendance du desservant, ils ont d’ordinaire pour ressort une ancienne commune réunie sous le rapport administratif, mais souvent isolée du chef-lieu.

Pour les chapelains donc, qui ont l’administration d’une commune toute entière, je pense qu’il y aurait injustice à ne pas leur appliquer toutes les dispositions que j’ai retracées tout à l’heure, à ne pas les mettre à peu près sur la même ligne que les desservants. Je n’entends pas dire cependant qu’on doive leur donner le même traitement, car leur circonscription est moins étendue, les communes où ils exercent moins populeuses ; mais qu’ils doivent être rétribués par le trésor public.

Je sais, messieurs, l’objection que l’on fera au système, qui a déjà prévalu dans une discussion précédente. Il faut craindre, dira-t-on, la multiplicité des créations nouvelles de vicaires ; il faut craindre d’abandonner aux évêques la faculté de grever le budget de l’Etat, sans aucune espèce de contrôle et d’obstacle. Je crois que cette crainte est véritablement chimérique. Car nous avons une double garantie contre l’abus qu’il prévoit.

Je pense que l’autorisation du gouvernement restera indispensable, même sous l’empire de la loi que vous allez voter, pour la création d’un vicariat ou chapelle quelconque, en ce sens qu’elle donnerait le droit de réclamer un traitement du trésor public. Si l’autorité spirituelle a les moyens de faire face aux traitements des vicaires ou chapelains qu’elle institue, sans recourir au trésor public, le gouvernement n’a pas qualité pour intervenir ; mais je pense que son intervention est indispensable dès qu’il s’agit de créer une fonction ecclésiastique qui donne lieu à une demande de subside sur le budget. C’est ce que le gouvernement a fait toutes les fois qu’on a érigé une succursale ou chapelle pour laquelle on a réclamé un traitement du trésor public, ou l’homologation d’une dotation votée par la commune.

La seconde garantie que nous avons contre l’abus qu’on craint, est le vote annuel des chambres. Vous les appelez chaque année à apprécier les besoins du culte ; et la rédaction que vous propose la section centrale ne méconnaît pas ce droit. La constitution, d’ailleurs, établit ce droit d’une manière positive, car elle dit : « Les chambres votent annuellement les fonds nécessaires pour faire face aux besoins du service du culte. »

Nous trouvons donc une double garantie dans le contrôle des chambres et l’intervention du gouvernement. Le gouvernement n’autorisera pas, sans nécessité, la création de vicariats à la charge du trésor, et s’il le faisait, l’investigation à laquelle vous vous livrez chaque année quand il s’agit des besoins du culte comme des autres parties du budget en ferait justice.

Voici ce qui arrive avec le système actuel. Ce sont les communes pauvres qui sont en général victimes du système que le ministre propose de maintenir.

Dans les communes riches ou populeuses, il y a un curé ou desservant rétribué par l’Etat, sauf le supplément de traitement que le conseil communal peut leur accorder ; mais cela est purement facultatif.

Au contraire, les communes pauvres, qui n’ont en général que des chapelains ou vicaires, sont placées dans la position la plus défavorable, à ce point que beaucoup sont obligées de créer des cotisations personnelles pour s’assurer les moyens d’avoir un vicaire.

Qu’arrive-t-il dans les communes où le traitement du vicaire n’est pas à la charge de l’Etat ? C’est ce que pour la plupart des dépenses d’amélioration administratives, pour les dépenses indispensables, l’Etat et la province sont accablés de demandes de subsides. S’agit-il de réparer l’église, le presbytère ou l’école, les fonds de la commune étant absorbés par le traitement du vicaire qui souvent est la principale dépense, il y a impossibilité de réparer si l’Etat et la province n’accordent pas de subsides. Si vous rendez à ces communes pauvres une grande partie de leurs ressources en mettant le traitement des vicaires à la charge de l’Etat, elles vous demanderont moins de subsides, et vous serez plus en droit de leur faire faire seules les dépenses que peut réclamer l’entretien des édifices communaux ; vous ne pouvez l’exiger aujourd’hui que pour faire face aux dépenses obligatoires et indispensables, elles sont obligées de créer des cotisations personnelles.

Quant aux motifs de convenance, qu’on a fait valoir dans une discussion antérieure, pour mettre les traitements de ces vicaires à la charge de l’Etat, il me paraît qu’on n’y a jamais répondu.

Il y a quelque chose d’odieux, aux yeux des habitants d’une commune pauvre, à devoir s’imposer spécialement pour le traitement du ministre du culte. Il est impossible que les rapports qui doivent exister entre la population du village et le pasteur n’en soient pas altérés de manière à porter atteinte à la considération et à l’influence de celui-ci.

Je sais que le ministre de l’intérieur croit avoir répondu à cette objection en changeant le mode de procurer au vicaire ou chapelain les fonds nécessaires à son traitement. Mais ce n’est là qu’un vain palliatif. Qu’importe aux habitants d’une commune que les fonds passent par la main du trésorier de fabrique ou du receveur communal, pour arriver dans celles du vicaire ? Quant au vicaire ou chapelain, cela peut diminuer quelque peu le désagrément de sa position ; mais cela empêche-t-il l’habitant de savoir que s’il paie une cotisation personnelle, cela vient de la dépense portée au budget de la commune pour faire face au traitement de son curé ? Les communes ne s’y méprennent pas.

Aujourd’hui quand une commune est obligée de faire face à une dépense obligatoire, par exemple, pour entretenir un aliéné ou un mendiant dans un dépôt de mendicité, croyez-vous que si on est obligé de créer une cotisation personnelle, on ne s’enquiert pas des motifs ? qu’on ne considère que l’insuffisance des ressources ? Détrompez-vous : la commune ne prend pas le change ; elle sait au juste pourquoi elle est obligée de payer une cotisation annuelle. Elle le saura, que le paiement se fasse par le trésorier de la fabrique on par le receveur communal.

La commune saura que s’il y a lacune dans ses ressources, c’est uniquement au traitement du vicaire qu’elle est obligée de payer qu’il faut l’attribuer. Voilà ce qui peut singulièrement altérer les bons rapports qui doivent exister entre le pasteur et les habitants d’une commune rurale.

Qu’arrivera-t-il dans telle commune ou l’administration se trouvera bien disposée en faveur du chapelain ? On lui votera un traitement de 500 francs, le maximum. Et si par la suite il y a un revirement d’opinion, s’il survient quelque dissentiment entre le pasteur et le chef de l’administration communale, on proposera de réduire le traitement du vicaire à 400 fr., ou même au minimum 300 francs, on ne manquera pas de raisons pour motiver ces réductions ; il faudra que le vicaire réponde, que l’autorité supérieure intervienne, etc.

Il ne convient pas d’exposer le vicaire d’une commune à de semblables tracasseries, suite naturelle des fluctuations possibles dans le personnel administratif de la commune.

Il n’y a pas de fonctionnaire si infime qu’il soit qui voulût accepter une semblable position, qui voulût voir ainsi marchander son traitement, remettre en question sa position.

C’est pourtant là le sort auquel est exposé le plus grand nombre des titulaires de vicariat ou de chapelle, d’après le système qu’on veut faire prévaloir.

On dit qu’ils sont exposés aux mêmes vicissitudes, si leur traitement est mis à la charge de l’Etat ; qu’il sera également remis en question chaque année, le crédit étant soumis au vote législatif. Je ferai observer que les chambres sont placées au-dessus des passions qui s’agitent dans de petites localités. Ne pensez pas que dans une commune on propose la réduction du traitement d’un vicaire, par mesure de réforme administrative ; non, ce sera par suite d’une collision entre tel ou tel membre influent du conseil et le vicaire de la commune. Voilà ce qui arrivera le plus souvent. De telles passions n’ont pas accès chez vous, vous ne procédez que sous l’empire de vues et plus générales, et dès lors plus impartiales : les petites passions qui peuvent être soulevées dans des localités restreintes, ne peuvent se manifester dans cette enceinte.

Je sais que les ministres, dans une sollicitude bien naturelle pour le budget de l’Etat, se récrient sur l’augmentation qu’il subirait si on y portait le traitement des vicaires. Je crois qu’on a un peu exagéré en portant le surplus de dépense à 800 mille francs. Je ne sais si dans ce chiffre on a tenu compte des traitements et suppléments qui sont payés actuellement par l’Etat. Les traitements des chapelains ne doivent être majorés que d’un cinquième.

Je ne sais pas non plus si on a songé à la diminution qui sera apportée au chiffre assez considérable des subsides que le gouvernement accorde maintenant aux communes, pour réparation de presbytères et d’églises.

Or, si vous laissez aux petites communes la meilleure partie de leurs ressources en prenant à votre charge les traitements qu’elles devaient s’imposer, évidemment vous pourrez introduire une réduction dans les subsides que le gouvernement accorde chaque année pour réparations des presbytères et des églises, subsides qui s’élèvent, comme je l’ai dit, à un chiffre assez considérable.

Ce n’est pas d’ailleurs une simple question de finances pour beaucoup d’entre vous, c’est une question de constitutionnalité. Pour d’autres, c’est une question d’équité, une question de convenance politique et administrative, une question de bonne foi.

Il en résultera en outre que la position financière de beaucoup de communes en recevra une notable amélioration. On pourra faire un bon usage des ressources qui seront disponibles du moment où l’on cessera de laisser à leur charge des dépenses qui, selon mot d’après les dispositions antérieures doivent être à charge de l’Etat.

D’après ces considérations, et en attendant les lumières d’une discussion ultérieure, je suis disposé à voter contre le projet de loi présenté par M. le ministre de l'intérieur.

M. Fallon. - Si le gouvernement avait eu quelque chose de nouveau à nous dire sur l’application de l’article 117 de la constitution au traitement des vicaires, je ne trouverais pas étrange qu’il soit venu nous demander la révision de notre premier jugement.

A défaut de renseignements suffisants ou d’une discussion assez approfondie sur une mesure proposée par le gouvernement, la chambre, en la rejetant, pourrait avoir procédé trop précipitamment, pourrait avoir mal jugé.

En semblable circonstance, j’applaudirais à l’insistance du ministère.

Mais lorsqu’il ne s’est agi que d’une question de principe, lorsque cette question n’a été résolue qu’après un long délibéré, qu’après une discussion à laquelle ont pris part la plupart des membres de cette chambre, je ne comprends pas qu’au dépourvu de nouvelles considérations, et ne revenant à la charge qu’avec des arguments déjà victorieusement réfutés, on puisse se flatter d obtenir que la chambre se réforme.

La question des vicaires n’était pas une de ces questions incidentes qui passent inaperçues.

Lorsqu’en 1834 une pétition vint soulever la difficulté, la question avait déjà eu du retentissement dans plus d’une localité.

La chambre jugea que l’objet de cette pétition méritait un sérieux examen ; cette pétition fut renvoyée à l’avis de la section centrale qui s’occupait alors du budget de l’intérieur.

Cette section, dont la majorité se composait de membres qui avaient siégé au congrès, fut unanimement d’avis que, dans l’esprit comme dans les termes de l’article 117 de la constitution, les traitements et suppléments de traitements des vicaires, étaient une charge générale à laquelle il devait être pourvu par le budget de l’Etat.

