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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du samedi 20 février 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative à l’accession de la
Belgique au Zollverein (Watlet),
à la construction d’une route par l’Etat (Dubois, Andries), au paiement des vicaires par l’Etat (Fallon)
2) Projet
de loi relatif à la poursuite des crimes et délits commis par des Belges à
l’étranger
3) Projet
de loi relatif à la bourse commune des huissiers
4) Projet
de loi relatif à l’organisation du jury d’assises (Ernst)
5) Projet
de loi portant organisation des communes. Discussion des articles. Du conseil
communal. Actes soumis à l’approbation ou à l’avis du roi, du gouverneur ou de
la députation provinciale, notamment conservation et démolition des monuments
historiques (Rogier, Jullien, de Theux, Dubus, Legrelle, Rogier, Legrelle, Jullien,
Dumortier, Dubus, Dumortier, Rogier, F. de Mérode, Quirini,
Legrelle), portée des
règlements municipaux, notamment des mesures pénales (de
Theux, Dumortier, Dubus, de Theux, Dumortier, de Theux, Jullien, de Muelenaere, de Theux, Dubus, Fallon, Bosquet,
de Theux, Liedts, de Theux, Dubus, de
Theux), actes soumis à l’approbation de l’autorité provinciale en matière
d’établissements de bienfaisance (Dubois, Dumortier, Dubois, Desmet, de Jaegher, Andries, Dubus, Rogier,
Andries), d’aliénation des biens de la commune (de Theux, Dumortier, Dubus, Jullien, de
Theux, Rogier, Dubus)
(Moniteur
belge n°52, du 21 février 1836 et Moniteur belge n°53, du 22 février 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur
belge n°52, du 21 février 1836) M. Dechamps fait l’appel
nominal à une heure.
M. Schaetzen
lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Dechamps présente l’analyse
des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le conseil de fabrique de l’église d’Oost-Eecloo demande que les
vicaires soient salariés par l’Etat. »
« Les tanneurs, drapiers et commerçants de la ville
de Vianden (Luxembourg) demandent l’association de
« L’administration communale de Wyngem demande la construction d’une route pavée de cette
commune au village de St-George par Maldeghem. »
________________
« Le
conseil de régence de la ville de Nieuport demande la construction d’une route
de Nieuport à Furnes. »
________________
M. Watlet. -
Parmi les pétitions que l’on vient de signaler il s’en trouve une des habitants
de Vianden, demandant notre accession au système commercial allemand. Je
demande que ce mémoire soit renvoyé à la commission des pétitions et inséré au Moniteur. Je ferai remarquer que les précédentes
pétitions sur le même objet ont été renvoyées à la commission de janvier ou de
décembre. Je crois qu’il faut renvoyer celle-ci à la même commission.
- La proposition est adoptée.
M.
Dubois. - Je viens d’entendre que parmi les pétitions, il en est une de
Nieuport, dont la régence réclame une route. Comme la commission des travaux
publics a présenté son rapport, je demanderai que cette pétition soit renvoyée
à la commission des pétitions avec invitation de faire son rapport avant la
discussion de celui de M. de Puydt.
- Cette proposition est également adoptée.
M. Fallon. - Je
crois avoir entendu que par des pétitions on demande que le traitement des
vicaires soit à charge des communes ; cette pétition devra, ce me semble,
rester sur le bureau pendant la discussion de la loi communale.
M. le président. -
Je ferai remarquer qu’une pétition semblable a été renvoyée hier à la
commission des pétitions avec invitation de faire promptement son rapport.
M. Fallon. - La
pétition peut toujours rester sur le bureau.
M. Andries. - Il
est une autre pétition qui vient de la commune de Wyngem,
laquelle réclame une route de cette commune au village de Maldeghem.
Cette pétition, ayant quelque chose de commun avec celle d’Eecloo,
qui vous a déjà été présentée, je demande que comme celle-ci, la première soit
insérée au Moniteur.
M. le président. -
On peut inviter la commission des pétitions à faire son rapport avant la
discussion du rapport fait par M. de Puydt.
- Cette dernière proposition est encore adoptée.
PROJETS DE LOI RELATIFS A
1° A
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Messieurs, le Roi m’a chargé de présenter à la chambre deux
projets de loi, l’un qui est relatif à la poursuite des crimes et des délits
commis par des Belges à l’étranger ; c’est une disposition pour remplacer
l’article 7 du code d’instruction criminelle.
L’autre est relatif à la bourse commune des
huissiers. Il fait droit aux nombreuses réclamations adressées à la chambre sur
cet objet.
Je suppose que la chambre me dispensera de lire
l’exposé des motifs de ces projets, exposé qui sera imprimé.
M. le président. -
Il est donné acte au ministre de la justice des projets qu’il vient de
soumettre à la chambre.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Je crois que la chambre pourra apprécier la convenance de
renvoyer ces projets à une commission ou aux sections, quand ils seront
imprimés et distribués.
Plusieurs
membres. - A une commission ! à
une commission !
PROJET DE LOI RELATIF A
L’ORGANISATION DU JURY DE
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Je saisirai cette occasion pour prier la chambre de
mettre à l’ordre du jour, dans les sections, le projet de loi portant
modification au jury ; la nécessité d’apporter des modifications à cette
institution est constatée par l’expérience.
M. le président. -
Les sections nouvelles seront convoquées lundi.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Mon intention a été d’attirer l’attention de la chambre
sur cet objet important.
PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION
DES COMMUNES
Discussion des articles
Titre II. - Des
attributions communales (projet de loi relatif aux attributions des
administrations communales)
Chapitre Ier. Des
attributions du conseil communal
Article 3
M. le président. -
« Nous en sommes à l’art. 3.
« Art. 3. Sont soumises à l’approbation de la
députation du conseil provincial les délibérations des conseils communaux sur
les objets suivants :
« 1° Les actions à intenter ou à soutenir ;
« 2° La répartition et le mode de jouissance
du pâturage, affouage et fruits communaux, et les conditions à imposer aux
parties prenantes, lorsqu’il y a eu réclamation contre les délibérations de
l’autorité communale ;
« 3° Les ventes, échanges et transactions qui
ont pour objet des créances, obligations et actions appartenant à la commune, à
l’exception des transactions qui concernent les taxes municipales ; le
placement et le remploi de ses deniers ;
« 4° Les règlements relatifs au parcours et à la
vaine pâture ;
« 5° Les règlements ou tarifs relatifs à la
perception du prix de location des places dans les halles, foires, marchés et
abattoirs, et de stationnement sur la voie publique, ainsi que des droits de
péage, mesurage et jaugeage ;
« 6° La reconnaissance et l’ouverture des
chemins vicinaux et sentiers, conformément aux lois et aux règlements
provinciaux, et sans dérogation aux lois concernant les expropriations pour
cause d’utilité publique ;
« 7° Les projets de construction, de grosses
réparations et de démolition des édifices communaux, les réparations à faire
aux monuments de l’antiquité ;
« 8° Les budgets des dépenses communales et
les moyens d’y pourvoir ;
« 9° Le compte annuel des recettes et dépenses
communales ;
« 10° Les règlements organiques des
administrations des monts-de-piété.
« En cas de refus d’approbation les communes
intéressées pourront recourir au Roi. »
M.
Rogier. - Je veux demander quelle est la portée du paragraphe 7, où il
est dit : « Les réparations à faire aux monuments de l’antiquité. » Ainsi
ces réparations seront soumises seulement à la députation provinciale. A quoi
servirait, d’après cette disposition, la commission des monuments de
l’antiquité créée à Bruxelles ? En outre, la députation provinciale, pouvant
autoriser la réparation, pourrait-elle aussi autoriser la démolition ? Il me
semble qu’il serait dangereux de lui accorder un tel pouvoir ; le pays se
trouve intéressé à ce que les monuments des arts ou les monuments historiques
soient conservés ; et je crois que l’intervention du pouvoir central serait ici
naturelle et nécessaire. Je propose de transporter à l’article 2 cette
disposition du § 7 et de la rédiger ainsi : « la démolition des monuments
de l’antiquité et les réparations à y faire. »
M. Jullien. - Je
ne comprends pas comme l’honorable préopinant la rédaction de la dernière
disposition du paragraphe 7. Il y est dit que les réparations à faire aux
monuments de l’antiquité seront autorisées par la députation provinciale ; mais
on ne pourrait pas faire usage de cet article pour ordonner la destruction de
ces monuments, c’est-à-dire de ceux reconnus et classés comme monuments de
l’antiquité. Je voudrais savoir à cet égard la pensée de M. le ministre de
l’intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il est évident que ces mots : « Les réparations à faire aux monuments de
l’antiquité, » ne sont nullement restrictifs en ce qui concerne l’autorité
supérieure. Mais si les réparations sont soumises à la députation provinciale,
à plus forte raison, il faut croire que les démolitions lui seront soumises ;
aussi je verrais avec plaisir que l’amendement proposé fût adopté.
On a parlé de la commission centrale des monuments
de l’antiquité ; mais l’intervention de cette commission n’était qu’officieuse,
et pour appeler l’attention des conseils communaux ou des conseils provinciaux
sur la nécessité de conserver ces monuments dans un bon état d’entretien et
sans en changer le caractère.
Le gouvernement n’intervient que pour les édifices
consacrés aux cultes ; mais, pour les hôtels de ville et pour les autres
monuments, le gouvernement n’intervient pas. L’amendement de l’honorable député
de Turnhout assurera la conservation des monuments que nous avons encore.
- L’amendement de M. Rogier est appuyé.
M. Dubus. -
L’amendement proposé ne me semble pas sans inconvénients. D’abord je ne trouve
pas de définition indiquant ce que l’on doit entendre par monuments de
l’antiquité ; il faudrait cependant dire à quelle période il serait nécessaire
de remonter pour déclarer que le monument appartient à l’antiquité. D’autre
part, je conçois bien que l’on s’oppose à ce que les monuments soient détruits
ou démolis sans autorisation supérieure ; mais que l’on étende la disposition à
toutes les réparations, c’est une centralisation que je ne comprends pas.
On entend sans doute par monuments de l’antiquité
nos vieilles églises qui, chaque année, ont besoin de réparations.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il y a des dispositions pour cet objet, cela existe !
M. Dubus. - Il
faudrait donc que le gouvernement fût consulté sur les réparations à faire à
une église, à un hôtel de ville, dès que l’édifice a été construit à une époque
ancienne ?
Il résulterait de là, par exemple, que la régence
de Louvain ne pourrait pas faire la moindre réparation à son hôtel de ville
sans un arrêté du Roi : il me paraît que c’est aller trop loin, Que l’on
s’oppose aux démolitions, je le veux bien ; mais que l’on étende l’amendement
aux réparations, c’est à quoi je ne puis donner mon assentiment.
Cependant ce ne seront pas les régences qui
décideront les démolitions ; ce seront les députations provinciales ; c’est là
une garantie qui me paraît suffisante ; et je ne vois pas clairement la
nécessité de faire contrôler la décision de l’autorité provinciale par le
ministre de l’intérieur.
M.
Legrelle. - Si le gouvernement est obligé d’intervenir toutes les fois
qu’il s’agira de réparations à des monuments de l’antiquité, comme il y en a
une foule dans nos communes, il y aura encombrement d’affaires au ministère. Il
est impossible que le gouvernement s’occupe des petites réparations que l’on
jugera utile à un vieil édifice communal.
