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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du jeudi 29 janvier 1835
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2) Proposition
de loi portant organisation de la cour des comptes. Développement des motifs et
prise en considération (Dumortier, de Robaulx, Desmanet de Biesme,
Gendebien, Duvivier, de Robaulx)
3)
Proposition de loi tendant à modifier les tarifs douaniers sur les tissus en
coton. Développement des motifs et prise en considération (Desmaisières, Fleussu, H. Dellafaille, Desmet, de Roo, Dumortier, Fleussu, de Brouckere, Duvivier, H. Dellafaille, Zoude, Desmaisières, de Robaulx, Dumortier, Rogier, de Theux, C.
Vilain XIIII, H. Dellafaille, Duvivier, Davignon, Dumortier, Fleussu, de Theux, d’Hoffschmidt, Duvivier, Gendebien, Desmanet de Biesme, Fleussu, Rogier, Dumortier, H. Dellafaille)
4) Projet
de loi portant le budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1835.
Discussion des articles.
a)
Rapport de la section centrale sur les amendements portant sur les indemnités
aux victimes de l’agression hollandaise, aux travaux sur les rives de la Meuse
et au service des mines (H. Dellafaille)
b) Lettres,
arts et sciences. Construction d’un palais des arts, des sciences et de l’industrie
(C. Rodenbach, de Theux),
exposition des produits des beaux-arts, achats de tableaux, subsides aux
académies… (Verdussen, de Theux,
H. Dellafaille, Coghen), (localisation
de la gare de Bruxelles (Coghen, Gendebien)),
Dumortier, de Foere, H. Dellafaille, Rogier, Dumortier), bibliothèque des ducs de Bourgogne (Gendebien, H. Dellafaille, Coghen, Dumortier, de Theux, Gendebien)
(Moniteur belge n°30, du 30 janvier 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M.
de Renesse procède à l’appel nominal.
La séance est ouverte à
une heure.
M.
Brixhe donne lecture du procès-verbal de la
séance précédente. Il est adopté.
M.
de Renesse fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.
PIECES ADRESSEES A
«« Les habitants de grand
nombre de communes du Luxembourg adressent des observations eu faveur du projet
de loi proposé par M. de Puydt relatif à la construction de routes et demandent
la reprise des travaux du canal de Meuse et Moselle. »
_______________
« La régence de la ville
de Dinant demande que le personnel du tribunal de première instance qui siège
dans cette ville soit augmenté. »
_______________
« Le sieur
Alexandre, licencié en philosophie et lettres, adresse des observations sur la
manière dont sont répartis dans la province du Luxembourg les fonds alloués par
l’Etat pour les athénées et collèges. »
« Plusieurs
officiers volontaires des premier et deuxième bataillons des gardes civiques de
M.
de Puydt. - J’ai déposé sur le bureau une pétition adressée à la
chambre par les principales communes du grand-duché de Luxembourg ; elles ont
pour objet de réclamer l’exécution des routes et canaux projetés dans ces
contrées ; comme leur demande est importante, je proposerai d’en faire le
renvoi à la commission des travaux publics, et au ministre de l’intérieur en
même temps.
M. Desmanet de Biesme. - Je regrette
que M. le ministre de l’intérieur ne soit pas présent : je lui aurais rappelé
que l’année dernière des interpellations lui ont été faites par différents
membres relativement à la non-exécution des travaux de canalisation du grand-duché
de Luxembourg. Il nous avait promis des renseignements à cet égard ; mais on ne
nous en a pas donné. Cependant il serait important de savoir si l’on pourrait
prononcer la déchéance de la compagnie cessionnaire qui n’exécute pas les
travaux qu’elle a entrepris.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je puis donner les renseignements réclamés par l’honorable préopinant. J’ai
examiné très attentivement le contrat pour la canalisation dont il s’agit ;
j’ai fait cet examen conjointement avec plusieurs jurisconsultes, et je dois
déclarer que dans mon opinion il n’y a pas lieu à prendre des mesures contre la
société parce qu’aux termes de l’engagement on ne peut pas la contraindre dans
l’état actuel des choses. Mais il restera à examiner ultérieurement de quelle
manière on pourra pourvoir à l’exécution du canal.
M. d'Hoffschmidt.
- On prétend qu’il n’y a pas lieu à prendre des mesures coercitives envers la
société du Luxembourg ; soit, mais l’important ce serait d’obtenir l’achèvement
des travaux ; or, c’est ce qui aurait lieu si le gouvernement consentait à
faire un prêt à cette société. Elle a déjà exécuté des travaux pour des sommes
considérables, pour des millions, et par là elle présente des garanties
suffisantes pour les sommes qu’on lui avancerait. Ce prêt ne serait donc pas
une charge pour le trésor, puisqu’il en serait remboursé.
M.
Pirson. - Cela n’empêche pas le renvoi au ministre de l’intérieur.
M.
Watlet. - Je veux faire observer qu’il est
très difficile de trancher tout d’un coup la question relative à la société du
Luxembourg, et de savoir s’il y a des moyens de la faire renoncer à son contrat
ou à la concession qui lui a été faite. J’ai examiné aussi ce contrat, et je
crois qu’il pourrait être résilié. Quoi qu’il en soit, il est urgent de prendre
des mesures envers cette compagnie. Et remarquez ici que ce n’est pas seulement
l’existence du canal qui est en souffrance, il est d’autres intérêts qui
réclament également une prompte décision.
On
a donné à la société l’exploitation des usines, des carrières du Luxembourg ;
tant qu’elle sera concessionnaire, qu’on n’aura pris aucune mesure contre elle,
et qu’elle restera sans rien faire, non seulement le canal ne s’achèvera pas,
mais les richesses enfouies dans le sein de la terre resteront sans
exploitation. Il serait donc urgent, je le répète, de prendre un parti. Je
demande le renvoi au ministre de l’intérieur pour qu’on nous fasse un rapport circonstancié
: son prédécesseur avait déjà rassemblé de nombreux documents sur cette
question. Sur le rapport qui nous sera présenté, nous verrons ce qu’il y aura à
faire.
M.
Gendebien. - Je n’étais pas ici au commencement de la séance. Je sais
seulement que l’on a adressé des pétitions à la chambre relativement au canal
du Luxembourg ; ces pétitions sont susceptibles de très graves discussions, et
je ne sais pas si nous devons dévier de la marche ordinaire, ou s’il ne faut
pas les renvoyer à la commission des pétitions, sauf à prier cette commission
de faire promptement son rapport. Nous pourrions alors, avec connaissance de
cause, renvoyer les mêmes pétitions à une commission quelconque nommée ad hoc,
ou à la commission de l’industrie et de l’agriculture.
Avant
de renvoyer à une commission autre que la commission des pétitions, il faut
connaître au moins l’objet des réclamations, Je prie la chambre de ne pas
s’engager dans de fausses voies. J’ai vu le contrat, le cahier des charges de
la compagnie ; il y a beaucoup d’observations à faire sur son exécution ou sa
résiliation, et nous serons peut-être fort embarrassés pour prendre une
décision quand nous connaîtrons l’affaire.
M.
le président. - M. Gendebien propose le renvoi à la commission des
pétitions, en la priant de faire promptement son rapport.
M. d'Hoffschmidt. - La pétition ne
soulèvera pas la question posée par l’honorable M. Desmanet de Biesme ; je
crois donc que le renvoi à la commission des pétitions est inutile ; cette
commission ne pourrait conclure qu’au renvoi du mémoire à la commission des
travaux publics ; car il ne s’agit que de travaux, et c’est ce qui est demandé
par M. de Puydt.
M. Gendebien. - Puisqu’on a nommé une
commission des travaux publics, il est naturel en effet qu’on lui renvoie le
mémoire.
M.
le président. - Si le renvoi à la commission des travaux publics ne trouve
pas d’opposition, il sera ordonné.
M. Watlet. - Si
l’assemblée juge à propos de renvoyer la pétition à une commission, je demande
que ce ne soit pas à celle des travaux publics. En voici les motifs. M. le ministre
de l’intérieur vous a dit que c’était une question très grave que celle de
savoir s’il y avait lieu de demander la résiliation du contrat de la compagnie
du Luxembourg, quoiqu’elle n’exécute pas ses engagements. Il me paraît donc que
la commission à laquelle il conviendrait de soumettre la pétition devrait être
composée de jurisconsultes capables de donner des conclusions utiles dans cette
circonstance. C’est pour cela que je préférerais le renvoi à une commission
formée d’hommes spéciaux nommés ad hoc, ou à une commission formée des membres
de la commission des travaux publics, à laquelle on adjoindrait des
jurisconsultes.
M. de Puydt. - Si la pétition est renvoyée à la
commission des travaux publics, elle fera un prompt rapport, et la chambre
pourra juger s’il y a lieu de soumettre une question quelconque à des
jurisconsultes. J’insiste donc pour le renvoi à la commission des travaux
publics.
M. d'Hoffschmidt. - La pétition dont il
s’agit, je le répète, n’agite pas la question relative à la résiliation de la
concession ; et cette question ne sera probablement pas agitée dans le sein de
la commission des travaux publics. Il s’agit de routes et de canaux, et de
fonds pour achever les travaux commencés. M. le ministre de l’intérieur nous
fera un rapport sur le canal ; c’est à lui à consulter les jurisconsultes s’il
veut rompre le contrat. Je ne vois donc aucun obstacle au renvoi à la
commission des travaux publics et au ministre de l’intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il me semble que le renvoi à une commission de jurisconsultes serait
prématuré. J’ai promis de faire un rapport à la chambre.
- Le renvoi de la
pétition à la commission des travaux publics et au ministre de l’intérieur est
mis aux voix et adopté.
M.
Pirson. - J’ai déposé sur le bureau une pétition par laquelle on
demande que le nombre des juges du tribunal de Dinant soit augmenté. La même
demande a été faite sous l’ancien ministère ; il devait faire un rapport à la
chambre sur cet objet. Une demande semblable a été faite par le barreau de
Charleroy, pour le tribunal de cette ville, et cette pétition a été renvoyée
directement au ministre de la justice ; je réclame le même renvoi.
M. Verdussen. - A tout moment on vient demander
le renvoi aux ministres des pétitions que la chambre ne connaît pas : cette
marche est irrégulière. Il faut que les pétitions passent par la commission
spéciale ; s’il y avait urgence dans les questions soulevées par les auteurs
des mémoires, eh bien, on prierait la commission des pétitions de faire promptement
son rapport. Mais pourquoi renvoyer à un ministre une pétition dont nous ne
connaissons ni la forme, ni l’objet ?
M.
Pirson. - J’ai déjà fait observer qu’une pétition tout à fait semblable à celle dont il s’agit a été
présentée il y a huit ou dix jours et qu’elle a été renvoyée immédiatement au
ministre. Le ministre jugera de la validité des motifs exposés dans le mémoire,
et vous présentera un projet de loi s’il est nécessaire, ou le mémoire restera
dans la poussière de ses bureaux si la demande n’est pas fondée.
- La chambre décide que
la pétition sera soumise à la commission des pétitions.
Développement des motifs et prise en
considération
M.
le président. - Les sections ayant autorisé la lecture de la
proposition déposée sur le bureau par M. Dumortier, l’honorable membre a la
parole pour faire cette lecture.
M.
Dumortier. monte à la tribune et lit le projet
de loi ainsi conçu :
« Léopold, etc.,
« Vu l’art. 116 de
la constitution,
« Vu l’art. 19 du
décret du 30 décembre 1830.
« Nous avons, etc.
« Art. 1er. La cour des comptes est composée d’un
président, de six conseillers et d’un greffier.
« Ils sont nommés
tous les six ans par la chambre des représentants qui a toujours le droit de
les révoquer.
« Le président et
les conseillers doivent avoir au moins l’âge de 30 ans.
« Le greffier n’a
pas voix délibérative ; il doit avoir au moins 25 ans. »
« Art. 2. Les
membres de la cour des comptes ne peuvent être parents ou alliés entre eux
jusqu’au quatrième degré inclusivement, ni, à l’époque de leur nomination,
parents ou alliés au même degré d’un ministre ou d’un chef d’administration
générale.
« Ils ne peuvent
être membres de l’une ou de l’autre chambre législative, ni remplir aucun
emploi salarié par le trésor, ni être directement ou indirectement intéressés
dans aucune entreprise ou affaire sujette à une comptabilité envers l’Etat.
« Ils ne peuvent délibérer
sur des affaires qui les concernent personnellement ou dans lesquelles leurs
parents ou alliés, jusqu’au quatrième degré inclusivement, sont
intéressés. »
« Art. 3.
Indépendamment des attributions déférées à la cour des comptes par l’art. 116
de la constitution, et du droit spécial qu’elle a de se faire fournir tous
états, renseignements et éclaircissements relatifs à la recette et à la dépense
des deniers de l’Etat, cette cour est chargée de se faire représenter, à la fin
de chaque année, les livres de la trésorerie générale pour arrêter et constater
les soldes qu’ils présentent. »
« Art. 4. Aucune
ordonnance de paiement n’est acquittée par le trésor qu’après avoir été revêtue
du visa de la cour. »
« Art. 5. La cour
vérifiera et arrêtera les comptes des administrations générales, dans le délai
de six mois, et elles transmettra avec ses
observations le compte général de l’Etat à la chambre des représentants, dans
le courant du mois de novembre de chaque année.
« A cet effet, le
compte de l’Etat, appuyé des comptes de l’administration générale et d’un
compte par province, sera déposé au greffe de la cour des comptes, le 31
décembre de l’année qui suit celle pour laquelle ils sont rendus. »
« Art. 6. La cour
des comptes correspond directement avec les diverses administrations générales.
Elle correspond également avec les comptables, pour ce qui concerne la
reddition de leurs comptes.
« Art. 7. La cour
fixe les délais dans lesquels les comptes des différents comptables en deniers
de l’Etat doivent être déposés à son greffe, sans préjudice à toutes les
mesures de surveillance que le chefs d’administration
générale trouvent convenable de prescrire, et auxquelles les comptable sont
tenus de se conformer rigoureusement. »
« Art. 8. La cour
peut prononcer contre les comptables retardataires, entendus ou dûment appelés,
une amende au profit de l’Etat, qui n’excède pas la moitié de leur traitement,
remises ou indemnités, indépendamment de la suspension ou destitution qu’elle
peut provoquer, s’il y a lieu.
« Quant à ceux qui
ne jouissent d’aucun traitement, remises ou indemnités, la cour pourra
prononcer à leur charge une amende, qui, en tout cas, n’excédera pas 2,000
francs. »
« Art. 9. Toute
condamnation à des amendes est prononcée sur la réquisition du plus jeune des
conseillers, qui remplit les fonctions du ministère public. »
« Art. 10. La cour
veille à ce que les comptables du royaume fournissent exactement les
cautionnements affectés à la garantie des fonctions conférées. »
« Art. 11. La cour
règle et apure les comptes. Elle établit par ses arrêts définitifs si les
comptables sont quittes, en avance ou en débet. Dans les deux premiers cas,
elle prononce leur décharge définitive, et ordonne la restitution des
cautionnements et, s’il y a lieu, la main levée et radiation des oppositions et
inscriptions hypothécaires prises sur leurs biens, à raison de la gestion dont
le compte est juge.
