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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mardi 10 mars 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2)
Proposition de loi relative à l’industrie cotonnière (Desmet,
Dubus, Desmet, Dumortier, Desmet, A. Rodenbach, de Brouckere, Desmet)
3) Projet
de loi portant organisation des communes. Second vote des articles.
a)
Conseil communal. Conditions
d’éligibilité des conseillers communaux (condition de domicile) (de Brouckere, Gendebien, Dumortier, Dubus, Dewitte, Verdussen, F. de Mérode, Donny, Pollénus, F. de Mérode, Dubus), interdiction d’être membre de deux conseils (Rogier, de Robaulx, Dubois, Rogier, Fleussu,
Doignon, Dubois, de Robaulx, F. de Mérode),
conditions d’éligibilité des conseillers communaux (conditions de domicile) (Doignon) (de Brouckere, Gendebien)
b) Droit de
nomination (dans ou hors du conseil) du bourgmestre par le Roi (de Brouckere, Seron, de Theux, de Robaulx, Dumortier, Jullien, Dubus, Gendebien, de Muelenaere, Gendebien, Ernst, Dubus, Ernst,
Dumortier, de Theux, Devaux, de Robaulx, Dubus, Desmanet de Biesme, de Foere, Dumortier, Gendebien, Dumortier, Gendebien, de Theux, Dumortier, de Robaulx, Dechamps)
(Moniteur belge n°70, du 11 mars 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M.
de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.
M.
Dechamps fait lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la
rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse fait connaître l’analyse des pièces suivantes envoyées à la
chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le colonel A. de
Pontécoulant demande à être réintégré dans l’armée. »
_______________
« Les sieurs Dehemptinne
et Vanalher informent la chambre qu’une assemblée générale des industriels
cotonniers de Gand a choisi une commission permanente qui se mettra à la
disposition de la chambre pour fournir les renseignements qu’on jugera à propos
de leur demander. »
_______________
« Le recteur de
l’université de Louvain envoie à la chambre cent exemplaires d’un mémoire sur
l’instruction publique.
- Ces pétitions sont renvoyées
à la commission chargée d’en faire le rapport.
_______________
M. Bosquet, représentant de Bruxelles, est admis à
prêter serment.
- Il est donné acte de la
prestation du serment de M. Bosquet.
M.
Desmet. - Je demande
que le projet de loi présenté par 24 députés des Flandres soit mis à l’ordre du
jour dans les sections.
M. le
président. - Les présidents des sections se sont réunis dernièrement
pour régler le travail des sections.
M.
Dubus. - J’étais présent à la réunion de présidents des sections dans
laquelle s’est agitée la question de savoir quels seraient les projets de loi à
mettre à l’ordre du jour des sections.
L’on a fixé d’abord les
projets qui ont paru les plus urgents à tout le monde. Quant à la proposition
des 24 députés des Flandres, les présidents des sections ont pensé qu’il était
extrêmement à désirer que non seulement la chambre et la section centrale, mais
que les sections aussi, pussent se prononcer à cet égard en pleine connaissance
de cause. Plus le travail des sections sera circonstancié, plus celui de la
section centrale et de l’assemblée sera facilité. Nous avons donc pensé qu’il
était opportun d’obtenir auparavant les renseignements demandés par la chambre
au gouvernement ainsi qu’à la commission d’industrie.
Cette manière de voir nous a paru d’autant plus
admissible, que la commission d’industrie aura terminé dans quelques jours le
travail dont elle est saisie. Je demande si, dans un pareil état de choses,
c’est le cas de mettre à l’ordre du jour des sections le projet de loi sur
l’industrie cotonnière, alors que nous sommes à la veille d’être saisis du
résultat des investigations faites par la commission d’industrie et des
renseignements promis par le gouvernement ; c’est comme si vous vouliez
proclamer qu’il faut décider en aveugles et se passer de renseignements.
M.
Desmet. - L’investigation
entamée par la commission d’industrie sera finie le 15 de ce mois. Je propose donc
qu’après le 15 le projet de loi sur l’industrie cotonnière soit mis à l’ordre
du jour des sections.
M.
Dubus. - Il sera temps le 15 de prendre une décision à cet égard.
M. Dumortier. - L’honorable M. Desmet se trompe
en disant que l’investigation entamée par la commission d’industrie sera
terminée le 15. C’est au contraire pour le 15 que la commission a invité les
personnes auxquelles elle a des renseignements à demander. L’investigation se fera
du 15 au 20. Vous comprendrez que le 15 de ce mois la commission d’industrie ne
pourra présenter son rapport. Il faut bien laisser à la commission d’industrie
quelques jours pour faire son rapport, à moins que la chambre ne veuille s’en passer. Il faut un temps moral. Il faut, comme je l’entends
dire à l’honorable M. Lardinois, le temps d’imprimer les documents qui nous
seront fournis sur la proposition de M.
Desmaisières. Je sais bien qu’il est nécessaire que l’on mette cette
proposition à l’ordre du jour des sections puisque la chambre prise en
considération. Mais il est convenable d’attendre que la résolution prise par
l’assemblée d’attendre les renseignements de la commission d’industrie et du
gouvernement puisse être mise à exécution. Avant le 20 de ce mois la commission
d’industrie ne pourra faire son rapport. Encore ce terme est-il très rapproché.
J’invite donc l’honorable M. Desmet à retirer sa motion et à ne la reproduire
que le 15 de ce mois.
M. Desmet. - La soi-disant enquête commencera le
10 et finira le 15. Je propose que la proposition de M. Desmaisières soit mise
à l’ordre du jour des sections après le 20. Je demande en outre qu’au rapport
de la commission d’industrie soient joints tous les renseignements que l’assemblée
aura reçus sur la question.
M. A. Rodenbach. - On pourrait, ce me semble,
fixer au 25 la mise à l’ordre du jour que demande l’honorable M. Desmet. Ce laps de temps sera
suffisant pour la rédaction du rapport de la commission d’industrie et
l’impression des pièces qu’elle aura reçues.
J’espère que la commission
d’industrie se hâtera de faire son rapport. Je rappellerai que la chambre a
trouvé trop éloigné le terme de six semaines que l’on avait demandé pour
entourer l’assemblée de tous les renseignements. Il y a donc nécessité de se
hâter pour se rendre aux vœux exprimés par la législature.
M.
de Brouckere. - La motion d’ordre de l’honorable M. Desmet est
évidemment prématurée. A quoi bon mettre à l’ordre du jour des sections un
projet sur lequel tous les renseignements demandés par la chambre n’ont pas été
complètement recueillis ? Je lui conseille d’attendre, pour renouveler sa
motion d’ordre, que la commission d’industrie ait fait son rapport.
M.
Desmet. - En conséquence des observations qui viennent d’être faites,
je me bornerai à demander que la commission présente son rapport le 25.
M.
Dumortier. - Cela peut se faire.
- La proposition de M. Desmet
n’a pas d’autre suite.
PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION DES COMMUNES
Second vote des articles
Titre I. - Du corps
communal
Chapitre 1er. - De la composition
du corps communal et de la durée des fonctions de ses membres
Section 1ère. De la
composition du corps communal
M. le
président. - La discussion est continuée sur l’art. 4 et les amendements
présentés dans la séance précédente. Ils sont ainsi conçus :
« Amendement de M. Gendebien.
Les fils d’électeurs et les fils de veuves payant le cens électoral, sont
éligibles dans la commune du domicile du père, ou de la veuve, pourvu qu’ils remplissent
les autres conditions d’éligibilité. »
« Amendement de M. Dumortier. Les fils d’électeurs et les fils de
veuves payant le cens électoral, sont éligibles dans la commune où leurs
parents paient ce cens ou bien sont éligibles, pourvu qu’il, remplissent les
autres conditions d’éligibilité. »
« Amendement de M. Dewitte. Sont éligibles dans les communes où le
père l’est, ou dans la commune que la mère habite, pourvu, etc. »
« Amendement de M. Milcamps. Les fils d’électeurs et les fils de
veuves payant le cens électoral, sont éligibles, les premiers, dans la commune
où le père exerce ses droits politiques, et les seconds, dans celle où la mère
a son domicile. »
« Amendement de M. H. Dellafaille. Les cens électoral requis dans la
commune. »
« Amendement de M. le ministre des affaires étrangères. Les fils
d’électeurs et les fils de veuves payant le cens électoral, sont éligibles dans
le lieu du domicile du père ou de la mère veuve, etc., etc.
« Amendement de M. Dubus.
Les fils d’électeurs ou de veuves sont éligibles en justifiant que leur père ou
leur mère paie le cens électoral exigé pour la commune où se fait l’élection,
pourvu qu’ils remplissent les autres conditions d’éligibilité. »
M.
de Brouckere. - La question à laquelle se rapportent les différents
amendement présentés dans la séance d’hier a été soulevée par moi. J’ai lu
attentivement tous les amendements présentés, et je dois déclarer que je n’en
ai trouvé qu’un seul qui remplisse mes intentions. Celui de l’honorable M. Dubus. C’est pour l’appuyer que
j’ai demandé la parole.
D’après cet amendement les
fils des électeurs ou des veuves sont éligibles lorsque leur père ou mère, si
elle est veuve, paie le cens électoral exigé par la loi pour la commune où se
fait l’élection. Cela me paraît parfaitement juste. Il importe fort peu que le
père ou la mère dont le fils réclame le droit d’éligibilité habite la même
ville que ce fils. Il suffit que le père ou la mère paie le cens d’éligibilité
exigé pour la ville où le fils se présente.
Ainsi,
si le père ou la veuve paie une contribution de 120 fr., le fils sera éligible
dans quelque commune du royaume que ce soit où il est domicilié, pourvu qu’il
remplisse les autres conditions d’éligibilité. Il importe fort peu que le père
ou la veuve soit domicilié dans la commune.
Si vous n’adoptiez pas ce
système, voyez ce qui en résulterait : un fils habite la même ville que son
père. Son père y paie le cens nécessaire pour que son fils soit éligible dans
cette ville. Au bout d’un certain laps de temps, il quitte cette ville et va
s’établir ailleurs. La position du fils est-elle changée ? Elle reste la même.
Quelle raison y a-t-il que le fils, par un acte de la volonté de son père,
perde les droits qu’il avait à l’éligibilité ? Cela me paraît une anomalie, une
singularité qui n’est motivée sous aucun rapport. J’adopterai l’amendement de
l’honorable M. Dubus.
M. Gendebien. - J’ai fait comprendre à
l’assemblée qu’il fallait que le troisième paragraphe de l’article 4 fût
changé. Il s’est présenté alors deux systèmes. J’ai proposé, de mon côté, un
amendement dans le sens qui me semblait le plus généralement admis par
l’assemblée. Mais je n’ai pas de raisons pour tenir à ce système plus qu’à
l’autre.
J’ai rédigé mon amendement
dans le sens de la volonté générale à ce qu’il me semblait, dans l’intention
seulement de ne pas faire perdre du temps. Mais je préfère personnellement
l’amendement de l’honorable M. Dubus au mien, non pas qu’il présente une
traduction meilleure de l’intention manifestée par la chambre, mais parce qu’il
comprend à la fois et une rédaction claire et un système qui me paraît
préférable au mien. Son système est plus large. Il obvie en certaines parties
aux inconvénients graves signalés dans la séance d’hier et qui peuvent résulter
de la nécessité de payer un cens. Je me rallie donc à l’amendement de
l’honorable M. Dubus.
M.
Dumortier, rapporteur. - Il y a en ce moment trois systèmes en présence.
représentés par les différents amendements proposés dans la séance d’hier au
deuxième paragraphe de l’article 4.
Par le premier système, les
fils des électeurs seraient éligibles dans la commune du domicile de leurs
parents.
Par le second, les fils
d’électeurs seraient éligibles dans la commune qu’ils habitent quoique leurs
parents n’y paient pas de contributions. C’est l’amendement de mon honorable
ami M. Dubus.
Enfin, par le troisième
système, les fils d’électeurs seraient éligibles dans la commune qu’ils
habitent, pourvu que leurs parents y paient le cens électoral.
Voilà donc trois systèmes en
présence. C’est à la chambre à se décider sur la question de savoir auquel des
trois systèmes elle donnera la préférence.
Je ferai observer que vous
avez admis en principe qu’il faut payer un cens pour être éligible aux
fonctions de conseillers communaux. Vous avez à la vérité dérogé à ce principe,
en admettant à l’éligibilité les fils d’électeurs dans un cas déterminé.
Mais, messieurs, comme c’est
une exception, il importe que les fils d’électeurs présentent une garantie aux
électeurs de la commune dont le choix peut tomber sur eux. Si le cens électoral
n’est pas payé dans la commune de leur domicile soit par les parents, soit par
les éligibles eux-mêmes, on sent bien que la garantie qu’a voulu imposer la loi
n’existe plus. Je pense donc pour ma part que le seul système rationnel est
celui qui résulte, soit de l’amendement de l’honorable M. Dellafaille, soit du
mien.
Il faut de
toute nécessité, lorsque les parents ne sont pas domiciliés dans la commune,
que l’éligible au moins paie une partie du cens voulu dans la commune de son
domicile. Il arriverait, si cette condition n’était pas exigée, que l’on
pourrait nommer aux fonctions de conseiller communal une personne qui n’aurait
aucun rapport avec les intérêts locaux. Ceci serait contraire au principe que
vous avez admis dans la séance d’hier. Il eût mieux valu admettre la
proposition de l’honorable M. Seron, si la chambre adoptait le système que je
combats.