Ce n’est qu’un an après, en février 1835, que la question se reproduisit à l’occasion d’un amendement à la loi d’organisation communale.

La chambre avait eu une année tout entière pour délibérer sur le sujet de cet amendement ; il fut vivement discuté et rejeté à une grande majorité.

Nous voici maintenant en 1836. La question n’a pas changé de face ; les principes sont restés les mêmes, et ce sont les mêmes juges qui sont appelés à prononcer de nouveau.

En présence de ces antécédents, les convictions resteront sans doute aussi les mêmes, alors surtout que le ministère ne nous apporte aucun nouveau moyen de solution.

Quoi qu’il en soit, puisqu’on nous oblige à recommencer le procès à nouveaux frais, il faut bien tout au moins en résumer et en discuter les principaux actes.

Le jugement de la chambre a porté tout à la fois sur une question constitutionnelle et sur une question de convenance.

Je ne parle pas de la question d’argent que l’on veut faire intervenir aux débats, parce que, pas plus aujourd’hui qu’alors, ce moyen n’est et ne peut être d’aucune considération.

Celui qui a la conscience que la disposition constitutionnelle n’est pas douteuse, ne fera pas violence à son opinion parce qu’il s’agirait de grever le budget d’un chiffre plus ou moins élevé ; ce serait là, à raison de la matière, un calcul financier peu digne de la représentation nationale.

Sur la question constitutionnelle, l’honorable rapporteur de la section centrale a parfaitement exposé les motifs qui ont déterminé l’opinion de la majorité. Les considérations sur lesquelles il les a appuyés sont décisives.

A l’argument tiré de la généralité des termes de l’art. 117, on a opposé que ceux-là mêmes qui attribuent à la disposition un sens aussi absolu, sont forcés de lui assigner des limites, puisque, sans cela, ce ne sont pas seulement les curés, les desservants et les vicaires qui devraient être salariés par l’Etat, mais tout prêtre généralement quelconque, puisque tout prêtre est ministre du culte.

Cette objection serait fondée s’il était dit d’une manière générale et indéterminée, dans l’art. 117, que les ministres du culte sont salariés par l’Etat ; mais tel n’est pas le langage de la disposition dont nous argumentons. Il ne s’y agit pas de tous les ministres des cultes sans distinction, mais bien tout spécialement des ministres des cultes qui avaient droit et qui recevaient des traitements et pensions.

L’art 117 de la constitution veut, non pas que tous les ministres du culte en général soient rétribués par l’Etat, mais seulement que les ministre de culte à traitements soient à sa charge sans aucune distinction.

Or, en ce qui concerne notamment le culte catholique, quels étaient les ministres du culte qui étaient à traitements ?

Ce n’étaient pas tous les prêtres du culte catholique en général, mais seulement ceux qui se trouvaient activement chargés de pourvoir aux besoins religieux d’une paroisse ; ceux qui exerceraient une véritable fonction paroissiale ; c’étaient donc, suivant les besoins des diverses localités, et, outre le haut clergé, les curés, les desservants et les vicaires.

Ce sont bien là les ministres du culte catholique qui recevaient des traitements et qui les recevaient tous au même titre, le besoin du service religieux.

En effet, lorsque, dans une paroisse populeuse, le curé ou le desservant ne pouvait suffire, un vicaire lui était adjoint ; ce vicaire partageait avec lui le service de la paroisse ; il avait donc le même droit à un traitement puisqu’il n’était pas moins indispensable à ce service que tel autre desservant d’une paroisse moins populeuse ou moins étendue, qui pouvait faire le service sans avoir besoin d’un adjoint.

Qu’importe la circonstance que les uns étaient payés par l’Etat, les autres par les fabriques ou les communes.

Si cette circonstance ne changeait rien à la nature de leurs services, ils n’en étaient pas moins ministres du culte à traitements, dans l’acception légale ; ils n’étaient pas moins chargés chacun du service d’une paroisse.

Qu’importe également cette autre circonstance que les vicaires exerçaient leur ministère sous la direction et la surveillance des curés.

Si cette circonstance pouvait être prise en considération pour excepter de la disposition constitutionnelle les vicaires, il faudrait aussi, pour être conséquent, en excepter les desservants.

Ouvrez la loi du 18 germinal an X, et vous lirez, à l’art. 31, que les desservants étaient rangés sur la même ligne que les vicaires, et que les desservants aussi n’exerçaient leur ministère que sous la direction et la surveillance des curés.

Or, alors que, sans admettre aucune de ces distinctions, qui n’étaient d’ailleurs que purement arbitraires sous la législation du concordat, la constitution est venue nous dire, en termes généraux, que les traitements des ministres du culte sont à la charge de l’Etat, prétendre qu’il y a doute si les vicaires se trouvent compris dans ce langage, pour s’autoriser à recourir à la voie d’interprétation, c’est un abus, c’est un antécédent dangereux.

Il n’est pas d’article de la constitution, quelque clair qu’il soit, qu’on ne puisse parvenir à altérer, si, dans un cas semblable, le doute légal peut être permis.

Voyons toutefois, si même en nous plaçant sur le terrain de l’interprétation, on pourrait raisonnablement faire fléchir le texte.

Vous dites que, par le concordat, le gouvernement français n’avait pris d’engagement qu’à l’égard des évêques et des curés ; que ce n’est qu’après coup qu’il voulut bien y associer les desservants, mais que, quant aux vicaires, il ne voulut pas s’en charger, et qu’en conséquence il les abandonne à la discrétion des fabriques, des communes ou des cotisations volontaires des paroissiens.

Vous ajoutez que cet état de choses fut maintenu par le roi Guillaume et continué, même pendant trois ans, par le gouvernement belge.

Vous en concluez que c’est en vue de maintenir cet état de choses que le congrès a voté l’art. 117, et qu’en conséquence c’est dans cet esprit qu’il faut entendre la disposition.

C’est bien dans ce raisonnement que se résume votre système. C’est bien dans cette argumentation que se concentrent les différents moyens sur lesquels il est appuyé.

Pour en apprécier la justesse, il faut l’examiner dans toutes ses parties, et soumise à cette épreuve, il est facile de s’apercevoir qu’elle n’a rien de concluant.

Vous parlez du concordat, et déjà vous divisez la disposition de l’art 117 ; car ce n’est pas seulement du culte catholique, mais de tous les cultes existants en Belgique qu’il est question en cet article.

Toutefois, puisqu’il s’agit plus spécialement des vicaires j’admets pour le moment cette division, et je ne m’occuperai d’abord que du culte catholique.

Pour juger sainement de l’état des choses et des esprits à l’époque où le congrès a été appelé à statuer sur les traitements, en ce qui pouvait concerner le culte catholique, je ne crois pas que ce soit au concordat qu’il faut prendre le point de départ ; je pense qu’il faut rétrograder d’une quinzaine d’années.

Voyons cependant, puisqu’on argumente du concordat et de la législation, si le concordat était bien de nature à faire impression sur le congrès dans la réforme qu’il voulait introduire dans les institutions du clergé.

Avant d’en venir à l’art 117, avant de s’occuper du traitement des ministres du culte, le congrès s’était déjà trouvé à plusieurs reprises, dans la discussion de la constitution, en présence du concordat.

La convention du 26 messidor an IX attribuait au chef de l’Etat la nomination des évêques et des curés, elle exigeait d’eux un serment tout politique ; aucun prêtre ne pouvait être ordonné sans l’autorisation du gouvernement.

Vous connaissez l’impression que ces dispositions capitales ont faite sur le congrès.

Le droit d’intervenir, soit dans la nomination, soit dans l’installation des ministres du culte, fut refusé à l’Etat.

Les articles organiques défendaient la publication d’aucune bulle sans l’autorisation du gouvernement.

Le congrès a donné main levée de cette défense.

L’enseignement dans les séminaires était placé sous le contrôle du gouvernement.

Cet enseignement a été complètement émancipé par le congrès.

L’exercice du culte était astreint à des mesures de police. Le congrès en a proclamé la plus entière liberté.

Je m’abstiens des autres modifications fondamentales que le congrès a apportées au concordat.

Dans ce renversement complet de la convention du 26 messidor an IX, le congrès, arrivé à l’art. 117, s’est-il arrêté ? a-t-il voulu conserver là une fraction de l’édifice ? a-t-il voulu maintenir l’état de choses quand au traitement des ministres du culte ?

C’est bien là le sujet de l’interprétation à laquelle on veut se livrer.

Mais d’abord qui doit être charge de la preuve ?

Ce n’est pas nous, car nous avons de notre côté le texte de la constitution. La disposition est générale ; donc les traitements des vicaires y sont compris, si on ne prouve une intention contraire de la part du congrès ; nous n’avons donc rien à prouver,

C’est à ceux qui combattent le texte à prouver que le congrès a voulu autre chose que ce qu’il a si clairement exprimé.

Vous prenez donc une position qui ne vous appartient pas, lorsque vous posez en fait ce qui est en question ; lorsque vous posez la question comme si c’était à nous, à prouver que le congrès a voulu effectivement moduler la législation du concordat en ce qui concernait les traitements.

La modification est dans les termes de la disposition, cela suffit à notre système. Si vous prétendez que ce n’est pas là l’esprit du congrès, c’est à vous à le démontrer.

Si nous avions, nous, à justifier la lettre dans toute la généralité de ses termes, notre tâche serait facile à remplir.

Nous vous dirions qu’alors que le congrès repoussait le concordat dans les dispositions capitales, on ne peut pas croire qu’il voulût le conserver dans la partie non moins essentielle des traitements.

Nous vous dirions que ce n’est pas du concordat qu’il faut prendre le point de départ, mais qu’il faut rétrograder jusqu’au décret du 2 novembre 1789 ;

Qu’il n’est pas possible que ce décret qui avait proclamé solennellement que les biens du clergé n’avaient été attribués à la nation qu’à la charge de pourvoir d’une manière convenable aux frais du culte et à l’entretien de ses ministres, ait pu échapper au congrès ;

Qu’il n’est pas possible que le congrès ne se fût pas aperçu que ce principe de justice nationale avait été méconnu dans la législation du concordat, qui n’avait chargé l’Etat que du traitement des évêques et des cures, dont un seulement par justice de paix ;

Qu’il n’est pas possible qu’il ne lui soit pas venu dans la pensée que le ministère des desservants et des vicaires n’étant pas moins indispensable au service du culte, leurs traitements devaient également être supportés par l’Etat ; que si l’infraction au principe du décret de 1789 avait ensuite été rectifié, quant aux desservants, le motif était le même pour opérer le même redressement quant aux vicaires ; et qu’enfin, en laissant plus longtemps les traitements des vicaires à la charge des communes, l’injustice était d’autant plus flagrante que ce n’étaient pas les communes qui avaient profité des biens du clergé, destinés à pourvoir à ces traitements, mais l’Etat.

Vous avez contesté l’existence de cette injustice en vous appuyant sur cette considération que c’est à la charge des fabriques que les traitements des vicaires ont été portés, et que ce n’est que tout à fait subsidiairement que les communes étaient appelées à y pourvoir.

Mais cet argument n’est qu’une subtilité incapable de faire illusion.

