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d’intention
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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du jeudi 14 janvier 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative à l’attribution du marché
de lits militaires (Gendebien, Jadot),
observations de la cour des comptes sur le compte définitif de 1831
2) Projet
de loi portant le budget du département de la guerre pour l’exercice 1836. Discussion
générale. Marché militaire (lits en fer), transparence budgétaire, logements
militaires, comptabilité des hôpitaux militaires, organisation des
états-majors, de l’infanterie et du génie (sapeurs) (Evain),
organisation des corps de l’armée (notamment historique du génie et de
l’artillerie) (de Puydt), cantonnements, organisation
de l’infanterie et du génie (de Jaegher), comptes
spéciaux (masse d’habillement), rations de fourrage (Jadot),
comptes spéciaux (masse d’habillement), officiers étrangers, organisation du
génie (Evain), marché militaire (lits en fer) (A. Rodenbach, Evain, Verrue-Lafrancq), marchés militaires, organisation générale
de l’armée et de l’état-major, officiers étrangers, organisation du génie (Liedts, Evain)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur
belge n°15, du 15 janvier 1836)
M. Dechamps
procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. Schaetzen donne
lecture du procès-verbal de la
séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Dechamps
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur L. Chavatte,
à Bruxelles, se plaint d’un prétendu déni de justice de la part de M. le
ministre de la justice. »
________________
« Le sieur A. Ruthul,
batelier à Venloo, réclame le paiement d’une somme de 73 fr. 25 cent., du chef de transports militaires effectués à la requête
du commandant de place de cette ville. »
________________
« Les
administrateurs des hospices civils de Liége demandent que la chambre adopte
une disposition qui permette aux communes, hospices, etc., d’affermer leur baux
pour 18 années et au-dessous, sans autres formalités que celles présentées pour
les baux de 9 années. »
________________
« Des
cultivateurs du premier canton de Nivelles exposent qu’une épizootie ravage les
bêtes à cornes de ce canton, et demandent le renouvellement de la loi du 16
juin 1816. »
________________
« Les
bourgmestres et échevins de la ville de Maeseyck demandent l’achèvement de la
route projetée de Diest vers Ruremonde. »
« Le
sieur Jean-François Flispart, né en France, habitant
la commune d’Ethe depuis 1802, demande la
naturalisation. »
________________
« Le
sieur J. Destombes, à Mons, adresse des observations
contre le marché relatif aux lits de fer, qu’il déclare onéreux pour l’Etat, et
demande que la chambre ne vote pas l’allocation demandée pour le casernement
avant qu’une adjudication régulière et exacte donne la connaissance du chiffre
que mérité ce service. »
M. Gendebien. -
Il me semble qu’il est impossible de renvoyer la pétition de M. Destombes à la commission des pétitions. Nous ne pourrions
en obtenir un rapport qu’après la discussion du budget de la guerre. Comme il
importe d’apporter le plus de lumières possible sur la question que traite la
pétition, je demande qu’il en soit donné lecture. (Appuyé !)
M. Jadot. - Je pense
que la lecture de la pétition ne suffirait pas pour éclairer la chambre, et
qu’il conviendrait de la faire insérer au Moniteur
où tout le monde pourrait la consulter.
M. Dumortier. -
L’un n’empêche pas l’autre.
- La lecture de la pétition, séance tenante, et
l’impression de cette pièce au Moniteur,
sont ordonnés.
________________
La cour des comptes transmet à la chambre le
complément de observations sur le compte définitif de l’Etat pour l’exercice
1831.
- L’impression en est ordonnée.
________________
M. Dechamps donne
lecture de la composition des bureaux des sections.
________________
M. le président. -
Il s’agit maintenant de déterminer à quel mode d’examen sera soumis le projet
de loi relatif aux condamnés libérés.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Je propose à la chambre le renvoi de ce projet à l’examen
des sections. J’ai remarqué que quand les sections ne sont pas surchargées de
travaux, elles examinent les projets aussi rapidement qu’une commission
spéciale pourrait le faire.
- Le projet de loi relatif à la surveillance des
condamnés libérés est renvoyé aux sections.
PROJET DE LOI PORTANT LE
BUDGET DU DEPARTEMENT DE
Discussion générale
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Je viens d’écouter, avec la plus sérieuse attention, la lecture
de la pétition que vous venez d’entendre, et son objet ayant déjà été traité
par un des orateurs qui a parlé dans la dernière séance, ce que j’ai à répondre
s’appliquera également à cette pétition.
Je laisserai toutefois aux sociétés qui, selon M. Destombes, se seraient entendues pendant l’adjudication, le
soin de lui répondre à cet égard. Ce sont des particularités dans lesquelles je
ne crois pas devoir entrer.
J’ai expliqué un peu longuement peut-être, dans la
séance d’hier, les motifs qui m’ont décidé à établir deux bases d’adjudication.
l’une consistant dans la fourniture des lits militaires avec couchettes aux
frais de l’entrepreneur ; la deuxième base consistant dans la fourniture des
literies sans couchettes en fer, lesquelles, dans ce cas, seraient fournies par
le gouvernement.
J’ai développé les raisons qui m’ont engagé à faire
fournir les couchettes en fer par les villes, si, comme mes prévisions me le
faisaient supposer, les régences avaient voulu se charger de ces frais.
Je répète ce que j’ai déjà dit : j’aurais préféré
20 fois que les régences se chargeassent de la fourniture des couchette, en fer
plutôt que d’avoir recours aux entrepreneurs.
Je suis de plus en plus convaincu que j’ai agi dans
les vrais intérêts du gouvernement, en ne le chargeant pas de la fourniture des
couchettes en fer pour le nouveau service des lits militaires ; car, malgré
tout l’intérêt personnel qu’a l’entreprise actuelle à faire fabriquer ces
couchettes et à les faire établir solidement, une partie est refusée comme
défectueuse ; et quoique ayant en magasin ses sommiers, matelas, draps,
traversins, couvertures, elle n’a pu encore monter complètement son service
dans la place de Tournay, et ce n’est qu’à grande peine qu’elle a pu parvenir à
le monter dans la place de Bruxelles,
Qu’eût-ce donc été, si le gouvernement s’était
chargé de la confection de ces couchettes, et quelles indemnités l’entrepreneur
n’aurait-il pas été en droit de demander au gouvernement en retard de cette
fourniture, qui l’eût ainsi empêché de monter son service ? Surtout si cet
entrepreneur eût été M. Destombes ?
Il est réellement heureux, je le répète avec intime
conviction, pour les intérêts du gouvernement, que j’aie donné la préférence à
la première des deux bases posées dans le cahier des charges, et que j’avais,
je le répète encore, la faculté de choisir pour l’adjudication de l’entreprise
; car si j’eusse adopté la seconde, il en serait résulté des embarras
inextricables qui auraient tous tourné au profil de l’entrepreneur et
conséquemment au détriment de l’Etat.
Voyons maintenant s’il y a eu lésion dans les
intérêts de l’Etat, en adoptant la première base d’adjudication, c’est-à-dire
en obligeant l’entrepreneur à fournir les couchettes en fer à son compte.
Voici donc comme j’établis l’état de la question,
en vous prévenant que je procède toujours dans mes opérations de calcul, du
simple au composé, comme mode plus facile à me faire comprendre.
Le prix adjugé pour fourniture de literies avec
couchettes est de 20 fr. 50 c.
Celui que demandait le sieur Destombes,
sans fourniture de couchettes, était de 17 fr. 97 c.
Différence, 2 fr. 53 c.
J’avais calculé que le prix de la couchette serait
de 28 fr., rendue dans chacune des places : mais je sais que si c’est
effectivement le prix de revient de l’entreprise actuelle, il a dû être
augmenté de 2 fr. par le coût de deux nouvelles couches de peinture qu’on a
reconnues nécessaires.
Il faut donc actuellement baser sur 30 fr. pour
prix d’une couchette en fer.
Or, on ne peut moins accorder à un entrepreneur
pour capital engagé dans son affaire que 6 p. c. d’intérêts annuels : ce taux
donne sur un capital de 30 fr. un intérêt annuel de 1 fr. 80.
En admettant qu’au bout de 20 ans, les couchettes
ne vaudront plus que moitié de leur prix primitif, la perte sera de 15 fr. qui,
répartie en 20 ans, fera par an une perte de 75 c..
Total : 2 fr. 55 c.
M. Destombes demandait,
pour la fourniture des couchettes, 5 fr. 45 c. en sus de son prix, sans
couchettes, plus de deux fois de ce que demandait M. Félix Legrand.
Ainsi, messieurs, vous voyez qu’en accordant 2 fr.
53 c. en sus du prix de M. Destombe sans fourniture
de couchettes en fer, je n’ai réellement accordé que ce qui était juste et
raisonnable, et que j’ai débarrassé le département de la guerre de toutes les
difficultés qui seraient surgies de la fabrication et de la fourniture des
couchettes en fer à son compte, autre source d’embarras et d’intrigues qui
feraient le pendant de ceux qui se présentent aujourd’hui et qu’il eût été
encore plus difficile d’aplanir.
Maintenant, messieurs, je vais répondre aux
différentes observations présentées par les trois orateurs qui ont parlé dans
la précédente séance.
L’idée qui me paraît dominer dans leurs discours,
est que j’ai pu employer les fonds, accordés par les budgets, à d’autres
dépenses que celles qui étaient spécifiées aux divers articles de ces budgets,
et que j’ai ainsi excédé le montant de plusieurs de ces articles en prenant sur
d’autres les fonds nécessaires pour couvrir l’excédant des dépenses faites.
Je leur ferai observer que si, dans le budget de
1836, j’ai effectivement outrepasse quatre articles d’une somme totale de
40,000 fr., j’en ai déduit et justifié les motifs, et que la loi du 15 avril
1835 m’a accordé un crédit supplémentaire de la même somme.
Que si, dans le budget de 1835, j’ai aussi
outrepassé de 15,000 fr. la fixation d’un des articles de ce budget, une autre
loi de la même date m’a également accordé ce supplément de crédit, dont j’ai
pleinement justifié les causes, qui n’avaient nullement dépendu de ma volonté.
Enfin, dans le budget de l’exercice 1832, s’il y a
un excédant de dépenses sur deux articles, il a suffi d’un simple transfert,
autorisé par la loi du 15 août 1834, pour couvrir cet excédant avec les fonds
qui étaient restés disponibles sur d’antres articles.
Mais ce qu’il importe de rappeler à la chambre,
c’est :
1° Que les crédits accordés par le congrès et par
les chambres pour l’exercice 1831, ont couvert toutes les dépenses faites sur
cet exercice, sans spécification ni spécialité d’articles, puisqu’il n’y eut
aucun budget arrêté pour cet exercice, d’où il est résulté que les corps ont
reçu plus de fonds que les revues trimestrielles que je fis vérifier et arrêter
en 1832 ne leur en ont reconnu comme acquis : cela s’explique par les dépenses
extraordinaires qu’ils furent obligés de faire pour l’habillement des hommes
qu’ils ont reçus pendant cette année ;
2 Que quand j’ai pris la direction du ministère de
la guerre, en 1832, je trouvai le budget de cet exercice fixé par la loi du 20
mars de cette année, et que j’ai dû me conformer aux spécialités qu’il avait
établies.
Et ici, je dois également rappeler à la chambre que
les spécialités étaient fixées par armes, c’est-à-dire qu’il n’y avait qu’un
seul et même article du budget pour toutes les dépenses de chaque arme.