Le grand motif pour lequel
l’on a rejeté cette proposition, c’est que l’on voulait que le membre d’un
conseil communal fût attaché par un lien quelconque d’intérêt à la commune
qu’il représente. Je ne vois pas pourquoi le fils d’un électeur serait dans une
condition meilleure que le père lui-même. C’est dans le sens de mon amendement,
et de celui de M. Dellafaille, que la section centrale a entendu le paragraphe
proposé. Elle avait compris que la faculté que l’on accordait au fils de
l’éligible était subordonnée à ceci : que le cens électoral fût payé dans la
commune du domicile de l’éligible pour garantie de bonne gestion des intérêts
communaux.
M.
Dubus. - Messieurs, l’amendement que j’ai eu l’honneur de déposer à la
fin de la séance précédente a été attaqué par mon honorable ami comme n’étant
pas en harmonie avec le projet de loi actuellement remis en discussion.
C’était au contraire dans le
dessein de mettre l’art. 4 en harmonie avec les autres articles de la loi que
j’avais déposé cet amendement. Il m’avait semblé qu’au contraire les autres
amendements n’étaient pas en harmonie avec le reste de la loi ; que c’étaient
les autres systèmes qui se trouvaient en opposition avec le principe consacré
par l’art. 19, principe relatif au cens électoral.
L’art 19 exige en thèse
générale le paiement d’un cens, et l’on vous a dit que ce cens était exigé afin
que l’éligible tînt par quelque chose à la commune. Mais alors on aurait exigé
qu’il payât le cens dans la commune même. Mais l’on s’est contenté du paiement
du cens dans une commune quelconque,
Voilà le principe général. La
disposition qui est proposée par l’article 4 en faveur de fils d’éligibles a eu
pour but de leur appliquer les conditions imposées à l’éligible lui-même. Si le
père se présentait aux élections de la commune de son domicile, il suffirait
qu’il payât le cens dans une commune quelconque du royaume. Il doit suffire de
même pour le fils de l’éligible d’avoir son domicile dans la commune. C’est une
des conditions imposées pour l’éligibilité. Celle du cens a été exigée non pas
pour que l’éligible donne la garantie qu’il sera un homme d’ordre. La chambre
n’a pas cru que cette condition cesserait d’exister si l’éligible payait ce
cens dans une commune autre que celle de son domicile. La seconde condition,
celle de domicile a été exigée pour que l’éligible soit attaché par un lien aux
intérêts de la commune.
Toute la différence qu’il y a dans la différence
établie par la loi en faveur du fils de l’éligible, entre celui-là et son père,
c’est que celui-là est éligible en vertu du cens payé par son père. Mais il
doit être indifférent que le cens soit payé par le père dans la commune même du
domicile de son fils, puisque l’on n’exige pas cette condition pour le père. La
garantie d’homme attaché à l’ordre public existe dans le cas de paiement du
cens par le père, celle d’attachement aux intérêts de la commune dans la
nécessité du domicile.
Je crois pour ces motifs que
la rédaction que j’ai proposée est véritablement en harmonie avec les art. 4 et
19 de la loi communale. J’attendrai, pour donner de plus amples développements,
le résultat ultérieur de la discussion.
M.
Dewitte. - Si la chambre trouve qu’il est suffisamment établi par
l’amendement de l’honorable M. Dubus que le fils succède à tous les droits de
son père éligible ou devient éligible en vertu du cens payé par sa mère, je
retirerai mon amendement ; mais si la chambre n’était pas de cet avis, je
croirais devoir le conserver.
M. Verdussen. - Je préfère l’amendement de
l’honorable M. Gendebien ou celui de M. le ministre de l’intérieur, qui dit la
même chose, à tous ceux qui ont été proposés. Voici sur quoi je fonde mon
opinion. Lorsque dans la séance d’hier vous avez rejeté l’amendement de
l’honorable M. Seron, vous avez établi en principe qu’un cens payé donnerait à
un seul individu le droit de pouvoir être appelé au conseil communal. Si vous
adoptez l’amendement de M. Dubus, qu’arrivera-t-il ? Vous donnerez à un cens,
une fois payé, le droit pour dix personnes peut-être d’entrer dans dix conseils
communaux différents. Je suppose un père ayant neuf fils, habitant chacun une
commune différente. Ce père et ses neuf fils pourront donc faire partie, en
vertu d’un seul cens, de 10 conseils communaux différents dans les communes où
chacun d’eux aura établi son domicile. Ce n’est certainement pas là l’esprit de
la loi. L’esprit de la loi est d’admettre dans le sein d’un seul conseil
communal celui qui paie le cens. Si le père n’a ni la santé ni la capacité
requise pour être conseiller dans sa commune, vous avez bien voulu qu’il y fût
remplacé par un de ses fils, mais rien au-delà, car le fils et le père, ou les
deux frères ne pourraient siéger dans le même conseil, puisqu’il y a exclusion
pour la parenté. Je crois donc rentrer dans l’esprit de la loi en demandant
qu’un cens, une fois payé, ne donne entrée qu’à un seul éligible dans les
conseils communaux, que ce soit ou le père ou le fils, et ce but est atteint
par l’amendement de M. Gendebien ou de M. le ministre de l’intérieur.
M. F. de Mérode. - Le but de l’amendement de
l’honorable M. Dubus est de faciliter aux électeurs le moyen de trouver un plus
grand nombre de personnes présentant des conditions d’éligibilité. Il est
certain que dans beaucoup de communes l’on a de la peine à trouver des
éligibles aptes à faire partie des conseils communaux. La garantie d’ordre
public existe chez le fils de l’éligible comme chez le père lui-même en vertu
du cens que celui-ci paie. Celui qui appartient à une famille dont le chef paie
un tel cens de contributions est présumé partager la manière d’être et de voir
de son père. Il n’y a donc pas d’inconvénient à ce que le fils puisse être
éligible dans la commune de son domicile, alors même que son père n’y paierait
pas le cens. Je n’y vois pas de dommage pour la chose publique. Il ne s’agit
pas de droit à donner aux éligibles, mais d’une facilité de choix à offrir aux
électeurs. C’est pour ces motifs que je voterai en faveur de l’amendement de
l’honorable M. Dubus.
M.
Donny. - J’appuierai l’amendement de M. Dubus ; mais tel qu’il est
rédigé, il me paraît exiger une modification, attendu qu’il ne s’applique pas à
certains cas qu’il est cependant intéressant de prévoir. Cet amendement ne
s’occupe que des fils de veuves et des fils d’électeurs. Il n’est pas
applicable au fils d’un homme qui, tout en payant le cens électoral, n’a pas la
qualité d’électeur. Ainsi la qualité d’éligible est refusée au fils d’un
étranger non naturalisé, et au fils d’un homme en état d’interdiction. Car, aux
termes des art. 19 et 28, l’étranger et l’interdit ne peuvent être électeurs.
Il me paraît cependant qu’il conviendrait de rendre l’amendement applicable à
ces personnes.
D’après
ces considérations, je crois pouvoir proposer utilement un changement de
rédaction à l’amendement de M. Dubus.
Je demanderai qu’il soit
modifié ainsi :
« Sont éligibles ceux qui
justifient que leur père ou leur mère paient le cens exigé pour la commune où
se fait l’élection, pourvu qu’ils remplissent les autres conditions
d’éligibilité. » (Aux voix ! aux voix !)
M. Pollénus. - Je demanderai ce que deviendra le
droit d’éligibilité qu’on accorde au fils, si le père vient à décéder.
M.
de Brouckere. - Rien !
M. Pollénus. - Ainsi vous accorderez plus à
l’expectative qu’à la réalité.
Je voterai contre
l’amendement.
M.
F. de Mérode. - L’honorable préopinant vient de signaler une lacune....
(Non, non ! Aux voix !) Il faudrait
dire que celui qui sera élu restera en fonction jusqu’à nouvelle élection.
M.
A. Rodenbach. - C’est sous-entendu !
M.
Dubus. - On vient de signaler une prétendue lacune dans mon amendement
; mais là un inconvénient bien faible en comparaison de l’inconvénient plus
grave qui résulterait de la restriction du droit d’éligibilité. (Aux voix ! aux voix !)
- La
rédaction proposée par M. Donny, mise aux voix, n’est pas adoptée.
L’amendement de M. Dubus, mis
aux voix, est adopté et remplacera la troisième disposition de l’art. 4.
M. le
président. - Le paragraphe 4 est ainsi conçu :
« § 4. Nul ne peut être
membre de deux conseils communaux. »
M.
Rogier. - Mon intention n’est pas de retarder l’adoption définitive de
la loi communale en proposant fréquemment des modifications au projet en
discussion ; si je viens maintenant demander le retranchement du dernier
paragraphe, c’est dans l’espoir que ma proposition n’entraînera pas de longues
discussions, ; car je préférerais voir la loi moins parfaite que de la voir
trop longtemps retardée.
Le
paragraphe dont je demande la suppression résulte d’un amendement présenté par
M. Doignon et admis sans débat. Le Moniteur
ne mentionne aucune discussion sur cet objet.
Messieurs, il peut être utile
que le même individu siège dans deux conseils communaux à la fois. Du moment
qu’il a des intérêts dans deux communes différentes, on peut l’admettre à
représenter et à défendre ces intérêts. Remarquez que la faculté d’être membre
du conseil dans plus d’une commune n’aura lieu que pour les communes de moins
de 400 habitants, puisque dans les autres il faut y être domicilié pour les
représenter.
M. de Robaulx. - Je n’adopte pas ce
principe, qu’il vaut mieux faire une mauvaise loi que de la discuter longuement
: je préfère prolonger la discussion pour améliorer la loi et perdre du temps
que de la laisser vicieuse, si toutefois c’est perdre son temps que d’améliorer
les lois.
Le dernier paragraphe a pour
but d’empêcher qu’il n’existe de ces électeurs généraux exerçant leur influence
sur une certaine étendue territoriale : on a vu de ces individus être
bourgmestres de sept ou huit communes et être encore membres des états de
plusieurs provinces. On dit qu’on ne peut faire partie des conseils communaux
de plusieurs grandes villes ; mais l’influence qu’on exerce dans les grandes
villes n’est pas aussi redoutable que celle qu’on exerce dans les petites
localités. Evitons que des hommes promènent leur influence fâcheuse d’une
commune à l’autre, et aient une action sur des intérêts étrangers aux communes.
M. Dubois. - J’appuie la proposition faite par M. Rogier. Sans doute que, si l’on
voulait pousser l’argumentation aussi loin que le fait le préopinant, il y
aurait des abus par l’admission de cette proposition. On prétend que des
individus sont bourgmestres de sept ou huit communes : pour moi j’ignore
absolument l’existence d’un tel fait ; mais je sais qu’il est des
arrondissements où on trouve difficilement des bourgmestres ; et je préfère qu’un
même individu soit bourgmestre dans deux communes que de voir ces localités mal
administrées.
Le gouvernement ne nommera pas
la même personne dans sept ou huit communes ; il comprendra que dans l’intérêt même
des localités il ne peut nommer un même individu que dans deux communes.
Messieurs, il doit être ici moins question de théories que de fait. Or il est
évident que ce qui existe aujourd’hui à cet égard est bon et que les communes
qui sont administrées par un même bourgmestre s’applaudissent en général de la
manière loyale et intègre avec laquelle on les régit.
M. Rogier. - Il n’est pas encore question des
bourgmestres ; il ne s’agit que des membres des conseils communaux. L’abus
signalé par M. de Robaulx peut exister, cependant je n’en connais pas
d’exemple, Cet abus serait réel pour les fonctions de bourgmestre, mais il est
nul pour les fonctions de conseiller. Au reste, je restreindrai ma proposition
à ceci : « Nul ne peut être membre de plus de deux conseils communaux. »
Je trouve fort naturel qu’un propriétaire qui habite la ville et qui a maison
de campagne, puisse être à la fois conseiller et dans la ville qu’il habite et
dans la commune où il a sa propriété. Il ne faut pas craindre que des hommes se
chargent de plusieurs fonctions qui ne rapportent rien que des ennuis.
M. Fleussu. - J’ai été frappé des inconvénients
signalés par M. de Robaulx : on les avait déjà signalés lors de l’adoption de
l’amendement présenté par M. Doignon ; et c’est par suite de l’impression
qu’ils ont faite sur l’assemblée que cet amendement a été admis. Ces abus
existaient sous l’ancien gouvernement. Il n’est pas étonnant que M. Rogier n’en
ait pas vu d’exemple depuis qu’il est administrateur, car dans l’arrêté du 8
octobre, pris par le gouvernement provisoire, il est dit que nul ne peut être
conseiller que dans la commune qu’il habite. Quant à moi, je connais l’exemple
d’un monsieur de Liége, bourgmestre dans l’endroit ou il avait sa campagne,
échevin dans une commune voisine, et conseiller dans trois autres communes.
Quand le moment des élections arrivait, il les dirigeait à son gré, il était
omnipotent dans le canton.
M. Doignon. - J’insiste pour le maintien de
l’amendement que j’ai proposé. Cet amendement n’est d’ailleurs que la
reproduction de l’article 3 du règlement du plat pays. Il est constant que,
sous le régime ancien, il fallait être habitant de la commune pour la
représenter dans son conseil. En principe, la commune est une famille ; et il
n’est pas dans l’ordre qu’on appartienne à deux familles différentes : on ne
peut bien faire les affaires que de la famille à laquelle on appartient.
Il peut arriver que deux
communes aient des intérêts opposés ; alors, il serait dangereux qu’un même
individu fît partie des deux conseils.
M. Dubois. - Je ferai observer que dans mon
district le gouvernement provisoire a accordé des dispenses pour que le même
individu fût bourgmestre dans deux communes, et il y existe quatre communes qui
sont administrées par deux bourgmestres, en vertu de ces dispenses. Les
règlements du plat pays permettaient aussi au roi d’accorder des dispenses pour
être bourgmestre dans deux communes.
