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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du jeudi 3 mars 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative à une demande en
naturalisation (Camille de Briey)
2) Projet
de loi portant le budget du département des finances pour l’exercice 1836
3) Projet
de loi portant organisation des communes. Discussion des articles. Dispositions
financières. Frais d’entretien des indigents, des aliénés (Mast
de Vries, (+sourds-muets et aveugles) A. Rodenbach,
Legrelle, Dumortier, Legrelle, Ernst, Lebeau,
Dumortier, Dubus, Ernst, Verdussen, Ernst,
Legrelle, Dubus, Dumortier, Gendebien, Ernst), frais d’instruction pour les sourds-muets et
aveugles (Dubus, Dumortier, A. Rodenbach, Ernst, Dubus, A. Rodenbach), répartition
des dépenses obligatoires entre les sections de communes (Dubus,
de Theux, Berger, Dubois, de Theux, Dubus,
Berger, d’Hoffschmidt)
4) Projet
de loi relatif à un traité de navigation et de commerce avec le Brésil
5) Projet
de loi portant organisation des communes. Discussion des articles. Dispositions
financières. Inscription d’office des dépenses et des recettes obligatoires par
l’autorité provinciale (de Theux, Dubus,
Fallon, de Theux, Lebeau, Dumortier, Fallon, de Theux, Legrelle, Dumortier, de Theux, Lebeau, de Theux, Dumortier, Dubus, de Theux, Dubois,
Legrelle, Dumortier, de Theux, Brabant, Gendebien, de Theux, Fallon, Lebeau, Legrelle,
Dubus)
(Moniteur
belge n°64, du 4 mars 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Dechamps fait
l’appel nominal à une heure.
M. Schaetzen
lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
PIECE ADRESSEE A
M. Dechamps
annonce qu’une pétition a été adressée à la chambre par le sieur comte Camille de Briey qui, ayant perdu la
qualité de Belge par suite de services militaires en France demande la
naturalisation.
- Cette pétition est renvoyée à M. le ministre de
la justice.
PROJET DE LOI PORTANT LE
BUDGET DU DEPARTEMENT DES FINANCES POUR L’EXERCICE 1836
M. Jadot demande la parole.
Organe de la section centrale qui a été chargée d’examiner le budget des
finances, il est prêt à donner lecture de son rapport.
De
toutes parts. - L’impression ! l’impression
!
M. Jadot dépose son
rapport sur le bureau.
PROJET DE LOI PORTANT
ORGANISATION DES COMMUNES
Discussion des articles
Chapitre VI. - De l’administration des biens et
reveus de la commune
Section première. - Des charges et dépenses
communales
Article 58
M. le président. - Nous
en étions au paragraphe 16 de l’art. 58.
Paragraphe 16
« 16°
Les frais d’entretien et de traitement des aliénés indigents, et ceux
d’entretien des indigents retenus dans les dépôts de mendicité ou reçus dans
les hospices des communes où ils n’ont pas droit à des secours publics. »
Deux amendements sont proposés à ce paragraphe.
L’un par M. Mast de Vries est une addition à y faire. Cette addition est ainsi
conçue :
« S’il n’est pourvu à ces frais par les
établissements des hospices ou de bienfaisance. »
L’autre par M. A. Rodenbach est aussi une addition
à faire au paragraphe 16. Cette addition est relative aux sourds-muets et aux
aveugles.
M.
Mast de Vries. - Messieurs, j’aurai peu de chose à dire pour démontrer
la nécessité de l’amendement que j’ai déposé hier sur le bureau.
Dans quelques localités les administrations des
hospices et des établissements de bienfaisance reçoivent des subsides de la
commune ; mais il y a beaucoup de localités, dans le plat pays surtout, où les
administrations des établissements de bienfaisance et des hospices ne reçoivent
aucun secours ; et même je connais des villes où ces administrations ne
voudraient rien recevoir ; je citerai des villes de la province d’Anvers.
Un
membre. - C’est une erreur !
M. Mast de Vries.
- C’est une erreur ! Je nommerai les villes de Lierre, de Malines qui sont dans
ce cas.
Si vous adoptiez le paragraphe comme il est conçu,
il faudrait que les communes fournissent un subside quoique les administrations
de bienfaisance pussent pourvoir à tous les frais.
M.
A. Rodenbach. - Messieurs, le but de mon amendement est de soustraire
les sourds-muets et les aveugles indigents au dangereux et pénible fardeau de
l’oisiveté, et de les empêcher de croupir dans la misère. Pour parvenir à ce
but, il faut obliger les communes à remplir envers ces malheureux un devoir qui
naturellement doit leur être imposé.
Je dois à la vérité de déclarer que depuis quelque
temps le gouvernement s’occupe beaucoup de ces infortunés ; cependant les fonds
manquent pour faire tout le bien désirable.
Vous savez, messieurs, qu’il existe un très grand
nombre de sourds-muets et d’aveugles dans le royaume. Sur mille habitants, il y
a un aveugle, et sur 2,180 habitants, il y a un sourd-muet ; il s’ensuit que
ces deux classes d’infortunés comptent 6,017 individus.
Tous ne peuvent pas recevoir de l’instruction, ni
apprendre un métier soit dans les établissements publics, soit dans les
établissements particuliers, parce qu’ils sont dans un âge trop avancé. Il n’y
en a que 500 qui soient susceptibles d’apprendre un métier ou de recevoir de
l’instruction ; ce sont ceux qui ont de 9 à 16 ans. Leur entretien ne serait
pas une grande charge pour 2,700 communes : les frais de leur éducation ne
monteraient pas à 100,000 fr.
Vous savez que lorsque les finances des communes ne
sont pas dans un état assez prospère pour fournir à tous les besoins des
malheureux qui s’y trouvent, la province accorde des subsides. Dans le budget
du gouvernement on accorde aussi des subsides pour les malheureux : ainsi le
chiffre de la dépense que je réclame ne sera pas très élevé et ne doit pas vous
effrayer : ce ne sera qu’une petite dépense pour rendre un grand service à
l’humanité.
Je pense n’avoir pas besoin de développer plus
longuement ma proposition. J’aime à croire que la chambre y donnera son
assentiment et que le ministère s’y ralliera.
M.
Legrelle. - Je crois que le paragraphe 16 que nous discutons n’est pas
sans inconvénients.
Relativement aux frais d’entretien des aliénés
indigents, je n’ai rien à objecter, mais la fin du paragraphe me semble sujette
à une mauvaise interprétation ; « ou reçus dans les hospices des communes
où ils n’ont pas droit à des secours publics. » En effet, par hospices il ne
faut pas entendre les hôpitaux où l’on soigne les malades, mais les
établissements où l’on soigne les vieillards et les infirmes.
Cette ambiguïté de termes est le moindre
inconvénient du paragraphe. Quand un hospice comme le Béguinage de Bruxelles,
par exemple, aura reçu un malheureux, il faudra que la commune paie ses frais
d’entretien : voilà ce qui arrivera si vous ne changez rien à la rédaction du
paragraphe : cependant cela serait contraire à vos intentions, puisque ce
serait forcer toute commune à payer la pension d’un malheureux parce qu’il aura
plu à un hospice de le recevoir.
Au lieu du mot hospice, il faut mettre le mot
hôpital, et dire :
« Quand un malade sera reçu dans un hôpital,
sa commune devra payer les frais temporaires de la maladie. »
J’appuierai l’amendement de M. A. Rodenbach ; mais
comme il faut d’abord statuer sur celui que je présente, je me réserve de dire
mon opinion sur celui de l’honorable membre, quand il sera mis en délibération,
M.
Dumortier, rapporteur. - J’appuierai l’amendement de M. A. Rodenbach,
mais il s’agit maintenant de celui présenté par M. Legrelle.
Je ne crois pas qu’il faille changer le mot hospice
dans le mot hôpital, parce que les endroits où l’on met les aliénés ne sont pas
des hôpitaux.
Le paragraphe en discussion
me paraît excessivement mal rédigé. L’objet dont il est ici question,
c’est-à-dire les dépenses relatives aux aliénés et indigents retenus dans les
hospices ou dans les dépôts de mendicité, a déjà été le sujet d’un vote dans
cette chambre.
Dans la loi provinciale vous avez déclaré que le
conseil provincial doit porter dans son budget les frais concernant les
indigents et les aliénés retenus dans les dépôts de mendicité, lorsque la
commune à laquelle ils appartiennent n’a pas le moyen d’y pourvoir. Eh bien,
quel serait le résultat du paragraphe tel qu’il est rédigé ? C’est que la
province se trouverait déchargée des frais d’entretien de ces malheureux, en
sorte que tout retomberait à la charge des communes. Il y aurait ainsi novation
à la loi provinciale, et les provinces se refuseraient à payer leur quote-part
dans la dépense. Dans tous les cas, je crois qu’il faudrait rédiger le
paragraphe de manière à ce qu’il n’y ait pas doute. Je proposerai la rédaction
suivante :
« Les traitements des aliénés indigents et les
frais des aliénés retenus dans les dépôts de mendicité, à moins que le conseil
provincial n’ait reconnu que la commune n’a pas le moyen d’y pourvoir. »
M. Legrelle. -
Je répondrai à l’honorable M. Dumortier, qui combat la substitution du mot
hospices par celui d’hôpitaux, que le changement que j’ai proposé ne porte pas
sur tout le paragraphe, mais seulement sur la dernière partie du paragraphe. Le
seul but de mon amendement est que l’on n’impose pas aux communes l’entretien
annuel d’un indigent placé dans un hospice pour le reste de ses jours.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - L’honorable préopinant est dans
l’erreur. Je suis de l’avis de l’honorable M. Dumortier. Je pense que l’expression « d’hospices »
doit être conservée dans la loi.
