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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du lundi 26 janvier 1835
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Projet de loi portant le budget du département de l’intérieur pour l’exercice
1835. Discussion des articles. Travaux publics. Canal d’écoulement des Flandres
(de Theux, Dumont, Watlet, de Theux, Van Hoobrouck, d’Hoffschmidt,
Eloy de Burdinne, de Theux, de Roo, d’Hoffschmidt), indemnités
en faveur des habitants des polders (Van Hoobrouck,
H. Dellafaille, Van
Hoobrouck, de Theux, Smits, Van Hoobrouck, H. Dellafaille),
corps des ingénieurs des ponts et chaussées et/ou exécution du chemin de fer (de Puydt, de Theux, de Puydt, Dumont, de Theux, de Puydt, de Robaulx, de Puydt, de Robaulx, de Puydt, A. Rodenbach, Fleussu, de Theux, de Robaulx, H. Dellafaille, de Brouckere,
Fleussu, Gendebien, de Robaulx), emplacement de la gare de Bruxelles (Gendebien, Coghen), chemin de fer
et comptabilité publique (Dumortier, Smits),
emplacement de la gare de Bruxelles et comptabilité publique (Gendebien), emplacement de la gare de Bruxelles (Coghen, Gendebien), emplacement
de la gare de Bruxelles et comptabilité publique (de Theux),
chemin de fer et comptabilité publique (Dumortier, Coghen, de Brouckere, Coghen, Simons, Smits,
de Theux, (+cour des comptes) de
Brouckere, Dumortier, de
Theux, Gendebien)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur belge n°27, du 27 janvier 1835) M.
de Renesse procède à l’appel nominal.
La séance est ouverte à
une heure.
M.
Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance de samedi ; la
rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Dubosch, propriétaire à Gand, demande qu’il lui soit alloué
une avance sur l’indemnité qui lui revient du chef de ses propriétés ravagées
et tenues en séquestre par les Hollandais. »
_________________
« Les membres de la
chambre de discipline des huissiers de l’arrondissement de Liége demandent que
le tarif des frais et dépens de la cour d’appel de Liège soit le même que celui
de la cour d’appel de Bruxelles. »
- Ces pétitions sont
renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
__________________
M. Polfvliet demande un congé de quelques jours pour cause
d’indisposition.
- Accordé.
Discussion des articles
Chapitre IX. Travaux publics
Article 3
M.
le président. - La chambre
reprend la discussion sur l’article 3 du chapitre IX : « Canal de Blankenberghe à Zelzaete pour l’écoulement des eaux des
Flandres : fr. 550,000. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- D’après les objections faites à la dernière séance sur l’article en
discussion, je me suis décidé à demander moi-même le renvoi à la section
centrale, en priant toutefois cette section de fournir son rapport définitif
avant la fin de la discussion du budget de l’intérieur. Je m’engage à lui
remettre aujourd’hui les plans et tous les documents qu’il sera en mon pouvoir
de donner. Je crois que lorsque la section centrale aura examiné ces documents
et pris en considération les observations des honorables orateurs qui ont pris
la parole sur cette matière, elle pourra présenter un rapport concluant, et
nous éviterons aujourd’hui une discussion d’autant moins éclairée que jusqu’à
présent les renseignements nécessaires n’ont pu être fournis.
M. Dumont. - Je crois devoir m’opposer au renvoi à
la section centrale dont nous connaissons l’opinion. Elle pourra être plus
éclairée par les renseignements qui lui seront fournis, j’en conviens ; mais il
me semble qu’elle ne pourra pas, avant le vote du budget, être à même de donner
son avis sur la question. Le ministre de la guerre aura-t-il fait connaître son
opinion à cet égard ? Je ne le pense pas. Le conseil des ponts et chaussées,
dont l’avis est d’un grand poids en cette circonstance, se sera-t-il prononcé ?
Je ne le pense pas davantage. Je demande donc l’ajournement de l’article
jusqu’à ce qu’il ait été suffisamment envisagé sous toutes ses faces, et je
désire, comme je l’ai dit déjà, qu’il fasse l’objet d’une loi spéciale.
M. Watlet. -
Je crois qu’il n’y a pas le moindre doute à établir sur l’opportunité de ce
renvoi à la section centrale ; car le seul motif que la section centrale ait
donné, c’est qu’elle n’était pas nantie des plans et devis qu’elle a demandés à
M. le ministre de l’intérieur. Si, au moyen de ceux qui vont lui être fournis,
elle ne trouve pas l’affaire suffisamment instruite, elle viendra le dire. Il y
a lieu de renvoyer l’article à la section centrale, d’autant plus qu’elle doit
s’assembler demain pour un fait relatif au budget de l’intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je pense que la section centrale peut très bien diviser l’examen du projet.
M. Van Hoobrouck. - On ne peut préjuger quels
renseignements seront fournis par M. le ministre pour éclairer la religion de
la chambre ; ce n’est que lorsqu’elle les aura examinés qu’elle pourra juger en
pleine connaissance de cause. J’appuie donc le renvoi à la section centrale.
M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, je crois que
c’est nous faire perdre du temps que d’adopter le renvoi à la section centrale.
Cette section vient de faire son travail ; maintenant elle n’en saura pas
davantage qu’au premier abord. De là surviendront des discussions ; il serait
mieux de décider l’ajournement. Puisque j’ai la parole, je demanderai si je
puis continuer pour répondre à l’honorable M. Rogier, ainsi que je l’ai annoncé
à la fin de la séance dernière.
M.
le président. - Je ferai remarquer à l’honorable membre que ce qui est
en discussion est le renvoi à la section centrale.
M. Eloy de Burdinne. - J’appuie le
renvoi à la section centrale, et je ferai remarquer que cette section n’a pu se
prononcer avec connaissance de cause, et dans son rapport elle le mentionne.
Aujourd’hui que M. le ministre de l'intérieur s’engage à lui fournir les
documents nécessaires, je crois que ce qu’il y a de mieux à faire, c’est
d’adopter le renvoi proposé. Avant de terminer, je prierai M. le ministre de
l’intérieur de vouloir bien répondre à une interpellation que je vais avoir
l’honneur de lui adresser. Voudrait-il bien nous dire quelle sera la quotité
fournie par les provinces dans la dépense ; cela est nécessaire pour la section
centrale, et je prie M. le ministre de nous donner ce renseignement. Au
surplus, faisant partie de cette section, je me propose de soulever cette
question.
