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d’intention
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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du jeudi 19 mars 1835
Sommaire
1) Pièce
adressée à la chambre
2) Projet
de loi relatif aux remplacements en matière de milice. Discussion des articles
(Pirson, de Brouckere, Lebeau, Pirson, de Brouckere, Evain, Jullien, de Brouckere, Simons, Legrelle)
3) Projet
de loi portant organisation des communes. Second vote des articles.
a) Incompatibilité entre conseillers pour
liens de parenté (de Brouckere), pouvoirs et/ou
remplacement des conseillers, échevins ou bourgmestre démissionnaires (+affaire
Dejaer) (Dubus, Legrelle, Jullien, de Brouckere, Jullien, Legrelle, de Muelenaere, Gendebien, Dewitte, Lebeau, Dumont, de Brouckere, Dubus, de Brouckere, Lebeau, Jullien, Dubus,
Verdussen, Lebeau, Dewitte, Gendebien, Gendebien, Dubus, Verdussen, Legrelle, Jullien, Dumortier, de Brouckere, Dubois, Gendebien, Dumortier, Dubus, Dumortier, Dubois, Dubus, Lebeau,
Dubois)
b) Conditions
pour être électeur, notamment conditions de cens (Milcamps,
Dubus, Legrelle, Jullien, Dubus, Milcamps,
Gendebien, Verdussen, Dubus, Milcamps, Jullien,
Doignon, Legrelle, Doignon, de Theux, Dubus)
(Moniteur belge n°79, du 20 mars 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M.
de Renesse. procède à l’appel nominal à une heure.
M.
Brixhe. donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la
rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse. donne connaissance de la pièce suivante adressée à la
chambre.
PIECE ADRESSEE A
« Les propriétaires du
polder de Ste-Anne et Hectesse réclament le paiement de l’indemnité qui leur
revient pour les pertes essuyées par l’inondation.
- Cette pétition est renvoyée
à la commission chargée d’en faire le rapport.
M.
Berger demande un conge de 15 jours.
- Accordé.
Discussion des articles
Article additionnel (article 6)
M. le
président. - M. Pirson a présenté une disposition additionnelle : La
voici. Elle formerait l’article 6 :
« Le milicien qui, ayant
droit à l’exemption, conformément au paragraphe mm de l’art. 94 de la loi du 8
janvier 1817, n’aurait pu obtenir cette exemption du conseil de milice, parce
que le remplaçant d’un frère aîné aurait déserté, rentrera dans tous ses droits
d’exemption, aussitôt qu’un second remplaçant dudit frère aîné aura été accepté
conformément à la loi. »
M.
Pirson. - Messieurs, le gouvernement a reconnu que, dans l’état actuel
des choses, dix classes de la milice se trouvant encore passibles d’un service
actif, les remplacements allaient venir d’une difficulté qui approcherait de
l’impossible. Il vous a présenté un projet de loi dont le but est de procurer
des remplaçants à prendre dans certaine classe. Déjà vous avez adopté les
articles qui accordent plus de latitude à ceux qui voudront user de la faculté
du remplacement.
L’article nouveau que je
soumets à votre décision a pour objet de ne point rendre le remplacement
illusoire dans certains cas.
Lorsqu’un remplaçant déserte
dans les 18 mois qui suivent son incorporation, le remplacé doit fournir un
second remplaçant dans les délais déterminés par la loi, ou servir lui-même en
personne.
Mais il peut arriver des
circonstances telles qu’il ne trouve point un nouveau remplaçant dans le terme
fixe de la loi. Il le trouve cependant quelques jours plus tard, il le
présente, il est reçu par le gouverneur et la députation des états, il est
incorporé, on en a le certificat ; eh bien, l’on ne veut pas que ce second
remplaçant puisse exempter du service un frère puîné qui a droit à l’exemption
d’après le paragraphe mm de la loi du 8 janvier 1817 ; parce que ce frère puîné
pendant l’intervalle des démarches occasionnées par la désertion du premier
remplaçant de son frère aîné, a été immatriculé, on veut lui appliquer toute la
rigueur que la loi prononce envers le replaçant déserteur.
Voici comment on agit envers
celui-ci :
Si le déserteur est repris et
rendu à son corps dans le délai accordé au remplacé pour fournir un second
remplaçant, le remplacé en est quitte pour payer les frais ; mais si le
déserteur est repris après les délais écoulés, sa présence tardive au corps ne
libère plus le remplacé, qui doit continuer à servir pour son propre compte
s’il a été appelé.
La loi ne dit rien du tout du
cas où le remplacé aurait mis mais tardivement, un second remplaçant.
Eh bien, ce cas existe et peut
se représenter plus d’une fois, puisque les remplaçants continueront à être
rares, nonobstant la loi que nous discutons.
Je vous ai dit l’extension
forcée qu’au ministère on veut donner à la loi, qui ne s’explique point du tout
sur le cas en question.
On veut, je le répète, qu’un
second remplaçant fourni tardivement
par un frère aîné, dont le premier remplaçant a déserté, ne procure point à un
frère puîné l’exemption à laquelle il a droit d’après le paragraphe mm de la
loi du 8 janvier 1817.
Pour rendre la chose plus
sensible, j’avais commencé hier l’historique d’un fait auquel l’article que je
vous propose serait applicable.
Il était tard, j’ai été
interrompu par le besoin qu’éprouvait la chambre de lever la séance.
Si vous m’avez bien compris
aujourd’hui, je ne recommencerai point cet historique. En le faisant, je
n’avais point à me plaindre du ministère, puisqu’une première décision trop
sévère avait été réformée, puisque hier encore, à la veille de l’expiration
d’un premier congé de trois mois, on a en rendu un d’un an ; mais toutes ces
démarches, quoique fructueuses, prouvent la nécessité d’une explication légale.
J’ai
remarqué que mon article était incomplet. Voici la rédaction définitive que je
propose :
« Article nouveau (qui
sera l’article 6 de la loi) :
« Le milicien qui, ayant droit
à exemption, conformément au paragraphe mm de l’art. 94 de la loi du 8 janvier
1817, n’aurait pu en temps utile, et pour des circonstances indépendantes de sa
volonté, obtenir cette exemption du conseil de milice, parce que le remplaçant
d’un frère aîné aurait déserté, rentrera dans tous ses droits d’exemption
aussitôt qu’un second remplaçant dudit frère aîné aura été accepté conformément
à la loi, et il sera renvoyé par le ministre de la guerre devant le conseil de milice,
ou en son absence devant le gouverneur et la députation provinciale, pour être
statué d’après la position réelle du réclamant. »
M. de Brouckere. - Je demande la parole pour
une motion d’ordre.
Mon intention n’est pas de
m’élever contre l’amendement ; je suis tenté de le croire bon ; mais pour que
la chambre soit conséquente avec elle-même, il faut faire subir à cet
amendement le même sort qu’on a fait subir aux amendements de MM. Gendebien et
Seron, c’est-à-dire qu’il faut le renvoyer aux sections. Vous avez décidé
qu’aucune disposition nouvelle ne serait introduite dans le projet présenté par
le ministre de la guerre. Si vous revenez sur cette résolution, beaucoup
d’amendements vous seront présentés aujourd’hui, et vous ne terminerez pas le
vote de la loi dans cette séance ni même dans celle de demain.
M. Lebeau.
- Messieurs, je serais tenté d’adopter la motion d’ordre, si elle était basée
sur les motifs exposés hier par M. Fleussu, pour appuyer celle que cet
honorable membre a présentée hier. M. Fleussu a demandé le renvoi des
propositions faites aux sections, parce qu’elles n’avaient aucun rapport à la
loi actuelle, qui a pour but unique de faciliter les remplacements.
Ici, il est évident qu’il
s’agit d’une question relative au remplaçant. Je voudrais donc qu’avant de
prononcer sur la motion d’ordre, M. le ministre de la guerre s’expliquât, et
dît jusqu’à quel point l’amendement de M. Pirson demande un examen ultérieur.
Il s’agit d’appliquer la loi
sur la milice dans son esprit. Il y a justice à placer le frère de celui qui a
fourni un nouveau remplaçant dans la situation où il serait si son frère aîné
avait marché lui-même car, au lieu de servir, il sert par un remplaçant.
M. Pirson. - Je voulais soumettre à la chambre
précisément les mêmes réflexions que l’honorable préopinant vient de présenter.
Ma proposition ne ressemble pas à celle de mon honorable ami M. Seron ; je fais
une proposition concernant les remplaçants. Je montre comment la loi doit être
entendue. Il est fort difficile de trouver des remplaçants, et on peut fort
bien manquer les délais de deux ou trois jours.
M.
de Brouckere. - S’il faut en croire M. Lebeau, l’amendement rentre dans
l’esprit de la loi ; alors il deviendrait inutile ; c’est la loi que l’on doit
interroger et non la chambre.
M.
Jullien. - Laissez-le discuter.
M.
Pirson. - Si le ministre déclare que la loi sera exécutée dans ce sens,
je le retire.
M. le
ministre de la guerre (M. Evain). - Les lors relatives à la milice sont
très volumineuses, et toutes leurs dispositions s’enchaînent mutuellement. A la
première vue, à la simple lecture d’un amendement, il est difficile de voir si
les dispositions ne contrarient pas celles qui sont dans les lois.
La question est celle-ci : un
milicien qui se fait remplacer exempte le frère qui le suit immédiatement ;
mais la loi porte que, lorsque le remplaçant a déserté, le remplacé doit, dans
un délai voulu, fournir un remplaçant. Quand un tirage survient dans
l’intervalle où le frère aîné est sans remplaçant, si le frère puîné est
désigné par le sort, il doit marcher, parce que son frère n’est pas remplacé.
Dans le
cas exceptionnel pour lequel on présente un amendement, le tirage a eu lieu ;
le premier frère cherche un remplaçant ; ce remplaçant ne reste pas sous les
drapeaux ; le second frère tire ensuite ; mais comme il ne peut produire le
certificat de présence du remplaçant sous les armes, le conseil de milice est
dans la nécessité de le comprendre dans le contingent. On demande que lorsque
le premier frère sera parvenu à obtenir un second remplaçant, le second frère
soit exempt : on doit remarquer ici que la loi n’a accordé qu’un délai de deux
mois pour fournir le remplaçant. Lorsque le tirage a lieu après ce délai, le
conseil de milice est obligé de désigner le second frère ou le frère de celui
qui n’a pas de remplaçant, et de déclarer qu’il n’a pas droit à l’exemption.
Je dois déclarer qu’il y a une
infinité de cas exceptionnels qui se présentent tous les jours et sur lesquels
il faut que le ministre de la guerre ou de l’intérieur ait à prononcer. Celui
qui fait l’objet de l’amendement s’est présenté quelquefois, et il y a eu
décision. Si l’on voulait régler tous les cas exceptionnels il ne faudrait pas
qu’un seul article additionnel ; il en faudrait un bien grand nombre. L’article
additionnel que l’on présente n’a d’ailleurs pas pour but direct la facilité
des remplacements et ne rentre pas dans la loi que vous discutez. Je pense
qu’il faut le renvoyer aux sections. Je ne suis pas en mesure de prononcer
actuellement sur la valeur de l’amendement, s’il faut l’adopter ou le rejeter,
M. Jullien. - Je
m’étais fait inscrire pour parler sur le fond de la question. Cependant je vais
parler sur la motion d’ordre.