Il peut arriver que dans une commune étrangère il
se trouve un aliéné que l’on placera provisoirement dans les hospices destinés
aux aliénés.
On en informera aussitôt la commune à laquelle
appartient l’individu, dès que la dépense ne se prolongera pas au-delà du temps
que l’administration communale le voudra elle-même.
Il doit en être des aliénés comme des blessés et
des malades, il faut bien leur donner des secours dans les lieux où ils se
trouvent, sauf recours ultérieur envers qui de droit.
Je ne puis être d’accord avec l’honorable M.
Dumortier sur l’autre partie du numéro.
Je crois qu’il suffit, sauf ensuite, si les
communes ne peuvent subvenir à ces frais, à recourir à l’autorité provinciale
et au gouvernement, comme il est stipulé par la loi provinciale et par les lois
sur la matière.
Lorsque les communes ne peuvent subvenir aux
dépenses résultant de l’entretien des indigents et des aliénés, la loi
provinciale met une partie de ces dépenses à la charge des provinces.
M.
Lebeau. - Je ne puis admettre l’amendement de M. Dumortier, qui laisserait
aux communes la faculté indéfinie de déclarer qu’elles sont hors d’état de
pourvoir à l’entretien de leurs indigents.
M. Dumortier a cependant indiqué une conséquence
assez fâcheuse qui résulterait de la rédaction du paragraphe en discussion.
C’est que du principe que la loi postérieure abroge les lois antérieures, on
pourrait inférer du paragraphe 16 que l’on a voulu modifier l’arrêté de juillet
1833, qui établit que les provinces fourniront des subsides dans le cas
d’insuffisance des revenus communaux pour l’entretien des indigents. Pour
éviter toute interprétation, toute amphibologie, l’on pourrait ajouter cet
amendement :
« Sans préjudice des subsides à fournir par la
province dans les cas déterminés par la loi. »
D’après l’état actuel des choses, c’est le conseil
provincial qui vote le subside en masse, et c’est la députation permanente qui
en fait la répartition au fur et à mesure de la justification faite par les
communes que leurs ressources sont insuffisantes pour pourvoir à la totalité de
la dépense.
L’amendement de M. Dumortier contient la
dénomination de conseil provincial qui, ce me semble, ne devrait pas y trouver
place. Il vaudrait mieux employer les expressions que je propose dans mon
amendement, puisqu’elles ont été consacrées par le vote de plusieurs budgets
successifs.
M. Dumortier, rapporteur,
ajoute dans son amendement le mot de traitement qu’il y a omis. - Messieurs,
dit-il, l’amendement que j’ai proposé est exactement calqué sur ce qui a été
inséré dans la loi provinciale. Il y est dit : « Le conseil est tenu de
porter le traitement des aliénés, etc. » C’est donc le conseil provincial
qui est juge en cette matière. Il y a lieu d’admettre la même rédaction.
M.
Lebeau. - L’honorable M. Dumortier se trompe, parce qu’il ignore la
manière dont les choses se passent.
Le conseil provincial vote annuellement un crédit
éventuel pour l’année suivante. Il lui est impossible de connaître les communes
qui seront obligées de faire un appel à la caisse provinciale, parce que cela
dépend de faits qui sont hors de toute prévision. Le conseil donc, pour se
conformer aux lois, vote une somme globale.
Qui fait la répartition de ce crédit ? C’est la
députation provinciale qui exécute la volonté du conseil, autant que le conseil
a pu exprimer une volonté sur un pareil objet, et fait la répartition du
subside d’après les besoins des communes.
Remarquez que mon amendement pourvoit à tout ; il
respecte la loi provinciale, ainsi que la loi spéciale du 13 juillet 1833.
C’est ainsi que vous avez formulé l’allocation
portée au budget du département de la justice.
Il prévoit en outre les inductions que l’on aurait
pu tirer de la rédaction trop absolue du paragraphe en discussion.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je me rallie à l’amendement de M. Lebeau.
M. Dubus. - Si
j’ai bien compris l’amendement, l’expression d’hospices y est maintenue. (Oui ! oui !) Dans ce cas je ne pourrai
l’admettre tel qu’il est rédigé. Je ne crois pas qu’il soit convenable de
laisser dans le paragraphe le mot d’hospices.
Il y a une grande différence entre recevoir un
malade dans un hôpital et recevoir un vieillard dans un hospice.
Dans le premier cas, c’est l’urgence qui détermine la
mesure. Dans le second, vous grevez la commune, sans l’avoir même consultée,
d’une charge viagère en faveur de l’hospice où le vieillard aura été reçu.
L’amendement de l’honorable M. Legrelle me paraît
devoir être admis. Il consiste à substituer le mot d’hôpitaux à celui
d’hospices. Il pare à l’inconvénient grave que j’ai signalé.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Un point sur lequel nous sommes
d’accord, c’est que lorsqu’un malheureux dont la position réclame des secours
se trouve dans une commune étrangère, il est nécessaire de lui donner des
soins.
Une autre chose sur laquelle tout le monde
s’accorde encore, c’est qu’il faut placer ce malheureux dans l’établissement
particulièrement destiné à lui donner des soins suivant sa position spéciale.
Il se trouve dans une des trois catégories désignées dans le paragraphe. Ou
c’est un indigent, ou un aliéné, ou un vieillard. Si c’est un indigent, on le
place dans un dépôt de mendicité.
Si c’est un aliéné, on ne le met pas dans un
hôpital, mais dans un hospice d’aliénés, si c’est un vieillard qui a trop
présumé de ses forces ou qu’un temps rigoureux a saisi, et qui se trouve retenu
dans une commune étrangère, il est naturel de le placer provisoirement dans un
refuge ouvert à la vieillesse.
Je comprends qu’il ne faut pas grever une petite
commune d’une pension viagère pour un aliéné, un indigent ou un vieillard qui
aurait été retenu dans un hospice d’une commune où il n’aurait pas droit à des
secours.
Je ferai observer qu’il est un délai dans lequel la
commune de laquelle un aliéné ou indigent étranger aurait été retenu, devra en
informer la commune à laquelle cet aliéné on indigent appartient, sous peine de
supporter la dépense d’entretien.
Il est de principe qu’on ne peut pas par son fait
créer une obligation à charge d’autrui.
Si le délai expiré, information n’a pas été donnée
à la commune intéressée, on ne peut rien réclamer d’elle.
Nous sommes d’accord sur le but, nous devons l’être
aussi sur le meilleur moyen de l’atteindre.
M.
Verdussen. - Je suis persuadé que les orateurs qui ont parlé dans cette
discussion ne sont pas bien pénétrés de l’esprit de l’article dont Il s’agit.
Cet article comprend les dépenses obligatoires, les
dépenses que la commune est obligée de porter à son budget. Appliquons ce
principe au n°16 que nous discutons, nous verrons que la loi fait une
obligation à la commune de porter à son budget les frais d entretien et de
traitement des aliénés indigents, mais de quels aliénés indigents ? De ceux qui
appartiennent à la commune. La commune est encore tenue de porter à son budget
les frais d’entretien des indigents retenus dans les dépôts de mendicité, mais
de quels indigents ? Des indigents qui lui appartiennent et qui sont retenus dans
les dépôts de mendicité d’autres communes où ils n’ont pas droit à des secours
publics. Je vais citer un exemple :
Une commune n’a pas d’hospice, mais elle a un
indigent qui est dans un état à être mis dans un hospice. Il est placé dans
l’hospice d’une commune voisine : là on l’entretient. Mais cette commune où est
situé l’hospice ne doit pas payer pour lui. La charge retombe sur la commune à
laquelle appartient l’indigent, par sa naissance ou par sa résidence
antérieure. La commune à laquelle cet indigent appartient est obligée de
porter, à son budget, les dépenses d’entretien du malheureux placés dans
l’hospice de la commune voisine, qui n’est pas tenue de lui fournir des
aliments. Voilà l’esprit de l’article. Ce n’est pas la commune où l’indigent ou
l’aliéné passe, qui est tenue de porter à son budget les dépenses nécessaires à
son entretien. C’est la commune à laquelle appartient l’indigent ou l’aliéné
qui est obligée de porter cette dépense à son budget pour rembourser à la
commune où l’indigent ou aliéné a été retenu, les frais qu’elle a faits. Il est
libre à la commune à laquelle appartient l’aliéné ou indigent de le retirer de
l’hospice où il est retenu pour lui donner des aliments chez elle.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - L’honorable préopinant comprend
la loi comme je la comprends moi-même. Je ferai observer que c’est sur ma
demande que lors de la première discussion on a inséré dans l’article ces
derniers mots : « ou reçus dans les hospices des communes où ils n’ont pas
droit à des secours publics. »
Ma pensée a été celle-ci, que les frais d’entretien
et de traitement des aliénés indigents et ceux d’entretien des indigents
retenus dans les dépôts de mendicité devaient être supportés par la commune à
laquelle ils appartiennent ; mais que si provisoirement un insensé ou un
indigent est recueilli dans une commune à la charge de laquelle il ne se trouve
pas, dans ce cas la dépense est à la charge de la commune dans laquelle
l’indigent ou l’aliéné a droit à des secours d’après les lois existantes.
Ainsi il ne peut pas y avoir de difficultés à cet
égard. Personne de nous ne prétend qu’il faille mettre la dépense des aliénés
ou indigents recueillis dans une commune étrangère à la charge de cette commune
: celle-ci fait seulement l’avance des frais, et elle a son recours contre la
commune qui doit les supporter définitivement.
Il me semble que je dois être d’accord avec les
honorables MM. Legrelle et Dubus pour l’intelligence du mot hospices. Il
comprend les hôpitaux, les établissements d’aliénés et les établissements de
vieillards.