M. le
ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Si la section centrale le
désire, j’aurai l’honneur de me rendre dans son sein et de lui donner les
renseignements désirables. Quant au concours des provinces dans la dépense, je
ne crois pas devoir donner d’espérances à ce sujet.
M.
de Roo. - Je crois qu’il est plus régulier de renvoyer l’article à la section
centrale, que de discuter plus longtemps à son sujet.
- Le renvoi à la section
centrale est mis aux voix et adopté.
M. d'Hoffschmidt. - Ne pouvant répondre à
l’honorable M. Rogier, puisque ce n’est pas là la question, je déclare me
réserver de le faire après le rapport de la section centrale.
Articles 4 et 5
« Art. 4. Ports et
côtes : fr. 280,585. »
- Adopté.
« Art. 5. Phares et
fanaux : fr. 9,204.»
- Adopté.
M.
le président. - L’art. 6, Polders, 360,000 fr. est mis en discussion.
M. Van Hoobrouck. - Je désirerais savoir, puisque
nous sommes arrivés à cet article, ce que M. le ministre de l’intérieur a
l’intention de faire relativement aux indemnités à accorder aux propriétaires
qui ont souffert des inondations et des réparations à leurs frais. Depuis
longtemps, il a été fait de ce côté des réclamations très énergiques, et je
crois que le gouvernement est décidé à accorder ces indemnités. Je pense aussi
que M. le ministre de l’intérieur fera en sorte que cette dette sacrée soit
acquittée.
M. H. Dellafaille. - En ce qui concerne les
polders, je crois que M. le ministre de l'intérieur fera sagement de ne prendre
en ce moment aucune détermination. Cette question se rattache à la loi sur les
indemnités. Lorsque cette loi sera rendue, on pourra faire droit, s’il y a
lieu, à la demande de M van Hoobrouck. Réitérant sur l’article qui nous occupe
l’observation de la section centrale, je demanderai à M. le ministre de
l’intérieur si l’on s’est occupé de faire rentrer le gouvernement dans les
avances qu’il a faites pour des travaux dont les frais doivent être supportés
par les propriétaires des localités inondées.
M. Van Hoobrouck. - La question est tout à fait
exceptionnelle : pour bien la faire comprendre, je demanderai la permission
d’entrer dans quelques détails. Lors de l’invasion hollandaise le Clara-polder
fut sur-le-champ inondé, et l’inondation ne se serait pas arrêtée là, toutes
les terres basses jusqu’à la porte de Gand eussent été submergées, si les
propriétaires n’eussent dépensé une somme de 15 à 20,000 francs pour arrêter
les progrès de ce fléau. Ils n’ont pas agi dans leur intérêt particulier, mais
dans ceux des propriétaires de terres situées au-dessous des leurs. Ils ont
adressé des réclamations fréquentes au gouvernement qui leur a opposé des fins
de non-recevoir. Tantôt il était dit que les polders devaient être entretenus
par les propriétaires. Cela est vrai en thèse ordinaire. Mais ici c’était un
cas imprévu, un cas de force majeure, ne pouvant rentrer dans le système
ordinaire des polders. Les propriétaires se sont sacrifiés parce qu’il y avait
péril en la demeure, et s’ils ne l’eussent pas fait, toutes les terres basses
eussent été inondées.
A
présent on objecte dans le cahier d’observations sur ce sujet que le
Clara-polder se trouve sur le terrain qui doit être un jour cédé à
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- La réclamation du Clara-polder est ancienne : elle a souvent été renouvelée,
constamment repoussée. L’administration de ce polder s’est adressée à la
chambre, et sur le renvoi de cette pétition au ministère, un rapport en date du
mois de février
En ce
qui concerne la demande faite par l’honorable M. Dumont, si le gouvernement
compte sur le remboursement de diverses sommes avancées pour les rives de
l’Escaut et d’autres travaux relatifs aux polders, je dirai que les avances ont
été faites sous réserves.
Je
ferai observer que diverses réclamations ont été adressées à la chambre ; ces
pétitions ont été renvoyées à la section centrale qui est occupée à faire un
rapport sur les indemnités ou secours, et je crois convenable d’attendre que ce
rapport soit soumis à la chambre.
M.
Smits. - Je voulais demander quelles sont les avances que la section
centrale désire faire rentrer dans le trésor. Il paraît que ces avances avaient
été faites pour réparations aux digues. Je désire savoir si ces avances sont
également applicables aux digues du polder de Lillo.
M. Van
Hoobrouck. - M.
le ministre de l’intérieur vous a dit que différents propriétaires étaient
également en instance pour réclamations relatives aux opérations faites à leurs
polders. Mais la différence que j’ai établie subsiste toujours. Le ministre n’y
a pas répondu. Ce n’est pas ici dans l’intérêt de leur polder que les
propriétaires dont j’ai parlé ont agi, ce n’est pas pour la conservation de
leurs propriétés. S’il n’en était pas ainsi, les frais seraient à leur charge,
selon la législation poldérienne. Mais, en cette
circonstance, les propriétaires auxquels je fais allusion, n’ont consulté que
les intérêts des terres basses qui, sans les réparations qu’ils ont faites,
eussent été inondées.
Cette question au reste
sera incessamment portée devant les tribunaux. Je suis heureux d’avoir attiré l’attention
de M. le ministre de l’intérieur sur cet objet beaucoup plus grave qu’on ne
croit.
M. H. Dellafaille. - Pour répondre à
l’honorable député d’Anvers je n’aurai qu’à lui répéter ce qui a été dit sur ce
point. Selon les uns ces réparations sont à la charge du gouvernement, selon
les autres à la charge des propriétaires des polders. Mais le gouvernement, en
attendant une loi sur cette matière, avait le droit de faire faire ces
réparations à ses frais, sauf plus tard à revendiquer ses droits, au moyen des
réserves qu’il a faites. Quant au polder de Lillo dont a parlé M. Smits, rien
n’est préjugé sur cette question. La réflexion de la section centrale
s’appliquait au recours que le gouvernement serait en droit d’exercer pour les
avances qu’il a pu faire relativement aux réparations dont il s’agit.
- L’article 6 est
adopté.
Article 7
- L’art. 7, Bâtiments
civils, 401,000 fr., est adopté.