« Dans le troisième
cas, elle les condamne à solder leur débet au trésor dans 1e délai prescrit.
« Dans tous les
cas, une expédition de ses arrêts est adressée au ministre des finances, pour
en faire suivre l’exécution.
« Dans les trois
ans après la cessation de ses fonctions, le comptable aura une décharge
définitive, s’il n’en a été autrement statué par la cour des comptes. »
« Art. 12. La cour,
nonobstant un arrêt qui a définitivement jugé un compte, peut procéder à sa
révision, soit sur la demande, appuyée de pièces justificatives recouvrées
depuis l’arrêt, soit d’office, pour erreur, omissions ou double emploi, reconnu
par la vérification d’autres comptes. »
« Art. 13. Les
arrêts de La cour contre les comptables sont exécutoires.
« Dans le cas où un
comptable, après avoir épuisé le recours en révision, se croit fondé à attaquer un arrêt pour violation de formes ou de la
loi, il doit se pourvoir dans les trois mois pour tout délai, à compter de la
notification de l’arrêt de révision, à la cour de cassation. Si l’arrêt est
cassé, l’affaire est renvoyée à une commission ad hoc, formée dans le sein de
la chambre des représentants, et jugeant sans recours ultérieur, selon les
formes établies pour la cour des comptes. »
« Art. 14. Un
double du grand livre de la dette publique est déposé à la cour des comptes.
« Elle veille à ce
que les transferts, les remboursements, ainsi que les nouveaux emprunts, y
soient exactement inscrits.
« Elle tient
également un registre de toutes les pensions à charge de l’Etat, à l’effet de
constater la comptabilité de ces divers objets.
« Tous brevets de
pensions, certificats d’inscription, de cautionnements et de rentes sur les
livres de la dette publique, n’auront de légalité qu’autant qu’ils auront été
soumis au visa et à l’enregistrement de la cour. »
« Art. 15. Il y a,
près de la cour des comptes, un commis greffier nommé par elle de commun accord
avec le greffier.
« A la cour des
comptes appartient la nomination et la révocation de tous ses employés. Ceux-ci
sont d’ailleurs assimilés aux employés de même grade dans les administrations
générales. »
« Art. 16. La
présence de la majorité des membres de la cour est requise pour arrêter et
clore les comptes. »
« Art. 17. Le
traitement du président de la cour de comptes est fixé à 8,000 fr., et celui
des conseillers et du greffier à 7,000 fr. »
« Art. 18. Les
dispositions légales et règlementaires non contraires à la présente loi
continueront à sortir leur plein et entier effet. »
M.
le président. - Quel jour M. Dumortier présentera-t-il les
développements de sa proposition ?
M.
Dumortier. - Si la chambre le permet. je
présenterai sur-le-champ les développements de ma proposition ; je serai court.
(Parlez ! Parlez !)
Messieurs, l’institution
de la cour des comptes par le congrès a eu lieu en vertu d’un décret du 30
décembre 1830. Vous savez que cette cour est une des plus belles institutions
que la révolution nous ait données. Par l’article 29 du décret d’institution,
il est prescrit que le décret lui-même sera soumis à la révision en l’année
1832. Cependant l’année 1832 s’est écoulée sans remplir cette proposition ; et,
depuis, deux autres années se sont écoulées encore sans qu’on ait procédé à la
révision : la chambre des comptes est encore telle qu’elle a été organisée par
le congrès. L’année dernière, j’ai pris l’engagement de déposer sur le bureau de
la chambre un projet sur une nouvelle organisation de cette importante
magistrature, et c’est cet engagement que je viens remplir aujourd’hui.
Le projet de loi dont je
viens de donner lecture est à bien peu de chose près le même que celui que le
congrès avait adopté. Je vais, messieurs, examiner l’un après l’autre les
divers articles dont il se compose, et vous verrez que les diverses
modifications que j’y ai apportées n’occasionnent aucun changement sensible.
L’article premier est le
même que l’article premier du congrès. J’ai cru devoir maintenir le terme de
six ans pour la durée des fonctions des magistrats de la cour des comptes afin
de me conformer à l’article 116 de la constitution. Le premier paragraphe de
cet article dit en effet que les membres de la cour des comptes sont nommés
pour le terme fixé par la loi. Leurs fonctions doivent avoir un terme ; les
rendre perpétuelles, ce serait s’écarter de la constitution.
L’article 2 est le même
que celui du congrès.
L’article 3 ne diffère
de l’article 3 du congrès qu’en ce qu’il exige, chaque année, la représentation
à la cour des comptes, des livres de la trésorerie générale pour arrêter les
soldes qu’ils présentent. Cette disposition était nécessaire et se comprend
d’elle-même ; il faut que le solde des comptes soit constaté authentiquement
chaque année, et cela ne peut avoir lieu que par la cour des comptes.
L’article 4 est encore
le même que l’article 4 du congrès. Il est relatif à la nécessité du visa de la
cour des comptes sur les ordonnances de paiement : ce visa est une des meilleure garanties que l’on puisse avoir d’une bonne
gestion des finances de l’Etat. Il rentre dans les dispositions de l’art. 116
de la constitution en empêchant qu’aucun article du budget ne soit dépassé et
qu’aucun transfert n’ait lieu.
Par l’art. 5, il est
apporté une modification à ce qui existe. Dans l’état actuel des choses un
exercice reste ouvert pendant trois ans, de sorte que la chambre ne peut avoir
les comptes de l’Etat complètement terminés que la quatrième année après
l’exercice même : ce terme est beaucoup trop long. Il n’a paru qu’il fallait
laisser l’exercice ouvert pendant deux ans ; c’est ainsi que cela se pratique
en France. En Angleterre on est beaucoup plus sévère ; et on accorde un délai
très court après l’expiration de l’exercice.
Mais j’ai cru devoir
adopter le système français ; il me semble préférable en ce qu’il laisse le
temps nécessaire au gouvernement pour effectuer le paiement des dépenses
ordonnées. Ces dépenses ne peuvent être ordonnancées pendant un exercice
postérieur, que lorsqu’il y a eu un commencement d’exécution ; mais il faut
bien accorder un terme pour faire face aux dépenses des travaux publics et
autres qui ne peuvent s’effectuer qu’après un certain temps.
Les articles 6 et 7 ne
sont que les mêmes articles du congrès.
L’articles 8 contient l’addition d’une
pénalité contre les comptables qui ne jouissent d’aucun traitement et dont les
comptes ne sont pas trouvés en règle. Il peut se trouver des personnes qui,
sans exercer des fonctions rétribuées, aient en main la gestion de sommes considérables
appartenant au trésor public ; il faut par conséquent une pénalité contre
elles, dans le cas de dilapidation de leur part.
L’article 9 est le même
que celui du congrès : le plus jeune des conseillers remplit les fonctions de
ministère public. Cette disposition est infiniment préférable à celle qui
existe dans la loi française.
Près la cour des comptes
de France il y a un procureur général, ou un agent du pouvoir. Cela ne peut
convenir chez nous. En France la cour de comptes ne fait que viser les dépenses
faites ; ici sa mission est plus importante encore ; elle vise les dépenses à
faire : la présence d’un agent du gouvernement près d’elle pourrait donc
devenir dangereuse.
Il y a un article
nouveau dans mon projet, c’est l’article 10. Il a pour but d’exiger que la cour
des comptes veille à ce que les comptables fournissent exactement les
cautionnements réclamés pour garantir la gestion des deniers publics. Il est
arrivé que des comptables ont disparu sans que le
gouvernement ait les moyens de recouvrer les fonds qu’ils emportaient. Il est
donc indispensable que l’on soit assuré qu’un comptable a fourni son
cautionnement.
Les
art. 11, 12, 13
sont la transcription d’articles contenus dans le décret du congrès.
L’article 14 est le même
que l’article 13 du décret du congrès, plus une addition qui soumet au visa de
la cour des comptes les brevets des pensions, certificats d’inscription, de
cautionnements et le rentes. Il faut, en effet, que la cour des comptes vérifie
les brevets des pensions ; car par là on aura une garantie qu’on ne paiera que
conformément aux lois, et qu’aucune gratification ne sera accordée à charge du
trésor public sous le titre de pension.
L’article 15 établit un
commis-greffier près la cour des comptes. L’expérience en a démontré la
nécessité.
L’article 16 est tiré
textuellement du décret du congrès.
L’article 17 est relatif
aux traitements des membres de la cour des comptes. Le congrès, mu par des vues
d’économie très louables mais qu’on n’a pas suivies, avait déterminé à un taux
très bas les traitements des conseillers à la cour des comptes : il accordait
2,500 florins aux conseillers et 3,000 florins au président, Toutefois
l’intention du congrès avait été que les membres de cette magistrature eussent
rang entre les membres de la cour de cassation et ceux des cours d’appel. La
cour des comptes a déjà fait sentir que ses traitements étaient peu
considérables eu égard au rang qu’elle occupait, et vous avez reconnu que la
réclamation était fondée ; je crois que voilà le moment d’y faire droit. Je
propose donc d’accorder 7,000 fr. à chaque conseiller, et 8000 fr. au
président.
Le traitement des
membres de la cour d’appel est de 5,000 fr. ; celui des membres de la cour de
cassation est de 9,000 fr. ; j’ai adopté la moyenne entre ces chiffres, ou le
juste milieu, et c’est pour ce motif que je propose 7,000 fr. Je n’ai élevé le
traitement du président que de 2,000 fr., parce qu’il jouit du logement, ce qui
mérite d’être pris en considération.
L’art. 18 dit que les
dispositions légales et réglementaires qui ne sont pas contraires à la loi
continueront à être exécutées. Cette disposition maintient par conséquent le
règlement de la cour des comptes tel qu’il a été voté par le congrès.
Tel est, messieurs, le projet
dont j’ai donné lecture. Je n’ai pas grand mérite à sa présentation parce qu’il
est la reproduction et du décret du congrès et du projet présenté par la cour
des comptes elle-même, à deux exceptions près. Il m’a paru que personne ne peut
savoir mieux que la cour des comptes elle-même les modifications que doit
éprouver son organisation.
Voici les deux
exceptions. Par l’article premier la cour de comptes demandait que ses membres
fussent nommés à vie ; je n’ai pas cru devoir admettre cette disposition, parce
que l’art. 116 de la constitution porte, comme je l’ai déjà dit, que les
membres de la cour des comptes sont nommés par la chambre des représentants
pour le terme fixé par la loi : si la durée est fixée par la loi, les fonctions
doivent avoir un terme ; l’inamovibilité n’en a pas ; elle et indéfinie ; aussi
la nomination à vie n’est pas en harmonie, n’entre pas dans l’esprit de la
constitution. La manière très honorable dont les membres de la cour
s’acquittent de leurs importantes fonctions ne doit pas leur inspirer de
crainte de se voir remplacés, mais la chambre ne peut aliéner une de ses plus
belles prérogatives constitutionnelles. La cour est une émanation, une
véritable commission de la chambre ; elle perdrait ce caractère si on modifiait
la durée de ses fonctions.
Personne
ne pouvait savoir mieux que le congrès la durée que devaient avoir les
fonctions des membres de la cour des comptes ; le congrès ayant fait la
constitution, en connaissait parfaitement l’esprit ; puisqu’il a fixé cette
durée à six années j’ai cru que l’on devait s’en tenir à cette fixation.
La seconde modification
est relative au traitement. La cour des comptes, par un sentiment de convenance
que l’on comprend, avait laissé en blanc les chiffres du traitement dans son
projet ; j’ai exposé les motifs qui m’ont porté à proposer 7,000 fr. pour les
conseillers et 8,000 fr. pour le président.
M.
le président. - Il reste à prononcer sur la prise en considération.
M. de Robaulx. - Je suis d’avis que la
proposition soit prise en considération. En général je trouve qu’il faut
prendre en considération des propositions importantes ; celle-ci est du nombre.
(Aux voix ! aux voix !) Un petit
moment ; je n’abuserai pas de la permission. Je voudrais que l’auteur du projet
y fît un amendement. Les employés dans les bureaux de la cour des comptes
devraient être assimilés aux employés des bureaux des divers ministères. Les
employés de la cour des comptes ne sont défendus ici par personne ; il en est
autrement des employés ministériels : les ministres soutiennent leurs intérêts
; ce n’est pas une raison pour négliger les droits des premiers. Il faut qu’un
chef de division à la cour des comptes soit traité comme un chef de division
d’un ministère. Je demande que M. Dumortier prenne en considération ces
observations ; c’est à lui à modifier son travail.
M. Desmanet de Biesme. - Si j’ai bien
entendu la lecture de la proposition de M. Dumortier, il me semble que dans son
projet il y a une disposition qui remplit le but de l’honorable membre. (Non ! Non !)
Maintenant que j’ai rempli l’engagement que
j’avais pris envers vous, je demande que la chambre veuille prendre en
considération ce projet et le renvoyer devant les sections conformément au
règlement.
- La proposition est
appuyée.
M.
Gendebien. - La prise en considération ne préjuge rien ; il est inutile
d’élever aucune difficulté à présent. C’est quand on
aura examiné mûrement la proposition qu’on pensera à la compléter.
M.
Duvivier. - Je serai un des premiers à prendre en considération les
observations présentées par M. de Robaulx ; mais elles sont distinctes du
projet de M. Dumortier. Les
objets sur lesquels M. de Robaulx a attiré l’attention de la chambre regardent
la cour des comptes elle-même ; c’est à elle ensuite à déterminer ce qui
convient dans son organisation intérieure. Cette organisation sera mentionnée
au budget, puisqu’on demandera les traitements des employés ; alors on pourra
discuter ce qui est relatif aux employés, autrement on ferait de
l’administration.
M. Gendebien. - Je ne partage pas l’opinion du
préopinant, mais il ne s’agit pas de cela maintenant.
M.
Duvivier. - Il nous faut d’abord organiser la cour comptes ; quand
cette opération sera terminée, la cour nous soumettra son budget, et nous traiterons
de la question posée par M. de Robaulx.
M. de Robaulx. - Je veux dire deux mots.
Quand on ne répond pas à un ministre ou à un ex-ministre, on présume qu’il a
raison. Je ne suis pas de l’avis de M.
Duvivier. Rien n’empêche que, dans la loi organique de la cour des
comptes, on n’inscrive que ses employés seront assimilés aux employés des
divers ministères. Ce n’est pas là faire de l’administration. M. l’ex-ministre
s’est trompé quand il a cru que nous ne pouvions rien surtout à cet égard.
- La prise en
considération de la proposition de M. Dumortier est mise aux voix et adoptée à
l’unanimité.
Développement des motifs et prise en
considération
M.
le président. - Les sections ont également autorisé la lecture d’une
autre proposition déposée sur le bureau et signée par plusieurs députés.
M. Desmaisières, l’un des signataires, monte
à la tribune et donne lecture de cette proposition. Elle porte modification des
tarifs en ce qui concerne l’industrie cotonnière.