Au reste, comment distinguer les monuments de
l’antiquité ? Les monuments du 15ème siècle ne seront-ils pas compris dans
cette qualification ? Je crois qu’il suffit que la démolition soit soumise au
gouvernement. Je ne suis pas démolisseur, pas plus que les honorables
préopinants ; mais tout en rendant hommage à ce désir de conserver des édifices
importants sous le rapport de l’art ou sous le rapport historique, je ne veux pas
étendre l’amendement au point de faire intervenir le gouvernement pour les
moindres réparations à faire.
Je sais qu’il est des autorités communales très peu
soucieuses de conserver leurs monuments antiques, mais les états provinciaux
sont là pour empêcher leur destruction.
M.
le président. - Ainsi il n’y aurait que les démolitions qui seraient
soumises au gouvernement ?
M. Rogier. - Je ne
m’attendais pas à ce que mon amendement rencontrât de l’opposition dans cette
enceinte, et je m’y attendais d’autant moins que nous étions tous d’accord pour
parvenir à la conservation de nos monuments ; or, qui est le gardien naturel de
tous ces monuments ? C’est le gouvernement, parce qu’il est le représentant de
tous les intérêts nationaux.
On a demandé à quelle époque commençait l’antiquité
d’un monument : je ne me crois pas obligé de répondre à cette question, les
archéologues la décideront ; d’ailleurs tout le monde reconnaît facilement
quand un monument mérite d’être conservé.
M.
Legrelle. - Il faudrait restreindre l’amendement aux démolitions, et ne
pas demander que le gouvernement intervienne pour les réparations, car il y a
telle réparation extrêmement minime et qui n’a aucune importance sous le
rapport de l’art.
J’avoue, toutefois, que par une seule couche de
chaux ou d’ocre, on peut altérer le caractère d’un monument. A cet égard, on
m’a cité l’exemple d’un monument qui allait être ainsi barbouillé sans
l’intervention d’un vicaire qui empêcha qu’on ne fît subir cette indignité au
vieil édifice.
Je pourrais citer d’autres monuments pour la
conservation desquels l’intervention de la députation des états n’aurait pas
été suffisante. Ainsi la porte de Hal, que l’on peut considérer comme un
monument d’antiquité, et auquel tiennent mes adversaires, aurait été démolie
sans l’intervention du gouvernement. Je crois que la députation des états avait
donné son adhésion à la démolition de ce monument.
Je pourrais citer d’autres monuments qui ne sont
pas réparés comme ils devraient l’être, Mais je ne veux faire allusion à aucune
localité.
Je persiste donc dans mon amendement ; je crois
qu’il peut avoir beaucoup d’utilité, sans offrir beaucoup d’inconvénients, et
il est bien certain que les petites réparations ne seront pas plus soumises an
gouvernement qu’elles n’étaient soumises à la députation des états.
M.
Jullien. - Je désire, comme l’honorable préopinant, que le gouvernement
conserve la surveillance des monuments de l’antiquité, et que la démolition
d’un véritable monument de l’antiquité ne puisse avoir lieu sans l’approbation
du gouvernement. Mais l’embarras de la question est de reconnaître ce qui est
monument de l’antiquité et ce qui ne l’est pas ; car si vous n’avez une
statistique des monuments du pays, je ne vois pas où vous conduira l’amendement
de M. Rogier.
En effet, le paragraphe premier de l’article en
discussion tranche la question ; il porte que les conseils communaux pourront,
sous l’approbation de la députation provinciale, ordonner la démolition des
édifices communaux. Or, un monument de l’antiquité sera incontestablement, pour
celui qui voudra le détruire, un édifice communal. S’il n’y a pas une
distinction, en vertu d’une statistique, entre un édifice communal et un
monument de l’antiquité on ne manquera pas de démolir des monuments de
l’antiquité en les faisant passer pour des édifices communaux ; car il y a des
antiquailles qui ne valent rien et ne sont bonnes qu’à êtres détruites, tandis
qu’il y a des monuments qu’il est de l’intérêt et de la gloire du pays de
conserver.
On devrait se fixer d’une manière plus positive sur
la portée de l’amendement de M. Rogier.
Si son amendement a pour objet de conserver les monuments de l’antiquité, tels
qu’on pourra les apprécier et les définir, je partage son avis. Mais jusque-là,
je pense que cet amendement ne remplit pas les vues de son auteur.
M. Dumortier, rapporteur.
- Je suis aussi un de ceux qui désirent que l’on prenne des mesures pour
empêcher la dévastation du peu de monuments de l’antiquité qui restent à
Il y a 60 ans, la fabrique de la cathédrale de
Tournay, en badigeonnant totalement cet édifice, a commencé à le dénaturer ;
c’est cependant sans contredit le plus beau monument en style lombard, et le
plus ancien monument qu’il y ait dans le pays ; la fabrique a ensuite changé le
style du monument, en faisant murer la rangée de colonnes supérieures qui en
était un des plus beaux ornements. Je demande que le gouvernement, qui a des
fonds pour la conservation des monuments de l’antiquité, fasse démasquer cette
seconde rangée de colonnes ; ce sera une très bonne dépense dans l’intérêt des
arts.
Maintenant est venue l’administration communale qui
a détruit l’hôtel de ville, la tour où était le dépôt des archives et un puits
attribué à Michel-Ange, qui était un chef-d’œuvre de sculpture et
d’architecture. On a détruit d’autres monuments, un notamment qui était de
l’époque romaine, une arche qui embrassait l’Escaut.
Ce monument a été détruit en haine de l’antiquité.
Le vandalisme a été poussé jusqu’à ce point qu’on a consenti la destruction de
pierres tumulaires romaines trouvées sur la place même de Tournay. Je le dis,
messieurs, il semble qu’on ait pris à cœur de détruire les monuments de
l’antiquité.
J’appuie donc de toutes mes forces l’amendement de M. Rogier. Les monuments de
l’antiquité ne sont pas la propriété des communes ; ils sont la propriété de la
nation ; elle doit faire tous ses efforts pour les conserver.
Peut-être n’est-il pas
facile de définir ce qui constitue un monument, ce qui fait que tel édifice
n’est pas un monument. Mais c’est là une question de sentiment. Chacun sent si
un édifice, par sa structure, par les souvenirs qui s’y rattachent, est
réellement un monument.
Allez en Italie, en Angleterre, vous verrez avec
quel respect on conserve les monuments les plus insignifiants de l’époque
romaine. Chez nous, au contraire, sans la réaction survenue depuis quelques
temps, ils seraient tous détruits.
Il est certain qu’il y a peu d’administrations
locales assez éclairées pour empêcher que l’on ne change le style et le
caractère des monuments de l’antiquité. J’appuie donc ce motif de l’amendement
de M. Rogier. Mais je dis que
l’amendement ne doit pas empêcher les réparations ordinaires d’entretien qui ne
peuvent changer le style et le caractère des monuments.
Vous avez déjà admis dans la loi une garantie
contre la tendance que l’on pourrait avoir dans les conseils communaux à
permettre la démolition des monuments de l’antiquité en rendant la publicité des séances obligatoire
lorsque la discussion portera sur cet objet.
L’amendement de M. Rogier offre une garantie de
plus, je voterai pour son adoption. Toutefois, je le répète, l’autorisation du gouvernement
ne me paraît pas nécessaire, quand il s’agit de réparations de toiture, de
réparations d’entretien qui ne touchent pas au style ou au caractère du
monument.
M. Dubus. -
D’après l’auteur de l’amendement, il semblerait que les administrations
communales provinciales ne sont composées que de vandales, et que l’amour
véritable des arts ne se trouve que dans le gouvernement central.
Quant à moi, je ne puis partager cette opinion. Les
administrations locales ont souvent fait réparer des monuments de l’antiquité
avec un soin que n’y aurait pas mis le gouvernement central ; ceux qui ont vu
les réparations que la régence de Louvain a fait faire à son hôtel de ville
croiront-ils que les administrations locales n’ont pas soin de leurs monuments
? S’il avait fallu obtenir pour ces réparations une autorisation spéciale, si
le travail eût été soumis au gouvernement, croyez-vous, qu’il eût été mieux
fait ?
Plusieurs
membres. - Cela est impossible.
M. Dubus. -
C’est ce qu’il me semble.
Remarquez-le bien, les administrations locales font
ces dépenses sans y être tenues. Si la régence de Louvain avait laissé son
superbe hôtel de ville dans l’état de dégradation où il était, y avait-il une
autorité qui pût la contraindre aux dépenses énormes qu’elle a faites pour
rétablir ce monument dans son état primitif’ ? Quel besoin y a-t-il d’entourer
d’entraves les régences des villes, alors qu’elles veulent faire ces
réparations ? S’il en est ainsi, elles laisseront les monuments dans l’état de
dégradation où nous en voyons quelques-uns.
Il y a un semblable monument à Bruxelles. Nous ne
voyons pas que la régence de cette ville, dont les finances sont, il est vrai,
en mauvais état, soit disposée à faire les dépenses qu’a faites la régence de
Louvain.
Si vous voulez que le
gouvernement intervienne, il faudra qu’il paie. Ce deviendra un objet de
dépenses pour le budget général. Les régences, au lieu de demander
l’assentiment du gouvernement central, s’abstiendront et lui laisseront les
dépenses à faire.
Je crois que l’auteur de l’amendement n’a pas assez
réfléchi à ces considérations. Je pense qu’il suffit de l’intervention des
députations provinciales, lesquelles, quoi qu’on en ait dit, sont suffisamment
éclairées pour ne pas dénaturer le caractère des monuments.
Je ne pense pas que tout
l’amour des arts soit concentré dans le gouvernement centrai. Très heureusement
pour
M.
le président. - M. Dumortier
propose à l’amendement de M. Rogier un sous-amendement tendant à le rédiger
ainsi :
« La démolition des monuments de l’antiquité,
et les réparations à y faire, lorsqu’elles sont de nature à changer le style et
le caractère des monuments. »
M.
Rogier se rallie à ce sous-amendement.
Plusieurs
membres. - Aux voix ! aux voix !
M. F. de Mérode.
- Je voulais répondre deux mots seulement à l’honorable M. Dubus. Il a raison, lorsqu’il dit qu’il y a des administrations
communales qui veillent avec le plus grand soin à la conservation de leurs
monuments ; il y a notamment dans ce cas la régence de la ville de Louvain.
Mais il suffit, sans une longue suite d’années, d’une seule administration
provinciale pour détruire ou gâter des monuments par des réparations faites mal
à propos. Je pense donc que l’amendement de MM. Rogier et Dumortier doit être
admis par la chambre.
M.
Quirini. - Je ne m’oppose pas à l’adoption de l’amendement de M. Rogier
; mais j’ai une observation à faire. On a parlé de la ville de Louvain. Il
existe à Louvain deux monuments : l’un, l’hôtel de ville, appartient à la ville
; elle a voulu le faire restaurer, et elle a d’abord établi une école
d’ouvriers pour faire faire ce travail. Mais à côté de ce monument, il en est
un que le gouvernement devait entretenir, c’est le bâtiment des halles, celui
qui sert à l’université. Il y a faire faire une réparation, et voici laquelle :
à un bâtiment très gothique, il a fait mettre des croisées très modernes. (On rit.)
Je pense que le gouvernement doit s’interdire de
pareilles réparations.
Plusieurs
membres. - De quelle époque date cette réparation ?