M.
le président. - L’article 8, Personnel, 304,880 fr. est mis en
discussion.
M.
de Puydt. - Je remarque que le chiffre est porté au même taux que
l’année précédente ; cependant les ingénieurs des chemins de fer sont portés
sur les fonds particulièrement affectés aux chemins de fer. Il devrait donc y
avoir une réduction. Il existe dans le traitement des ingénieurs de diverses
classes une inégalité choquante, et principalement dans les grades inférieurs.
Les ingénieurs de troisième classe sont payés comme aspirants. Les ingénieurs
de première classe ont 3,700 fr., ceux de deuxième 3,100 fr., ceux de troisième
1,950 fr. Cette différence provient de ce que les ingénieurs de troisième
classe sont payés comme des aspirants, et non selon leurs grades.
Il est à remarquer que
depuis 1830 il n’y a eu aucun avancement dans cette catégorie, et plusieurs
pourtant remplissent les fonctions d’ingénieurs de deuxième classe. Je demande
donc en faveur de ces ingénieurs, qui sont au nombre de 9, de majorer leur traitement
et de le porter à 2,500 qui est le traitement de leur grade. Ce sera une
augmentation d’environ 4,800 fr.
Si l’on fait d’une part
la déduction dont j’ai parlé en commençant, et qui est relative au traitement
des ingénieurs employés à la construction de la route en fer et qui sont payés
sur des fonds spéciaux ; si l’on admet ensuite la majoration résultant de
l’augmentation que je propose, la différence totale sera de 6,430 fr. en moins.
Ainsi, malgré la majoration que je propose, le chiffre de l’article, au lieu
d’être de 304,880 fr., ne sera réellement que de 298,450 fr.
M. le président. - M. de Puydt propose de déduire
de l’article du projet du gouvernement, dont le chiffre est fr. 304,880 :
1° Traitement de 2
ingénieurs de première classe : fr. 7,560 ;
2° Traitement de 2
ingénieurs de deuxième classe : fr. 3,820 ;
Ensemble, fr. 11,380.
Reste fr. 293,500
Il propose d’ajouter à
ce chiffre, pour porter le traitement de 9 ingénieurs de troisième classe à
2,500, au lieu de 1,950 fr, fr. 4,950.
Total de l’article
d’après cette proposition : fr. 298,450.
(Moniteur belge n°28, du 28 janvier 1835) M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je dois m’opposer à l’amendement présenté par M. de Puydt.
Il est vrai que dans le
courant de cette année, depuis le commencement des travaux du chemin de fer,
divers employés des ponts et chaussées ont été détachés de ce corps pour être
employés aux travaux du chemin de fer ; mais je dois déclarer que déjà le
service souffre de leur absence, et que, des diverses provinces d’où ils ont
été détachés, je reçois les instances les plus vives pour combler la lacune qui
en résulte dans le service.
Si la chambre admettait
la réduction proposée, il me serait impossible de garantir l’exécution des
travaux. Ce n’est pas au moment où les travaux prennent de nouveaux
développements que l’on doit retrancher du personnel des ponts et chaussées. Si
l’on accueillait les réclamations de ce corps, on devrait augmenter son
personnel au lieu de le diminuer.
Quant
à ce qui concerne l’augmentation de traitement des sous-ingénieurs, je conviens
que ces traitements sont très peu élevés ; ils ne sont que de 1,890 fr. Ces
sous-ingénieurs étaient autrefois conducteurs. Peu de temps après la
révolution, pour obtenir le grade honorifique d’ingénieurs, ils ont tait un
sacrifice pécuniaire en abandonnant leurs appointements de conducteurs de
première classe.
Si la chambre veut
admettre une augmentation à ce titre, je l’accepterai volontiers. Mais je ne
puis consentir à aucune réduction.
(Moniteur belge n°27, du 27 janvier 1835) M. de Puydt. - Il n’entre nullement dans mon
intention de réduire le personnel du corps des ponts et chaussées. Mais j’ai
considéré que plusieurs ingénieurs étant payés sur les fonds spéciaux affectés
â la construction de la route en fer, il est dès lors inutile de faire figurer
leurs traitements dans le budget de l’intérieur, puisque les fonds du chemin de
fer ne figurent pas dans le budget de l’intérieur. Si, comme vient de le dire
M. le ministre de l’intérieur, ces ingénieurs doivent rentrer dans le service
général des ponts et chaussées, je retirerai la partie de mon amendement qui
leur est relative. Mais je maintiendrai l’augmentation de 4,950 fr. que j’ai
proposée pour porter le traitement des ingénieurs de troisième classe à la
somme de 2,500 fr. qui est réellement le traitement de ce grade. Car il est à
remarquer que plusieurs de ces ingénieurs ont été employés pendant 2 ans comme
officiers du génie en vertu d’un arrêté du régent du 30 juin 1831.
Ils ont été assimilés
par cet arrêté aux lieutenants du génie ; ils ont donc droit au traitement de
ce grade comme ingénieurs de troisième classe.
M.
Dumont. - Des explications qui viennent d’être données il résulte
toujours qu’il y a dans cet article une somme qui ne sera pas dépensée en 1835,
et qui, par conséquent, ne doit pas figurer au budget de cette année. Car je ne
pense pas que la route en fer soit achevée cette année. Ainsi la somme qui
figure dans cet article pour traitement des ingénieurs détachés du corps des
ponts et chaussées et employés à la construction de la route en fer, ne sera
pas dépensée cette année ; il y a donc lieu à faire une diminution à cet égard.
Je ferai ensuite
observer qu’il y a peut-être des inconvénients réels à détacher ainsi, du corps
des ponts et chaussées, les ingénieurs chargés de la construction de la route
en fer, et à les mettre en dehors de la hiérarchie des ponts et chaussées.
Lorsqu’il s’agit d’une question aussi importante, qu’il s’agit de changer la
direction de la route, d’employer à sa construction certaines matières plutôt
que d’autres, des ingénieurs ne devraient pas être affranchis de la
surveillance de l’autorité supérieure ; le conseil des ponts et chaussées
devrait, ce me semble, avoir la surveillance de ces travaux.
Si
le ministre a de bonnes raisons pour justifier cet état de choses, qu’il
veuille bien les dire. Jusque-là je penserai que les ingénieurs de la route en
fer ne doivent pas être affranchis de la surveillance du conseil des ponts et
chaussées.