L’honorable
M. Desmaisières fait ensuite lecture des développements de sa proposition.
(Nous donnerons ces documents dans un prochain numéro.)
M.
le président. - La chambre va être consultée sur la prise en
considération de la proposition présentée par l’honorable M. Desmaisières au
nom de ses collègues signataires.
M.
Fleussu. - Je m’oppose à la prise en considération immédiate de la
proposition. Je demande que la chambre fixe un jour pour examiner s’il y a lieu
de prendre en considération le projet qui vous est soumis. Il faut que la prise
en considération réponde au but pour lequel elle a été instituée. Lors de la
discussion du règlement, lorsqu’il fut question de cette première décision de
l’assemblée qui admet un projet aux honneurs de la discussion, l’on eut en vue
de faire discuter préalablement par la chambre le principe même du projet. Si
le principe était admis, l’on renvoyait le projet en sections qui étaient
appelées à l’examiner. Si le principe n’était pas admis, on passait outre ;
c’était une économie de temps pour l’assemblée, puisque dès lors il n’y avait
pas lieu d’examiner les détails de la loi. Tel est le but, messieurs, de la
prise en considération.
C’est la marche que l’on
a suivie lors de la présentation d’une proposition qui intéressait tout le
pays, je veux parler de la demande d’une enquête faite par plusieurs membres de
cette assemblée. Nous avons commencé par discuter le principe de l’enquête, ce
principe a été rejeté ; dès lors nous n’eûmes pas à nous occuper du projet
même. Je demande donc que lorsqu’il s’agit d’une question aussi grave que celle
que vient de soulever M. Desmaisières on en revienne aux véritables principes
du règlement. Placés que nous sommes en ce moment sous l’influence d’un seul
orateur, nous ne sommes pas à même de voter sur la prise en considération. Je
demande qu’on nous laisse le temps d’examiner le principe. Quand nous nous
serons préparés sur la question, nous verrons s’il y a lieu d’admettre le
principe du projet.
La proposition qui vient
de vous être faite est tout un traité de commerce, si tant est qu’il y ait des
traités de commerce. C’est tout un long cours d’économie politique, dont vous
venez d’entendre les développements. Il faut que nous puissions apprécier les
conséquences de la prise en considération.
C’est pourquoi je
demande que l’on en fixe ultérieurement le jour, parce que nous pourrions
combattre avec succès le principe du projet si nous ne l’admettons pas.
Messieurs, je me défie beaucoup du système dans lequel on entre depuis quelque
temps, dans lequel paraissent vouloir nous engager les représentants des
Flandres en matière d’industrie et de commerce. Jusqu’ici, vous n’avez voté
sous ce rapport que des lois d’exception, que des mesures provisoires. Vous
verrez qu’en fait d’industrie, c’est le provisoire qui tue ; c’est du définitif
qu’il faut à l’industrie languissante. Des lois durables sont sa seule
sauvegarde. Je dit que vous aviez voté des lois
d’exception. Je citerai la loi sur les céréales. Cette loi est restée stérile ;
il n’en sera résulté que la mauvaise impression qu’elle a faite. La loi sur les
toiles : cette loi qui, au dire de ceux qui l’on présentée, ne devait imposer
aux produits étrangers qu’un droit de 10 p. c., a de
beaucoup dépassé cette limite. L’expérience vient de prouver combien cette
assurance est peu fondée. Savez-vous de combien est le droit qu’elle établit ?
Il est de 20 p. c. C’est un membre de cette assemblée qui a fait venir une
pièce de toile d’Allemagne dans le seul but de constater le fait. Aussi, le
résultat de cette loi n’a-t-il été, en définitive, que de fournir un appât à la
fraude.
La voie est ouverte.
Bientôt vous verrez naître d’autres lois d’exception. On vous en a déjà annoncé
une sur le café. On vous en présentera sur toutes les marchandises coloniales.
Vous en verrez même sur les sabots. Car une pétition a été déposée sur le
bureau par des fabricants qui vivent de cette humble industrie. Ce ne sera
peut-être pas le coup de pied le plus fort que l’industrie recevra. (Hilarité.) Je ne sais si les exigences
des fabricants des Flandres sont plus fondées que celles des fabricants de
Bruxelles. Mais ceux-ci voudraient seulement voir renforcer la ligne de
douanes. Ils ne demandent pas autre chose. La seule mesure qu’ils réclament en
faveur des produits nationaux, c’est la répression de la fraude. Les fabricant des Flandres au contraire vous demandent un
système prohibitif.
La question qui vous est
présente est donc une des plus graves que vous ayez eue à examiner. Je crois,
messieurs, que le temps est venu de nous arrêter sur la pente où l’on veut nous
entraîner. Je demande qu’il nous soit donné un jour pour examiner le principe.
Je
désire que la commission d’industrie soit préalablement invitée à nous donner
son avis sur la prise en considération. Dans aucun pays constitutionnel l’on
n’improvise ainsi les lois. On cherche à s’éclairer. On fait une enquête pour
constater les besoins de l’industrie. Aucune enquête n’a été faite. Nous
n’avons sous les yeux que la demande des fabricants des Flandres, qui demandent
des lois d’exception, et que le projet présenté à l’appui par la représentation
de ces provinces. En même temps que je demande l’avis de la commission
d’industrie, je voudrais savoir s’il est vrai que cette commission ayant
convoqué ses fabricants pour de simples investigations, les industriels de Gand
se soient refusés à comparaître devant la commission
et que ceux de Bruxelles s’y soient seuls rendus. C’est pourtant pour faire
droit aux plaintes des fabriques de Gand que l’on vous a présenté un projet de
loi.
Je termine en demandant
que la commission soit consultée sur la question de principe avant que la
chambre passe à la prise en considération de l’honorable M. Desmaisières.
M. H. Dellafaille. - Je ne crois pas que la prise en
considération ait été prévue par le règlement pour que la chambre se fixât sur
la question de principe. Il s’agit seulement par la prise en considération de
savoir si la proposition renferme un but d’utilité suffisant pour mériter
d’occuper l’assemblée. Si une proposition ne paraît pas devoir arriver à un
résultat utile, l’assemblée passe outre.
L’honorable M. Fleussu,
à l’appui de son opinion sur la prise en considération, a cité le projet
d’enquête. La politique a été en grande partie la cause du rejet de la prise en
considération. S’il s’était agi d’une loi particulière elle n’aurait souffert
aucune difficulté. Mais la commission avait inséré dans la loi d’enquête un
article dont la portée avait paru trop grande à la chambre. C’est cet article
qui a fait rejeter la prise en considération.
L’honorable M. Fleussu
entrant dans quelques détails sur les lois commerciales qui ont été adoptées
comme très dangereuses a cité la loi sur les toiles et celle sur les céréales.
Il en a oublié une dans son énumération. Je la lui rappellerai ; c’est celle
sur les fers qui a été portée à la demande de la province de Liége.
M. Fleussu prétend que
la loi sur les céréales a été sans efficacité. Si tel est le résultat de cette
loi, il faut l’attribuer au désir de conciliation des membres qui l’ont
proposée et qui ont cédé trop facilement aux objections de leurs antagonistes.
Ils ont renoncé par leur trop grande facilité aux moyens qu’ils avaient de
rendre la loi efficace.
Quant à ce que le
préopinant a dit de la loi sur les toiles, je ne croirai à l’élévation du droit
qu’il signale, que lorsqu’elle me sera démontrée.
On nous dit que les
fabricants de Gand et de Bruxelles ont un intérêt différent. Je ne pense pas
que l’on doive adresser ce reproche d’intérêt de localité à un changement que
ceux-là demandent dans la loi des douanes.
La ville de Gand
renferme 70 à 80 établissements industriels. Une proposition qui est réclamée
par les fabricants des Flandres n’est donc pas d’un intérêt purement local,
mais d’une importance générale. Si l’on admettait comme contrepoids l’opinion
des fabricants de Bruxelles, je doute qu’ils figurassent pour beaucoup dans la
balance, tandis qu’indépendamment de sa richesse industrielle les deux Flandres
forment sous le rapport de la population, un tiers de la population totale du
royaume.
C’est
pour ces motifs que le projet qui vient de vous être présenté mérite toute
votre attention. Il y a de graves questions à examiner. Aussi, nous ne
demandons la prise en considération, que pour qu’elles soient abordées. Nous
demandons que lorsqu’une industrie demande des mesures protectrices, on ne nous
réponde pas par un refus d’y faire droit. Si la proposition est admise,
l’industrie dira avec raison que nous n’avons pas voulu nous occuper de ses
plaintes. Si après la prise en considération le projet est rejeté, vous aurez
au moins le mérite de vous être prononcés en connaissance de cause. Ce n’est
pas par déni de justice que vous convaincrez le public ni la nation.
J’insiste
donc pour la prise en considération.
M.
Desmet. - Il ne s’agit pas maintenant de discuter le principe qui est
la question ; il s’agit de savoir si la proposition mérite l’attention de la
chambre. C’est pour ce motif que je voterai en faveur de la prise en
considération.
M. de Roo. - Le seul principe en matière de prise
en considération est de savoir si l’objet d’une proposition est assez important
pour qu’elle soit examinée. Le projet qui vous est présenté me paraît être de
ce nombre et je pense que ce n’est pas à l’occasion de la prise en
considération que l’on doit critiquer une proposition comme si elle avait déjà
subi un premier examen, tandis qu’on lui refuse la possibilité de le subir. Il
faut rentrer dans le véritable sens du règlement. Toute la question se borne à
examiner si le projet mérite, oui ou non, l’attention de la chambre. La réponse
de l’assemblée ne peut pas être douteuse. Je pense qu’elle prendra en
considération une proposition qui se rattache aux intérêts de l’industrie
cotonnière.
M.
Dumortier. - J’ai entendu avec beaucoup d’étonnement l’honorable M.
Desmaisières dans l’exposé des motifs à l’appui de sa proposition invoquer
l’avis de la commission d’industrie. J’avoue, messieurs, que j’ai été peiné
d’entendre cet honorable membre dire à l’assemblée que le projet qu’il
présentait n’était autre chose que la pensée de la commission. Messieurs, déjà
dans une circonstance précédente une discussion incidente s’est élevée sur le
rapport présenté au nom de la commission par quelques membres qui en faisaient
partie. Les autres membres ont protesté et ont dit qu’ils n’avaient pas pris
part à la délibération dont ce rapport était le résumé. Absent à la séance, je
n’ai pu joindre ma voix à celles de ceux qui ont protesté.
Je répare cet oubli
forcé et déclare que les membres de la commission d’industrie qui ont rédigé le
rapport ont outrepassé leur mandat, attendu qu’en cette circonstance, le
rapport avait été fait au nom de la commission, tandis que la séance n’avait
été composée que de trois personnes, c’est-à-dire du cinquième du personnel de
la commission. Pour ne pas assumer sur moi la responsabilité de ce rapport,
j’ai dû, lorsqu’on est venu vous présenter un projet restrictif qui n’en est
que la conséquence, faire connaître ma non-participation à cet acte.
Lorsque l’industrie
cotonnière fit entendre par des pétitions ses plaintes dans le sein de cette
assemblée, vous avez renvoyé ses doléances à l’examen de la commission
d’industrie. C’est alors qu’un rapport prétendument rédigé par la commission
fut déposé sur le bureau. Ce rapport a jeté les plus vives alarmes dans le pays
(se tournant vers quelques membres.)
Que des membres qui
n’ont jamais su ce que c’est que l’industrie rient ; ils ne comprennent
probablement pas l’importance de la question. Je dis qu’ils rient, car je sais
qu’ils ne parleront pas.
Oui, messieurs, le
rapport a jeté de vives alarmes dans le pays. Peu de jours après des pétitions
vous furent envoyées dans le but d’empêcher les
résultats que promettait le rapport. Vous avez chargé votre commission
d’industrie d’examiner ces pétitions. Et comme l’a très bien rappelé
l’honorable M. Fleussu, la commission a cru de son devoir de faire une enquête,
une investigation des faits qui permît d’apprécier le degré de vérité des plaintes
élevées par l’industrie cotonnière.
Nous avons écrit aux
principaux industriels pour les engager à venir nous faire connaître les
considérations qu’ils auraient à présenter. Les fabricants de Bruxelles et
d’Anvers ont répondu à notre appel. Je dirai plus tard le résultat de leurs
réponses. Quant aux industriels de Gand, aucun d’eux n’a comparu devant la
commission. Ils se sont concertés entre eux sur la réponse à faire à notre
convocation, et dans la crainte sans doute de se compromettre par leurs
réponses, ils ont refusé d’y venir. C’est ainsi qu’ils ont reconnu tacitement
leur impuissance.
C’est
en présence de pareils faits que l’on vient demander une loi en quelque sorte
prohibitive. Je demande, messieurs, comme l’honorable M. Fleussu, qu’on fixe un
jour pour la prise en considération. Dans tous les cas, je demande, comme lui,
que la proposition soit renvoyée à la commission d’industrie et qu’elle soit,
non chargée de faire une simple investigation, mais qu’elle soit constituée en
commission d’enquête.
Il faut que l’on sache
si les plaintes de l’industrie gantoise sont fondées, et il est temps de mettre
fin aux projets de loi en faveur de telle ou telle province. Si les choses
doivent continuer ainsi, que l’on établisse tout de suite une ligne de douanes
entre chaque province ; mais que l’on ne force pas la chambre à adopter des
mesures qui amèneraient la ruine de l’industrie tôt ou tard.
M.
Fleussu. - L’on ne paraît pas avoir compris la portée de ma motion. Je
n’ai pas prétendu qu’il ne fallait pas prendre en considération le projet
présenté par l’honorable M. Desmaisières. Je n’ai pas prétendu que la chambre
devait faire la sourde oreille aux plaintes des fabricants de Gand. J’ai dit qu’il
y avait un principe à examiner et qu’il fallait nous donner du temps pour faire
cet examen. Il me semble que pour examiner la question soulevée par le projet
avec connaissance de cause (puisque l’on s’est servi de ce terme), nous avons
besoin de beaucoup de renseignements. Cela est d’autant plus nécessaire qu’il
paraît que les fabricants de Gand eux-mêmes ne sont pas d’accord sur les
mesures protectrices à prendre afin de rendre à l’industrie cotonnière la
prospérité dont elle jouissait avant la révolution,
Les fabricants de
Bruxelles et d’Anvers se contenteraient d’une ligne de douane plus fortifiée.
Ils ne demandent qu’une chose : la répression de la fraude. Voila le langage de
ces industriels. Ceux de Gand, au contraire, bien qu’ils se soient refusés à
toute espèce de communication, comme il résulte de la déclaration de
l’honorable M. Dumortier, veulent des mesures plus dangereuses qui sont en
opposition avec les intérêts bien entendus de l’industrie elle-même, mesures
qui sont combattues par tous les auteurs qui ont écrit sur l’économie
politique.