Ainsi l’article de l’infanterie, par exemple,
comprenait les traitements, la solde et les masses de pain, de fourrages, de
casernement, d’habillement et entretien, de première mise d’équipement, de
buffleterie, de frais de bureau, de transports, etc. ; et il en était de même
des armes de la cavalerie, de l’artillerie, du génie, de la gendarmerie et des
gardes civiques mobilisées.
Mon devoir était donc de me tenir dans les limites
de la fixation des fonds affectés à chaque arme, pour toute espèce de dépenses,
et c’est ce que j’ai fait, aux trois exceptions près et de si minime
importance, que j’ai signalées sur les années 1833 et 1834.
Ce système d’allocations par armes, formant un seul
et même article du budget, convenait mieux, sous tous les rapports, aux
éventualités de la situation où nous trouvions en facilitant les moyens de
faire varier l’effectif de chaque arme, selon les circonstances qui forçaient
le gouvernement à tenir plus ou moins d’hommes sous les armes.
C’est le même système que j’ai suivi dans la
rédaction des budgets de 1833 et de 1834, et jusqu’alors nulle réclamation ne
s’éleva dans les chambres sur la forme que j’avais trouvée établie et que je
crois devoir maintenir.
Ce ne fut qu’au budget de 1835 que la section
centrale proposa et que la chambre adopta :
1° Que l’article affecté à chaque arme ne
comprendrait que les traitements et la solde.
2° Qu’il y aurait au budget 12 articles distincts
et séparés pour chacune des masses affectées à tous les corps de l’armée.
C’est dans ce nouveau système qu’a été établi et
géré le budget de 1835, dont on pourra très prochainement vous présenter le
résultat.
Je conviens que le compte à rendre sera beaucoup plus
facile à établir, sous le rapport de l’emploi de chaque masse, que ceux des
trois exercices précédents.
Mais ceux-ci, pour être rendus dans la même forme,
et par allocation séparée de chacune des masses, demanderont un travail long et
pénible, qui pourra cependant être dressé d’après l’arrêté des revues
trimestrielles, ainsi que je l’ai déjà établi dans le compte-rendu de la masse
d’habillement et d’entretien.
Il faudra d’abord convertir les budgets précédents,
arrêtés et spécialisés par armes, dans le nouveau système adopté depuis celui
de 1835, y coordonner ensuite toutes les allocations acquises aux corps de
l’armée, d’après leurs revues trimestrielles basées sur l’effectif, et établir
la comparaison entre ce qui était alloué au budget pour traitement, solde et
masses de toute espèce, avec le montant des sommes touchées par les corps, en
subdivisant le montant de leurs recettes faites au titre d’un seul article du
budget en autant de fractions qu’il y a de masses différentes à la dépense
totale.
Ce travail fera connaître le montant exact des
dépenses faites sur chaque masse, et démontrera, je l’espère, que les dépenses
ont été faites dans les limites affectées à chaque masse.
Ce qui m’en donne l’assurance, c’est que, m’étant
renfermé dans l’allocation totale affectée à chaque arme, il ne peut se faire
autrement que chacune des spécialités n’ait été renfermée dans les limites des
subdivisions de cette allocation.
Mon devoir m’obligeait, je le répète, à me tenir,
pendant ces trois exercices, dans les limites des allocations accordées par
armes, pour toute espèce de dépenses ; et je m’y suis renfermé aussi exactement
que je l’ai fait, pour l’exercice qui vient de finir, dans les allocations par
masse.
Un honorable orateur a demandé comment j’avais pu
faire des avances aux villes pour la construction d’écuries destinées à la
cavalerie.
Je vais faire connaître les mesures qui sont été
prises et les moyens employés pour y faire face.
Il me suffira, messieurs, de vous donner
connaissance d’un rapport que je soumis au Roi le 13 janvier dernier, et qui
résume l’état de la question.
« Rapport au Roi.
« Bruxelles, 23 janvier 1835.
« Sire,
« Depuis trois années, 4 à 5000 chevaux des
troupes de cavalerie et d’artillerie sont placés en cantonnement, à cause du
manque d’écuries dans le places fortes et les villes de garnison.
« L’excédant de dépenses qui en est résulté
pendant ces trois années s’élève à plus de deux millions de francs, et les
chevaux ont eu à souffrir dans les mauvaises écuries des cultivateurs où ils
ont été placés ; il en est même résulté une grande mortalité.
« La discipline n’a pu être maintenue dans les
cantonnements, comme elle l’aurait été dans les villes, et il en est résulté
aussi des délits et des désertions.
« Mais les graves inconvénients qui sont
résultés de cet état de choses sont : 1° la charge des habitants des communes
qui ont servi de cantonnements ; 2° la démoralisation qui s’y est répandue ; 3°
les plaintes aussi justes que fondées qu’adressent continuellement les
bourgmestres et les autorités, et dont la tribune des chambres n’a que trop
souvent retenti.
« Pour faire cesser ces dépenses énormes et
pour mettre fin à ces réclamations, j’avais proposé au conseil des ministres
qui avait agréé ma proposition, et par suite aux chambres, d’employer une
partie de la somme qui serait accordée au budget de 1835, pour les dépenses de
cantonnements, à bâtir des écuries provisoires dans les places de garnison où
les casernes permettraient de loger les hommes à proximité de ces écuries,
« Cette proposition fut accueillie
généralement et je m’occupai de suite de sa mise à exécution.
« Je comptais établir les écuries pour 3,000
chevaux, qui réunies à celles qui existent aujourd’hui et ne peuvent en
contenir 7,000, permettraient de caserner convenablement 11,000 chevaux de
cavalerie et d’artillerie.
« D’après les devis que j’ai fait dresser pour
des écuries provisoires en planches, ainsi que cela devait avoir lieu dans le
premier projet, ces écuries retenaient à 120 francs par cheval.
« Mais je renonçai à ce premier projet, pour
bâtir de bonnes écuries en maçonnerie, et les nouveaux devis en portèrent la
dépense à 200 francs par cheval pour frais de construction seulement et non
compris le terrain.
« C’était donc une dépense de 800,000 francs à
faire, sans compter les frais d’acquisition du terrain.
« Afin de diminuer les dépenses à la charge de
l’Etat, je proposai aux régences d’entrer pour le tiers ou 2/5 dans les prix de
construction, et j’ai obtenu ce résultat dans la majorité des villes avec
lesquelles je suis entre en négociation,.
« Je demandai de plus que les dépenses que
ferait le gouvernement lui fussent successivement remboursées et ne fussent
considérées que comme avances ; j’ai encore obtenu ce point important.
« C’est après de longues négociations que je
suis parvenu à ce double résultat, et c’est en conséquence que j’ai rédigé le
projet d’arrêté ci-joint qui borne les avances à faire par le gouvernement à la
somme de 400,000 fr., qui lui sera remboursée et qui laisse toutes les autres
dépenses à la charge des villes.
« Ainsi, pour une somme de 400,000 fr, et
payée seulement à titre d’avance, on met fin à une dépense annuelle de plus de
500,000 fr., on caserne 4,000 chevaux, et l’on fait cesser les justes plaintes
d’un grand nombre de communes... »
Je dois rappeler ici qu’il avait d’abord été
question de faire la totalité des dépenses aux frais de l’Etat, et que c’est
même ainsi que les chambres l’avaient entendu, pour voir enfin le pays délivré
de la charge des cantonnements. Mais j’ai obtenu, par les mesures que j’ai
prises, que ces frais ne seraient qu’une simple avance remboursable. J’ai donc
réduit à cette avance de 400,000 fr. une dépense qui se serait élevée à plus
d’un million, y compris l’achat du terrain, et je réduis ainsi une dépense annuelle
de plus de 500,000 fr.
Un honorable membre a parlé du boni des hôpitaux
voici les renseignements que je puis donner à cet égard :
Ainsi que l’observation en a déjà été faite, les hommes
reçus dans les hôpitaux y sont entretenus au moyen de leur solde de l’indemnité
pour le pain et d’un supplément de solde pour ceux dont la solde n’excède pas
52 c. par jour ; ce qui porte pour le plus grand nombre d’hommes aux hôpitaux
qui sont généralement de l’infanterie :
Pour la solde, 52 c.
Pour le pain, 12 c.
Supplément, 14 c.
Total, 78 c.
Le boni que laisse parfois, lorsqu’il y a un grand
nombre de malades en traitement, le ménage de ces établissements, est employé
aux séparations des locaux et du mobilier, et en achats d’objets neufs : c’est
ainsi que le nombre de matelas, couvertures, draps de lits, etc., a été
considérablement augmenté depuis trois ans, et c’est sur ces fonds aussi que
1,000 couchettes en fer seront fournies, outre les 600 qui sont déjà en usage.
D’après le vœu exprimé dans la discussion du budget
de 1835, par un honorable représentant, les comptes trimestriels de ces
hôpitaux ont été soumis au contrôle de la cour des comptes qui en est
maintenant saisie.
Les sommes qui excèdent le nécessaire du service
courant de ces établissements sont déposées dans la caisse des corps en
garnison dans la place et c’est ce qu’on nomme le boni des hôpitaux.
(D’après les
explications détaillées que donne le ministre, le boni a été de 42,000 fr. pour
l’année 1834.)
L’administration des hôpitaux, sous le rapport
financier, me paraît parfaitement entendue et bien supérieure à ce que j’ai
connu en ce genre jusqu’à ce jour.
Un honorable membre a dit qu’il y avait un grand
déficit dans le nombre des sous-officiers et caporaux de l’armée, j’en ai fait
faire le relevé ce matin. Voici le résultat que j’ai obtenu.
- Ici le ministre établit par des calculs, pris sur
l’effectif au premier janvier, que les corps d’infanterie ne manquent pas de
sous-officiers et qu’au moyen des écoles des régiments, on parviendra
facilement à compléter prochainement le nombre des caporaux manquant au complet
d’organisation, exposé dans mon rapport d’hier les motifs qui donnent
l’explication des trois prix qui sont affectés à payer l’indemnité de
casernement fourni par les régiments, et je ne pourrais que répéter ce que j’ai
suffisamment expliqué.
Une des honorables préopinants a demandé comment il
se faisait que l’on produisît pour la première fois un article de dépenses
montant à la somme de 42,000 fr., pour solde des domestiques des officiers sans
troupe. Lorsqu’à la fin de 1832, le gouvernement décida que les cavaliers qui
servaient de domestiques aux officiers sans troupe seraient renvoyés dans leurs
régiments, comme la solde de domestiques qu’il convenait d’accorder aux
officiers sans troupe, rentrait dans la catégorie des dépenses extraordinaires,
j’ai cru devoir affecter cette dépense sur cet article dans les budgets de 1833
à 1835 ; mais la continuation de cette dépense ayant permis de la régulariser,
j’ai pensé qu’il convenait de consacrer un article spécial à cet objet dans le
budget de 1836. C’est ce qui fait qu’il figure actuellement au chapitre des
traitements divers.
L’honorable M. de Jaegher a dit que l’on avait annoncé
avec quelque emphase que le budget de
1836 comparé à celui de 1835 offrirait une diminution de trois millions de
francs, mais que par compensation on avait laissé pour mémoire un article très
important.
Il est vrai, messieurs, que lors de la rédaction du
budget de 1836 au mois d’août et de septembre derniers, j’étais loin de pouvoir
être fixé sur le nombre de troupes à conserver en cantonnement dans le courant
de 1836. J’ai cru devoir laisser cet article pour mémoire, sauf à le déterminer
à la fin de l’année et à en fixer le chiffre.