Une charge n’en est pas moins une charge parce qu’elle ne serait que subsidiaire.

Si les fabriques étaient en général assez riches pour que ce ne soit que dans des cas rares que les communes eussent été obligées d’y suppléer, ce ne serait effectivement là qu’une charge subsidiaire ; mais à l’époque du congrès, comme à présent, on sait qu en fait la charge est bien une charge principale.

Ces diverses considérations, sur lesquelles on ne peut contester que le congrès a dû nécessairement porter son attention, puisqu’il s’occupait précisément à démolir le concordat, cette considération était bien de nature à le déterminer à repousser le concordat sur ce point comme sur tout autre.

Si donc c’était à nous, qui avons le texte en notre faveur à prouver que l’intention du congrès a dû se trouver en harmonie avec la généralité des expressions dont il s’est servi ; ou que tout au moins les motifs les plus puissants existaient pour comprendre dans ladite position les traitements de tous les ministres nécessaires à l’administration du culte, nous satisferions complètement à toutes les exigences.

Voyons toutefois si, dans vos mains, le secours de l’interprétation peut amener une solution aussi concluante ; voyons comment vous essayez de justifier que ce n’est pas là ce que le congrès a voulu ; qu’il a voulu que les choses restassent dans un état stationnaire, qu’il n’a voulu donner aux ministres des cultes qu’une garantie de fixité.

Vous invoquez ce qui s’est dit au congrès dans la discussion de l’art. 117. Mais déjà l’honorable rapporteur de la section centrale a fait remarquer que, si l’un ou plusieurs membres de cette assemblée ont manifesté une opinion conforme à votre système, il y a compensation, puisque d’autres orateurs ont manifesté une opinion contraire.

Vous ne pouvez donc vous prévaloir de ce qui s’est dit au congrès ; vous le pouvez d’autant moins que rien ne garantirait que la majorité est déterminée plutôt par l’une que par l’autre de ces opinions. En conséquence, dans le doute, c’est encore au texte qu’il faudrait s’en tenir.

A la dissertation très lumineuse du rapporteur de la section centrale sur ce point, je n’ajouterai que ce qui m’a le plus frappé dans l’historique de cette discussion.

Il est un membre de cette assemblée qui, pour moi, fait ici autorité, et qui me semble devoir imposer silence à la controverse par la conséquence décisive de son témoignage.

C’est lui qui est l’auteur de l’amendement sur lequel l’art. 117 a été formulé ; c’est donc bien lui qui est le plus compétent pour nous dire dans quel sens il le concevait.

C’était, nous a-t-il dit, c’était précisément parce que le projet de la section centrale du congrès avait pour objet le maintien et la fixité de la législation existante, et que le statu quo allait résulter naturellement de son adoption, que ces amendements furent proposés.

L’argument est ici sans réplique. Si le projet de la section centrale avait effectivement pour objet le statu quo, si ce projet fut combattu par des amendements, si l’un de ces amendements a été adopté, il faut bien en conclure qu’on a voulu autre chose que ce que voulait la section centrale, qu’on a voulu autre chose que le statu quo.

A coup sûr l’honorable M. Thienpont voulait autre chose, et son amendement expliquait même surabondamment ce qu’il voulait.

Il voulait que les traitements des ministres du culte, sans distinction de curé, de desservant ou de vicaires, fussent à la charge de l’Etat, et, pour que l’on comprît bien son intention, il se servit même du mot « exclusivement ».

Ce mot « exclusivement » est ensuite disparu ; mais voyez comment et pourquoi il est disparu, sans que M. Thienpont lui-même s’y opposât.

Il faut remarquer que M. Thienpont n’avait présenté son amendement que comme paragraphe additionnel à la rédaction même proposée par la section centrale, rédaction déjà un peu prolixe.

Pendant la discussion, M. Destouvelles réduisit, en une seule disposition plus laconique, la proposition de la section centrale avec l’addition proposée par M. Thienpont, rédaction nouvelle qui fut agréée et forma l’art.117.

Le mot « exclusivement » n’y était plus, cela est vrai, mais il se trouvait suffisamment remplacé par la généralité des expressions que proposa M. Destouvelles, et M. Thienpont se rallia à cette rédaction.

Or lorsque c’est l’auteur même de l’amendement qui nous dit qu’il ne s’est pas opposé au retranchement du mot « exclusivement, » parce qu’il a regardé ce mot comme devenant surabondant dans la nouvelle rédaction proposée, vous ne pouvez pas argumenter de ce retranchement pour contester la portée de la disposition.

Que certains membres du congrès aient pensé que ce retranchement restreignait la généralité des termes, et rétablissait le statu quo, cela paraît certain ; mais on ne peut pas en conclure que ce fut là l’opinion de la majorité.

Nous avons la certitude que telle ne fut pas l’opinion de M. Thienpont, qu’elle ne fut pas l’opinion de M. l’abbé de Foere, que telle ne fut pas non plus celle de ses collègues du congrès, qui, dans le rapport de la section centrale de 1834 sur la pétition relative aux vicaires, nous attestent comme lui que les traitements et suppléments de traitements des vicaires étaient compris dans l’esprit comme dans les termes de l’art. 117. Cette section était alors composée de MM. Coppieters, Desmet, Pollénus, Gendebien, de Puydt, Dugniolle et Dubus.

Or, dans ce conflit d’opinion, quelle a été celle de la majorité ?

Vous voulez que ce soit celle qui rentre dans votre système, mais la conséquence est évidemment inadmissible ; car dès lors que nous avons la preuve que plusieurs membres de la majorité ont partagé le système contraire, rien ne vous autorise à supposer que ceux-ci eussent été en minorité dans la majorité.

Il faut donc encore, dans cet état de choses, s’en tenir au texte, et ne pas sortir de la propre signification des termes, quelque générale qu’elle soit.

Abordant cette signification, vous nous dites que c’est la langue française que l’on a parlée, et vous nous renvoyez à la charte française, où, suivant vous, les mêmes termes sont entendus autrement que nous voulons les faire comprendre.

Mais cette argumentation est encore en défaut, et quant au fait, et quant à la conséquence.

Sauf la tournure de la phrase, les termes, dites-vous, sont parfaitement synonymes.

C’est déjà peu logique, dans la recherche du sens à attribuer à une disposition de loi, que de ne pas vouloir tenir compte de l’ordre dans lequel la pensée a été exprimée ; mais ce qui est plus étrange, c’est de trouver une synonymie, et une synonymie parfaite, dans le langage de la charte française et le langage de l’art. 117.

« Les ministres de la religion catholique… et ceux des autres cultes chrétiens reçoivent des traitements du trésor public. »

Voilà le langage de la charte française.

On y remarque, d’abord, que la disposition ne s’applique qu’au culte catholique et aux autres cultes chrétiens, de manière que tous les autres cultes sont exclus de la disposition ;

Que l’on donne à la phrase quelle tournure on voudra, cette restriction, cette exclusion des autres cultes est dans la charte française, et elle n’est pas dans la disposition de l’art. 117 ; ainsi, de ce premier chef la synonymie n’existe pas.

On y remarque, en second lieu, que ce ne sont pas « leurs » traitements que les ministres catholiques doivent recevoir du trésor public, mais « des » traitements, expression qui permettait à la législature française de n’imposer au trésor qu’une partie des traitements et de rejeter le surplus sur les communes.

Cet expédient n’est pas donné à la législature belge dans la rédaction de l’art. 117 ; ce sont non pas « des traitements, » mais « les traitements » entiers qui sont imposés à l’Etat.

Ainsi, de ce second chef, pas de synonymie encore.

Une troisième remarque, et celle-ci est plus concluante encore.

La charte française se borne à déclarer que les ministres du culte catholique reçoivent des traitements du trésor public, sans indication de la manière dont il y sera pourvu, tandis qu’ici la signification de la disposition principale est renforcée par une disposition accessoire qui ne se trouve pas dans la charte française.

Les sommes nécessaires pour faire face à ces traitements seront annuellement parties au budget.

Il n’y a donc aucune synonymie entre la charte française et notre constitution, quelle que soit la tournure que l’on veuille donner à l’arrangement des mots.

Il y a plus, c’est qu’il n’existe aucune analogie entre les idées que l’on était appelé à exprimer de part et d’autre ; il n’y avait pas surtout d’analogie dans l’esprit qui devait dicter l’une et l’autre disposition.

En France, ou ne voulait se lier qu’envers les ministres de certains cultes, et ici on a voulu se lier envers les ministres de tous les cultes indistinctement.

En France, on ne voulait se lier qu’envers les ministres du culte catholique et des autres cultes chrétiens, parce que ce n’était qu’envers ces cultes que l’Etat se trouvait engagé par le concordat et les articles organiques.

En France, on ne voulait ni toucher ni déroger au concordat sur aucun point ; et l’on sait que, suivant la législation du concordat, il n’y avait que certains traitements qui étaient à la charge de l’Etat ; on y tint en conséquence un langage conforme à l’état de choses que l’on voulait maintenir.

Ici, tout au contraire, on était précisément occupé à renverser, pour ainsi dire complètement, le concordat et sa législation, et on ne laissa debout que quelques parties sans cohérence.

Ce n’est donc pas, comme en France, sous l’influence de la législation du concordat, que l’on est appelé à résoudre la question des traitements.

Les positions étant différentes, les expressions ne peuvent avoir été dirigées par le même esprit.

Il y a présomption là que l’on a voulu maintenir l’état de choses existant, puisqu’on ne voulait toucher et qu’en fait on ne touchait pas à la législation du concordat sur aucun point.

Ici il y a présomption qu’on n’a pas voulu s’arrêter à la législation existante quant aux traitements des ministres du culte catholique, puisqu’on ne voulait pas maintenir et qu’en fait on ne maintenait pas le concordat dans ses autres dispositions non moins importantes ; puisqu’enfin on ne voulait pas conserver l’état de choses établi par le concordat.

Nous avons de plus ici cette circonstance : qu’en fait on n’a pas voulu de la charte française.

M. Forgeur en avait rapporté les termes textuels dans l’amendement qu’il proposa. Cet amendement a été rejeté pour adopter la rédaction de l’art. 117 ; d’où il faut encore conclure qu’on a voulu exprimer autre chose que ce que voulait la charte française.

La synonymie n’existe donc pas, et d’ailleurs la conséquence que l’on voudrait en tirer serait d’autant plus illégitime qu’il faudrait attribuer la même signification à des termes employés dans un esprit tout différent, et sous l’influence d’une préoccupation diamétralement opposée.

J’aborde une autre objection.

L’exécution de la loi, dit-on, est ordinairement l’interprète la plus fidèle, de l’intention qui a dicté la disposition.

Or, jusque vers la fin de 1833, aucune commune ne s’était avisée de soutenir que l’état précédent des choses avait subi quelque modification ; les vicaires ont continué à être payés comme précédemment, et deux budgets ont été votés sans qu’aucune ne voix se soit élevée, ni à la chambre, ni au sénat, tandis que les deux chambres comptaient beaucoup de membres qui avaient figuré au congrès.

Donc, dit-on, l’exécution de l’art. 117 prouve qu’en effet l’on n’avait pas voulu innover à l’état existant des choses.

Je reconnais que l’exécution donnée à la loi est un moyen d’interprétation.