Je ne veux pas plus que ces honorables collègues
qu’on puisse créer arbitrairement une obligation à la charge d’une commune à
laquelle appartient le vieillard ou l’individu aliéné, en le retenant au-delà
du temps nécessaire pour informer cette commune.
Cette disposition ne présentera pas de difficulté
dans la pratique ; déjà elle reçoit son application de cette manière pour les
simples indigents. Quant un indigent est retenu dans une commune, il faut qu’on
informe la commune à laquelle cet indigent appartient pour qu’elle veille à ses
intérêts.
Il en sera de même pour les vieillards et les
aliénés ; il faudra qu’on informe la commune qui doit supporter la dépense,
afin qu’elle avise aux mesures qu’elle doit prendre.
M. Legrelle. -
Ce qui prouve que la rédaction de l’article est vicieuse, ce sont les diverses
interprétations qu’on lui a données.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - J’étais d’accord avec M. Verdussen.
M. Legrelle. - Je me rallie à
l’interprétation donnée par l’honorable M. Ernst ; il est bien entendu que dans
aucun cas une commune ne serait forcée de payer une pension viagère pour un
individu retenu dans un hospice d’une commune étrangère. On dit que c’est le
droit naturel. Mais, messieurs, tout droit naturel doit être interprété par la
loi écrite ; toute loi postérieure même, pour ne pas déroger à une loi
antérieure, ne doit pas s’écarter de ses termes.
Si on ajoutait le mot provisoirement, je crois que
tout doute serait levé.
M.
le président. - Je vais mettre les amendements aux voix.
M. Dubus. - Je pense
qu’il faudrait ajouter les mots : « du consentement du conseil
communal. »
M. Dumortier, rapporteur.
- J’appuie l’amendement de mon honorable ami ; mais il me semble qu’il faut
mettre aussi dans l’article le mot hôpitaux, parce que sans cela il pourrait
arriver que des communes se refusassent à recevoir un malade étranger dans
leurs hôpitaux.
M. Gendebien. -
Je pense aussi qu’il faut introduire le mot « hôpitaux, » parce que
si vous ne le faisiez pas, on pourrait croire que vous avez voulu déroger aux
lois existantes. Il suffit qu’un doute soit possible pour que ce soit un devoir
pour nous de le lever.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Le mot « hospices » dans la première rédaction
comprenait les hôpitaux. M. Legrelle, en présentant son amendement, voulait
restreindre la disposition aux malades ou blessés reçus dans des hôpitaux.
C’est dans ce sens qu’il a parlé. Mais on a préféré le mot hospices parce que c’est
un terme générique, qu’il comprend les établissements d’aliénés et de
vieillards aussi bien que les hôpitaux.
Je pense qu’il suffit d’ajouter le mot :
« provisoirement, » pour indiquer qu’il ne peut pas dépendre d’un
hospice d’imposer une obligation à une commune étrangère.
Cependant, si on veut ajouter le mot
« hôpitaux, » pour en finir, je ne n’y opposerai pas, quoiqu’il soit
inutile.
- Les amendements de MM.
Legrelle, Dubus, Dumortier, Mast de Vries et Lebeau, sont successivement
adoptés.
L’ensemble du paragraphe 16 est ensuite adopté dans
les termes suivants :
« Les frais d’entretien et de traitement des
aliénés indigents et ceux d’entretien des indigents, retenus dans les dépôts de
mendicité ou reçus provisoirement, du consentement du conseil communal, dans
les hospices et hôpitaux des communes où ils n’ont pas droit à des secours
publics, s’il n’est pas pourvu à ces frais par les établissements des hospices
ou de bienfaisance, et ce sans préjudice des subsides à fournir par la
province, dans les cas détermines par la loi. »
M.
le président. - Je vais mettre aux voix le paragraphe additionnel
proposé par M. Rodenbach.
M.
Dubus. - La disposition proposée par l’honorable M. Rodenbach me paraît
trop générale. Elle s’applique à tous les aveugles indigents, sans faire de
distinction d’âge. Du moment que la loi sera mise à exécution, on devra donner
l’instruction à tous les aveugles, sourds ou muets ; cependant il y en aura qui
seront hors d’état de recevoir de l’instruction. La disposition me paraît trop
générale.
M. Dumortier, rapporteur.
- Messieurs, j’approuve beaucoup le sentiment qui a porté l’honorable M.
Rodenbach à demander qu’on donnât l’enseignement aux aveugles et sourds-muets.
C’est une pensée toute philanthropique à laquelle je m’associe très volontiers.
Toutefois je ne me trouve pas suffisamment éclairé pour voter la disposition
qu’il propose. Nous ne pouvons pas introduire dans la loi une disposition semblable
sans en connaître toute la portée. L’honorable membre a dit qu’il y avait
aujourd’hui en Belgique six mille sourds-muets ou aveugles, ce qui fait deux
sourds-muets ou aveugles par commune. Comment pourrez-vous mettre une pareille
dépense à la charge des communes ? Il y en a beaucoup qui ne seront pas en état
de la supporter. Que fera la commune qui n’aura pas le moyen de porter à son
budget une somme de 4 ou 500 francs pour cet objet ? Il faudrait au moins dire
qui en cas d’insuffisance de revenus de la part de la commune, la province
interviendra. La proposition, telle qu’elle est présentée, ne peut pas être
admise.
M.
A. Rodenbach. - Je sais fort bien qu’un aveugle de 70 à 80 ans ne peut
pas exiger qu’on lui donne de l’instruction. Quant à la dépense de son
entretien, s’il est pauvre et aveugle, la commune ne peut pas se refuser à la
supporter quand les bureaux de bienfaisance ne peuvent pas le faire. La
mendicité étant défendue, il faut bien qu’on leur donne des moyens d’existence.
Je n’ai pas demandé qu’on donnât l’instruction aux 6,017 aveugles, sourds ou
muets, qu’il y a en Belgique. J’ai dit que sur ces 6,017, il y en avait 500
susceptibles de recevoir de l’instruction. De cette manière, vous les
remettriez dans la société, et vous leur donneriez les moyens de lui payer leur
dette.
Si au contraire vous les laissez dans l’ignorance,
vous aurez autant de mendiants de plus. Mon but n’est pas seulement
philanthropique, il est aussi dans l’intérêt des communes.
C’est parce que le gouvernement ne peut pas tout
faire, que je propose de mettre une partie de la dépense à la charge des
communes. Si vous examiniez le budget français, vous verriez que le
gouvernement donne des locaux et fait ensuite d’immenses sacrifices pour ces malheureux.
Il n’y a point de gouvernement qui fasse moins que le nôtre pour venir à leur
secours.
Si les ressources des communes sont insuffisantes,
les budgets des provinces y suppléeront ; et quand la province n’aura pas le
moyen de le faire, le gouvernement interviendra.
Il serait ridicule que des vieillards aveugles
vinssent demander qu’on leur donnât de l’instruction. On ne peut pas donner
cette portée à mon amendement.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Je crois devoir informer la
chambre de la manière dont les choses se passent actuellement. Quand il se
trouve un sourd-muet ou un aveugle qui par son âge fait espérer qu’on pourra
lui donner quelque instruction, on s’adresse à mon département, lorsqu’il
appartient à une famille pauvre, afin que j’intervienne au moyen du subside mis
à ma disposition, pour donner l’instruction aux pauvres sourds-muets ou
aveugles. Dans ce cas, la députation des états est consultée pour vérifier si
la famille du malheureux ne peut pas supporter ces frais d’instruction. Quand
la commune peut faire quelque chose, elle paie une partie de la somme, la
députation en fait autant et le complément est fourni par moi.
Par ce moyen, j’ai eu la satisfaction de venir au
secours de sourds-muets qui, la plupart sont entrés dans l’excellent
établissement du chanoine Triest, à Bruxelles.
L’amendement de l’honorable
M. Rodenbach ne fait que consacrer le principe de ce qui aujourd’hui s’exécute
sans difficulté.
Avant de placer un sourd-muet ou un aveugle dans un
établissement destiné à recevoir ces malheureux, l’on s’informe si d’après son
âge il est possible de lui donner l’instruction.
S’il ne s’agit que de l’entretenir comme indigent,
il est inutile de rien stipuler à cet égard dans la loi ; il tombe dans la
règle générale des indigents : la disposition n’est applicable que pour le cas
où il faut faire quelque chose pour l’instruction de l’individu.
Il est bien entendu que la commune ne sera tenue à
la dépense que pour autant que ses ressources le lui permettront. On suivra les
principes généraux qui ont été invoqués tantôt ; le conseil provincial
subviendra en premier lieu à l’insuffisance des ressources communales, le
gouvernement ensuite.
M. Dubus. - Je
crois qu’il serait utile, surtout d’après l’amendement que nous venons de voter
au numéro, d’ajouter à la proposition de M. Rodenbach : « sans préjudice
des subsides à fournir par la province ou par l’Etat, lorsqu’il sera reconnu
que la commune n’a pas le moyen d’y pourvoir sur ses ressources ordinaires. »
Cette adjonction se rapportera à ce qui se pratique
actuellement.
M. A. Rodenbach.
- Je me rallie à l’amendement de M.
Dubus.
- L’amendement de M. Dubus est mis aux voix et
adopté.
Paragraphes
17 et 18
« 17° Les frais d’entretien des enfants
trouvés, dans la proportion déterminée par la loi. »
« 18° Les dépenses de la voirie communale et
des chemins vicinaux, des fossés, des aqueducs et des ponts, qui sont
légalement à charge de la commune. »
- Adopté.
L’ensemble de l’art. 58 est mis aux voix et adopté.
Article 59
« Art. 59. Lorsqu’une des dépenses
obligatoires intéresse plusieurs communes, elles y concourent toutes
proportionnellement à l’intérêt qu’elles peuvent y avoir ; en cas de refus ou
de désaccord sur la proportion de cet intérêt et des charges à supporter, il y
est statué par la députation provinciale, saut recours au Roi.