M. Quirini. - De
l’année 1828 !
M. Legrelle. -
Je pense que l’amendement de M. Rogier, tel qu’il est maintenant modifié par M.
Dumortier, peut être adopté par la chambre.
- L’amendement de M. Rogier, consistant à reporter
au précédent article les mots « la démolition des monuments de l’antiquité et
les réparations à y faire lorsqu’elles sont de nature à changer le style et le
caractère des monuments, » est mis aux voix et adopté.
L’article 3, moins les mots transportés au précédent
article, par suite de l’amendement de MM. Rogier et Dumortier, est mis aux voix
et adopté.
Article 4
« Art. 4 (projet du
gouvernement). Le conseil fait les règlements municipaux d’administration
intérieure et ordonnances de police.
« Ces règlements et
ordonnances ne peuvent être contraires aux lois ni aux règlements
d’administration générale ou provinciale.
« Le conseil en
transmet, dans les quarante-huit heures, des expéditions à la députation
permanente.
« Les conseils
communaux peuvent statuer des peines contre les infractions à leurs
ordonnances, à moins qu’une loi n’en ait fixé. Ces peines ne pourront excéder
une amende de 50 fr. ou un emprisonnement de trois jours, soit séparément, soit
ou cumulativement.
« Expéditions des
ordonnances de police seront immédiatement transmises au greffe du tribunal de
première instance, et à celui de la justice de paix, où elles seront inscrites
sur un registre à ce destiné.
« Mention de ces
ordonnances sera insérée au mémorial administratif de la province. »
«
Art. 4 (projet de la section centrale). Le conseil fait les règlements
municipaux d’administration intérieure et ordonnances de police.
« Ces règlements et
ordonnances ne peuvent être contraires aux lois ni aux règlements
d’administration générale ou provinciale.
« Le conseil en
transmet, dans les quarante-huit heures, des expéditions à la députation
permanente.
« Les
conseils communaux peuvent statuer des peines contre les infractions à leurs
ordonnances, à moins qu’une loi n’en ait fixé. Ces peines ne pourront excéder
celles de simple police.
« Expéditions des
ordonnances de police seront immédiatement transmises au greffe du tribunal de
première instance, et à celui de la justice de paix, où elles seront inscrites
sur un registre à ce destiné.
« Mention de ces
ordonnances sera insérée au mémorial administratif de la province. »
M. le président. - M. le ministre de l’intérieur
se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ne vois pas de difficultés à m’y rallier, s’il est bien entendu que les
règlements existants continueront d’être en vigueur et que l’article ne dispose
que pour l’avenir.
M.
Dumortier, rapporteur. - Cela est tout simple. Toutefois il est certain
que le conseil qui fait les règlements peut les supprimer. On peut le dire,
mais cela me paraît inutile, car c’est de droit.
Mais je pense avec M. le
ministre de l’intérieur que les règlements existants continueront d’être en
vigueur jusqu’à ce que le conseil en ait décidé autrement. Cette question n’a
pas soulevé de difficultés dans le sein de la section centrale.
M.
Dubus. - Je crois que pour laisser subsister les règlements en vigueur,
il faudrait le dire.
L’effet immédiat de la
disposition en discussion serait de réduire de plein droit les peines comminées
par les règlements en vigueur aux peines de simple police. Il n’y a d’exception
que les infractions pour lesquelles la loi a comminé une peine.
L’on a eu en vue les
contraventions par la fraude en matière d’octroi. Car il y a une loi de 1819
qui a déterminé les peines à ce sujet. Ce n’est que pour cette espèce de contraventions
que la section centrale a pensé que les peines pouvaient excéder celles de
simple police. Comme il y avait une loi à cet égard, la disposition de la
section centrale atteignait ce but en exceptant de la rédaction générale les
peines portées par des lois.
Dans tous les autres
cas, il nous a semble que c’étaient des peines de simple police que l’on devait
comminer pour contraventions aux règlements municipaux. Sans cela, qu’arrive-t-
il ? C’est que même dans les cas où l’on ne prononce que des peines de simple
police, il faut s’adresser au tribunal correctionnel.
Dans l’état actuel de la
législation, les tribunaux correctionnels sont accablés de délits qui ne sont
que des contraventions de simple police, parce que l’échelle de pénalités
admise par la loi du 6 mars 1818 n’a pas été mise en harmonie avec la
compétence des tribunaux respectifs.
Si
l’on trouvait que les contraventions de simple police ne sont pas suffisamment
punies par les peines de police, telles qu’elles sont comminées par les lois,
quand on révisera le code pénal, on pourra étendre la compétence des juges de
paix.
Mais, en attendant il me
semble nécessaire d’adopter la disposition de la section centrale, afin que
notre loi communale soit en harmonie avec les règles de compétence en matière
de simple police.
La section centrale a
senti la nécessité de délivrer les tribunaux correctionnels de la quantité
d’affaires qui les encombrent en matière de contraventions aux règlements
municipaux. En effet, il suffit que ces règlements prononcent une amende
excédant 16 francs, pour que la contravention cesse d’être de la compétence des
tribunaux de simple police.
En adoptant la
disposition de la section centrale, les tribunaux correctionnels seront
débarrassés des contraventions aux règlements des villes qui les encombrent et
qui doivent être abandonnées aux tribunaux de simple police.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il me semble qu’il y aurait un grave inconvénient à appliquer cette
disposition aux règlements déjà faits. Si d’une part l’article en discussion
réduit les pénalités pécuniaires, d’un autre côté il augmente les peines
d’emprisonnement.
Les administrations
communales trouveront une garantie pour leurs règlements dans la faculté de
statuer une peine d’emprisonnement plus considérable. Si vous vous bornez à
réduire ces dispositions pénales pécuniaires, il n’en résultera pas que ces
règlements renfermeront des dispositions d’emprisonnement telle qu’elles sont
établies par le projet actuel.
Ce ne pourrait être
qu’autant que les régences remplaceraient les dispositions pénales pécuniaires
par des dispositions d’emprisonnement.
Vous ne pouvez supprimer
une partie des pénalités avant que les régences n’aient rétabli l’équilibre. Si
nous voulons du reste adopter ce système, il faut établir un délai assez
notable pour que les régences puissent changer leurs règlements et les mettre
en harmonie avec la loi nouvelle.
M. Dumortier,
rapporteur. - Je prends la parole parce que je n’avais pas saisi la
portée de la question que m’adressait M. le ministre de l'intérieur. J’avais
compris qu’il me demandait si les règlements actuellement existants resteront
en vigueur. Je n’avais pas entendu qu’il s’agissait des amendes.
Dans le sein de la
section centrale, nous avons eu principalement en vue de débarrasser les
tribunaux de première instance de toutes ces petites causes de simple police
dont ils sont surchargés. Nous avons voulu que cela rentrât dans le domaine des
justices de paix. Nous avons pensé que la disposition que nous avons proposée
atteignit ce but. Maintenant ce sera aux régences à réviser leurs règlements.
Il ne serait pas mauvais
que l’on ordonnât dans la loi la révision de ces règlements. Si quelqu’un veut
présenter une disposition dans ce sens, je l’accueillerai volontiers. Je n’ai
pas l’honneur d’être avocat, et je ne toucherai pas à une pareille question.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Un question d’une aussi grande importance ne peut pas être tranchée
immédiatement. Elle mérite tout au moins l’honneur d’une discussion. Comme l’on
a proposé de changer la compétence des tribunaux, il est très possible que la
compétence des juges de paix soit étendue plus tard. Dans l’intervalle vous
aurez fait modifier tous les règlements municipaux. C’est véritablement une
mesure précipitée. Je voudrais donc que l’on dît dans une disposition
additionnelle qu’il n’est nullement dérogé aux règlements existants.
M.
Jullien. - Je ne m’aperçois pas en vérité comment il y aurait, ainsi
que le dit M. le ministre de l’intérieur, une lacune dans la disposition de la
section centrale.
Que
demande la section centrale ? Elle demande que maintenant les règlements de
police des régences ne puissent excéder les peines de simple police. Qu’en
résultera-t-il ? C’est que les peines comminées par les règlements municipaux
seront réduites aux peines de simple police. Le maximum de l’amendement sera de
15 francs. Le maximum de l’emprisonnement sera de 3 jours. Au lieu de cela, les
administrations communales se sont donné le plaisir de faire des règlements qui
comminaient des amendes considérables. Il fallait, lorsque l’on était pris en
contravention, aller devant les tribunaux correctionnels.
La disposition de la
section centrale a pour objet d’abord de soustraire les contraventions aux
règlements municipaux à la juridiction correctionnelle, ensuite de réduire dans
leur proportion équitable les peines pour contraventions et simples délits.
Est-ce que la police des
villes doit se montrer plus exigeante que la police de l’Etat ? Lorsqu’en
simple police on ne condamne pour contravention aux lois générales, qu’à 15 fr.
d’amende et à 3 ou 5 jours d’emprisonnement, je ne vois pas pourquoi l’on
laisserait subsister des règlements municipaux qui comminent des peines plus
grandes qui gênent l’administration de la justice, en apportant devant les
tribunaux correctionnels une foule de causes qui n’ont pas de nom et qui très souvent
sont vexatoires et ruineuses pour de petits citoyens.
Il n’y a aucune lacune
dans l’article. Les règlements municipaux subsisteront quant à leurs
dispositions principales. Seulement les peines seront réduites. Elles seront
plus douces.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Seront-elles plus douces en effet ?
M.
Jullien. - Il me semble qu’il y a une grande différence entre payer 15
francs ou 50 francs d’amende.
Je voterai donc pour les
dispositions de la section centrale, sauf si M. le ministre jugeait les peines
encore trop sévères, à adopter l’amendement qu’il présenterait dans ce sens. Je
me prononcerai toujours pour la réduction des peines en fait de police et surtout
de simple police.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Il est de principe que lorsqu’une loi pénale prononce
une peine nouvelle, c’est la peine prononcés par la loi nouvelle qui doit être
appliquée à un fait qui s’est passé sous l’empire même de la loi antérieure,
lorsque cette peine est plus douce que celle prononcée par la loi précédente.
Ainsi
je suis d’accord avec les honorables préopinants qui pensent que, par la
disposition de l’article 4, vous faites cesser toutes les peines prononcées par
les règlements portés en vertu de la loi du 6 mars 1818, et que vous devez
appliquer les peines de police comminées par l’article 4, si toutefois ces
peines de police sont plus douces que celles prononcées par les règlements
municipaux.
Mais il est à remarquer
que si, d’un côté, par la loi du 6 mars 1818, les régences ont été autorisées à
porter des amendes plus fortes que celles du code pénal, d’un autre côté les
emprisonnements ne pouvaient excéder 3 jours. D’après le code pénal, les
amendes ne pouvaient excéder 15 francs, mais la peine d’emprisonnement peut
être portée jusqu’à 5 jours.
Si donc, par la
disposition de la section centrale, vous diminuez l’amende, vous augmentez d’un
autre côté le terme de l’emprisonnement. Reste à savoir quelle est la peine la
plus douce : si c’est celle qui prononce 50 francs d’amende et 3 jours
d’emprisonnement, ou bien celle qui prononce une amende de 15 francs et un
emprisonnement de 5 jours.
Evidemment, messieurs,
les tribunaux se trouveront, par l’adoption de cet article 4, dans une position
singulière, Pour moi, je vous avoue que je serais fort embarrassé de décider si
ce sont les règlements anciens qu’il faut appliquer ou bien si c’est la loi
nouvelle.