Que la crainte de voir la même
personne diriger quatre ou cinq conseils communaux ne vous arrête pas, puisque
l’amendement de M. Rogier ne permet d’être conseiller que dans deux communes.
M. de Robaulx. - On craint de manquer d’éligibles
; cependant au commencement de la révolution on a fait des élections partout,
et je ne crois pas qu’on ait vu l’exemple d’une localité manquant d’individus
capables de l’administrer et obligée de recourir aux habitants des autres
communes. Il faut que les défenseurs des intérêts d’une commune l’habitent ;
sans cela comment voulez-vous qu’ils en connaissent les intérêts ?
M.
F. de Mérode. - Messieurs, depuis la révolution il a été permis d’être
bourgmestre dans plus d’une commune.
Une voix. - Non !
M. F. de Mérode. - Je connais des faits
positifs à cet égard ; je connais des personnes qui sont bourgmestres dans
trois communes.
Ce serait un abus de permettre
d’être bourgmestre dans 4 ou 5 communes : mails il y a de petites communes, où
on ne pourrait trouver d’hommes vraiment capables de les administrer, et ce
serait nuire à l’intérêt de leurs habitants que de les empêcher de choisir un
administrateur dans d’autres communes. On peut dire, pour éviter tout abus, que
la faculté d’être conseiller ne pourra s’étendre à plus de deux communes.
- La proposition de M. Rogier mise aux voix n’est
pas adoptée. Le paragraphe 4 mis aux voix est adopté.
M.
Doignon. - Je proposerai ici un paragraphe 5 additionnel. Il est
relatif aux bourgmestre et échevins :
« Nul ne peut être
bourgmestre ou échevin d’une commune s’il ne l’habite. »
M.
de Brouckere. - Il ne peut trouver place ici ; vous le présenterez à
l’art. 6. Si l’art. 6 reste, le paragraphe additionnel est inutile puisqu’il y
est dit qu’on ne peut être bourgmestre ou échevin que si l’on est conseiller ;
or, les conseillers doivent être pris dans la commune.
M. Doignon.
- D’après ces considérations, j’ajourne mon amendement.
- L’ensemble de l’art. 4, mis
aux voix, est adopté.
M.
Gendebien. - J’ai fait remarquer hier que le paragraphe 3 devait
devenir le second, sans quoi on en changerait la généralité.
- Cet avis est adopté.
Article 5
Les amendements adoptés par un
premier vote à l’article 5 sont admis définitivement sans discussion.
M. le
président. - La discussion est ouverte sur l’amendement introduit à
l’article 6 ainsi conçu :
« Le Roi nomme le
bourgmestre et le choisit dans le sein du conseil. »
M.
de Brouckere. - Je désire qu’il soit bien entendu que l’amendement
adopté par la chambre lors du premier vote ne porte pas sur le choix du
bourgmestre dans le sein du conseil
communal, mais sur le choix hors du
sein du conseil. Il ne s’agit donc en ce moment que de savoir si le Roi pourra
choisir un bourgmestre en dehors du conseil. (Approbation.)
M.
Seron. - Messieurs, après le rejet de ma proposition d’hier relative à
l’art. 4 de la loi que vous discutez, je ne puis guère espérer que vous accueillerez
favorablement un amendement rédigé dans le même esprit et s’appliquant à l’art
6. Cependant la question est si importante, sa solution si décisive que je
croirais manquer à mon devoir si je gardais le silence en cette occasion.
Suivant le projet du
ministère, le Roi nomme et révoque les bourgmestres ; il les choisit dans le
conseil ou en dehors. Dans ce dernier cas, ils n’ont que voix consultative au
conseil. Avec un pareil système, quand il plaît au Roi de prendre hors du
conseil le premier magistrat de la commune, celui-ci n’est plus qu’un simple
faiseur d’observations, un donneur bénévole d’avis que personne n’est tenu
d’écouter, et n’ayant pas de vote à émettre dans les décisions d’une assemblée
dont il est cependant le président et le chef. Cette conception, dont je ne
vois pas le but, est singulière et neuve. Le gouvernement, s’il ne l’abandonne
pas, nous l’expliquera sans doute. Il nous dira quelle influence il espère
obtenir dans les conseils municipaux avec des bourgmestres qui seront moins que
de simples conseillers.
Quoi qu’il en soit, la section
centrale pense et avec raison que le bourgmestre doit avoir toujours voix
délibérative. Mais elle ne veut pas en confier la nomination directe au peuple,
elle préfère le voir choisir pour le Roi dans le sein du conseil. A son avis,
et pour exprimer ici non ce qu’elle dit, mais ce qu’elle a voulu dire, « le
bourgmestre doit tenir sa nomination du pouvoir royal et du pouvoir communal,
puisque ses fonctions se rapportent à l’un et à l’autre pouvoir. » La même
idée se trouve dans l’ouvrage d’Henrion de Pansey, intitulé : « du pouvoir
municipal et de la police intérieure des communes. » Les maires, y est-il dit,
sont tout à la fois les mandataires de leur commune, les agents de la loi et
les délégués du gouvernement, » De là l’auteur tire cette conséquence qu’ils
doivent être nommés soit par la commune, sur une liste de présentation dont la
formation appartiendra au gouvernement, soit par le gouvernement lui-même
d’après le tableau des candidats que les habitants auront élus.
L’opinion d’un magistrat aussi
célèbre, aussi éclairé, aussi consciencieux est assurément très respectable.
Mais elle ne peut avoir d’influence sur la discussion actuelle, si l’on
considère que s’occupant, non de théories pour tous les temps, pour tous les
lieux et pour toutes les constitutions, mais d’un véritable traité pratique à
l’usage seulement de
En effet, l’article 108 de
votre constitution dit que les institutions communales sont réglées par des
lois ; que la loi consacre le principe de l’élection directe, mais qu’elle peut
établir des exceptions à l’égard des chefs des administrations communales. Ces
dispositions me paraissent extrêmement claires.
J’y vois, d’une part, le peuple
investi seul du droit d’élire les échevins et les conseillers municipaux, car
ni les uns ni les autres ne sont chefs des administrations communales, et d’un
autre côté, j’y vois la législature chargée d’accorder ou de refuser au Roi la
domination indirecte des bourgmestres
qui sont les véritables chefs des municipalités. Si les amis de la prérogative
royale voient autre chose dans l’acte constitutionnel, s’ils ne partagent pas
mon opinion, je n’entreprendrai pas de leur prouver qu’ils sont dans l’erreur,
car on ne démontre pas l’évidence et je les crois décidés à ne pas m’écouter.
Que s’il vous est loisible de
laisser au peuple le droit dans lequel il a été réintégré en 1830, d’élire
directement ses bourgmestres, pourquoi l’en dépouilleriez-vous aujourd’hui ?
Ces magistrats, dit-on, ne
sont pas seulement les mandataires, les administrateurs de la commune, ils
sont, en outre, commissaires du Roi ; ils remplissent des fonctions d’officiers
de police judiciaire et d’officiers de l’état-civil. Ils s’occupent de quelques
opérations relatives à la milice. Cela est vrai ; mais s’ensuit-il que le Roi
doive nécessairement participer à leur
élection ? Les états provinciaux sont aussi chargés de l’exécution des lois ;
cependant le peuple les élit directement, Pourquoi non, puisque c’est de lui
que la constitution fait émaner tous les pouvoirs ?
Les fonctions des juges de
paix sont également mixtes ; mais elles ont bien plus souvent pour objet les
rapports des citoyens entre eux que les rapports des citoyens avec l’Etat.
Toutefois, le peuple n’intervient pas dans la nomination des juges de paix,
elle est exclusivement réservée au monarque. Sans doute personne de vous,
messieurs, n’expliquera cette disposition de votre charte par la maxime
anglaise, que toute justice vient du roi.
En accordant un nouveau
privilège au pouvoir, vous restreignez les libertés publiques dont vous êtes
les gardiens et les défenseurs nés. Cependant il n’est déjà que trop porté par
sa nature à les détruire, et l’expérience vous l’a prouvé. Croiriez-vous agir
dans l’intérêt de l’ordre, prétexte banal de toutes les mesures liberticides,
toujours mis en avant par tous les ministères passés, présents et futurs ?
Mais, depuis leur révolution, les Belges n’ont pas vécu dans l’anarchie, et si
des scènes déplorables ont contristé les bons citoyens, ce n’est pas au peuple,
ce n’est pas aux élections populaires qu’il faut les attribuer. Espéreriez-vous
obtenir de meilleurs magistrats ? Mais les commissaires de district sont-ils
plus capables de faire de bons choix que le peuple lui-même ?
Voyez les maires du temps de
Bonaparte et les bourgmestres du temps de Guillaume. Je dis les commissaires de
district, messieurs ; car si le Roi nomme, ce ne sera que sur leur
présentation. Enfin, on ôtait au peuple l’élection directe du chef de la
municipalité. vous ne diminuez pas l’influence que les gens d’église sont en
possession d’exercer sur les nominations ; au contraire, car ils ont plus de
crédit dans les bureaux ministériels où l’on n’ose rien leur refuser que dans
les assemblées populaires où souvent ils échouent malgré leurs lettres
pastorales, leurs prédications et leurs manoeuvres.
Craint-on que les élus du
peuple résistent au pouvoir exécutif même quand il aura raison, qu’ils
contrarient et entravent sa marche, qu’ils négligent leurs devoirs les plus
essentiels, qu’ils se montrent incapables de les remplir, qu’ils se rendent
même coupables de prévarications ? Eh bien n’existe-t-il pas des agents pour
les poursuivre et des lois à leur appliquer ? Vos codes noirs si volumineux, si
compliqués, si barbares ont prévu tous les cas, tous les crimes ; ils n’ont
oublié aucune peine. Indépendamment de ces moyens bien suffisants pour tenir
les bourgmestres en bride, la loi en discussion donne au gouvernement le droit
de les suspendre et de les révoquer. Que faut-il de plus ?
Veut-on augmenter le nombre
des agents de surveillance ? Mais le gouvernement n’en a-t-il pas déjà assez à
sa disposition ? N’a-t-il pas des gouverneurs, des commissaires de district,
des procureurs du Roi, des substituts, des juges d’instruction, des
commissaires de police, des gendarmes, des gardes forestiers et des gardes
champêtres, armée qu’il peut augmenter d’une nouvelle recrue dans laquelle
seront nécessairement compris les commissaires près les nouvelles justices de
paix ? N’a-t-il pas, en outre, à ses ordres, M. l’administrateur général de la
police et l’armée de M. l’administrateur général dont l’effectif est bien plus
considérable qu’on ne croit ?
Enfin,
messieurs, que doit vouloir le gouvernement ? Si ses projets n’ont rien
d’hostile à la liberté, il doit vouloir l’exécution pleine et entière de la
constitution et des lois organiques de la constitution. Or, il atteindra ce but
avec des magistrats élus par le peuple. Mais s’il est assez inconsidéré pour
oublier son origine, s’il veut marcher sur les traces des van Maanen, s’il veut
des extraditions et des expulsions, alors je conçois qu’il lui faille à la tête
des municipalités du royaume des hommes dévoués, disposés à se prêter à tous
ses caprices, à faire toutes ses volontés, rêvant et voyant des conspirations
partout, ayant incessamment la plume à la main pour signaler les anarchistes
les factieux, les républicains. Mais, si telles étaient ses vues, devriez-vous
les favoriser ?
Messieurs, en vous soumettant
ces réflexions, je ne fais que rendre, en moins de mots, ce que j’avais déjà
dit lors de la discussion sur l’ensemble de la loi. Elles motiveront
l’amendement par lequel je vais conclure.
Je demande que l’art. 6 de la
loi communale soit conçu en ces termes :
« Le bourgmestre est élu
directement par l’assemblée des électeurs de la commune. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je pense que l’amendement proposé par l’honorable M. Seron doit être repoussé
par la question préalable. C’est une conséquence de l’opinion émise par
l’honorable M. de Brouckere ; il a très bien fait comprendre à l’assemblée que
l’amendement tel qu’il a été adopté par la chambre dans un premier vote, se
trouve conforme à la première partie de la disposition présentée par le
gouvernement.
Si je fais cette observation,
ce n’est pas que je pense que l’amendement proposé ait des chances de succès.
C’est afin que cet amendement ne nous entraîne pas dans une discussion inutile.
J’ajouterai à l’appui de cette opinion qu’il a été rejeté par la chambre au
premier vote à une immense majorité.
L’honorable M. Seron a
critiqué la proposition primitive du gouvernement en ce que le bourgmestre qui
aurait été nommé par le Roi hors du sein du conseil n’aurait pas eu de voix
délibérative, et se serait trouvé dans une position fausse, c’est cette
considération qui m’a engagé à déposer l’amendement déposé sur le bureau.
Il est ainsi conçu :
« Néanmoins, il peut,
pour des motifs graves, le nommer hors du conseil, parmi les éligibles. »
Vous voyez que d’après le
projet primitif du gouvernement, le bourgmestre nommé hors du sein du conseil
n’avait pas voix délibérative.
Le choix du gouvernement était
illimité. J’ai pensé qu’il était plus raisonnable de limiter ce choix parmi les
éligibles et d’accorder voix délibérative au bourgmestre. Cette proposition n’a
rien de contraire au reste de la constitution. La constitution laisse à cet
égard toute latitude. Elle ne prescrit l’élection que pour les membres du
conseil.