« Si néanmoins l’objet se rapportait à des
provinces différentes, il sera statué par le Roi. »
M. Dubus. - Je
ferai remarquer qu’il y a une lacune dans cet article.
Il peut y avoir des dépenses obligatoires entre
plusieurs sections de commune. Les dépenses peuvent excéder les ressources et
nécessiter une répartition entre les habitants. Je ne trouve rien dans la loi
qui détermine de quelle manière cette répartition s’opérera.
C’est un objet d’une
importance très grande. Un de mes honorables collègues m’a communiqué une
lettre d’un fonctionnaire municipal du Luxembourg, qui se plaint de ce que l’on
a changé dans sa province le mode de répartition des dépenses qui intéressent
toutes les sections d’une commune, de telle sorte qu’il y a l’inégalité la plus
révoltante dans la cotisation des individus d’une même fortune qui habitent les
diverses sections d’une commune.
La base adoptée jusqu’à présent était celle des
ressources des habitants des diverses sections, de sorte que les sections où il
y a le plus d’habitants en état de payer étaient celles qui supportaient la
plus forte part.
Voici que l’on vient d’exhumer une disposition
approuvée en 1822 par le roi Guillaume, d’après laquelle la population des
sections doit être prise pour base de la répartition. Il s’ensuit qu’une
section qui a une population plus forte, mais composée d’indigents, paie plus
qu’une section numériquement plus faible, mais composée en plus grande partie
de gens fortunés.
L’on avait tellement
reconnu que cette disposition était impraticable que, depuis 1822, elle n’avait
pas reçu d’application. C’est en 1836 qu’on veut l’exécuter. Il en est résulté
que trois individus de trois sections différentes qui auraient la mêmes fortune
paieraient, l’un fr. 1 65, l’autre 14 90, le troisième 19 45.
Il me semble, messieurs, que si, en prenant des
bases différentes, on peut arriver à des résultats si différents, à des
inégalités aussi choquantes, il y a lieu de prévoir ce cas dans la loi et de
déterminer comment on procédera pour la répartition entre les sections d’une
manière uniforme et permanente.
Je désirerais que M. le ministre nous dît s’il ne
reconnaît pas aussi qu’il est convenable de prévoir ce cas et de l’insérer dans
la loi communale.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois que ce qui se pratique actuellement
dans la province du Luxembourg, où il existe des sections de communes qui ont
des intérêts particuliers et qui ont cependant une administration commune,
c’est que les dépenses générales se font comme s’il n’y avait qu’une seule
commune et que les sections doivent supporter leurs charges particulières comme
elles jouissent de leurs propriétés particulières, Mais s’il y a des propriétés
communes à toutes les sections, il faudra appliquer la disposition de
l’article.
M. Berger. - Je
crois que s’il n’y a pas de difficulté sur les règlements existants, l’on
pourrait s’en rapporter tout uniment au conseil communal pour la répartition de
ces dépenses.
Comme l’honorable M. Dubus l’a fort bien fait
observer, il existe des règlements, entre autres un règlement pour la province
de Luxembourg, par lequel les dépenses de la commune sont réparties entre les
habitants des différentes sections, de telle manière que les pauvres paient
autant que les riches. Il me semble que si tous les habitants d’une commune
représentent une même famille, l’on doit leur appliquer ce principe que chacun
doit contribuer aux dépenses communes suivant ses ressources.
Quant aux dépenses à faire
dans l’intérêt particulier de chaque section, rien de plus juste que de lui
faire supporter sa propre dépense.
Il conviendrait de lever tout doute à cet égard
dans la loi. C’est dans ce sens que je proposerai le paragraphe suivant :
« Quant aux communes composées de différentes
sections, le conseil communal répartit entre elles les dépenses communes
suivant l’intérêt et l’état de fortune de chacune de ces sections. »
Ce paragraphe prévoirait toutes les difficultés,
car il s’en suivrait que chaque section devrait mettre à sa charge ses dépenses
particulières.
Je voudrais soumettre, dans tous les cas, la
répartition à faire par le conseil communal à l’approbation du conseil
provincial. Je crois qu’une autre rédaction parerait à tous les inconvénients
et ne laisserait pas de doute sur l’existence ou la non-existence des règlements
jusqu’ici en vigueur. Sans cette déclaration, dans la province de Luxembourg,
on continuerait à répartir les dépenses entre les sections des communes,
d’après la population, base qui frappe réellement le pauvre plus que le riches
et dont les conséquences sont les plus injustes.
M.
le président. - Voici l’amendement déposé sur le bureau par M. Berger :
« Quant aux communes composées de différentes sections, le conseil communal
répartit entre les sections, suivant l’intérêt et la fortune présumée de
chacune de ces sections. Cette répartition est soumise à l’approbation du
conseil. »
M. Dubois. - Je
crains que l’amendement ne présente des inconvénients. Il dit :
« Suivant l’intérêt et la fortune présumée de
chacune de ces sections. »
Il pourrait y avoir des sections pauvres ;
cependant une section pauvre peut contenir des habitants riches ; et d’après
cette observation je proposerai la modification que voici à l’amendement :
« Suivant l’intérêt et la fortune présumée des
habitants de chacune de ces sections. » Alors il ne s’agira plus des
sections, mais de leurs habitants.
M.
Berger. - C’est là ma pensée.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense que ni l’une ni l’autre
rédaction ne sauraient être adoptées, car cette disposition aurait
véritablement pour résultat de fractionner toutes les communes du royaume. Il
n’y a qu’un intérêt ; l’amendement introduirait un principe de division. Ainsi,
pour un cas particulier vous renverseriez un principe général. Ce n’est pas de
cette manière qu’il faut procéder. Il vaudrait mieux dire que les règlements
provinciaux sur la matière seront révisés dans un délai déterminé, et soumis à
l’approbation du Roi. Il serait dangereux de procéder autrement. En conséquence
je présenterai l’amendement suivant :
« Les règlements provinciaux relatifs à la
répartition des charges communales entre diverses sections ayant des revenus ou
des charges spéciaux, et dont les intérêts ne sont pas confondus, seront
révisés, dans le délai de deux ans, par les conseils provinciaux, après avoir
pris l’avis des conseils communaux, et soumis à l’approbation du Roi. »
M. Dubus. - L’amendement de M. Berger n’est
connu que pour les communes où il existe plusieurs villages réunis en une même
commune ; c’est ce qui a lieu dans tout le plat pays du Luxembourg, à un très
petit nombre d’exceptions près : là, il n’existe, en effet, de communes que par
la réunion de deux ou trois villages. Chacun de ces villages a un intérêt
séparé et réunis ; ils ont une administration commune. Pour cette
administration commune, il faut bien faire une répartition. Voulez-vous que
l’amendement de M. Berger ne s’applique qu’à ce cas, dites : « Lorsqu’il y
aura lieu à faire une répartition entre plusieurs sections… » Au moyen de
cette modification, l’amendement de M. Berger, dont on n’attaque pas le principe
ne présenterait plus d’inconvénient.
Le ministre se borne à y substituer une disposition
qui renvoie aux conseils provinciaux, lesquels reverront les règlements sur la
matière. Mais si la règle proposée par M. Berger est l’une de celles qu’il
faudra appliquer, il ne faut pas retarder cet acte de justice, et continuer un
état de choses dont on se plaint chaque jour.
M. Berger. - Le but
principal de mon amendement était de faire sentir les vices existants, et d
appeler l’attention du gouvernement sur un tel état de choses. Dans ma province
la répartition se fait entre les sections par tête, de sorte que le pauvre paie
autant que le riche, ce qui est une injustice.
Les règles que mon amendement établit peuvent être
appliquées dans toutes les circonstances. Je demande que la répartition entre
les sections ait lieu en ayant égard à leurs intérêts et à leur fortune. Quels
que soient les règlements que feraient les états provinciaux, ils ne pourraient
déroger à ce principe. Ainsi, mon amendement change sans embarras un état de
choses mauvais, en y substituant un état de choses de beaucoup meilleur.
M. d'Hoffschmidt.
- L’amendement de mon honorable ami M. Berger pourrait s’appliquer à beaucoup
de communes ; mais pour d’autres, par exemple pour celles qui possèdent des
biens et bois communaux, il pourrait rencontrer des difficultés, parce que dans
ces dernières communes les revenus étant répartis par famille entre les
habitants, certaines dépenses telles que celles relatives aux traitements des
vicaires, frais de procédures relatives aux biens communaux, doivent aussi se
répartir par tête ou plutôt par famille. Quant aux frais d’administration et
autres frais concernant toute la commune, les répartitions s’en font en général
sur la fortune présumée de tous les habitants de la commune, sans faire de
distinction entre les diverses sections qui la composent, et ce mode de
répartition est suivi dans à peu près tout le Luxembourg, le règlement cité qui
est celui de 1822 ne s’y opposant pas.
Je crois donc que l’amendement que vient de
proposer M. le ministre de l’intérieur, et qui tend à laisser régler le point
en discussion par les conseils provinciaux, doit avoir la préférence sur celui
de M. Berger ; il est sage de laisser à ces corps le soin de faire tous les
règlements que leur position les met à même de faire conformément aux vrais
intérêts de la province ou de la commune.
(Addendum
inséré au Moniteur belge n°65, du 5 mars 1836 :) - L’amendement de M.
Berger, mis aux voix, n’est pas adopté.
Celui présenté par M. le ministre de l’intérieur
est adopté.
L’ensemble de l’art. 59 est mis aux voix et adopté.