Mais cependant, quelque puissant que soit en général ce moyen, il n’est concluant qu’alors que l’on ne peut assigner une autre cause à la divergence existante entre l’exécution et le texte de la disposition, qu’alors que l’on ne peut pas rendre compte de cette divergence.

Si la constitution avait pu être mise en action dans toutes ses parties immédiatement, ou peu de temps après sa publication, je concevrais qu’on aurait fort mauvaise grâce de venir deux ans après mettre en doute si c’est bien dans son esprit que telle ou telle disposition a reçu son exécution.

Mais, dans, les deux premières années de notre existence politique, nous avions bien autre chose à faire qu’à nous occuper des traitements des vicaires ; des matières bien autrement importantes ont dû rester en souffrance.

L’opportunité d’une discussion sur les traitements des vicaires ne devait trouver sa place qu’alors que l’on s’occuperait de l’organisation communale.

C’est ce que fit observer, avec vérité, la section centrale dans son rapport de 13 février 1834 sur le budget de l’intérieur, tout en émettant cependant l’avis que, pour se conformer à la constitution, les traitements des vicaires devaient être mis à la charge de l’Etat.

Avant les requêtes qui arrivèrent à la chambre, on laissa marcher les choses, parce qu’il n’y avait pas de plaintes, et qu’en attendant l’organisation communale, rien ne pressait pour charger le trésor.

Après les requêtes, ceux même qui étaient convaincus que c’était inconstitutionnellement qu’on laissait peser la charge sur les communes, demandèrent de surseoir jusqu’à l’organisation communale.

Si donc on ne s’occupa pas des vicaires avant les requêtes de 1834, et si on différa ensuite de s’en occuper avant la discussion de la loi communale, le motif est notoire. C’est qu’on avait à s’occuper de choses beaucoup plus urgentes ; c’est que sur ce point comme sur beaucoup d’autres, on laissa provisoirement continuer l’état de choses existant jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu ; c’est que le moment d’organiser la commune et de déterminer constitutionnellement ses droits et ses obligations n’était pas encore arrivé.

Nous avons d’ailleurs surabondamment le témoignage de plusieurs membres de cette chambre qui ont attesté que s’ils avaient souffert l’exécution du précédent état de choses, ce n’était pas à cause qu’ils avaient le moindre doute sur le sens de l’art. 117, mais, à raison que le moment de mettre à exécution le principe constitutionnel n’avait pas encore trouvé sa place.

Un autre moyen d’interprétation, ou plutôt de restreindre la disposition, c’est de démontrer qu’en se tenant à la généralité des termes sans aucune exception, on se trouverait entraîné à l’absurde ; et, en conséquence, voici l’argument qu’on nous oppose.

Il faut bien, dit-on, assigner des limites à la lettre, car sans cela il n’y aurait pas de raison pour s’arrêter aux vicaires. Dans la généralité des termes, la disposition pourrait comprendre tous les ministres quelconques du culte, et, entre autres, les prêtres habitués dans les églises des grandes villes, puisque ce sont là des ministres du culte et que la lettre de la constitution ne distingue pas.

Mais une conséquence aussi absurde ne pourrait jamais se déduire des termes de l’art. 117, quelque généraux qu’ils soient. La raison en est fort simple ; c’est que, dans cet article, il ne s’agit que de traitements ; c’est que des traitements ne sont dus que pour des services qualifiés par la loi, et qu’en conséquence il ne peut avoir évidemment été question dans l’art. 117 que des ministres du culte à traitements, c’est-à-dire des ministres exerçant une fonction reconnue par la loi, un service actif dans la paroisse.

Tel n’est pas, a-t-on dit, un vicaire dans la hiérarchie ecclésiastique.

Ici je me trouve placé sur un terrain où l’avantage de la discussion n’est pas de mon côté, car des questions hiérarchiques cléricales ne sont guère de mon ressort.

Cependant, le moyen que je combats est tellement faible qu’il me semble permis d’entreprendre de le réfuter.

C’est le curé, dites-vous, qui est seul le titulaire. Le vicaire n’est pas envoyé dais la paroisse pour y remplir une charge qui lui soit personnellement déférée, pour y desservir une place, puisque c’est le curé qui occupe la place ; il n’y est envoyé que pour aider le curé ou le desservant titulaire.

C’est probablement parce que je ne conçois pas l’importance de cette distinction entre celui qui occupe la place et celui qui en remplit ou en partage la fonction avec le titulaire, que je ne vois là qu’une futile argutie.

Il importe peu à la question des traitements, me semble-t-il, il importe peu à la question d’application du traitement, que ce soit le curé qui soit en possession de la place, si le vicaire qu’on lui adjoint est aussi à sa place ; c’est-à-dire, si le curé ne pouvant seul remplir toutes les fonctions de la place, un second vient partager avec lui, si pas la place, tout au moins les fonctions de la place, ce qui est un peu plus essentiel.

L’exemple que l’honorable rapporteur de la section centrale a puisé dans la hiérarchie judiciaire me paraît ici parfaitement applicable.

J’assimile un arrondissement judiciaire à une paroisse, et je me dis : Il n’y a qu’une place de procureur du Roi dans un arrondissement judiciaire.

Si le titulaire de cette place peut suffire au service de la justice dans cette grande paroisse judiciaire, on ne le fait aider par personne. Mais s’il ne peut suffire à lui seul, on lui envoie un vicaire que, dans l’ordre judiciaire, nous appelons un substitut.

Or, quoique le substitut ne soit pas envoyé pour desservir la place qui est occupée par le titulaire, nous avons toujours considéré qu’il n’était pas moins indispensable au service judiciaire que le titulaire ; que ce n’était pas moins une partie des fonctions du titulaire qu’il exerçait, et qu’en conséquence il devait être à traitement tout comme le titulaire, sauf la différence du chiffre, en raison de la différence du degré sur l’échelle de la hiérarchie.

Au surplus, si, sur la matière de la hiérarchie ecclésiastique, il faut s’en rapporter à la loi du 18 germinal an X, le desservant ne se trouverait pas dans une meilleure condition que le vicaire, et il faudrait appliquer à l’un l’exclusion que l’on veut appliquer à l’autre.

En effet, les desservants et les vicaires sont là nominativement rangés sur la même ligne, et l’art 31 a cela de remarquable, qu’il les place tous deux sous la surveillance et la direction de curés.

Il ne peut donc résulter de conséquence absurde de la généralité des expressions de l’art. 117. Les ministres du culte dont il s’agit sont bien exclusivement ceux qui étaient reconnues légalement indispensables au service des paroisses suivant les besoins des localités, et tels étaient les vicaires.

En s’arrêtant même aux vicaires, la charge, dit-on, ne sera pas moins onéreuse pour le trésor ; et, pour nous en convaincre, on nous donne des chiffres.

Mais on ne veut pas sans doute subordonner une question constitutionnelle à une question d’argent.

La question d’argent ne peut se mêler aux débats que sur le second point de la discussion actuelle, dans la discussion de la question subsidiaire, la question de convenance.

Sur la question constitutionnelle, son intervention aux débats serait une espèce d’outrage fait à la conscience des membres de cette assemblée qui ont la conviction que les vicaires sont compris dans la disposition de l’art. 117, et qui par conséquent ne sont pas libres de charger ou de ne pas charger le trésor.

Sur la question subsidiaire de convenance, j’aurais moins à abuser de l’attention de la chambre.

Dans la supposition où nous serions libres de prendre, à l’égard du traitement des vicaires, les dispositions administratives que nous jugerions les plus utiles aux intérêts généraux, la question consiste à savoir s’il conviendrait d’en faire une charge obligatoire directe ou indirecte pour les communes.

Dans l’examen de cette question, il est quelques considérations générales qui doivent servir de point de départ.

L’esprit qui a dominé notre constitution a été la séparation complète entre l’église et l’Etat : c’est la une innovation par trop importante à la législation alors existante pour que nous pussions penser sérieusement qu’il puisse être convenable d’appliquer tout justement au nouvel état de choses la procédure du décret de 1809, qui a été élaborée pour un régime diamétralement opposé.

La condition essentielle de ce nouvel état de choses a été de placer le ministre du culte, quant à ses moyens d’existence comme ministre du culte, hors de l’espèce de dépendance dans lequel il se trouvait sous le décret de 1809.

Pour arriver franchement à ce but, il faut aller au-devant de toute collision ; il faut éviter tout point de contact ; il faut faire cesser tout sujet de discorde entre les ministres du culte et les administrations avec lesquelles ils se trouvent dans des relations de tous les jours.

L’expérience prouve que, dans nombre de localités, la mésintelligence et les désordres qui en ont été la suite, n’ont ordinairement eu pour objet que des questions d’argent.

Si vous voulez que le curé, le desservant ou le vicaire vivent en bonne harmonie avec les administrateurs des communes, faites en sorte qu’ils n’aient rien à se demander ni à se refuser l’un à l’autre ; faites en sorte surtout que pas plus le vicaire que le curé n’ait à mendier de l’administration locale les moyens suffisants d’existence : sinon, vous aurez beau faire, vous n’empêcherez pas les effets de cette espèce d’humiliation ; vous n’empêcherez pas que le prêtre salarié par la commune ne soit considéré comme l’un des employés subordonnes de l’administration locale, et vous ravalez ainsi son ministère.

Il importe peu aux vicaires, dites-vous, par qui leur traitement leur est payé.

Il semble cependant que cela doit lui importer beaucoup ; je ne puis croire qu’il lui soit indifférent d’avoir une existence indépendance du ménage municipal, et de n’être pas le sujet de débats entre l’autorité locale et ses chefs ecclésiastiques.

Aussi voyez combien seraient multipliés les sujets de collision et de discorde dans le système ministériel.

Pour pouvoir contraindre une administration municipale à fournir en tout ou en partie au traitement du vicaire, plusieurs faits seraient à constater.

1° La nécessité du vicaire.

2° L’insuffisance des revenus de la fabrique.

3° le chiffre convenable au traitement.

Pour constater la nécessité du vicaire, il faudra que l’administration municipale fasse une excursion dans le ménage du culte, et discuter le point de savoir si effectivement le curé, le desservant, est réellement insuffisant aux besoins religieux de la paroisse.

Pour constater l’insuffisance des revenus de la fabrique, il faudra entrer plus avant encore dans les détails du ménage ecclésiastique.

La fabrique qui reconnaîtra le besoin d’un vicaire, mais qui saura qu’à son défaut la commune pourra être contrainte à y pourvoir, aura bon soin de se faire très pauvre et de grossir ses propres besoins.

Si, d’un autre côté, l’administration municipale n’est pas convaincue de la nécessité d’un vicaire, si elle croit que les revenus de la fabrique ne sont pas administrés avec assez d’économie ou qu’il y a profusion dans l’application de ses ressources, elle aura soin aussi d’étendre ses investigations ; le budget de la fabrique et sa comptabilité seront discutés article par article, et l’on entrera dans les plus petits détails de l’administration intérieure de l’église et des services religieux.

C’est un procès tout entier, et un procès qui peut parcourir trois degrés de juridiction.

En première instance, devant le gouvernement, premiers débats entre l’administration municipale et la fabrique.