(Moniteur belge n°28, du 28 janvier 1835) M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- En ce qui concerne la direction de la route en fer, j’ai toujours compris que
plus les rouages étaient simples, plus tôt on devait espérer arriver à un
résultat. Cela est surtout nécessaire dans un grand travail.
Les ingénieurs qui
dirigent les travaux de la route en fer ont conçu le projet, ont étudié le
tracé ; je crois donc qu’il convient de leur abandonner le soin de la direction
de la route et de tous les travaux spéciaux aux chemins de fer. Mais si, dans
le cours des travaux, il s’en trouve à exécuter qui rentrent plus spécialement
dans les attributions des ponts et chaussées, comme, par exemple, la
construction d’un pont sur une grande rivière, rien n’empêche d’en confier le
soin au corps des ponts et chaussées.
Déjà pour la
construction d’un pont sur
Quant à ce qui concerne
le personnel des ponts et chaussées je reconnais que les ingénieurs ou autres
employés des ponts et chaussées, maintenant employés à la construction de la
route en fer, ne pourront rentrer dans le corps ni cette année, ni l’an
prochain, ni l’année suivante, Il faut plusieurs années pour l’exécution de ce
chemin de fer ; on estime qu’il pourra être terminé dans trois ans ou trois ans
et demi.
Aussi,
n’est-il pas question que ces employés rentrent avant cette époque dans le
corps. Mais il faut pourvoir d’une autre manière au service des ponts et
chaussées ; pour soigner la confection de la route en fer, il ne faut pas
négliger les autres travaux. Il faut que le personnel des ponts et chaussées
soit assez nombreux pour activer et surveiller tous les travaux. D’après les
réclamations qui m’arrivent des provinces où des employés ont été détachés pour
la route en fer, il est nécessaire de combler cette lacune dont le service
souffre, et d’y pourvoir par de nouveaux employés.
(Moniteur belge n°27, du 27 janvier 1835) M. le président. - M. de Puydt retire la première
partie de son amendement et propose une majoration de 6,050 fr. destinée à
augmenter le traitement de 11 ingénieurs de troisième classe.
M. de Robaulx. - Je commence par déclarer
que j’appuie l’amendement de M. de Puydt, sans en connaître absolument la
portée. Je l’appuie afin qu’il soit soumis à l’examen de la chambre ; mais
comme il s’agit d’un article improvisé, et que nous ne savons pas quelle
relation il y a entre les appointements d’ingénieurs de deuxième et de
troisième classe, peut-être serait-il bien de renvoyer l’amendement à la section
centrale. Je demande donc ce renvoi, à moins que, par des explications
postérieures, on ne me donne mes apaisements.
Je rappellerai que l’an
dernier, quand je me suis apitoyé sur le sort des conducteurs, j’ai trouvé M.
de Puydt sur mon chemin comme adversaire. Comment donc se fait-il qu’il vienne
maintenant demander une augmentation pour les ingénieurs qui, en général, sont
mieux rétribués, lorsqu’il en a refusé une l’an dernier pour les conducteurs ?
Je demande des explications, sans vouloir m’opposer à l’amendement ; si elles
sont satisfaisantes, je voterai pour son adoption ; sinon, je persiste dans ma
demande de renvoi à la section centrale afin qu’elle nous présente un rapport à
cet égard.
Si j’ai pris la parole,
c’est surtout pour répondre à M. le ministre de l’intérieur, sur un point qui
n’est autre chose à mon avis qu’un paradoxe administratif. D’après M. le
ministre de l’intérieur, les ingénieurs qui sont soi-disant auteurs du projet
de chemin de fer doivent être entièrement isolés et affranchis de toute
surveillance ; ils sont seuls habiles à décider les questions d’art relatives
au chemin de fer. Il nous a dit que quant au reste, aux ponts par exemple, qui
rentrent plus spécialement selon lui dans les attributions des ponts et
chaussées, il ne se ferait pas faute de consulter l’autorité supérieure des
ponts et chaussées.
Pour moi, je ne conçois
pas qu’il y ait dans les ponts et chaussées quelque chose d’étranger au corps
des ponts et chaussées. Je m’explique ; comment M. le ministre de l’intérieur
espère-t-il faire croire à la chambre que l’exécution d’un chemin de fer est
une chose étrangère au corps des ponts et chaussées ! Tout ce qui a trait aux
routes, aux ponts, aux terrassements, est dans ses attributions. Tout ce qui
regarde les travaux publics, que ce soient des chemins en fer, en pierre, ou en
bois, comme vous voudrez, doit être soumis à la surveillance, au contrôle du
corps des ponts et chaussées.
Dès lors, comment,
lorsque nous courons la chance de dépenser pour le chemin de fer peut-être 40
millions, comment pour son exécution nous en rapporterons-nous entièrement à
deux individus qui peut-être, comme je le crois, se sont trompés dans leurs
évaluations, et qui ensuite par amour-propre, par position, par bien d’autres
motifs qui chez eux comme chez nous sont dans la faiblesse humaine, afin de
nous donner le bon marché qu’ils nous ont promis, emploieront pour soubassement
du chemin de fer du bois de hêtre ou du peuplier du Canada, au lieu d’employer
du chêne !
Viendra-t-on nous dire
que ce bois est préférable au chêne ? Mais personne ne le croira. Il faut
simplement avoir vu du bois blanc et du bois de chêne pour savoir que l’un vaut
mieux que l’autre. Si donc les ingénieurs veulent employer du bois du Canada ou
toute espèce de bois autre que du chêne pour leur chemin de fer, et s’ils ne
sont pas affranchis de la surveillance des ponts et chaussées, ils seront
contrariés par cette surveillance.
Je crois que MM. Simons
et de Ridder, tout auteurs qu’ils sont du projet de
chemin de fer, ou plutôt par cela même qu’ils sont les auteurs du projet,
doivent être soumis au contrôle de l’administration supérieure.
Je crois qu’il n’est pas
possible au ministre de distraire deux ingénieurs de la surveillance du corps
des ponts et chaussées. Vouloir réduire les attributions de ce corps à la
construction de ces ponts, je prétends que c’est là un paradoxe.