PROJET DE LOI RELATIF À UN TRAITE DE NAVIGATION ET DE COMMERCE AVEC LE
BRESIL
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere) présente un projet de loi
tendant à ce que le traité de navigation et de commerce conclu entre l’empire
du Brésil et le ci-devant royaume des Pays-Bas en 1828, rendu applicable au
royaume de Belgique, sorte son plein et entier effet.
- Ce projet de loi et l’exposé de ses motifs,
paraîtront dans le Moniteur.
La chambre donne acte à M. le ministre des affaires
étrangères de la présentation de ce projet de loi et de l’exposé de ses motifs
et en ordonne l’impression, la distribution aux membres et le renvoie à
l’examen des sections.
PROJET DE LOI PORTANT
ORGANISATION DES COMMUNES
Discussion des articles
Chapitre VII. - De l’administration des biens
et revenus de la commune
Section première. - Des charges et dépenses
communales
M. le président. -
La chambre reprend la discussion du projet de loi d’attributions communales.
« Art. 60. Dans tous les cas où les conseils
communaux chercheraient à éluder le paiement des dépenses obligatoires que la
loi met à leur charge, en refusant leur allocation en tout ou en partie, la
députation provinciale, après avoir entendu le conseil communal, portera
d’office la dépense au budget communal dans la proportion du besoin.
«Si le conseil municipal alloue la dépense, et que
la députation permanente la rejette ou la réduise, ou si la députation,
d’accord avec le conseil municipal, se refuse à l’allocation ou n’alloue qu’une
somme insuffisante, il y sera statué par un arrêté royal. »
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Comme je l’ai annoncé hier, je
proposerai une addition au premier paragraphe de l’article, paragraphe qui
alors se terminerait ainsi :
« Le conseil communal pourra réclamer auprès du
Roi, s’il se croit lésé. »
M. Dubus. - Je
remarque dans le premier paragraphe de l’article, en le comparant avec celui
adopté au premier vote, un changement de rédaction, en ce qui touche
l’obligation de la députation provinciale d’entendre le conseil communal.
L’ancienne rédaction portait : « La députation provinciale, après avoir
entendu de nouveau le conseil communal, portera la dépense au budget,
etc. » Les mots « de nouveau » rendaient l’idée que la
députation ne pourrait pas se contenter de la délibération du conseil pour
omettre une dépense, mais qu’avant d’imposer cette dépense à la commune, elle
devait s’adresser au conseil et provoquer de sa part une nouvelle délibération.
Maintenant on retranche les mots « de
nouveau. » Résultera-t-il de là que la députation provinciale pourra, sans
provoquer de nouvelles explications, et sur le seul vu du budget, imposer
d’office la dépense ?
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - C’est par erreur que les mots « de
nouveau » n’ont pas été reproduits, c’est parce qu’ils ne se sont pas
trouvés dans les amendements adoptés. Je dis que l’amendement est inutile,
parce qu’il se trouve évidemment dans la pensée de l’article. Mais si on trouve
qu’il présente de l’obscurité, je ne m’oppose pas à ce qu’on ajoute les mots «
de nouveau. »
M. Dubus. - Je
crois que l’explication qui vient d’être donnée suffira pour qu’il n’y ait pas
de doute sur le sens de l’article.
- L’art. 60 avec l’addition proposée par M. le
ministre de l’intérieur au premier paragraphe de cet article est adopté
paragraphe par paragraphe et dans son ensemble.
Disposition additionnelle
M. Fallon. - Nous
venons de discuter le chapitre VI, qui a pour objet de régler les dépenses
obligatoires. Nous avons avisé au moyen de les faire comprendre dans le budget.
Si une dépense obligatoire n’est pas comprise dans le budget, je conçois que la
députation des états peut d’office insérer la dépense dans le budget. Mais cela
ne suffit pas ; car je suppose qu’une commune établisse la balance entre ses
recettes et ses dépenses, et qu’elle n’ait pas compris dans le budget une
dépense obligatoire. Si la députation porte cette dépense dans le budget,
évidemment cela ne suffit pas ; car il faut en outre satisfaire à la dépense,
et je n’en vois pas le moyen.
Un
membre. - Voyez l’art. 74.
M.
Fallon. - L’art. 74 porte :
« Art. 74. Dans le cas où il y aurait refus ou
retard d’ordonnancer le montant des dépenses que la loi met à la charge des
communes, la députation, après avoir entendu le conseil communal, en délibère
et ordonne, s’il y a lieu, que la dépense soit immédiatement soldée.
« Cette décision tient lieu de mandat, et le
receveur de la commune est tenu, sous sa responsabilité personnelle, d’en
acquitter le montant. »
Ainsi cet article ne contient pas la solution de la
difficulté.
D’un autre côté on a omis de veiller à ce que les
communes ne puissent pas se mettre à l’abri de l’exécution par jugement. Que
fera-t-on lorsqu’une condamnation aura été prononcée à la charge d’une commune,
et lorsque le conseil n’aura pas porté au budget le montant de la condamnation
? La députation portera cette dépense au budget, parce qu’elle est obligatoire.
Mais si le conseil communal ne donne pas avis à la députation qu’une
condamnation a été prononcée à la charge de la commune, comment la députation
saura-t-elle si elle doit porter au budget le montant de la condamnation ?
D’un autre côté comment pourra-t-on exécuter le jugement, à moins qu’on ne
donne le droit de saisie-arrêt sur la caisse communale ? Et je ne crois pas que
ce soit l’avis de M. le ministre. Il faudrait donc pourvoir au moyen d’exécuter
les condamnations à la charge de la commune ; car la loi n’offre pas ce moyen.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- A la vérité il n’y a pas un moyen absolu de créer des ressources aux communes.
Mais les communes ont une ressource considérable dans les centimes additionnels
aux contributions directes.
Les communes ont différentes sources de revenus.
Les dépenses obligatoires seraient payées en premier lieu. L’art. 74 permet à
la députation provinciale de mandater les dépenses obligatoires.
Dans la pratique, la disposition de l’article 74
suffirait, pour payer ces dépenses.
Il y aurait cependant un moyen de pourvoir aux vœux
de l’honorable préopinant, ce serait d’autoriser la députation provinciale,
sous l’approbation du gouvernement, de créer des ressources aux communes pour
l’acquittement de leurs dépenses obligatoires. Ces ressources devraient
consister dans une imposition personnelle ou toute autre taxe en usage dans la
commune.
Dans les villes, cela ne peut souffrir de
difficultés. Les revenus de l’octroi et les centimes additionnels seront plus
que suffisants.
Dans les communes rurales, si l’on voulait pousser
jusqu’à leurs dernières conséquences les moyens d’exécution, il faudrait autoriser
la députation provinciale à imposer des taxes municipales à l’acquittement des
dépenses obligatoires.
En second lieu, quant à l’autre observation, nous
sommes d’accord en principe qu’il ne faut pas qu’un créancier puisse
bouleverser l’administration de la commune. Mais le créancier peut s’adresser à
la députation ou au gouvernement qui fera liquider sa créance sur les fonds
existants dans les communes.
M. Lebeau. - Je ne
sais pas si les observations de l’honorable M. Fallon ne trouveraient pas mieux
leur place à l’art. 74.
C’est cet article qui donne les moyens de faire
exécuter les dispositions de la loi relatives aux dépenses obligatoires.
Du reste je ne pourrais appuyer les observations de
l’honorable membre. Certes nous devons porter un grand respect à
l’administration communale dans la sphère de ses intérêts administratifs. Mais
il est un pouvoir non moins respectable, c’est le pouvoir judiciaire.
Dans l’état de la législation les particuliers
porteurs des arrêts d’une cour souveraine peuvent se trouver, par l’inertie de
la commune et par l’impuissance où la loi laisse le gouvernement, dans la
position la plus fâcheuse.
Il faut que quand la justice commande, elle soit
obéie par les particuliers, mais aussi par les administrations quelles qu’elles
soient. Véritablement il y a ici une lacune à combler.
Je conviens avec M. le
ministre de l’intérieur que le cas prévu par l’honorable M. Fallon se
présentera très rarement. Mais il suffit qu’il puisse se présenter au préjudice
d’un particulier pour que l’on obvie à cette éventualité.
Je sais bien que le porteur
d’un arrêt pourrait s’adresser, par suite du refus de la commune condamnée, à
la députation provinciale qui ne lui ferait pas faute.
Je sais que la députation pourrait rayer du budget
communal un assez grand nombre de dépenses facultatives, en disant à la commune
qu’elle ne les approuvera pas avant qu’elle n’ait satisfait aux dépenses
imposées par la loi.
Je répète que je ne sais pas si M. Fallon ne
devrait pas ajourner ses observations jusqu’à la discussion de l’art. 74. C’est
là qu’elles trouveraient leur véritable place. Mais si l’on ne croit pas qu’il
y ait lieu d’admettre cet ajournement, je demande qu’une proposition soit rédigée
; non pas que je m’exagère l’importance d’une pareille disposition, mais par
cela seul qu’elle sera insérée dans la loi, elle fera un très grand bien. Elle
prouvera aux communes que toute résistance de leur part et toute envie de se
soustraire à des obligations imposées par des dispositions contraires, serait
vaincue.
L’inutilité même de la résistance la préviendra, et
vous éviterez ainsi de fâcheux conflits,
M. Dumortier, rapporteur.
- L’observation de l’honorable M. Fallon est d’une haute importance.
Il ne résulte d’aucun texte de la loi que la
députation provinciale puisse majorer ni diminuer les dépenses communales quand
elles ont été votées par les communes.
La commune aura la gestion de ses intérêts, sans
que la députation puisse ni majorer ni diminuer ses dépenses facultatives.
Quant aux dépenses obligatoires, il convient que la
députation provinciale puisse les modifier comme elle le juge utile. Mais, dit
l’honorable M. Fallon, qu’arrivera-il si la commune refuse de payer une dépense
obligatoire ?