La demande de M. Pirson est
tellement juste, et l’abus dont il se plaint se renouvelle si souvent, que je
ne vois aucune difficulté à mettre sa proposition en discussion, J’adhère à cet
égard à ce qu’on dit MM. Lebeau et Pirson pour repousser la motion d’ordre fait
par M. de Brouckere. Je connais
beaucoup de familles dans lesquelles on a été obligé de remplacer et l’aîné et
le puîné des fils ; les remplaçants sont très coûteux et ont occasionné la
ruine de plusieurs familles. Il s’agit d’une loi transitoire ; l’amendement est
dans le sens de cette loi ; ainsi pourquoi l’ajournerait-on ? Je demande que
l’amendement soit mis immédiatement en discussion.
M.
de Brouckere. - Je retire ma motion d’ordre, car je vois qu’elle va
donner lieu à un débat aussi long que serait celui sur le fond.
M. Simons. - Si l’on discute la proposition au
fond, je prouverai combien elle est incomplète. Il est extrêmement dangereux
d’adopter des amendements de cette nature. On parle d’un remplaçant qui déserte
; mais le frère aîné ne peut-il pas déserter lui-même ? S’il revient au corps,
le puîné se trouve dans le même cas que celui qui, ayant un premier remplaçant
qui déserte, en fournit un second. Je pourrais citer d’autres cas. Tout se lie
en fait de milice. Si vous attaquez le système sur un point, il n’y aura plus
d’ensemble. Ce qu’il y a de mieux à faire ici, c’est de renvoyer la proposition
aux sections, afin qu’elles examinent la chose de près, et qu’elles présentent
des dispositions complètes.
Quand vous adopteriez
l’amendement de M. Pirson, il ne pourrait être appliqué cette année ; on ne
pourrait prononcer d’exemption au détriment de droits acquis. Mais peut-être
qu’en examinant l’amendement, vous y trouverez d’autres inconvénients qui vous
détermineront à le rejeter.
M. Legrelle. - Je suis fâché que M. de Brouckere ait retiré
sa motion d’ordre et je la fais mienne et la reproduis. Il est incontestable
que la proposition de M. Pirson doit être renvoyée aux sections, ainsi que
l’honorable député du Limbourg vous l’a fait remarquer, elle est incomplète. De
plus la proposition qui vient d’être lue n’est pas la même que celle qu’on nous
a lue hier,et je me sens incapable dé prononcer sur le mérite de celle qu’on
nous présente aujourd’hui ? Ce qu’il y de plus simple à faire, c’est de
l’examiner dans les sections ; la loi que nous allons voter n’est pas une loi
finale : elle a trait uniquement à la facilité qu’il faut donner pour obtenir
des remplaçants ; il ne faut pas embrasser d’autres cas.
Je reprends la motion d’ordre.
- La motion d’ordre mise aux
voix est adoptée.
En conséquence la proposition
de M. Pirson est renvoyée aux sections.
Article 6
M. le
président. - Il reste à mettre aux voix l’art. 6 ainsi conçu :
« La présente loi sera
obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
Cet article est adopté sans
discussion.
Second vote des articles et
vote sur l’ensemble du projet
Plusieurs membres. - Procédons de suite au second vote, il y a
urgence.
M.
Fallon. - Les amendements adoptés par le premier vote ne sont que des
changements de rédaction et ne changent rien aux principes ; je ne vois pas
d’inconvénient à ce que l’on procède au second vote.
M.
Gendebien. - Il y a urgence !
- La chambre consultée décide
qu’il y a urgence.
M.
Dubus. - Le procès-verbal constatera que la chambre déclare l’urgence.
M.
Gendebien. - La loi est urgente, c’est sa nature !
M. le
président. donne une seconde lecture des 6 articles adoptés et qui
composent toute la loi ; ils sont de nouveau adoptés et sans débat, ainsi que
les modèles de certificats qui sont annexes.
- La chambre procède à l’appel
nominal sur l’ensemble du projet ; il est adopté à l’unanimité des 66 membres
présents.
PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION DES COMMUNES
Second vote des articles
Titre I. - Du corps
communal
Chapitre 1er. - De la composition
du corps communal et de la durée des fonctions de ses membres
Section 1ère. De la
composition du corps communal
Article
10
M. le
président. - L’art.
« Le bourgmestre, pendant
la durée de ses fonctions, cesse de faire partie de la garde civique, »
M. le
président. - « Art. 11. Les membres du conseil ne peuvent être
parents ou alliés jusqu’au troisième degré inclusivement ; et si des parents ou
alliés à ce degré sont élus au même tour de scrutin, celui qui a obtenu le plus
de voix est seul admis ; en cas de parité de suffrages le plus âgé est préféré.
« Il en sera de même pour
ceux dont les épouses seraient parentes entre elles jusqu’au deuxième degré
inclusivement.
« L’alliance survenue
ultérieurement entre les membres du conseil n’emporte pas révocation de leur
mandat.
« L’alliance est censée
dissoute par le décès de la femme du chef de laquelle elle provient.
« Dans les communes au-dessous
de 1,200 habitants, la prohibition s’arrêtera au deuxième degré. »
M.
de Brouckere. - Je crois qu’au mot « épouses » dans le
deuxième paragraphe il faut substituer le mot « femmes », reçu dans
le langage légal.
- L’amendement de M. de
Brouckere est adopté. L’art. 11 est adopté, avec cet amendement.
Article 12
M. le
président. - L’art. 12 n’ayant pas été amendé n’est pas mis aux voix ;
il est ainsi conçu :
« Art. 12. Il y a dans
chaque commune un secrétaire et un receveur. »
Article 13
M. le
président. - « Art. 13. Il y a, dans la même commune, incompatibilité entre les fonctions de
receveur et de secrétaire ; il y a également incompatibilité entre les
fonctions de secrétaire ou de receveur et celles de bourgmestre, d’échevin ou
de membre du conseil communal ; néanmoins, dans des communes de moins de 3,000
habitants, le Roi pourra, pour des motifs graves, autoriser le cumul desdites
fonctions, sauf celles de bourgmestre qui
ne pourront, dans aucun cas, être cumulées dans la même commune avec aucun
desdits emplois. »
- Adopté.
Article 11 (qui devient l’article 14)
« Art. 14. Ne peuvent
exercer les fonctions de secrétaire ou de receveur communal, les employés du
gouvernement provincial et du commissariat d’arrondissement. »
- Adopté.
Titre I. - Du corps
communal
Chapitre 1er. - De la
composition du corps communal et de la durée des fonctions de ses membres
Section II. - De la durée
des fonctions des membres du corps communal
Articles
14 et 15
M. le
président. - Les art. 14 et 15 auxquels le gouvernement s’est rallié ne
sont pas mis en délibération ; ils sont ainsi conçus :
« Art. 14. Les
conseillers communaux sont élus pour
le terme de 6 ans ; ils sont toujours rééligibles.
« Les conseils sont
renouvelés par moitié tous les 3 ans.
« La première sortie sera réglée par le sort, dans la séance prescrite à
l’article 68, l’année qui précédera l’expiration du premier terme.
« Les échevins appartiendront par moitié à chaque série, le bourgmestre à
la dernière. »
« Art. 15. Le bourgmestre
et les échevins sont également nommés
pour le terme de 6 ans ; toutefois ils
perdent cette qualité si, dans l’intervalle, ils cessent de faire partie du
conseil. »
« Art. 16. La démission
des fonctions de conseiller est adressée
au conseil communal, qui en délibère, et soumet sa résolution à l’approbation de la députation permanente du
conseil provincial.
« La démission des fonctions de bourgmestre doit être adressée ou notifié
au conseil ; elle n’aura d’effet que 30 jours après qu’elle aura été notifiée
au conseil, à moins que le Roi ne l’ait acceptée auparavant.
« La démission des fonctions d’échevins doit être adressée à l’autorité
qui l’aura nommé, et être notifiée au conseil communal.
« Elle n’a d’effet que 30 jours après cette notification, à moins que
cette acceptation n’ait eu lieu auparavant.
« Le bourgmestre ou l’échevin qui désirera donner sa démission comme
conseiller ne pourra l’adresser au conseil communal qu’après avoir
préalablement obtenu du Roi sa démission comme bourgmestre ou échevin. »
M.
Dubus. - Messieurs, cet article doit nécessairement être modifié par
suite du changement que la chambre a introduit dans un article antérieur. Il
est évident que le troisième portant que « la démission de fonctions
d’échevin doit être adressée à l’autorité qui l’aura nommé, » doit être
supprimé maintenant que l’échevin est nommé directement par les électeurs de
même que les conseillers. Vous devez à présent, ainsi que l’avait fait la
section centrale dans sa proposition, mettre sur la même ligne les conseillers
et les échevins. Pour cela, il convient de supprimer le premier paragraphe, et
de commencer ainsi le premier : « La démission des fonctions d’échevin et
de conseiller, etc. » Il me semble
que ces changements viennent également à tomber.
Le quatrième paragraphe vient
également à tomber par suite du retranchement obligé du troisième, et je crois
que pour atteindre le but que l’on s’était propose dans ce paragraphe, il
faudra dire à l’art. 17 : « Les échevins et conseillers, etc. »
Enfin le dernier paragraphe me
paraît être retranché en ce qui concerne les échevins. Vous ne pouvez pas
admettre que l’échevin qui n’a pas été nommé conseiller, qui est seulement
échevin, ait à diviser son mandat et sa qualité.
Vous ne pouvez pas même
maintenir ce paragraphe en ce qui concerne le bourgmestre car, puisque le
bourgmestre pourra être pris en dehors du conseil, vous n’avez plus de motifs
pour exiger qu’il ne donne sa démission comme conseiller qu’après avoir obtenu
la démission de ses fonctions de bourgmestre.
S’il est à la fois bourgmestre
et conseiller, ce n’est plus un cumul obligé de ces deux fonctions, c’est
uniquement parce qu’il a convenu et aux électeurs de le nommer conseiller, et
au Roi de le nommer bourgmestre. Il n’a pas besoin de l’autorisation du gouvernement
pour renoncer à un, mandat conféré par les électeurs.
Je demande la suppression des
trois derniers paragraphes. de l’art. 16, et je demande que l’on dise dans le
premier paragraphe : les démissions d’échevins et de conseillers.
Je ferai une autre observation
relativement à la manière dont est conçu le premier paragraphe de l’art. 16. Je
rappellerai une observation faite lors du premier vote.
J’avais fait remarquer que, de
la manière dont est conçue cette disposition, il me semble qu’un conseiller
n’ait pas le droit pur et simple de donner sa démission, et qu’il faille que le
conseil accepte cette démission.
L’article porte que le conseil
reçoit la démission et en délibère. Cela veut dire que s’il lui convient, il
l’accepte ; s’il ne lui convient pas, il la refuse. Ainsi, dans le cas de
refus, un élu du peuple serait obligé de continuer les fonctions d’un mandat en
vertu de la volonté d’une autorité qui ne le lui a pas conféré. J’avais soutenu
qu’il était impossible que l’on voulût forcer un conseiller à exercer ses
fonctions du moment qu’il voudrait les résigner.
Tout le monde était d’accord
sur ce point.
La section centrale elle-même
l’avait tellement reconnu, que, si elle avait retranché du projet du
gouvernement une disposition qui posait le principe de l’acceptation, dans tous
les cas, de la démission d’un conseiller, elle ne l’avait fait que parce
qu’elle avait pensé que ce principe était de droit.
En effet, je trouve à
l’article 16, qui est maintenant l’art. 14, que le gouvernement avait proposé
la disposition suivante :
« Toutefois, les membres
du conseil peuvent donner leur démission avant l’expiration de ce terme, »
c’est-à-dire du terme fixé pour la durée des fonctions de conseiller.