Je crois donc qu’il
faudrait faire une disposition formelle à cet égard pour faire cesser ce doute,
et qu’une disposition devrait se trouver dans la loi que nous discutons en ce
moment.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- La loi du 6 mars
L’art. 4 porte : (Ici M.
le ministre donne lecture de l’art. 4 de la loi de 1818.)
Je le
demande, entre-t-il dans la pensée de la chambre de substituer de plano 5 jours
d’emprisonnement et 15 fr. d’amende à 12 florins et un jour d’emprisonnement,
sans cumulation, ou veut-on que toutes les communes rurales substituent 5 jours
d’emprisonnement et 15 francs d’amende au lieu de 12 florins et un jour
d’emprisonnement ? Voilà la question qu’il faut résoudre.
Si vous supprimez tous
les règlements existants, force sera aux régences de faire de nouveaux
règlements, et elles appliqueront le maximum des peines de simple police
séparément ou cumulativement. Elles donneront la plus grande latitude aux
peines pour assurer l’exécution de leurs règlements. C’est un système qui a une
assez grande portée. Il mérite, je le répète, une plus ample discussion.
Il me semble donc
inutile de rien statuer en ce qui concerne le passé. Il vaudrait mieux
maintenir provisoirement les peines comminées par les règlements anciens. De
cette manière, on éviterait les inconvénients que j’ai signalés et plus on
aurait occasion de traiter cette matière à fond et de la régler convenablement
et définitivement.
M.
Dubus. - Il me semblait que, d’après la rédaction de la section
centrale, les inconvénients que l’on signale n’existaient réellement pas.
L’application de la disposition proposée me paraît simple et facile. Remarquez
que la section centrale propose de dire quel sera le maximum de la peine, et
non pas que les règlements existants atteindront de plein droit ce maximum. Il
en résultera que là où les règlements existants excéderont les peines de simple
police, de plein droit ces peines seront réduites au maximum des peines de
simple police. Ainsi lorsqu’un règlement ancien aura comminé une peine de 10
fl. d’amende, elle se trouvera réduite à 15 fr. (Erratum inséré au Moniteur belge n°52, du 21 février 1836 :)
Mais si le même règlement a comminé 3 jours d’emprisonnement, il ne s’ensuit
pas que ces trois jours devront être portés à 5.
Il n’y a rien dans la
disposition qui emporte cela. Car elle établit un maximum que les règlements ne
pourront dépasser, mais leur laisse toute leur application, en tant qu’ils se
renferment dans le maximum, et à plus forte raison quand ils ne l’atteignent
pas. Si l’on a stipulé pour une contravention spéciale une peine
d’emprisonnement, elle demeurera la même pourvu qu’elle n’excède pas le maximum
de la peine de simple police.
Cela présente-t-il
aucune difficulté pour l’avenir ? On paraît craindre que la réduction de
l’amende ne rende inefficace dans certains cas les pénalités portées par les
règlements municipaux, et ne nécessite l’élévation de la peine
d’emprisonnement. Je crois que si ce cas existe, il doit être excessivement
rare.
Je crois qu’une contravention
de police est très fortement punie lorsqu’elle est punie d’une amende de 15 fr,
et de 3 jours d’emprisonnement.
Eh bien, de la
comparaison de la loi de 1818, sous l’empire de laquelle les règlements ont été
faits, avec l’article en discussion, il résulte que l’amende serait de 15 fr.
et l’emprisonnement de 3 jours. Or il est très rare qu’un jugement de simple
police présente une peine aussi forte. Dans les tribunaux correctionnels on ne
prononce guère de peine de police qui soit supérieure à celle-là.
Comme je l’avais déjà
dit, il y a un seul cas où il est désirable de pouvoir frapper la contravention
d’une peine plus forte. C’est le cas de fraude en matière d’octroi, il faut que
l’amende soit en rapport avec les chances de gain du fraudeur. Il y a une loi
spéciale pour ces sortes de contraventions. Cette loi spéciale commine une
amende plus élevée. Cette loi demeurera en vigueur. Ce seront les tribunaux
correctionnels qui resteront saisis de ces contraventions et qui appliqueront
les peines portées par la loi de 1819. Hors de ce cas, il est impossible de
désirer plus que ce qui résultera de l’amendement de la section centrale.
En
adoptant cette disposition, vous aurez l’avantage de débarrasser immédiatement
les tribunaux de délits qui ne sont que des contraventions de la compétence
seule des juges de paix. En admettant au contraire l’amendement de M. le
ministre de l’intérieur, vous n’atteignez pas ce but.
Il faudrait que dans un
temps plus éloigné les règlements fussent révisés par les administrations
municipales, afin que des améliorations fussent apportées dans le système des
pénalités.
Il est une autre
considération à faire valoir, c’est que le résultat immédiat de la disposition
de la section centrale sera de diminuer les frais de justice qui sont plus
considérables devant les tribunaux correctionnels que devant les tribunaux de
simple police. La nécessité de déplacement des témoins sera également diminuée
; car ici il y a une centralisation judiciaire.
Tandis que par le
système de la section centrale les contraventions, au lieu d’être jugées dans
les chefs-lieux de district, seront jugées dans les cantons.
Tout milite donc en
faveur de l’amendement de la section centrale.
M. Fallon. - Je crois que nous ne sommes pas d’accord
sur l’application que les tribunaux pourront faire de la disposition en
discussion. A entendre quelques honorables membres, il semblerait que
l’adoption de la disposition dût amener la réduction des peines comminées par
les règlements municipaux existants. C’est ce que je ne pense pas du tout.
Les communes
lorsqu’elles ont fait ces règlements, étaient investies d’un, portion du
pouvoir législatif. Les règlements devront être exécutés et respectés aussi
longtemps qu’ils n’auront pas été abrogés. Sans doute à l’avenir les régences
devront se conformer à l’article 4, s’il est adopté. Mais cela n’implique rien
pour le passé.
Nous avons chez nous des
règlements de nos anciens magistrats qui prononcent des peines qui excèdent
celles prescrites par le code civil en matière de simple police ; tous les
jours ces règlements sont appliqués par les tribunaux, et l’on prononce les
peines sans égard à ce que le code civil prescrit.
A moins qu’on ne le dise
formellement, les anciens règlements resteront en vigueur, car ici vous réglez
l’avenir et nullement le passé.
M.
Bosquet. - Je conviens avec l’honorable préopinant que c’est une
question de savoir si la disposition en discussion doit abroger les règlements
antérieurs. Mais je pense que si cette question était soulevée devant les
tribunaux, on appliquerait le principe que dans le doute la peine la moins
forte doit être portée.
Il serait convenable de
lever dès ce moment ce doute en adoptant la proposition du ministre de
l’intérieur.
J’applaudis
aux intentions des honorables MM. Dubus et Dumortier, qui tendent à débarrasser
les tribunaux correctionnels d’une foule de contraventions qui devraient être
portées devant les tribunaux de simple police. Mais je pense que les tribunaux
ne pourraient être débarrassés de ce fardeau que le jour où la compétence des
juges de simple police aura été révisée, augmentée et mise en rapport avec la
loi du 6 mars 1818.
Jusqu’alors il est très
utile que les règlements actuels des régences des grandes villes portés d’après
cette loi conservent leur force, Il n’est pas exact de dire que les
contraventions de simple police soient suffisamment punies par une amende de 15
fr.
L’honorable M. Dubus a
fait ce raisonnement : Si tel règlement commine une amende et un emprisonnement,
l’amende se trouvera réduite à 15 fr. et l’emprisonnement à 3 jours. Mais il
est beaucoup de ces règlements qui ne comminent aucun emprisonnement et qui
infligent une amende très forte, de 50 fr. par exemple, Il est mainte
infraction aux règlements municipaux qui mérite d’être punie d’une amende plus
élevée que la somme de 15 fr.
J’adopterai donc la
proposition de M. le ministre de l’intérieur, qui tend à statuer que les
règlements émanés des régences des villes seront conservés jusqu’à la révision
de la compétence des tribunaux de simple police.
(Moniteur belge n°53, du 22 février 1836)
M. le président. - Voici l’amendement présenté
par M. le ministre de l'intérieur :
« Les amendes plus
fortes que celles autorisées par la présente loi, qui sont portées par les
règlements et ordonnances actuellement en vigueur, seront réduites de plein
droit à l’expiration des deux années qui suivront sa promulgation. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- J’ai choisi le terme de deux années afin que les conseils communaux aient le
temps nécessaire pour réviser les règlements municipaux. Il s’agira de
substituer un emprisonnement plus fort à une amende plus faible. Je n’ai parlé
que des amendes dans mon amendement, parce que l’emprisonnement, d’après le
code pénal, peut être plus long que celui comminé par les règlements municipaux
qui n’excédait jamais trois jours.
M. Liedts. - Je demanderai à M. le ministre de
l’intérieur s’il a bien vu l’article 5 de la loi de 1818. Cet article suppose
un cas où l’emprisonnement pouvait excéder 5 jours. J’y lis en effet :
« Lorsque le
maximum déterminé de l’amende et de l’emprisonnement paraîtrait dans quelques
circonstances, à une régence communale, insuffisant pour donner aux mesures
qu’elle adoptera la force nécessaire, elle présentera aux états de la province
un projet d’ordonnance qui contiendra les peines qu’elle croies devoir être
statuées.
« Les états de la
province nous soumettront ce projet avec leurs considérations et avis, afin de
connaître notre intention à cet égard, après quoi nous statuerons telles peines
qu’il appartiendra dans les limites de l’art. 1. »
Ainsi il est possible
qu’il y ait des règlements municipaux qui punissent une contravention d’un
emprisonnement de plus de 5 jours.
Il serait donc essentiel
de prévoir aussi ce cas. Je ne sais s’il se trouve des règlements où cet
article ait reçu son application ; mais, dans le doute, je pense que M. le
ministre devrait rédiger son amendement de manière à maintenir aussi ce qui
peut avoir été en vertu de l’article que je viens de citer.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ne pense pas qu’il ait été fait usage de la faculté donnée au gouvernement
par l’article 15 de la loi que vient de citer l’honorable préopinant, et quand
cela aurait eu lieu, ce ne pourrait être que dans des cas extrêmement rares. Ce
qu’on a eu en vue, c’est d’éviter les recours fréquents aux tribunaux de police
correctionnelle. Il serait imprudent d’abolir de plein droit les règlements
existants avant que le conseil communal ait eu le temps de les revoir et d’en
préparer de nouveaux. Quant au cas dont on a parlé, je ne crois pas qu’il en
existe. Je n’en ai aucune connaissance, et quand il en existerait, il ne
pourrait pas en résulter d’inconvénients, tant le cas serait rare.
M.
Dubus. - Le cas dont vient de parler l’honorable M. Liedts a fait l’objet
de la délibération de la section centrale. Mais il lui a semblé que dans ce cas
le règlement conserverait ses effets ; qu’il ne tombait pas sous la disposition
dont nous nous occupons, parce qu’il s’agit d’une peine portée par un arrêté
royal porté dans les termes de l’article 1er de la loi de 1818.
A
l’article 5 il est dit : « les régences des grandes villes où les
règlements existants ne suffiraient pas pour assurer telle ou telle mesure,
prépareront un projet, seulement un projet ; après quoi nous statuerons telle
peine qu’il appartiendra dans les limites de l’art. 1er de la loi de 1818. » Ce
n’est donc pas un règlement de la régence qui établit des peines dans les
limites des attributions du conseil de régence, mais un arrêté royal.