En refusant de porter à son budget une dépense
obligatoire, elle n’aura pas manqué de faire balancer ses recettes et ses
dépenses.
Comme ces dépenses se composent de dépenses
obligatoires et facultatives, la députation ne pouvant que modifier les
dépenses obligatoires, mais n’ayant pas d’action sur les dépenses facultatives,
il en résultera que les dépenses obligatoires, non portées au budget communal,
ne pourront être payées.
M. le ministre de l’intérieur répond à cela : Il
faudra autoriser la députation provinciale à établir des taxes dans la
localité. Mais c’est armer la députation pouvoir énorme. Cependant, dans le cas
de condamnation, il faut bien qu’il soit fait droit aux arrêts de la justice.
C’est le cas d’examiner ici
la question : elle ne trouverait pas sa place à l’art. 74 qui n’est relatif
qu’aux moyens coercitifs pour forcer le paiement lorsque la dépense aura été
admise.
Il faut bien qu’il y ait de l’argent dans la caisse
communale pour faire droit à la condamnation judiciaire. C’est cet argent qu’il
faut trouver. Nous nous occupons en ce moment des dispositions qui introduisent
de l’argent dans la caisse communale.
J’avais proposé dans la section centrale de donner
à tout particulier le même droit contre la commune elle-même que contre tout
particulier dans le cas de condamnation judiciaire ; c’est-à-dire qu’à
l’exception des propriétés destinées à un usage public, il pût avoir droit
d’expropriation sur les immeubles appartenant à la commune.
M. Lardinois. -
Mais si elle n’a rien ?
M. Dumortier, rapporteur.
- Là où il n’y a rien, le Roi perd son droit. La section centrale n’a pas
partage mon avis. Elle a cru qu’une telle disposition présenterait des
inconvénients. Il me semble que si elle était introduite dans la loi, les
communes ne se refuseraient jamais au paiement des dépenses obligatoires.
Il serait utile de joindre cette disposition à
l’article adopté. Mais il faudrait la renvoyer à demain. Car elle serait
difficile à improviser.
M. Fallon. - Nous
devons combler une lacune qui existe dans la loi et que j’ai signalée. M. le
ministre de l’intérieur a dit qu’il croyait qu’il arrivera rarement que les
communes n’aient pas les moyens de payer les dépenses obligatoires.
Je connais beaucoup de communes dont les ressources
sont trop restreintes pour leur permettre de faire autre chose que des dépenses
obligatoires.
Leur budget se trouvera balancé, et si une dépense
obligatoire a été omise et que les ressources de la commune ne suffisent qu’à
payer celles portées au budget, quel moyen la députation aura-t-elle pour faire
payer la dépense obligatoire omise ?
L’on paiera cette dépense
en premier lieu, dira-t-on. Mais il y aura toujours en définitive une dépense
qui ne sera pas couverte.
Quel moyen introduire dans la loi ? Je n’ai pas de
système à cet égard. J’attendrai que M. le ministre veuille bien me faire
connaître le sien.
Voici comment les choses se passaient en France
sous la législation de l’an X.
Quand un conseil refusait de satisfaire à une
condamnation prononcée à charge de la commune, l’empereur décidait en conseil
d’Etat, en ordonnant une contribution de centimes additionnels sur le montant
de toutes les contributions de la commune, jusqu’à concurrence de la
condamnation judiciaire. Le produit de cette contribution était retenu par les
percepteurs. Le chef de l’Etat ordonnait qu’il serait satisfait à la
condamnation judiciaire par 1/7 chaque année.
Je ne pense pas qu’on puisse se conduire de cette
manière devant le pouvoir judiciaire. Une fois qu’il a prononcé, il faut qu’on
satisfasse à sa décision.
Voici la disposition que je trouve dans la loi
française : « Dans le cas où un conseil municipal refuserait de satisfaire à
une condamnation judiciaire, si les revenus de la commune n’offraient pas de
ressources suffisantes il pourrait y être pourvu au moyen d’une contribution
extraordinaire imposée par ordonnance du Roi. »
Cette disposition peut-elle s’associer à
l’organisation judiciaire sous notre régime constitutionnel ?
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Les questions qu’on vient de soulever
sont d’une très grande portée et méritent les honneurs d’une loi spéciale et
d’un examen approfondi. Ce sont les questions les plus délicates qu’on puisse
soutenir en fait d’organisation communale. Je préférerais qu’on les ajournât
pour en faire l’objet d’une loi ; on aurait ainsi le temps de les mûrir et on
serait sûr de les résoudre en connaissance de cause.
M. Fallon. - Je
demanderai si M. le ministre se propose de présenter un projet de loi ; sans
cela je demanderais le renvoi à la section centrale chargée de l’examen de la
loi communale, pour proposer une disposition quelconque.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ferai de la question soulevée par l’honorable M. Fallon l’objet d’un
examen particulier. Je ne prends pas l’engagement de présenter un projet de
loi. L’honorable membre est à même de présenter ce projet aussi bien que moi ;
cependant je ne décline pas la responsabilité de la présentation d’un projet,
si, après avoir examiné la question, je le crois nécessaire.
M. Fallon. - En
général, je n’aime pas à prendre l’initiative sur le gouvernement pour
présenter des projets de loi ; cependant si le ministre renonce à en présenter,
je prendrai sur moi de le faire.
M.
Legrelle. - Il résulte de l’article 60 que nous venons de voter que,
hors les dépenses obligatoires, les dépenses portées au budget de la commune
doivent rester telles qu’elles ont été arrêtées par le conseil communal. Je
désire qu’on ne laisse aucun doute sur la portée de cet article ; car si on
contestait l’interprétation que je viens de lui donner et qui, je crois, est la
seule, je proposerais une disposition additionnelle.
M. Dumortier, rapporteur.
- Messieurs, c’est un principe constitutionnel que la question des intérêts
exclusivement communaux appartient à la commune. La députation des états a
l’approbation des budgets et des comptes, pour veiller à ce qui, dans les
communes, touche à l’intérêt général, et on satisfait à tout en la faisant
intervenir dans les cas des dépenses obligatoires. Si la commune néglige de
porter quelques-unes de ces dépenses à son budget, la députation provinciale
les y portera d’office.
Si la commune n’a pas porté une somme suffisante,
la députation la majorera jusqu’à concurrence de la somme nécessaire. Mais
quant aux dépenses exclusivement communales, celles qui ne sont pas
obligatoires, il appartient au conseil communal seul de les fixer. Il n’existe
aucun texte en vertu duquel la députation puisse y apporter un changement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il est clair que, excepté les dépenses obligatoires, jamais la députation ni
le gouvernement ne peuvent majorer une dépense ni en introduire de nouvelles.
Mais puisque la députation a l’approbation du budget il est clair aussi que si
la commune porte à son budget une dépense au-dessus de ses ressources la
députation peut rejeter le budget.
M. Dumortier, rapporteur.
- La députation et le gouvernement, en qui concerne les dépenses facultatives,
ne peuvent que rejeter le budget et non le refaire. Ils ne peuvent ni augmenter
ni réduire ces dépenses.
M.
Lebeau. - J’ai demandé la parole pour protester contre l’étrange
doctrine qui vient d’être émise.
M. Dumortier, rapporteur.
- Je voudrais savoir comment vous interprétez cette disposition.
M.
Lebeau. - Ceux qui seront chargés d’exécuter la loi donneront sous leur
responsabilité l’interprétation que le bon sens leur suggérera.
A entendre l’honorable préopinant, un conseil
communal sous l’influence d’un bourgmestre lui allouera un traitement hors de
toute proportion, quadruple de ce qu’il doit être, et la députation ne pourra
pas le réduire ! La députation fera ce que fait la chambre : quand elle
trouvera l’ensemble du budget mal ordonné, elle le rejettera en entier ; quand
elle trouvera la dépense ruineuse pour la commune, elle la restreindra, elle
fera ce qu’elle a toujours fait. Mais jamais la volonté de la province ne
pourra se substituer pour les dépenses facultatives à la volonté de la commune,
elle ne pourra jamais augmenter ces dépenses d’un centime.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - La garantie que le député de Tournay
demande pour que les communes ne puissent pas être entraînées quand elles
veulent faire des dépenses utiles se trouve dans l’article 3 qui, en cas de
refus d’approbation de la part de la députation, autorise les communes à
recourir au Roi.
Mais on ne pourra jamais admettre que la députation
doit approuver les budgets de communes, sans jamais pouvoir diminuer les
dépenses facultatives.
M. Dumortier, rapporteur.
- Il y a véritablement quelque chose de curieux dans cette discussion. Tout à
l’heure tout le monde disait qu’on était d’accord que la députation ne pourrait
intervenir dans le budget des communes que pour les dépenses obligatoires, et
maintenant voilà qu’on conteste ce principe.
L’honorable M. Lebeau vous dit : « Comment !
une régence pourra allouer un traitement déraisonnable à un bourgmestre, et la
députation ne pourra pas le réduire. » Je lui répondrai que ce cas est prévu
par la loi. Si les communes dépassaient pour ces traitements les limites que la
loi trace, la députation les réduirait, rien de plus juste. Pourquoi ? Parce
que c’est une dépense obligatoire et qu’elle est arrêtée de commun accord entre
la commune et la députation provinciale. Mais quand il s’agira de faire une
dépense locale, pour laquelle toutes les formalités prescrites par la loi
auront été remplies, la députation ne pourra ni majorer ni réduire la somme
portée au budget par le conseil communal.
J’entends MM. Lebeau et le ministre de l’intérieur
qui admettent en principe que la députation ne peut pas majorer, et prétendent
d’un autre côté qu’elle peut réduire. Je dis que si la députation a le pouvoir
de porter la main sur une dépense purement facultative pour la diminuer, elle
peut le faire également pour la majorer.