Je lis dans le rapport de la
section centrale :
« Le dernier paragraphe a
été écarté comme étant de droit. »
Ainsi,
ce n’est pas parce qu’elle voulait refuser aux conseillers le droit de renoncer
à leur mandat quand ils le jugeraient convenable que la section centrale a
supprimé ce paragraphe, c’est parce qu’elle jugé inutile de faire mention de ce
droit.
Si vous adoptez sans
modification la dernière disposition de l’art. 16, l’on pourra contester ce
droit ; l’on pourra voir dans ces expressions : « Le conseil en délibère
et soumet sa délibération à la députation, » le droit conféré au conseil
d’accorder ou de refuser la démission de l’un de ses membres. Il serait donc
nécessaire de reproduire l’article que la section centrale avait écarté, ou du
moins de modifier la rédaction du premier paragraphe.
Je rappellerai qu’à l’occasion
des observations que j’avais présentées contre la rédaction proposée par
l’honorable M. Jullien, l’on avait dit que ce paragraphe serait voté sauf
rédaction.
M. Legrelle. - Je viens appuyer la suppression proposée par
l’honorable M. Dubus ; mais je trouve que cette suppression rendrait l’article
incomplet.
J’ai soutenu dans le sein de
la section centrale qu’il semblait par la rédaction admise que le conseil fût
libre d’accepter ou de ne pas accepter la démission d’un conseiller. Messieurs,
voilà un principe contre lequel nous devons nous élever. Si vous forcez un
conseiller de remplir son mandat pendant tout le temps pour lequel il aura été
élu, beaucoup d’honorables citoyens refuseront les fonctions de conseiller.
Tout homme qui veut occuper un poste gratuit ne l’accepte qu’à condition qu’il
pourra s’en démettre si les circonstances ultérieures ne lui permettent pas de
le remplir selon sa conscience. Que devient la liberté dont tout le monde doit
jouir si vous accordez au conseil la faculté d’accepter ou de ne pas accepter
la démission d’un de ses membres ? Quelle utilité, d’ailleurs, y aurait-il pour
le conseil lui-même, puisqu’un homme qui ne voudra plus être conseiller n’assistera
plus aux séances ? Ce sera en définitive un conseiller municipal de moins.
Evitons
cet inconvénient. La section centrale n’a pas voulu que l’on entendît par le
mot délibérer la faculté accordée au conseil de refuser ou de ne pas refuser la
démission. Je crois que la rédaction est vicieuse et qu’il vaut mieux reprendre
la rédaction du gouvernement en ajoutant que l’avis doit être donné au conseil
et à l’autorité supérieure.
« La démission de conseillers
et d’échevins doit être adressée au bourgmestre qui en donne avis au conseil et
à l’autorité supérieure. »
De cette manière la démission
sera notifiée non seulement au bourgmestre, mais au conseil. Je demande
également le maintien du deuxième paragraphe.
M.
Jullien. - Messieurs, j’appuie la suppression du 3ème et du 4ème
paragraphe, mais je ne puis admettre celle du 5ème paragraphe.
Ce dernier paragraphe a été
introduit dans la loi après des délibérations assez longues.
Voici comment il est conçu : «
Le bourgmestre ou l’échevin qui aura donné sa démission, ne pourra l’adresser
au conseil communal qu’après avoir préalablement obtenu du Roi sa démission
comme bourgmestre ou comme échevin. »
Il n’y a à supprimer que le
mot échevin. Mais je ne vois pas pourquoi l’on supprimerait, en ce qui regarde
le bourgmestre, une disposition qui a été déjà admise dans un but d’utilité.
Le bourgmestre qui avait été
investi de la qualité de conseiller, ayant eu besoin d’être nommé par le Roi
pour avoir la qualité de bourgmestre, il y avait nécessité de lui faire
soumettre au conseil sa démission comme conseiller communal, après avoir obtenu
sa démission du Roi comme bourgmestre. Il me semble que cette disposition ne
peut être supprimée.
Quant au premier paragraphe
par lequel la démission des fonctions de conseiller est adressée au conseil qui
en délibère, etc., je rappellerai à la chambre que cette disposition n’a été
adoptée qu’après une longue discussion.
Il ne s’agit pas ici de donner
au conseil communal le droit d’accepter ou de rejeter la démission du
conseiller ou de l’échevin.
Tout
le monde comprend, sans que M. Legrelle ait besoin de le dire, que l’on ne peut
forcer un homme à être conseiller malgré lui. Mais, lorsqu’un fonctionnaire
public donne sa démission, il faut que l’on examine si c’est véritablement une
démission, si c’est un acte que l’on peut qualifier de démission. Vous savez
que lors du premier vote, nous avons délibéré sous l’influence d’un débat élevé
à Liége, qui avait eu une conséquence assez grave.
L’on avait considéré comme
démission définitive la démission d’un échevin (M. Dejaer, je crois), qui
n’était que conditionnelle. Eh bien, pour empêcher qu’une pareille circonstance
ne se présente que nous avons mis le conseil en délibéré afin qu’il examine si
la démission en est réellement une. C’est alors que la rédaction, combattue par
l’honorable M. Dubus, a été adoptée sur ma proposition comme faisant mieux
connaître ce que l’on demandait au conseil communal. Si la démission est
véritable, le conseil l’acceptera ; si la démission est conditionnelle, il
l’examinera. Il verra si la condition peut lui convenir, si elle peut suspendre
l’effet de la démission donnée par le conseiller. Adopter la suppression
demandée, c’est vouloir ouvrir la porte aux inconvénients que l’on a signalés à
l’occasion de la démission donnée par un échevin de Liége.
M.
de Brouckere. - Je partage l’opinion émise par l’honorable orateur qui
a parlé le premier sur la question, et j’appuie la suppression qu’il a
demandée, y compris celle que vient de combattre l’honorable M. Jullien.
Le premier paragraphe statue
que la démission des fonctions de conseiller et également de celles d’échevin
devra être adressée au conseil qui en délibère et qui soumet sa résolution à
l’approbation de la députation.
Comme on l’a dit avec raison,
quand une démission est envoyée par un échevin ou par un conseiller communal,
il ne peut y avoir lieu pour le conseil de délibérer. Il suffit que la
démission ait été donnée.
Il peut arriver, a dit
l’honorable M. Jullien, que la démission n’en soit pas véritablement une,
qu’elle ne soit que conditionnelle. Cela est vrai. Mais remarquez bien qu’il
n’est pas nécessaire de statuer dans la loi que, toutes les fois qu’il y aura
une démission de conseiller, il y aura lieu de délibérer. Il est certain que
s’il arrive une pièce douteuse, le conseil l’examinera. S’il est décidé que
c’est une véritable démission, l’on passera outre, de manière que les mots «
qui en délibère, et transmet sa résolution à la députation, » sont
absolument inutiles.
Il est encore une disposition
dont on n’a pas parlé, que je regarde comme ne devant pas avoir de résultat.
L’on dit que la démission du bourgmestre n’aura d’effet que 30 jours après la
notification au conseil. Veut-on qu’après qu’un bourgmestre aura donné sa
démission, on le force à remplir ses fonctions pendant 30 jours encore ? Quel
moyen prendra-t-on si le bourgmestre s’y refuse ? Vous ne pouvez employer des
moyens de violence. Il est inutile d’insérer dans la loi une disposition qui ne
pourra avoir d’effet, à laquelle les bourgmestres démissionnaires pourront
toujours se soustraire. Vous avez beau dire dans la loi que le bourgmestre
démissionnaire exerce ses fonctions 30 jours après la notification de sa
démission, s’il veut se retirer, il se retirera.
L’honorable M. Jullien demande
le maintien du premier paragraphe, je n’en vois pas la nécessité. je crois que
tout l’article peut être supprimé, sauf deux dispositions qui seraient ainsi
conçues :
« La démission des fonctions
d’échevin et de conseiller est adressée au conseil communal.
« La démission des fonctions
de bourgmestre est adressée au Roi et notifiée au conseil. »
Voilà tout ce que doit
contenir l’article. Ce qu’il y a de plus est absolument inutile et n’aurait
aucun effet.
M. le président. - Je vais donner lecture de
l’amendement de M. de Brouckere ; il est ainsi conçu : « La démission des
fonctions de conseiller et échevin est adressée au conseil communal.
« La démission des fonctions
de bourgmestre est adressée au Roi et notifiée au conseil communal. »
M. Dubus vient de faire
parvenir un autre amendement au bureau. Il remplace par une nouvelle
disposition le premier paragraphe de l’article ; il conserve le deuxième et
supprime les trois derniers.
Voici comment est conçue la
disposition qu’il propose de substituer au premier paragraphe de l’article :
« La démission des fonctions
d’échevin ou de conseiller est adressée au conseil communal qui, dans le cas où
il s’élèverait quelque doute sur la partie de l’acte considéré ou présenté
comme démission, en délibère et soumet sa résolution à la députation permanente
du conseil provincial.
M.
Jullien. - Cet amendement rentre dans l’explication que j’ai donnée
tout à l’heure à la chambre ; il prévoit le cas où la démission ne serait pas
pure et simple, et dit que dans ce cas il faudrait délibérer.
Mais il m’a semblé que chaque
fois qu’un acte quelconque est adressé à une administration, et surtout si cet
acte doit avoir pour objet de la priver d’un de ses membres, la première chose
qu’elle doit faire, c’est d’examiner, de voir si c’est ou non un acte pur et
simple par lequel un des membres veut résigner ses fonctions. Dès que vous
admettez cette opération de la part du corps auquel l’acte est envoyé, il y a
déjà délibération ; vous ne pouvez pas faire que ce corps n’apprécie pas la
qualité de l’acte, vous ne pouvez pas faire qu’il n’en délibère pas.
Quand vous avez dit :
« La démission des fonctions d’échevins ou de conseiller est envoyée au
conseil, le conseil en délibère, » vous n’avez pas dit autre chose que le
conseil examine, apprécie la portée de l’acte qui lui est adressé. Cet acte
est-il une démission pure et simple, la démission sera acceptée, le conseil ne
peut pas faire autre chose. Si, au contraire, la pièce est conçue en termes
ambigus, si elle suppose des conditions comme celles dont je parlais tout à
l’heure, le conseil prendra une résolution, il pourra dire : « Je ne
regarde pas cela comme une démission. »
Il est une autre observation
qui peut-être ne vous a pas frappés, et que je demande la permission de vous
soumettre.
Il
arrive quelquefois que, dans un moment de mauvaise humeur, à la suite d’un
débat où son opinion n’aura pas prévalu, un fonctionnaire envoie sa démission.
Cette démission ainsi envoyée, le conseil devra-t-il dire : J’en prends acte et
je l’accepte ? Dans un cas semblable, les collègues de ce fonctionnaire font
des démarches auprès de lui pour l’engager à retirer sa démission. Laissez le
conseil délibérer et prendre le parti que sa sagesse lui dictera dans l’intérêt
de la commune.
Je ne vois pas grande
difficulté à adopter l’amendement de M. Dubus, mais je ferai observer qu’il
allonge singulièrement une disposition qui, selon moi, valait mieux que ce
qu’on veut substituer.
M. Legrelle. - Je demande pardon à la chambre, si je prends
deux fois la parole en si peu de temps ; mais je désire répondre à quelques-uns
des arguments présentés par l’honorable M. Jullien qui ne me paraissent pas
fondés. Il croit qu’il est tel cas où le conseil devra délibérer sur la nature
d’une démission donnée. Le cas ne me paraît pas probable. Un conseiller donne
sa démission, c’est qu’il veut renoncer à ses fonctions. Si le conseil était
appelé à délibérer sur la question de savoir si une démission est réellement
une démission ou n’en est pas une, on pourrait décider que tel conseiller a
donné sa démission, sur une lettre qu’il aurait adressée au conseil.