Ce chiffre sera de 384,000 francs, il présente la
défense nécessaire pour 3 mille hommes. En 1835, il était de 1,993,000 fr. il y a donc sur cet article seulement une
diminution de 1 million six cent mille francs.
Le même orateur a pensé que si je ne croyais pas le
nombre des hommes sous les armes pendant l’exercice de 1836 susceptible de
diminution, c’était parce que je devais employer 26,000 hommes d’infanterie au
service des places du royaume. Il n’en est pas ainsi. La plupart des places
peuvent se passer de garnison. Cela a lieu quand les troupes vont aux camps. Si
j’ai fait la déclaration que l’on a rappelée, c’est dans l’intention d’avoir
toujours disponible une force égale à celle de nos adversaires. Tant que l’effectif
de l’armée hollandaise ne sera pas diminué, il est prudent de conserver le
nôtre. (Approbation).
L’on a fait des observations sur le non-emploi des
officiers d’état-major.
Je dois dire que cette année j’ai envoyé une
brigade de ces officiers pour lever le camp du Demer. Ils ont employé deux mois
à ce travail dont ils se sont parfaitement acquittés.
Je m’étais proposé
d’employer une partie des officiers de l’état-major à des travaux
topographiques. C’eût été une occasion excellente d’instruction pratique pour
ce corps. Mais la chambre ne m’ayant pas accordé les fonds nécessaires, je n’ai
pu donner suite à ce projet.
Enfin, l’on a fait une observation sur les sapeurs
des corps d’infanterie de l’armée. Je déclare d’abord que ces hommes sont
choisis parmi les meilleurs sujets des compagnies d’élite, dont ils continuent
à faire partie pour l’effectif, leur solde et les autres allocations. Il est
nécessaire que je relève une erreur très grave commise par un honorable membre
dans l’évaluation de leurs dépenses.
L’on a calculé 125,000 fr. par an pour leurs
buffleteries, ce qui, ajouté aux autres frais, ferait une dépense totale de
242,000 fr, la masse de buffleteries pour chaque sapeur n’est pas d’un franc
par jour, mais bien d’un fr. par an. Ce qui réduit le chiffre à 342 fr. au lieu
de 125,000 fr. par an. (Hilarité.)
Il y a encore deux ou trois observations auxquelles
je n’ai pas répondu. Je demanderai à la chambre le temps de réfléchir pour
répondre d’une manière complète.
M. de Puydt, rapporteur,
autorisé par les sections à donner lecture de la proposition qu’il a déposée au
le bureau, monté à la tribune. - Messieurs, un honorable député qui a parlé
hier dans la discussion générale, a débuté par déclarer qu’il n’avait pas pu à
la section centrale remplir le mandat qui lui avait été confié par la section,
attendu qu’il n’avait pu s’entourer de tous les renseignements nécessaires pour
s’éclaircir. Comme il y a dans cette observation une sorte d’accusation portée
contre la section centrale, je crois devoir m’expliquer à cet égard en ma
qualité de rapporteur.
Toutes les sections ont envoyé à la section
centrale des nombreuses observations sur les différentes parties du budget de
la guerre. Elles ont demandé au ministre des renseignements nouveaux, afin
d’éclairer la discussion ultérieure dans le sein de la chambre. Ces demandes
ont été faites aussitôt au département de la guerre. Une notice très nombreuse
a été envoyée à M. le ministre. Nous avons été bientôt saisis d’une quantité de
pièces conformément au vœu de toutes les sections. Je ne pense pas que l’on ait
passé sous silence une seule observation faite par les sections. Je ne sache
pas qu’une seule demande adressée à M. le ministre par la section centrale soit
restée sans réponse.
S’il est vrai que l’honorable membre n’a pu
s’entourer de toutes les lumières qu’il désirait, ce n’est pas la section
centrale qu’il faut en accuser, puisqu’elle a satisfait à toutes les demandes
que les sections lui ont faites. Ce n’est pas non plus M. le ministre de la
guerre qui s’est empressé de se rendre aux invitations de la section centrale.
L’honorable membre qui faisait partie de la section
centrale pouvait faire, dans le sein de cette commission telle proposition qu’il
jugeait convenable et la soumettre à un vote. Je lui demanderai de me dire si
la section centrale a refusé de transmettre aucune de ses demandes au
département de la guerre, ou si M. le ministre a refusé d’y répondre.
Les orateurs qui ont parlé dans la discussion
générale ont critiqué l’administration de la guerre.
Plusieurs abus ont été signalés ; les uns sont
relatifs à un marché passé par ce département, d’autres à l’organisation même
des corps de l’armée.
Vous venez d’entendre les explications de M. le
ministre de la guerre ; elles sont plus ou moins accompagnées de calculs dont
on ne peut saisir l’ensemble à une première lecture. La chambre aura le temps
de réfléchir sur leur justesse et sur le plus ou moins de fondement des
réponses de M. le ministre : quant aux questions qui touchent à l’organisations
des corps, il en est une seule, celle relative à la réserve de l’armée, sur
laquelle j’aurais désiré présenter des observations ; pour ne pas prolonger la
discussion générale, je me réserve de les produire lors de la mise en
discussion du chapitre relatif à l’infanterie.
Il est un autre point que je ne puis laisser passer
sous silence, parce qu’il touche à un service sur lequel ma position me permet
de donner des renseignements. C’est au sujet de la fusion du génie, de
l’artillerie, de l’état-major et même du corps des ponts et chaussées, demandée
par un honorable membre, que je vais entretenir la chambre.
Une observation assez singulière a été faite par un
honorable orateur à propos du service des armes spéciales.
Le génie et l’artillerie exigent, dit-il, les mêmes
connaissances théoriques et se touchent quant aux applications. L’état-major et
les ponts et chaussées se placent dans la même catégorie par la communauté des
études préliminaires : enfin entre plusieurs de ces corps et peut-être entre
tous, pourrait-on trouver une analogie qui permettrait de confondre plus ou
moins leurs attributions, et de là, on conclut à supprimer le génie militaire
par une répartition entre les trois autres services.
Je dois avouer que ce qui m’a surpris le plus,
c’est la conclusion. En effet, si c’est par mesure d’économie qu’il faut agir
de la sorte, il serait, ce me semble, plus rationnel de supprimer le service le
plus coûteux ou plutôt de les confondre tous en un seul.
Ceux qui ignorent les principes de la science
militaire, son but et ses moyens ; ceux qui n’ont pas étudié et comparé les
attributions des armes spéciales, peuvent entrevoir peut-être dans une pareille
mesure une apparence de vérité ; mais pour peu qu’on soit familier avec les
connaissances positives et qu’on sache que c’est par la spécialité qu’on arrive
aux progrès et qu’on obtient le plus grand effet utile, on ne peut que
s’étonner de voir produire ici une proposition en contradiction aussi évidente avec
l’expérience du passé, la marche des perfectionnements présents et les
principes.
Réunir en un service commun les attributions de
plusieurs armes spéciales, n’est ni une idée neuve, ni une idée progressive.
Elle n’est pas neuve, car à diverses époques elle a
été bazardée par l’inexpérience de quelques hommes et repoussée par l’influence
des perfectionnements de la science militaire.
Elle n’est pas progressive, car elle tend à
rétrograder vers les institutions antérieures.
La division du travail multiplie les forces. Cela
est vrai pour les travaux qui demandent le concours des forces intellectuelles,
comme pour ceux qui exigent le concours des forces matérielles.
Il ne sera pas difficile de démontrer qu’à
l’application de ce principe on doit l’organisation actuelle des différentes
armes spéciales ; je vais le faire en peu de mots.
Pour cela remontons de quelques siècles dans
l’histoire des guerres modernes et arrêtons-nous au point où la sciences a dû
nécessairement subir une révolution par l’invention de la poudre à canon.
Dans les temps les plus reculés, tout ce qui
constituait la science militaire, comme la conduite, l’administration et les
manoeuvres des troupes, les connaissances géographiques et statistiques des
pays où l’on faisait la guerre, l’art des sièges, la balistique ou l’emploi des
machines, tout était du ressort du chef de l’armée : un général était presque
toujours commandant de troupes et ingénieur, combattant et diplomate, militaire
et administrateur.
C’est à la longue et à mesure des perfectionnements
théoriques et mécaniques, que des hommes spéciaux, attachés aux chefs des
armées, pour prendre à eux quelques-unes de ces attributions, ont rendu par là
plus puissante l’action des machines et celle des travaux du terrain combinées
avec les manœuvres des troupes.
Déjà les premiers ingénieurs des temps modernes, à
partir du siècle de Philippe-Auguste, réunissaient beaucoup sous leur direction
: Ils construisaient et manoeuvraient les engins ou machines défensives et
offensives, de là leur dénomination d’hommes d’engins ou ingénieurs.
Ils dirigeaient les mines, les ouvrages de
terrassements, les travaux de toute nature en campagne, ils construisaient les
places.
Plus tard, la nature et la forme des armes de jet
s’étant modifiées par l’invention de la poudre ; la science de la balistique
devint plus compliquée. La fortification des places prit à son tour un autre
caractère ; l’attaque et la défense de cette fortification nécessitèrent des
travaux basés sur de nouveaux principes, quelques siècles après.
Sous François Ier, on a commencé à diviser les
attributions jusque-là très étendues des hommes
d’engins, et de là date à peu près la séparation de ce qui était alors le
service du génie d’avec ce qui devenait le service de l’artillerie.
Les premiers progrès amenèrent donc cette première
division de travail, et dès lors la marche des perfectionnements dans l’une et
l’autre partie fut rapide, parce que chacun se préoccupa de sa spécialité pour
en hâter les développements.
C’est sous Louis XIV que l’organisation des
ingénieurs fut réglée tout à fait militairement.
Enfin, pendant le règne de Louis XV, on fit une
tentative pour réunir de nouveau le génie à l’artillerie, et la fusion dura de
1755 à 1757, c’est-à-dire environ deux ans. Après cette épreuve qui, par ses
résultats constatés alors, a décidé pour toujours la question, les services
furent séparés et l’on a reconnu qu’ils concourraient plus efficacement au but
commun par des moyens qui leur sont propres qu’en se confondant.
Jusque-là aussi, les ingénieurs avaient eu dans
leurs attributions avec les travaux militaires, une partie des travaux civils ;
mais les mêmes nécessités progressives qui avaient antérieurement séparé
l’artillerie du génie, séparèrent aussi et à toujours, le génie civil du génie militaire
; les travaux civils, les travaux militaires n’ont de rapport entre eux que par
les principes qui fondent la science de la construction. Hors de cette
communauté de connaissances premières, tout diffère dans l’application, dans le
service, dans les obligations personnelles. Il faut pour ces deux carrières des
vocations toutes différentes et incompatibles. Dans l’une on mène une vie
paisible et consacrée aux travaux qui ont uniquement pour objet les travaux
industriels. Dans l’autre, on prend part aux opérations des armées ; on fait
des travaux qui reposent sur des principes tout à fait spéciaux ; on est soumis
à une discipline et à un esprit militaire ; on est destiné aux périls et aux
fatigues de la guerre.
Après la révolution française, le corps du génie
militaire figura, avec les avantages qui résultent de ses attributions, dans
toutes les guerres dont nous avons été les témoins, et c’est à la fin de cette
époque qu’apparaît l’état-major, dont une première et éphémère organisation,
date de la guerre d’Amérique.