On me reproche de m’être
montré plus complaisant lorsqu’il s’est agi des intérêts de la province de
Liége. Je ne connais pas la loi à laquelle un honorable préopinant a fait
allusion. Je demanderai à mon tour si c’est dans l’intérêt de la province de
Liége que nous avons voté (et moi comme les autres) la libre importation des
machines avec exemption de droits. Ce n’est certes pas dans l’intérêt des maîtres
de forges, des propriétaires de hauts fourneaux que cette loi a été admise. Du
reste, j’ai déjà fait ma profession de foi à cet égard ; lorsque l’intérêt
général est en jeu, je dépouille tout esprit de localité pour ne songer qu’au
bien-être du pays.
Est-il vrai, comme on me
l’a dit dernièrement, que lorsque l’on a envoyé des navires pour chercher de
nouveaux débouclés les fabricants de Gand se soient refusés
à donner des échantillons de leurs produits ? Est-il vrai que les personnes qui
ont parcouru les différents établissements industriels de cette ville à cette
époque, aient trouvé tous les ateliers en activité et les magasins vides ?
Vous
voyez bien, messieurs, que nous avons besoin de nous entourer des
renseignements avant de voter une loi attentatoire aux véritables principes
d’économie politique. Je ne crois pas avoir entamé la question du fond. J’ai
exposé la nécessité de n’aborder l’examen de cette question qu’avec maturité,
qu’en connaissance de cause. J’ai voulu démontrer le but de la prise en
considération. On a cru me répondre en disant que toute proposition tant soit
peu importante doit être prise en considération.
Non messieurs, le but du
règlement est de discuter le principe d’une proposition, parce que si vous
n’adoptez pas le principe, il y a économie de temps pour l’assemblée. J’ai déjà
cité un exemple. J’en citerai un autre plus convaincant encore. MM. Seron et de
Robaulx avaient présenté une loi sur l’instruction publique. Le principe de la
loi fut examiné et n’ayant pas été admis par la chambre, le projet ne fut pas
renvoyé à l’examen des sections.
M. de Brouckere. - Le seul principe que l’on
se soit propose de mettre en pratique par la prise en considération, c’est
qu’aucune proposition faite par un membre ne peut être discutée avant d’avoir
été prise en considération. On a voulu gagner du temps, en n’admettant pas à
l’honneur d’un examen en sections les propositions qui n’auraient pas
l’assentiment de la chambre. En ce moment, messieurs, nous nous écartons du
règlement. En effet, une proposition a été faite par M. Desmaisières. L’objet
qu’elle traite est de la plus haute importance. Il s’agit actuellement de
savoir si une délibération sera ouverte sur ce projet, s’il
sera pris en considération, L’on veut que la commission nous fasse un
rapport sur le projet avant que la chambre admette la prise en considération.
Mais c’est procéder d’une manière contraire au règlement. D’après les articles
35 et 38 de notre règlement, toute proposition présentée par un membre de cette
assemblée après qu’il en a été donné lecture doit être préalablement appuyée
par cinq membres ; alors la chambre est consultée sur la prise en
considération, si elle décide affirmativement, elle est renvoyée dans les
sections ou à une commission.
Après
l’avoir examinée, la section centrale ou la commission présente son rapport à
la chambre. Vous voyez que la marche proposée par l’honorable M. Fleussu n’est
pas admissible. Car, outre qu’elle est contraire au règlement, loin de nous
faire gagner du temps, elle nous en fait perdre ; car nous discutons sur le
renvoi à la commission d’industrie. Si le renvoi était admis, nous discuterions
sur la prise en considération. En troisième lieu, sur la proposition elle-même.
M.
Duvivier. - L’honorable M. Fleussu a développé suffisamment sa proposition.
Je l’appuie de tout mon pouvoir. Car il faut prendre garde que la prise en
considération ne soit la discussion du principe qui fait la base du projet de
l’honorable M. Desmaisières.
Si la prise en
considération n’était que la faculté pure et simple d’examen accordé au projet,
je ne verrais pas d’inconvénient à ce qu’on l’admît. Mais si, comme l’a
démontré M. Fleussu, c’est l’adoption du principe, je m’opposerai, pour ma
part, à ce que l’assemblée prenne sans renseignements suffisants un engageaient
pareil. J’ai cru devoir appeler l’attention de la chambre sur la valeur du vote
qu’elle émettrait si la prise en considération était admise. L’honorable M.
Fleussu a cité un précédent qui prouve suffisamment la portée de la prise en
considération. L’assemblée a rejeté, à cause de ce principe, la prise en
considération du projet de loi sur l’instruction publique, présenté par MM.
Seron et de Robaulx, projet que je m’étais empressé d’appuyer.
M. le président. - Voici la proposition de M.
Fleussu telle qu’elle a été formulée par lui :
« Je demande que la
discussion sur la prise en considération de la proposition de M. Desmaisières
soit fixée après le vote du budget de l’intérieur.
M. H. Dellafaille. - Je pense qu’on rejette la prise
en considération d’une proposition, quand on croit qu’elle ne peut pas amener
de résultat utiles ; mais je ne pense pas que la prise
en considération emporte l’adoption du principe. Cela veut dire seulement qu’on
délibérera sur la proposition. Les autres questions se présentent lors de la
discussion de la proposition, et l’opinion de chaque membre est subordonnée aux
lumières qu’il puise dans cette discussion.
L’honorable M. Dumortier
s’est élevé contre un passage du rapport de M. Desmaisières. Je me bornerai pour lui répondre à rappeler un
fait. La commission d’industrie ne pouvait pas se réunir parce que quelques-uns
de ses membres étaient retenus par indisposition et que les autres
n’assistaient pas à ses séances. Pressée par la chambre qui lui avait renvoyé
diverses pétitions en lui demandant des rapports, la commission crut devoir
délibérer au nombre des membres présents. Les autres ayant été dûment
convoqués, s’ils ne se sont pas présentés, c’est qu’ils ne voulaient ou ne le
pouvaient pas.
Quant à la conduite des
fabricants de Gand, je ne l’approuve pas. Si j’avais eu un conseil à leur
donner, je leur aurais dit de se rendre à l’invitation de la commission
d’industrie. Je pense qu’ils se sont trompés sur les intentions de la
commission. Comme ils avaient déjà donné tous les renseignements qu’on leur
avait demandés, voyant qu’on faisait une nouvelle enquête, peut-être
pensèrent-ils qu’on voulait seulement revenir sur le premier rapport et
refusèrent-ils de se prêter à ce rôle.
On a opposé aux plaintes
des fabricants de Gand, que toutes les fabriques de Gand étaient en activité :
cela ne prouve rien et n’est pas même étonnant, c’est que les fabriques de Gand
travaillent sans bénéfice et tant qu’elles peuvent le faire sans perte.
Relativement aux commandes auxquelles les fabricants de Gand n’auraient pu
satisfaire, il faudrait voir de quelle nature étaient les propositions, car
peut-être les conditions qu’on leur proposait étaient-elles inacceptables.
Enfin, on a fait
observer que la proposition dont il s’agit soulevait une grande question de
principe. C’est précisément pour ce motif que la prise en considération doit
être prononcée, qu’on doit déclarer que cette proposition mérite d’être l’objet
des méditations de l’assemblée.
Il y
a des personnes qui paraissent tellement prévenues contre la proposition qui
vient d’être faite, qu’elles ne veulent pas même aborder la discussion ;
qu’elles proposent de la repousser par une fin de non-recevoir. Autant vaudrait
dire aux fabricants de Gand : Nous ne nous occupons pas de vos plaintes, vous
ne méritez pas que nous nous occupions de vous.
On épargnera les moments
de la chambre en prenant la proposition en considération, et en remettant à une
autre époque tout ce qui a trait à la discussion.
M.
Zoude. - En ma qualité de rapporteur de l’ancienne commission,
d’industrie je crois devoir répéter ce que j’ai déjà eu l’honneur de vous dire
: que la commission s’était réunie plusieurs fois pour s’occuper des réclamations
de cotonnière de Gand, que ces réclamations avaient été examinées et discutées.
M. Davignon lui-même en est convenu lorsqu’il a dit
qu’il les avait repoussées parce qu’il les trouvait inopportunes à cause des
négociations entamées avec la France. J’en appelle aux procès-verbaux de la
commission d’industrie, ils prouveront que la question a été discutée plusieurs
fois. Quand j’ai présenté le rapport à la commission, nous étions cinq et il y
en a quatre qui ont donné leur assentiment au rapport et un a exprimé une
opinion contraire. La majorité a donc appuyé le rapport.
J’ai
cru devoir répéter ces explications, parce qu’on paraissait vouloir insinuer
que j’avais surpris un rapport à mes collègues. Mais déjà la chambre m’a rendu
justice à cet égard, et je me tiens pour satisfait.
M. Desmaisières. - Messieurs, toutes les
objections qui ont été faites rentrent dans le fond de la question et on ne
peut, au reste, discuter le principe de la proposition que j’ai eu l’honneur de
vous présenter, sans y entrer.
Je m’étonne qu’au moment
même où la chambre vient de décider que la prise en considération d’une
proposition ne préjuge rien, et par suite de prendre en considération une
proposition de M. Dumortier, on sanctionne le contraire à propos de celle que
j’ai présentée.
Quant aux diverses
objections qui rentrent dans le fond de la discussion, je me réserve d’y
répondre plus tard, et j’espère même le faire d’une manière satisfaisante.
Je
dois dire que c’est à tort qu’on m’a attribué la proposition, car je n’en suis
l’auteur que conjointement avec les honorables membres qui l’ont signée avec
moi.
J’ajouterai que nous
avons tellement entendu ne rien préjuger sur le principe que dans les
développements que j’ai eu l’honneur de vous
présenter, j’ai fait cette réserve, que chacun de nous avait entendu en signant
la proposition ne se lier aucunement sur les questions qu’elle soutenait. Nous
avons voulu seulement appeler une discussion sur des questions importantes. C’est
à tort qu’on prétendrait que ces questions n’intéressent qu’une localité, car
toute question industrielle intéresse le pays tout entier.
M. de Robaulx. - Je désirerais comme mon
honorable collègue M. Duvivier, que l’on fût bien fixé sur l’importance de la
prise en considération. On a rappelé la proposition dont mon honorable ami M.
Seron et moi avons occupé la chambre. Cette proposition était relative à
l’instruction primaire. On vous a rappelé aussi la discussion qui s’est élevée
après nos développements, discussion qui n’a eu lieu que trois semaines après
ces développements. Si on croit devoir suivre la même marche, et demander un
délai avant de discuter la prise en considération, si la chambre pour juger
avec plus de maturité, s’il y lieu de prendre en considération la proposition
de M. Desmaisières qui soulève des questions très importantes, croit devoir
remettre la discussion à huit jours au plus, je ne m’y opposerai pas.
Mais ce que je ne veux
pas admettre, c’est que la prise en considération préjugerait le principe. Je
sais qu’on a eu le tort grave à propos de la proposition sur l’instruction
primaire, de prétendre que prononcer la prise en considération, c’était
admettre le principe. C’est au moyen de ce subterfuge qu’on est parvenu à faire
rejeter une proposition que j’ai proclamée, et que je proclame, la plus
libérale qui ait été faite dans cette enceinte. Aucun parti ne l’a appréciée,
cette proposition ; elle ne l’a été que plus tard, mais il n’était plus temps.
Et si on n’avait pas employé le moyen auquel on a en recours pour la faire
rejeter par des opinions qui ne devraient pas dominer dans cette enceinte, on
aurait apprécié la véritable importance de la proposition, et on aurait rendu
plus de justice à nos intentions.
Je désire que la même
chose pas n’arrive pas à la proposition faite dans l’intérêt de l’industrie
cotonnière, quoique beaucoup des membres qui ont signé la proposition n’en
aient pas agi de même avec nous. Mais je suis d’avis qu’il ne faut pas rendre
le mal pour le mal. Je pense d’ailleurs que nous ne sommes pas ici pour nous
occuper de susceptibilités personnelles, mais bien pour discuter les intérêts
de l’Etat.
Selon
moi la prise en considération veut dire simplement qu’il y a lieu de délibérer
sur une proposition, que l’objet est assez important pour qu’on s’en occupe ; à
tel point que tel membre qui aura voté pour la prise en considération sera en
droit de rejeter le principe lors de la discussion du fond, si telle est son
opinion. Voilà ce que j’entends par la prise en considération.
Maintenant, si la
chambre juge à propos de remettre à un autre jour la discussion sur la prise en
considération, je ne m’y oppose nullement ; et si l’ajournement est rejeté, je
voterai pour la prise en considération, car je ne veux pas, je le répète,
rendre aux auteurs de la proposition le mal qu’ils nous ont fait en ne rendant
pas justice à nos intentions.
M.
Dumortier. - Messieurs, la question est extrêmement simple.
Les uns disent que la
prise en considération, c’est l’adoption du principe. Je ne reconnais pas que
la prise en considération d’une proposition soit l’adoption de son principe.
D’autres prétendent que
la prise en considération est une déclaration qu’il y a lieu à délibérer. Cela
n’est pas exact non plus. Les deux propositions sont trop absolues. Le
règlement a établi en quelque sorte trois lectures, ainsi que cela existe en
Angleterre et dans d’autres pays constitutionnels, D’abord la lecture à la
tribune autorisée par les sections. Que signifie cette lecture ? Les sections
en l’autorisant, reconnaissent qu’il y a lieu à délibérer. Après avoir déclaré
qu’il y a lieu à délibérer, la chambre examine s’il y a lieu à prendre la
proposition en considération. La prise en considération ne peut donc plus être
la question de savoir s’il y a lieu à délibérer, puisque cette question a été
décidée par les sections en autorisant la lecture,
Qu’est-ce donc que la
prise en considération ? C’est l’examen du projet dans son ensemble, de manière
que la chambre puisse rejeter le projet par un vote sans examiner les détails.
La prise en considération n’est pas l’adoption, mais l’examen du principe. Plus
tard après avoir renvoyé le projet dans les sections, la chambre l’examine dans
ses détails.
Comment pourrait-il en
être autrement ? Il plairait à un membre de venir déposer un projet en deux ou
trois cents articles, et pour que la chambre pût déclarer qu’elle ne veut pas
l’examiner, il faudrait qu’elle commençât à discuter ces trois cents articles
avant d’émettre un vote ; cela mènerait extrêmement loin. Ce n’est jamais ainsi
qu’on a entendu la prise en considération. J’en appelle aux membres de la
première législature, à ceux qui étaient présents lorsque le règlement a été
fait ; toujours on a entendu par la prise en considération, l’examen du
principe de la proposition. S’il ne convient pas on rejette le projet, et si la
prise en considération est adoptée, on le renvoie dans les sections et on
s’occupe ensuite de la discussion des détails.
Mais, dit-on, vous venez
de prendre en considération la proposition de M. Dumortier ; pourquoi ne
voulez-vous pas adopter avec la même facilité la proposition que j’ai présentée
? Mais, messieurs, je ferai observer qu’il y a une différence immense entre la
proposition que j’ai faite et celle de l’honorable membre. Ma proposition
n’était que la reproduction d’une loi existante, l’exécution de la
constitution. Personne ne pouvait contester qu’il y avait
lieu à examiner cette proposition. Mais ici c’est tout autre chose ; il s’agit
d’un nouveau système en matière d’industrie, il s’agit de savoir s’il est
nécessaire d’entrer dans cette ornière funeste dans laquelle on nous pousse.