Quant à la disposition
présentée par le ministre, je ne ferai plus qu’une seule observation. Je dirai
que si on se donnait la peine d’examiner en détail les règlements et les peines
qu’ils établissent pour les diverses contraventions, on reconnaîtrait qu’une
peine qui peut aller jusqu’à 15 fr. d’amende et 5 jours d’emprisonnement est
bien suffisante. Comme je l’ai déjà dit, je fais exception aux cas de fraude en
matière d’octroi, qui sont prévus par une loi spéciale, à laquelle nous ne
dérogeons pas quant à présent.
M. le ministre veut
fixer un terme après lequel ces règlements viendraient à cesser leur effet,
quant aux peines qui excéderaient celtes de simple police. Si cet amendement
devait être admis, il y aurait lieu de prévoir le cas où, avant l’expiration du
terme fixé, les régences des villes désireraient modifier leurs règlements. Je
regretterais que cet amendement fût admis, parce qu’il renvoie à une époque
plus éloignée de deux ans le moment où les tribunaux correctionnels seront
soulagés dans leur travail sans préjudice pour la chose publique, parce qu’il
est évident que ces prétendus délits ne sont que des contraventions qui ne
devraient pas appartenir à la juridiction des tribunaux correctionnels.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Le maximum de la loi est deux ans, mais si les régences peuvent s’occuper
auparavant de la révision de leurs règlements et les mettre en harmonie avec la
loi actuelle, et je suis persuadé que plusieurs le feront, rien ne les en empêchera.
Il est impossible de fixer un terme plus rapproché quand on pense que dans
certaines villes il y a des règlements considérables qu’il faudra examiner avec
soin pour établir un système convenable de pénalités. (Aux voix ! aux voix !)
- L’amendement de M. le
ministre de l’intérieur est mis aux voix et adopté.
L’art. 4 de la section
centrale est également adopté.
Article 5
« Art. 5. Les budgets et
les comptes des administrations des hospices, des bureaux de bienfaisance et
des monts-de-piété de la commune, sont soumis à l’approbation du conseil
communal.
« En cas de
réclamation, il est statué sur ces objets par la députation provinciale. »
M. le président. - M. Dubois propose à cet article le
paragraphe additionnel suivant :
« Néanmoins, pour
les communes placées sous les attributions des commissaires d’arrondissement,
les budgets et les comptes des bureaux de bienfaisance devront, dans tous les
cas, être soumis à l’approbation des états provinciaux. »
M.
Dubois. - Messieurs, dans une précédente séance, j’ai déjà eu l’honneur
de faire pressentir à l’assemblée les graves dangers qu’offre la disposition
actuelle, surtout si elle est appliquée aux communes rurales.
Par elle, la section
centrale propose de ne plus soumettre au contrôle des états députés les
budgets, et les comptes des bureaux de bienfaisance des communes. Elle croit
que le contrôle du conseil communal du lieu est suffisant pour maintenir dans
des limites légales et raisonnables ces administrations secondaires, pour
réglementer et faire concorder entre elles leurs recettes et leurs dépenses,
pour surveiller leur comptabilité et pour les faire marcher dans la voie d’une
juste et sage économie.
Je n’entends pas parler,
messieurs, de nos villes de premier ordre. Je conçois que là on trouve un assez
grand nombre de citoyens éclairés et charitables, offrant toutes les garanties
que l’on peut désirer d’un sage administrateur, pour qu’il devienne inutile de
soumettre à un contrôle supérieur leurs actes qui auraient été examinés et
approuvés par leurs magistrats ; mais je doute qu’il soit bien prudent
d’affranchir de ce contrôle nos petites villes, et ce qui serait bien pis
encore, nos communautés rurales.
Dans nos petites villes,
on trouve déjà difficilement des personnes qui consentent à remplir la charge
gratuite et pénible d’administrateur d’un hospice ou bureau de bienfaisance ;
et il faut bien le dire, car les institutions humaines sont faites ainsi, il
arrive que des vues intéressées et personnelles dirigent la détermination de
celui qui consent à s’en occuper. Souvent encore les hommes les plus capables
de ces administrations sont membres du conseil communal, les seuls qui puissent
donner aux délibérations de la commune des indications et des renseignements
utiles, et par votre article 70 vous les excluez avec raison des séances où
leurs opérations et leurs comptes doivent être régularisés. Ainsi, vous enlevez
à la commune les lumières des hommes qui, dans les circonstances, pourraient
lui être de la plus grande utilité.
Au surplus, messieurs,
les états députés ne se contentent pas d’examiner les détails d’un compte ou
d’un budget. Ils peuvent, à cette occasion, suivre la marche de ces
administrations, leur donner, s’il est nécessaire, une impulsion plus
convenable, leur présenter des remarques et des observations qu’ils sont plus à
même de faire que tout autre, par l’habitude constante qu’ils ont de surveiller
et de diriger les établissements analogues qui existent dans les autres
communes soumises à leur contrôle.
Je soumets, messieurs,
ce peu d’observations à votre appréciation et à votre sagacité. Si je ne
craignais d’être trop long, j’aurais pu les étendre ; mais je crois qu’elles
suffiront pour vous faire comprendre l’importance du sujet en question, pour
que vous jugiez s’il faut soustraire à tout examen et à tout contrôle supérieur
les nombreuses institutions de charité et de bienfaisance qui sont établies
dans nos communes.
Les mêmes observations
sont applicables, et à plus forte raison, aux établissements d’hospices et aux
institutions de bienfaisance des communes rurales. Ici, je ne crains pas de
répéter ce que j’ai déjà dit dans cette chambre à propos de l’amendement que
vous proposa l’honorable M. Andries et qui a été malheureusement écarté : on ne
peut laisser aux magistrats des campagnes le contrôle exclusif des comptes et
des budgets de leurs institutions de bienfaisance, sans risquer de ramener le
désordre dans les finances d’un grand nombre de nos communes, de donner accès à
des abus que la faiblesse des administrateurs communaux ne saurait réprimer, de
faciliter de nouveau des marchés et des transactions coupables, d’encourager ou
du moins de s’exposer à voir se renouveler des spoliations honteuses et
criminelles qui entraîneraient la ruine de ces établissements, et qui par là
surchargeraient nos communes par les contributions extraordinaires qu’elles
seraient forcées de s’imposer, ou bien qui priveraient le pauvre du secours
qu’il attend et de l’espoir qu’il nourrit d’être soutenu dans ses vieux jours
par les faibles libéralités d’une institution que la charité a établie en sa
faveur.
Ne nous le dissimulons
pas, messieurs, la plupart de nos petites communes sont déjà surchargées
d’impositions locales. Presque tous les rôles d’abonnements ont atteint leur
maximum, et chaque jour des besoins nouveaux se font sentir. Eh bien, l’impôt
qui pèse le plus sur elles, c’est la taxe des pauvres. Un jour viendra
peut-être où chez nous comme ailleurs le gouvernement et la législature se
verront forcés de tourner leurs méditations les plus sérieuses vers cet objet ;
car, dans l’état actuel de notre législation, tout ce qui concerne le droit des
pauvres à l’assistance publique est encore vague, indéterminé et incomplet.
Ici, messieurs, les
réflexions se présentent en foule mais je dois les abandonner pour reprendre
mon sujet.
Il faut en avoir eu
l’expérience, il faut être en position ou se trouver fréquemment en contact
avec les administrations des petites communes, pour connaître et pour apprécier
les difficultés nombreuses qui se présentent pour organiser et tenir en bon
état l’administration de la bienfaisance publique. Il faut avoir entendu les
plaintes et les récriminations des pauvres, il faut avoir assisté à ces
conseils où se déterminent la nature et les quotités des objets qu’on
distribue, pour s’assurer avec quelle scrupuleuse exactitude, avec quelle
prudente économie, avec combien de discernement doivent se régler leurs comptes
et leurs budgets.
Sans une surveillance
sévère et active, il est impossible de ne pas rencontrer le désordre. Une fois
on dépasse un article du budget, une autre fois on a recours à des transferts
d’articles, puis on mandate sur des articles qui n’ont pas été approuvés par le
conseil ou par les députations. Dans les pièces à l’appui des comptes, on
découvre des mandats irréguliers ; on trouve des sommes entières soustraites
sans qu’elles soient convenablement justifiées ; quelquefois on rencontre des
capitaux de rentes remboursées, qui par l’insouciance des administrateurs restent
improductives dans les caisses du receveur ; il n’est pas rare même devoir
disparaître ces sommes sans que l’on sache si leur disparition doit être
attribuée à la cupidité coupable d’un administrateur ou aux nécessités de
l’administration.
Mais, dira-t-on,
l’administration communale est là. Elle ne restera pas inactive, elle saura
bien surveiller efficacement les personnes qui disposent des sommes et des
biens appartenant aux pauvres. On ajoutera, peut-être, comme on l’a dit si
souvent, que ces administrateurs sortis de l’élection populaire seront gens
sages, éclairés et probes.
Eh, messieurs ! ce n’est pas moi qui mettrait en doute la probité des
administrateurs de nos campagnes. Je les ai trop fréquentés, je me suis trouvé
trop souvent en rapport avec eux pour leur refuser la justice qu’ils méritent.
Mais ce que je conteste, c’est que ces administrateurs soient toujours assez
éclairés, assez indépendants, assez au courant des lois et des affaires pour
qu’on les laisse sans guide ; qu’ils soient assez prémunis contre cet esprit de
coterie qui pénètre si facilement dans nos petites communes, qu’ils soient
asses forts contre des personnes cupides et mal intentionnées qui se mêlent
parfois dans l’administration, pour leur ôter toute espèce de surveillance et
de contrôle supérieur.
Ces considérations,
messieurs, vous les avez jugées vraies et bonnes pour une foule d’autres actes
de l’administration communale. Vous les avez appliquées aux premières villes du
royaume en soumettant leurs actes à l’examen des états provinciaux et du Roi,
et vous abandonneriez cette règle quand il s’agit d’actes les plus intéressants
de nos petites communes ? Car il y a des localités où l’administration
charitable est peut-être ce qui occupe le plus les administrateurs, où elle est
plus importante que le reste des règlements et ordonnances qu’ils ont à faire
observer.
Et puis, ne vous a-t-on
pas dit, messieurs, que dans la plus grande partie de nos petites communes le contrôle
de l’administration locale serait inefficace, serait complètement nul et
illusoire ? N’est-il pas évident, pour quiconque a fréquenté nos campagnes, que
lorsqu’on a réussi à former un corps communal composé de sept personnes, que
lorsqu’on y a adjoint deux autres, un secrétaire et un receveur, il devient
très difficile de rencontrer parmi une population de 1,000 à 1,500 habitants,
dont 30 ou 40 sont électeurs, quatre ou cinq autres individus convocables pour
former une administration séparée et indépendante de la première ?
Oui, les choses sont
telles, que malgré un article exprès du règlement du plat pays, on a vu
constamment gérer les biens des pauvres par des administrations dont la grande
majorité était prise dans le sein même du corps communal, parmi les bourgmestre
et échevins et parmi les conseillers de la commune. Ces personnes se
réunissaient comme administration de bienfaisance, avaient leur trésorier et
leur secrétaire séparé, délibéraient et statuaient sur les intérêts des
pauvres, faisaient leur compte et leur budget, et puis renvoyaient toutes leurs
décisions, pour être approuvées en première instance, au corps communal, dont
eux-mêmes faisaient généralement partie.