Je
dis que les ingénieurs chargés de la direction des travaux du chemin de fer,
par amour-propre, par intérêt, par position, seront peut-être portés à dissimuler
le véritable état des choses, et que c’est un motif de plus pour qu’ils soient
soumis à la surveillance du corps des ponts et chaussées, de laquelle,
d’ailleurs, ils ne doivent être distraits dans aucun cas.
M.
de Puydt. - Je vais donner à l’honorable M. de Robaulx les explications
qu’il demande sur les différents traitements des ingénieurs :
Les ingénieurs de
première classe ont fr. 3,780
Ceux de deuxième classe,
fr. 3,100
Différence, fr. 680.
Les ingénieurs de troisième
classe ont un traitement de fr. 1,950
Différence, fr. 1,050.
Je propose de porter
leur traitement à fr. 2,500
Alors la différence ne
sera que de fr. 600.
Il est à remarquer que
la plupart des ingénieurs de troisième classe étaient, avant la révolution,
conducteurs au traitement de 1,200 fl., c’est à-dire environ 2,500 fr. Leur
traitement de conducteurs était donc de plus de 500 fr. supérieur à celui
qu’ils reçoivent comme ingénieurs.
Il
y a aussi des ingénieurs de troisième classe qui ont été employés comme
ingénieurs militaires ; ils avaient le grade de lieutenant du génie de première
classe et recevaient le traitement et les indemnités attachés à ce grade ; ils
rentrent ingénieurs dans les ponts et chaussées et ne reçoivent plus alors que
1,950 fr., c’est-à-dire un traitement inférieur de 550 fr. à celui dont ils
jouissaient comme ingénieurs militaires. Je considère ce changement de position
comme une injustice, et je viens en demander la réparation à la chambre.
M. de Robaulx. - Je demanderai à l’honorable
auteur de l’amendement si les ingénieurs de troisième classe en faveur desquels
il demande une augmentation étaient tous, avant d’être promus à ce grade,
conducteurs des ponts et chaussées aux appointements de 1,200 fl. S’il en est
ainsi, si l’on a voulu reconnaître le mérite de ces conducteurs par leur
promotion au grade d’ingénieur, ils ne doivent pas pour cela éprouver une
réduction dans leurs appointements. Mais s’il y a parmi les ingénieurs de
troisième classe de nouveaux titulaires n’ayant pas les mêmes droits à être
aussi bien traités, et sous le rapport du grade honorifique, et sous celui de
la quotité des appointements, pour ceux-ci le traitement de 1,950 fr., qui
n’est pas pour eux une réduction, pourrait suffire. C’est sous ce rapport que
je demande une explication.
M.
de Puydt. - Tous les ingénieurs de troisième classe, sauf un seul, ont
été nommés depuis quatre ans. Lorsqu’on les a nommés, on leur a d’abord
maintenu leur traitement de conducteurs de première classe. Ce n’est que
postérieurement à leur nomination que leurs appointements ont été réduits à
1,950 fr.
M. A. Rodenbach. - Je partage l’opinion de
l’honorable M. de Robaulx. Il
s’agit ici d’une majoration improvisée de plus de 6,000 fr. Sans rien préjuger
contre les droits des ingénieurs, je dis que la question devrait être examinée
par la section centrale, d’autant plus qu’il y a dans le corps des ponts et
chaussées des ingénieurs (je ne parle pas ici de ceux de troisième classe) qui
étaient, avant la révolution, étrangers à ce corps et qui ont été nommés
d’emblée ingénieurs de première classe ; ils sont aujourd’hui ingénieurs en
chef ; ce qui équivaut au grade de général de brigade. Il faut donc examiner
ici si l’augmentation réclamée est due. J’appuie le renvoi à la section
centrale.
D’un
autre côté je répondrai à l’honorable M. de Robaulx sur ce qu’il demande la
surveillance des ponts et chaussées sur la construction de la route en fer.
S’il en est ainsi, ces travaux, au lieu de durer 3 ou 4 ans, dureront 6 et 8
ans. Les deux ingénieurs chargés de la direction des travaux ont fait une étude
spéciale de cet objet, ils ont été en Angleterre et ont conféré avec les
ingénieurs les plus célèbres de l’Europe. il faut donc leur laisser cette
direction, et si on leur adjoignait d’autres ingénieurs, il y aurait à redouter
les funestes effets de la rivalité et de la jalousie. D’ailleurs un arrête
royal nomme MM. Simons et de Ridder directeurs des
travaux de la route en fer, avec le rang d’ingénieurs en chef. Il n’appartient
pas à la chambre d’arrêter les effets de cet arrêté royal rendu par le
gouvernement dans la limite de ses droits.
M.
Fleussu. - Les observations présentées par quelques membres de cette
assemblée sur la question de savoir si les ingénieurs employés à la confection
du chemin de fer doivent être considérés comme en dehors de l’administration des
ponts et chaussées est une véritable question d’administration. Le ministre de
l’intérieur est chargé de l’exécution de la loi sur le chemin de fer ; il lui
appartient de choisir les moyens de parvenir à ce but, et de n’attacher à cette
exécution que les ingénieurs qui lui semblent le plus propres à la réaliser
convenablement. Ainsi, tout ce que l’on a dit sur cet objet ne peut faire loi
au ministre.
On vient de nous
présenter un amendement pour augmenter le traitement des ingénieurs de
troisième classe ; je n’aime pas à marchander les traitements ; je veux en
général qu’ils soient raisonnables ; cependant, je veux que l’initiative
d’augmentation appartienne aux ministres. C’est faire de l’administration que
d’augmenter les traitements des fonctionnaires, ou que de mettre à la
disposition d’un ministre des sommes pour cette augmentation ; car c’est au
ministre à fixer les traitements. Si chaque chef d’un département administratif
présente dans son budget détail des traitements, c’est pour justifier les
demandes qu’il nous fait, pour nous éclairer ; mais nous ne pouvons pas
modifier les chiffres des traitements ; autrement, ce serait faire de
l’administration dans cette chambre.