Vous ne pouvez pas dire
qu’une proposition semblable doit être examinée avant d’avoir pu en peser les
conséquences. La prise en considération ne peut donc pas être considérée comme
une simple formalité. C’est, au contraire, une chose très importante. Elle peut
avoir une grave influence sur le commerce et l’industrie.
J’appuie donc la demande
de M. Fleussu, et il me semble que les auteurs de la proposition ne peuvent pas
la repousser. Eux seuls ont pu se préparer à soutenir la discussion, nous ne le
sommes pas. A moins qu’ils ne regardent la prise en considération comme une
vaine formalité, ils ne peuvent pas nous empêcher de prendre part à une
discussion aussi grave. Ce qui prouve que la prise en
considération d’une proposition n’est pas une vaine formalité, mais un examen
du principe, c’est ce qui s’est passé pour la proposition de M. Gendebien
relativement à la mise en accusation des ministres : la lecture de la
proposition a été autorisée par les sections ; et lorsqu’il s’est agi de la
prise en considération, elle a été écartée. Ce que vous avez fait alors,
faites-le aujourd’hui. Il s’agit d’un principe dont l’admission doit amener des
changements immenses dans l’économie industrielle et commerciale, il faut que
toutes les personnes qui s’occupent de cette matière aient le temps d’examiner
la proposition.
Je demande qu’on fixe un
jour pour la discussion de la prise en considération de la proposition dont il
s’agit ; et si la chambre décide que cette discussion aura lieu aujourd’hui, je
demanderai la parole sur le fond.
M.
Rogier. - La chambre et le gouvernement ont reconnu à plusieurs
reprises dans ces derniers temps la nécessité de procéder avec une sage lenteur
à l’égard des propositions qui on pour objet des modifications au tarif des
douanes. La question qui se présente aujourd’hui est tellement grave, que je ne
pense pas que dans cette circonstance, la chambre et le gouvernement puissent
changer de manière de voir. Sans vouloir retarder une discussion que je regarde
comme nécessaire, je pense cependant que nous ne pouvons pas prononcer
immédiatement la prise en considération qui, quoi qu’on dise et quoi qu’on
fasse, implique jusqu’à certain point l’adoption du principe. D’après le
règlement, il est certain que la prise en considération doit être précédée
d’une discussion. Car voici comment s’explique l’art. 37 :
« Si la proposition
est appuyée par cinq membres au moins, la discussion est ouverte. M. le
président consulte la chambre pour savoir si elle prend en considération la
proposition qui lui est soumise, si elle l’ajourne ou si elle déclare qu’il
n’ya pas lieu à délibérer. »
Vous voyez que ce n’est
qu’après la discussion que la proposition peut être prise en considération.
Maintenant,
ouvrirons-nous la discussion immédiatement après les développements de M.
Desmaisières que les conversations particulières ont empêchés de parvenir à la
connaissance de beaucoup de membres, et notamment à la mienne ? La question est
donc de savoir si nous discuterons sur un rapport que nous n’avons pas entendu.
Il me semble qu’il serait sage d’ordonner l’impression de ce rapport et du
projet de loi qui le suit, et de fixer le jour pour la discussion de la prise
en considération. Si après cette discussion la chambre décide qu’il y a lieu de
prendre la proposition en considération, nous verrons s’il convient de la
renvoyer aux sections ou à une commission.
Ce qui doit prouver à la
chambre combien elle doit être circonspecte, c’est la déclaration faite par un
des membres de la commission d’industrie, qui s’occupe de la question soumise
en ce moment à la chambre, suivant les formes les plus protectrices et les plus
propres à éclairer son jugement, en un mot par voie d’enquête. Si la commission
d’industrie a été arrêtée dans ses recherches toutes constitutionnelles, nous
avons vu par la faute de qui. Conviendrait-il, je vous le demande, d’encourager
par une prise en considération immédiate les démarches de ceux qui n’ont pas
voulu se rendre à l’invitation si naturelle, si sage de votre commission
d’industrie ?
Il ne faut pas perdre de
vue, messieurs, qu’à la session dernière, la chambre a procédé avec une promptitude
déplorable, dans des circonstances analogues à celles où nous nous trouvons.
Vous vous rappellerez qu’en 24 heures, la chambre décida qu’un projet serait
discuté immédiatement, alors même que le gouvernement déclarait qu’il n’était
pas en mesure de discuter convenablement la proposition, faute d’avoir pu
réunir les renseignements nécessaires. Cependant, la chambre passa outre. Si le
projet qui vous est soumis était renvoyé aux sections, il se pourrait que la
section centrale vînt vous présenter un rapport plus ou moins favorable ou
défavorable pour l’industrie du pays, et que dans leur ardeur de venir au
secours de l’industrie cotonnière, certains membres missent aussitôt à l’ordre
du jour la discussion de ces graves questions.
Je pense que l’ajournement
de la discussion de la prise en considération ne sera pas préjudiciable au
pays. Si la chambre décide qu’elle veut avoir recours à des moyens restrictifs
pour protéger l’industrie cotonnière, la discussion qui aura lieu ensuite en
sera d’autant plus abrégée, car ce sera là un point important qu’elle décidera par la prise en considération. Si au contraire la
prise en considération est rejetée, il en résultera que la chambre repousse un
système dans lequel les signataires de la proposition voudraient la faire
entrer, système qu’elle a suivi l’année dernière jusqu’à certain point, mais
dans lequel il n’est pas démontré qu’elle soit disposée à persister.
Je crois que le
règlement agit très sagement, quand il exige une discussion avant la prise en
considération. Le règlement, en accordant conformément à la constitution, le
droit d’initiative aux chambres, n’a pas voulu trop favoriser l’exercice de ce
droit, il n’a pas voulu qu’il dépendît d’un ou de plusieurs membres d’absorber
tous les moments de la chambre, en déposant des projets de loi plus ou moins
importants et en exigeant qu’ils fussent immédiatement pris en considération. A
moins de supposer bien de la frivolité on de la futilité aux auteurs des
propositions, les projets présentés auraient toujours, sous un point de vue ou
sous un autre, un degré d’importance tel qu’ils méritent au moins d’être
examinés. Je ne pense pas qu’un seul membre qui se respecte fasse jamais une
proposition sur laquelle on pourra dire qu’il n’y a pas lieu de procéder à son
examen.
Messieurs, en prononçant
la remise de la discussion après le budget de l’intérieur, la chambre agira
sagement, car le gouvernement pourra lui soumettre les renseignements qu’il a
pu recueillir sur la question. Il serait important aussi de savoir jusqu’à quel
point la société de commerce, dont le gouvernement a encouragé la création en
lui affectant un fonds de 300,000 fr., est venue au secours de l’industrie
cotonnière, et jusqu’à quel point aussi les industriels ont profité des
débouchés que cette société pouvait offrir à leurs produits. Les renseignements
que le gouvernement a recueillis sur ce point sont de nature à jeter un grand
jour sur la question. La commission d’industrie a également recueilli des
renseignements ; il serait également bien utile que tout cela fût porté à la
connaissance de la chambre avant la discussion et la prise en considération.
Mon
intention n’est pas d’ajourner par des moyens indirects la discussion de la
proposition qui vous est soumise. Je pense au contraire que, dans l’état des
esprits, il est important de discuter cette question, qui depuis longtemps
occupe la chambre, et a déjà jeté jusqu’à certain point l’alarme dans le pays.
Je crois que pour le
pays, comme pour l’industrie cotonnière, la discussion ne pourra porter que
d’heureux fruits ; et la décision que vous prendrez fera cesser une incertitude
qui ne peut avoir qu’une influence fâcheuse sur toute notre industrie ; mais je
demande que cette discussion ne soit pas précipitée et qu’on procède avec toute
la maturité que commande la gravité des questions qu’elle soulève.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Messieurs, la solution de la question qui s’agite en ce moment doit exercer
une grande influence sur les intérêts matériels du pays, quelque soit le parti
que la chambre adopte ; mais ce n’est pas dans ce moment que ces intérêts se
présentent. Il ne s’agit à présent que d’une question d’ordre pour vos
délibérations : Quel est le mode à suivre pour arriver aux résultats les plus
avantageux sur cette question ? Et d’un autre côté quel est le mode qu’on doit
préférer dans l’intérêt des travaux de la chambre ? n’est-il
pas plus urgent de s’occuper de doter le pays d’une organisation définitive ?
Voilà les deux questions
sur lesquelles je me propose de vous présenter quelques considérations.
L’honorable M. Fleussu
propose de renvoyer immédiatement après le budget de l’intérieur la discussion
de la prise en considération de M.
Desmaisières.
Mais, messieurs, je
demande à quoi aboutira la fixation d’un ajournement ? Aurez-vous le temps
d’examiner d’ici à 3 ou 4 jours le
volumineux mémoire dont vous a donné lecture l’honorable M. Desmaisières, ainsi
que toutes les questions de fait qui se rattachent à ce mémoire. Vous allez
avoir une discussion embrouillée et sans résultats. Quel est donc le meilleur
parti à prendre ? La chambre a nommé dans son sein une commission d’industrie
qui s’est déjà occupée de cette grave question ; il me semble que si on prenait
en considération le projet présenté et que si on le renvoyait en même temps à
la commission d’industrie, nous aurions de cette commission un rapport
lumineux, concluant, et qu’alors il pourrait s’établir une discussion utile au
pays. C’est après un rapport sérieux et mûri, que la chambre jugera si elle
doit adopter la mesure de protection, ou si elle doit la rejeter ; dans ce
dernier cas, les industriels verront qu’on n’a repoussé leurs plaintes qu’après
avoir examiné profondément la question.
Indépendamment
du rapport de la commission d’industrie, je demanderais qu’il fût laissé, entre
ce rapport et le moment de la discussion, un temps suffisant pour acquérir des
renseignements et méditer soigneusement la question qui est l’objet de nos discussion. Si, au contraire, vous adoptez la
proposition de l’honorable M. Fleussu, la discussion qui s’ouvrira la semaine
prochaine n’aura aucun résultat. D’un autre côté, cela ajournera indéfiniment
la loi communale, et il est évident que cette année, vous n’aurez aucune loi
organique : je crois donc, sans rien préjuger sur le rejet ou l’adoption du
projet, que nous devons prendre en considération, puis faire le renvoi à la
commission d’industrie, et laisser entre ce rapport et la discussion un laps de
temps suffisant pour que l’on ait pu prendre des renseignements et méditer
mûrement la matière.
M. C. Vilain XIIII. - Messieurs, l’honorable M.
Fleussu, et après lui MM. Dumortier et Rogier, ont fait un grand crime à MM.
les membres de la société cotonnière de Gand de ne pas s’être présentés à la
commission d’enquête commerciale ; je vais prouver qu’ils ne sont pas si
coupables que veulent bien le dire ces honorables membres. Ils s’étaient rendus
à 2 ou 3 séances de la commission d’industrie légalement constituée, à l’effet
d’examiner la position des industriels. Si MM. les membres de cette commission
n’ont pas été présents, ce ne fut pas la faute des négociants qui venaient
comparaître devant eux. Ils ont refusé de se rendre à la séance d’enquête,
ordonnée après la présentation du rapport de la commission d’industrie, parce
qu’ils ont cru voir un atermoiement dans cette mesure tardive. Ils ont déclaré
depuis qu’ils étaient prêts à se rendre devant la section centrale ou toute
autre commission créée par la chambre par suite de la présentation du projet de
loi toutes les fois qu’ils en seraient requis.
L’honorable
M. Fleussu a ajouté que des échantillons demandés par un armateur du
gouvernement avaient été refusés. Par un ou deux commerçants, cela est
possible, mais il est inexact que ce soit par toute la fabrication de Gand. Ces
échantillons ont été fournis.
Il a dit aussi :
« Mais les ateliers sont en pleine activité. » Cela ne prouve rien et
je me charge de le démontrer, lors de la discussion générale. Car on peut travailler
toute une année et n’avoir rien gagné au bout de ce temps. « Les magasins
sont vides, » ajoute-t-on. Je nie le fait et fussent-ils vides, cela ne
prouverait pas grand chose. La question est de savoir combien il y a eu de
pièces fabriquées et vendues, et pour arriver à ce but, il faut nommer une
commission et le plus tôt que cela sera possible, et il me semble que si nous
chargions aujourd’hui la commission d’industrie de ce soin on en arriverait
promptement à ce résultat.
M. H. Dellafaille. - A mon avis, la prise en
considération ne préjuge rien. Quant à moi, qui suis un des signataires, je
déclare que je m’y opposerai, s’il m’est démontré qu’elle n’est pas avantageuse
et utile. Une prise en considération ne signifie que de voir s’il y a lieu ou
non à suivre une proposition, mais rien au-delà.
Je répondrai à
l’honorable M. Rogier, qui a dit que c’était agir contre le règlement, que
d’adopter la prise en considération, en lui opposant le règlement lui-même qui
s’exprime ainsi :
« Art. 38. Si la
chambre décide qu’elle prend la proposition en considération, cette proposition
est renvoyée à une commission ou à chacune des sections, qui la discutent et en
font rapport. »
« Art. 39. La
discussion qui suivra le rapport de la section centrale ou de la commission est
divisée en deux débats ; la discussion générale et celle des articles. »
« Art. 40. La
discussion générale portera sur le principe et sur l’ensemble de la
proposition. Outre la discussion générale et la discussion des articles, la
chambre pourra ordonner une discussion sur l’ensemble de chacune des divisions
d’une proposition. »
Ainsi
donc la discussion sur le principe n’a pas lieu lors de la prise en
considération, mais lors de la deuxième discussion. La discussion de principe
ne peut précéder la prise en considération, mais doit la suivre. Cela est
clairement expliqué par les articles susdits. Quant au fait de la prise en
considération, il ne faut pas la refuser, car ce serait dire aux industriels :
Vos plaintes ne sont pas dignes d’être écoutées ; et jugez quel effet cela
pourrait produire quand il s’agit de questions ainsi graves pour l’intérêt de
pays.
Un grand nombre de
membres. - Aux
voix ! aux voix !
M.
Duvivier. - Je consens volontiers à céder la parole à l’honorable M. Davignon. Mais je n’avais qu’un mot à dire, c’était que la
marche que veut nous faire suivre M. ministre de l’intérieur n’est pas conforme
au règlement.
M.
Davignon. -
Ayant dû m’absenter avant que la discussion, à laquelle je ne m’attendais pas,
ne fût entamée, je sais à peine de quoi il est question ; je ne prends la
parole que pour répondre à quelques faits avancés par un honorable députe des
Flandres. Je prendrai la confiance de rappeler à la chambre qu’une pétition
très pressante signée d’un grand nombre de fabricants fut adressée en janvier
1834. La commission d’industrie se réunit en février suivant. Je fus malade et
ne pus malheureusement prendre part à ses travaux qu’en juillet et j’appris
alors qu’il n’avait été pris aucune décision dans la commission ; ce n’était
pas la faute du vice-président qui avait fait tous ses efforts pour réunir les
membres qui la composaient : le rapport a été fait à la chambre dès les
premiers jours de la présente session.