Je ne sache pas que les
états députés de la province aient jamais refusé leur approbation à des actes
ainsi contrôlés. Et ils n’auraient pu faire autrement, parce qu’il est de leur
connaissance que dans des affaires aussi délicates on ne peut pas être trop
rigoureux, on ne peut pas s’attacher imprudemment aux formes, et qu’il faut
bien tolérer ce que la nécessité et les besoins commandent.
Enfin, messieurs, le
système présenté, appliqué aux communes rurales, a déjà été jugé, et je puis
affirmer que tous les inconvénients que je vous ai signalés se sont présentés
dans ces communes, et ont produit sur leurs finances les plus tristes effets.
Sous le régime de
l’empire français, les comptes et les budgets des bureaux de bienfaisance
n’étaient pas soumis au contrôle du préfet. Il en est bientôt résulté que les
comptes et les opérations de ces administrations furent négligés à tel point
que dans la plupart de nos communes rurales il fut impossible d’en retrouver la
trace, à l’époque où parurent les ordonnances particulières et du plat pays qui
obligèrent ces administrations de mettre en oeuvre et à régulariser leurs
dépenses, pour les soumettre à l’examen des états provinciaux. Qu’on aille dans
la plupart de ces communes, et on verra combien il est difficile de retrouver
un compte et un budget des pauvres qui date du régime français.
C’est de là également
qu’est résulté en partie le surcroît des taxes que les communes ont été
obligées de s’imposer, et ce n’est qu’avec la plus grande peine que
l’administration supérieure a pu mettre un terme au mouvement sans cesse
croissant de leurs dépenses et à régulariser une comptabilité qu’il est si
difficile d’établir.
Messieurs, les
considérations que je viens d’énoncer ne s’appliquent nullement aux grandes
villes du royaume. J’ai eu la précaution de vous l’annoncer en commençant de
parler. Elles peuvent être vraies néanmoins pour certaines petites villes, et
je pourrais, si cela était convenable et nécessaire, appuyer par des faits ce
que j’ai l’honneur de vous avancer.
Quoi qu’il en soit, je
n’insisterai pas pour que la chambre ajoute pour celles-ci, au contrôle établi
par l’article premier, le contrôle supérieur des états députés.
Par
l’article qui est en discussion, les budgets et les comptes des administrations
de bienfaisance des villes devront être à l’avenir arrêtés par le conseil
communal. C’est là à mon avis une amélioration, et j’ai l’espoir que le temps
nous apprendra que la garantie est suffisante.
Mais, d’un autre côté,
il me reste la conviction qu’il faut poser à cette règle une exception pour les
communes rurales. Le contrôle des magistrats communaux est inefficace pour
elles. Il est bien permis à ceux-ci d’arrêter en première instance les budgets
et les comptes, mais il est également important que les états députés de la
province soient appelés à un examen ultérieur et définitif.
C’est uniquement,
messieurs, en faveur de ces établissements que je demande cette surveillance.
Je la demande encore dans l’intérêt bien entendu de la classe indigente, dont
le sort est si intimement lié à celui des institutions charitables qui la
soulagent et la nourrissent.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je viens combattre la proposition de M. Dubois. Déjà vous avez rejeté cette
proposition dans une séance précédente, et je pense que peu de mots suffiront
pour vous la faire rejeter encore.
Si la députation
provinciale doit être chargée de l’examen des budgets et des comptes de toutes
les administrations communales, de tous les établissements communaux, il est
incontestable que ces budgets, ces comptes, ne seront pas examinés. Nous avons
présenté l’article 5 qui a déjà été adopté une fois par la chambre et auquel le
gouvernement s’est rallié, précisément pour faciliter l’examen de ces budgets
et de ces comptes. Je vais citer un exemple qui mettra la question dans tout
son jour.
Le Hainaut comprend 500
communes ; chacune de ces communes a son budget et ses comptes ; voilà donc
mille comptes et budgets ; dans chacune de ces communes il y a une
administration de bienfaisance qui a son compte et son budget, voilà encore
mille comptes et budgets ; dans chacune de ces communes encore, il y a au moins
une fabrique d’église, qui a aussi son budget et son compte ; encore mille
comptes et budgets qui devront être examinés par les états députés. Après ces
trois mille budgets et comptes viennent les comptes et budgets des
administrations des hospices, de la garde civique, des monts-de-piété, les
comptes et budgets de toutes les institutions qui appartiennent aux communes,
de manière que dans chaque province il n’y aura guère moins de 4 à 5 mille budgets
et comptes à examiner chaque année. Remarquez maintenant combien de fois par an
s’assemble la députation des états. Environ cent fois. De sorte qu’à chacune de
ses séances la députation des états aurait à approuver environ soixante budgets
ou comptes. Est-ce possible ? Est-il possible qu’on examine des budgets et des
comptes, lorsqu’à chaque séance on devrait en approuver 60, et cela
indépendamment de tout le travail ordinaire ?
Jusqu’à présent, cela
s’est fait comme cela ; aussi, qu’est-il arrivé ? Il a été démontré jusqu’à
l’évidence que la députation n’examinait pas les comptes et les budgets qui lui
étaient envoyés. Savez-vous comment se font ces examens ? On confronte le
compte avec le budget, et on regarde si les dépenses ont excédé les sommes
allouées. Quant aux pièces à l’appui, on ne les examine pas ; il serait
impossible d’entrer dans l’examen des détails comme si on ne devait en examiner
qu’un dans une séance. L’examen des comptes tel qu’il se fait actuellement, est
un véritable abus ; c’est une simple formalité et rien de plus. Encore n’est-ce
souvent qu’un simple employé d’administration qui est chargé de cet examen,
examen que très souvent il ne fait pas.
La chambre a compris que
c’était un véritable abus et qu’il fallait le faire cesser. Elle a compris que
ces comptes ne seraient jamais mieux examinés que par les administrations des
localités, que quand ce seraient les régences des villes qui examineraient les
budgets et les comptes des administrations des hospices et des bureaux de
bienfaisance. Quant aux budgets et comptes des fabriques, ils sont envoyés à
l’évêque et opérés ensuite par l’administration provinciale. Il ne s’agit pas
de les faire rentrer sous l’administration communale. Mais quant aux budgets et
comptes des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance, ils
seront mieux examinés par l’administration locale que par l’administration
provinciale.
L’honorable membre vous
a parlé, comme cela lui arrive souvent, de sa longue expérience des affaires
administratives ; il vous a dit que quand on avait été dans l’administration et
qu’on avait vu beaucoup d’affaires, on avait pu remarquer qu’il n’était pas
rare de voir des soustractions de deniers communaux.
Si, dans sa carrière
administrative, l’honorable membre a réellement remarqué des soustractions de
deniers communaux, son devoir était de les déférer au procureur du Roi, de
traduire devant la justice toute personne coupable de soustraction de ce genre.
Mais quelques minutes après, l’honorable député de Furnes a donné une rétractation
de cette accusation, lorsqu’il a assuré qu’il était impossible de révoquer en
doute la probité de membres des administrations de bienfaisance,
Si donc il est
impossible de révoquer en doute la probité des membres des administrations de
bienfaisance, il est inutile de venir nous dire qu’ils se permettent des
soustractions ; et s’ils se permettent des soustractions, je ne comprends pas
que vous veniez nous parler de leur probité. Ces deux propositions se
détruisent l’une l’autre.
S’il y a des malversations,
elles seront mieux réprimées par l’administration locale que par le
gouvernement, qui n’est pas en position d’examiner les choses d’aussi près.
Ensuite, comme ce sont les administrations locales, les régences qui doivent
fournir les subsides, lorsqu’elles examinent les comptes, elles ont intérêt à
ce qu’ils soient bien rendus, et quand elles examinent les budgets, et les
veillent davantage à ce qu’il n’y ait pas de folle dépenses. Cette garantie
n’existerait pas si c’étaient les gouverneurs ou les commissaires de district
qui examinassent les budgets et les comptes de ces administrations,
L’examen fait par le
conseil de régence donne-t-il lieu à des réclamations ? Nous avons pour ce cas
introduit une disposition qui établit une garantie suffisante :
« En
cas de réclamation, porte le deuxième paragraphe, il est statué sur ces objets
par la députation du conseil provincial. »
Si, après l’examen fait
par le conseil de régence, il ne s’élève aucune réclamation, quel besoin
d’envoyer à la députation du conseil provincial des pièces qu’il n’examine pas
? S’il y a contestation, vous avez dans la loi tout ce qu’il faut pour la
résoudre.
La disposition de
centralisation que propose M. Dubois est donc inutile.
Dans une province comme
le Hainaut, je le répète, la députation du conseil provincial devrait examiner
quatre à cinq mille comptes et budgets d’établissements divers ; c’est déjà
assez d’en avoir vingt à examiner pour qu’ils le soient bien. Si vous voulez
renvoyer à la députation, non seulement les comptes des régences et des
fabriques, mais encore ceux des établissements de charité et de tous les
établissements communaux, au lieu d’un bon examen, vous n’en aurez plus du tout
; au lieu d’empêcher les abus, vous les faciliterez, parce qu’à défaut d’examen,
les abus finiront par s’infiltrer partout.
M.
Dubois. - Je trouve dans le premier rapport de M. Dumortier toutes les
raisons qu’il vient d’opposer à mon amendement. Mais je lui ferai remarquer que
l’amendement que je présente aujourd’hui est considérablement restreint, car il
ne comprend plus les budgets secondaires, et ne s’applique plus aux villes,
mais seulement aux communes rurales,
Ainsi, la restriction
que j’ai apportée à mon amendement doit réduire singulièrement les craintes
exprimées par l’honorable préopinant.
Il a prétendu que les
états députés n’auraient pas le temps d’examiner des comptes aussi nombreux que
ceux qui devraient leur être soumis si mon amendement était adopté.
L’honorable membre voudra
bien remarquer que les choses se sont passées ainsi jusqu’à présent. Il n’est
pas de commune qui ne soit obligée d’envoyer les budgets des bureaux de
bienfaisance à la députation des états.
Il objecte ensuite que
l’examen fait par la députation ne sera que superficiel. Je conçois que les
états députés ne feront pas chaque aunée un examen scrupuleux de ces comptes et
de ces budgets, mais il suffit qu’ils soient appelés à contrôler les comptes, à
voir si les communes n’ont pas augmenté leurs dépenses, pour que les communes
se maintiennent dans les crédits alloués, et n’augmentent pas leurs dépenses de
manière à devoir recourir à des moyens extraordinaires pour y faire face.
M. Dumortier, soit qu’il
ait voulu travestir mes paroles, soit qu’il m’ait mal compris, a dit que
j’avais invoqué ma longue expérience des affaires. Je ne l’ai pas fait et je
n’aurais pas pu le faire, car je ne suis dans l’administration que depuis la
révolution : mais j’ai dit ce que j’ai vu, que j’ai assisté à des conseils dans
les bureaux de bienfaisance, et j’ai été témoin d’une foule de réclamations.
J’ai dit que j’avais vu les difficultés immenses que rencontraient les
administrateurs, pour ne pas sortir des articles spéciaux dans lesquels ils
sont obligés de se maintenir, et que sans le contrôle auquel ils sont soumis,
ils auraient passé outre.