L’assemblée constituante avait détruit cette
institution à peine ébauchée, il n’y eut plus de corps de ce nom, mais ses
fonctions furent confiées en partie à un grade nouveau d’officiers supérieurs
que l’on créa sous le titre d’adjudants généraux, certaines autres parties du
service elles furent exercées le plus souvent par les officiers du génie
attachés aux états-majors des corps d’armée.
Enfin l’état-major n’est devenu un corps fixe, une armée
spéciale qu’après 1815. Dès ce moment les officiers du génie militaire ont
cessé d’être chargés des reconnaissances, des leviers en campagnes ; mais ils
ont conservé les travaux de construction et d’entretien des places de guerre ;
les travaux d’attaque et de défense de ces places, les reconnaissances de leurs
abords, la construction de la fortification de campagne, l’établissement des
camps retranchés, des positions fortifiées, celui des postes fixes et des
communications militaires. Pendant la paix comme pendant la guerre les travaux
dont ils sont chargés entraînent une responsabilité immense.
La création de l’état-major, comme corps, est un
progrès sans doute, et n’est un progrès que par sa spécialité. Vouloir réunir
d’autres services, c’est remonter le courant, c’est méconnaître les motifs, ou
plutôt les nécessités d’amélioration qui ont amené les dislocations
successives, parce que les allocations ont été effectuées, non pour affaiblir
les attributions des corps respectifs, mais pour leur donner au contraire bien
plus grande force d’action par leur spécialisation, si je puis m’exprimer
ainsi, ce qui leur permet de chercher chacun de nouvelles applications plus
particulièrement efficaces.
S’il pouvait être démontré par un raisonnement
quelconque le génie militaire doit être réuni à l’état-major, ou l’état-major
au génie, ce serait démontrer que l’on a eu tort de créer l’état-major ; et de
conséquence en conséquence ce serait, en condamnant la création de chaque
service particulier, annuler les progrès scientifiques qui en sont le résultat,
et qui sera encore à naître sans la série des spécialités.
Considérée sous le rapport des principes, des
progrès de la science et des convenances militaires et politiques, la mesure
n’est pas soutenable.
Considérée sous le rapport de l’économie, on n’y
voit également aucun avantage.
En 1831, on essaya en Belgique la fusion entre les
ingénieurs et les ingénieurs militaires ; tout paraissait facile tant qu’il ne
s’est agi que de classer les grades et les personnes, mais dès qu’il a fallu
déterminer les attributions, les obstacles se sont montrés en foule et l’on a
dû y renoncer.
Le tableau du personnel des deux corps réunis
présentent un total de 76 officiers et ingénieurs de tous grades, et comme la
solde du génie diffère de celle des ponts et chaussées, on attribuait tout
naturellement aux officiers du corps nouveau la solde la plus élevée, puisque
la fusion avait pour résultat d’augmenter les attributions et la responsabilité
de chacun.
La dépense d’après ce tableau devait être de
366,000 fr.
Tandis que les soldes respectives des mêmes
individus dans les corps séparés étaient à cette époque :
Pour le génie, 183,600 fr.
Pour les ponts et chaussées, 121,000 fr.
Différence en plus, 61,400 fr.
Donc au lieu d’une économie on obtient par là un
excédent de dépense.
Mais si la fusion s’opère entre le génie et
l’état-major, la différence en plus sera bien plus grande, car la solde de
l’état-major, sans qu’on sache trop pourquoi du reste, est plus élevée que
celle du génie.
Enfin pour donner à cette proposition l’appui d’une
autorité, on a cité le général Vandoucour, on en peut
même citer d’autres encore, je le veux bien. Mais à cela je répondrai : si
quelques militaires de l’empire, entraînés par une idée spécieuse, ont hasardé
sans succès une innovation qu’a repoussée Napoléon, cela seul condamné la
proposition ; car de toutes les autorités voilà la plus puissante sur de
pareilles questions.
- La proposition de M. de
Puydt est prise en considération.
La chambre en ordonne le renvoi aux sections.
M. Dechamps donne
lecture de la pétition de M. Destombes.
(Le texte de
cette pétition s’étend sur quatre colonnes du Moniteur belge. Il n’est pas
repris dans la présente version numérisée.)
M. de Jaegher.
- M. le ministre de la guerre, en prenant la parole tout à l’heure, nous a annoncé qu’il se proposait de
réfuter les différents arguments présentés successivement dans la séance
précédente.
Je suis
encore, pour ce qui me concerne, à attendre cette réfutation. Je n’ai rien
entendu qui réfutât mes observations.
M. le ministre de la guerre nous a lu un mémoire
dans lequel il déduit les mesures qu’il a prises pour engager les villes à
construire des écuries. Je n’ai pas attaqué la mesure en elle-même. Seulement
j’ai demandé à M. le ministre où il avait trouvé les fonds nécessaires pour
solder les dépenses faites de ce chef. C’était une question de comptabilité et
non d’administration que je posais. M. le ministre ne m’a pas répondu, Il m’a
cité un arrêté pris par lui. Je ne pense pas que de simples arrêtés puissent
être substitués à un budget.
M. le ministre a dit que cet arrêté avait été pris
pour régulariser le service, mais il n’a pas parlé de la manière dont
s’opéreraient les remboursements des avances faites aux villes.
J’avais demandé également à M. le ministre où il
avait trouvé les fonds nécessaires pour payer la solde des domestiques des
officiers sans troupe.
M. le ministre a dit que c’était sur le fonds des
dépenses imprévues. Je ne pense pas, messieurs, que ce soit une dépense
imprévue que celle qui dure quatre années consécutives. C’était une dépense
très prévue. Mais elle était faite de manière à nous la laisser ignorer.
M. le ministre de la guerre a abordé l’observation
que je lui ai faite relativement aux sous-officiers et caporaux de l’armée. Il
a dit que le nombre en était presque au complet ; je n’ai pas prétendu le
contraire. Mes observations ont porté sur le manque d’instruction des
sous-officiers de l’armée que l’on est obligé de prendre parmi les simples
soldats. J’ai appelé l’attention de la chambre sur le système d’instruction
actuel adopté par M. le ministre de la guerre et sur la nécessité de la
modifier.
M. le ministre de la guerre a dit que l’on
n’exigeait pas d’engagements volontaires de la part des sous-officiers et
caporaux ; mais comment se fait-il alors que les simples soldats refusent ces
grades ? Il est de fait qu’il y en a qui ont déchiré leurs galons. Je tiens
cette particularité d’un honorable représentant. Si les congés et les avantages
sont les mêmes que pour les simples soldats, quelle raison ceux-ci auraient-ils
de refuser d’être caporaux ?
M. le ministre de la guerre a dit que les 26,000 hommes
d’infanterie qu’il demande à conserver sous les armes ne lui sont pas
nécessaires pour les garnisons des villes, mais qu’il importe de conserver sur
pied une force égale à celle de
Je crois avoir prouvé que mes arguments,
imparfaitement réfutés par M. le ministre de la guerre, restent entiers.
L’honorable M. de Puydt a cru trouver dans mes
paroles un reproche adressé à la section centrale et particulièrement à son
rapporteur sur le manque de renseignements dont je me suis plaint. Je n’ai pas
dit que la section centrale avait négligé de demander les renseignements
nécessaires ; mais j’ai dit qu’il lui avait été impossible, malgré tous les
renseignements dont elle s’était entourée, d’examiner les dépenses faites pour
les fournitures, par exemple, dans l’absence des comptes des exercices
précédents. Mon reproche ne s’adressait pas à la section centrale, mais à
l’administration de la guerre.
L’honorable rapporteur a examiné au long la
proposition que j’ai faite de supprimer le corps du génie. Je ne le suivrai pas
dans les longs développements qu’il a donnes. Je ne remonterai pas de trois ou
quatre siècles. Je lui dirai seulement qu’il n’a pas tenu compte des
modifications introduites dans le système de la guerre. Lorsque les armées
s’arrêtaient pendant toute une campagne devant une place forte, le génie jouait
un rôle beaucoup plus important que maintenant.
L’honorable membre a dit que l’idée que j’ai émise
n’est pas neuve. Cela n’a pas été ma prétention. J’ai cité l’opinion d’un
illustre général à l’appui de la mienne. L’honorable membre a prétendu que ceux
qui n’ont pas étudié les armes spéciales peuvent seuls faire une semblable
proposition. Cependant le général Vaudoucœur, juge
compétent en pareille matière, a fait de la réunion des différentes armes
spéciales en une seule, l’objet de plusieurs propositions successives.
Permettez-moi de vous lire un passage qui vous fera connaître à quelle époque
celte idée remonte :
(Ici
l’honorable membre donne lecture d’un passage extrait d’un mémoire du général Vaudoncoeur.)
Jusqu’en 1815 le corps du génie a fait
exclusivement aux armées le service du corps de l’état-major général, qui fut
organisé en France sur la proposition du maréchal de Saint-Cyr, et reçut la
majeure partie des attributions affectées jusque-là au service du premier, telles
que :
1° Les reconnaissances militaires ;
2° La direction des mouvements et des opérations ;
3° La construction des camps, et des travaux de
fortification passagère de siège ;
En temps de paix :
4° La rédaction des mémoires militaires sur la
défense du pays, et des mémoires d’attaque des pays voisins ;
5° Le levé topographique de l’intérieur du pays.
Cette soustraction des travaux importants du corps
du génie réduisit son rôle à la simple construction des forteresses et à leur
entretien.
Or, si l’on considère que les officiers
d’artillerie reçoivent jusqu’au moment de sortir de l’école militaire la même
instruction ; que toutes leurs études spéciales sont tournées vers l’attaque et
la défense des places ; que dans les siéges ils sont forcés de réunir aux connaissances
spéciales de l’officier du génie, celles de l’artillerie, on concevra que dans
un petit pays comme le nôtre le corps du génie est une superfétation complète.
On m’objecte que les connaissances spéciales de ces
deux catégories d’officiers exigent une séparation et qu’il est impossible que
l’on puisse s’occuper à la fois avec succès de ces deux métiers.
La chose pourrait être vraie, si l’on voulait
exiger des officiers commandant des batteries, véritables officiers de troupe,
les connaissances spéciales de l’officier de génie, et l’application constante
qu’on exige de celui-ci ; mais le corps de l’artillerie est lui-même divisé en
deux catégories.
1° Les officiers-commandants des batteries et des
compagnies de siége ;
2° Les officiers de l’état-major de l’artillerie,
officiers directeurs, etc. du matériel dans chaque place de guerre. Or, ces
derniers, une fois la place construite et armée, n’ont plus qu’à se promener
les bras croisés ; il en est de même des officiers de génie qui se trouvent dans
les mêmes places.
En France, les officiers d’artillerie de cette
dernière classe sont chargés de la construction et de la bâtisse des arsenaux,
des magasins à poudre, etc. ; s’ils sont en état de se charger de ces
constructions, si on reconnaît que dans les sièges et ailleurs ils se chargent
de la construction des batteries et d’autres travaux de terrassement, pourquoi
ne pourraient-ils pas aussi se charger de la construction d’une simple muraille
?
Pourquoi les plans des travaux à effectuer ne
peuvent-ils pas émaner de l’état-major général, et l’exécution en être laissée
soit à ceux-ci, soit au corps des ponts et chaussées ?
L’instruction de ce service est identiquement la
même que celle des officiers de génie, et la meilleure preuve que je puisse en
donner, c’est que des ponts et chaussées sont sortis la plupart de nos
officiers du génie que nous n’envisageons aucunement comme au-dessous de leur
position dans l’armée.