Peu après une pétition
lui fut adressée par des négociants de Bruxelles ; celle-ci fut renvoyée à la
commission d’industrie qui, pour éclaircir les faits allégués de part et d’autre,
crut ne pouvoir mieux faire que d’appeler devant elle une partie des
signataires de ces pétitions, et d’établir ainsi une espèce d’enquête
contradictoire.
A cet effet nous avons
convoqué des fabricants de Gand, de Bruxelles et d’Anvers. Les industriels de
ces deux dernières villes se sont rendus à notre invitation, et ont répondu
avec convenance et lucidité aux questions qui leur ont été posées ; ceux de
Gand n’ont pas jugé à propos d’obtempérer au vœu de votre commission. C’est à
la chambre à apprécier ce procédé.
Je dirai encore que ce
n’était pas au corps industriel que notre invitation était adressée, mais bien
à chaque fabricant nominativement et séparément.
L’on
a pensé, dit l’honorable préopinant, que cet appel n’était qu’un nouvel
atermoiement à une affaire qui traînait déjà depuis si longtemps. C’est une
grande erreur, messieurs ; des faits et des calculs opposés l’un à l’autre nous
étant présentés, votre commission a été d’avis que le meilleur moyen de
l’éclairer et d’assurer la solution de la question, c’était de mettre les deux
opinions en présence. Du reste messieurs, cette espèce d’enquête sera mise en
règle sous peu, et alors, elle sera soumise à la chambre.
Je
le répète, messieurs, je ne m’attendais pas à cette discussion, et n’ayant pas
entendu les développements de la proposition je demande qu’on en ordonne
l’impression, pour pouvoir juger en connaissance de cause.
M.
Dumortier. - Les industriels de Gand n’ont pas déclaré qu’ils
paraîtraient chaque fois, ils ont déclaré au contraire ne vouloir point
paraître.
M.
Fleussu. - Je ferai remarquer à M. C. Vilain XIII, que je ne fais un
crime à qui que ce soit, pas plus aux fabricants de Gand qu’à tous autres. J’ai
signalé un fait : c’est que ces industriels ne se sont pas rendus à la
convocation : les faits subsistent, et il est impossible de les nier. Je ferai encore
une autre observation. C’est que bien loin de détruire ce que j’ai dit, les
motifs présentés par M. le ministre de l’intérieur et M. Vilain XIIII, viennent
à l’appui de mes assertions.
M.
le ministre de l’intérieur a dit : Vous ne pouvez pas avoir saisi tout ce que
contient le volumineux rapport de l’honorable M. Desmaisières. Il n’y a qu’un seul moyen, pour arrivera un but
utile, c’est d’admettre la proposition de prise en considération et d’envoyer
ce rapport à une commission. J’adopte cette proposition : oui, vous avez raison
: il ne faut pas agir avec trop de hâte ; il faut user de réserve. Cela doit
être dans tous les gouvernements constitutionnels. Mais je dis moi qu’il ne
faut pas prendre en considération en ce moment, ou vous en arriverez à de
mauvais résultats. Lorsque vous aurez des renseignements suffisants, alors vous
pourrez prendre ou non en considération ; vous devez encore examiner la loi,
alors même que les renseignements que vous recueillerez prouveraient que la loi
ne vaut rien. Quand vous aurez tous ces renseignements, procédez avec
connaissance de cause, et de cette façon, bien pénétrés de la matière que vous
aurez à juger, vous rejetterez la loi, si elle est inutile ou nuisible, et vous
l’adopterez, si elle est utile ou favorable à l’industrie.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’honorable préopinant, en me répondant, a omis deux considérations. J’ai dit
qu’en fixant la prise en considération immédiatement après le budget de
l’intérieur, on n’en retirerait aucun fruit. Je crois le fait incontestable.
J’ai ajouté en second
lieu que cela nous ferait perdre un temps précieux, destiné à la discussion de
la loi d’organisation communale. L’honorable M. Duvivier a dit que le renvoi à
la commission d’industrie était contraire au règlement. Il est dans l’erreur,
voici ce que dit le règlement :
« Art.
39. La discussion qui suivra le rapport de la section centrale ou de la
commission est divisée en deux débats ; la discussion générale et celle des
articles. »
« Art. 40. La
discussion générale portera sur le principe et sur l’ensemble de la
proposition. Outre la discussion générale et la discussion des articles, la
chambre pourra ordonner une discussion sur l’ensemble de chacune des divisions
d’une proposition. »
Eh bien, si vous
renvoyez à la commission d’industrie, elle vous fera un rapport sur la matière
et alors vous pourrez procéder en toute connaissance de cause.
M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, une trop
prompte prise en considération peut exercer une très grave influence
relativement à nos relations commerciales avec nos voisins ; n’oubliez pas que
nous avons envoyé une commission à Paris, pour y négocier un traité de commerce
: si nous démontrons aux gouvernements avec lesquels nous négocions, que nous
sommes toujours tentés au premier abord de prendre des mesures prohibitives,
nous ne pourrons jamais les amener à diminuer leurs droits, but où doivent
tendre tous nos efforts, car nous regorgeons de produits, et ce n’est pas en
votant des lois comme celle dont il s’agit, et celle sur les toiles et les
céréales, que nous amènerons l’étranger à les diminuer. La chambre paraissant
très empressée de clore cette discussion, je bornerai là mes
observation qui suffisent d’ailleurs pour me déterminer à appuyer de
tout mon pouvoir la proposition de l’honorable M. Fleussu.
M. Duvivier. - Je maintiens toute mon
observation. M. le ministre a dit qu’il était des cas où le règlement permet de
renvoyer à des commissions permanentes : cela est exact : mais ces renvois ne
sont pas, comme dans le cas actuel, précédés d’une prise en considération. Or,
je crois qu’ici il faut ajourner la prise en considération jusqu’à ce que vous
ayez assez d’éléments pour la discuter convenablement.
M.
Gendebien. - Vous voulez passer immédiatement à la prise en
considération, par économie de temps ; j’applaudis au motif qui vous guide ;
mais vous arriverez à un résultat tout contraire.
Si vous prenez la
proposition en considération, sans discussion préalable, vous n’en serez pas
moins obligés, après le travail des sections et de la section centrale,
d’entendre son rapport et un nouveau développement de la proposition. Vous
arriverez à la discussion générale où l’on agitera la grave question du
principe et de l’opportunité de la proposition. Sous ce rapport non seulement
il n’y aura pas économie de temps, mais perte d’un temps plus grand.
Veuillez remarquer que
la discussion générale portera non seulement sur le principe et l’opportunité
de la proposition, mais aussi sur l’ensemble et les articles de la loi.
Voulez-vous savoir
quelle sera la différence dans le parti que vous prendrez ? C’est que si vous
discutez séparément et avec maturité la prise en considération, vous pourrez
soit ajourner la proposition, soit la rejeter, en vous bornant à discuter les
principes généraux, et l’opportunité qui est nécessairement subordonnée au
système prohibitif ou libéral sur lequel vous devez nécessairement prendre un
parti, afin de faire cesser l’incertitude qui est cent fois plus désastreuse
que le parti que vous prendrez quel qu’il soit.
Si vous passez, sans
examen, à la prise en considération, vous vous condamnez à discuter plus tard
le principe général et en même temps l’ensemble et les articles de la loi, pour
arriver en définitive peut-être à une solution en principe ou à un ajournement
qui eussent pu être prononcés sur la prise en considération, en vous dégageant
de l’obligation de subir la discussion des détails de la loi.
D’ailleurs, messieurs,
est-il bien convenable de scinder la discussion des budgets, pour arriver à
quoi ? A adopter avec précipitation ce que certaines localités appellent un principe
de vie et ce que l’immense majorité de la Belgique considère comme un principe
de mort.
Je demande donc qu’on
remette à 15 jours ou 3 semaines la discussion de la prise en considération. La
question est assez grave pour justifier cette mesure prudente que plusieurs
antécédents légitiment. Je vous conjure par amour pour l’économie de temps,
d’ajourner la prise en considération et de passer à la discussion du budget de
l’intérieur.
-
La clôture est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Il y a trois propositions :
celle de M. Fleussu, qui demande l’ajournement de la prise en considération,
celle de M. Rogier, qui ajoute la demande de l’impression, et celle de M. le
ministre de l'intérieur, qui propose de procéder incontinent à la prise en
considération et postérieurement au renvoi à la commission d’industrie.
M. Desmanet de Biesme. - Je demande
que la proposition de M. Fleussu ne soit applicable qu’après la discussion des
budgets.
M.
Fleussu. - Je me rallie à cette proposition.
-
La proposition de M. Fleussu est mise aux voix et adoptée.
Sur la demande de M.
Roger., l’impression et la distribution de la proposition concernant les cotons
est ordonnée.
M.
Rogier. - Je demanderai en outre que la commission de l’industrie
publie au plus tôt son rapport sur l’enquête qu’elle est chargée de faire,
c’est-à-dire que le gouvernement soit invité à faire ces publications.
M. Dumortier. - Je voudrais que l’on renvoyât
la proposition à la commission d’enquête d’industrie, afin qu’elle fît une
enquête spéciale sur cette proposition. Le travail que la commission a fait
jusqu’à ce jour n’a rien de commun avec le projet qui nous est soumis
aujourd’hui par nos honorables collègues. Ce projet est extrêmement complexe ;
il renferme beaucoup d’objets sur lesquels la commission n’a pas porté ses
investigations.
Il faut donc que la
commission soit chargée de faire une enquête spéciale, en l’invitant à
présenter son rapport dans le plus bref délai.
M. H. Dellafaille. - Comment peut-on renvoyer à la
commission d’enquête une proposition dont il n’est pas décidé qu’on s’occupera
? (C’est vrai ! c’est clair !)
M.
Dumortier. - Je réserve ma proposition, et je la renouvellerai si la
prise en considération est admise.
Discussion des articles
Rapport de la section centrale sur les
amendements aux chapitres II, IX et X
M.
le président. - La parole est à M. H. Dellafaille, rapporteur de la
section centrale.
M. H. Dellafaille, rapporteur, s’exprime en ces termes. -
Messieurs, trois amendements proposés dans le cours de la discussion du budget
de l’intérieur ont été renvoyés à l’examen de la section centrale. Le premier,
présenté par M. Legrelle, tend à faire allouer, à titre de secours, une somme
de fr. 300,000 aux victimes de l’agression hollandaise on des ravages de la
guerre ; le second, présenté par M. Simons, a pour but une somme de fr. 50,000
à des réparations urgentes aux rives de la Meuse ; le troisième, présenté par
M. le ministre de l’intérieur, élève à fr. 89,410 le chiffre de l’article
unique du chapitre X.
En acquit de mon mandat,
je viens, messieurs, vous soumettre les conclusions de votre section centrale
sur ces amendements.
La section centrale n’a
pas recherché s’il y avait lieu d’accorder aux victimes des désastres de la
guerre une indemnité intégrale ou seulement un dédommagement partiel. Elle a
laissé intacte cette question dont elle ne s’est pas regardée comme saisie, et
qui viendra se présenter plus tard, lorsque vous aurez à discuter le projet de
loi relatif à cet objet, dont vos sections se sont déjà occupées. Elle s’est
bornée à examiner s’il convenait d’accorder dès à présent un secours
provisoire, ou s’il était préférable de renvoyer la concession de toute
indemnité intégrale ou partielle, après le vote sur le projet de loi déjà
présenté à la chambre, sauf à réclamer la discussion immédiate de cette loi.
En faveur de cette
dernière opinion, on a fait valoir la difficulté de faire une répartition
convenable de la somme demandée. Il a été observé qu’on ne pouvait la
distribuer entre tous les intéressés en proportion de leurs pertes ; que cette
allocation n’était et ne pouvait être destinée qu’aux plus nécessiteux, et que
cette classification des personnes qui ont souffert des événements de la guerre
donnerait probablement lieu à des difficultés inextricables.
La discussion immédiate
de la loi sur les indemnités aurait, disait-on, pour avantage non seulement de
fixer enfin d’une manière définitive le sort des réclamants, mais en outre de
débarrasser le gouvernement d’un travail excessivement difficile qui
satisferait, à la vérité, quelques personnes, mais qui en mécontenterait
peut-être un plus grand nombre parmi ceux-qui ne se verraient pas appelés à
prendre part au secours.
Il a été répondu qu’en supposant
le rapport sur cette loi fait dans un bref délai, et sa discussion fixée à un
jour peu éloigné, il serait cependant difficile de prévoir l’époque à laquelle
ce projet pourra être converti en loi. En admettant même que les diverses
branches du pouvoir législatif s’accordent de prime abord sur les questions
très graves qui seront agitées, il serait impossible, a-t-on dit, que la
répartition des fonds alloués suive immédiatement la promulgation de la loi.
Or, parmi les réclamants, il en est qui ont conservé des ressources ou qui même
n’ont essuyé que des faibles pertes ; mais il en est d’autres auxquels les
malheurs de la guerre ont ôté tous leurs moyens d’existence et dont les besoins
réclament un secours immédiat.
La section centrale a
senti la justesse de ce raisonnement ; mais avant de prendre aucun parti, elle
a cru devoir s’informer s’il y avait moyen de parvenir à effectuer la
répartition de ce crédit sur des bases convenables. A cet effet elle a invité
le ministre de l’intérieur à se rendre dans son sein pour lui donner les
explications désirées.
M. le ministre de
l'intérieur a fait connaître que non seulement la classification, par degrés de
fortune, des personnes qui avaient souffert des événements de la guerre était
possible, mais qu’elle se trouvait toute faite. C’est sur cette base qu’a été
distribué, en 1831, le secours de 150,000 florins affecté à cet usage, et la
répartition de cette somme n’a donné lieu à cette époque à aucune réclamation.
Ce dernier fait nous a été confirmé par l’honorable auteur de la proposition
qui, par sa position, s’est trouvé plus qu’un autre à même d’apprécier l’usage
qui a été fait de ce crédit.
Rassurée sur les doutes
qu’elle avait conçus, relativement à la possibilité d’effectuer une répartition
satisfaisante de la somme demandée, la section centrale a pensé qu’il ne
fallait pas hésiter à soulager immédiatement l’infortune de plus de 4,000
malheureux, pour lesquels la promptitude du secours sera peut-être un aussi
grand bienfait que le secours lui-même.
Cette décision a été
prise par cinq voix contre une. Le membre dissident demandait que la section
centrale chargée de l’examen de la loi sur les indemnités fût également chargée
d’examiner la proposition de M. Legrelle et incitée à faire son rapport dans le
plus bref délai possible.
En adoptant la
proposition de M. Legrelle, la section centrale a cru devoir la rédiger de
manière à la restreindre aux seuls nécessiteux belges. En conséquence elle a de
vous proposer l’article additionnel suivant qui formerait l’article 5 du
chapitre II :
« Secours aux
nécessiteux belges, victimes de l’agression hollandaise ou des ravages de la
guerre : fr. 300,000. »
_________________
En ce qui concerne les
réparations aux rives de la Meuse, la section centrale a jugé utile de
rechercher à qui devaient incomber ces dépenses qui se reproduisent chaque
année.