C’est ce qui a eu lieu à Liége
: le collège a décide qu’un échevin avait donné sa démission, tandis qu’il n’y
avait pas songé. Je ne conçois pas de délibération possible sur la question de
savoir si une démission est ou pas une démission. Une démission doit être
donnée en termes tels qu’oit ne puisse pas élever de doute sur la question de
savoir si c’est une démission ou non. C’est pour cela que je m’oppose à
l’amendement de M. Dubus pour me renfermer dans les termes de la proposition
primitive du gouvernement ou adopter l’amendement de M. de Brouckere.
« La démission des
fonctions de conseiller et d’échevin est adressée au conseil communal.
« La démission des
fonctions de bourgmestre est adressée au Roi et notifiée au conseil. »
Voila ce que veut M. de
Brouckere, c’est aussi ce que je veux moi-même.
Vous avez beau vouloir
délibérer sur la démission d’un conseiller ou d’un échevin, vous n’arriverez à
aucun résultat : si la démission a été réellement donnée, le conseiller ou
l’échevin ne siégera plus ; si au contraire on a attribué à tort ce caractère à
une lettre adressée au conseil, il continuera d’assister aux séances. Il serait
inconvenant de délibérer sur un pareil objet, ce serait même dangereux, car,
comme je le disait tout à l’heure, on pourrait par ce moyen donner la démission
à qui on voudrait. C’est pousser les choses à l’absurde, mais on arriverait là
avec la proposition de M. Dubus.
S’il y a doute sur une
démission donnée, il sera facile de lever ce doute en demandant à l’échevin ou
au conseiller démissionnaire s’il a voulu ou non donner sa démission.
L’honorable
M. Jullien a dit qu’une démission pourrait être donnée dans un moment de
vivacité, d’humeur et qu’il fallait laisser au conseil la faculté d’engager le
fonctionnaire qui aurait ainsi donné sa démission à la retirer. Je ferai
observer que la démission étant adressée au président du conseil, au
bourgmestre qui en prend connaissance avant le conseil, le bourgmestre peut,
avant de transmettre la démission au conseil, si elle a été envoyée dans un
moment de mauvaise humeur, faire une démarche auprès du démissionnaire, lui
faire entendre que l’intérêt de la commune exige qu’il retire sa démission, que
le conseil serait heureux de conserver un conseiller dont le talent et les
travaux lui font honneur. Personne ne peut trouver cela mauvais. Si le
démissionnaire persistait, le bourgmestre communiquerait la démission au
conseil. L’inconvénient signalé par M. Jullien n’existe donc pas.
Je persiste à me prononcer
pour l’amendement de M. de Brouckere.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne
comprends pas les inconvénients qu’on veut faire résulter de l’adoption du
paragraphe premier de l’article actuellement en discussion, ou de l’amendement
de l’honorable M. Dubus. Il est
incontestable qu’un échevin, quand il veut donner sa démission, est en droit de
se retirer, et personne n’a le pouvoir de lui faire conserver ses fonctions
malgré lui.
Les mots « qui en
délibère » ne peuvent porter sur les cas où il y a démission positive. Mais il
peut y avoir doute sur la question de savoir si l’acte parvenu au bourgmestre
ou au conseil emporte la démission du fonctionnaire. L’honorable député du
Bruges vous a cité un cas, je pourrais en citer d’autres. Je suppose qu’un
échevin écrive qu’il n’assistera plus aux séances tant qu’on délibérera sur tel
objet ; je vais plus loin, je suppose qu’un conseiller écrive qu’il n’assistera
plus aux séances du conseil tant et si longtemps que tel autre membre en fera
partie ; cet acte entraîne-t-il démission ? Evidemment il y a doute.
Il faut donc que le conseil en
délibère. Mais, dit-on, cela ne mène à rien. C’est qu’on ne fait pas attention
que ces mots : « La démission est adressée au conseil communal qui en
délibère, » ne se trouvent pas dans l’article isolément, qu’ils sont
suivis de ceux ci : « et soumet sa résolution à l’approbation de la
députation permanente du conseil provincial. »
Il faut deux choses, comme
vous voyez : d’abord que le conseil ait délibère sur la question de savoir si
l’acte dont il s’agit emporte avec lui une démission, et en outre, que la
délibération ait été approuvée par la députation permanente du conseil
provincial.
Je n’ai pas besoin de vous
rappeler que ce cas s’est présenté pour une lettre écrite par un échevin, qui a
été considérée comme une démission par le conseil de régence, tandis que cet
échevin n’avait pas l’intention de se démettre de ses fonctions. Je suppose un
échevin qui déplaise à la majorité, que la minorité ait intérêt à éliminer de
son sein : toute lettre par laquelle il refuserait d’assister à l’une ou
l’autre séance, pourrait être considérée comme une démission. C’est cet abus
que nous avons voulu prévenir, c’est pour cela qu’on a exigé que le conseil
délibérât sur la question de savoir si l’acte emportait démission, et que cette
délibération fût soumise à l’approbation de la députation permanente du conseil
provincial.
Je le
répète on n’a eu en cela qu’un seul but, de prévenir qu’un acte n’emportait pas
démission pût être considéré comme tel par le conseil.
La disposition ne présente du
reste aucun inconvénient ; il est incontestable que celui qui voudra résigner
ses fonctions sera toujours en droit de le faire. Si sa démission ne présente
aucun doute, si elle est écrite en termes formels, le conseil sera obligé de
l’accepter.
Je ferai observer encore qu’il
y aurait de graves inconvénients à supprimer ces mots : « et soumet
sa résolution à l’approbation de la députation permanente du conseil provincial
; » car on pourrait voir se représenter ce qui a eu lieu dans une grande
ville, où une simple lettre d’un échevin fût considérée comme une démission,
quoiqu’il ne fût nullement dans les intentions de ce fonctionnaire de donner sa
démission.
M.
Gendebien. - En législation, on doit toujours chercher la rédaction la
plus simple, celle qui, en moins de mots, exprime une idée nette.
L’amendement de l’honorable M.
de Brouckere me paraît réunir ces conditions.
« La démission des
fonctions de conseiller ou d’échevin est adressée au conseil communal.
« La démission des
fonctions de bourgmestre est adressée au Roi et notifiée au conseil
communal. »
Voilà tout ce qu’il faut. Il
suffit de déterminer à quelle autorité on doit s’adresser pour déclarer qu’on
renonce à ses fonctions. Ceux qui sont nommés par le peuple envoient leur
démission aux délégués du peuple ; ceux qui sont nommés par le Roi envoient
leur démission au Roi.
A quoi bon dire que le conseil
délibère sur les doutes qui pourraient s’élever sur la question de savoir s’il
y a ou non démission donnée ? Mais est-ce que le conseil ne délibère pas
toujours quand il y a doute ? A moins qu’on ne suppose qu’il n’est là que pour
délibérer sur les questions qui ne présentent pas de doute, vous devez admettre
que le conseil délibérera si l’acte réputé démission présente du doute. Inutile
donc de le dire. Ce serait même dangereux ; mais si vous maintenez les autres
parties de l’article, il en résulte cette conséquence qu’après une délibération,
vous pouvez contraindre un échevin ou un conseiller à rester en fonction malgré
lui. C’est évident ; car qui délibère peut décider affirmativement ou
négativement.
L’amendement de M. de
Brouckere contient tout ce qu’il faut. Si vous ajoutez les mots : qui délibère, il n’y a pas de raison
pour que vous ne les insériez pas dans chaque article de la loi.
Si vous disiez : « Le
conseil délibère sur la question de savoir s’il y a démission oui ou
non, » je concevrais la disposition, car au moins la délibération ne
pourrait pas avoir pour résultat de contraindre l’échevin à conserver ses
fonctions. Mais l’amendement est inutile, car il serait absurde de supposer
qu’un conseil ne délibère pas sur une démission, qui présente, des doutes.
Après tout, c’est au fonctionnaire
qui donne sa démission à savoir si son intention est bien de la donner oui ou
non. Si elle est donnée en termes clairs, la chose est simple ; si au contraire
elle n’est pas conçue en termes positifs, tant pis pour lui si le conseil la
regarde comme une démission bien et dûment donnée.
Un autre orateur a dit que
dans un moment d’humeur, à la suite d’une discussion vive, un membre du conseil
pourrait envoyer sa démission, et qu’il fallait laisser à ses collègues la
faculté de faire des démarches auprès de lui pour l’engager à la retirer. Je
ferai observer que cela sort des prévisions de la loi et rentre dans les bons
procédés qu’on doit observer entre collègues. Toutes les fois que pour des
motifs futiles, après une discussion vive, un membre de l’administration donne
sa démission, ses amis s’emploient pour la lui faire retirer. Mais c’est une
chose qu’il est inutile d’insérer dans la loi.
Je
conclus donc qu’en disant ce que M. de Brouckere vous propose de dire, vous
dites tout ce que légalement vous devez et pouvez dire. Le surplus est une
affaire de convenance qu’il faut abandonner au collège des bourgmestre et
échevins.
M. le président. - Voici un nouvel amendement
présenté par M. Dewitte : « Toute démission de fonctions doit être
expresse. Celle des échevins et conseillers est adressée au conseil communal.
Celle des bourgmestres doit être adressée au Roi et notifiée au conseil. »
M. Dewitte. - On élève toujours des doutes sur la réalité
des démissions. On a cité des exemples, des inconvénients qui en étaient
résultés. Il me semble qu’en disant que toute démission doit être expresse,
tout doute deviendra impossible.
M.
Lebeau. - Je demande à proposer un amendement. Je crois en principe que
l’amendement de M. de Brouckere doit être admis. Mais il me semble
indispensable d’y ajouter un sous-amendement.
Je crois que la rédaction de
M. Dewitte n’obvierait pas aux inconvénient dont vous avez gardé le souvenir,
et qui doivent être dans vos prévisions ; car je crois que, dans le cas qui
s’est présente, ceux qui ont déclaré que l’échevin avait donné sa démission
n’auraient pas été arrêtés par cette formule, que la démission doit être
expresse ; ils auraient probablement déclaré que, dans leur opinion, il y avait
démission expresse.
On doit donner toute latitude
aux conseillers et aux échevins qui
veulent résigner leurs fonctions, mais ce n’est pas là la question. La question
est celle-ci : Il faut empêcher qu’un acte qui n’aurait pas, dans la pensée de
son auteur, le caractère d’une démission, soit considéré comme tel par le
conseil.
J’en trouve la nécessité, non
seulement dans les discussions, qui ont eu lieu devant la chambre à propos de
l’affaire de Liége, mais dans d’autres faits qui sont à ma connaissance. En
voici un qui s’est passé dans une commune rurale de la province que j’ai
l’honneur d’administrer, Des expressions plus on moins irritantes, prononcées à
la suite d’une discussion où le bourgmestre avait succombé, avaient été considérées
par le conseil comme une démission. Il y avait à la fois demande du conseil au
gouverneur de convoquer les électeurs pour pourvoir au remplacement d’un
conseiller démissionnaire, et réclamations du conseiller réputé démissionnaire,
prétendant qu’on avait mal interprété ses paroles. Il s’agissait d’une
démission verbale, affirmée par les uns, contestée par les autres.
Je crois
qu’il faut d’abord admettre en principe que quand il n’y a pas de doute sur la
volonté d’un fonctionnaire municipal de résigner ses fonctions, il peut à
l’instant se retirer ; mais s’il y a de sa part réclamation, il faut qu’une
autorité quelconque puisse en délibérer.