Il n’y aurait plus dans ce cas l’anomalie qui nous
choque aujourd’hui, quand nous voyons dans chaque place trois administrations
spéciales pour les mêmes travaux :
1° Les officiers des ponts et chaussées,
2° Ceux du génie avec leur personnel,
3° Les officiers du matériel de l’artillerie.
Ces considérations, ce n’est pas de mon autorité
privée que je veux les étayer ; elles ont, comme je l’ai déjà dit, été
développées par le général d’artillerie français, Vodoncourt
entre autres, dont on ne contestera probablement pas la compétence, comme on
pourrait décliner la mienne.
Elles le sont aussi dans l’article : Mémoire à
l’usage des officiers d’artillerie de France, par le célèbre général
d’artillerie Gassendi, que M. le général Evain doit personnellement connaître.
Qu’en France elles aient
trouvé de l’opposition, rien d’étonnant ; elles avaient à combattre un système
auquel de longues années d’existence avaient permis de pousser de profondes
racines ; intérêts individuels, susceptibilités d’amour-propre, elles avaient
tout contre elles ; dans notre corps du génie qui ne date que d’hier, à part
cinq ou six officiers qui en ont fait le noyau au moment de la révolution, on
trouve déjà les mêmes germes : le tout est de savoir s’il seront assez
puissants pour se faire également prévaloir.
Le travail des officiers du génie exige des connaissances
spéciales que n’exige pas celui de l’état-major ; voilà le grand argument. Eh
bien, messieurs, ces connaissances spéciales se trouveront dans les mêmes
individus qui ne feront que passer d’un corps à l’autre.
Ils ne perdront rien de leur savoir en perdant leur
uniforme distinct, et il ne restera pas plus caché sous l’habit brodé qu’il ne
l’est aujourd’hui sous les aiguillettes. Je persiste donc dans l’opinion que
j’ai émise.
M. Jadot. - Au début
de ses observations, le ministre a dit qu’il avait employé les crédits portés
au budget : cela est vrai. Je le
reconnais avec lui, je dis même qu’il les a employés entièrement ; mais ce en
quoi nous différons, c’est que je soutiens qu’il les a dépassés. Je vais le
prouver.
M. le ministre assimile toujours l’avance faite par
le trésor aux autres fonds accordes par le budget.
Cependant la différence est immense, et c’est cette
différence qui doit trancher la question.
L’avance est une somme prêtée sous la condition
qu’elle sera restituée.
Les fonds alloués au budget forment une dette que
le gouvernement remet au ministre, d’avance si vous le voulez, mais non comme
prêt, pour acquitter des dépenses qu’il doit supporter, mais à charge par le
ministre d’en justifier l’emploi.
L’avance au contraire doit être restituée en
numéraire.
Lorsqu’un corps a reçu plus de fonds qu’il n’en a
dépensé pendant un trimestre, il se constitue débiteur de l’argent qui lui
reste en caisse pour l’imputer sur les dépenses du trimestre suivant. Cela est
dans l’ordre ; ces fonds ont été donnés pour être dépensés, pour acquitter la
dette de l’Etat.
Mais il n’en est pas de même de l’argent de quelque
manière qu’il l’ait reçu, celui-là, le corps ne peut le dépenser ; il n’a pas
été alloue pour être dépensé, mais donné en prêt.
Je citerai encore l’exemple donné par M. le
ministre de la guerre.
Les feuilles de revue ont alloué à un régiment pour
les dépenses d’instruments, 720,000 fr.
Le budget ne lui allouait que 680,000 fr.
Les 40,000 fr. manquant ont été payés avec les
rentrées faites sur le prêt.
Eh bien, dans ce cas on a dépensé 40,000 francs qui
n’avaient pas été alloués et fait des dépenses pour 40,000 fr. de plus qu’on ne
pouvait.
Quand, après l’expiration d’un exercice, M. le
ministre vient vous dire : Vous m’aviez remis pour être employée aux dépenses
du budget une somme de 40 millions, je n’en ai dépensé que 38 et je vous
propose de transférer cette somme à un autre budget ; cela est dans l’ordre :
mais si, au lieu de vous proposer ce transfert, il vous dit qu’il a imputé ces
deux millions sur le prêt que vous lui avez fait, il est clair qu’il vous paie
avec votre propre argent.
Une seconde erreur non moins grave est celle-ci :
M. le ministre a toujours considéré le crédit porté
au budget pour masse d’habillement comme étant mis à sa disposition et destiné
à passer dans la caisse du magasin pour des dépenses générales.
Mais ce n’est ni à l’armée collectivement ni pour
des dépenses générales que ce crédit est alloué, il est alloué à chaque soldat
individuellement et pour payer ses dépenses purement personnelles.
Que résulte-t-il de la manière de l’employer de M.
le ministre de la guerre ?
Il en résulte que les soldats qui paient leurs
effets de leur propre denier, les paient une seconde fois au moyen de la retenue
qu’on leur fait et que l’on garde au lieu de leur restituer.
Il en résulte que cette retenue que l’on garde
injustement, sert à payer des effets qui restent au bénéfice du magasin,
c’est-à-dire du magasinier. Car, quand les soldats qui auront payé de leurs
deniers les effets qu’on leur aura livrés, viendront en prendre d’autres, on ne
leur tiendra pas compte de cette retenue, et cependant elle ne profitera pas à
l’Etat.
Je demanderai encore à M. le ministre de la guerre
s’il est vrai, ainsi que je le prétends, que jusqu’à ce jour il n’a été fait de
décompte à aucun soldat. Il aurait dû déjà répondre à cette question, elle est
assez simple. On retient à chaque soldat 18 centimes par jour pour sa masse
d’habillement, ce qui fait une somme de 65 à 70 francs au bout de l’année. Il
me semble que quand on donne son congé à un soldat, on devrait lui restituer la
somme qu’on lui a retenue et qui n’a pas été employée.
Je prie donc de nouveau M. le ministre de nous
donner une explication sur ce point, et s’il prétend qu’on a fait des décomptes
aux soldats relativement à leur masse d’habillement, je demanderai à lui
répliquer.
Dans la séance d’hier, j’ai
avancé un fait grave sur lequel le ministre a gardé le silence ; j’ai dit qu’un
major avait été condamné à restituer une somme de 18 à 20 mille francs et que
l’apurement de son débit s’était fait sans qu’il en ait versé la somme, et
qu’on avait pris cette somme sur le boni de l’hôpital d’Anvers.
J’avais encore demandé s’il était vrai que l’art. 51
de l’ordonnance du 19 février 1819 n’était pas exécuté. Cette ordonnance veut
que tout officier ayant droit à des rations de fourrage présente ou fasse
présenter ses chevaux au commandant de la place avec une feuille de
signalement, et justifie de cette présentation pour obtenir ses rations.
J’ai dit qu’un officier qui avait exigé cette
justification avait été mis à la retraite.
Voilà des faits sur lesquels le ministre aurait dû
s’expliquer. Il y en a une foule d’autres encore que j’ai signalés hier et sur
lesquels il n’a été donné aucune explication. J’espère que M. le ministre
voudra bien s’expliquer sur ceux que je viens de rappeler de nouveau.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Il est vrai que je n’ai pas répondu à toutes les
questions qui m’avaient été adressées dans la séance d’hier, mais il m’avait
été impossible à l’audition des discours de prendre note de toutes les
interpellations, et le Moniteur m’est
arrivé trop tard ce matin pour que je pusse y réfléchir et y répondre en
détail. Cependant je vais donner quelques explications sur les questions qui
viennent d’être renouvelées.
Si l’honorable préopinant avait jeté les yeux sur
le travail qui a été distribué à la chambre et que je tiens en main, il aurait
vu à la troisième colonne les sommes payées chaque année aux soldats pour
décompte de leur masse d’habillement ; il aurait vu qu’on leur a payé en 1831
et 1832, 267,240 fr ; en 1833, 154,128 francs, pour le 1er semestre de 1834
159,460 ; pour le second semestre, 213,019 ; pour le second semestre de 1835,
67,636 fr., ce qui fait, 1,159,834 fr. qui ont été payés aux soldats en
décompte de leur misse d’habillement.
Cette somme a été payée à ceux qui, après avoir
apuré leur compte, se sont trouves avoir un excédant ou moment où le compte a
été réglé avec eux. L’excédant leur a été remis moins trois florins qu’on a
retenus pour compte à nouveau, conformément à un article de règlement qu’on a
cité.
Ainsi vous voyez qu’on a fait un décompte à tous
les hommes qui ont eu droit de le recevoir.
Pour prouver que je n’ai pas fait payer doublement
les effets aux soldats, comme vient de le prétendre l’honorable préopinant, je
citerai un exemple. Je suppose un milicien de la classe de 1834 qui arrive sous
les drapeaux. L’Etat lui donne gratis tous les effets de petit équipement,
chemises, souliers, guêtres, etc.
Le gouvernement accorde 40 fr, pour cette
fourniture de première mise de petit équipement.
Il n’en est pas de même des effets d’habillement,
schako, capote, habit, veste et pantalon de tenue ; ceci vaut 95 fr. Ces
effets, il doit les payer dés le premier jour ; on alloue au soldat pour payer
cela 18 centimes, on crédite le compte individuel de chaque soldat de ce qui
lui revient de l’allocation pour habillement ; à la fin du trimestre cela lui
fait 16 francs ; on fait alors son décompte, on lui dit : Vous avez à votre
masse d’entretien d’habillement 16 fr, et vous ne devrez plus au corps que 79
fr. Comme il faut que ce soldat non seulement paie les effets qu’il a reçus,
mais encore qu’il entretienne et renouvelle, quand ils sont usés, les effets de
petit équipement, et qu’il trouve de suite au magasin les objets dont il a
besoin, on porte sur son livret les effets qu’on lui a donnés, et au bout du
trimestre on lui fait son compte, on lui dit : vous devez 79 fr,, vous avez à
votre masse 16 fr., pour ce nouveau trimestre à raison de 18 centimes qui vous
sont allouées par jour, on vous a donné pour 18 fr. d’effets vous redevez 84
fr.
Quand ils doivent renouveler et le petit et le grand
équipement, leur dette s’élève beaucoup plus, il y a des soldats qui sont
endettés jusqu’à 150 et 180 fr. On se trouve alors dans la nécessité de
recourir à une mesure prescrite par le règlement qui est de retenir le tiers et
même la moitié de ce qui revient au soldat, prélèvement fait de la somme mise à
la masse de l’ordinaire.
Ce n’est ordinairement que six mois après que le
milicien est arrivé au corps, qu’on lui fait cette retenue. On lui dit : Outre
les 15 fr. que vous avez de l’allocation pour votre masse, je vais vous faire
une retenue de 10 fr. en juillet, de 6 fr. en août et de 4 fr., je suppose, en
septembre. Cette réduction opérée, on lui fait un décompte. Vous voyez qu’il
est impossible qu’on fasse payer deux fois aux soldats les effets qu’ils ont
reçus du magasin.
On comprend la nécessité pour les corps d’avoir
toujours dans les magasins un approvisionnement d’effets d’habillement et
d’équipement suffisante pour faire face aux besoins. Cet approvisionnement ne
peut pas être d’une valeur de moins de deux millions pour tous les corps de
l’armée, et pour être à l’aise il faut qu’elle soit de 2,000,000 francs, comme
elle est aujourd’hui.
Au mois d’avril, les miliciens vont arriver sous
les drapeaux, on leur donnera un habillement complet, faut-il que les corps
puissent remplacer les effets qu’ils leur donneront, Il est donc indispensable
que quand les soldats seront entièrement libérés, le gouvernement veuille bien
accorder aux corps une avance une fois faite, afin qu’ils puissent toujours
avoir la même valeur d’effets en magasin.