L’art. 1er de la loi du
30 floréal an X porte :
« Il sera perçu
dans toute l’étendue de la république, sur les fleuves et rivières navigables,
un droit de navigation intérieure, dont les produits seront spécialement et
limitativement affecté au balisage, à l’entretien des chemins et ponts de
halage, à celui des pertuis, écluses, barrages et autres ouvrages d’art établis
pour l’avantage de la navigation. »
L’art. 33 de la loi du
16 septembre 1807 porte :
« Lorsqu’il s’agira
de construire des digues à la mer, ou contre les fleuves, rivières et torrents
navigables ou non-navigables, la nécessité en sera constatée par le
gouvernement et la dépense supportée par les propriétés protégées, dans la
proportion de leur intérêt aux travaux saut les cas où le gouvernement croirait
utile et juste d’accorder des secours sur les fonds publics.
D’après ces
dispositions, les dépenses relatives à l’entretien des fleuves et rivières se
divisent en deux catégories bien distinctes ; celles qui ont pour but
d’entretenir le fleuve dans un bon état de navigabilité sont à la charge de
celui qui reçoit les péages établis pour et spécialement affectés à ce service
: celles qui concernent les digues élevées coutre le fleuve incombent aux
propriétés protégées par ces ouvrages, sauf les secours le gouvernement se
réserve d’accorder lorsqu’il y a lieu.
Les travaux relatifs à
la navigabilité ont été à la charge du gouvernement jusqu’en 1819, époque à
laquelle la province a été sous ce rapport substituée à l’Etat.
L’arrêté qui opère ce
changement est du 17 septembre 1819.
A partir de l’époque où
cet arrêté a été mis à exécution, les administrations provinciales ont perçu
les droits de navigation à la charge d’exécuter à leurs frais les ouvrages
énumérés à l’art. 1er de la loi du 30 floréal an X.
Jusqu’au moment de la
révolution, les travaux à faire à la Meuse, dans le Limbourg, n’ont donné lieu
à aucune difficulté. La province tirait des péages au produit de 20,000 fl.
Cette somme servait à couvrir les frais d’entretien à la charge de la province,
et à accorder quelques subsides aux communes riveraines menacées d’inondation.
Depuis le mois de
décembre 1830 jusqu’en 1833, la navigation de la Meuse a été interrompue ; la
province de Limbourg privée de ses péages a cessé d’exécuter les travaux
auxquels ces revenus étaient spécialement affectés, et les rives de ce fleuve
sont demeurées dans un état à peu près complet d’abandon.
En 1833, à la suite de
la convention de Zonhoven, l’administration du Limbourg a rétabli la perception
des droits, mais le gouvernement n’a pas tardé à l’interdire.
Nous n’examinerons pas
si, en strict droit, la province de Limbourg était fondée, avant 1833, à
refuser de satisfaire à ses obligations, par le motif que la guerre lui
enlevait la branche de ses revenus qui était destinée
à les couvrir ; mais nous ferons remarquer que l’équité réclamait pour elle au
moins, la concession d’un subside, faveur que le gouvernement, par l’art. 33 de
la loi du 16 septembre 1807, reconnaît devoir être quelquefois accordée même à
des particuliers.
Depuis 1833, la cause du
Limbourg ne peut plus offrir le moindre doute. C’est par le fait du
gouvernement et pour cause d’intérêt public que cette province se voit privée
des revenus qui devaient subvenir aux frais d’entretien de la Meuse.
Il a toutefois été
observé, dans la section centrale, qu’en admettant que l’Etat dût intervenir
dans les travaux à faire à la Meuse, il ne fallait pas confondre ceux qui
regardent la navigabilité de cette rivière avec ceux relatifs aux digues
destinées à protéger les propriétés riveraines. Les premiers, a-t-on dit, sont
les seuls qui concernent la province, et par conséquent les seuls auxquels
l’Etat soit, par l’effet des circonstances, obligé de subvenir. Quant aux
seconds, ils regardent les propriétaires ; et nul motif n’oblige le trésor à se
charger de ces frais. Il paraît cependant que, l’année dernière, il n’a été
tenu aucun compte de cette différence.
D’après ces
observations, le ministre de l’intérieur a été prié de s’expliquer sur
l’urgence des travaux, ainsi que sur les mesures que le gouvernement comptait
prendre, soit pour faire concourir les propriétaires aux dépenses dans la
proportion qui leur incombe, soit pour faire rentrer l’Etat dans les avances
déjà faites.
Le ministre a répondu
que les travaux étaient de la plus grande urgence, que rien ne se ferait en
1835 si le gouvernement ne pouvait venir au secours des endroits calamiteux et
de quelques petits propriétaires hors d’état de subvenir à la dépense ; que
l’effet d’un ajournement serait de rendre, pour 1836, les dégâts plus grands et
les dépenses plus considérables.
En ce qui concerne le
concours des riverains, le ministre a fait connaître que deux des plus grands
propriétaires avaient déjà exécuté à leurs frais le long de leurs possessions
des ouvrages définitifs très considérables ; que des démarches avaient été
faites pour faire contribuer les autres riverains, et que l’intention du
gouvernement était de poursuivre le recouvrement des avances.
Enfin, le ministre a
ajouté que, pendant le cours de cette année, il s’occuperait du soin
d’améliorer l’administration de la Meuse.
M. le ministre a déclaré
que la somme de fr. 40,000 suffirait pour les travaux à faire cette année ; il
a proposé pour le libellé de l’article une rédaction qui a obtenu les suffrages
de la section centrale comme propre à éviter la confusion entre les charges
publiques et les charges particulières.
Par les motifs qui vous
ont été exposés, la section centrale vous propose d’ajouter au chapitre IX un
article additionnel a intercaler entre les articles 2
et 3, et ainsi conçu :
« Travaux à la Meuse
conformément aux lois et arrêtés sur la matière : fr. 40,000. »
__________________
Le troisième objet dont
votre section centrale s’est occupée, est le
supplément du crédit de fr. 4,410 réclamé par le ministre de l’intérieur pour
la création de trois nouvelles places de conducteurs des mines.
Le ministre a fait
connaître qu’il se proposait de créer ces trois nouvelles places dans le
Hainaut, où le personnel paraît insuffisant.
En effet il a été
remarqué qu’il y avait pour les provinces de Liége et de Limbourg quatre
ingénieurs, un sous-ingénieur et neuf conducteurs, et pour les provinces de Namur
et Luxembourg deux ingénieurs, deux sous-ingénieurs et cinq conducteurs, tandis
que le Hainaut, province qui compte le plus de mines de toute espèce, n’a qu’un
ingénieur, deux sous-ingénieurs et sept conducteurs.
On a encore fait
observer que tous les ans le nombre des établissements, usines et
exploitations, s’augmentait dans cette province et que l’insuffisance du
personnel devenait de plus en plus sensible.
Ces raisons ont paru
valables à votre section centrale, qui, en conséquence, a l’honneur de vous
proposer l’adoption de la majoration demandée, ce qui porterait le chiffre de
l’article unique du chapitre X à fr. 89,410.
- La chambre ordonne
l’impression de ce rapport dans le Moniteur.
Chapitre XI. Lettres, sciences et
arts
Article premier
M.
le président. - Nous en sommes au chapitre XI dont l’article 1er est
relatif aux sciences, lettres et arts. Le gouvernement demande 186,740 fr.
M.
C. Rodenbach. - Messieurs, à l’occasion de l’allocation demandée par M.
le ministre de l'intérieur pour l’encouragement des sciences et des arts, je
lui demanderai s’il a le projet de faire continuer la construction du palais
des arts, des sciences et de l’industrie, sur le terrain de l’ancien ministère
de la justice, au Petit-Sablon.
Ce monument a eu l’année
dernière un commencement d’exécution ; les murs de fondation pour les galeries
latérales de la grande salle sont même finis.
Comme je ne vois rien
figurer au budget de ce chef, je crois devoir appeler l’attention de la chambre
sur un monument éminemment national et qui est en quelque sorte le complément
des quatre arrêtés du 7 janvier de cette année, relatifs à un musée national,
galeries de statues des hommes illustres, exposition, etc. arrêtés qui ont
obtenu l’approbation de tous ceux qui aiment les arts et s’intéressent à la
gloire du pays.
Le projet, dont M.
l’architecte Suys est l’auteur, est déposé au
ministère de l’intérieur.
Ce monument contiendrait
:
1° De vastes salles pour
l’exposition des objets de l’industrie ;
2° Des salles pour
l’académie des sciences, belles lettres et arts : institut à l’instar de celui
de France ;
3° Des salles pour
l’école des beaux arts, peinture, sculpture et architecture, etc. ;
4° Des salles et classes
pour le conservatoire de musique ;
5° Des salles pour la
bibliothèque de Bourgogne ;
6° Des salles pour les
collections appartenant à l’Etat, etc.
J’invite
donc M. le ministre de l'intérieur à ne pas abandonner l’exécution du monument
dont il s’agit, et qui doit contribuer puissamment à former notre nationalité
et à attirer l’étranger dans le pays.
On pourrait peut être
m’objecter que le moment n’est pas opportun pour faire de grandes dépenses pour
la construction de monuments nationaux. Je répondrai que la dépense pourrait se
diviser en plusieurs années ; 8 à 10 par exemple. De cette manière la somme à
employer annuellement ne pourrait jamais être considérable.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- J’ai déjà déclaré à la chambre que je ne prendrais sur moi de faire continuer
les travaux commencés que lorsqu’un subside spécial m’aura été accordé par la
chambre. Je ne crois pas devoir en faire la demande actuellement. J’attendrai
qu’une commission d’architectes m’ait fourni des renseignements sur la
construction à faire. Je ferai un rapport circonstancié à la chambre qui
accordera le subside si elle le juge convenable.
M. Verdussen. - Je crois qu’une somme de 15,000
francs peut être réduite. En effet ces 15,000 fr. ont été demandés pour faire
face aux frais qu’occasionnera l’exposition des produits des beaux-arts en
1835. Depuis un arrêté a ajourné à l’année 1836 l’exposition qui devait avoir
lieu cette année à Bruxelles. J’ai vu cet ajournement avec plaisir parce qu’il
n’y aura pas la même année une exposition à Gand et une à Bruxelles Dès lors
les 15,000 fr demandés deviennent inutiles et si M. le ministre s’opposait à la
suppression totale de cette somme, il pourrait consentir du moins à ce qu’elle
fût diminuée de 7,000 francs.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ne partage pas l’opinion de l’honorable préopinant. S’il ne doit pas y
avoir d’exposition à Bruxelles, en 1835, il y en aura une à Gand. La somme
demandée servira aux achats de tableaux que le gouvernement croira devoir
faire. La somme demandée pour l’encouragement des beaux-arts, loin d’être trop
élevée, est évidemment trop faible, si l’on considère toutes les allocations
qui seront imputées sur ce crédit.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - Il faut remarquer que sur la
somme de 75,000 fr. demandée pour les beaux-arts il y a une somme de 40,000 fr.
engagés. Cet engagement du gouvernement consistait dans les subsides accordés
aux écoles de dessin, aux académies et ainsi que dans les secours ou pensions
alloués par le gouvernement à de jeunes artistes.
Il ne reste donc de
disponible qu’une somme de 35,000 francs qui doit subvenir aux différentes
dépenses que nécessite l’encouragement à donner aux beaux arts. Ainsi, des
subsides seront accordes pour l’érection d’académies à Bruxelles et à Anvers.
L’exposition de Bruxelles aurait nécessité un crédit de 8,000 fr. Il sera
dépensé en achat de tableaux et d’objets qui peuvent être envisagés comme des
ouvrages de l’art lors de l’exposition de Gand.
Je
soumettrai à M. le ministre de l'intérieur une observation déjà présentée par
l’honorable M. de Brouckere l’année passée. Il est important que le
gouvernement s’attache à n’acheter que des tableaux de maîtres. On achète la
plupart du temps des ouvrages de jeunes gens à peine entrés dans la carrière
des beaux-arts. Il en résulte que des ouvrages très faibles sont exposés dans
les musées où leurs auteurs eux-mêmes rougissent plus tard de les voir figurer.
Je crois que l’on
encouragera mieux les jeunes talents en leur donnant des subsides qui leur
permettent d’aller étudier les principes et les modèles de la peinture en
Italie. Je ne puis que conseiller au gouvernement de faire de bons achats en
fait de tableaux. Je crois qu’en supposant le subside trop élevé, il vaut mieux
ne pas gêner le gouvernement dans les achats qu’il croirait devoir faire dans
l’intérêt des arts.
M. Coghen - J’ai demandé la parole pour appuyer la
proposition de 15,000 fr. Si cette somme n’était pas accordée au gouvernement,
il serait obligé de n’acheter que des objets d’art d’une valeur peu
considérable et de voir enlever par les particuliers ou les étrangers des
tableaux qu’il aurait voulu placer dans les musées nationaux.
Puisque j’ai la parole,
qu’il me soit permis de rectifier une inexactitude avancée dans la séance
précédente, à propos de la direction du chemin de fer. J’ai eu sous les yeux le
procès-verbal de la séance du conseil de régence de Bruxelles, où l’on s’est
occupé de cet objet. Treize membres étaient présents ; 7 membres ont voté pour
la direction de la rue Neuve ; 5 membres pour la direction de l’Allée-Verte, le
treizième a voté pour une direction différente. L’honorable M. Gendebien qui
n’était pas présent à la séance envoya son opinion par écrit.
M.
Gendebien. - Puisque l’honorable M. Coghen est revenu sur la discussion
d’une séance précédente, qu’il me soit permis de répondre. L’honorable
préopinant avait avancé que le conseil de régence et la chambre de commerce
étaient d’avis que l’on fît aboutir le chemin de fer à l’Allée-Verte. J’ai
répondu que quoique j’eusse l’honneur de faire partie du conseil de régence, je
n’avais pas connaissance d’une décision de cette nature. Le conseil de régence
attache une grande importance à ce que l’on sache que ce n’est pas par suite de
son contentement que la direction actuelle du chemin de fer a été adoptée. Je
ferai insérer au Moniteur le
procès-verbal de la séance et la lettre que j’ai envoyée au conseil de régence.
Tous les membres pourront en prendre connaissance.
Un seul membre s’est
opposé aux deux directions proposées. Il voulait que le chemin traversât la Senne
et franchît le canal de manière à longer la rive gauche et à aboutit au canal
de Charleroy. De cette manière, le chemin aurait débouché à la jonction des
deux canaux, au centre des arrivages de Charleroy et d’Anvers. Je pris M. le
ministre de l'intérieur de prendre note de cette opinion parce qu’il est temps
encore de la peser mûrement et de la mettre à exécution.
La
direction que proposait ce membre du conseil de régence n’était pas exclusive
de la direction actuelle. C’eût été un embranchement qui se fût dirigé vers
l’endroit où débouchera le chemin de fer vers la France, si on l’exécute.
M. le ministre de
l'intérieur pourrait soumettre ce plan aux ingénieurs, et je suis persuadé
qu’ils seront de l’avis de l’échevin dont je rapporte l’opinion.
M.