Le préopinant a dit
encore : Si vous avez vu des spoliations, il fallait les dénoncer au procureur
du Roi. Je lui répondrai que j’avais fait remarquer que des spoliations avaient
eu lieu avant que les budgets et les comptes des bureaux de bienfaisance
fussent soumis au contrôle des états députés, mais que ce contrôle y avait mis
fin.
Je
n’aurais nullement parlé de spoliations qui auraient eu lieu pendant mon
administration. Mais je sais qu’il y en a eu dans ma province, dans des villes
que je pourrais citer, et c’est pour les rendre moins faciles que j’ai proposé
mon amendement.
Enfin, l’honorable
préopinant a dit que jusqu’à présent les régences des villes ont contrôlé les
budgets et les comptes des bureaux de bienfaisance et de charité. Or, l’art 75
du règlement des villes porte que ce n’est que dans le cas où les villes
donnent des subsides à ces établissements qu’elles contrôlent leurs budgets et
leurs comptes. Et comme plusieurs villes ne donnent pas de subsides à ces
établissements, elles n’ont pas eu à contrôler leurs comptes. J’ai déclaré au
reste que je regardais comme une amélioration l’obligation où seraient les
villes de contrôler les budgets et les comptes des bureaux de bienfaisance et
des hospices.
Je crois avoir
suffisamment répondu aux objections de l’honorable préopinant.
M. Desmet. - Je crois que l’amendement de
l’honorable M. Dubois est fort utile. L’expérience m’a prouvé qu’il était
nécessaire, surtout pour le plat pays, que les budgets et les comptes des
bureaux de bienfaisance fussent soumis à l’approbation de la députation
provinciale.
L’honorable M Dumortier
prétend qu’il y a impossibilité pour la députation provinciale de faire cet
examen. Cependant il a lieu. Et voici comment les choses se passent : Le budget
et le compte sont approuvés provisoirement par le conseil communal.
Ils sont remis au
commissaire de district qui les envoie, en joignant son avis motivé, à la
députation provinciale qui prononce. Il est si vrai que l’examen a lieu, que
souvent j’ai vu des comptes renvoyés deux et trois fois à une commune.
Pour le plat pays
surtout, le contrôle de la députation provinciale est indispensable. J’aurais
voulu que l’amendement ne fît pas d’exception pour les chefs-lieux
d’arrondissement, et qu’il comprît les hospices aussi bien que les bureaux de
bienfaisance.
Plusieurs membres. - Proposez un sous-amendement.
M. de Jaegher. - J’avais demandé la parole
pour appuyer l’amendement de M. Dubois.
Mais déjà MM. Dubus et Desmet ont répondu aux objections présentées par un
honorable membre. Et l’honorable M. Desmet a fait ressortir l’erreur dans
laquelle il est tombé, lorsqu’il a dit que les comptes soumis à l’approbation de
la députation n’étaient pas examinés. Le fait est qu’ils sont examinés de très
près, mais c’est dans les bureaux des commissaires de district qui les envoient
à la députation des états avec un mémoire explicatif.
C’est après avoir été
examinés par la députation, qu’ils sont ensuite renvoyés aux communes.
Il y a des abus, mais
ces abus ne se rencontrent que là où n’existe pas le contrôle qu’on propose
d’établir pour les petites communes. Il y a certaines villes, la ville de
Grammont notamment, qui a été victime du manque de contrôle. L’administration
avait négligé de faire rendre compte à son receveur. L’année dernière, on a
fait passer outre à l’apurement des comptes, et on a trouvé un déficit de 12
mille fr. qui n’a pas pu être comblé.
Voilà un résultat fâcheux
qu’on n’aurait pas éprouvé si on avait été obligé de transmettre chaque année
les comptes à l’autorité provinciale.
Je ne demande pas qu’on
donne de l’extension à l’amendement ; mais, tel qu’il est, je pense qu’il doit
être admis par tous ceux qui ont quelque habitude de l’administration.
M.
Andries. - L’honorable M. Dumortier prétend que les comptes des bureaux
de bienfaisance seront mieux examinés par l’administration locale que par la
députation provinciale.
Pour moi je pense que ce
sera le contraire. Si vous émancipez les bureaux de bienfaisance du plat pays,
vous verrez les abus se multiplier. Et si leurs comptes ne sont soumis qu’à
l’administration locale sans contrôle de la part d’une autorité supérieure vous
verrez les affaires se régler par compérages, tout deviendra tripotage, on
s’entendra pour dilapider les deniers de la commune et des établissements de
bienfaisance. Il est donc de toute nécessité de faire intervenir le contrôle
d’une autorité supérieure.
Ce contrôle se peut
faire comme il se fait actuellement par l’autorité provinciale.
Il est bon de ne pas
répudier les exemples que nous ont donnés nos ancêtres.
Jamais les
établissements de bienfaisance n’ont été plus exempts d’abus que sous le
gouvernement autrichien. Sous Albert et Isabelle, les comptes se rendaient en
présence des délégués ou des auditeurs de l’autorité civile et de l’autorité
ecclésiastique ou de l’évêque. Ces comptes ne se rendaient pas annuellement
mais de trois en trois ans, et en présence d’hommes respectables, tant dans la
juridiction civile que dans la juridiction ecclésiastique.
Pendant longtemps on a
eu très peu d’abus à signaler. Je voudrais que l’on suivît cette manière de
procéder.
Dans
les communes du plat pays, il y a des hospices où l’on soigne les aliénés, les
malades... Eh bien, il peut exister une espèce de compérage, je ne dirai pas de
connivence, entre les administrateurs de ces hospices et les administrateurs
des communes ; et de là naîtraient de graves abus. Je n’affirme pas que cela
existe, mais cela peut exister et les comptes seraient arrangés de façon que le
contrôle du commissaire de district et la surveillance du gouverneur fussent
insuffisants pour connaître ou prévenir les iniquités.
Je voudrais que l’on donnât
aux gouverneurs le droit d’envoyer un commissaire pour assister, au nom de
l’autorité provinciale, à la reddition des comptes dans le sein du conseil
communal. Ce commissaire dresserait un procès-verbal qui serait soumis à
l’autorité qui l’aurait envoyé.
Il n’y aurait là rien
d’étranger à notre législation. Dans le décret du 30 décembre 1800, l’article
86 dit que l’évêque peut nommer un commissaire pour assister en son nom au
compte de la fabrique. Si l’on soupçonnait quelque collusion entre l’administrateur
de l’hospice et le conseil de la commune, le commissaire s’en apercevrait, ce
qui fermerait la porte aux abus.
Mon amendement serait
conçu en ces termes :
« En tout cas, la
députation du conseil provincial peut envoyer un commissaire pour assister, en
son nom, à la reddition des comptes annuels des établissements mentionnés dans
le précédent. »
Cet amendement ferait le
dernier paragraphe de l’article.
M.
Dubus. - Messieurs, j’avouerai franchement que je ne sais pas trop bien
où nous en sommes. L’honorable M. Dubois présente un amendement qui concerne
les communes placées sous les attributions des commissaires d’arrondissement ;
et cet honorable membre dit que son amendement est modéré, parce qu’il ne
comprend pas les petites villes. Je ne sais si cette assertion est exacte. Car
dans la loi provinciale on a placé dans les attributions de ces commissaires
les communes de 5,000 habitants et au-dessous ; de sorte qu’il y aurait
réellement un grand nombre de villes comprises dans l’amendement.
D’un autre côté, j’ai
entendu que l’on voulait que la disposition s’étendît à toutes les villes de
Enfin, tout en appuyant
l’amendement, on demande en outre que la députation provinciale puisse envoyer
un commissaire pour assister à la reddition des comptes dans le sein du conseil
communal.
Ces divers amendements
sont présentés pour mettre un terme aux abus existants, ou pour prévenir des
abus.
Je n’ai pas entendu
signaler des abus existants ; l’auteur du premier amendement a même rendu
hommage à la probité des administrateurs des deniers des pauvres dans nos
campagnes. Quoi qu’il en soit, je ne voudrais pas qu’il y eût un contrôle
insuffisant ; mais il me semble que les dispositions proposées par la section
centrale établissent le contrôle nécessaire.
Je ferai remarquer
d’ailleurs que, par la législation existante, ce sont les conseils communaux
qui arrêtent les comptes des établissements de établissements de bienfaisance
(art. 75 du règlement des villes), et dans les villes ces comptes ne sont pas
soumis à l’approbation de la députation des états. Cependant, il y a un grand
nombre de villes au-dessous de 5,000 habitants : a-t-on remarqué qu il y eût
dilapidation des deniers du pauvre dans ces communes ? Pas du tout ; donc la
surveillance des conseils communaux est suffisante.
Le règlement des
campagnes est muet, il est vrai, sur le cas dont nous non occupons.
Avant de recourir à
d’autres mesures, il faudrait savoir si la disposition présentée par la section
centrale, combinée avec une disposition précédemment adoptée, ne fera pas
atteindre le but désiré.
Par la disposition
précédemment adoptée, les membres du conseil communal qui seraient en même
temps membres des administrations de bienfaisance, ne peuvent pas délibérer
dans le conseil de la commune ; ils, ne peuvent même pas assister à la
délibération : dès lors, ce sont les membres tout à fait étrangers à
l’administration des établissements de bienfaisance qui examinent le compte et
qui prononcent sur la gestion. Ce sont là les hommes véritablement compétents
pour ces objets, et surtout ce sont les hommes les plus intéressés à ce qu’il
n’y ait aucun abus.
Et sur cela je n’ai
besoin que de me prévaloir d’une observation faite par l’honorable auteur du
premier amendement : il vous a dit que dans certaines localités on était
surchargé d’impôts communaux, et que l’impôt qui pesait le plus était celui de
la taxe pour les pauvres ; eh bien, les membres des conseils seront des
contribuables ; ils seront au nombre des plus imposés ; donc ils seront ceux
qui auront le plus grand intérêt à réduire la taxe des pauvres, à réduire cet
impôt qui surcharge le plus les communes.
Par conséquent ce sont
eux qui sont les plus intéressés à prévenir les dilapidations qui
détourneraient une partie des revenus des bureaux de bienfaisance de leur
destination, et rendraient ainsi nécessaire une plus forte allocation au budget
de la commune pour venir au secours des bureaux de bienfaisance.
L’art. 5 contient
d’ailleurs la disposition suivante : « En cas de réclamation, il est
statué sur ces objets par la députation du conseil provincial. » Ainsi il
ne faut pas seulement supposer que la majorité du conseil conniverait en
quelque sorte avec les auteurs des dilapidations commises dans l’administration
des hospices et des bureaux de bienfaisance, mais il faudrait supposer que tous
les membres du conseil y conniveraient également ; car si un seul réclame, dès
lors l’affaire est dévolue à la députation qui prononce sur le compte ; et la
députation a le droit, avant de prononcer, de prendre ou de faire prendre sur
les lieux toutes les informations qu’elle jugera convenables. Il y a même un
article qui l’autorise, quand elle le juge convenable, à envoyer des
commissaires, ne fût-ce que pour prendre des informations.
Je
ferai remarquer que, quand la chambre a examiné en premier lieu cette question,
M. le ministre de l'intérieur s’est rallié à la proposition de la section
centrale et a ajouté qu’il ne s’y ralliait que pour autant qu’en cas de
réclamation il appartiendrait à la députation de prononcer. Cette disposition a
été ajoutée à l’art. 5, et au moyen de cette disposition, je ne vois pas à
quels inconvénients il peut donner lieu.