En seconde instance, devant la députation des états, seconds débats entre l’administration municipale et l’évêque.

Et enfin en troisième instance, entre les mêmes parties, devant le ministre de l’intérieur.

Supposez maintenant que l’administration municipale soit définitivement condamnée malgré qu’elle ait la conviction d’une juste résistance, et jugez à combien d’influences diverses elle pourra attribuer la perte du procès ; jugez de quelle manière sera reçu et considéré le vicaire dans la commune lorsque chaque année elle devra porter à son budget une allocation qu’elle considérera comme une injustice.

Une autre considération qui ne vous aura pas échappé, c’est que tout en demandant le maintien de la législation du concordat, en ce qu’elle a d’onéreux pour les communes, on les dépouille d’une garantie importante que lui assurait cette législation.

En cas de dissentiment entre l’évêque et l’administration municipale, c’était en conseil d’Etat que le chef de l’Etat prononçait. Aujourd’hui il prononcera sous le contreseing d’un ministre.

En remplacement de la garantie du conseil d’Etat, on propose celle de la députation du conseil provincial ; mais la commune n’est pas même certaine de pouvoir être protégée efficacement par cette nouvelle garantie, puisqu’en définitive le ministre peut ne pas en tenir compte.

Si, après avoir repoussé de la législation du concordat ce qu’il avait d’onéreux pour le clergé, vous voulez le maintenir en ce qu’il avait d’onéreux pour les communes, soyez au moins justes dans votre système, n’aggravez pas la charge en altérant les garanties que cette législation leur assurait.

Mais, dit l’exposé des motifs du projet de loi, si vous dégrevez les communes du traitement des vicaires, vous imposez au trésor une charge de 500,000 francs, et même de 778,000 fr., si on veut pousser les choses a leur dernière conséquence.

Il ne faut pas se faire illusion sur cette élévation du chiffre. L’honorable rapporteur de la section centrale a démontré que, dans la combinaison du projet que propose cette section, il y a beaucoup à rabattre de ce chiffre qui, au surplus, irait successivement plutôt en diminuant qu’en augmentant, tant à cause de l’extinction des pensions ecclésiastiques sur lesquelles, depuis 1830, il a été fait une économie de plus de 350,000 fr., qu’à raison de l’augmentation des dotations des fabriques.

Au surplus, le service du culte n’est pas, dans les intérêts généraux, d’une importance moindre que l’enseignement public, et si la question d’argent n’a exercé aucune influence sur l’un de ces services, elle ne doit pas plus influer sur l’autre.

Les communes y perdront, dit-on, par la privation des centimes additionnels.

Mais c’est là, je pense, une grave erreur ; l’établissement des centimes additionnels, tels qu’ils existent aujourd’hui, n’a rien de commun avec la législation du concordat.

Quel que soit le système que l’on adopte, je ne vois pas qu’il puisse être question de faire perdre aux communes les centimes additionnels qui leur sont assignés par la loi du 12 juillet 1821.

Vous avancez, comme fait certain, que la plus grande partie des localités n’ont pas de vicaires, et dès lors vous reconnaissez que la plus grande partie des communes percevaient les centimes additionnels, nonobstant qu’elles n’étaient pas chargées du traitement de vicaires.

Quel serait donc aujourd’hui le motif de les priver de ces centimes additionnels, alors que, quant à elles, rien ne serait changé à l’état des choses.

Quant aux communes, en plus petit nombre, qui fournissent au traitement de vicaires, je ne vois pas non plus par quelle raison elles ne profiteraient pas du même avantage que les communes qui n’avaient pas cette dépense à supporter.

Si, se trouvant dégrevées de cette charge, elles n’ont pas à fournir à d’autres besoins, elles seront libres de demander elles-mêmes le dégrèvement d’une partie de ces centimes.

L’art. 15 de la loi du 12 juillet 1821 affecte généralement, et sans aucune distinction aux besoins des communes les 5 centimes obligés et les 2 centimes facultatifs. Ni là, ni ailleurs, il n’est dit que ces centimes ont plutôt pour objet le traitement d’un ou de plusieurs vicaires que toute autre nature de dépense. Il n’y aurait donc pas de raison pour modifier la législation sur ce point.

On a cherché à justifier la législation du concordat par la considération que le traitement du vicaire serait une charge essentiellement communale.

L’honorable rapporteur de la section centrale a réfuté victorieusement cette objection.

Aux considérations décisives qu’il a opposées, j’ajouterai la suivante qui me paraît aussi de nature à faire impression.

Suivant vous, le traitement du curé, ou du desservant n’est une charge générale de l’Etat que parce qu’il y a des curés ou des desservants dans toutes les communes ; et, de cette circonstance, vous concluez que si, pour le besoin du service auquel les curés et les desservants sont préposes il faut y suppléer dans certaines localités par des vicaires, ce supplément de personnel devient une charge communale.

Mais, pour que la conséquence de ce raisonnement soit logique, il faut qu’elle puisse s’appliquer non seulement au culte catholique, mais à tous les autres cultes.

Or, si j’applique le raisonnement au culte protestant et aux autres cultes, je trouve que ce n’est que dans très peu de localités que des ministres de ces cultes sont nécessaires. Je me dis aussi que ce n’est là qu’un accident purement local qui, comme vous le dites fort bien, n’intéresse nullement la généralité des communes. Je pourrais dès lors conclure de ce fait, tout aussi logiquement que vous, que les traitements des curés et des desservants du culte catholique sont seuls d’intérêt général, puisqu’il y en a dans toutes les communes et même dans celles où il se trouve un ou plusieurs ministres d’autres cultes ; j’arriverais ainsi à la conséquence que le traitement du ministre protestant, dans cette localité isolée, est une charge essentiellement communale.

Voilà bien la conséquence de votre argument si vous n’admettez pas que tout le personnel reconnu nécessaire au service d’un culte quelconque doit être à la charge de l’Etat, sans égard à ce que ce personnel doit être plus ou moins nombreux, suivant le besoin de telle ou telle localité.

Mais, dit-on, avec un pareil système, les évêques, qui n’auront plus à redouter les résistances des administrations locales, nommeront autant de vicaires qu’ils le jugeront convenable.

Fort bien, si les évêques avaient en même temps à leur disposition la clé de du trésor public. Mais c’est à la législature qu’il appartient de voter le subside, et par conséquent c’est le pouvoir législatif qui, dans ce cas comme en tout autre, sera juge de la nécessité.

Les abus ne sont donc pas à craindre ; s’il pouvait en exister, le contrôle des chambres serait à coup sûr plus efficace que l’action d’une simple administration municipale.

De ces diverses considérations, il résulte que le projet du gouvernement heurte les principes de la constitution et ceux d’une sage administration, tandis que le projet de la section centrale ne laisse rien à désirer.

Dans le système de la section centrale, la disposition de l’art. 117 est respectée dans son texte comme dans son esprit ; toutes collisions cessent entre les administrations municipales et le clergé ; l’embarras des questions contentieuses en matière de culte, questions toujours irritables, est écarté. Chaque commune, quelle que soit sa population, ayant un droit égal à un personnel suffisant pour le service du culte, obtient ce qu’en stricte justice on ne peut lui refuser.

Là où le curé est insuffisant on placera, soit un desservant, soit un vicaire, suivant que le besoin l’exigera de manière à ce que la charge ne pèse pas plus sur une localité que sur l’autre, et, ainsi, aucune commune ne se trouvera placée dans un régime exceptionnel. Entre ces deux systèmes, et quelles que soient d’ailleurs les opinions sur la question constitutionnelle, le choix ne paraît pas douteux ; c’est celui de la section centrale auquel je donnerai la préférence, sauf les modifications dont il me paraîtra susceptible lors de la discussion des articles.

M. Dechamps. - Messieurs, on a dit qu’il n’est pas de proposition si fausse qu’on ne puisse la défendre par quelque raison spécieuse ; ce vieil adage reçoit ici une nouvelle confirmation, car entreprendre de prouver que l’article 117 dont les termes sont : « que les traitements des ministres des cultes doivent être à la charge de l’Etat, » tâcher de prouver que cet article signifie qu’une catégorie notable de ces traitements n’est pas à la charge de l’Etat, mais des communes, n’est-ce pas vraiment proposer une gageure pour soutenir que oui veut dire non ? Les deux raisonnements principaux à l’aide desquels on a voulu obscurcir la clarté du texte de la constitution consistent d’abord en ce que le mot « exclusivement » n’est pas inséré, et en second lieu en ce qu’on soutient que les vicaires ne sont pas ce qu’on a voulu entendre par ministres du culte.

L’honorable M. Dubus, lors de la précédente discussion, a suffisamment détruit cette première objection en produisant divers textes constitutionnels qu’on a toujours interprétés dans un sens absolu, sans que pour cela le mot « exclusivement » s’y trouve inséré. Cette expression « exclusivement » n’ajoute rien en effet au sens qui ressort des termes de la constitution, et d’ailleurs l’art. 117, comme pour ôter toute possibilité de douter, ajoute que les sommes nécessaires pour faire face à ces traitements sont annuellement portées au budget. Est-ce donc du budget des communes qu’il est ici parlé ? Evidemment non, messieurs ; c’est le budget de l’Etat qui doit seul mentionner les sommes nécessaires pour faire face aux traitements des ministres des cultes.

La seconde objection a été tellement mise au néant par le rapporteur de la section centrale, que je doute fort qu’on la reproduise encore. Mais s’il pouvait rester quelque doute à cet égard dans l’esprit de quelques-uns, je me bornerais à lire le passage de l’exposé des motifs du ministre relatif à ce point, et l’inexactitude des assertions sur lesquelles il appuie sa thèse prouve à l’évidence combien elle est erronée.

Je suis d’accord avec M. le ministre que l’exercice des fonctions ecclésiastiques ne suffit pas pour être compris sous la dénomination de ministres des cultes, qu’il faut desservir une place existante dans la hiérarchie ecclésiastique ; mais je ne puis être de son avis quand il affirme que les vicaires ne sont pas dans ce cas.

La charge des paroisses, dit l’exposé des motifs, n’est pas déférée personnellement au vicaire, mais au curé. Le nombre des vicaires varie selon les besoins du moment, tandis que le curé, au contraire, est pourvu d’une place véritable, dont l’existence est indépendante du titulaire.

Messieurs, il y a là autant d’erreurs que de mots : les vicaires tiennent leur mission directement des évêques, et leur juridiction s’étend aux mêmes objets et au même territoire que celle des desservants ; la charge dont ils sont investis leur est donc personnellement conférée.

L’existence de leur place est aussi indépendante du titulaire que celle des desservants, et lorsqu’elle est vacante, cette vacature est désignée et la place n’en continue pas moins d’exister.

Messieurs, je ne m’appesantirai pas davantage sur ce point, parce qu’il est tellement de notoriété qu’un vicaire occupe un des échelons de la hiérarchie ecclésiastique que ce serait abuser de vos moments que de m’évertuer à vous le prouver plus longuement.

Si donc le mot « exclusivement » est inutile pour donner à l’art. 117 le sens absolu que nous lui prêtons ; et si d’un autre côté il est hors de doute qu’un vicaire est un ministre du culte dans l’acception constitutionnelle, il n’y a pas à biaiser, le texte est formel, et ce n’est pas ici le cas de recourir à la voie interprétative et de rechercher laborieusement l’intention du législateur.