Il existe une autre différence
entre la rédaction que j’ai proposée et la rédaction primitive. Le gouvernement
pouvait nommer le bourgmestre hors du sein du conseil sans qu’il y eût des
motifs spéciaux. C’est précisément en face de l’extension illimitée de cette
faculté qu’il avait cru devoir poser comme garantie que le bourgmestre n’aurait
pas voix délibérative. Ayant admis aujourd’hui que le bourgmestre nommé hors du
sein du conseil aurait voix délibérative, j’ai cru poser le principe de la
nomination du bourgmestre dans le sein du conseil comme la règle, et le choix
hors du sein du conseil comme l’exception.
L’honorable député de
Philippeville a invoqué l’autorité de M. Henrion de Pansey sur le choix du
bourgmestre. Vous voyez qu’en règle générale nous adoptons volontiers l’opinion
de ce publiciste, mais nous ne l’avons pas adoptée sans exception. Je ferai
remarquer à la chambre que l’opinion de M. Henrion de Pansey ne reçoit
d’ailleurs pas d’application régulière en Belgique, par le motif tout simple
qu’en France il n’y a pas un collège des bourgmestre et échevins, que le maire
est le seul organe de la commune et du gouvernement. En Belgique le pouvoir du
bourgmestre se trouve constamment tempéré par l’adjonction des échevins,
lesquels doivent être pris dans le sein du conseil. L’amendement tel qu’il a
été présenté est entièrement conforme aux anciens règlements des villes.
Ces règlements admettaient
aussi en principe la nomination du bourgmestre dans le sein du conseil, et comme
exception, pour motifs graves, hors du sein du conseil.
Cependant, messieurs, je ne
pense pas que l’on ait signale des abus que le gouvernement précédent aurait
commis de ce chef. Quant à l’administration des communes rurales, la faculté de
l’ancien gouvernement était illimitée. Il nommait le bourgmestre comme il
l’entendait.
D’après les règlements du plat
pays, il n’y avait pas même d’élection pour les conseils communaux.
Aujourd’hui
notre constitution, notre loi communale, réclament l’élection directe de tout
membre d’un conseil communal. (Erratum au
Moniteur belge n°72, du 13 mars 1835 :) Cette dernière loi consacre le
principe du choix du bourgmestre parmi les élus de la commune sans aucune
exception. Cette proposition ne pouvait être acceptée par le gouvernement. Nous
demandons des exceptions à ce principe, lorsqu’il y a des motifs graves. Il est
évident que le gouvernement doit échapper à l’obligation de s’imposer un agent
qui lui serait hostile, dans lequel il ne pourrait mettre sa confiance.
Cependant, s’il était obligé de choisir cet agent dans le sein du conseil, il
se trouverait souvent (Erratum au
Moniteur belge n°72, du 13 mars 1835 :) dans l’impossibilité d’être
convenablement représente dans la commune. Or, messieurs, vous conviendrez
qu’il est impossible que le gouvernement soit dépourvu de tout agent pour
l’application des lois nombreuses que le bourgmestre applique dans les
communes.
Je pense avoir suffisamment
expliqué et qualifié mon amendement.
M.
de Robaulx. - Messieurs, je croyais que le vote émis dans une séance
précédente, lorsque l’on avait rejeté la question préalable dans une occasion
semblable, devait servir de précédent.
Mais, comme je n’ai pas
l’habitude de m’étayer des précédents de la chambre, je préfère m’en rapporter
au règlement et aux propositions admises par l’assemblée.
Chaque fois qu’un article a
été rejeté ou un amendement admis, l’on peut amender de nouveau l’amendement ou
l’article comme conséquent du premier vote. Que demandait le gouvernement ? Il
demandait dans le premier projet le droit pour le Roi de nommer le bourgmestre
partout où il jugerait à propos de le choisir, soit en dehors, soit au-dedans
du conseil. Telle était la prérogative royale que l’on demandait sans égard
pour les prérogatives populaires.
La section centrale vous a
présenté et vous avez adopté un amendement auquel M. le ministre ne s’est pas
rallié ; c’est un amendement moins libéral que celui que j’avais présenté, qui
consistait à demander l’élection directe par le peuple. La section centrale a
au moins proposé que l’élection ait une part dans la nomination du bourgmestre
; mais voulant donner aussi une part à la prérogative royale, elle consentait à
une élection indirecte.
Elle a voulu que le
gouvernement ne pût choisir le bourgmestre en dehors des élus de la commune.
Ainsi vous avez admis par votre première délibération que l’élection aurait une
part dans la nomination du bourgmestre. Vous avez circonscrit le choix du Roi
dans les élus de la commune. Nous, nous voulons être plus libéraux que la
section centrale. Nous vous proposons un système plus complet, plus absolu que
celui que vous avez admis comme amendement. Nous proposons l’élection directe.
Le système du gouvernement qui tendait à donner au Roi la faculté de nommer le
bourgmestre en dehors du sein du conseil a été écarté définitivement. Nous
voulons faire un pas de plus. Ce que nous demandons n’est pas un amendement à
la proposition adoptée par la chambre. Non, nous désirons qu’elle aille plus
loin, qu’elle s’écarte dans un sens plus libéral de la proposition primitive du
gouvernement. Libre à vous de ne pas adopter notre système, mais au moins
laissez-nous la faculté de développer nos moyens.
Je ne puis m’empêcher de
relever quelques expressions échappées à M. le ministre de l'intérieur,
expressions qui ne devraient jamais sortir de la bouche d’un ministre. Il a
dit, en expliquant les motifs qui lui faisaient désirer l’élection du
bourgmestre hors du sein du conseil, dans le cas de motifs graves, par des
raisons qui ne m’ont pas touché, que c’était là une concession que nous faisait
le gouvernement. Une telle manière de s’exprimer n’est pas parlementaire. Nous
n’avons pas de concessions à demander au gouvernement. Le gouvernement a des
droits que lui donne la constitution. Mais il n’en donne pas à la nation.
C’est
vous, messieurs les ministres, qui venez mendier des concessions pour le
pouvoir royal, en sollicitant une déviation au pouvoir démocratique dont vous
proclamiez hautement les droits aux jours de la révolution. Aujourd’hui vous
avez changé de rôle, c’est le pouvoir royal que vous défendez. Mendiez des
concessions à la législature, mais ne prétendez pas lui en accorder. Nous
n’avons pas à en recevoir de vous.
Circonscrit que je suis dans
la question préalable, je n’entrerai pas dans la discussion du fond ; je pense
que l’on ne peut pas, sans une injustice criante, refuser de nous entendre
quand il s’agit d’accorder au gouvernement la plus large des facultés que vous
lui ayez données.
M.
Dumortier, rapporteur. - J’ai demandé la parole pour faire remarquer à
l’assemblée que M. le ministre de l’intérieur aurait dû étendre la question
préalable qu’il demandée à l’égard de la proposition de M. Seron, à celle qu’il
a présentée lui-même. Si la proposition de MM. Seron et de Robaulx a été
rejetée lors du premier vote, celle de M. le ministre l’a été également. Vous
avez admis un système. C’est l’exclusion nécessaire de tout autre. Ce système
consiste en celui-ci : que les bourgmestres seront pris dans le sein du conseil
et nommés par le Roi.
Vous avez écarté la
proposition du gouvernement qui voulait que le bourgmestre fût choisi par le
Roi en dehors du sein du conseil. Si vous admettiez la question préalable sur
la proposition de MM. de Robaulx et Seron je demanderais qu’elle fût également
prononcée sur la proposition de M. le ministre. Car si elle peut s’appliquer à
l’une, elle doit s’appliquer à l’autre.
Mais je dirai que je n’adopte
pas la question préalable quand il s’agit d’une des plus importantes questions
que la chambre ait jamais traitées, de la question peut-être la plus importante
qui lui ait jamais été soumise. Le congrès n’a pas laissé de solution plus
grave, plus sérieuse à la législature future que ce qui est relatif à
l’organisation des communes, et à la nomination du bourgmestre et des échevins
dans les communes. Je regarde cette nomination comme le pouvoir le plus
considérable, le plus important que nous aurons jamais mis entre les mains du
gouvernement si nous ne revenons pas de notre première décision. Ce n’est par
la question préalable, ce n’est pas par une fin de non-recevoir que l’on peut décider
de pareilles questions, que l’on se joue de la constitution. La chambre ne doit
pas, lorsqu’il en est temps encore, se priver des moyens de revenir sur le
premier vote d’une proposition aussi importante.
J’ai
l’espoir que, mieux éclairée, elle n’hésitera pas à rendre aux électeurs la
nomination des bourgmestres. Jamais on ne persuadera au peuple que la
constitution n’interdit pas formellement toute intervention du gouvernement
dans la nomination de ses administrateurs communaux.
La question préalable rendrait
non seulement impossible tout amendement au mode de nomination des
bourgmestres, mais aussi à celui des échevins. Voilà ce qu’il ne faut pas
perdre de vue. Libre à la chambre de persister dans sa première décision.
Toujours est-il vrai qu’elle
ne peut, sans manquer à ses devoirs, passer aussi légèrement sur une pareille
question et l’écarter par une fin de non-recevoir.
Je m’oppose en conséquence à
la question préalable.
M.
Jullien. - Je repousserai la question préalable, parce qu’en
l’adoptant, on violerait le règlement au lieu de le suivre, comme quelques-uns
le prétendent.
D’après l’article 45 du
règlement : « Lorsque des amendements ont été adoptés ou des articles
d’une proposition rejetés, le vote sur l’ensemble aura lieu dans une autre
séance que celle où les derniers articles de la proposition auront été adoptés.
« Dans la seconde, seront
soumis à une discussion et à un vote définitif les amendements adoptés et les
articles rejetés. »
Voici maintenant la partie de l’article
à laquelle je vous prie de faire attention :
« Il en sera de même des
nouveaux amendements qui seraient motivés sur cette adoption ou ce
rejet. »
Messieurs, le gouvernement,
comme on vous l’a dit tout à l’heure, vous a proposé de donner au Roi la
nomination et la révocation des bourgmestres. Cela est incontestable ; mais on
a ajouté cette disposition : qu’il les choisit dans le conseil ou en dehors du
conseil. Je vous prie de faire attention à la rédaction qui était proposée ; on
commençait par demander qu’on attribuât au Roi la nomination et la révocation
des bourgmestres. La disposition était absolue mais on ajoutait : Il les
choisit dans le conseil ou en dehors du conseil. C’était la une superfluité. En
accordant au Roi, d’une manière absolue, la nomination et la révocation des
bourgmestres, il était inutile de dire qu’il peut les choisir dans le conseil
ou en dehors du conseil, puisqu’il peut les choisir partout. C’était un
véritable leurre ; on voulait faire croire que probablement le Roi choisirait
toujours les bourgmestres dans le sein du conseil.
Mais la proposition telle
qu’elle était conçue, établissant d’une manière absolue que le Roi, ayant la
nomination et la révocation des bourgmestres, pouvait certainement les choisir
dans le sein du conseil ou en dehors du conseil comme il le voulait, il était
inutile de dire qu’il avait cette faculté. Je regardais cela, de la part de
ceux qui ont fait la proposition, comme une certaine adresse, afin de faire
dire à certaines personnes : Soyez tranquilles, ce sera toujours là que le Roi
les prendra ; et ce qu’on n’a pas manqué de faire lors de la première
discussion.
Maintenant
la modification apportée à l’article est-elle un véritable amendement, un changement
de système ? Je dis que oui, et la raison en est simple, car la modification
décide d’une manière absolue que l’élection directe fournira au Roi les
éléments de la nomination des bourgmestres ; elle impose au Roi l’obligation de
prendre les bourgmestres dans le sein du conseil municipal. Voilà un amendement
qui aux termes du règlement permet d’en présenter d’autres, et par conséquent
de produire celui proposé par M. Seron.
Il vous dit : Je ne me contente pas que l’élection fournisse au Roi les éléments
de la nomination, je veux que le principe de l’élection directe soit observé
tout à fait. Cet amendement est dans le sens de l’article 45 du règlement, vous
ne pouvez pas le rejeter par la question préalable, par une fin de non-recevoir
; ce serait méconnaître le règlement lui-même.
M.
Dubus. - J’avais demandé la parole pour m’opposer à la question
préalable ; trois orateurs ayant déjà parlé dans ce sens, si quelque membre
voulait parler pour la question préalable, je lui céderais volontiers mon tour
de parole, me réservant de lui répondre.
Un grand nombre de membres. - Aux voix ! aux voix !
M.
Dubus. - Puisque personne ne demande la parole pour soutenir la
question préalable, j’ajouterai quelques mots à ce qu’on a dit pour la
repousser. D’abord, je remarque qu’il est extrêmement fâcheux qu’on veuille
combattre par une fin de non-recevoir une proposition aussi importante que
celle qui vous est soumise. En définitive, c’est une question de liberté
communale, et c’est un moyen peu convenable et peu loyal que de lui opposer une
fin de non-recevoir.
On paraît avoir le désir
d’écarter une discussion que l’on regarde comme inopportune. Mais je vous prie
de considérer d’un autre côté quel est le précédent fâcheux que vous allez
poser car, de la manière dont vous interpréterez le règlement, vous devrez
l’interpréter encore à l’avenir, à moins d’avoir deux poids et deux mesures.
Selon le ministre qui a
proposé la question préalable, on ne peut pas reproduire aujourd’hui, au second
vote, une proposition qui, lors du premier vote, aurait été faite par un autre
honorable membre et aurait été rejetée.