L’art. 110 dit qu’aucune charge ou imposition
communale ne peut être établie que du consentement du conseil communal, et l’article
31 porte en termes exprès que les intérêts purement communaux et provinciaux
seront réglés par les conseils communaux et provinciaux. La constitution vous
impose l’obligation de laisser à la commune le soin de régler ses intérêts
exclusivement communaux.
L’honorable membre dit que
les choses se sont passées jusqu’aujourd’hui suivant l’interprétation qu’il
donne à la loi. Cela est vrai. Mais pourquoi les choses se sont-elles passées
ainsi ? Parce qu’on se trouvait sous l’empire de dispositions qui le
permettaient, parce que la loi communale n’avait pas été faite, parce que les
principes de la constitution n’étaient pas organisés. Il en est de même de la
publicité des séances des conseils et de la nomination des chefs des
administrations communales et provinciales par le Roi. Jusqu’ici, le Roi n’a
pas eu la nomination des chefs des administrations communales, et la publicité
des séances des conseils n’existe pas, parce que les principes organiques
établis par l’article 108 de la constitution n’ont pas été organisés. Mais, le
jour où ils le seront, il faudra que les principes aient leur plein et entier
effet.
Mais je ne vois aucune disposition ni dans la loi
communale, ni dans la constitution, qui autorise la députation à refaire les
budgets communaux. C’est les refaire que de diminuer des dépenses que la
commune a cru devoir faire dans son propre intérêt. Si cela pouvait être admis,
il faudrait supprimer l’article de la constitution qui dit que les intérêts
exclusivement communaux sont gérés par la commune, parce que ce serait la
députation qui gérerait ces intérêts.
Lorsqu’il s’agit de dépenses obligatoires que la
loi a mises à la charge de la commune, la députation provinciale est dans son droit,
soit pour majorer, soit pour porter la dépense au budget quand elle n’y a pas
été portée. Mais quand il s’agit de dépenses communales, la députation n’a
qu’une seule chose à faire, c’est d’adopter on de rejeter en totalité.
M.
Dubus. - Messieurs, cette question me paraît réellement importante, et
je ne présenterai qu’un seul exemple pour faire apprécier les conséquences
auxquelles conduirait le système du ministre de l’intérieur.
La députation provinciale examine le budget d une
commune ; elle trouve des dépenses facultatives à la commune qui lui paraissent
excessives ; elle renvoie le budget ; le conseil communal prend en
considération les raisons de la députation, et modifie son budget : je conçois
cela ; la députation use de son droit constitutionnel, celui de refuser,
Mais l’autre système me paraît heurter de front la
constitution.
Je suppose qu’il s’agisse d’une entreprise pour
laquelle une somme modique serait de l’argent mal placé. Le conseil communal
propose 10,000 fr. dans son budget ; la députation réduit l’article à 5,000
fr., dont l’emploi serait alors en pure perte ; cependant le bourgmestre et les
échevins pourraient faire cette dépense malgré le conseil ; eh bien, je dis que
c’est là heurter de front la constitution qui veut que toute dépense soit votée
par le conseil communal, car ici la dépense aurait été votée réellement par la
députation.
Mais, dira-t-on, le conseil des bourgmestre et
échevins pourra ne pas faire la dépense. Soit ; mais il pourra aussi la faire.
Je crois que la députation n’a que le droit
d’adopter ou de rejeter les articles du budget communal ; qu’elle ne peut les
amender, puisqu’elle ne peut voter les dépenses communales. On ne peut me
contester cette conséquence.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- On raisonne dans des hypothèses qui ne se présenteront jamais. Comment
supposer qu’une députation des états soit assez absurde pour réduire à 5.000
fr. une dépense qui en exige 10,000 fr. ; et qu’un collège des bourgmestre et
échevins soit également assez absurde pour mettre à exécution cette
réduction ? Si ce cas se présentait, le conseil communal a un moyen simple
pour résoudre la question : il faut qu’il s’adresse au Roi ; qu’il montre que le
conseil provincial, en réduisant sa dépense, a introduit un article
préjudiciable à sa commune ; bien certainement le gouvernement admettra la
réclamation du conseil de la commune, réformera la décision de la députation
des états.
Il faut considérer les choses comme elles se
passent dans la pratique, et non imaginer des hypothèses qui ne se réalisent
jamais.
M. Dubois. - Je ne
vois dans la constitution aucun texte qui s’oppose à ce que le conseil
provincial contrôle chaque article du budget communal. M. Dumortier a demandé
quel texte de loi permettait de contrôler des articles spéciaux ; eh bien, nous
lui dirons que nous trouvons à l’art. 3, paragraphe 7 de la constitution, que
les conseils provinciaux doivent contrôler les dépenses communales et les
moyens d’y pourvoir : or, on ne peut contrôler des dépenses qu’en les examinant
article par article.
Ce contrôle n’entraîne aucun inconvénient ;
l’expérience l’a prouvé, car il n’est point une chose nouvelle ; la
constitution ne s’oppose pas à ce qu’il soit continué, et je crois qu’il est
important de suivre la marche que l’on a suivie jusqu’ici.
M.
Legrelle. - Je n’ai jamais contesté à la députation provinciale le
droit d’examiner les budgets communaux ; mais autre chose est d’approuver les
budgets ou de les diminuer. Pour les augmentations de dépenses, elles ne
peuvent être ordonnées ; c’est un point sur lequel nous sommes tous d’accord ;
le ministre lui-même en fait la déclaration. Il ne s’agit ici que de diminution
de dépenses ; or, je ne pense pas qu’il soit loisible aux états de changer les
articles d’un budget municipal par des diminutions. Voilà cependant ce qui
s’est pratiqué sous le régime actuel, et c’est contre une telle pratique que je
me suis élevé. Je crois que les états peuvent faire des observations sur les
articles, les rejeter même ; mais là se bornent leurs droits.
J’espère que, sous la loi nouvelle, ce qui s’est
fait ne se renouvellera plus, et que les députations des états se renfermeront
strictement dans leurs droits.
M. Dubois. - Vous
ne contestez pas le principe que les états députés doivent contrôler les
budgets. Quand ils font des diminutions, ce n’est pas sans consulter les
communes. Au reste, si les états députés ne veulent pas approuver un budget, la
commune peut s’adresser au Roi. Voilà pour elle une garantie. Les dispositions
de la loi sont ce qu’elles doivent être.
M. Dumortier, rapporteur.
- Aux termes de la loi, telle qu’elle est formulée, aucune disposition
n’autorise la députation provinciale à apporter des changements à un budget
communal.
Si vous admettez que la députation provinciale
puisse faire ainsi des réductions sur les dépenses des communes, il faut
admettre qu’elle a droit d’amender toutes les décisions prises par la commune.
Ainsi, quand le conseil municipal aura fait un règlement, il faut admettre que
la députation permanente peut changer ce règlement.
Ainsi, s’agira-t-il d’une vente, il faudra que la
députation approuve que la vente soit faite à telle personne.
M.
Lebeau. - Ah !
M. Dumortier, rapporteur.
- Il n’y a pas de « ah ! » C’est incontestable. Si vous admettez que
la députation provinciale ait une intervention dans les actes du conseil, alors
tous ses actes rentreront dans le domaine de la députation. Lorsqu’il s’agira
d’une vente, d’un échange, d’une répartition du mode de jouissance, de la
reconnaissance de l’ouverture d’un chemin vicinal, etc., alors il faudra non
seulement que la députation approuve ou rejette, mais qu’elle répartisse de
telle ou telle manière, de telle sorte qu’elle finira par gérer tous les
intérêts de la commune.
Il faut reconnaître qu’il y a une grande différence
entre l’état actuel et celui consacré par l’ancienne loi fondamentale. D’après
l’ancienne loi fondamentale, la députation des états avait le droit de changer
le budget communal, tandis qu’aujourd’hui, en vertu de la constitution, les
attributions des conseils communaux et provinciaux sont maintenues jusqu’à la
loi d’organisation. Mais, du jour où la loi d’organisation est exécutoire, ces
dispositions cessent ; alors la constitution reçoit ses effets ; et, aux termes
de la constitution, les intérêts exclusivement communaux sont gérés par les
conseils communaux.
Vous ne devez donc pas insérer dans la loi une
nouvelle disposition ; celles qui y sont suffisantes.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ne dirai qu’un mot. L’honorable préopinant trouve la loi claire dans son
sens ; je la trouve claire aussi dans le mien ; et je me contente de ses
dispositions telles qu’elles existent.
M. Dumortier, rapporteur.
- Que M. le ministre veuille bien dire quelle est la disposition qui lui paraît
claire.
M. Brabant. - Si
le paragraphe de l’art. 3 du projet n’avait pas le sens qui lui est attribué
par M. le ministre de l’intérieur, s’il devait être entendu dans le sens restreint
qui lui donnent les honorables députés d’Anvers et de Tournay, je me trouverais
dans l’obligation de présenter une disposition additionnelle pour donner à la
députation le pouvoir de modifier les dépenses facultatives de la commune,
L’honorable M. Dumortier a dit, dans le cours de la
discussion, qu’il consentait toujours volontiers à admettre un recours dans
l’intérêt de la commune.
M. Dumortier, rapporteur.
- Quand la constitution le permet.
M. Brabant. - Je
prouverai que la constitution le permet dans ce cas-ci.
Il arrive que les représentants ne font pas
toujours ce que veulent les représentés. Il arrive qu’une faible majorité agit
en sens contraire du vœu d’une forte majorité, et quelquefois, de la généralité
de la commune. Il faut dès lors une autorité supérieure qui puisse annuler les
actes de cette majorité qui lèsent évidemment les intérêts de tous.