L’honorable
M de Puydt prétend que sa proposition aura pour effet de réparer une injustice :
dire qu’il y a eu injustice, c’est faire le procès à l’administration depuis
quatre années, puisque c’est dire que l’administration a été injuste envers les
ingénieurs de la troisième classe depuis quatre ans. Je ne sais si le ministre
de l’intérieur sera satisfait d’une semblable explication. J’attendrai les
renseignements que le ministre peut nous procurer à cet égard avant de voter
l’amendement. N’étant pas éclairé, j’en voterai le rejet.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Ce que dit l’honorable préopinant me paraît parfaitement juste, Toutefois, je
dois déclarer que diverses réclamations ont été adressées au ministre, pour
obtenir une augmentation de traitement en faveur de quelques ingénieurs ; ces réclamations
sont soumises au conseil des ponts et chaussées, et nous attendons les
propositions qui nous seront faites sur ce sujet. Ainsi, il me serait difficile
de m’expliquer dans le moment sur le chiffre qu’il convient de poser.
L’honorable M. de Puydt
a exposé des motifs qui ne me paraissent pas dénués de fondement, et,
cependant, je ne puis pas déclarer que le chiffre de 2,500 fr. soit celui qui
convienne le mieux pour le traitement des sous-ingénieurs. Si la chambre croit
devoir porter une augmentation au budget, je l’accepterai.
M. de Robaulx. - Je le crois bien, les
ministres prennent toujours.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Cependant, si l’augmentation ne me paraissait pas fondée, je n’en disposerais
pas quoiqu’elle eût été votée, parce que je sais qu’il n’est pas dans les
intentions de la chambre d’enfler inutilement les traitements.
M. de Robaulx. - Le ministre de l’intérieur est
d’accord avec M. Fleussu, chaque fois que M. Fleussu conteste à un membre de
l’assemblée le droit de faire de l’administration dans cette enceinte : mais le
ministre n’est plus d’accord avec M. Fleussu quand il s’agit de rogner une
portion de son budget. On offre une augmentation au ministre, l’appétit lui
vient en mangeant ; il accepte ; il est très ami de ceux qui sont prodigues des
deniers du trésor. Je vais examiner et ce qu’a dit M. Fleussu, et ce qu’a dit
le ministre, et faire la part de chacun dans cette discussion.
L’honorable M. Fleussu a
soutenu que la chambre ne pouvait voter d’augmentation de traitements
puisqu’elle n’administrait pas : je conçois qu’il en serait ainsi si la chambre
disait : Vous donnerez à tel ingénieur tel traitement ; mais je crois que
l’amendement de M. de Puydt est mal interprété.
L’auteur de l’amendement
ne vous dit pas : Fixez ici le traitement des ingénieurs de troisième classe à
2,500 fr. ; il vous représente seulement qu’ils ont un traitement trop faible
en ne recevant que 1,900 fr, et il vous propose de réparer ce qui selon lui est
une injustice.
Le ministre, en
indiquant dans les détails du budget le traitement des ingénieurs, a donné le
droit à la chambre d’examiner si ces traitements sont suffisants ou insuffisants.
M. de Puydt demande, comme on dit ordinairement ici, une augmentation globale.
ce qui n’est pas très français, quoique vous ayez admis cette expression ; il
met à la disposition du ministre une somme plus forte en indiquant les motifs
de sa proposition. Il faut reconnaître que, de cette manière, il ne fait pas
faire de l’administration à la chambre. Ainsi M. de Puydt est fort innocent
dans le cas dont il s’agit, et il ne mérite pas qu’on le mette en accusation.
Le
ministre lui-même n’a pas entendu qu’il fût porté au budget un article
déterminant d’une manière positive le traitement des ingénieurs de troisième
classe ; il comprend que si ces ingénieurs ont été diminués, on peut vouloir
mettre plus d’égalité proportionnelle dans leurs traitements avec ceux des
autres ingénieurs. Voilà comme il faut entendre la pensée de chacun. Quoi qu’il
en soit, je ne crois pas avoir reçu des explications suffisantes pour voter
l’amendement.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - J’ignorais
que les ingénieurs de troisième classe eussent eu autrefois un traitement plus
considérable que celui dont ils jouissent : selon M. de Puydt, la mesure par
laquelle on aurait réduit leurs traitements serait une injustice ; mais je
ferai observer que c’est en vertu d’un arrêté pris quand M. Teichmann était
chef de l’administration des ponts et chaussées que la réduction a été opérée,
que par conséquent cet arrêté, qui est du 15 août 1831, n’a été pris qu’en
conséquence d’une appréciation, par un homme éclairé, des services que rendent
les ingénieurs de troisième classe.
On
ne peut pas alléguer que le chef ait été animé de mauvaise volonté pour le
corps à la tête duquel il se trouvait placé, cela ne serait pas croyable.
Depuis trois ans on ne s’est pas plaint de la fixation des traitements ; dans
un tel état de choses je ne sais pas si l’assemblée qui n’est saisie d’aucune
demande, ni de la part des individus intéressés, ni de la part du gouvernement,
peut voter une augmentation quand personne ne la réclame. Que le ministre
examine la proposition de M. de Puydt, qu’il prenne des conclusions ; mais
jusqu’à ce que nous l’ayons entendu, il n’est pas nécessaire que nous
accordions aucune augmentation.
M. de Brouckere. - Je suis aussi du nombre
de ceux qui ont soutenu les intérêts des fonctionnaires quand on a voulu
diminuer leurs traitements par-delà de justes limites ; mais je n’ai jamais été
si loin que de vouloir augmenter les traitements au-delà des sommes demandées
par les ministres. Un ministre est le défenseur né des fonctionnaires attachés
à son département. Le ministre de l’intérieur demande une somme pour les ponts
et chaussées ; un honorable membre propose une augmentation de 6,410 fr., à
l’aide de laquelle on élèverait les traitements des ingénieurs de troisième
classe, et vous avez entendu le ministre vous déclarer qu’il ne sait pas s’il
pourra faire un bon emploi de cette somme, en l’appliquant selon les vues de M. de Puydt. Quelle est la conséquence
de ce langage ? C’est que les ingénieurs de troisième classe ne se plaignent
pas ; car, s’ils se fussent plaints, le ministre le saurait et viendrait ici
appuyer leurs réclamations. En adoptant la proposition de M. de Puydt, voici ce
qui arriverait : La somme accordée, ne devant pas être employée en augmentation
de traitements, serait employée à tout autre usage, et l’année prochaine on
s’appuierait du vote actuel pour obtenir la même somme.