Dumortier. - Je viens demander
une réduction sur le chiffre proposé pour l’encouragement des sciences et des
arts. Quoique j’aime autant que tout autre les sciences et les arts, je ne veux
pas que l’on augmente le budget pour les choses que j’aime.
Sous le roi Guillaume
aucune somme semblable n’était portée au budget. Ce qui me fait d’autant plus
désirer une diminution sur le chiffre, c’est qu’il est le résultat
d’augmentations successives, et qu’il est temps qu’on y mette un terme. Sur les
150,000 fr. proposés, on a l’intention de prélever des subsides pour l’érection
à Bruxelles et à Liége d’académies semblables à celle d’Anvers.
Je désire vivement que
ces académies soient érigées, mais je veux qu’elles le soient aux dépens des
régences, comme cela a lieu pour l’académie de Tournay. Si vous accordez un
subside pour les villes de Liége et de Bruxelles, il n’y a pas de motif pour
que celles de Tournay, Mons, Namur, Malines ne viennent réclamer la même faveur.
Chacune de ces villes aura les mêmes droits et leurs demandes devront être
admises.
Je pense qu’il faut en
rester au point où en est le gouvernement. Il y a une école des beaux-arts à
Anvers et à Gand ; cela suffit. Il y a à Bruxelles et à Liége un conservatoire
de musique, cela suffit encore ; si Liége et Bruxelles veulent avoir des
académies des beaux-arts, qu’elles les établissent au moyen de leur budget. De
même, si Anvers et Gand veulent avoir un conservatoire de musique, qu’elles le
fondent également au moyen de leur budget. Je ne vois pas de motif qui pourrait
vous porter à refuser à Anvers et à Gand une école de musique si ces villes
vous en demandaient, lorsque vous auriez accordé à Liége et à Bruxelles une
académie des beaux-arts.
Il
ne faut pas ainsi fonder aux frais de l’Etat des établissements qui doivent
être à la charge des localités. Si une ville veut avoir une école de beaux-arts
elle doit la salarier. La ville de Tournay a une académie des beaux-arts, elle
l’a établie et elle l’entretient à ses frais. Si le gouvernement persiste à
vouloir en fonder à Liége et à Bruxelles, je demanderai une allocation pour
celle de Tournay, et j’engagerai chacun de mes collègues à faire la même
demande pour sa localité.
M.
de Foere. - Messieurs, on motive l’allocation de 35 mille francs
demandés sur les engagements pris par le gouvernement. C’est toujours la même
doctrine des engagements pris à l’avance lors qu’ils devraient toujours être
postérieurs au budget. Je m’étonne que la section centrale encourage une marche
aussi inconstitutionnelle.
Je partage l’opinion que
vient d’émettre l’honorable député de Tournay, la chambre ne remarque pas où
nous conduiront ces majorations continuelles. Calculez les sommes portées au
budget, et vous verrez quels résultats effrayants vous aurez. Calculez
seulement le chiffre qu’on vous demande pour l’article dont il s’agit, il
représente le produit d’un capital de 3 millions et demi. Si vous continuez à
majorer vos budgets, vous arriverez à un état de choses auquel notre budget ne
pourra pas suffire. Déjà notre budget des recettes est une charge accablante
pour le pays.
Je
crois que dans aucun autre pays on n’alloue relativement à la population des
sommes aussi fortes que chez nous, pour les lettres, les sciences et les arts.
Je prie la chambre de
prendre en considération ces réflexions. Pour ma part je me refuse à voter la
somme demandée.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - Je répondrai à l’honorable
préopinant que les encouragements ont été pris sur les fonds alloués pour les
années précédentes, et que le gouvernement a cru pouvoir compter sur la
continuation du subside. La somme pour laquelle il a pris des engagements est
de 40 mille fr. et l’allocation était de 60 mille fr. Il a donc tenu un tiers de
l’allocation disponible.
Je crois que M Dumortier
se trompe en disant que sous le précédent gouvernement aucun subside n’était
accordé pour les lettres, les sciences et les arts, il devait y avoir
nécessairement un fonds pour les beaux-arts, car l’académie d’Anvers recevait
un subside, on en donnait encore à différentes écoles de dessin, il fallait un
crédit quelconque.
L’honorable
membre a combattu l’allocation demandée pour Liége et Bruxelles. Il n’a sans
doute pas remarqué qu’il ne s’agissait pas d’une allocation perpétuelle, mais
d’un subside une fois donné, pour faciliter l’érection de ces deux écoles de
beaux-arts. Quoique ce soit plus ou moins un objet d’intérêt communal, je crois
que c’est une mesure sage que d’encourager l’érection de ces établissements.
Je ferai observer que
l’article entier n’est que de 186,740 fr. Il y a bien une majoration de 15
mille fr. sur la lettre A, mais en revanche, l’augmentation sur tout l’article
n’est guère que d’un millier de fr., parce qu’il y a
eu des réductions sur d’autres littera.
Il s’agit d’une somme de
25 mille fr. une fois payée, et d’après l’impulsion que le gouvernement se
propose de donner aux arts cette somme ne peut pas paraître trop forte.
M. Rogier. - Il n’est pas exact de dire que les
arts fleurissaient sous l’ancien gouvernement sans qu’aucun subside leur fût
alloué. Il a déjà été dit que le gouvernement hollandais, outre les subsides
partiels qu’il donnait, allouait une somme de 20,000 florins destinés à l’achat
d’objets d’art. Un arrêté de mars ou avril 1827 avait affecté un subside à
l’encouragement de la gravure. Messieurs, pour mon compte, j’appuie la
majoration demandée. Je voudrais que l’on pût encourager les communes qui
désirent entrer dans la voie des améliorations. C’est avec beaucoup de plaisir
que je verrais venir à leur secours : Si Liége voulait joindre une école de
beaux-arts à son conservatoire de musique, si Louvain veut créer un
établissement de ce genre, si Gand veut être placé sur la même ligne que
Bruges, je ne vois pas pourquoi le gouvernement n’encouragerait pas ces villes
en leur accordant des subsides. Le gouvernement ne subsidie pas la ville de
Gand pour son école des beaux-arts, mais je crois que l’intention du ministre,
est de le faire et je l’en félicite. La ville de Tournay a le même droit que
les autres localités d’obtenir des subsides pour des établissements semblables,
si ses ressources financières ne lui permettent pas de faire face à ces
dépenses, elle fera bien de réclamer le concours du gouvernement. D’ailleurs je
ne vois pas que la ville de Tournay ait à se plaindre, elle touche 20,000
francs pour son collège. C’est un subside assez considérable, comparé à celui
qu’on propose d’accorder pour une école de beaux-arts qui a tout autant de
droit à la protection du gouvernement qu’une école grecque et latine.
M.
Dumortier. - Je suis étonné qu’on vienne reprocher à la ville de
Tournay le subside de 20,000 fr. qu’elle reçoit pour son athénée, alors que
l’université de Liège coûte 300,000 fr. à l’Etat. D’ailleurs ce n’est pas
20,000 fr. que reçoit l’athénée de Tournay, mais seulement 15,000 fr. Si une
ville a été favorisée depuis la révolution, ce n’est certainement pas Tournay,
et cependant c’est la sixième ville du royaume. On ne lui a pas voté de route
en fer coûtant de 15 à 20 millions. On lui a refusé un établissement qu’elle
avait demandé, on s’est conduit vis-à-vis d’elle avec la plus grande injustice
et nous n’avons jamais réclamé. Nous avons fondé notre école des beaux-arts,
sans subside, nous avons fait nos affaires en famille et je voudrais que toutes
les villes fissent comme nous. Nous avons prouvé qu’une administration
communale peut marcher sans subside.
Maintenant, quant à ce
qu’a dit M. le rapporteur, je lui répondrai que je ne vois pas de motif pour
accorder un subside aux villes de Liége et de Bruxelles pour fonder des écoles
de beaux-arts, ces subsides fussent-ils temporaires.
Si l’on veut créer une
école des beaux-arts à Liége pour faire honneur au bourgmestre, aux échevins et
aux conseillers, je ne vois pas pourquoi l’Etat voudrait faire les frais de
l’honneur qu’on veut répandre sur le conseil de régence de Liége. Que chaque
localité s’administre à sa guise et comme elle l’entend, rien de mieux, mais je
ne vois pas pourquoi on donnerait un subside à la ville de Liége et on n’en
donnerait pas à la ville de Louvain, qui se suffit et ne se plaint pas, quoique
ses intérêts aient été sacrifiés par la route en fer, tandis que Liége, dont la
position a été améliorée par cette même route, pourrait très bien faire son
école elle-même.
Il
y a trois ou quatre villes en Belgique qui ont le monopole des faveurs. Si vous
accordez à ces villes des écoles de beaux-arts, des conservatoires de musique,
pourquoi n’accorderez-vous pas à toutes les villes, quelles qu’elles soient,
aux villes des Ardennes comme aux autres, ces institutions agréables qui
seraient si capables de former les habitants ?
Ces villes, assurément,
verraient avec plaisir créer chez elles des établissements de ce genre aux
frais du gouvernement.
Plusieurs voix. - La clôture ! la
clôture !
M.
Gendebien. - Si vous voulez fermer la discussion sur la partie de
l’article dont il s’agit, je ne m’y opposerai pas, mais je veux parler de la bibliothèque
des manuscrits de l’Etat, dite des ducs de Bourgogne. Je demande une majoration
de traitement de 850 fr. pour le directeur de cette bibliothèque. (Appuyé ! appuyé !)
Je propose d’élever son
traitement à 4,000 fr. C’est un homme très instruit, très capable, qui
indépendamment de sa capacité et des services qu’il rend tous les jours comme
archiviste, a rendu de grands services lors de la révolution. Il est à
remarquer aussi qu’il est père de famille. Malgré toutes ces considérations on
ne lui donne qu’un traitement de 3,150 fr., tandis que l’architecte du royaume
a 5,200 fr. d’appointement, logement et lumière. Je ne trouve pas mauvais qu’on
donne cela à l’architecte du royaume, bien qu’il soit célibataire, mais je
pense que le conservateur de la bibliothèque des ducs de Bourgogne mérite au
moins le même traitement, puisqu’il n’a pas le logement. C’est là un point sur
lequel il n’y a pas à lésiner. C’est un ancien fonctionnaire de l’empire qui a
rempli de hautes fonctions et que son excessive modestie a fait relégué dans un très petit emploi.
On publie en ce moment
les Chroniques Belges. Je suis étonné
qu’on l’ait exclu de la commission chargée de ce travail, alors que sous
Guillaume, l’archiviste avait toujours fait partie de cette commission.
Je
demande, messieurs, une majoration de 3,000 fr., en tout 2,150 fr., pour relier
une quantité de manuscrits qui tombent en pourriture, à défaut de reliures.
Nous avons deux mille volumes ou manuscrits prêts à être perdus s’ils ne sont
pas reliés. Que l’on mette tous les ans une pareille somme à celle que je
demande aujourd’hui et nous conserverons une foule d’ouvrages précieux.
Autrefois il y avait tous les ans une somme appliquée à cet usage, je ne sais
si on ne l’accorde plus, parce que c’est le brave major Scavaye,
qui a rendu de si grands-service dans notre révolution, qui se trouvait chargé
de ce travail. Car il excelle dans cette profession et il a été forcé, par la
manière dont on agit envers lui de reprendre son état qu’il fait beaucoup mieux
qu’on ne le fait en France et au moins aussi bien qu’en Angleterre. Je pense
que si on voulait faire ce qu’il y a d’essentiel à faire pour les manuscrits de
la bibliothèque de Bourgogne, on dépenserait au moins 5,000 par an. Je me borne
ici à demander une majoration de 5,000 francs, 850 pour augmenter le traitement
du directeur et 2,150 pour frais de reluire.
M. H.
Dellafaille, rapporteur. - Je crois en effet que le traitement accordé au directeur de la
bibliothèque est trop faible, et je m’associe à la proposition de l’honorable M. Gendebien. Quant à la question
personnelle, cela est de toute justice pour le directeur de cette bibliothèque,
mais quant au traitement cela me semble également indispensable ; car admettez
que la place devienne vacante, il faudra pour directeur de la bibliothèque de
Bourgogne un homme de mérite et de probité, et pour convenablement rétribuer un
homme qui vous présenterait toutes les conditions exigibles, ce traitement est
beaucoup trop faible. Je ne trouve aucune espèce de crédit pour suppléer à
cela, mais je crois que M. le ministre doit y faire attention et nous dire
quelle somme il lui faudrait pour subvenir à
l’accroissement de dépenses qu’il serait utile de faire pour l’entretien de la
bibliothèque de Bourgogne.
M. Coghen - Je n’ai rien à ajouter après ce qu’a
dit l’honorable rapporteur de la section centrale. Je dirai seulement que
j’appuie fortement la majoration de traitement en faveur du directeur de la
bibliothèque de Bourgogne, qui est un ancien préfet de l’empire et de plus un
homme de beaucoup de mérite.
M.
Dumortier. - Je me rallie bien volontiers à la proposition des
honorables préopinants en ce qui concerne la majoration de traitement du
directeur de la bibliothèque de Bourgogne. Puisque l’on a parlé des manuscrits,
je demanderai à M. le ministre de l'intérieur d’employer tous les moyens
possibles pour que les manuscrits qui sont encore dans le pays ne nous
échappent pas. Ce sont les archives de la nation. Lorsqu’un Etat se constitue,
c’est là une des choses les plus essentielles pour consacrer sa nationalité.
Après
l’empire, messieurs, il est venu en Belgique un agent anglais qui a dévasté
toutes les bibliothèques et qui en a établi une aux environs de Londres qui
contenait plus de 6,000 volumes à nous appartenant. Il est des manuscrits dont
il est essentiel de faire l’acquisition ; si M. le ministre de l'intérieur a
besoin d’un crédit pour cela, qu’il le demande à la chambre et je suis assuré
d’avance que la chambre l’accordera. J’insiste donc pour que l’on fasse
l’acquisition de tous ces manuscrits et pour que l’on se mette en mesure de
parvenir à pouvoir faire cette précieuse acquisition.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je partage entièrement l’avis de l’honorable préopinant, qu’il faut conserver
dans le pays les manuscrits les plus précieux. Aussi en a-t-il été acheté un
assez grand nombre. Une somme de 4,800 fr. a été employée pour ce fait. Quant à
la majoration proposée, je l’appuie et demande même que le chiffre soit porté à
5,000 fr., et je vais en déduire les motifs. La régence de Bruxelles a mis à ma
disposition une nouvelle salle pour la bibliothèque de Bourgogne, il est
nécessaire d’y faire construire des armoires, et c’est dans ce but que j’ai
demandé qu’on fît monter le chiffre à la somme de 5,000 fr.
M.
Gendebien. - J’appuie ce qu’a dit M. le ministre de l'intérieur. Il y a
nécessité de pourvoir, non à un mobilier, mais à une table ; car elle manque,
on ne pourra me dire que l’archiviste de la bibliothèque ait même une chaise.
Rien ne s’y trouve. J’appuie donc la proposition de M. le ministre.
- Le chiffre de 191,740
fr. est adopté.