Mais je veux supposer un moment que le doute soit possible sur le sens de l’art. 117 ; encore me paraît-il que la discussion du congrès manifeste assez son intention de déclarer l’Etat débiteur des traitement du clergé. Les nombreux amendements que la discussion a fait surgir se divisent en deux classes : les uns tendaient à faire décider quel serait le débiteur des traitements ecclésiastiques ; et c’étaient, d’abord l’article de la section centrale qui laissait subsister la législation en vigueur, puis l’amendement de M. Jottrand qui portait ces traitements aux budgets des provinces et des communes ; et en troisième lieu celui de M. Thienpont, qui déclarait qu’ils seraient payés par le trésor public et portés au budget de l’Etat.

La seconde catégorie d’amendements roulait sur la question de savoir si les traitements dont jouissait le clergé lui seraient garantis, ou bien si la législature conserverait le droit de révision annuelle.

Divers systèmes furent présentés pour résoudre ce point sur lequel une grande divergence existait.

L’amendement de M. Destouvelles qui a été admis résume toute la discussion et décide les deux points sur lesquels l’attention du congrès avait été tour à tour portée. Pour ce qui concerne le débiteur des traitements ecclésiastiques, il reproduit l’opinion de M. Thienpont qui se rallie à l’amendement, et il décide qu’ils seront portés au budget de l’Etat, rejetant ainsi l’amendement de M. Jottrand qui les portait au budget des provinces et des communes, et l’article de la section centrale qui ne mentionnait rien à cet égard.

Pour ce qui concerne la question de fixité, l’amendement de M. Destouvelles laisse à la législature le droit de réviser annuellement, Vous voyez, messieurs que l’intention du législateur ressort assez clairement de la marche même de la discussion.

M. le ministre demande pourquoi, si l’intention du congrès avait été de déclarer l’Etat seul débiteur de ces traitements, pourquoi l’amendement de M. Thienpont qui était conçu dans ce sens n’a pas été adopté.

Mais avant de répondre directement, je demanderai à mon tour à M. le ministre pourquoi, s’il est vrai, comme il le prétend, que le congrès n’ayant eu en vue que la question de fixité, pourquoi cette assemblée n’a pas adopté le troisième amendement présenté et qui est reproduit à la page 4 de l’exposé des motifs ? Cet amendement demandait que la législature conservât le droit de réviser chaque année les traitements des ministres des cultes.

Si l’intention du congrès avait été telle que le suppose le gouvernement, cet amendement aurait été infailliblement admis puisqu’il traduit cette intention sans aucune ambiguïté, et la majorité de l’assemblée n’aurait certes pas attendu la proposition de M. Destouvelles pour se décider.

Mais, messieurs, cet amendement ne pouvait pas être adopté non plus que celui de M. Thienpont, et la raison en est bien simple, c’est que l’un et l’autre étaient incomplets, c’est qu’ils ne rencontraient chacun qu’une partie de l’intention du congrès constituant. Le premier amendement, celui de M. Thienpont, laissait subsister la garantie de fixité dont la majorité ne voulait pas ; le second amendement ne décidait pas quel serait le débiteur des traitements du clergé. M. Destouvelles n’a fait que réunir ces deux amendements, et sa proposition a été accueillie précisément parce que seule elle tenait compte des deux points que le congrès voulait et devait résoudre.

Ainsi, messieurs, si j’examine les termes de la constitution, je les trouve clairs et non susceptibles d’interprétation ; et si, en supposant la possibilité d’un doute sous ce rapport, j’interroge l’intention du législateur, cette intention m’apparaît conforme au sens que nous prêtons à l’art. 117.

Cette question de constitutionnalité étant ainsi résolue à mes yeux, je pourrais borner là mes observations ; mais, à ceux qui n’auraient pas acquis la même certitude à cet égard, je veux prouver qu’en admettant même que le texte de l’art. 117 nous laisse la faculté de choisir entre les deux systèmes, encore devrions-nous préférer celui de la section centrale, parce qu’il est plus conforme au principe que le congrès avait en vue en votant l’article de la constitution.

En effet, pourquoi le congrès a-t-il décidé que des traitements, des pensions, seraient payés par le trésor public aux ministres des cultes ?

Le ministre dans son exposé des motifs ; la section centrale dans son rapport ; les orateurs qui ont pris part à la discussion dans la séance du 12 février 1835, tous sont tombés d’accord sur un point : c’est que le congrès avait voulu reconnaître la dette que l’Etat avait contractée en confisquant les biens du clergé, comme l’avait reconnue antérieurement le gouvernement consulaire et impérial, comme l’avait reconnue la loi fondamentale des Pays-Bas, comme l’assemblée constituante l’avait créée par son décret du 2 novembre 1789.

C’est donc en acquit de cette obligation sacrée, léguée par la constituante aux gouvernements de bonne foi, que le congrès a mis les traitements ecclésiastiques à la charge de la nation, et non pas en vue de rémunérer des services rendus.

Eh bien, ce principe que M. le ministre admet à la page 2 de son exposé des motifs, il l’oublie complètement un peu plus loin et raisonne comme si c’était à raison de leurs fonctions et de l’intérêt des populations qui s’y rattache, que les ministres du culte reçoivent des traitements.

Voulant prouver que les subsides à fournir en cas d’insuffisance des revenus des fabriques sont une charge communale, M. le ministre fait ce raisonnement : que les traitements des curés et desservants doivent être regardés comme une dépense d’intérêt général, puisque toutes les communes du royaume y sont intéressées ; tandis qu’un très grand nombre de communes n’ayant point de vicaires, leurs traitements ne doivent pas intéresser la généralité.

Vous voyez que M. le ministre suppose ici que c’est d’après l’intérêt que les communes ont, ou bien la généralité, aux services rendus par les ministres des cultes, que les traitements leur sont attribués. La raison qu’il allègue en faveur de la thèse qu’il soutient n’a aucune valeur si les traitements du clergé forment une dette nationale, puisque dans ce cas il ne s’agit aucunement de savoir si tel membre du corps ecclésiastique est plus utile à l’intérêt d’une commune qu’à l’intérêt d’une nation, mais seulement s’il fait partie de la hiérarchie sacerdotale, s’il doit être compté parmi les ministres des cultes à l’entretien desquels l’Etat est tenu de pourvoir convenablement en vertu de l’engagement pris par l’assemblée constituante et reconnu par le congrès belge.

Vous voyez, messieurs, que le ministre ne parvient à prouver que c’est la commune et non l’Etat qui doit fournir le traitement des vicaires en cas d’insuffisance des revenus de la fabrique, que par un argument tout à fait contradictoire avec le principe que le congrès a voulu sanctionner en déclarant l’Etat débiteur des traitements et pensions des ministres des cultes.

C’est principalement à cause de cette déviation du principe admis par le législateur que je voterai contre le projet de loi du gouvernement ; je tiens fortement pour ma part à ce que ce principe soit franchement admis, parce que s’il ne l’était pas, si on parvenait à l’entamer par des exceptions, plus tard on pourrait s’appuyer sur ces réticences pour ravir au clergé et au culte l’indépendance que la constitution leur assure.

Et en effet, si c’est pour reconnaître les services que le clergé rend à la nation, et non à titre d’indemnité pour l’aliénation de ses biens, que les traitements dont il jouit lui sont alloués, ce traitement n’est qu’un salaire, et les membres du clergé sont des fonctionnaires publics. Libre en théorie et sur le papier, le clergé serait esclave par le traitement, et les articles 14 et 16 de la constitution qui établissent la garantie solennelle de son indépendance ne seraient plus qu’une hypocrite déclamation.

La base du projet de la section centrale est au contraire entièrement conforme au principe qu’il a été dans l’intention du congrès de poser ; il est l’application littérale et fidèle du décret du 2 novembre 1789 et de l’article de notre constitution. Lorsque j’appuie le projet de la section centrale, j’entends parler du principe général de ce projet qui déclare l’Etat débiteur des traitements des vicaires. Quand nous en viendrons aux articles, je m’expliquerai sur l’art. 3 de ce projet, relatif aux fabriques qui ont récupéré des revenus suffisants pour payer aux vicaires un traitement de 300 francs. Dans la discussion générale il est, je crois, préférable d’examiner le principe de la loi sans descendre aux applications.

Outre l’avantage d’être mieux calqué sur le principe d’où dérive l’obligation de rétribuer convenablement le clergé, le système de la section centrale en a un autre, c’est qu’il est plus simple et qu’il établit moins de chances de collision entre les autorités ecclésiastiques et le gouvernement.

S’il est vrai que le projet du ministre améliore le décret de 1809, surtout en ce qu’il empêche les contestations directes entre les vicaires et les administrations locales, le germe des divisions entre le clergé et l’Etat n’en est pas cependant effacé. En cas de contestation entre le conseil communal et l’évêque, la députation provinciale prononce, et sur recours le Roi est appelé à décider en dernier ressort.

Vous voyez, messieurs, que dans le système du gouvernement les points de contact entre l’autorité épiscopale et le pouvoir civil sont encore nombreux, et c’est ce que nous devons tâcher d’éviter.

Je sais bien que puisqu’il s’agit d’une dette de l’Etat envers le clergé, il est impossible d’empêcher, pour en fixer le montant, qu’il n’y ait entre eux des points de contact, mais il faut les rendre les plus rares que l’on pourra ; le principe de la séparation de l’église et de l’Etat en sera plus exactement suivi.

Sous ce point de vue encore, le projet de la section centrale offre moins d’inconvénients et simplifie extrêmement les rouages administratifs.

Je ne reviendrai pas sur le motif principal qui a engagé le gouvernement à proposer son projet de loi, celui de ne pas grever le budget de l’Etat d’un surcroît de dépense ; on a fort bien répondu que peu importait aux contribuables le mode de paiement, puisque c’étaient toujours eux qui payaient ; mais il importe de ne pas laisser passer sans observations ce qui a été dit dans la première discussion sur le chiffre du chapitre des cultes que quelques-uns ont regardé comme excessif. Un orateur a représenté le clergé comme absorbant une somme considérable du trésor public, comme ayant les mains dans toutes les caisses provinciales et communales et il ajoute qu’il concevait après cela que le ministre mît une sorte de pudeur à consentir à ce que les traitements des vicaires fussent portés au budget de l’Etat.

Cela peut être spirituel, mais ce n’est assurément ni juste ni impartial ; l’honorable M. Julien, qui est l’orateur dont je parle, va me fournir lui-même tous les éléments de la réplique : Après avoir avoué que le congrès avait vote l’art. 117 « comme la conséquence de la mesure qui a privé le clergé de ses biens, » il a prouvé nettement lui-même que depuis cette disposition les traitements ecclésiastiques ne pouvaient être insuffisants.

Or, je le demanderai franchement à cet honorable préopinant, pourrait-on réduire les traitements actuels du clergé sans les rendre insuffisants, sans mentir au texte constitutionnel ? Sur quel traitement en effet la réduction pourrait-elle porter ? Sur ceux des vicaires ? Mais l’honorable M. Julien nous a dit qu’il avait demandé lui-même à plusieurs reprises que ces traitements fussent augmentés.