L’honorable
M. de Puydt compare le génie civil au génie militaire, afin d’obtenir une
augmentation ; mais remarquez que c’est à la demande de M. de Puydt que l’on a
précédemment augmenté le traitement des ingénieurs militaires. Le ministre de
la guerre a fait alors ce que fait actuellement le ministre de l’intérieur, il
a appuyé la proposition. On parle de l’augmentation accordée au génie militaire
pour réclamer une augmentation en faveur des ingénieurs civils de troisième
classe ; puis on parlera de celle-ci pour avoir une augmentation en faveur des
ingénieurs de seconde classe ; et vous vous trouverez engagés beaucoup plus
loin que vous n’aurez voulu. Il ne faut pas accorder d’augmentation si le
ministre de l’intérieur ne vous déclare pas positivement qu’elle est nécessaire
; mais le ministre ne peut guère donner cette déclaration d’après ce qu’il
vient de dire, ainsi je ne voterai pas l’adoption de l’amendement.
M. Fleussu. - Les observations pleines de
justesse, faites par le préopinant, me dispensent d’entrer dans l’examen de la
question. Il est bien évident que c’est au ministre à présenter le chiffre de
l’augmentation pour ses employés. Le taux des traitements a été déterminé par
M. Teichmann lorsqu’il était à la tête de l’administration des ponts et
chaussées, et il est naturel de penser qu’il n’a pas maltraité les ingénieurs ;
alors que ferez-vous de l’augmentation quand le ministre de l’intérieur vous
déclare ne pouvoir émettre d’opinion sur sa nécessité avant d’avoir pris des
renseignements ? Le ministre de l’intérieur, avant de présenter son budget, en
fait le détail, et il vous présente aussi ce détail quoiqu’il vous demande une
somme globale (que ce mot soit
français ou non) ; mais il ne vous dit pas de changer le traitement des
employés ; c’est pour que vous connaissiez l’emploi de la somme demandée qu’il
détaille les traitements. Si on augmente le chiffre global, le ministre,
connaissant les intentions de la chambre, serait obligé d’augmenter les
traitements ; et la chambre de cette manière les fixerait ; elle ferait de
l’administration, et c’est ce que nous devons éviter.
M. Gendebien. - J’adopte les opinions émises
par mes honorables amis MM. de Brouckere et Fleussu. Je ferai remarquer quelque
chose de singulier, c’est qu’il y a trois ans on voulait détruire les ponts et
chaussées ; il nous a fallu faire beaucoup d’efforts pour soutenir ce corps ;
et voilà maintenant que, tombant dans un excès contraire, on demande des
augmentations de traitements pour les ingénieurs. Je considère ces
augmentations qui ne sont motivées sur rien comme des prodigalités ; je demande
qu’avant d’en accorder on renvoie la proposition à une commission ou à la
section centrale pour que nous ayons des conclusions résultat d’un examen. S’il
y a nécessité d’augmenter, on nous le démontrera ; s’il y a urgence d’augmenter,
on nous demandera un crédit supplémentaire. Mais je suis tranquille sur ce
point ; M. Teichmann, en passant par l’administration des ponts et chaussées, a
déterminé les traitements d’une manière juste, et je repousserai toute
augmentation.
J’ai autre chose à dire
sur le même chapitre, mais je ne le dirai que quand la chambre aura voté sur la
question agitée maintenant.
M. de Robaulx. - Je ne crois pas avoir fait
du juste-milieu, quoi qu’on en dise ; je n’en ai jamais fait et n’en ferai
jamais. Mais je ne veux pas entretenir la chambre sur ce point ; je veux
seulement montrer que M. Teichmann n’est pas, comme on l’insinue, le protecteur
des ingénieurs. Je me rappelle que l’année dernière j’ai été obligé de batailler
avec lui pour faire admettre une augmentation de traitement en faveur des
conducteurs de travaux. Dans les administrations les gros bonnets sont toujours
favorisés ; mais le petit peuple des employés est toujours mal traité.
L’honorable M. Gendebien
vient de rappeler un fait exact ; on a proposé la suppression des ponts et
chaussées. C’était M. Sauvage, alors ministre, si je me souviens bien de la
nomenclature des ministres passés et trépassés, qui la demandait. Il avait des
motifs pour cela, et s’il était là, je les ferais connaître. Je suis prêt à
dire la vérité au premier ministre du monde, et si M. Sauvage était présent, il
aurait son lot.
Quand il s’agit de
rendre justice, soit pour augmenter, soit pour diminuer des appointements, on
doit attendre le moment convenable pour la rendre. Que le ministre fasse une
proposition d’augmentation accompagnée de motifs, la section centrale examinera
la proposition, et si les motifs ne sont pas concluants, nous la rejetterons.
-
Le renvoi de l’amendement à la section centrale est mis aux voix et rejeté
après deux épreuves.
Le chiffre relatif à
l’augmentation des traitements est également rejeté.
Le chiffre demandé par
le gouvernement est accordé.
(Moniteur belge n°28, du 28 janvier 1835) M.
Gendebien. - Je veux revenir sur les observations faites par le
ministre relativement à l’indépendance des deux ingénieurs pour le chemin de
fer. Je ne conteste pas leur capacité. Je voudrais cependant qu’on eût recours
aux lumières d’hommes plus anciens dans le corps, plus expérimentés. Le chemin
de fer arrivant de Vilvorde traverse
Je demanderai au
ministre quels sont les motifs qui ont pu faire changer la direction du chemin
en fer pour en adopter une qui, s’écartant davantage que la première de la
ligne droite, chose qu’on doit toujours rechercher dans le tracé de ces routes,
entraînera l’Etat dans des dépenses beaucoup plus fortes.
Je vous dirai les motifs
pour lesquels selon moi on aurait dû maintenir le premier tracé. Il y aurait eu
d’abord économie, et ensuite on aurait évité de faire traverser l’ancienne
route de Bruxelles à Anvers par le chemin de fer. Vous savez tous, vous avez vu
signaler les graves accidents auxquels donnent lieu les croisures, si je puis
me servir de ce mot, les croisures des routes en fer avec les routes
ordinaires. Ainsi, vous aviez l’avantage de payer moins, d’être moins exposés
aux accidents, d’éviter un pont, de faire la route plus courte, et vous
fournissiez à la ville de Bruxelles le plus bel aspect. De la bourse, de la
place de
M.
Coghen - Je demande la parole.
M.