Je viens au major dont on a parlé. Il est vrai
qu’un major de garde civique, Français d’origine, mais qui a servi, dans notre
armée dès les premiers jours de notre révolution, qui était domicilié dans le
pays depuis 7 ou 8 ans, et qui quitta un établissement pour se mettre à la tête
des volontaires de la ville qu’il habitait, avec lesquels il rendit de grands
services, a été impliqué dans une affaire de vol de caisse, Dans cette affaire,
le quartier-maître était le vrai coupable ; mais comme ce major n’avait pas
exercé une surveillance assez sévère sur ce comptable, la haute cour militaire
le reconnut responsable de la somme de 15,800 fr, qui avait été détournée, et
le condamna à la payer au moyen d’une retenue sur ses appointements.
Cet officier demanda ensuite l’autorisation de
quitter
C’est par considération pour les services réels
qu’il avait rendus au pays que j’ai agi comme je l’ai fait. Mais je dois dire
aussi que la somme n’a pas été prise sur le boni de l’hôpital d’Anvers.
Je profiterai de ce que j’ai
la parole pour faire connaître à la chambre mon opinion sur la discussion
scientifique qui vient de s’élever concernant la réunion du corps d’état-major
au corps du génie.
Si vous voulez avoir quelque confiance dans mon
expérience, je vous dirai que cette question a été plusieurs fois controversée
et que j’assistais au conseil où elle a été débattue en présence de Napoléon,
et que malgré les avantages que cette réunion présente au premier coup d’œil,
on a pensé généralement qu’il valait mieux maintenir la spécialité de chaque
arme, comme le moyen d’avoir des officiers plus distingués. En effet, si vous
chargiez les mêmes officiers de trop de besogne, elle sera moins bien faite.
Consentez donc à faire quelques sacrifices d’argent pour avoir de bons officiers
d’artillerie, de bons officiers du génie.
M. A. Rodenbach.
- Ce que vous a dit le ministre de la guerre relativement à l’adjudication des
lits en fer ne m’a pas fait revenir de l’opinion que j’avais émise. Le ministre
nous a dit qu’il aurait préféré que les villes ou des particuliers dans chaque
ville fissent des propositions pour fournir les literies, mais qu’on n’avait
fait que des soumissions générales et que voyant cela, il avait cru devoir
demander aux entrepreneurs la fourniture des couchettes.
Si j’ai bien entendu la lecture de la pétition du
sieur Destombes, il y est parlé de plusieurs villes
et particuliers de certaines villes qui auraient proposé de se charger du
couchage de leur garnison ; je crois avoir entendu les noms de Tournay, Ath,
Nieuport, Ostende.
Cependant le ministre nous a dit que les villes
n’avaient fait aucune soumission. Je ne sais jusqu’à quel point on doit ajouter
foi aux assertions de la requête ; mais j’ai entendu un honorable membre dire
que des particuliers de Tournay avaient fait des soumissions pour le couchage
de la garnison de cette ville.
Je reviendrai là-dessus.
Je passe aux calculs que vous a présentés le
ministre. Il vous a dit que les couchettes coûteraient 30 fr. Mais la requête
qu’on vient de lire annoncer qu’on a proposé de les fournir à raison de 25-75
les lits à une place, et de 45 fr. les lits à deux places. Cette proposition
aurait été faite par une maison très respectable de Liége. Ainsi donc, si le
gouvernement avait acheté les lits en fer, comme je le disais hier, non pas
avec un capital de 552 mille fr., comme le dit le pétitionnaire, mais moyennant
560 mille fr., chiffre proposé par M. le ministre lui-même, l’Etat aurait fait
une grande économie : un calcul très simple suffit pour le démontrer.
D’abord, on paie pour les couchettes, à la maison
Legrand et comp., 57 mille fr. par an. Il paraît
d’après la lecture de la pétition qu’on aurait pu emprunter le capital de 560
mille fr. pour l’acquisition des couchettes, moyennant un intérêt de 22 mille
fr. par an. Au lieu de cela nous en payons 57 ; voilà un bénéfice de 35 mille
fr. de rente que va faire, pendant 20 ans, la compagnie Legrand. Si on
calculait les intérêts, on arriverait à une somme immense. C’est une affaire
qui va au-delà d’un million dont le gouvernement se trouve lésé. Je voudrais
qu’on expliquât l’énorme différence que présentent ces deux chiffres : 22 mille
fr. et 57 mille fr.
Hier, on a jeté du doute sur la solvabilité de M. Destombes ; je viens d’entendre M. le ministre lui-même
reconnaître la solvabilité des quatre soumissionnaires, ainsi M. Destombes est solvable. Il paraît même qu’il paie le cens
pour être sénateur.
Un chose qui m’a frappé,
c’est que des quatre soumissionnaires, trois sociétés ont dit s’être réunies à
l’hôtel de Belle-Vue, ont présenté, dans leurs
soumissions, presque le même chiffre, et ensuite qu’elles ont été caution les
unes pour les autres. Il paraîtrait que ces sociétés se seraient réunies, comme
on dit, pour faire une bonne affaire. Un membre de la chambre était présent,
sans doute il s’expliquera là-dessus. Une affaire de cette nature doit être
éclaircie. Peu importe qui y a pris part, député ou ministre ; il n’y a pas de
considération qui doive arrêter nos investigations.
Une chose importante c’est que ces trois sociétés
se sont ensuite réunies et n’ont ont plus formé qu’une seule.
J’ai dit hier qu’indépendamment de l’économie que
le gouvernement aurait faite sur la dépense annuelle en achetant les couchettes
au bout des 20 ans, il aurait encore eu une valeur de 180 à 200 mille fr. ; je
me suis trompé, car M. Destombes, en demandant 375
mille fr. pour le couchage, s’engageait à entretenir les lits en fer et à les
remettre au bout de 20 ans dans l’état où il les avait reçus. Ainsi, on aurait
payé un intérêt de 22 mille fr., au lieu de 27 ; on aurait eu au bout de 20 ans
des lits d’une valeur de 500 mille fr., au lieu de 200 mille comme je l’avais
pensé d’abord. J’attends les explications de M. le ministre.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - J’ai écouté avec toute l’attention possible la lecture de
la pétition du sieur Destombes, et je vous avoue que
je n’ai pas entendu qu’elle fasse mention de places qui aient fait des
soumissions pour fournitures de lits militaires. S’il s’en fût trouvé, le
procès-verbal d’adjudication en aurait parlé ; je n’en ai pas vu, je le déclare
positivement.
M. Dumortier. -
Je demande la parole.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - J’avais reçu, il est vrai, une soumission d’un fabricant
de la ville de Liége, pour fournir couchettes en fer, à raison de 25 fr. 75 c.,
mais prises sur place ; il fallait alors ajouter à ce prix les frais de
transport, de démontage et remontage. On peut estimer ces frais à 2 fr. 25, ce
qui portait le prix à 28 fr. Il fallait encore ajouter la double couche de
peinture, reconnue nécessaire et qui coûte à peu près deux francs. Voilà donc
30 fr ; que le gouvernement aurait dû débourser par couchette.
Je vous ai fait connaître les motifs vrais,
sincères, qui m’ont empêché d’admettre la seconde base d’adjudication. Je ne
voulais fournir les couchettes qu’autant que les villes se chargeraient du
couchage ; mais quand j’ai vu qu’il ne se présentait que des entreprises
générales, je n’ai pas balancé, j’ai voulu que l’entrepreneur se chargeât de
fournir et couchettes et literies ; je ne voulais pas exposer le gouvernement à
des contestations continuelles avec l’entrepreneur sur le bon ou mauvais
entretien des couchettes et sur l’époque de leurs fournitures.
On se récrie parce que je paie 2 fr. 53 centimes de
plus pour avoir exigé cette fourniture au compte de l’entrepreneur.
L’entrepreneur, comme je l’ai établi tout à l’heure
par des calculs exacts, a dû débourser 600 mille francs. J’ai dit que tout
capital déboursé par une entreprise devait rapporter 6 p. c. ; soit 30 fr. le
prix des couchettes, l’intérêt annuel est de 1-80.
Je pose en fait que les
frais d’entretien, de peinture, de détérioration, et les chances de guerre,
calculés, on peut estimer qu’au bout de 20 ans, ces couchettes seront réduites
de valeur de moitié, de 15 francs ; or, ces 15 francs de perte en 20 ans, si
vous les divisez par vingtièmes, vous avez 75 centimes par an ; ces 75 centimes
joints aux intérêts de 1-80 font 2-55. J’ai donné 2-53. J’ai donc passé un
marché qui ne lèse en rien les intérêts du gouvernement.
Je me félicite d’avoir exigé que l’entrepreneur
fournît les lits, couchettes en fer. Cette faculté d’option était stipulée dans
le cahier des charges. M. Dechamps ne peut pas exiger que j’adopte une base
plutôt qu’une autre. J’avais mon libre arbitre. Dès que j’en avais fait usage,
je devais donner l’entreprise à la société qui, sur cette base, offrait les
prix les plus bas. D’après mes calculs, c’est la société Legrand et compagnie
qui les offrait. Je ne pouvais pas faire autrement que de lui donner
l’entreprise sans enfreindre les clauses du cahier des charges qui doit faire
loi pour tous.
M. Verrue-Lafrancq.
- Je demande la parole pour un fait
personnel.
Messieurs, précisément parce que je suis intéressé
dans l’entreprise des lits militaires, je comptais m’abstenir de prendre la
parole dans cette discussion. D’ailleurs, je n’ai rien à ajouter aux
explications données par M. le ministre de la guerre. Je me bornerai donc à
repousser les inductions qu’un honorable membre tire contre moi de plusieurs
faits que le pétitionnaire a avancés à ma charge et qui sont inexacts ; je dis
qu’il est positivement faux que les trois compagnies qui avaient soumissionné
en concurrence avec le sieur Destombes se fussent
communiqué leurs projets de soumissions. Ce fut le 16, lorsque le sieur Destombes se flattait d’avoir obtenu l’entreprise sur la
seconde base, que l’autre société avait fait la plus basse soumission sur la
première base, et qu’elle se flattait également de l’obtenir, que les bases
d’une société nouvelle à établir furent arrêtées, donc après l’ouverture des
soumissions. Ce fut par suite de cette nouvelle société, formée depuis, que des
membres des deux autres soumissions devinrent cautions de celle de MM. Legrand
et compagnie.
Je dirai aussi que ce que
le sieur Destombes a dit, que le prix des offres de
confection de couchettes en fer me fut communiqué au ministère, est également
inexact ; c’est une maison de Liége qui annonça elle-même à la compagnie
qu’elle avait offert au ministère de faire les couchettes à un chiffre que je
ne me rappelle pas et que M. Destombes porte à fr. 25
75 c. : toujours dirai-je que n’ayant pu tomber d’accord avec cette maison sur
la qualité des fers à employer, nous avons traité avec d’autres fabricants, et
que ces couchettes en prix principal et frais reviendront à la compagnie à
environ trente francs comme l’a dit le ministre.
J’ai dit et je répète qu’aucune communication de
soumissions n’a été faite avant leur ouverture le 15, et que les trois sociétés
n’ont projeté de société qu’après leur ouverture, c’est-à-dire le 16, quand il
n’y avait plus rien à changer aux soumissions ni à leur prix.
M.