Sera-ce sur ceux des curés et des desservants dont le chiffre est si peu élevé que M. Lebeau, au congrès, avait proposé un amendement pour que, dans aucun cas, ils ne pussent être réduits ? Sera-ce sur ceux des évêques qui ont été, dès le temps du congrès, baissés à un chiffre moindre de moitié que celui dont ils jouissaient sous le roi Guillaume, qui ne passait pas cependant pour un grand ami des évêques ?

Vous voyez, messieurs, combien cette accusation manque de vérité, puisque c’est à peine si les traitements ecclésiastiques sont fixés d’une manière convenable, comme le veut le décret de la constituante.

Maintenant si j’examine l’allocation portée au budget pour le clergé catholique sous un autre point de vue, si je me demande quelle est la proportion établie entre l’indemnité qu’il perçoit pour l’expropriation qui a été faite de ses biens et la valeur de cette expropriation, savez-vous, messieurs, quelle est cette proportion ? Vous en pourrez juger par le passage suivant du rapport de Siméon sur le concordat : « Il n’en coûte pas au trésor public, dit-il, la quinzième partie de ce que la nation a gagné à la réunion des biens du clergé. » Or, en Belgique la disproportion est encore plus grande, et je vous avoue qu il faut avoir bon courage après cela pour épiloguer sur les richesses actuelles du clergé.

Messieurs si les chambres belges ont été de facile composition pour voter les dépenses des cultes, ç’a été évidemment pour d’autres cultes que pour celui de la majorité des populations : tandis que le congrès refusait de garantir au clergé les traitements dont il jouissait sous la loi fondamentale des Pays-Bas, tandis qu’il réduisait de moitié les émoluments des évêques, et qu’une législature postérieure diminuait les traitements ecclésiastiques de 2,400 fr., on doublait en 1832 le salaire pour le culte israélite, le culte protestant obtenait plusieurs augmentation successives, et la chambre admettait au partage du budget, le culte anglican, qui n’est pas professé par des Belges, acte de tolérance religieuse tellement inouï au milieu des pays qui se vantent cependant de leur tolérance, que les journaux anglais s’en étonnèrent en y applaudissant.

S’il est vrai cependant, messieurs, comme l’ont affirmé presque tous les orateurs qui ont parlé dans cette discussion, que le congrès, en votant l’art. 117 de notre charte, avait l’intention de reconnaître la dette qui incombe à l’Etat par suite de l’aliénation des biens du clergé ; si cela est vrai, les autres cultes n’avaient aucun motif analogue pour être rétribués par le trésor national.

La justice la plus impartiale ne leur devait rien, c’est la tolérance qui les a dotés.

Messieurs, je vous ai montré qu’il n’est pas vrai, comme on l’a prétendu, que le congrès, en maintenant ce qu’on nomme le salaire ecclésiastique, a fait en faveur du clergé une exception au principe de la séparation de l’église et de l’Etat. Vous me permettrez, messieurs, de finir par une observation qui vous prouvera que le congrès a décidé par là comme il le devait faire, une haute question sociale que des esprits ardents et aventureux tâchaient de mettre à l’ordre du jour des gouvernements constitutionnels.

Vous n’ignorez pas que depuis quelques années surtout des doctrines contre le droit de propriété tel qu’il existe sont sérieusement répandues partout et spécialement parmi la jeunesse sur laquelle l’avenir repose.

On a ri pendant quelque temps de ces utopies, mais maintenant qu’elles ont des professeurs dans les universités, des journaux et des clubs, maintenant qu’il demeure évident aux yeux des hommes politiques que si de prochaines révolutions doivent encore troubler la paix européenne, le caractère distinctif de ces révolutions sera une attaque contre la propriété ; un devoir incombe à tous les hommes d’Etat, à tous ceux qui veulent protester contre ces doctrines d’anarchie, et ce devoir c’est de respecter dans les lois ce principe de la propriété qu on veut menacer de nouveau.

Or messieurs, le traitement ecclésiastique est une indemnité disproportionnelle, il est vrai, mais sacrée pour la vaste expropriation des biens du clergé qui a été faite en 1789. Ce traitement, cette indemnité est une espèce de protestation contre la violation du droit social de propriété que la nécessité a forcé la constituante de consommer ; nous devons tenir à cette indemnité, à cette protestation, pour ne pas laisser entamer le principe sacré ne quelques-uns voudraient détruire ; et si une législature était assez imprudente pour ne plus reconnaître la dette nationale créée par le décret de 1789, elle ouvrirait par cela même la porte par où les doctrines antisociales envahiraient la législation actuelle sur la propriété, et après les biens des nobles et du clergé, crouleraient à la première secousse les propriétés de la classe industrielle que l’on nomme déjà dédaigneusement « la bourgeoisie, » comme pour la montrer du doigt à l’avidité des classes inférieures pour le jour des révolutions que l’on espère.

J’ai dit.

M. Desmet. - Messieurs, dans l’exposé qui accompagne le projet de loi et que je m’abstiens de qualifier, mais qui a dû étonner toute la Belgique et en particulier les catholiques, on débute en citant les décrets de la constituante, les lois de la république et de l’empire, et les arrêtés du roi Guillaume qui ont tous été conçus pour consommer la spoliation des biens du clergé catholique et le tenir dans la dépendance du pouvoir civil.

Il me semble que si on eût voulu avoir recours aux citations de ces lois spoliatrices du jacobinisme français, et annoncer avec emphase qu’elles avaient reçu leur exécution en Belgique, on aurait du moins dû avoir eu la bonne foi et la loyauté de ne pas tronquer les citations et ne pas en omettre.

Du décret de l’assemblée constituante du 2 novembre 1789, on vous a omis la principale partie. Voici comment était conçue la motion du comte de Mirabeau, et telle qu’elle a été décrétée par l’assemblée et qui a formé le décret du 2 novembre : « Qu’il soit déclaré premièrement que tous les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la nation, à la charge de pourvoir d’une manière convenable aux frais du culte, à l’entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres, sous la surveillance et d’après les instructions des provinces.

« Secondement (et c’est ce paragraphe qu’on a omis), que, selon les dispositions à faire pour les ministres de la religion, il ne puisse être affecté à la dotation des cures moins de 1,200 livres, non compris le logement. »

Si cette citation ne regarde que les curés et non point les vicaires, j’ai voulu la relever d’abord par ce motif, et en second lieu pour vous faire remarquer que quand on a spolié le clergé de ses biens fonds, on a positivement stipulé que les traitements des curés devaient tomber totalement à la charge de l’Etat, et que jamais pour aucune partie la commune n’en devait être chargée, et aussi pour vous faire voir que la seconde condition était que les curés auraient eu au moins un traitement de 1,200 livres, et en sus le logement à charge de l’Etat.

Cependant, quantité de curés, et même le plus grand nombre, ne jouissent pas d’un traitement de 1,200 francs, car il y en a beaucoup qui ne touchent que 800 et 400 francs de l’Etat ; et s’ils touchent, pour subvenir à leur subsistance, une somme annuellement de la commune, c’est bien contre la condition sine qua non du décret, et qu’aujourd’hui, les communes pourraient même refuser de payer, comme déjà on en a vu des exemples.

Mais comme le projet de loi ne concernait que le salaire des vicaires, on n’aurait pas dû citer une partie de la disposition du décret du 2 novembre 1789, mais bien celle de l’art. 5 du décret ou arrêté du 4 août de la même année, par laquelle les dîmes ont été abolies ; car c’était particulièrement les dîmes qui servaient à payer le salaire des curés et des vicaires. Si l’exposé eût cite cette disposition, vous auriez pu mieux apprécier de quelle manière la constituante avait établi la condition du salaire des vicaires quand elle a décrété l’abolition des dîmes.

Voici comment cette disposition est conçue : « Les dîmes de toute nature … sont abolies, il sera pourvu à l’augmentation des portions congrues et à la dotation des vicaires, et il sera fait un règlement pour fixer le sort des curés des villes. »

Si donc, comme l’exposé le relève avec tant d’emphase, les vicaires ont été abandonnés à la charge des fabriques et des communes, ce fut certainement contre la condition expresse du décret, de l’abolition des dîmes, et c’est très à tort et mal à propos que l’on voit avancé dans cet étrange exposé que ce fut pour améliorer le sort des vicaires et par grâce spéciale que le gouvernement de Guillaume accorda à la plupart de ces ecclésiastiques sur les fonds du trésor une gratification annuelle de cent florins.

Il est possible que l’auteur de l’exposé ne connût point les droits des vicaires, mais il me semble que quand on voulait faire des tentatives pour détruire la disposition constitutionnelle de l’art. 117, et déclarer notre gouvernement héritier des gouvernements de la république, de Bonaparte et de Guillaume, on aurait dû faire des recherches si ces gouvernements n’avaient pas méconnu les droits des vicaires et s’ils n’avaient pas agi contre la disposition du décret du 4 août 1789.

Si on devait juger des intentions d’après ce qu’on trouve dans cet exposé, on serait forcé de croire qu’on voudrait, pour ce qui concerne le cuite catholique, marcher sur les traces des derniers gouvernements et rendre nos curés et vicaires entièrement dépendants du pouvoir civil et de la direction des cultes ! Cependant l’auteur devait savoir aussi bien que nous que ce n’était pas là l’intention du congrès, mais qu’au contraire la disposition constitutionnelle fut uniquement votée pour rendre entièrement indépendant le clergé catholique et le soustraire aux caprices et au despotisme d’un ministre ou d’un directeur des cultes.

Quand on suit cet étrange exposé, on est vraiment étonné de voir que son auteur soit si peu au fait de la hiérarchie de l’église catholique ; d’après lui les vicaires ne remplissent point de fonctions, ils ne desservent point de places, ce ne sont point des titulaires, ils ne sont pas investis personnellement d une place existante dans la hiérarchie ecclésiastique ; ce ne sont, d’après le langage de l’exposé, que les valets, les domestiques du curé ; ce ne sont que des manœuvres qu’on doit payer à la journée d’après le travail qu’ils font pour les curés !

Et voulez-vous savoir, messieurs, où on trouve la preuve de ces étranges allégations ? c’est que « le nombre des vicaires varie dans les paroisses » ! Admirable logique ! mais qui ferait trembler quand nous songeons que l’administration intérieure de notre beau pays se trouve entre les mains des personnes qui tiennent un tel raisonnement et montrent si peu de connaissances dans les choses les plus simples !

Si dans l’exposé on voulût traiter la question des fonctions des vicaires, avant de le publier, on aurait du moins dû prendre des renseignements sur l’étendue de ces fonctions.

On aurait appris que les vicaires ne sont point les laquais des curés et qu’ils ne remplissent aucune fonction particulière, mais que ce sont des titulaires personnellement investis d’une place existante dans la hiérarchie de l’église, et qu’ils reçoivent de l’évêque diocésain une mission toute spéciale et indépendante de leur curé ; ils ont des devoirs particuliers à remplir, qui sont distincts de ceux du curé et qui leur sont imposés directement de l’évêque.

Ce sont des titulaires et des fonctionnaires en place aussi bien que les curés, et ils sont aussi bien les ministres du culte qu’eux.