Il est très fréquent que des communes se livrent à
des dépenses que l’on a qualifiées de facultatives, et qui sont complètement
inutiles et ruineuses pour la commune que le conseil représente.
Lorsqu’un tarif d’octroi est voté par un conseil
communal et a reçu l’approbation royale, je ne crois pas qu’aucune autorité,
sinon le conseil, sous l’approbation du Roi, puisse le réduire. Ce tarif peut
être excessif, dépasser les besoins et exciter des réclamations de la part de
la plupart des habitants de la commune et d’une forte minorité du conseil.
Néanmoins la majorité du conseil voudra le maintenir.
Un moyen pour cette
majorité de justifier la nécessité du tarif sera de dépenser l’argent à tort et
à travers. Il y a des dépenses dans les communes qui ne profitent pas au
quarantième de leurs habitants. Vous voudriez que les impôts des villes, pesant
généralement sur les classes pauvres (car les classes pauvres formant l’immense
majorité supportent en définitive presque tous les impôts de consommation),
soient votés sans le contrôle de la députation provinciale, qu’on ne pût forcer
le conseil provincial à réduire la dépense et par suite à réduire les taxes
communales.
M. Dumortier a contesté la constitutionnalité d’une
semblable prérogative attribuée à la députation provinciale. Mais je vois dans
le deuxième paragraphe de l’art. 108 de la constitution que la loi consacre
l’application de ce principe :
« L’attribution aux conseils provinciaux et
communaux de tout ce qui est d’intérêt provincial et communal, sans préjudice
de l’approbation de leurs actes, dans les ces et suivant le mode que la loi
détermine. »
La loi peut donc déterminer tous les cas qui ne
sont pas prévus dans la constitution. Or, y a-t-il dans la constitution un
article qui dispose que les dépenses facultatives seront dans le pouvoir souverain
du conseil communal ? Il n’y a qu’une chose, c’est qu’on ne peut pas imposer
des charges à la commune, sans le consentement du conseil communal. Mais que le
conseil communal dépense sans aucun contrôle, cela n’est pas dans la
constitution. Jusqu’à ce qu’on m’y montre une telle disposition, je persisterai
dans cette opinion.
M. Gendebien. - Je puis applaudir à tout ce
qu’a dit l’honorable préopinant. Mais je crois que tout ce qu’il a dit est à
côte de la question. Il me semble que, dès qu’on reconnaît à la députation
provinciale le droit de rejeter un article du budget, il n’en faut pas
davantage. La députation ayant rayé la dépense, le conseil communal cherchera à
s’entendre avec elle. Mais la question est de savoir si lorsqu’un conseil
communal aura par exemple voté 10,000 fr. pour un égout, et 100,000 fr. pour
une caserne, la députation pourra n’admettre que 50,000 fr. pour la
construction de la caserne et 5,000 fr. pour l’égout. Cela équivaudra à un
rejet, si le conseil n’a pas la manie de faire bâtir. Mais s’il a cette manie,
il construira avec ces 55,000 fr. une caserne qui s’écroulera bientôt, un égout
qui ne tardera pas à être enfoncé.
Je sais bien que de tels inconvénients se
présenteront rarement. Mais encore faut-il les prévoir et les éviter ; car il
est dans la nature de l’homme de se tromper et de persister dans son opinion.
Je pense que dès qu’il y a le droit de rejet, cela
suffit. Mais vraiment je ne conçois pas que l’on ait discuté aussi longuement
une question aussi simple.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Véritablement vous voyez bien que les
honorables membres qui ont combattu le droit d’approbation de la députation
provinciale n’ont pu alléguer à l’appui de leur opinion que des exemples
absurdes qui ne se présenteront pas, et contre lesquels vous auriez tort
d’établir des garanties.
(Erratum
inséré au Moniteur belge n°65, du 5 mars 1836 :) Voici comment je raisonne
: Je dirai que généralement cette faculté de réduire les dépenses sera utile ;
qu’elle n’entraînera jamais les résultats absurdes que deux honorables
préopinants ont imaginés : dès lors il n’y a pas de motifs pour refuser cette
faculté à la députation.
M. Fallon. - Toutes
les questions constitutionnelles qu’on vient de soulever ont été parfaitement
résolues par la chambre.
M. Dumortier nous a demandé ce qu’il arriverait si
la députation des états à laquelle il serait soumis un règlement fait par un
conseil communal trouvait bon d’en retrancher une partie pour y substituer
d’autres dispositions. Il a fait observer que ce ne serait plus alors un
règlement du conseil communal, mais un règlement de la députation provinciale.
Ces objections sont venues et ont été résolues dans le projet de loi
provinciale. Il a été reconnu que le Roi avait le droit de censurer les
règlements des conseils provinciaux, mais non pas le droit d’en changer les
articles, ni d’y en substituer d’autres. Nous avons même inséré dans le projet
de loi une disposition ayant pour objet de prévenir le retour de ce qui s’était
passé dans les états de Namur. Nous avions soumis un règlement à l’approbation
du Roi. Il trouva bon d’en rayer des articles, et d’y en substituer d’autres ;
et l’on nous força à exécuter ces règlements qui n’étaient plus des règlements
provinciaux. Voici ce que nous avons dit à l’art. 87 : « Les délibérations dont
il s’agit dans l’article précédent (ce sont les délibérations relatives aux budgets,
aux règlements provinciaux, etc.) seront approuvées, s’il y a lieu, telles
qu’elles ont été votées par le conseil provincial, et sans modification. »
Ainsi le Roi peut
approuver ou rejeter les règlements.
Mais le gouvernement ne peut y apporter aucune
modification. Il devra ou rejeter ou admettre la dépense en entier. Il peut
refuser d’approuver une allocation, mais il ne peut en changer la nature.
La même chose doit se faire pour les communes. La
députation aura le droit de rejeter une dépense, mais non pas celui de la
diminuer.
Je demande que l’on reproduise dans la loi
communale les dispositions de la loi provinciale.
M.
Lebeau. - S’il y a lieu de faire une proposition, on pourra la
présenter au second vote. Si la loi reste telle qu’elle est, beaucoup de
personnes, je déclare être du nombre, comprendront la chose comme l’a fait M.
le ministre de l’intérieur.
M. Legrelle. -
Je dirai au préopinant que, de la manière dont il posait question, ce serait le
moyen d’éluder toute décision, et de faire interpréter, plus tard, la loi comme
il l’interprète lui-même.
Il est certain, comme l’a fort bien dit M. Fallon,
que le députation doit avoir le droit de refuser une allocation, mais nullement
de la modifier. Si M. Lebeau croit que telle n’est pas l’opinion de la chambre,
il doit présenter un article qui lève le doute. Je l’interpelle formellement
pour me dire dans quelle disposition de la loi il a puisé son opinion. Je n’y
trouve autre chose que ce qu’y ont vu MM. Gendebien, Fallon et Dumortier.
M. Dubus. - Il
a été reconnu dans la loi provinciale que le Roi pouvait rejeter ou admettre
purement et simplement un article du budget provincial, mais nullement le
modifier. Tel est l’objet des art. 86 et 87.
Le droit d’approbation ne doit pas s’étendre
jusqu’au droit de changer un vote du conseil.
Modifier un article, c’est le voter. Rejeter un
article au contraire, c’est user du droit d’approbation.
La disposition constitutionnelle qui donne aux
conseils le droit de voter, ne soumet leurs votes qu’à la seule approbation. Le
même article comprend les conseils communaux et les conseils provinciaux. Les
uns et les autres ont le droit de voter des dépenses à la charge seule de l’approbation.
Mais il y a cent lieues de l’approbation à la modification.
Il me semble que, pour lever toute espèce de doute,
il faudrait introduire dans la loi communale l’article 87 de la loi
provinciale.
J’ai entendu dire à un honorable préopinant que si
une disposition explicative n’est pas introduite dans la loi communale comme
dans la loi provinciale, la question sera résolue dans le sens de l’opinion de
M. le ministre de l’intérieur. C’est ce qui ne résulte nullement des articles
adoptés.
Le droit d’approbation seule des délibérations
communales relatives à certains cas est donné à la députation.
Ce droit d’approbation n’implique pas celui de
modification. Pourquoi interpréterait-on cette faculté dans un sens contraire à
ses termes mêmes ? Serait-ce parce que l’on a entendu autrement le droit
d’approbation sous le gouvernement précédent ?
Mais faites attention que l’article 156 de la loi
fondamentale s’exprimait en termes exprès sur ce qu’il fallait entendre par le
droit d’approbation.
Il y était dit que les budgets communaux seraient
soumis à l’approbation de la députation, et que l’autorité communale devrait se
conformer à ce que la députation leur prescrirait à cet égard.
La constitution a entendu différemment le droit
d’approbation. Elle n’a conféré que le droit pur et simple d’approbation. Vous
ne pouvez, sans sortir des termes de la constitution, accorder à la députation
le droit de modifier les dépenses communales soumises à son approbation, pas
plus que vous n’avez accordé au Roi le droit de modifier les dépenses
provinciales soumises à son approbation.
Vous ne pourriez pas aller jusqu’à lui donner le
droit de modifier un article du budget, c’est-à-dire de substituer un chiffre à
un autre ; ce serait lui donner le droit de voter, ce serait effacer le conseil
communal pour lui substituer la députation provinciale. Si on ne présente pas
de disposition, il ne pourra pas y avoir de doute sur l’article que nous avons
voté ; la députation n’aura pas le droit de retrancher du budget d’une commune
un article de dépenses facultatives et d’approuver le budget pour le surplus. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président. -
Il n’y a rien à mettre aux voix.
Plusieurs
membres. - Passons à l’article suivant !
D’autres
membres. - Il est cinq heures.
- L’assemblée se sépare.