Liedts. - Messieurs, convaincu des bonnes intentions du ministre de la
guerre si l’on n’entendait que quelques plaintes isolées contre son
administration, je les attribuerais volontiers à de mauvaises passions, à des
prétentions qu’on n’est pas parvenu à satisfaire ; mais lorsque je vois que les
plaintes sont générales, qu’elles sortent de la bouche des personnes les moins
hostiles et les plus désintéressées, je dois croire qu’il existe des abus
réels, des vices radicaux dans cette administration, et qu’il faut faire
disparaître. A la série de ceux que l’on a signalés je dois en indiquer
d’autres. Toutefois, je ne désire rien tant que de voir le ministre répondre
d’une manière victorieuse aux observations que je ferai.
On s’est beaucoup étendu sur les adjudications
faites par l’administration de la guerre ; on vous a montré que les
entrepreneurs ne satisfaisaient pas à leurs engagements ; que tantôt ils
fournissaient autre chose que ce qu’ils devaient fournir, que tantôt ils
manquaient d’une autre manière aux clauses de leur contrat. Mais il est une
cause d’abus qu’on a omis de citer : c’est la facilité qu’on trouve dans
l’administration de la guerre à accorder la remise des amendes encourues par
les entrepreneurs qui n’exécutent pas fidèlement leurs engagements. Quand des
amendes sont prononcées, ne croyez pas que jamais on en ait exigé le paiement
des entrepreneurs ; ceux-ci savent qu’en s’adressant au ministère, ils
parviendront à obtenir décharge complète de la pénalité.
Il est telle province, du moins, où il n’y a pas
d’exemple qu’un entrepreneur ait subi la peine prononcée contre lui.
Qu’arrive-t-il de là ? C’est que les uns s’inquiètent peu de faire des
fournitures régulières, et que les autres négligent de s’enquérir si ce qui est
livré à nos armées est capable de satisfaire aux besoins du service.
Pour remédier à un tel mal, un honorable membre a
parlé de la création d’un conseil qui serait chargé de la révision des
fournitures faites par les entrepreneurs, conseil qui serait composé, a-t-il
dit, de militaires et de membres de la cour des comptes.
Je ne ferai pas ressentir l’absurdité qu’il y
aurait à faire prendre part à l’administration aux membres de la cour des
comptes, eux qui, le lendemain, seraient appelés à contrôler leurs propres
opérations ; je ne parlerai que de l’impossibilité de constituer une pareille
commission.
En effet, si une commission était instituée, le
ministre aurait beau jeu : à chaque fois que l’on ferait entendre des plaintes
il se retrancherait derrière elle. Si vous voulez parvenu aux moyens de
réprimer les abus, ne supprimez pas la responsabilité ministérielle.
Je ne dirai pas pour faire cesser les abus, mais
pour les diminuer, du moins, il faut joindre deux choses à la responsabilité
ministérielle : la publicité des actes de l’administration et l’exécution des
pénalités contre les infracteurs de leurs engagements. Mais en voilà assez sur
les fournisseurs ; passons à d’autres abus.
C’est encore par un excès d’indulgence de la part du
ministre de la guerre que l’on voit chez nous les officiers-généraux séparés
des corps qu’ils commandent. Il est tel officier-général qui, depuis trois ans,
reste à Bruxelles, quoique le corps sous ses ordres soit à Malines ou à Anvers
; il en est un autre qui reste aussi à Bruxelles, quoique son corps soit à Gand
ou aux environs ; il en est un troisième qui est dans sa campagne près de Mons,
quoique son corps soit dans les Flandres. On comprend combien il doit résulter
d’inconvénients d’un tel état de choses.
Jusque dans la répartition entre nos cités des
dépôts des régiments, on peut trouver des abus. En France, on tâche de
rapprocher les dépôts des bataillons de guerre ; en Belgique, on dirait que
l’on s’efforce à les éloigner les uns des autres le plus possible.
Par exemple, le premier de ligne est à Liège, et
son dépôt est à Bruxelles ; il en est de même de beaucoup d’autres régiments.
Quelle est la conséquence d’une semblable répartition ? C’est que lorsque des
permissions sont accordées aux soldats, ceux-ci ont 20 ou 30 lieues à faire,
avant et après l’expiration de leurs congés Ce n’est pas tout : à chaque
trimestre, il y a des envois d’habillements aux corps, et ces objets ont aussi
20 ou 30 lieues à faire pour arriver ; et vous comprenez quel surcroît de
dépenses il en advient pour le pays. Si je suis bien informé, en rapprochant
les bataillons de guerre des dépôts, il y aurait probablement économie de 20 à
30,000 fr. par an.
Si de l’administration nous passons à la hiérarchie
militaire, là encore nous trouverons des abus. En France, comme chez nous, il y
a des lieutenants-colonels ; mais en France, du moins, ces officiers ont des
fonctions spéciales ; ils remplacent les colonels. Chez nous, le
lieutenant-colonel est une espèce d’être amphibie : tantôt il commande un
dépôt, tantôt il commande un bataillon de guerre, tantôt il fait partie d’un
conseil de guerre, tantôt il commande un fort.
Il en est même un dont on a fait un prévôt. Ces
anomalies excitent l’étranger qui connaît la guerre à rire à nos dépens ; mais
indépendamment de l’espèce de déconsidération qui frappe notre organisation
militaire, il en naît des conflits fâcheux pour le service. Qu’un colonel se
fasse remplacer par un major, celui-ci investi momentanément de toute
l’autorité du chef du corps, donne des ordres au dépôt ; mais si le dépôt est
commandé par un lieutenant-colonel, ce dernier refuse d’obéir à un officier qui
n’est pas de son rang et met aux arrêts le major, qui dans l’intérêt du service
militaire veut que les ordres soient exécutés. Il serait temps que le ministre
de la guerre mît fin aux suites d’un tel désordre.
Quoi qu’en ait dit le ministre, l’économie ne
préside pas toujours à des frais de bureau. Nous avons dans notre armée un
vaguemestre qui depuis trois ans est sans fonctions, et qui cependant reçoit
600 francs pour frais de bureau : c’est bien assez qu’il reçoit des
appointements pour ne rien faire, sans lui payer des frais pour un bureau qui
n’existe pas.
Je citerai encore le grand prévôt de l’armée,
charge qui est une inutilité quand on n’est pas en guerre et qui, je crois,
n’aurait pas même été créée si on avait pu employer autrement le
lieutenant-colonel qui la le remplit.
En temps de paix, ce sont les auditeurs militaires
qui font les fonctions de grand prévôt. Cependant, on accorde à celui-ci 1,800
francs pour frais de bureau ! Si on lui demandait de présenter ses registres de
correspondance, on n’y trouverait pas inscrites dix lettres par an. Les frais
que sa charge lui occasionne ne sont pas aussi considérables que ceux que doit
faire un capitaine près d’un dépôt ; et pourtant l’on ne compte les frais de ce
dernier qu’à raison de 36 francs par trimestre : on voit que l’on peut au moins
retrancher ce chiffre de 1,800 fr.
Ce n’est pas seulement relativement aux frais de
bureau qu’on peut introduire l’économie dans les dépenses. J’ai remarqué que M.
le ministre de la guerre trouvait des moyens indirects d’augmenter les
traitements des officiers-généraux.
Nous avons quatre inspecteurs-généraux ; c’est
beaucoup plus qu’il ne nous en faut.
En France, il existe aussi des inspecteurs-généraux
là, on les choisit parmi les hommes blanchis dans la carrière ; ils inspectent
chacun 30 à 40,000 hommes ; en Belgique, on prend des généraux de brigade pour
inspecter leurs propres brigades à la fin de chaque année ; est-il besoin de
vous dire qu’ils déclarent que ces brigades sont en bon état ? on ne peut pas
attendre d’eux d’autre attestation. Et pour cette promenade ils obtiennent
1,500 francs.
Ce n’est pas là le seul abus que l’on ait à
remarquer dans ces inspections ; on en trouve à signaler dans la manière dont
elles se font.
Si l’inspection avait lieu quand les troupes sont
réunies, soit au camp, soit ailleurs, elle pourrait signifier quelque chose ;
mais MM. les généraux attendent que les deux tiers des hommes des bataillons
soient en congé, pour commencer leur travail ; ou bien, comme dans telle
province que je pourrais désigner, au lieu de se transporter dans les endroits
où les bataillons sont répartis pour le service, M. l’inspecteur fait venir ces
bataillons près de lui, et en envoie d’autres les remplacer momentanément afin
de ne pas se déranger dans son inspection. Ainsi, il faut, et fatiguer les
hommes, et augmenter les dépenses, plutôt que de déranger un seul individu qui
cependant reçoit 1,500 francs de frais de tournée.
Si l’économie ne préside pas toujours aux
opérations qui s’exécutent sous la responsabilité du ministre de la guerre, je
vois que c’est souvent par défaut de prévoyance. Que s’est-il passé, en effet,
quand on a acheté de l’armée française les denrées qu’elle laissait dans la
citadelle d’Anvers, après l’avoir prise ? Il y avait là 33,000 kil. de viande salée, 6,000 kil. de lard, du vinaigre… L’administration
belge de la guerre, pour se défaire de ces denrées, a attendu jusqu’en 1835,
c’est-à-dire quand tout a été gâté. Il est inutile de vous dire qu’il a fallu
revendre à vil prix et faire des pertes considérables.
Messieurs, on a parlé plus d’une fois des officiers
français et des autres officiers étrangers qui sont à notre service ; je ne
suis pas du tout de l’avis de ceux qui pensent qu’on peut les renvoyer.
Rappelez-vous comment ils sont entrés dans les rangs de notre armée ! Après la
campagne du mois d’août, la nation s’est aperçue qu’elle ne pouvait conserver
son indépendance qu’avec une armée bien disciplinée ; et alors elle a fait un
appel aux officiers étrangers.
Cent dix-huit se sont présentés ; il en reste
encore soixante-quinze dans notre armée. Ces officiers avaient pris service
jusqu’à la paix ; or, à mon avis, il faut qu’il y ait réciprocité complète dans
l’exécution du contrat ; et de même que l’officier ne pourrait pas se délier de
ses engagements, et retourner dans son pays, malgré le ministre de la guerre,
de même je ne comprends pas qu’on puisse le renvoyer s’il n’y consent pas. Je
comprends bien qu’on le laisse se retirer, quand il le demande ; mais ce qui me
passe, c’est qu’on croie pouvoir le supprimer, quand il y a engagement contracté
avec l’assentiment de la législature.
Ce n’est donc pas la présence des officiers
français dans notre armée que je trouverais à blâmer ; mais ce que je blâmerai
c’est la manière favorable et partiale dont on les traite. Un colonel français
est à notre service ; il y est depuis le commencement de notre révolution, je
le sais ; il va en France, le roi Louis-Philippe lui donné le grade de général
; il revient, et notre ministre s’empresse de lui donner la solde de général :
c’est là, selon moi, un grand abus.
Ce n’est pas seulement envers les officiers
étrangers que les règles de l’économie sont mises en oubli ; je dois dire aussi
deux mots à cet égard relativement à un officier-général belge. Celui-ci est
mis en disponibilité ; il n’avait droit par conséquent qu’au traitement affecté
à cette situation ; mais on le charge d’organiser la garde civique et dès cet
instant il obtient le traitement d’activité.
Si c’est parce qu’il a organise la garde civique
qu’on lui donne le traitement de pleine activité, pourquoi ne pas accorder le
même traitement à tous les officiers généraux qui ont coopéré à cette
organisation ? ou bien si ces derniers n’avaient pas droit à un tel traitement
comment le premier a-t-il pu l’avoir ?