Je suppose d’abord que
réellement la disposition ait été formellement rejetée, c’est-à-dire que la
chambre ait voté lors du premier vote sur l’article reproduit aujourd’hui : je
ferai voir tout à l’heure qu’il n’en est pas ainsi ; mais je suppose que
l’article qui avait été formulé par M. de Robaulx ait été mis aux voix et
rejeté par la chambre. Est-il vrai que, dans ce cas, on ne puisse pas le
reproduire aujourd’hui ? Cela serait vrai si, lors du premier vote, la chambre
avait admis la proposition du gouvernement, parce qu’alors il y aurait un vote
irrévocable. Mais il n’en est pas ainsi, si la chambre a rejeté virtuellement
l’amendement, car c’est virtuellement, par voie de conséquence, qu’elle a
rejeté la proposition de M. de Robaulx et plusieurs autres. Et elle a rejeté
tout aussi virtuellement la proposition du gouvernement en adoptant la
proposition de la section centrale. Aux termes du règlement, cette proposition
de la section centrale doit être remise en discussion.
Puisqu’on la remet en
discussion, il faut bien pouvoir l’admettre ou la rejeter ; si on la rejette,
il faut qu’on puisse mettre quelque chose à la place. Que mettrez-vous à la
place de la disposition de la section centrale, si elle est rejetée ? Selon le
ministre, en cas de rejet de la disposition de la section centrale, on ne
pourrait mettre à la place que la proposition du gouvernement ; la question se
trouverait rétrécie de telle manière que l’amendement adopté au premier vote
était rejeté au second, on n’aurait plus que l’alternative d’adopter ou la
proposition du gouvernement ou des amendements non encore soumis à la chambre.
Je ne pense pas que le règlement puisse raisonnablement être entendu ainsi. Si
vous remettiez la disposition en question, la chambre peut non seulement la
maintenir ou la rejeter, mais elle peut l’amender. Si elle peut l’amender, la
porte est ouverte à tout amendement, soit qu’il renverse le système adopté,
soit qu’il s’en écarte plus ou moins. Dès lors, vous ne pouvez plus opposer la
question préalable à aucune disposition présentée pour remplacer celle
précédemment admise. Il me semble que telle est la manière dont le règlement
doit être entendu.
Je sais bien qu’on a motivé de
différentes manières la disposition du règlement dont il s’agit. Il y en a qui
ne l’ont considérée que comme un moyen de réparer une erreur résultant d’un
vote sur un amendement improvisé.
Si tel était le sens de la
disposition du règlement, on ne pourrait ici rien remettre en question, car
l’amendement adopté par la chambre n’avait pas été improvisé, il avait été
élaboré par la section centrale, qui dans son rapport en avait développé les
motifs ; il a été longuement discuté, et chacun en était saisi depuis longtemps
avant la discussion ; il n’était pas plus improvisé que la proposition du
gouvernement. Mais si au contraire le but de la disposition du règlement a été
de remettre en question le vote de la chambre, lorsqu’il n’y a pas eu harmonie
parfaite entre le vote et la proposition du gouvernement ou la proposition du
membre qui en est l’auteur, quand la proposition n’émane pas du gouvernement,
si vous établissez que dans ce cas la disposition adoptée doit être remise en
discussion, la question doit être tout aussi entière qu’elle l’était au premier
vote.
Remarquez le précédent que
vous poseriez si vous admettiez la doctrine un ministre. Vous ne devez pas
seulement considérer la chose dans l’espèce actuelle où il y a une proposition
du gouvernement. Mais vous devez la considérer dans le cas où la proposition
principale émanerait d’un membre de la chambre et où l’amendement de la section
centrale aurait été admis. Vous ne pouvez pas alors être réduits à la simple
alternative entre l’une et l’autre de ces deux propositions, sans pouvoir en
admettre de différente, plus ou moins éloignée de l’une ou de l’autre de ces
deux propositions, car la disposition de l’art. 45 ne distingue pas. Je vous
prie de ne pas perdre de vue que le précédent que vous poseriez en adoptant la
question préalable, serait extrêmement grave.
Il est dit formellement à
l’art. 45 : « Lorsque des amendements ont été adoptés ou des articles
d’une proposition rejetés, le vote sur l’ensemble aura lieu dans une autre
séance que celle où les derniers articles de la proposition auront été adoptés.
« Dans la seconde, seront
soumis à une discussion et à un vote définitif les amendements adoptés et les
articles rejetés. »
L’amendement de la section
centrale que vous avez adopté doit donc être soumis à une discussion et à un
vote définitif. Cela implique le droit d’amender cet amendement et de faire
telle proposition qu’on juge convenable, pourvu qu’elle se rattache à l’objet
en discussion.
D’ailleurs, voici une autre
considération qui milite encore contre la question préalable : vous avez à vous
prononcer sur un article isolé, mais cet article fait partie d’une loi qui
connaît un grand nombre de dispositions ayant des rapport intimes les unes avec
les autres.
L’article que nous discutons,
notamment, a un rapport très intime avec plusieurs articles où sont délimitées
les attributions du bourgmestre, des échevins et du conseil. Tous ces articles
ont été amendés ; et par suite du rapport intime qui existe entre ces articles
et celui que nous discutons, qui oserait dire que les amendements admis au
chapitre des attributions ne doivent pas exercer d’influence sur la conviction
de plus d’un membre de l’assemblée relativement à la nomination du bourgmestre
? Dès lors vous ne pouvez pas écarter par la question préalable une proposition
sur la nomination du bourgmestre, vous devez prendre en considération les
raisons qui seront données pour faire admettre ou rejeter cette proposition.
J’ai dit tout à l’heure qu’il
n’y avait pas eu rejet formel de telle ou telle proposition. En effet, comme,
à l’appui des propositions faites,
plusieurs systèmes avaient été mis en avant, la chambre, pour arriver à une
solution plus prompte, s’est posé des questions et n’a résolu que des
questions.
C’est après cela qu’on a fini
par mettre aux voix et adopter l’article de la section centrale. On n’a mis aux
voix ni la proposition de M. de Robaulx, ni celle de M. Doignon, ni celle de M.
Dumortier, ni d’autres propositions qui auraient été faites sur le même objet ;
mais on a formulé différentes questions pour savoir à laquelle la chambre
accordait la préférence. Ainsi on a posé cette question : Le bourgmestre
sera-t-il nommé directement ? Elle a été résolue négativement. Ce n’était pas
un article de loi, mais une question de principe qui devait servir de base à
une disposition. Ensuite on a posé cette autre question ; Le bourgmestre
sera-t-il nommé par le Roi ? Solution affirmative. En troisième lieu, on a
demandé si le bourgmestre serait nommé sur une liste de candidats choisis par
les électeurs. On a répondu négativement.
M. le
président. - D’après le procès-verbal on n’aurait posé que cette
question : Le bourgmestre sera-t-il nommé exclusivement dans le sein du conseil
?
M.
Dubus. - Je n’ai consulté que le Moniteur
où j’ai trouvé qu’avant la question que vient d’énoncer M. le président, on
avait résolu celles que j’ai rappelées, après lesquelles vient celle-ci : Le
bourgmestre sera-t-il nommé exclusivement dans le sein du conseil ? qui a été
résolue affirmativement et par appel nominal. La proposition du ministre était
directement contraire à ce vote.
Je ne lui oppose pas la
question préalable, cependant il est tout aussi vrai qu’elle a été rejetée par
la chambre que celle reproduite par M.
Seron. Le bourgmestre sera-t-il nommé sur une liste de candidats élus
par les électeurs ? Suivant le Moniteur,
cette question aurait été résolue négativement. On aurait aussi résolu négativement
la question de savoir s’il serait nommé sur une liste de trois candidats
présentés par le conseil, et enfin on aurait mis aux voix l’article de la
section centrale, comme celui auquel la priorité était accordée par la chambre
par suite de la solution donnée aux diverses questions posées, et c’est cet
article de la section centrale qui a été admis.
Maintenant
je vous demande si cet article de la section centrale n’avait pas été adopté,
ce qu’aurait fait la chambre, si elle se serait passé d’article. A coup sûr,
non ; on aurait formulé un nouvel article qui se serait trouvé rejeté d’avance
virtuellement par une des solutions de la chambre, mais sur lesquelles on eût
été forcé de revenir, parce qu’aucun article formulé n’avait été mis aux voix.
Remarquez une chose c’est que si l’article de la section centrale avait été
rejeté, la chambre n’était pas liée, même pour le premier vote, par le vote
émis sur de simples questions ; et un article nouveau basé sur ces questions
résolues négativement aurait pu être présenté, car il eût fallu remplacer
l’article de la section centrale par un autre article qui déterminât de quelle
manière serait nommé le bourgmestre.
Je
crois en avoir dit assez pour démontrer que la question préalable ne peut pas
être admise.
M.
Gendebien. - Je ne sais si je dois prolonger encore cette discussion.
Si la chambre était décidée à rejeter la question préalable, je renoncerais à
la parole ; mais si on persistait à vouloir la faire adopter, je croirais de
mon devoir d’ajouter quelques observations à celles qui ont déjà été
présentées.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - J’ai quelque
regret qu’on ait porté la question sur ce terrain, car je crains que la discussion
actuelle n’absorbe plus de temps que la discussion de la question principale.
Toutefois, il est à remarquer que ce débat acquiert un certain degré
d’importance par le système que semble avoir professé un des honorables
préopinants, système d’après lequel tous les articles de la loi communale
pourraient de nouveau être mis en délibération.
Si cette opinion était admise
par la chambre, le premier vote n’aurait eu aucun résultat ; on pourrait
successivement revenir sur tous les articles précédemment adoptés. C’est par
cette dernière considération que je prendrai la liberté de soumettre quelques
observations à la chambre.
En effet, que porte l’art. 45
? Que, lorsque des amendements auront été adoptés ou des articles d’une
proposition rejetés, le vote sur l’ensemble aura lieu dans une autre séance.
Je vous prie de faire
attention à ces mots : « Lorsque des amendement auront été adoptés ou des
articles d’une proposition rejetés. » C’est dans ces deux cas seulement qu’il
y a lieu de remettre le vote sur l’ensemble à un autre jour.
Dans la seconde séance, ajoute
le règlement, seront soumis à une discussion et à un vote définitif les
amendements adoptés et les articles rejetés. Il faut donc, pour qu’il y ait
lieu de remettre à un autre jour le vote définitif, qu’il y ait eu un
amendement adopté ou un article rejeté.
M.
Dumortier, rapporteur. - Et le paragraphe suivant ?
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Nous allons y
arriver. Voyons la fin de l’article : « Il en sera de même des nouveaux
amendements qui seraient motivé sur cette adoption ou ce rejet. Tous amendement
étrangers à ces deux points sont interdits. » Voilà les mots de l’article
: « Les nouveaux amendements qui seront motivés sur cette adoption ou sur
ce rejet. » Qu’est-ce que le gouvernement a proposé ? Il a fait une
proposition complexe. Il a proposé d’autoriser le Roi à choisir le bourgmestre
dans le conseil ou hors du conseil. Voilà la proposition du gouvernement. Elle
se composait de deux parties, la première d’autoriser le Roi à choisir le
bourgmestre dans le sein du conseil, la seconde de l’autoriser à le choisir par
exception en dehors du conseil.
La proposition a été divisée.
Quant à la première partie elle a été définitivement adoptée par la chambre ;
cette proposition primitive du gouvernement n’a subi aucune modification. Le
gouvernement avait proposé d’accorder au Roi la faculté de choisir le
bourgmestre dans le conseil ou hors du conseil. La chambre a décidé, quoi ? Que
le bourgmestre serait choisi dans le sein du conseil. Il n’y a donc pas
d’amendement, quant à la proposition adoptée par la chambre ; il y a rejet
d’une partie de la proposition du gouvernement, de celle d’après laquelle le
Roi eût eu la faculté de choisir le bourgmestre hors du conseil.
Aux termes de l’art. 45, les
nouveaux amendements doivent être motivés uniquement sur ce rejet ; il ne peut
y avoir d’amendement proposé qu’aux amendements adoptés : or, il n’y en a pas
eu, mais il y a eu une proposition ou partie de proposition rejetée ; donc les
amendements doivent se rapporter « à cette partie de proposition rejetée,
à la partie qui concerne le choix du bourgmestre hors du conseil. » On
peut présenter sur ce point tous les amendements qu’on jugera convenable, parce
que cette partie de la proposition du gouvernement a été rejetée par la chambre
et qu’aux termes de la dernière partie de l’article 45 du règlement vous pouvez
discuter de nouveau tous les amendements qui se rapportent à un article rejeté.
Eu adoptant la première partie
de la proposition du gouvernement, vous avez décidé que le bourgmestre serait
pris dans le conseil, et vous avez ainsi irrévocablement décidé qu’il ne serait
pas nommé par l’élection directe, car à cette partie de l’article il n’y a eu
aucun amendement ; la proposition de la section centrale est la même que celle
du gouvernement, et la chambre l’a adoptée. Aux termes de l’art. 45, aucun amendement
quelconque ne pouvant être présenté au second vote s’il ne se rapporte à un
amendement adopté ou à un article rejeté, la chambre doit adopter la question
préalable sur la proposition dont il s’agit, sauf à discuter les amendements
relatif à la seconde partie de la proposition du gouvernement qui a été rejetée
par la chambre.
C’est à
tort qu’on a prétendu que M. le ministre de l’intérieur était en contradiction
avec lui-même. Il a proposé la question préalable sur la proposition de
l’honorable M. Seron, parce qu’elle tend à remettre en question ce qui a été
irrévocablement décidé par la chambre ; c’est-à-dire que l’élection des
bourgmestres ne serait pas directe. Mais une autre partie de l’article du
gouvernement a été rejetée par la chambre, la partie qui conférait au Roi le
pouvoir de choisir le bourgmestre hors du conseil : voilà un rejet sur lequel,
aux termes de la disposition finale de l’article de votre règlement, vous
pouvez proposer tel amendement que vous jugerez convenable.
M.