Je soumettrai à la chambre,
plutôt comme canevas que comme amendement définitif, la proposition suivante :
« L’échevin
ou le conseiller qui contestera le fait de sa démission pourra se pourvoir
devant la députation du conseil provincial qui prononcera au plus tard dans le
mois qui suivra le recours. »
- MM. de Brouckere et Dubus se
rallient à l’amendement de M. Lebeau.
M.
Dumont. - Je déclare me rallier à l’amendement de l’honorable M. Lebeau. Il me semble, en effet,
indispensable de désigner l’autorité à laquelle on aura recours pour adresser
la démission. Ayant la parole, je vais aussi soumettre à la chambre quelques
observations sur le dernier paragraphe de l’article. Je crois que cette
disposition doit être maintenue quant au bourgmestre. Il me paraît qu’avant
qu’il puisse donner sa démission de conseiller, il faut que sa démission de
bourgmestre soit donnée. J’ai seulement voulu faire sentir la nécessité de
cette mesure ou d’une équivalente.
M. de Brouckere. - L’hypothèse dans laquelle
raisonne l’honorable préopinant ne peut se réaliser et il est complètement
inutile de la prévoir dans la loi.
Quel est le bourgmestre qui
voudra abandonner la première de ses qualités et conserver l’autre ? Quel est
le bourgmestre qui voudra rester à la tête d’un conseil, dont il dédaigne
d’être membre. Le bourgmestre, de son plein gré, renoncera-t-il à avoir voix
délibérative, et consentira-t-il à présider ce conseil ? Je le déclare, cela me
paraît impossible.
M. le
président. donne une seconde lecture de l’amendement de M. de Brouckere
et du sous-amendement de M. Lebeau.
M.
Dubus. - Je prends la parole pour une observation que je dois faire
depuis qu’il a été fait une nouvelle lecture de l’amendement de l’honorable M. de Brouckere. Il paraît qu’on veut
supprimer la phrase suivante qui s’applique à la démission des bourgmestres.
« Elle n’aura d’effet que 30 jours après cette notification, à moins que
cette acceptation n’ait eu lieu auparavant. »
Je ferai remarquer à la
chambre que cette disposition a été introduite après une discussion assez
longue au premier vote, afin qu’il fût bien entendu que le bourgmestre, agent
du gouvernement, pût répudier ces fonctions, quand il le jugerait à propos et qu’on
ne pût l’obliger à demeurer agent du gouvernement malgré lui. Il a été établi
que lorsqu’on pouvait le révoquer du jour au lendemain, il pouvait aussi se
démettre de ses fonctions avec la même facilité. On a voulu fixer un terme,
mais on a trouvé juste qu’après ce terme, si la démission n’avait pas été
acceptée, elle pût l’être. Je ne crois pas qu’il y ait lieu à retirer cette
disposition ou au moins il faudrait alors rédiger un amendement qui ne
présentât aucun doute sur ce point : que le bourgmestre a le droit de donner sa
démission, et n’est pas forcé de garder ses fonctions pendant 6 ans.
J’ai
fait remarquer que ce pouvait être pour lui une question d’honneur et de
conscience. On veut en faire un instrument du gouvernement, mais il peut lui
répugner de souscrire à toutes les instructions qui lui seront données par les
instruments aveugles du pouvoir. On veut faire des bourgmestres des moyens de
gouvernement, mais on ne peut forcer personne à être moyen de gouvernement
malgré soi.
Je propose par forme de
sous-amendement de maintenir la phrase dont il s’agit après l’amendement de
l’honorable M. de Brouckere à moins qu’on ne trouve une rédaction meilleure.
M. de Brouckere. - J’ai déjà répondu. en
partie par avance à l’observation de l’honorable préopinant. M. Dubus pense que
la phrase qu’il veut faire conserver dans la loi y est nécessaire parce que,
dit-il, il est tel bourgmestre qui ne consentira pas à garder ses fonctions
pendant six ans et qu’on ne pourra l’y forcer. Il est impossible que le
bourgmestre ait le moindre doute à cet égard, quand il sera dit : La démission
pourra être adressée au Roi. Voilà bien la garantie que le bourgmestre a droit
de se démettre avant l’expiration des 6 années. J’ai fait voir que la disposition,
inutile en ce sens, l’était encore sous cet autre rapport que, bien que vous
mettiez un délai de 30 jours, vous ne forcerez jamais ce magistrat à remplir
ses fonctions plus longtemps qu’il ne le voudra.
M.
Lebeau. - Je crois que l’honorable député de Tournai n’a pas bien
compris l’honorable député de Bruxelles. Il est certain que l’amendement de M.
de Brouckere est restrictif de la disposition adoptée. Il me paraît qu’il doit
en être d’un bourgmestre, considéré comme agent du gouvernement, comme de tout
autre fonctionnaire public, je ne pense pas que vous puissiez astreindre les
bourgmestres à une obligation, à laquelle ne sont pas même soumis les
ministres. Croyez-vous qu’on puisse forcer un ministre à demeurer en fonction
30 jours de plus qu’il ne le veut ? Sa démission est aussi parfois une question
d’honneur, de conscience.
S’il s’agit de prêter les
mains à une mesure illégale, inconstitutionnelle, le devoir du bourgmestre est
de donner sa démission.
M.
Dumortier, rapporteur. - Ou de résister.
M. Lebeau. - Non pas, car s’il résiste, le
ministre qui croira agir utilement en soutenant la mesure qu’il aura prescrite
le destituera.
Je dois protester ici contre
l’interprétation trop extensive que l’on a donnée à quelques-unes de mes
expressions. Je n’ai pas dit que les bourgmestres seuls fussent simplement des
moyens du gouvernement.
J’ai dit que généralement tous
les fonctionnaires amovibles sont des moyens de gouvernement, car c’est par eux
qu’on administre, soit dans les provinces, soit dans les communes. Voilà ce que
j’ai entendu et ce qu’on doit entendre par ces expressions, en écartant le
caractère odieux que l’on a voulu lui prêter. Les bourgmestres sont un moyen de
gouvernement, comme le sont les ministres, les gouverneurs, les commissaires de
district, les procureurs-généraux ; c’est un moyen de faire exécuter les lois,
ce qui est le devoir du gouvernement. Je demande pardon à la chambre de cette
digression, nais j’ai cru devoir répondre à une interprétation erronée, et
j’avais à coeur de faire remarquer que l’initiative n’avait pas pris naissance
sur mon banc.
M.
Jullien. - Il y a des circonstances où la chambre veut avoir des
articles très longs, d’autres où elle veut les avoir très courts. Elle est
aujourd’hui disposée au laconisme, je suis toujours de l’avis de ceux qui
prétendent qu’une loi ne peut jamais être trop claire : quand on a passé de
longues journées pour organiser une loi telle que celle qui nous occupe, on
regrette cependant que certaines dispositions qui ont été longuement méditées
lors du premier vote disparaissent tout à coup, comme inutiles. Ce que je dis
s’applique à la partie de cet article relatif aux 30 jours de délai.
« La démission des
fonctions de bourgmestre doit être adressée au Roi et notifiée au
conseil. »
Personne ne conteste cette
première disposition ; voici la seconde
:
« Elle n’aura d’effet que
30 jours après qu’elle aura été notifiée au conseil, à moins que le Roi ne
l’ait acceptée auparavant. »
Quel est le
but de cette disposition ? De faciliter le bourgmestre à donner sa démission.
Si le Roi accepte tout de suite, c’est une affaire finie ; ses fonctions
cessent. Mais si le Roi tarde, vous décidez qu’elles pourront cesser 30 jours
après, parce que vous supposez que pendant ce délai le gouvernement aura le
temps de se décider sur la démission. Mais, dites-vous, vous allez forcer un
bourgmestre à continuer ses fonctions malgré lui. Cela arrive tous les jours,
répondrai-je. Un magistrat donne sa démission, peut-il cesser ses fonctions
sur-le-champ ? Assurément non. On a parlé des ministres en ce cas. Mais je me
rappelle fort bien que l’honorable M. Lebeau et ses collègues sont venus ici
pendant un interrègne ministériel et ont déclaré qu’ils n’y venaient pas comme
ministres. J’ai entendu dire à cet honorable député de Bruxelles qu’il n’y
venait que par dévouement.
Lorsqu’on a accepté une
fonction, on l’accepte jusqu’au moment où on pourra la quitter sans mériter de
blâme. Il faut continuer à juger, si vous êtes juge ; à administrer, si vous
êtes administrateur. C’est ce que disait l’honorable M. Lebeau. Ce ne sont plus les mêmes principes aujourd’hui.
Je crois que vous devez
laisser subsister cette partie de la disposition relative aux trente jours. Il
ne faut pas exposer une ville à se trouver sans administrateur, un siège sans
président, ce sont des précautions naturelles, et je m’étonne qu’aujourd’hui on
veuille les méconnaître.
M.
Dubus. - L’observation que j’avais faite sur le retranchement proposé
du deuxième paragraphe de l’art.
Je faisais remarquer que le
bourgmestre pourrait être déterminé à donner sa démission, parce qu’on exigeait
de lui des actes qu’il répudiait ; si vous l’obligez à être bourgmestre
seulement pour quelques jours, vous le contraignez à concourir à ces mesures.
Il va de soi que nous ne pouvons exiger du bourgmestre qu’il exécute des
mesures qui ont motivé sa démission.
J’ai
déclaré qu’il était nécessaire qu’une disposition fût formulée au deuxième
vote. J’ai pensé que le lieu de la formuler était à l’art. 84 du nouveau
projet, où la loi détermine les moyens de nature à forcer les administrateurs
communaux à exécuter les actes, en envoyant sur les lieux et à leurs frais des
commissaires. Il me semble que c’est là qu’il faudrait faire exception pour les
administrateurs qui auraient donné leur démission et qu’on obligerait à
continuer leurs fonctions malgré la démission déjà donnée.
Quoique cet article ait été
irrévocablement voté, je crois qu’on pourrait y ajouter cette exception, comme
conséquence du vote de l’art. 16. Si on maintient la disposition dont
l’honorable député de Bruges désire le maintien, je préfère, ainsi que les
honorables MM. de Brouckere et Lebeau, qu’on ne fixe aucun terme et que dans
tous les cas la démission du bourgmestre ait son effet immédiat.
M. Verdussen. - D’après ce que je viens
d’entendre dire à l’honorable préopinant, je crois qu’il a renonce à sa
première proposition, celle de reproduire dans l’article en question que la
démission n’aura d’effet que 30 jours après sa notification. L’honorable M.
Jullien ne l’a pas reproduite, et je la reprendrai si l’honorable député de
Bruges ne l’a pas fait. Il est à mes yeux nécessaire de la maintenir, on n’a
fait valoir contre elle que des raisons qui ne sont pas péremptoires. On vous
dit : Pouvez-vous forcer un bourgmestre à conserver sa place, lorsqu’on lui
ordonne d’exécuter des mesures qui répugnent à sa conscience ? Si vous donnez
au bourgmestre le pouvoir de s’y refuser en se retirant, il faudrait donc le
donner à son remplaçant ; cependant, d’après l’art. 18, les démissionnaires
restent en fonctions jusqu’à ce que les successeurs soient nommés. Voilà donc
l’élu du peuple dans une position pire que celui du gouvernement. Je crois que
cette considération mérite toute votre attention.
D’après ce qui a été dit par
l’honorable M. Dubus, ce serait de conserver la fin de l’article en ce qui
concerne les bourgmestres. Le bourgmestre qui désire douter sa démission au
conseil ne peut l’effectuer qu’après avoir reçu du Roi l’acceptation de sa
démission, soit d’une manière directe, soit d’une manière indirecte, quand le
Roi n’a pas répondu endéans les trente jours.
M.
Lebeau. - Je persiste à croire qu’il vaut mieux s’en tenir à la
proposition primitive du gouvernement.