C’est ainsi aussi que les a appréciés l’assemblée constituante, quand le 4 août 1789 elle a aboli le revenu des dîmes qui servaient à pourvoir au salaire des ministres du culte ; il est positivement dit dans le décret de l’abolition des dîmes que la nation pourvoirait à la dotation des vicaires. Est-elle douteuse cette expression ?

La constituante voyait donc dans les vicaires de véritables ministres des cultes qui, avant l’abolition des dîmes et la confiscation des biens du clergé, recevaient comme les curés leurs portions congrues des décimateurs ou touchaient eux-mêmes les revenus des dîmes qui étaient annexés à leur place ; elle a voulu et conditionné que, puisque la nation enlevait à son profit les biens et les revenus qui servaient à pourvoir au salaire des vicaires, elle assurât pour l’avenir, par des dotations, à ces ecclésiastiques, le paiement de leur salaire.

C’est ce que le congrès a de même voulu quand il a décrété l’art. 117 de la constitution ; il a voulu faire sortir le clergé de l’état d’esclavage où il avait été tenu par les décrets et arrêtés des gouvernements de la république, de l’empire et de Guillaume ; il a voulu décréter son émancipation en assurant son traitement constitutionnellement, pour le préserver dans l’avenir des faiblesses de la législature et des exigences des ministres ; le congrès a suivi les traces de l’assemblée constituante et respecté les conditions que cette assemblée avait prescrites quand elle a aboli les dîmes et décrété la cession des biens du clergé au profit de la nation.

Pour arriver à son but et faire réussir ses projets, l’auteur de l’exposé s’efforce à nous faire atteindre de la peur panique, en nous montrant un tableau effrayant de toutes les sommes, qui seront enlevées au trésor de l’Etat, par les traitements qu’on y prélèvera pour pourvoir au salaire des ministres de la religion catholique.

Mais je ne pense pas que nous serons ici les dupes de ces calculs et que par poltronnerie nous nous laisserions prendre au piège et ratifiant un acte inique et anti-constitutionnel, et rejetant derechef le clergé dans l’esclavage et la dépendance du pouvoir civil, et l’asservir aux caprices d’un directeur des cultes.

D’ailleurs, pourquoi voudriez-vous rendre plus mauvaise la condition de la religion catholique, que celle du culte des sectaires, et pourquoi voudriez-vous mettre pour ainsi dire hors de la loi constitutionnelle la religion de l’immense majorité des Belges, quand vous avez appliqué aux églises protestantes et calvinistes, et aux synodes, la disposition constitutionnelle dans toute son étendue ?

Jetez un coup d’oeil sur les budgets que vous avez voté depuis que nous avons acquis notre indépendance ; je ne dois pas vous dire que vous y verrez combien sont fortement salariés les « domines » luthériens et calvinistes, les prêtres de l’église anglicane et les rabbins du synode, et que même votre générosité ne s’est pas borné à payer un exorbitant salaire aux ministres, mais que vous l’avez étendue à leurs enfants, aux marguilliers de leurs temples, etc.

Non pas que je veuille critiquer ces allocations ; nous avons fait ce que notre nation a toujours fait, car la Belgique a toujours exercé la tolérance civile, et n’a jamais voulu employer des mesures d’intolérance envers les religions dissidentes ; je veux seulement vous faire remarquer que ce serait une criante partialité de refuser à la religion catholique ce que vous accordez à celle des différentes sectes !

Je ne suivrai pas plus longtemps l’auteur de l’exposé dans le tissu raffiné de sophismes qui a entrelacé avec tant de peines, pour torturer un sens clair en parlant du pacte fondamental, ni ne rechercherai les moyens qu’il a employés pour mettre hors de la loi commune les prêtres de la religion des Belges, et leur faire refuser ce qui est accordé aux ministres des autres cultes. Mais, je demanderai ce qu’on a voulu, quel peut être le motif pourquoi on a publié un tel exposé et fait tant d’efforts pour rendre si mauvaise la condition d’une partie du clergé belge, et lui enlever une indépendance que la constitution lui garantir et que le congrès a voulu lui rassurer en faisant une obligation constitutionnelle de son traitement. Pourrait-on soupçonner que la direction des cultes a plus peur de l’indépendance du clergé catholique que de celui des ministres des autres cultes ? En méditant sur les citations qui figurent dans l’exposé et de la manière astucieuse qu’elles ont été produites, on devrait au moins croire que notre direction des cultes a les mêmes tendances qu’avaient celles de Buonaporte et de Guillaume. Mais que cette administration se désabuse, le clergé catholique est comme il l’a toujours été, le principal appui du trône et des libertés constitutionnelles ; le souverain, comme la nation, y trouve ses amis les plus sincères et les plus désintéressés.

Vraiment on devrait dire que l’auteur de l’exposé était dans une espèce de délire contre les catholiques quand il l’a écrit, sa plume n’a su que tracer pour prouver qu’une partie du clergé devait être tellement garrottée et réduite à rien, que comme des mendiants elle serait obligée d’aller demander l’aumône et se jeter à genoux aux pieds des autorités civiles, pour avoir le pain quotidien. Est-ce pour cela que les catholiques belges ont fait la révolution et chassé le despotique et intolérant Nassau ; auraient-ils jamais cru qu’ils auraient été jetés comme sous son gouvernement et celui de Bonaparte, dans l’esclavage d’une direction des cultes ? Car, messieurs, soyez assurés, de l’antre de la direction des cultes, ne sortira jamais que des verges pour châtier les prêtres catholiques et les tenir dans l’esclavage et la dépendance, et vous en ressentirez surtout les effets quand, comme malheureusement dans cette époque où il règne chez nous un si dangereux esprit de coterie, qui n’agit que trop fort sur quelques branches de l’administration entière.

Nous avons depuis longtemps eu des soupçons, et cru nous convaincre par des faits, mais aujourd’hui sans doute tout se livre quand on voit un tel exposé suivi d’un tel projet de loi !

Mais à côté de ces vues, que je ne puis assez blâmer, existe encore dans ce projet le plus parfait des ridicules, les traitements des vicaires sont à la charge des fabriques des églises, trouve-t-on dans l’article premier.

Ne devrait-on pas croire que nos églises viennent d’être richement dotées et qu’elles possèdent d’immenses richesses ? Quand on voulait priver les prêtres catholiques d’un droit constitutionnel et leur refuser des traitements qu vous accordez aux autres cultes, du moins on l’aurait dû faire avec puis d’adresse et ne pas pousser le ridicule à faire puiser dans des caisses qui très souvent ne suffisent point pour l’entretien de leur propre temple et le service quotidien du culte !

Le second article pourrait se comprendre s’il était conçu par tout autre religionnaire qu’un catholique, mais comment peut-on concevoir que quelqu’un qui doit connaître les éléments de sa religion puisse soumettre les décisions des évêques à l’avis des marguilliers laïques pour établir le nombre d’ecclésiastiques qu’une paroisse peut avoir besoin ? Est-ce de la sorte que la constitution de 1831 a voulu rassurer l’indépendance du clergé catholique et le libre exercice de notre religion ?

Mais que dire ! quand on veut brusquer et violer le pacte constitutionnel et tous les principes, et qu’on veut remettre dans l’esclavage notre religion et ses ministres, on tombe dans l’absurde et le ridicule, et c’est ce qui est arrive à l’auteur du projet de loi qui couronne son ouvrage, en assujettissant absolument l’allocation des traitements des vicaires et l’établissement de la quotité au pouvoir civil, et n’y faire figurer les chefs des églises que pour encourir le scandale de devoir se disputer avec des administrations communales et provinciales.

Mais je me rassure sur le sort de nos prêtres, et je ne doute aucunement que la chambre fera droit d’un tel projet de loi, comme elle repoussera avec dédain tous les arguments sophistiques de l’exposé, et qu’elle ne laissera pas consommer un acte d’une telle injustice, qu’elle interprètera la constitution dans son véritable sens et répondra aux vues du congrès, qui étaient de rendre le clergé catholique entièrement indépendant du pouvoir civil, assurer son traitement dans la constitution même, et prévenir à jamais le retour du despotisme anti-catholique de Bonaparte et de Guillaume.

Je me borne en ce moment à traiter la question de la constitution qui met à charge de l’Etat les traitements de tous les ministres du culte sans aucune exception, je me réserve de parler sur la quotité du traitement, qui seule est laissée à la législature de fixer, comme je me réserve de combattre en son lieu la disposition de l’article du projet de la section centrale, qui contient une disposition entièrement contre la constitution et très dangereuse, qu’elle assujettit la grande partie de nos églises aux caprices du pouvoir civil et prive inconsidérément les fabriques d’un revenu qui est à elle seule et qui a toujours servi à l’entretien et à la restauration des églises ; si la section centrale eût bien pesé le danger qui existait à enlever à nos fabriques le peu de revenus qu’elles ont, je suis certain qu’elle n’aurait pas fait de tentatives pour torturer le véritable sens de la constitution, et qu’elle n’aurait point disputé aux catholiques ce que nous avons accordés dans tous les budgets aux autres cultes sans la moindre discussion.

Les revenus des églises ont toujours été distincts de ceux qui devaient servir à pourvoir au salaire des cures et vicaires, c’était surtout la dîme qui y était destinée et les églises avaient pour leur entretien des biens fonds ; jamais ces biens n’ont été confondus ; dans l’assemblée constituante l’évêque d’Autun en fit une distinction claire et précise, quand le premier fit la motion d’enlever au clergé catholique les biens et les revenus qui servaient à l’entretien des églises et des ministres de la religion ; ce ne fut que les gouvernements qui suivirent qui ont tâché de faire une confusion dans ces biens, et ainsi, mettre entièrement dans l’esclavage et dans leur dépendance les prêtres catholiques pour le recouvrement de leur traitement, et même tous les catholiques pour l’entretien et la restauration de leurs églises ; car vous savez, messieurs, à combien d’abus n’ont pas conduit les subsides que nos églises ont dû demander aux gouvernements de Bonaparte et de Guillaume, pour l’entretien et la restauration de leurs bâtiments ; comme malheureusement nous commençons à faire la dure expérience que notre direction des cultes entre dans la même déplorable voie et qu’on se plaint de la partialité qui a lieu dans la distribution de ces subsides.

Vous n’avez pas le droit de toucher aux biens des fabriques, ils sont, je le répète, uniquement destinés à l’entretien des temples, à leur ameublement et restauration, et aux dépenses des services quotidiens : la constitution est précise, la disposition de l’art. 117 est claire ; aucune exception n’est prévue, et chose étrange ! des catholiques voudraient méconnaître la constitution pour agir en défaveur de leur religion. Soyons tolérants et respectons toutes les religions, mas aussi ne soyons pas partiaux contre les catholiques et ne leur refusons pas ce que vous avez accordé aux sectes.

Plusieurs membres. - La clôture ! la clôture !

M. le président. - L’assemblée n’est plus en nombre, il sera prononcé demain sur la demande de clôture.

Messieurs, la députation chargée de présenter à S. M. l’adresse de la chambre devant être reçue par elle demain à midi, je propose de fixer à une heure l’ouverture de la séance.

- Adopté.

La séance est levée à quatre heures et demie.