Gendebien. - Depuis deux heures nous nous traînons sur une question
préalable ; hier encore nous avons perdu notre temps à discuter une question
oiseuse. Nous aurions examiné le fond de la question depuis que nous discutons
le règlement au lieu de nous occuper de la loi communale. Si quelquefois les
ministres nous accusent de faire perdre du temps à la chambre en prolongeant
les discussions, il faut bien qu’ils acceptent le reproche de nous en faire
perdre, car depuis deux heures nous nous traînons sur une question
d’interprétation du règlement, et quelque temps que dure cette discussion
incidente, elle ne jettera aucune lumière sur la question principale qu’il
faudra bien après tout aborder bon gré mal gré, car tout ce qu’on dira sur l’amendement
du ministre amènera des discussions sur le point qu’on veut écarter par la
question préalable. Je tâcherai d’être le plus bref possible. Mais il m’est
indispensable d’aborder la question.
D’après l’art. 45 du
règlement, il est positif que lorsqu’un article a été rejeté, il est remis en
question ; que lorsque des amendements ont été adoptés, ils sont remis en
question au second vote.
Eh bien, ici il y a rejet de
l’article du gouvernement, et il y a adoption antérieure d’un article de la
section centrale. Il s’agit de discuter de nouveau l’un et l’autre. Vous voulez
discuter ces deux points, et vous ne voulez pas qu’on discute les objets qui y
sont accessoires. Lisez l’art. 45 du règlement, non en entier, mais la seconde
partie. « Dans la seconde, seront soumis à une discussion, et à un vote
définitif, les amendements adoptés et les articles rejetés. »
« Il en sera de même des
nouveaux amendements qui seraient motivés sur cette adoption ou ce rejet. Tous
les amendements étrangers à ces deux points sont interdits. » Est-ce que
l’amendement de l’honorable M. Seron est étranger à cela ? Il a fait partie
intégrante de l’article et vous voulez qu’on l’en exclue. Il s’agit de savoir
si l’élection directe, telle qu’elle est posée en principe dans la constitution,
sera maintenue dans la loi communale, ou si vous voulez faire un amendement à
ce principe.
Vous avez
fait au gouvernement cette concession large que la constitution autorise de ne
pas user de l’élection directe pour le chef des communes. Et vous voudriez,
lorsqu’il s’agit de ratifier cette concession, exclure la faculté de discuter
ce point ? J’ai pour moi la règle. Ce n’est donc que par un amendement à ce
principe constitutionnel que vous pouvez obtenir la faculté d’intervenir dans
le mode de nomination des bourgmestres. S’il y a une circonstance où l’article
45 peut trouver son application, certes, c’est ici. Il y a un article rejeté
d’un côté, un amendement adopté de l’autre, circonstances qui suffisent aux
termes du règlement. Il s’agit de faire un amendement à la constitution,
amendement qu’il est permis de faire. L’élection directe, voilà le principe.
Voici l’exception : « sauf les exceptions que la loi peut établir à
l’égard des chefs des administrations communales, etc. » N’est-ce pas
l’intervention la plus large que l’on puisse donner à l’article de la
constitution ?
Le bourgmestre est toujours élu. La question
est de savoir s’il le sera directement ou indirectement. Vous avez accordé au
gouvernement le droit de le nommer mais dans le sein du conseil, et vous ne
pouvez plus revenir là-dessus. En fait de règlement cela me semble évident, et
en supposant même que le gouvernement triomphe, il ne peut repousser
l’amendement de l’honorable M. Seron par la question préalable.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). -
On accuse M. le ministre de l'intérieur de vouloir perdre du temps en
discussion. Son but au contraire est de les abréger. C’est toujours le but de
la question préalable. Maintenant, il s’agit de savoir si elle est conforme au
règlement ou non. Evidemment oui. Pour que l’amendement de l’honorable M. Seron
pût être adopté, il faudrait qu’il n’eût pas été rejeté déjà ; qu’il fût motivé
sur l’adoption d’un amendement ou le rejet d’un article. Or, cet amendement
a-t-il été rejeté ? Cela est incontestable. Deux systèmes étaient en présence
au premier vote, l’élection par le peuple ou par le Roi : la question fut posée
en ces termes : « Le bourgmestre sera-t-il nommé directement par les
électeurs ? » La solution fut négative. Ce système ayant été rejeté, on ne
peut pas y revenir.
Remarquez
bien les termes de l’art 45 du règlement. En règle générale on ne peut remettre
en discussion au second vote qu’un article rejeté, ou un amendement adopté.
Cependant il y a exception lorsqu’un nouvel amendement est motivé sur le rejet
d’un article ou l’adoption d’un amendement. Or l’amendement déposé par M. le
ministre de l'intérieur est dans de cas. En effet, qu’est-ce qui a été décidé
la première fois ? Une partie de l’article du projet du gouvernement a été
adoptée et l’autre rejetée ; il contenait deux dispositions distinctes. L’une
établissait : « Le gouvernement choisit dans le conseil, etc. ; »
l’autre : « Il pourra choisir hors le conseil. »
La chambre a admis la première
proposition et a rejeté la seconde. Maintenant l’amendement de l’honorable M.
Seron est-il motivé sur ce rejet ? Evidemment non. Celui de M. le ministre de
l’intérieur, au contraire, l’est-il ? Evidemment oui. Il admet la proposition
adoptée, mais il motive sur le rejet de l’autre un amendement nouveau. En deux
mots, pour qu’un amendement puisse être soumis à la chambre au second vote, il
faut que ce ne soit pas un amendement rejeté, ou il faut le motiver sur
l’adoption d’un amendement ou le rejet d’un article. Vous ne pourrez jamais
dévier de cette règle, et comme l’amendement de l’honorable M. Seron ne réunit
pas ces conditions, il est impossible de le remettre en discussion sans violer
le règlement.
M.
Dubus. - Je persiste à m’opposer à la question préalable. Toute la
théorie dont M. le ministre de la justice vient d’appuyer son raisonnement, est
en opposition directe avec le règlement. Pour qu’un amendement puisse être
présenté au deuxième vote, on dit qu’il faut ou qu’il n’ait pas été rejeté au
premier, ou qu’il soit motivé sur le rejet d’un article ou l’adoption d’un
autre amendement. Je nie cette proposition. Il n’est, certes, nullement parlé
qu’on ne puisse revenir sur un amendement que lorsqu’il se trouve dans les deux
cas suscités. Il a même été ajouté que lorsque un amendement est rejeté, cela
est irrévocable et qu’on ne peut plus y revenir. Le règlement ne se prononce en
aucune manière à cet égard. L’article 45 ne s’occupe nullement des amendements
rejetés. Il ne pose pas la question de savoir si l’on peut revenir ou non sur
un amendement rejeté.
Le ministre s’est appuyé sur
une fausse base, sur une fausse supposition. Voici ce qui résulte du règlement
: que, dès qu’un article du gouvernement est rejeté ou un amendement adopté au
premier vote, ces article et amendement seront remis en question au deuxième.
Qu’est-ce qu’un article remis en question ? Est-ce simplement un article sur
lequel on peut dire oui on non ? N’a-t-on que l’alternative de l’adoption ou du
rejet de même qu’en Hollande on adoptait ou on rejetait les propositions du
gouvernement ? Non, le règlement est là : dès qu’un article est remis en
question, cela autorise à l’amender ; la porte est ouverte à tous les
amendements. Aucun texte ne dit que les amendements rejetés seront exclus au
second vote. Il y a eu un article du gouvernement rejeté et un amendement de la
section centrale adopté.
Voici quelle était la question
posée : « Les bourgmestres seront-ils pris exclusivement dans le conseil ? »
Par appel nominal, il fut répondu négativement. On a adopté l’amendement de la
section centrale ainsi conçu : « Le Roi nomme les bourgmestres et les
choisit dans le conseil. » La proposition du gouvernement et celle de la
section centrale sont très distinctes. Le gouvernement disait : « Le Roi
nomme et choisit les bourgmestres, » où il voudra, comme l’a fort bien
interprété l’honorable M. Jullien, et la section centrale dit
« exclusivement dans le conseil. » Ce sont donc deux propositions
très différentes. La chambre a rejeté l’une et adopté l’autre, et parce que ce
point est remis en question, s’ensuit-il que cette question doive être une
simple alternative ?
Nous pouvons faire autrement,
la chambre peut les rejeter toutes deux ; mais alors, nous pouvons mettre à la
place ce qui nous conviendra. Est-il vrai que, d’après le règlement, on ne
puisse rien leur substituer ? Evidemment si : tout ce qu’il plaira à la
chambre. La question, quelle est-elle ? Le mode de nomination du bourgmestre ;
il est au pouvoir de l’assemblée d’admettre toutes les propositions à ce sujet.
On a supposé naturel, lorsqu’on a exigé deux votes, que l’opinion de
l’assemblée pouvait se modifier, qu’elle pouvait prendre de nouveaux partis.
Pourquoi alors mettre des entraves à cette faculté ? Ne pouvons-nous nous
mouvoir que dans un même cercle ? A coup sûr, l’opinion de l’assemblée aurait
pu se modifier de manière à se rapprocher du projet du gouvernement, mais rien
n’empêchait non plus qu’elle s’en fût écartée davantage, comme l’a fait la
section centrale. On doit laisser à la chambre toute latitude.
Dans le
deuxième vote l’article rejeté ou l’amendement adopté sont remis en question,
et j’attache à ce dernier point la conséquence que tous les amendements qui ont
pour but de résoudre la question en un sens quelconque ont le droit d’être
discutés. La chambre n’apporte pas de limites au mode dont elle résout la
question. De cette manière il me paraît que l’art. 45 est entendu dans un sens
très raisonnable et il me semble surtout que l’assemblée ne doit pas se donner
des entraves à elle-même, et qu’elle ne doit pas admettre que lorsqu’une
question est renouvelée, elle ne pourra adopter que telle ou telle résolution,
ou une absence absolue de résolution.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - J’invite la chambre à bien peser
les conséquences du vote qu’elle va prononcer. Vous allez décider, messieurs,
si les milliers d’amendements de la loi communale pourront tous être remis aux
voix. Il y a des entraves très salutaires posées dans le règlement pour écarter
les discussions inutiles, et auxquelles il est prudent de se conformer. Je
reviens à la question ; l’honorable préopinant s’est plus arrêté à mes
expressions qu’à ma pensée. Le règlement dit qu’au deuxième vote il n’y aura de
soumis à discussion nouvelle que les amendements adoptés. Quelle conséquence
ai-je tirée ? Que les amendements rejetés ne pourront pas l’être. Or, cette
conséquence est évidemment en harmonie avec le texte du règlement et l’esprit
qui a présidé à sa confection ; la chose est trop claire pour que j’insiste
davantage.
Un
amendement rejeté pourrait tout au plus être discuté au second vote, quand il
est motivé sur l’adoption d’un autre amendement ou le rejet d’un article. Or,
le système de l’élection directe du bourgmestre par le peuple a été rejeté, et
la reproduction de ce système ne peut se fonder sur l’adoption d’un système
absolument contraire. Dans le système de la nomination par le Roi il y avait
deux propositions : une a été adoptée, l’autre rejetée. L’amendement proposé
par l’honorable M. Seron est-il motivé sur la partie adoptée de l’article ou
sur la partie rejetée ? Son amendement n’appartient ni à la première partie, ni
à la deuxième ; en deux mots deux raisons s’opposent à ce que cet amendement
soit remis en discussion : la première, que cet amendement a déjà été rejeté ;
la seconde, c’est qu’il ne se fonde pas sur l’adoption d’un autre amendement,
ni sur le rejet d’un article primitif.
M. Dumortier, rapporteur. - Je trouve vraiment
fort étrange qu’on veuille faire décider aujourd’hui à la chambre précisément
le contraire de ce qu’elle a décidé hier : hier l’honorable M. Seron a proposé
un amendement à l’article 4, tendant à rendre éligibles tous les citoyens. Cet
amendement avait été proposé au premier vote par l’honorable M. d’Hoffschmidt,
et rejeté, si j’ai bonne mémoire, par appel nominal. On a demandé la question
préalable, et vous avez eu la sagesse de la repousser. L’honorable M.
Dellafaille la demanda, et la chambre vota le contraire. Nous sommes dans une
position identiquement pareille ; ainsi M. le ministre voudrait mettre la
chambre en contradiction avec elle-même. Au reste, j’ajouterai encore une
observation.
Il y a
pour la discussion actuelle une décision toute spéciale prise par la chambre.
Dans le procès-verbal du 8 janvier, sur la demande du ministre il a été décidé
que les articles de la section centrale auxquels le ministre adhérerait ne
seraient pas considérés comme amendements et que les articles auxquels il
n’adhérerait pas pourraient être mis de nouveau en délibération. Cette décision
est claire comme le jour, et la chambre ne peut revenir sur son jugement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Le préopinant a invoqué une décision prise hier ; mais elle portait sur un
objet différent de celui qui est le sujet du débat actuel. Hier, en effet, je
disais qu’il ne fallait pas appliquer la question préalable parce que la
proposition de M. Seron était fondée sur un article adopté, tandis que la
proposition faite est fondée sur un article qui n’a pas été adopté. Si l’on
pouvait agir comme on le propose, on s’exposerait à remettre toute la loi en
délibération. Il faut adopter la question préalable.
M.
Devaux. - Je crois, messieurs, que cette discussion, quelque longue
qu’elle soit, sera une véritable économie de temps. Il s’agit d’une question
très importante ; il s’agit de savoir si vous voulez avoir une loi communale
dans cette session. Si vous n’interprétez pas le règlement d’une manière
sévère, vous mettrez à la seconde délibération dix fois le temps que vous devez
y mettre. Ecoutez M. Dubus, il faudra remettre en discussion non seulement les
articles amendés, mais même les articles non amendés, pourvu que l’on trouve
quelques rapports entre ces articles et ceux qui ont été amendés. Il ne serait
pas difficile par ce moyen de remettre en discussion les 150 articles de la
loi, sous le prétexte, par exemple, que le dernier article se rapporte à tous ceux
qui le précèdent.