Les commissaires de district
sont obligés de faire des tournées ; ils ont le droit de rechercher s’il y a
des abus et de les signaler ; et dès l’instant que des abus seront signalés,
l’administration supérieure sera appelée à y porter remède.
Un préopinant a cité ce
qui se passait autrefois dans le pays du Franc de Bruges. Je puis lui citer ce
qui se passait dans d’autres parties du pays ; ainsi dans la ville que
j’habite, les comptes n’étaient pas examinés par l’autorité supérieure, et
néanmoins l’on n’avait à se plaindre d’aucune dilapidation. (Erratum inséré au Moniteur belge n°54, du 23
février 1836 :) Ce n’est qu’au milieu de la désorganisation qui a été
la suite de l’invasion française qu’il y a eu perte de biens et de deniers des
pauvres dans notre ville.
Je pense que le système
de la section centrale assure un contrôle suffisant. Je m’oppose donc aux
divers amendements.
M.
Rogier. - Je pense avec l’honorable M. Desmet qu’il n’y aurait pas de
mal à ce que toutes les communes fussent comprises dans l’article. Cependant je
n’en ferai pas une proposition. Il faut remarquer que les dépenses des hospices
et des bureaux de bienfaisance sont par leur nature arbitraires et abandonnées
à la probité et à la délicatesse des administrateurs. Elles ne sont pas soumises
à la publicité, car les comptes des hospices et des bureaux de bienfaisance ne
sont pas imprimés et par suite ne sont pas soumis à l’examen des contribuables.
Dans les commune rurales
il est évident que le contrôle de l’administration communale sera presque
toujours illusoire.
Dans un conseil composé
de 7 membres, on a déjà remarqué que beaucoup de ces membres appartiennent à
l’administration des hospices et des bureaux de bienfaisance. S’ils s’éloignent
quand on examinera leurs comptes, combien restera-t-il de membres du conseil
pour faire ce travail ? Dans tous les cas, l’examen de ces comptes sera une
affaire de camaraderie et ne se fera que très légèrement. Je pense donc que
restreindre le contrôle à celui de l’administration communale serait propager
les abus dans la plupart de nos communes.
On a fait l’objection
que soumettre les comptes à la députation provinciale, ce serait la surcharger
de travail. Je répondrai à cela que le travail se divisera, et qu’il arrivera
préparé, sinon par l’examen du conseil, au moins par celui des commissaires de
district. En second lieu, la députation va être composée de 6 membres ; rien
n’empêche que les budgets ne soient répartis entre ces 6 membres, et chaque
membre, en s’occupant activement pendant 2 ou 3 jours, pourra facilement
examiner 30 comptes ou budgets, attendu que tous les comptes ne donneront pas
lieu à un examen approfondi. On ne se livrera à un tel examen que quand on
croira qu’il y a abus.
D’ailleurs,
alors même que la députation ne se livrerait pas à un examen approfondi des
comptes et des budgets, la seule perspective de ce contrôle, la seule crainte
d’être pris en défaut, engageront les administrateurs des bureaux de
bienfaisance à mettre plus de circonspection dans les dépenses, plus de régularité
dans les comptes.
Au reste, il me
suffirait, quant à moi, que le contrôle de l’administration provinciale
empêchât 3 ou 4 abus par année pour me déterminer à l’adopter.
- L’art. 5 est mis aux
voix et adopté.
L’amendement de M.
Andries est mis aux voix et adopté.
M.
Andries propose la disposition additionnelle suivante :
« En tout cas la
députation du conseil provincial peut envoyer un commissaire pour assister en son
nom aux comptes annuels des établissements mentionnés au paragraphe
précédent. »
- La disposition
additionnelle n’est pas adoptée.
Article 6
« Art 6. Le conseil
nomme les répartiteurs ou répartit lui-même, conformément aux lois, le
contingent des contributions directes assigné à la commune. »
- Adopte.
Article 7
« Art. 7. Le conseil
arrête les conditions de location ou de fermage des biens et de tout autre
usage des produits et revenus des propriétés et droits de la commune, ainsi que
les conditions des adjudications et fournitures.
« Néanmoins, pour
les communes placées sous les attributions des commissaires d’arrondissement,
les actes seront soumis à l’approbation de la députation provinciale. »
M. le président. - La section centrale propose la
rédaction suivante :
« « Art. 7. Le
conseil arrête les conditions de location ou de fermage des biens et de tout
autre usage des produits et revenus des propriétés et droits de la commune,
ainsi que les conditions des adjudications et fournitures.
« Néanmoins, les
actes d’adjudication seront soumis à l’approbation de la députation du conseil
provincial. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je déclare ne pas me rallier à la rédaction de la section centrale.
Remarquez, en effet, que M. Dumortier, en voulant décentraliser, a centralisé
en ce qui concerne les villes.
Jusqu’à présent aucun
des actes dont il est fait mention à l’article 7 n’a été remis à la députation
en ce qui concerne les villes. Les seuls actes des communes rurales étaient
soumis à cette approbation. Je n’ai rien trouvé dans le rapport de la section
centrale qui justifiât ce changement.
M. Dumortier, rapporteur. - L’observation de M.
le ministre de l'intérieur est très juste, et ce n’est que par erreur qu’il y a
un changement dans la rédaction de la section centrale. Car ce n’est pas sous
ce rapport qu’elle a modifié l’art. 7.
Elle a voulu que les
actes d’adjudication seulement fussent soumis à la députation provinciale,
tandis que le gouvernement veut qu’il y ait deux envois avant l’adjudication et
après. C’est un double emploi qu’il était inutile de conserver.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’honorable préopinant est dans l’erreur. L’article ne suppose pas deux
approbations, mais une seule ; c’est celle du bail tout entier.
M. Dubus. - Nous sommes d’accord avec M. le
ministre de l'intérieur sur la nécessité d’une seule approbation.
Seulement,
M. le ministre ne voit pas que l’interprétation de son article présente du
doute. Dans le premier paragraphe, il n’est pas question des actes
d’adjudication mêmes, mais des conditions des adjudications. Le deuxième paragraphe
se sert du mot « actes » sans explications. Cette expression peut
comprendre et l’acte par lequel on arrête les conditions, etc., et l’acte
d’adjudication.
Il y a donc doute, et il
y avait d’autant plus de raison de lever ce doute que, dans l’état actuel des
choses, je crois que l’on exige quelquefois deux approbations. Nous avons cru
l’approbation de l’acte d’adjudication suffisante.
En effet, la députation
prononce sur tout. Elle examine à la fois si les conditions du cahier des
charges sont onéreuses à la commune, ensuite si l’adjudication a été faite
régulièrement.
Je ne crois pas que M.
le ministre doive s’opposer à la rédaction de la section centrale qui est plus
explicite.
M.
Jullien. - Je crois, comme l’honorable M. Dubus, que le terme d’actes
est beaucoup trop vague. Il faut savoir quels actes l’on enverra à la
députation provinciale : si ce sont les cahiers des charges ou les actes
d’adjudication. Il me semble qu’en restreignant la surveillance de la
députation des états à l’approbation des actes d’adjudication, la section
centrale s’est montrée contraire aux intentions qu’elle a manifestées
auparavant.
Il reste donc à décider
si l’approbation de tous les actes ou des seuls actes d’adjudication sera
soumise à la députation provinciale.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’article
Le premier paragraphe de l’art. 7 est copié
littéralement de l’article 72 du règlement des villes. Dans les villes ce sont
les conditions du cahier des charges qui sont approuvées ; dans les campagnes,
ce sont les actes d’adjudication.
L’art. 37 du règlement du plat pays ne suppose
qu’une seule approbation.
(Ici M. le
ministre donne lecture de l’art. 37 du règlement des campagnes.)
Il est vrai que dans certaines provinces l’article
a été entendu diversement ; on a exigé l’envoi préalable des conditions et
ensuite l’envoi du procès-verbal d’adjudication. Mais, dans d’autres provinces,
l’article a été exécuté suivant la disposition littérale.
Il est constant qu’aux termes de l’article 7 il
n’est besoin que d’une seule approbation. Le premier paragraphe mentionne que
la commune arrête les conditions de location ou de fermage et de tout autre
usage des produits et revenus des propriétés et droits de la commune, ainsi que
les conditions des adjudications et fournitures.
Et le deuxième paragraphe ajoute que, pour les
communes rurales, la députation provinciale approuvera les actes mentionnés au
paragraphe premier.
Si vous adoptiez la
rédaction de la section centrale, la plupart des actes des communes rurales ne
seraient soumis à aucune espèce de contrôle.
Vous ne pouvez pas faire de rédaction plus précise
que celle du gouvernement.
Si on veut deux degrés d’approbation, il faut dire
que la députation approuvera préalablement les conditions des adjudications et
des baux. De cette manière, on aurait deux approbations, l’une préalable,
l’autre définitive. Mais la rédaction du gouvernement n’exige qu’une
approbation.
Je le répète, si vous adoptiez la rédaction de la
section centrale, vous soustrairiez à tout contrôle une infinité d’actes d’une
grande importance, qui se passent dans les communes rurales.
M. Rogier. - Il est
évident que le deuxième paragraphe a besoin d’élucidation. Il y est dit que les
actes seront soumis à l’approbation de la députation provinciale ; est-ce avant
ou après l’adjudication ?
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - C’est après !
M. Rogier. - Eh
bien, dans ce cas-là, les communes rurales seront encore très souvent exposées
à des contrats onéreux. Il ne suffira pas, pour que la députation refuse son
approbation, que l’adjudication ait été faite à tel ou tel individu, mais elle
devra voir si les conditions de l’acte même ne sont pas trop favorables à
l’adjudicataire, si elles n’ont pas été stipulées en vue d’accorder la location
ou le fermage à tel ou tel individu de la commune.
Si la députation peut
refuser son approbation, soit à raison de l’adjudication ou du cahier des
charges, vous exposez la commune à faire des frais inutiles. Si au contraire
les conditions sont soumises à l’approbation avant l’adjudication, la
désapprobation ne pourra pas s’appuyer ensuite sur les clauses du cahier des
charges ; il y aura moins de chances de désapprobation, et vous épargnez à la
commune des frais inutiles.
Il faudra qu’on soumît d’abord à la députation le
cahier des charges, et qu’ensuite elle approuvât l’adjudication.
Il faut éviter, pour me servir d’expressions vulgaires,
mais très justes, les compérages et les tripotages. Le double contrôle vous en
donne le moyen. Il y a un autre avantage, c’est qu’une fois le cahier des
charges arrêté par la députation provinciale, les adjudicataires se
présenteront avec plus d’assurance, car ils n’auront pas à craindre de voir les
conditions désapprouvées par la députation.
Cela devrait exister pour les villes comme pour les
campagnes.
D’après ces observations, il y aurait une
modification à introduire au deuxième paragraphe de l’article.
M. Dubus. - La
modification qu’on propose est extrêmement grave, et mérite d’être examinée.
D’après la lecture que vient de donner M. le ministre de l'intérieur du
règlement du plat pays, rien de semblable n’était prescrit.
Vu l’heure avancée, je demanderai l’impression des
amendements et le renvoi de la discussion à lundi.
- La séance est levée à 5 heures.