Je dois d’abord dire deux mots
sur l’espèce d’argument ad hominem de l’honorable M. Jullien.
Sans aucun doute, des ministre
qui croient devoir donner leur démission n’abandonnent pas leurs bureaux du
jour au lendemain, mais c’est là un acte de déférence et de dévouement envers
le prince, envers le pays, qui ne peut rester sans administration, car il ne
doit entrer dans l’esprit de personne que ce soit une obligation légale. Je ne
crois pas qu’il appartienne au Roi (et je parle ici du Roi comme pouvoir), de
refuser officiellement la démission d’un ministre ; il ne le pourrait sans
s’exposer à compromettre sa dignité, dans le cas où le ministre persisterait
dans sa démission..
Pour en revenir a l’article
qui nous occupe, je dirai que le principal reproche qu’on peut lui faire, c’est
d’être inutile. Que ferez-vous contre un bourgmestre qui, le lendemain du jour
où il aura donné sa démission, s’absenterait du conseil, du pays ? Que
ferez-vous contre lui ? Il y a des cas où on ne peut donner sa démission
impunément, c’est lorsqu’elle est le résultat d’un concert pour empêcher
l’exécution des lois. C’est un cas prévu par le code pénal.
Il restera seulement à voir,
lors de la révision du code pénal, jusqu’à quel point cette disposition est
compatible avec nos nouvelles institutions.
Le premier reproche à faire à la
disposition en discussion, c’est qu’elle est dépourvue de sanction, qu’un
bourgmestre aura le droit de la braver et de la braver impunément.
Ensuite, il faut remarquer une
singularité qui résultera de la disposition actuelle ; c’est que la liberté
d’accepter ou de répudier les fonctions dont on est investi sera accordée à
tous les fonctionnaires publics, les bourgmestres exceptés.
Je n’en excepte pas même les
membres des deux chambres qui peuvent se retirer d’un jour à l’autre,
quoiqu’ils soient investis d’un mandat et d’un mandat fort respectable. Il n’y
a pas de fonctionnaire amovible qui n’ait le droit de donner sa démission du
jour au lendemain. Par quelle bizarrerie mettriez-vous le bourgmestre hors de
la loi commune et dans une position tout à fait exceptionnelle ?
Si vous adoptez une telle
disposition, pour que notre législation soit logique et homogène, imposez les
mêmes conditions à tous les fonctionnaires publics y compris les membres des
chambres législatives.
Dans la pratique, lorsqu’un
bourgmestre veut quitter ses fonctions c’est qu’il croit avoir de justes
raisons pour s’en démettre, soit des motifs de santé, soit un changement
survenu dans sa position sociale, qui l’empêche de donner aux affaires de la
commune le temps ou le soin qu’elles demandent.
Dans aucun cas le bourgmestre
ne donnera sa démission avec la brutalité que l’on a supposée ; il continuera
d’exercer ses fonctions jusqu’à la nomination de son successeur.
Mais les convictions
politiques ou autres du bourgmestre peuvent ne pas lui permettre de continuer
ses fonctions. Vous ne devez pas alors priver le bourgmestre du droit qu’ont
tous les fonctionnaires publics de donner leur démission. Il peut se trouver
dans une position telle qu’il lui répugne d’exécuter une mesure d’administration
générale, qui lui paraîtrait contraire aux intérêts de sa commune, ou opposée à
la loi. Dans une telle position c’est faire acte de bon citoyen que de donner
sa démission.
Il faut que le bourgmestre ait
toujours le droit de se retirer, comme l’a toujours un ministre, un gouverneur,
un fonctionnaire quel qu’il soit, qui ne veut plus prêter son concours au
gouvernement
L’honorable M. Verdussen a cru
présenter une objection sérieuse en citant la disposition par laquelle les
conseillers sont maintenus en fonctions, jusqu’à ce que les pouvoirs de leurs
successeurs soient vérifiés.
L’effet de la loi est de
proroger les pouvoirs des conseillers jusqu’à ce qu’un autre conseil ait été
convoqué ; mais la loi ne dit pas pour cela que tel ou tel fonctionnaire doive
nécessairement rester jusqu’à ce que son successeur ait pris sa place.
Ainsi les membres de la
chambre des représentants restent en fonctions, en vertu de la loi électorale,
même après l’expiration de leur mandat, jusqu’à ce que leurs successeurs aient
pris leur place. S’en suit-il qu’ils ne sont pas libres de donner leur
démission, même avant l’expiration de leur mandat, de la donner quand il leur
plaît ? Il est évident qu’il n’en est pas ainsi.
Je
demande donc que l’on ne place pas les bourgmestres dans une position
exceptionnelle, position qui, dans certains cas offre quelque chose d’odieux.
Il en résultera ou que ces fonctionnaires seront contraints de donner leur
concours à des mesures que réprouve leur conscience, ou de braver la loi qui
est dépourvue de toute sanction, ou enfin de laisser inexécutées des lois, des
mesures d’administration générale. Voilà, messieurs, les trois alternatives où
se trouveraient naturellement placés les bourgmestres disposés à se retirer.
Quant à
moi le reproche principal que je ferai à la disposition dont il s’agit, c’est
qu’elle est dépourvue de sanction.
Pour le cas où il y aurait
concert de fonctionnaires pour paralyser des mesures d’administration générale
ou l’exécution d’une loi, ils seraient passibles de poursuites devant les
tribunaux criminels ; et cela suffirait pour les arrêter.
M. Dewitte. - Je déclare retirer mon amendement dont le but
est rempli par celui qu’a proposé l’honorable M. de Brouckere.
M.
Gendebien. - Puisqu’il paraît que la grande majorité de l’assemblée se
fait un scrupule d’obliger le bourgmestre à rester en fonctions 30 jours après
sa démission donnée, on pourrait dire : « La démission aura son effet du
jour de la nomination au conseil. » Car, si vous admettez en principe que
le bourgmestre ne peut pas être forcé à rester en fonctions, vous n’avez pas
plus le droit de l’y contraindre pour 3 jours que pour 24 heures.
- Le sous-amendement proposé
par M. Verdussen à l’amendement de M. de Brouckere est mis aux voix ; il n’est
pas adopté.
L’amendement de M. de
Brouckere est mis aux voix et adopté ; il formera l’art. 16.
M. le
président. - « Art. 17. Les conseillers sortants, lors du renouvellement
triennal, ou les démissionnaires, restent en fonctions jusqu’à ce que les
pouvoirs de leurs successeurs aient été vérifiés. »
- Adopté.
M. le président. - L’art. 18 auquel le
gouvernement s’est rallié n’est pas mis en délibération ; il est ainsi conçu :
« Lorsqu’une place de
membre du conseil vient à vaquer, il y est pourvu à la plus prochaine réunion
des électeurs.
« Le bourgmestre,
l’échevin ou le conseiller nommé ou élu en remplacement, achève le terme de
celui qu’il remplace. »
M. Gendebien. - L’article
M. Dubus. - Je ferai observer que l’un des changements
demandés par l’honorable M. Gendebien a l’art. 17 avait été demandé par moi
dans la discussion de l’art. 16. C’est celui qui porte sur l’addition du mot
échevin, rendue nécessaire par le second vote de la chambre. Si je n’ai pas
reproduit mon observation à l’art. 17, c’est par inadvertance. J’appuierai
également le retranchement du mot démissionnaire. Je ne vois aucun motif pour
le conserver maintenant.
M. Verdussen. - L’article
M. Legrelle. - Il n’est pas exact de demander la
réouverture de la discussion ; car la discussion n’a pas même été ouverte. Nous
nous sommes bornés à voter l’article sans discussion. Il est évident qu’il y a
lieu de supprimer le mot démissionnaire et d’ajouter celui d’échevin.
M.
Jullien. - Tout le monde est d’accord.
M. Dumortier, rapporteur. - Il me semble qu’il
ne faut pas retrancher légèrement un seul mot de l’art. 17. Je comprends très
bien les observations des honorables préopinants. Mais il ne faut pas perdre de
vue que, d’après les articles précédemment admis, le conseil ne peut délibérer
si la moitié de ses membres ne sont présents. Il ne peut prendre de décision
qu’à la majorité des voix. Or, c’est par le nombre des membres du conseil que
s’établit la majorité des voix. Il faut donc que les membres démissionnaires
restent en fonctions jusqu’à ce qu’ils soient remplacés par d’autres. Si la
majorité du conseil s’établissait d’après le nombre intégral voulu par la loi,
il n’y aurait pas d’inconvénient. Il en serait comme dans notre assemblée, qui,
composée de 102 membres, a une majorité invariable de 52 membres pour
délibérer, quel que soit le nombre de ceux qui ont donné leur démission. Si
nous n’étions que 96 députés, nous ne pourrions prendre de délibération lorsque
la séance ne présenterait que 46 membres. Il n’en est pas de même du conseil.
La majorité s’établira d’après le nombre des membres effectifs. Il faut donc ne
pas se hâter de retrancher le mot démissionnaire de l’art. 17.
M. de Brouckere.
- Je ne conçois pas que l’on puisse trouver la moindre difficulté à adopter les
changements proposés par MM. Dubus et Gendebien. S’il faut en croire
l’honorable M. Dumortier, alors qu’un conseiller aura donné sa démission, que
tout sera consommé puisqu’il suffit de la notification de la démission pour
qu’elle ait son effet, il faudrait que ce conseiller continuât à siéger dans le
conseil. Il est impossible d’admettre ce système. Que diriez-vous si l’on vous
demandait d’admettre à pendre part à vos délibérations le député qui aurait
donné sa démission, jusqu’à ce que les pouvoirs de son remplaçant eussent été
vérifiés ?
Pour qu’une démission soit
censée accomplie, il faut que le fonctionnaire ait notifié sa démission à
l’autorité compétente. Quant à ce qu’a dit l’honorable M. Verdussen sur la
possibilité d’une dissolution complète de l’autorité, je répondrai à sa
supposition par une supposition. Que tout un conseil se refuse à siéger, en
créera-t-il un autre immédiatement ? Il faut bien qu’il prenne son parti
là-dessus, c’est un mal inévitable.
M. Dubois. - Je m’oppose à l’introduction du mot
échevin dans l’art. 17, parce que le terme général de conseiller n’exclut pas
le bourgmestre.
M.
Gendebien. - Je demande la suppression de l’article tout entier comme
étant inutile.
M. Dumortier, rapporteur. - Les motifs allégués
quant à la suppression des bourgmestres et des échevins ne peuvent en aucune
manière s’appliquer à la démission des conseillers, parce que, tant qu’il y a
un conseil, il y a un bourgmestre et des échevins, en vertu du mode de
remplacement que vous avez admis par rang de nomination. Il peut arriver qu’il
n’y ait plus tout à coup de conseil dans des circonstances, par exemple, où le
gouvernement, en voulant imposer un bourgmestre de son choix, forcerait les
conseillers à se retirer. Il ne faut pas que la commune reste tout à coup
privée de ses mandataires. Il faut qu’une personne qui a accepté les fonctions
de conseiller communal sache les devoirs qui lui incombent du chef de ces
fonctions, Vous devez maintenir la disposition présentée et laisser l’art.18
tel qu’il a été admis.
Le conseil ne peut prendre de
résolution si la majorité de ses membres n’est présente. La majorité ne se
calculerait pas d’après le nombre intégral des membres du conseil, mais d’après
le nombre des membres présents. Dans une grande ville, par exemple, où il y a
30 conseillers, je suppose que la moitié du conseil ait donné sa démission, 8
membres suffiront pour composer une majorité, si l’on supprime le mot
démissionnaire de l’art. 17. C’est ce que nous ne pouvons admettre. J’insiste
sur le maintien de l’article tel qu’il a été adopté.