On part toujours d’une fausse
idée relativement au second vote. On paraît croire que ce second vote est une
révision complète de la loi ; cela n’est pas vrai ; vous auriez adopté les
dispositions les plus importantes, des dispositions inconstitutionnelles même,
eh bien, s’il n’y a pas eu d’amendement, vous ne pourrez pas y revenir.
Pourquoi le second vote est-il institué ? Parce que le règlement a supposé que
dans l’adoption des amendements, il pourrait y avoir eu légèreté, précipitation,
ou défaut de réflexions : or, de quoi nous occupons-nous ici ? Dans le projet
de loi il y a une disposition par laquelle la nomination des bourgmestres est
donnée au Roi ; la section centrale a admis ce principe ; cette question a été
décidée en toute maturité par la chambre, puisqu’elle était posée depuis la
présentation même du projet de loi ; il n’y a donc pas lieu à appliquer le
règlement ; car il n’y a pas eu de surprise ici, et il ne pouvait y en avoir.
Une
autre question était soumise à la chambre : Le bourgmestre peut-il être pris en
dehors du conseil ? Sur cette question il y a eu changement, et le changement
peut n’avoir pas été suffisamment examiné ; on peut le remettre aux voix. Si
l’article n’avait pas été amendé, il ne serait pas sujet à discussion. Mais
remarquez que, relativement à la nomination des bourgmestres, vous n’avez
amendé que la question accessoire et non la question principale ; vous n’avez
amendé que la question de savoir si le bourgmestre peut être pris en dehors du
conseil. Ce qui fait l’objet actuel du débat, est une chose fort importante
comme antécédent parlementaire : si vous ne mettez pas d’entraves à ce penchant
que l’on a de revenir sur des décisions prises, vous aurez des discussions
interminables, et je ne sais pas comment vous parviendrez à faire cette loi.
M.
de Robaulx. - Comme auteur de la proposition vous me permettrez de
répondre aux deux orateurs qui viennent de vous dire la même chose, MM. Ernst
et Devaux. Ils prétendent que le règlement est fait pour mettre des entraves
salutaires contre la longueur de nos discussions. Je savais ce que l’on
entendait par rigueurs salutaires dans le sens des doctrinaires ; mais je ne
connaissais pas encore ce que c’était que des entraves salutaires pour étouffer
toute liberté. Vous voulez des entraves pour le second vote. Est-ce afin de
donner au gouvernement le moyen de rappeler dans toutes les administrations ses
acolytes ? Est-ce afin d’empêcher que toute pensée patriotique ne puisse se
produire ? Que les rhéteurs, les idéologues, les avocats, les professeurs, les
pédants, veuillent soutenir que ce qui est blanc est noir, cela n’enlèvera pas
aux faits leurs caractères propres.
On a rejeté la proposition par
laquelle on voulait donner au gouvernement la nomination des bourgmestres en
dehors du conseil comme en dedans ; les sophismes des avocats n’empêcheront pas
l’existence de ce fait. La section centrale, revenant à des idées plus
libérales, a fait une autre proposition que celle du gouvernement ; on a admis
son principe : eh bien, moi, je viens aujourd’hui réclamer l’application
complète de ce principe libéral.
L’honorable M. Devaux soutient que la sévérité du règlement est telle que,
si vous aviez admis une disposition inconstitutionnelle, vous devriez la
respecter, vous ne pourriez l’effacer. Je sais que, dans un pays de chicane, la
basse Normandie, il est un adage reçu : « La forme emporte le fond ; »
mais je ne croyais pas qu’on pût vouloir faire usage de cet adage dans une
assemblée législative. Quoi ! vous auriez adopté une disposition
inconstitutionnelle et vous seriez liés par un misérable règlement ? Vous ne
pouvez admettre de pareils sophismes ; ils ne peuvent faire fortune ici ; je
l’espère pour de votre intelligence. On a rejeté le système du gouvernement ;
On a admis le système de l’élection indirecte ; je propose un amendement sur le
principe de l’élection ; vous le mettrez aux voix. La loi communale est là tout entière, (Aux voix ! aux voix ! la clôture ! la
clôture !)
M. Dubus. - Je demande la parole contre la
clôture. Je voudrais que la chambre me permît de répondre à M. Devaux et
d’ajouter quelques explications à ce qui a été dit.
M. Desmanet de Biesme. - Je demande la
parole pour un rappel au règlement. Dans une discussion aussi fatigante par sa
longueur, je crois que l’on doit suivre strictement le règlement et empêcher
les orateurs de parler plus de deux fois sur la même question.
M. de Foere. - Je demanderai la permission de
présenter quelques observations qui jusqu’ici ont été oubliées.
M.
Dumortier, rapporteur. - Messieurs, on ne peut pas voter légèrement sur
une proposition qui après tout n’est qu’une fin de non-recevoir. J’ai des
observations à vous présenter ; et il me sera facile de démontrer que la
proposition du ministre est contraire à nos usages. (La clôture ! la clôture !)
M.
Gendebien. - Veuillez-vous rappeler que l’honorable M. Dubus a mis
toute la chambre en demeure de soutenir ou de rejeter la proposition du
ministre ; il a demandé à plusieurs reprises si quelqu’un voulait appuyer la
question préalable ; personne n’a répondu ; c’est à la fin de la séance qu’on essaie
de le réfuter ; pouvez-vous prétendre qu’il n’a pas la permission de vous
montrer qu’on a altéré le sens de ses paroles ? Au reste il peut prendre la
parole pour un fait personnel, puisque son nom a été cité. Si on prononce la
clôture je l’invite à parler en effet pour un fait personnel.
- La clôture de la discussion
est mise aux voix et adoptée.
On procède à l’appel nominal
pour le vote sur la question préalable.
73 membres sont présents.
50 votent l’adoption de la
question préalable.
23 votent le rejet.
La question préalable est
adoptée.
Ont voté pour : MM. MM. Verrue, Berger, Coghen,
Coppieters, Corbisier, Cornet de Grez, Dautrebande, Davignon, de Behr, de
Brouckere, de Laminne, A. Dellafaille, H. Dellafaille, de Longrée, de Man
d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, Deschamps, de Sécus,
Desmaisières, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, d’Hane,
d’Huart, Dubois, Duvivier, Ernst, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Morel-Danheel,
Olislagers, Polfvliet, Pollénus, Raikem, A. Rodenbach, Rogier, Schaetzen,
Simons, Smits, Bosquet, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen, Wallaert,
Watlet, Zoude.
Ont voté contre : MM. de
Foere, de Meer De Moorsel, de Renesse, de Robaulx, Desmanet de Biesme, Desmet,
Doignon, Donny, Dubus, Dumont, Dumortier, Gendebien, Helias d’Huddeghem, Jadot,
Pirson, Troye, Rouppe, Seron, Trentesaux, Vergauwen, L. Vuylsteke, Fallon.
M.
Gendebien. - Je demande que mon vote négatif soit inséré au
procès-verbal.
M.
Dumortier, rapporteur. - J’ai dit que si la chambre adoptait la
question préalable sur la proposition de M. de Robaulx, je demanderais aussi la
question préalable sur la proposition du ministre.
M.
Gendebien. - Le ministre des affaires étrangères a dit : « Il est
irrévocablement décidé que le bourgmestre sera nommé dans le conseil
communal. » Eh bien, pouvez-vous mettre aux voix un amendement contraire à
cette déclaration ? Vous connaissez cet amendement : « Néanmoins il peut,
pour des motifs graves, les nommer parmi les éligibles qui ne font pas partie
du conseil. » L’expérience nous a appris la valeur de ces mots : « des
motifs graves. » Est-ce que l’on voudrait en revenir à l’astuce du gouvernement
hollandais qui posait d’abord les principes de la liberté la plus étendue, et
qui ensuite établissait des exceptions pour la détruire ?
Dans la loi vous n’exigez pas
que le gouvernement fasse connaître les motifs graves ; c’est alors comme si
vous disiez : « Le bourgmestre sera pris en dehors du conseil toutes les
fois qu’il plaira au Roi d’en agir ainsi. »
Comment
pourra-t-on concilier la déclaration du ministre des affaires étrangères avec
la proposition du ministre de l’intérieur ? Comment pourra-t-on admettre cette
proposition après la décision que vous avez prise ? Quel rapport y a-t-il entre
cette proposition et celle qui a été adoptée dans la première délibération ?
Voulez-vous donc vous abandonner au bon plaisir du gouvernement pour la
nomination des bourgmestres ? Voulez-vous rentrer dans le texte du règlement de
1824 qui parlait aussi de circonstances graves ? Sous le gouvernement de
Guillaume, il y avait un reste de pudeur. Quand les bourgmestres étaient
nommés, ils étaient irrévocables, tandis que notre gouvernement se réserve le
droit de les révoquer.
Messieurs, faites des lois de
cette manière tant que vous voudrez ; pour moi, je ne donnerai pas les mains à
de pareilles déceptions, et je proteste hautement contre la proposition du
ministre de l’intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Le projet du gouvernement contient deux parties distinctes : la première a
été adoptée par la chambre ; elle est irrévocable ; quant à la seconde, elle a
été rejetée et remplacée par un amendement. Que prescrit votre règlement ? «
Seront soumis à un second vote les articles rejetés. » Or, la moitié de
l’article
J’abuserais de vos moments si
j’entrais dans de plus longs développements.
M. Dumortier, rapporteur. - Comme je ne veux
pas que la chambre se déjuge à chaque instant, je crois que pour son honneur je
dois retirer la demande que j’ai faite de la question préalable sur la proposition
ministérielle.
M. le
président. - Il vient d’être déposé sur le bureau un amendement ainsi
conçu :
« Nous proposons d’ajouter à
l’art. 6 les mots suivants :
« Sur une liste de trois
candidats présentés par ce corps. »
M.
de Robaulx. - Les développements que je donnerai à la proposition que
l’honorable M. Seron et moi avons l’honneur de faire ne seront pas très longs.
Vous avez admis un amendement portant que « le Roi nomme le bourgmestre,
et le choisit dans le sein du conseil. » Je demande que l’on complète
cette disposition en ajoutant que le choix du Roi aura lieu sur une liste de
trois candidats présentés par le conseil communal.
J’espère
que cette proposition ne sera pas écartée par la question préalable, à moins
que vous ne veuillez adopter tout le projet par la question préalable.
Mon intention est de
restreindre le choix du Roi, parce que le choix du Roi c’est le choix des
employés du ministre, le choix des commissaires de district qui n’ont pas
toujours ma confiance, des buralistes du ministère et du ministre lui-même qui
ne l’a pas non plus. (On rit.)
Je préfère que le choix se
porte sur des hommes reconnus pour être capables, et avoir la confiance de la
commune, par une délibération du conseil de régence. Le conseil communal est
assurément bien mieux à même de connaître celui qui est capable d’être
bourgmestre que ne le serait le ministre sur le rapport d’un commissaire de
district.
M.
Dechamps. - Messieurs, je n’ai pas l’intention, à propos du second
vote, de rentrer dans le fond de la première controverse et de vous en offrir
une simple contrefaçon. Dans mon opinion, messieurs, le premier vote d’une loi
est principalement destiné à l’examen partiel de chacun des articles pris
séparément ; mais comme il résulte souvent de cette manière de délibérer que la
chambre oublie de concilier entre eux ces articles qu’elle avait envisagés
isolément, le second vote doit surtout avoir pour effet de corriger ces anomalies,
et d’encadrer dans une synthèse générale les articles éparpillés par l’analyse
du premier vote. Souvenez-vous, messieurs, comment nous entamons d’ordinaire la
discussion d’une loi : le gouvernement qui nous la présente l’a élaborée
naturellement d’après un système. Nous arrivons, nous, dans cette assemblée,
chacun avec un principe plus ou moins différent ; nous tâchons, au moyen des
amendements, d’arracher quelques lambeaux d’articles au profit de notre opinion
particulière ; aujourd’hui un parti triomphe, le lendemain ses adversaires ont
leur revanche ; de manière que nos lois ne ressemblent pas mal à ces grands
criminels condamnés à être tirés en pièces par quatre chevaux. Vous comprenez,
messieurs, combien ce mode de délibération est vicieux ; mais, puisqu’il
existe, tâchons d’y remédier selon notre pouvoir, et nous y parviendrions,
selon moi, à certain degré, en prenant pour but principal du second vote celui
de rétablir l’harmonie, autant que faire se peut, entre les diverses parties de
la loi.
Aussi, messieurs, mon
intention est-elle la question qui nous est soumise, non plus isolée et en
elle-même mais surtout dans ses rapports avec quelques-uns des principes
fondamentaux de la loi communale qui ont avec elle une étroite connexité. Je
pense que cette manière d’envisager la discussion la mettra bien mieux en
lumière.
Messieurs, les questions de
nominations, celles relatives aux attributions, et celles qui ont rapport au
pouvoir répressif à accorder au gouvernement, sont entre elles dans une corrélation
si intime qu’il est impossible de voter sans y comprendre toutes les autres
dans son esprit. Le vote que vous allez émettre sur la nomination du
bourgmestre en entraînera une suite d’autres qui forment une chaîne avec lui,
et cela selon le principe que vous aurez adopté aujourd’hui.