J’ai dit qu’on ne traitait pas toujours de la même
manière les officiers étrangers et les officiers belges : en effet, quand un
officier belge veut obtenir un congé, on ne le lui accorde qu’avec la
demi-solde ; mais si c’est un officier étranger qui fait cette demande, on lui
donne le congé avec solde entière.
Des réclamations ont été adressées au ministre sur
cet objet ; qu’a-t-il fait alors ? Il a employé des moyens indirects pour
conserver à l’officier étranger la solde entière. Par exemple, un officier va
en France et on nous déclare qu’il a une mission diplomatique à y remplir,
c’est-à-dire, qu’il y est aller porter une lettre ou un paquet au ministre du
pays voisin, mission que la poste se serait chargée de remplir avec autant
d’exactitude et avec moins de frais. Mais à défaut de motifs, on recourt aux
prétextes pour traiter favorablement les étrangers.
Un orateur a dit hier, a répété aujourd’hui que
l’on pouvait supprimer le corps du génie ; je ne reviendrai pas sur tout ce qui
a été dit à ce sujet ; je crois qu’il serait impossible d’obtenir des autres
armes les mêmes services que nous obtenons des corps du génie, et il me semble
que notre territoire, couvert de places fortes, exige des officiers consacrés à
cette spécialité. Je ne blâmerai donc pas le ministre de la guerre de ce qu’il
conserve le corps du génie ; je le blâmerai plutôt de ce qu’il ne le consulte
pas assez relativement aux choses qui sont dans ses attributions et je vais
donner un exemple des inconvénients qui en résultent.
Après le siège de la citadelle d’Anvers, notre
gouvernement acheta pour quarante-quatre milles francs de fascines. Elles sont
transportées aux forts Sainte-Marie et Lacroix, par ordre du ministre de la
guerre, et ce transport coûte six mille francs. Arrivées là, on s’aperçoit
qu’il n’en fallait que douze mille cinq cents ; il en reste par conséquent sans
emploi trente-cinq mille cinq cents ; si l’on avait consulté le génie, on
n’aurait pas effectué le transport de toutes les fascines, car il aurait
indiqué le nombre de celles qui étaient nécessaires pour les travaux à
exécuter.
En ce qui concernent ces
fascines, leur transport en totalité n’est pas la seule chose que l’on ait à
critiquer. Au lieu de faire rentrer les 35,500 fascines restantes, on les
laisse jusqu’en 1835 ; elles sont par conséquent détériorées et on n’a pu les
vendre que deux à trois mille francs. Le gouvernement a perdu a peu près 30,000
francs ; perte que l’on aurait évitée si l’on eut consulté le corps du génie.
Je vais citer encore un exemple qui montre qu’on
eût évité des pertes assez considérables en consultant ce corps.
Quand on a commencé le chemin de fer allant à
Anvers, l’ingénieur civil sans prendre avis de l’ingénieur militaire trace le
chemin sur le glacis et de façon à établir véritablement une tranchée pour
l’ennemi et très près de la place ; en sorte que les fortifications devenaient
presque inutiles ;le ministre est averti ; il vient ; on reconnaît la faute ;
on détruit le travail ; ainsi perte de temps et perte parce que n’a pas
consulté le génie.
Je bornerai là mes observations ; j’en présenterai
probablement d’autres quand nous en serons aux articles et je terminerai en
répétant ce que j’ai dit en commençant : c’est que je ne désire rien tant que
de voir M. le ministre répondre complètement à toutes les attaques dont son
administration est l’objet.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Il existe des marchés dans lesquels on stipule des
pénalités pécuniaires ; c’est principalement dans ceux qui ont pour objet la construction
des fortifications. La pénalité est prononcée dans le cas où l’entrepreneur qui
s’est chargé d’exécuter des travaux, en cinq ou six mois par exemple, ne les a
pas terminés au jour indiqué ; alors il est porté au contrat une amende par
jour s’élevant à 50 ou 60 francs selon l’importance du travail.
Quand les entrepreneurs sont dans le cas de subir
ces amendes, ils s’adressent à mon département. Je n’en connais aucun
personnellement. Je renvoie leurs réclamations au directeur des travaux
lui-même, qui les renvoie au chef du génie, lequel met son apostille. La
demande me revient ensuite. Le directeur du génie me fait un rapport motivé et
c’est après avoir pris connaissance de toutes ces pièces que je prononce sur la
pénalité.
Je suis parfaitement d’accord avec l’honorable
préopinant sur ce point, qu’un conseil de révision des marchés est chose
inexécutable. Pour ma part, je désirerais beaucoup que ce fût possible. Mais
cela n’entre pas dans le système du gouvernement représentatif. Il faut que les
ministres soient personnellement responsables. Ce serait leur donner beau jeu
que mettre leur responsabilité à l’abri d’un conseil de révision. D’ailleurs,
la composition de ce conseil ne pourrait être effectuée sans donner lieu à de
nouvelles récriminations de la part de ceux qui se prétendraient lésés dans
leurs intérêts particuliers.
Il est vrai que quelques officiers-généraux
résident à Bruxelles, mais il n’y a rien d’extraordinaire à cela ; ils font
partie de trois commissions qui exigent leur temps, et presque toujours quatre
jours par semaine : la commission des codes qui a enfin terminé son important
travail ; les codes de procédures et d’instruction, le code pénal, pour le
projet de loi relatif à la justice militaire, la commission chargée de déterminer
le classement des officiers, qui est sur le point de terminer aussi son
travail, et la commission de pensions de retraite.
Il y a en outre quelques commissions spéciales où
je suis obligé d’employer des officiers-généraux.
Ces officiers résident à Bruxelles ; celui qui
commande la division dont le quartier-général est à Malines, y va une ou deux
fois par semaine.
Les lieutenants-colonels n’ont pas effectivement,
dans ce pays- ci, des fonctions aussi bien déterminées qu’en France. Cela tient
à ce que, par principe d’économie, on a décidé, lors de la réorganisation, que
les lieutenants-colonels commanderaient un bataillon, et en l’absence du
colonel, tout le régiment. Mais aucun lieutenant-colonel n’est à la tête d’un
dépôt ; tous les dépôts d’infanterie sont, commandés par des majors pour éviter
les conflits qui pourraient résulter du commandement confié à un
lieutenant-colonel.
Je sens aussi bien que l’honorable préopinant la
nécessité de réunir les corps de troupes à leur dépôt ; et, s’il veut bien y
faire attention, il verra que c’est même ce que j’ai fait. J’ai réuni le dépôt
des lanciers à Louvain avec son régiment, celui des cuirassiers à Gand ; j’ai
réuni les 6 dépôts des régiments de cavalerie avec leurs régiments ; je l’ai
fait aussitôt que la construction des nouvelles écuries m’en a donné la
possibilité. Quant aux régiments d’infanterie, s’il n’en est pas ainsi, cela
tient à ce que les divisions sont et doivent être par des motifs stratégiques
dans des villes qui ne peuvent avoir tous les dépôts des régiments. Néanmoins
autant que les motifs stratégiques ne s’y sont pas opposés, j’ai réuni les
régiments d’infanterie à leurs dépôts, ou à proximité.
Le vaguemestre et le grand prévôt ne sont employés
qu’aux camps ; mais comme il y a un camp chaque année, comme nous tenons
l’armée sur le pied de rassemblement et de telle sorte qu’elle puisse se
réunir, en cas d’événement extraordinaire, on n’a pas cru convenable de
supprimer ces 2 officiers, le vaguemestre et le grand-prévôt.
Le traitement de 1,500 fr. accordés aux
inspecteurs-généraux, l’est pour frais de représentation et afin que ces
officiers généraux puissent donner des repas aux officiers des corps qu’ils
inspectent. Je me suis assuré que tous ont rempli les obligations que je leur
ai imposées à cet égard.
Les travaux des inspections générales sont fort
longs : ce sont de nombreux états et relevés des inspections individuelles, des
travaux indiquant les résultats généraux de l’administration. Cela exige un
temps considérable ; je ne crois pas qu’il soit possible de faire ce travail
dans les camps. Aussi dans tous les pays, ce sont les mois de septembre et
octobre que l’on choisit pour le temps des inspections de corps.
L’armée française, à son départ d’Anvers, nous a
laissé des denrées dont l’honorable préopinant a fait l’énumération et des
fascines en grande quantité ; je ne les ai pas achetées ; je m’en serais bien
gardé. Mais dans la liquidation que
Je les ai effectivement conservés jusqu’en octobre
1835 ; mais, après inspection faite, et sur le compte qui m’en fut rendu,
voyant que ces salaisons ne pouvaient plus être utiles sous aucun rapport, j’en
ai fait faire la vente comme hors de service.
Quant aux congés, le règlement est précis. Tout
officier qui demande un congé de plus de 15 jours, n’a droit qu’à sa
demi-solde. Mais quand il y a preuve certaine que sa santé est vivement altérée
(cette preuve est établie par un certificat donné par le médecin du corps à
l’officier, qui est en outre contre-visité par le
médecin principal de la division, ou par le médecin en chef de l’hôpital près
duquel il se trouve) alors le règlement m’autorise à donner des congés avec
solde ; c’est ce que je fais très consciencieusement, parce qu’il y a beaucoup
d’officiers, atteints des fièvres, dans les polders, et qui ne peuvent se
rétablir que dans leurs foyers. Ils sont assez malheureux d’être malades ; il
ne serait pas juste de ne leur accorder que la demi-solde.
Le règlement porte encore que tout officier qui
veut aller en pays étranger ne peut obtenir que des congés sans solde ; j’ai
appliqué cette disposition à plusieurs officiers qui voulaient aller en France
et qui en ont paru mécontents, parce qu’ils se comparaient aux officiers
français que nous avons maintenant dans nos rangs, et auxquels il a été accordé
des congés avec demi-solde pour aller en France. Mais tel officier de
Il est vrai que deux officiers ont été chargés de
dépêches pour le gouvernement français ; c’était en 1832 ou 1833 ; mais ils
étaient chargés en outre de traiter diverses affaires ; car s’il ne se fût agi
que de dépêches à remettre, je me serais assurément servi de la voie de la
poste.
Quant aux fascines, c’est d’après la proposition du
chef du génie que j’ai ordonne leur transport aux forts de Ste-Marie et de
Lacroix, parce que je croyais qu’elles seraient utiles dans ces forts et que
les ingénieurs des ponts et chaussées s’en serviraient avec avantage pour les
digues. Par différents motifs, ils n’ont pas cru devoir les employer.
Quant aux travaux du chemin de fer, près d’Anvers,
j’avoue que j’ai également été fâché que les ingénieurs civils se soient mis,
sans autorisation aucune, à faire travailler à un tracé des route parallèles à
la ligne magistrale de la place, et formant une véritable tranchée. Dès que
l’ingénieur militaire de la place m’en a informé, j’en ai écrit à M. le
ministre de l’intérieur, en le priant fortement de faire suspendre les travaux.
M le ministre de l’intérieur me proposa de former
une commission composée de ses ingénieurs et d’ingénieurs, messieurs, que
j’indiquerai ; et sur le rapport de cette commission, on se mit d’accord sur
les travaux déjà faits qui pourraient présenter des inconvénients, et sur les
dispositions à prendre pour les éviter.
M. de Puydt, rapporteur.
- Je demande la parole.
Un grand
nombre de membres. - A demain ! à demain !
- La séance est levée à 4 heures trois quart.