M.
Dubus. - Si la chambre persistait à maintenir le mot démissionnaire, je
demanderais au moins que l’on ajoutât le mot échevin. Il en résulterait que
l’on pourrait obliger un échevin à continuer ses fonctions 30 jours après qu’il
aurait donné sa démission.
Il faut combiner l’art 17 avec
l’art. 30.
Ce n’est que de trois ans en
trois sans que se font les élections, à moins que le gouvernement n’ordonne une
réélection extraordinaire ; eh bien, dans le cas où on n’ordonnerait pas de
réélection extraordinaire, il résulterait de la proposition de mon honorable
ami qu’un échevin démissionnaire serait tenu des années encore à exercer ses
fonctions ; évidemment vous ne pouvez pas le placer dans cette situation. Il
serait donc absolument nécessaire de voter sur la question de savoir si les
mots « les démissionnaires » seront conservés dans l’article.
Dans le cas où ils ne seraient
pas supprimés, il faudra ajouter les échevins.
- La suppression des mots
« les démissionnaires», est mise aux voix et adoptée.
M. le
président. - On propose de dire : « Les conseillers et échevins
sortants, » ou d’ajouter le mot « échevins » au commencement de
l’article.
- Cette addition mise aux voix
est adoptée.
L’article 17 ainsi modifié est
adopté.
M. le président. -
L’article 18 est mis en délibération, il est ainsi conçu :
« Lorsqu’une place de
membre du conseil vient à vaquer, il y est pourvu à la plus prochaine réunion
des électeurs.
« Le bourgmestre,
l’échevin ou le conseiller nommé ou élu en remplacement, achève le terme de
celui qu’il remplace. »
M. Dumortier, rapporteur. - C’est ici que
s’applique l’observation que j’ai faite tout à l’heure, et qu’il est inutile de
renouveler.
M.
Dubois. - Messieurs, il est certain qu’on n’a pas fait droit à mes
observations à l’égard du bourgmestre. Je conçois bien que par le
renouvellement triennal, les échevins resteront en place tant qu’ils ne seront
pas remplacés ; mais lorsque le terme de six années sera expiré, le bourgmestre
sortira-t-il du conseil, ou bien, comme les échevins, sera-t-il obligé de
rester en place ?
M.
Dubus. - Oui, comme conseiller, s’il est conseiller !
M.
Dubois. - S’il n’est pas conseiller, les mêmes raisons subsistent. Vous
ne pouvez pas permettre que le conseil reste un mois, deux mois sans
bourgmestre. Il faut donc une disposition additionnelle à l’article.
M. Dubus. - Je ne comprends réellement pas la
différence que l’honorable préopinant trouve à l’art. 17 parce qu’on n’y a pas
introduit le mot bourgmestre.
Le bourgmestre peut faire
partie du conseil, alors il réunit deux pouvoirs différents : Il est membre du conseil,
parce qu’il a obtenu les suffrages des électeurs ; il est bourgmestre par suite
de la nomination royale ; si le terme des fonctions de bourgmestre vient à
expirer sans qu’il ait été confirmé par le Roi, il doit cesser ses fonctions le
jour même de l’expiration ; s’il est conseiller sortant, alors l’art. 17 lui
est applicable.
M.
Lebeau. - Je crois que l’on n’a pas compris la pensée de l’honorable M. Dubois. Cet honorable membre est
frappé d’un cas qui doit se présenter comme conséquence de l’art. 15, par
lequel les bourgmestres et échevins sont nommés pour 6 ans. D’autre part, on
déclare que les conseillers sont renouvelés par moitié tous les 3 ans. Je
suppose la mise à exécution de la loi. Le gouvernement, étant intéressé à
prendre le bourgmestre dans le conseil, laissera procéder aux élections ; quand
elles seront faites, il nommera le bourgmestre et le prendra vraisemblablement,
en règle générale, dans le sein du conseil ; et il le nommera pour 6 ans. A
l’expiration des 6 ans, il y a nécessité pour le gouvernement de ne pas laisser
d’interrègne dans les fonctions de bourgmestre, de continuer le titulaire dans
celles dont il a été revêtu, ou d’en choisir un autre ; mais le gouvernement se
trouvera fort embarrassé ; car, voulant prendre le bourgmestre dans le conseil,
il ne saura pas si celui qu’il veut nommer sera élu membre du nouveau conseil.
Voilà donc le gouvernement
obligé de choisir un bourgmestre sans savoir si celui qui sera l’objet de son
choix fera ou non partie du conseil. L’honorable M. Dubois voudrait que lorsque
le terme de 6 ans est expiré, l’ancien titulaire pût resté en fonction jusqu’à
ce que son successeur fût désigné.
Toutefois,
je pense que pour formuler une disposition dans ce sens, il faudrait quelque recueillement.
J’engage M. Dubois à demander le renvoi de l’art. 17, ainsi que de l’art. 16 à
la section centrale. Il y a une lacune à remplir. Si l’honorable membre
présente un amendement, j’en propose le renvoi à la section centrale.
M. le
président. - M. Dubois a déposé sur le bureau la proposition suivante :
« Quand le mandat du
bourgmestre vient à expirer, ce magistrat restera néanmoins en fonction jusqu’à
ce que les pouvoir de son successeur aient été vérifiés. »
M.
Dubois. - J’avoue que l’honorable préopinant a eu raison de dire qu’il
était difficile de rédiger sur-le-champ un paragraphe additionnel convenable.
J’ai indiqué ma pensée dans l’amendement que j’ai déposé ; mais je ne tiens pas
à la forme que je lui ai donnée, et je demanderai qu’il soit renvoyé à la
section centrale pour qu’elle le mette en harmonie avec la loi.
- Le renvoi à la section
centrale est mis aux voix et adopté.
Titre I. - Du corps
communal
Chapitre II. - Des
élections communales
Section I. Des électeurs
communaux et des listes électorales
M. le
président. - La chambre passe au chapitre II, relatif aux élections
communales.
Article
19
L’article 19 qui énumère les
qualités nécessaires pour être électeur est adopté définitivement.
M. le
président. - « Art. 20. Les contributions payées par la femme sont
comptées au mari ; celles qui sont payées par les enfants mineurs sont comptées
au père pour parfaire son cens électoral.
« La veuve payant ce cens
pourra le déléguer à celui de ses fils qu’elle désignera, pourvu qu’il réunisse
les autres qualités requises pour être électeur.
« La déclaration de la
mère veuve sera faite à l’autorité communale ; elle pourra toujours être
révoquée.
« Le tiers de la contribution
foncière d’un domaine rural exploité par un fermier compte au locataire, sans
diminution des droits du propriétaire. »
M. Milcamps. - Je voudrais que le dernier paragraphe
de cet article fût ainsi rédigé :
« Le tiers de la
contribution foncière d’un domaine rural exploité par un fermier, en vertu d’un
bail ayant date certaine compte au locataire, sans diminution des droits du
propriétaire. »
M. Dubus. - Il est difficile de se prononcer
séance tenante sur un pareil amendement. Cependant au premier abord je ne vois
pas la nécessité d’exiger un bail ayant date certaine. L’occupation d’un
domaine rural est un fait notoire dans une commune. Le fermier cultive ce
domaine au vu et au su de tout le monde.
Je ne vois pas comment il
pourrait y avoir fraude au moyen de la simulation d’un bail. La fraude serait
trop facilement reconnue.
M. Legrelle. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.
L’article sur lequel porte l’amendement de l’honorable M. Milcamps a été adopté
sans modification au premier vote. Il est donc impossible, aux termes du
règlement, d’y introduire un changement de système. Sans cela le second vote
deviendrait une discussion nouvelle de tous les principes d’une loi. Je demande
l’ordre du jour.
M. Jullien. - L’honorable M. Legrelle aurait dû
acquérir des discussions précédentes la conviction que les questions préalables
sont devenues des questions de convenance.
L’observation de M. Milcamps
n’a pas pour but de changer le système de l’article, mais il tend à
l’améliorer. C’est presqu’un changement de rédaction. L’honorable M. Dubus
vient de dire qu’il ne concevait pas trop l’utilité de l’amendement de
l’honorable M. Milcamps, attendu que le fait de l’exploitation d’une ferme
était trop notoire pour qu’il fût nécessaire d’exhiber un bail. Ce n’est pas là
que gît la difficulté. Si le fermier n’est pas nanti d’un bail qui constate la
rente qu’il paie annuellement au propriétaire, on ne pourra reconnaître le
tiers du prix du bail exigé par la loi. La proposition de M. Milcamps a pour
objet de prévenir de pareilles contestations, et les difficultés qui se sont
élevées en France à cet égard lui ont dicté son amendement. Je l’appuie donc
très volontiers.
M.
Dubus. - L’honorable M. Jullien vient d’émettre une assertion erronée.
Il ne s’agit pas dans l’article du tiers du prix du bail, mais bien du tiers de
la contribution foncière.
Comme le fait de
l’exploitation d’un domaine rural est un fait trop constant pour qu’on le
révoque en doute, je persiste à dire que je ne vois pas l’utilité de la
proposition de M. Milcamps. Ce
que j’y vois de très clair, c’est qu’elle restreindrait singulièrement la
portée de la disposition votée par la chambre, et réduirait considérablement le
nombre des cas que cette disposition prévoit.
Il y a
beaucoup de baux qui n’ont pas de date certaine. Il y a beaucoup de baux qui ne
sont même pas écrits. Un fermier exploite souvent un domaine rural en vertu
d’une convention tacite entre le propriétaire et lui. Ainsi un fermier qui
exploitera un domaine depuis de longues années sera privé du droit d’électeur,
tandis que son voisin qui aura un bail enregistré dans le courant de l’année en
jouira.
Le tiers de la contribution
foncière se calculera d’après les rôles de contribution. Rien de plus facile.
L’occupation d’une ferme se constatera par la notoriété publique. Que faut-il
de plus ? Evidemment l’amendement de M. Milcamps est au moins inutile.
M. Milcamps. - La loi française porte à l’art.
14 : « Le tiers de la contribution du domaine exploité par un fermier est
compté sans diminution des droits du propriétaire. »
Ce texte a donné lieu à des
contestations. L’on a contesté à des fermiers leur qualité de locataires de
domaines ruraux. Je sais bien qu’ils pouvaient être admis à faire valoir leurs
preuves devant les tribunaux. Mais cette voie est trop longue. Aussi a-t-on
décidé en France que le fermier serait tenu de présenter un bail ayant date
certaine. De cette manière, il est impossible que l’administration fasse des
difficultés. Si vous n’adoptez pas mon amendement, les mêmes inconvénients se
présenteront en Belgique, et vous savez que pour recourir aux tribunaux, il
faut qu’il y ail un commencement d’exécution.
Mais votre article n’est pas
seulement relatif à des fermes. Il s’applique aussi à des parcelles de terre de
un et de deux bonniers.
M.
Gendebien. - Il me semble que l’amendement de M. Milcamps doit être
pris en considération. Vous avez adopté au dernier paragraphe de l’article 20
une disposition exorbitante. Lorsque je critiquais le cens d’éligibilité, on me
disait que je travaillais en faveur des anciens seigneurs. Cela n’était ni
logique ni rationnel. Je puis à mon tour vous faire cette objection, mais ici
elle a de la réalité. Je dis que vous allez travailler en faveur des anciens
seigneurs, des grands propriétaires, si vous n’exigez pas que le bail ait une
date certaine, car si vous ne l’exigez pas, celui qui aurait 60 ou 100 bonniers
au lieu d’avoir un seul fermier, supposerait huit ou dix locataires, suivant
qu’il jugera que dans tel ou tel but il a besoin d’avoir huit ou dix votants en
sa faveur.