Les partisans du système de la
nomination du bourgmestre par le Roi, en dehors du conseil n’ayant échoué au
premier vote qu’en présence d’une faible majorité et devant se promettre
aujourd’hui leur revanche, je crois nécessaire, messieurs, de m’appesantir un
peu sur les principes fondamentaux qu’ils ont émis à cette occasion, et de vous
montrer à quelles conséquences nous serions conduits, dans la suite de la
discussion de la loi, si nous admettions les prémisses qu’ils ont posées.
En relisant attentivement le Moniteur, je me suis aperçu que deux
systèmes bien distincts avaient partagé les membres de la minorité qui ne
voulaient pas que l’élection préalable dût précéder le choix du gouvernement.
Ces deux systèmes sont ceux qui ont été défendus, l’un par M. Devaux et l’autre
par M. Ernst.
Voici le principe auquel M.
Devaux subordonne non seulement l’article que nous discutons, mais tout
l’ensemble de la loi ; je vais citer ses paroles
« Le vrai système
représentatif est celui au moyen duquel, par certaines combinaisons les mieux
appropriées au pays, on parvient à avoir une représentation nationale,
provinciale ou communale, non pas pour agir, pour administrer, mais pour
contrôler ceux qui administrent. Un système représentatif, qui fait élire les
administrateurs, est à mon avis un chose absurde.
« Le véritable système
représentatif est celui où le pays a des organes libres et légaux qui viennent
contrôler le pouvoir. »
Vous voyez, messieurs, que
dans cette opinion le rôle des corps élus représentant la commune, la province
et la nation, se borne à contrôler le pouvoir central qui seul règle et
administre les affaires de la nation et le ménage de la province et de la
commune. C’est là non seulement modifier ce qui existe dans nos habitudes et
dans nos mœurs, mais contredire positivement la constitution qui attribue
l’action et l’administration à la commune, et le contrôle seulement au
gouvernement, en ne lui conférant que le droit d’approbation de certains actes.
Ce système tout impérial et
dont le résultat, si on le généralisait, serait de n’accorder aux chambres
qu’un contrôle, qu’un simple veto sur les lois qu’elles ne discuteraient plus ;
ce système, si la chambre l’adoptait à l’égard de la nomination du bourgmestre,
savez-vous où il nous mènerait, si nous voulons établir une concordance logique
dans la loi ? Non seulement nous serions forcés d’attribuer exclusivement au
Roi la nomination des échevins, des secrétaires, des receveurs, des
commissaires de police, des gardes-champêtres et de tous ceux qui participent à
l’administration communale, puisque c’est le pouvoir qui administre et qui
agit, selon l’honorable M. Devaux, mais les attributions que nous avons
conférées au conseil devraient être totalement modifiées, de manière à ce que
son action soit restreinte à un simple contrôle.
Voyez, messieurs, si vous
voulez poser un principe qui entraîne de telles conséquences.
Le second des systèmes dont
j’ai parlé et qui a été présenté par M. Ernst, revient à ceci :
« Le bourgmestre ne serait
plus le chef de l’administration communale que d’une manière accessoire ; il ne
tiendrait plus à cette administration que par de très faibles liens lorsqu’il
n’aurait que voix consultative, et les véritables agents, les magistrats de la
commune, seraient les échevins.
« Quel est l’agent chargé
de l’exécution des lois dans la commune et des mesures d’administration
publique, se demande l’honorable député de Liège ? Quel est celui qui y
représente l’intérêt général ? le bourgmestre. Or, l’homme du gouvernement doit
être librement choisi par lui.
« Les échevins, dans mon
opinion, poursuit ce député, ne seront pas nommés par le Roi. Ce système
concilie tous les intérêts ; il donne satisfaction au gouvernement, et il
charge les échevins qui sont les magistrats de la commune, les véritables
agents de la commune, de tout ce qui a trait aux intérêts communaux. »
Vous voyez, messieurs, que si
ce système opère une séparation un peu moins tranchée entre l’intérêt général
et l’intérêt municipal que celui qu’avait établi la constitution de l’an III,
il n’en demeure pas moins vrai qu’il a beaucoup d’analogie avec ce dernier. Si
le bourgmestre, dans le système de député de Liége, n’est pas complètement un
commissaire du pouvoir exécutif, on m’avouera que peu s’en faut qu’il ne le
soit.
Les inconvénients de ce
principe dont
Le système adopté par la chambre,
au premier vote, obtient bien mieux l’union qu’on désire effectuer entre la
commune et l’Etat, puisque le bourgmestre, homme de confiance de tous les deux,
forme l’anneau où ils viennent s’unir.
Mais, à part ces observations,
messieurs, l’adoption du système émis par M. Ernst, et qui consiste à laisser
au Roi le choix du bourgmestre, en attribuant à la commune celui des échevins,
cette adoption nous conduirait à bouleverser complètement ce que la chambre a
décidé par rapport aux attributions.
En premier lieu nous ne
pourrions plus admettre logiquement le pouvoir collectif que nous avons établi
sous la dénomination de collège des bourgmestre et échevins, et nous devrions
éloigner plus ou moins complètement le bourgmestre, homme du gouvernement, de
ce qui ne serait plus que le collège échevinal. Mais en supposant même que nous
puissions laisser ce qui existe à cet égard, encore est-il que les attributions
que nous avons conférées au collège des bourgmestre et échevins devraient être
profondément modifiées ? Nous avons non seulement toujours considéré dans ses
attributions le bourgmestre comme agent de la commune à l’égal des échevins,
mais nous lui avons encore donné en certains cas une voix prépondérante ; et
quoi que nous décidions dans la loi à cet égard, nous ne saurions jamais
détruire ce fait enraciné dans nos mœurs, que le bourgmestre est le premier
magistrat, le principal agent de la communauté. Vous concevez, messieurs, que
tout cela ne peut s’encadrer avec le principe dont l’honorable député de Liége
a étayé son vote.
En me résumant, messieurs,
puisque les deux systèmes dont j’ai parlé sont les seuls qu’on ait formulés et
qu’on ait pu formuler pour appuyer la nomination exclusive du bourgmestre par
le Roi, et puisqu’aucun de ces systèmes ne peut s’harmoniser avec l’ensemble de
la loi tel que la chambre l’a dessiné, il me paraît clair, messieurs, que la
majorité doit maintenir son premier vote par lequel l’Etat et la commune
participent au choix de celui dont les attributions dérivent et de l’un et de
l’autre.
Maintenant, messieurs, en
n’envisageant le système du double mandat que la chambre a déjà adopté une
première fois, en ne l’envisageant que dans ses rapports et dans sa corrélation
avec le reste des articles, comme je l’ai fait à l’égard des deux systèmes que
j’ai combattus, il me paraît que lui seul s’harmonise avec les autres
dispositions fondamentales de la loi. Examinez les attributions conférées au
bourgmestre, considéré soit seul soit dans ses rapports avec les échevins et le
conseil, et vous serez convaincus que partout le bourgmestre agit et administre
tour à tour comme délégué du gouvernement et comme mandataire de la commune.
Vous serez convaincus que toujours le principe du double mandat a été
sous-entendu et supposé. Si nous décidions aujourd’hui que le choix du Roi pût
se faire hors du conseil, nous ferions jurer ensemble les deux titres de la loi
; nous les placerions dos à dos, de manière à ce qu’ils ne pussent jamais se
donner la main et former entre eux un système unitaire ; et cependant
messieurs, ce sont les attributions qui doivent déterminer nécessairement notre
vote dans les questions de nominations.
Mais, va-t-on me dire, ce
choix limité que vous accordez au gouvernement, croyez-vous qu’il suffira pour
empêcher la commune de s’isoler trop de l’action du pouvoir central ?
Voulez-vous donc relâcher les liens nationaux en donnant trop de prépondérance
à une démocratie communale ?
Messieurs, je suis tout aussi
éloigné d’une décentralisation fédérative que d’une centralisation
administrative, et je n’appuie le système que je défends que parce qu’il se
trouve placé à une égale distance de ces deux exagérations. Mais j’avoue que,
si nous bornions à cette part de nomination l’influence de l’Etat dans la
commune, si nous ne laissions pas dans les mains du gouvernement d’autres
moyens nécessaires pour empêcher les abus et réprimer les usurpations, nous
aurions certainement peu tenu compte de l’unité nationale.
La question est de savoir de
quelle manière nous devons dessiner l’action respective de l’Etat et de la
commune ; la question est de savoir si l’influence du gouvernement doit tomber
sur les nominations : or, comme mes idées à cet égard diffèrent probablement
avec plusieurs qui partageront mon vote dans la question que nous discutons, et
comme ce vote est lié étroitement dans mon esprit aux articles relatifs au
pouvoir répressif à accorder au gouvernement, la chambre me permettra de lui
exposer en peu de mots comment j’ai conçu l’action du pouvoir central sur la
commune ; puis elle jugera si les moyens d’ordre et d’unité que je présente ne
sont pas aussi puissants et plus rationnels que ceux que M. le ministre veut
obtenir. Messieurs, en examinant attentivement la position et la véritable
nature du gouvernement et de la famille municipale, n’est-il pas vrai qu’il
ressort de cette nature même qu’à la communale appartient la manutention de ses
propres affaires, et des détails de son ménage, tandis que le rôle du pouvoir
central sous ce rapport doit être la surveillance et la répression ? Cette
définition est tellement élémentaire qu’il est impossible de la dénier.
Eh bien, en jetant un coup
d’œil sur l’ensemble de la loi communale, on voit se dessiner d’un côté, dans
le cercle des intérêts locaux, les questions de nominations et d’attributions,
et de l’autre, dans la sphère du pouvoir, les droits répressifs d’annulation,
de révocation et de dissolution.
Il demeure dès lors évident
que l’action du gouvernement doit se concentrer plutôt dans les moyens
répressifs, et l’action de la commune dans les nominations et les attributions.
Pour moi, messieurs, si je ne voulais laisser à l’Etat, dans les nominations
des bourgmestres et des échevins, que la part qui lui revient dans le choix du
bourgmestre en considération du double mandat, je lui accorderais volontiers et
sans défiance les moyens répressifs qui lui sont nécessaires pour empêcher les
collisions et pour réprimer les abus.
Ces moyens répressifs sont de
deux sortes : les uns tombent sur les actes, et ce sont les droits d’annulation
et de coercition mentionnés aux articles 84 et 85 de la section centrale. Les
autres tombent sur les personnes, et ce sont la suspension, la révocation et la
dissolution.
Une régence ou un conseil
sort-il du cercle de ses attributions ou blesse-t-il les lois ? Le Roi annule
ses actes. Refuse-t-il de remplir ses obligations et oppose-t-il l’inertie aux
ordres légaux ?, L’art. 85 donne au gouvernement les moyens coercitifs pour l’y
contraindre. Mais il peut arriver qu’un bourgmestre se rende indigne de la confiance
du gouvernement et de la commune par des vexations, par tous ces moyens
despotiques et injustes que sa position lui offre et qui ne rentrent pas dans
cette espèce d’actes spécifiés dans la loi et que le gouvernement peut annuler.
Je connais des communes qui attendent avec impatience une nouvelle élection
pour se délivrer de leurs bourgmestres dont la conduite a jeté le trouble et la
zizanie dans leur sein.
On conçoit que dans ces cas
rares le gouvernement a le moyen d’atteindre la personne puisqu’il ne peut
atteindre ses actes, et de là le droit de révocation. Mais vous sentez aussi
que ce droit nécessaire pourrait devenir dangereux dans des mains despotiques,
et il faut l’entourer des garanties qui en empêchent l’abus.
Mais, au lieu du bourgmestre
dont la conduite arbitraire cause le trouble dans une commune, il peut arriver
que ce soit le conseil entier ; il peut arriver qu’une minorité factieuse
parvienne à triompher dans l’élection par l’intrigue, et se serve aussi de sa
position pour tracasser et opprimer la majorité des habitants qui regrettent de
voir le jour d’une nouvelle élection si éloigné, afin de faire justice de ce
conseil usurpateur. Vous le savez, messieurs, ces cas sont malheureusement trop
peu rares ; et si le gouvernement n’avait pas le droit de dissolution, ne vous
paraît-il pas que les moyens répressifs seraient incomplets ? Il est bien
entendu que je sous-entends toujours les garanties à établir dans la loi pour
empêcher l’abus de ce droit.
Pour moi, messieurs, si la
chambre se montre généreuse à l’égard de la commune dans les questions de
nominations et d’attributions, je ne craindrais pas d’accorder même au Roi le
droit de dissolution circonscrit dans de sages limites.
Je vois, pour ma part, bien
moins de dangers dans la prérogative de dissolution que dans le droit de
révocation, parce que le gouvernement est le plus intéressé à renouveler le
moins souvent possible la fermentation causée par les élections, et qu’en
dernière analyse ce n’est qu’un appel au peuple qui prononce définitivement.
Par ce système, messieurs,
nous donnerions au gouvernement tous les moyens qui lui sont nécessaires, sans
qu’il puisse en abuser, pour maintenir l’unité législative et pour empêcher
toute espèce d’abus, et nous aurions ainsi le droit d’exiger une plus grande part
de liberté pour la commune
Si cependant, messieurs, la
chambre venait à accorder au gouvernement le choix du bourgmestre hors du
conseil et si la commune n’avait pas le choix exclusif des échevins, alors
toute l’économie de mon système étant brisée, je serais obligé de restreindre
plus que je n’aurais voulu les droits répressifs, puisque le droit de
nomination conféré à l’Etat serait, dans mon opinion, trop étendu. Je prie
l’assemblée de bien peser l’organisme que je viens de lui soumettre, et je suis
persuadé que bien des amis de l’ordre ne craindront plus d’accorder plus de
liberté à la commune dans les nominations, dans la pensée d’équilibrer cette
liberté en laissant plus de moyens de répression dans les mains du pouvoir
central.
- La séance est levée à
4heures 3/4.