Si au contraire, le bail a
date certaine, cet inconvénient n’arrivera pas. Dès l’instant que vous
admettrez que l’inconvénient peut avoir lieu, il y aura des discussions, des
contestations sur la question de savoir si réellement tels et tels individus
occupent telles et telles pièces de terre. En n’exigeant pas que les baux aient
date certaine, vous donnez au grand propriétaire la faculté de multiplier les
hommes qui voteront pour lui.
Messieurs, je crois qu’un
honorable membre a dit : Vous allez restreindre le droit électoral. C’est
précisément cette raison qui me détermine à appuyer l’amendement de M.
Milcamps. Indépendamment des raisons que je vous ai déjà données, je vous dirai
que je ne veux pas qu’on puisse multiplier le droit électoral en faveur des
grands propriétaires, des anciens seigneurs.
Quant à
la motion d’ordre, je n’en dirai rien et je crois qu’il n’y a rien à en dire.
La chambre a reconnu qu’il n’y avait pas lieu de la discuter. En permettant de
discuter l’amendement, elle a mis la motion d’ordre de côté.
Conviendrait-il
après tout d’exécuter le règlement à la lettre, de repousser un amendement
alors qu’on signale une disposition incomplète et qu’on démontre qu’il doit en
résulter des procès ? La question, ayant été soulevée provoquera des soupçons ;
on supposera toujours quel tel propriétaire veut se créer des électeurs en
faisant passer des individus pour ses locataires, et de grandes difficultés
naîtront. Si vous exigez une date certaine, des baux se feront et
l’enregistrement y trouvera son compte, cela fera verser au trésor des
contributions que les propriétaires sont toujours disposés à éluder. Si le
propriétaire veut étendre son influence électorale, il n’est pas mal qu’il paie
quelque contribution pour cela.
M.
Verdussen. - Je parlerai sur la motion d’ordre. Mon honorable collègue
M. Legrelle l’avait présentée avant que la discussion sur l’amendement fût
ouverte. Si on veut remettre en discussion article par article toute la loi
communale, vous n’en finirez pas. Rappelez-vous avec quelle emphase vous avez
recouru au procès-verbal, dans une autre circonstance, pour savoir si le
ministre s’est formellement rallié à la proposition dont il s’agit, et
cependant on la remet en question.
Voyez si vous voulez ou non
vous conformer au règlement. Si vous ne voulez pas le suivre, déchirez-le. Si
vous voulez le consacrer, maintenez-le.
M. Dubus. - Je
ne crois pas avoir violé le règlement, en présentant les observations que j’ai
émises. Il est vrai qu’il s’agit d’une disposition à laquelle le ministre s’est
rallié, d’une disposition définitive ; mais il est vrai aussi que si la
disposition n’était pas complète, si elle laissait à désirer une explication
quelconque, s’il était nécessaire de déterminer quant à l’exécution un mode de
preuve, rien n’empêcherait la chambre de se prononcer à cet égard.
Aussi, remarquez qu’au moyen
des observations que j’ai faites, je me suis attaché à repousser l’amendement
parce qu’il était plus qu’une explication, parce qu’il tendait à restreindre
l’article voté primitivement. Il me semble qu’en parlant de cette manière, je
suis resté dans les termes du règlement, car je ne repoussais l’amendement que
parce que je le trouvais restrictif et injustement restrictif.
M.
Milcamps. - Comme tout le monde prétend que mon amendement viole le
règlement et que je tiens à le respecter, je retire ma proposition.
M.
Jullien. - Comme je n’ai pas les mêmes scrupules que l’honorable M.
Milcamps, car je ne crois pas que sa proposition violait le règlement, je la
reprends. Cet amendement est fondé sur l’expérience. Vous avez pris une
disposition de la loi française qui déjà a donné lieu à des procès. Voulez-vous
exposer le fermier qui viendra faire valoir ses droits à rencontrer des
contestations ? Et il en éprouvera si vous ne modifiez pas la disposition.
Vous dites laconiquement que
le tiers de la contribution foncière d’un domaine rural exploité par un fermier
compte au locataire. Un individu viendra dire : Je suis locataire ; la première
chose qu’on lui demandera sera de justifier qu’il est locataire. S’il n’a pas
de bail, on méconnaîtra ses droits ; s’il présente un bail, on pourra
l’accepter comme locataire. Vous voyez que l’amendement a pour but d’empêcher
des contestations.
Quand vous avez dit locataire,
vous avez entendu un individu qui avait un bail. C’est le seul moyen de
garantir les droits des locataires.
Pour rendre toute contestation
sur ce point impossible, je reprends donc la proposition de M. Milcamps et je
demande qu’on la mette aux voix.
- La motion d’ordre de M.
Legrelle est mise aux voix et adoptée.
M.
Jullien. - Alors je vous rends votre proposition.
M. le
président. - Le gouvernement s’est rallié à l’article 21. Nous passons
à l’art. 21 bis nouveau, qui est ainsi conçu :
« Les contributions et patentes
ne sont comptées à l’électeur que pour autant qu’il ait payé le cens électoral
pour l’année antérieure à celle dans laquelle l’élection a lieu.
« Le possesseur à titre
successif est seul excepté de cette condition. »
M.
Doignon. - Il me semble que cet article n’est pas d’accord avec l’art.
19 que vous venez de voter. D’après l’art. 19, il suffit, pour être électeur,
d’avoir payé le cens pour une année seulement, et d’après l’art. 21 qui est en
discussion, il faudrait avoir payé le cens pendant deux années consécutives. Il
suffirait, pour remplir le but qu’on s’est proposé par l’article, de payer le
cens dans l’année où l’élection a lieu et d’avoir été imposé ou patenté,
l’année précédente, sans avoir payé la somme requise pour être électeur. C’est
ainsi qu’est conçu l’article 3 de la loi électorale concernant les chambres.
Il suffit d’avoir été imposé
ou patenté l’année antérieure à l’élection, il n’est pas nécessaire d’avoir
payé l’intégralité du cens. Cet article a eu pour but d’empêcher qu’on ne se
procurât des suffrages par des contributions fictives. La disposition dont il
s’agit a eu aussi pour objet d’empêcher les propriétaires de se créer des
électeurs pour se faire nommer bourgmestres ou échevins à volonté.
C’est pour
rendre cette fraude impossible qu’on a voulu qu’une personne, pour être
électeur, ait été imposée pendant deux années, mais non pour la totalité de ce
cens. De cette manière, il y a présomption qu’elle est imposée d’une manière
sérieuse, qu’il n’y a pas de fraude.
Il est inutile d’exiger qu’on
paie la totalité du cens la première année. Si on maintenait l’article tel
qu’il est rédigé, je n’y verrais d’autre but que de restreindre le nombre des
électeurs. Je demande que l’article soit rétabli tel que je l’avais proposé
d’abord et qu’on dise :
« Les contributions des
patentes ne sont comptées à l’électeur que pour autant qu’il a été imposé ou
patenté pour l’année antérieure à celle dans laquelle l’élection a lieu. »
M. Legrelle. - Je pense et j’ai la conviction que l’honorable
membre interprète mal l’art. 3 de la loi électorale. Cet article porte :
« Les contributions des patentes ne sont comptées à l’électeur que pour
autant qu’il a été imposé ou patenté pour l’année antérieure à celle dans
laquelle l’élection a lieu. »
Lorsque nous avons voté cet
article, j’ai demandé s’il devait être interprété de telle manière qu’il
suffisait d’avoir été imposé ou patenté la première des deux années à une somme
quelconque pour avoir le droit de suffrage, ou bien s’il fallait avoir payé la
totalité du cens. On m’a répondu qu’il ne pouvait y avoir aucun doute sur cette
dernière interprétation, et que toute explication ultérieure serait un
pléonasme inutile.
C’est aussi de cette manière
que la loi a été interprétée dans la plupart des localités, surtout dans la
ville que j’habite, où cela n’a jamais fait le moindre doute. J’ai été surpris
lorsque le ministre a proposé de rédiger autrement l’article de la loi
communale qui vous occupe.
Si l’art.
3 de la loi électorale recevait une autre interprétation que celle que je viens
d’exposer, on pourrait faire des électeurs à volonté, toute personne qui avant
l’élection aurait été imposée pour une somme quelconque pourrait avoir droit de
suffrage en lui faisant payer le cens d’une manière simulée.
Ce n’est pas là ce que la loi
a pu avoir eu en vue.
L’art. 3 qui décrète qu’on
devait être imposé on patenté pour l’année d’avant l’élection a voulu qu’on le
fît pour la totalité du cens. C’est une chose dont je n’ai jamais douté ; car
quand j’ai demandé qu’on y ajoutât quelque chose pour la rendre plus claire, on
m’a répondu que c’était inutile, que la disposition ne pouvait être interprétée
comme je viens de le faire.
M. Doignon. - L’honorable préopinant est dans
l’erreur. Je pose en fait que généralement la loi est interprétée comme je l’ai
fait, c’est-à-dire qu’il suffit d’avoir été imposé ou patenté l’année d’avant
l’élection, non pas jusqu’à concurrence de la totalité du cens, mais pour une
somme quelconque.
Je citerai à l’appui de cette
interprétation une circulaire du ministre de l’intérieur actuel, qui a été
adressée aux administrations communales en 1832. La question a été examinée par
le gouvernement, et le gouvernement a interprété la disposition comme moi.
Comme je
l’ai dit tout à l’heure, cet article a pour objet d’empêcher la fraude,
d’empêcher que par des patentes simulées, données pour une seule année, on ne
multiplie les électeurs. Mais quand une personne est patentée depuis deux
années, il y a présomption que la patente n’est pas simulée, bien que le
chiffre ne soit pas exactement le même. Le cas de fraude n’est pas supposable.
Je persiste donc à soutenir qu’il n’est pas nécessaire d’avoir été imposé
pendant deux ans pour la totalité du cens pour être électeur. Je persiste dans
mon amendement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- J’ai présenté à l’article 21 bis l’amendement qui a été adopté, afin qu’on ne
pût pas faire pour les élections communales, ce qui se pratique pour les
élections de la chambre. Messieurs, j’ai pensé que pour éviter qu’on augmentât
à dessein les contributions personnelles, on aurait une garantie que le cens
électoral aurait été payé dans l’année précédant celle de l’élection. On ne
peut restreindre le droit électoral qu’autant qu’il y aurait des exceptions
formulées dans la loi.
M.
Dubus. - J’ai pris la parole pour répondre à l’honorable M. Legrelle.
Il vous a présenté la loi électorale comme ne présentant aucun doute, et c’est
pour cela qu’il s’oppose à l’amendement que nous voulons introduire dans
l’article que nous discutons en ce moment. Quand l’honorable député voit dans
l’article 3 de la loi électorale la nécessité qu’on ait payé le cens dans
l’année qui précède, selon moi il ajoute à cet article. Je ne pense pas qu’en
pareille matière il soit permis d’ajouter à la loi, je crois me rappeler qu’il
y a eu une circulaire sur ce point, et que si l’exécution de cet article a été
autre qu’il ne devait être dans certaines localités, on s’est écarté du sens
indiqué dans cette circulaire.
Maintenant y a-t-il lieu de
faire pour l’élection municipale plus que l’on ne fait pour l’élection des
représentants et des sénateurs ? En matière pareille, les fraudes ne doivent
pas se supposer facilement : n’allez pas exiger encore des conditions qui
restreindraient davantage le cercle d’élection.
- L’amendement de M. Doignon
est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
L’ensemble de l’article est
mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 5 heures
moins un quart.