Gendebien. - Tout le monde convient que c’eût été beaucoup plus
avantageux à cause du grand nombre de voyageurs qui doit surtout fréquenter le
chemin en fer. Ils seront forcés d’aller courir jusqu’auprès de l’Allée-Verte,
au lieu de monter en voiture au bout de la rue Neuve.
Je sais l’objection
qu’on va me faire, car je viens d’entendre un négociant demander la parole :
Mais vous vous éloignez du canal ! Je répondrai d’abord que ce n’est pas pour
le canal que le chemin de fer a été fait. Les bâtiments qui arriveront par le
canal continueront de Bruxelles à Anvers, ils n’iront pas décharger à Bruxelles
pour mettre leur chargement sur le chemin en fer.
D’ailleurs je vous
demande s’il n’eût pas été bien facile d’établir une communication avec le
canal d’abord par une des allées du boulevard, puis par la rue St-Pierre, par
exemple, et par le pont Népomucène, puis par cette
rue latérale, qui est très peu fréquentée, jusqu’à l’entrepôt ; on pouvait
suivre aussi la rue du Pont-Neuf dont la largeur vous aurait permis d’y établir
votre chemin ; vous alliez ainsi jusqu’à la place du Finistère, et de là par la
rue du Pont Neuf, la rue de Baraques et l’ancienne rue du Béguinage, vous
arriviez ainsi par plusieurs débouchés au canal. Vous aviez ainsi la plus
grande facilité pour le commerce, vous ne forciez pas les voyageurs à courir à
l’extrémité de la ville pour monter en voiture, et vous faisiez une porte et un
chemin de plus pour les piétons, En un mot, l’ancien projet joignait tous les
avantages, l’utilité et l’économie. Mais on a préféré en adopter un nouveau,
qui nécessitera une dépense plus forte qui fait faire un détour, chose toujours
fâcheuse pour un chemin en fer, et a de plus l’inconvénient d’aboutir à
l’extrémité de la ville.
Je
demande s’il faut attribuer cet inconvénient au défaut de subordination
hiérarchique des ingénieurs chargés de ce travail. S’il y a des motifs décisifs
qui ont pu déterminer le gouvernement à adopter le nouveau plan, je prierai M.
le ministre de nous les faire connaître ; j’attendrai les explications.
Je pense cependant qu’on
peut réparer le mal, et j’espère qu’on le fera, qu’on reprendra la ligne
droite. Mais toujours est-il qu’on peut reprocher au gouvernement d’avoir fait
des dépenses inutiles.
(Moniteur belge n°27, du 27 janvier 1835) M.
Coghen - L’honorable préopinant ayant demandé, messieurs, le motif pour
lequel on a préféré le tracé du chemin dé fer longeant l’Allée-Verte, comme
membre du conseil de régence de Bruxelles et aussi de la chambre de commerce,
j’ai cru devoir prendre la parole pour lui répondre.
Sans doute, le tracé
directement vers le boulevard était plus commode pour les voyageurs, puisqu’en
arrivant, ils se seraient trouvés plus vers le centre de la capitale ; mais on
a cru devoir préférer la direction actuelle, parce que l’intérêt du commerce
l’exigeait ainsi, parce qu’il facilite la jonction avec le chemin de fer par le
Hainaut vers
L’honorable
M. Gendebien blâme MM. les ingénieurs d’avoir détourné
La ville, en donnant son
avis favorable à la direction actuelle du chemin de fer, a toutefois témoigné
le désir qu’il soit fait plus tard un embranchement depuis la nouvelle chaussée
jusqu’au boulevard. uniquement destiné aux voyageurs. On a promis que si le
travail général permettait la dépense, ce travail serait plus tard effectué.
M.
Dumortier. - Puisque la discussion est engagée sur le chemin en fer, je
renouvellerai une observation que j’ai faite relativement à la régularisation
de la dépense.
Je m’étonne que M. le
ministre ne demande pas un crédit au budget de 1835, pour faire face à cette
dépense. Je maintiens que la constitution exige que la dépense pour le chemin
en fer, comme toutes les autres, soit portée au budget. Quand j’ai eu l’honneur
de faire cette observation, qu’a répondu M. le ministre de l’intérieur ? La loi
qui a décrété le chemin en fer, a en même temps ouvert un crédit pour faire
face à la dépense ; donc il n’est pas nécessaire que cette dépense figure au
budget. Il est vrai que la loi qui a décrété le chemin en fer a ouvert un
crédit pour l’exécuter, mais faut-il en conclure que, même pour la régularité,
cette dépense ne doit pas figurer au budget ?
Il doit en être de cette
dépense comme de toutes les autres, elle doit figurer au budget des dépenses.
Plusieurs fois vous avez voté des lois spéciales portant création de dépenses.
Eh bien, nonobstant ces lois, toujours on a porté au budget la somme nécessaire
pour faite face à ces dépenses. C’est ainsi que pour les réparations au Forchu-Fossé et aux rives de
« Toutes les recettes et
dépenses de l’Etat doivent être portées au budget et dans les comptes.»
Voilà, j’espère, un
article impératif s’il en fut jamais. Toutes les recettes et dépenses de l’Etat
doivent être portées au budget !
Maintenant la question
est très simple. La route en fer est-elle une dépense de l’Etat, ou une dépense
particulière ? Si c’est une dépense de l’Etat, le ministre ne peut pas, sans
violer l’article 115 de la constitution, se dispenser de porter au budget le
crédit et dans les comptes les dépenses effectuées. Personne ne peut contester
que le chemin en fer soit une dépense de l’Etat. Tout le monde sait qu’il y a
une somme portée au budget des voies et moyens pour faire face à cette dépense,
un article autorisant l’émission de bons du trésor pour une certaine somme.
Vous ne pouvez donc vous dispenser de porter le crédit au budget des dépenses,
puisque vous avez porté le moyen au budget des recettes.
Si le ministre
persistait à ne pas vouloir faire figurer au budget des dépenses le crédit pour
le chemin en fer, indépendamment de l’inconstitutionnalité que je viens de
démontrer, il y aurait un précédent extrêmement funeste.
Il est des pays, en
Angleterre par exemple où toutes les dépenses ne sont pas votées chaque année ;
il y a des dépenses permanentes auxquelles certains fonds sont affectés qui ne
se votent pas chaque année. Ainsi la liste civile, l’intérêt de la dette ont
des fonds spéciaux qui leur sont affectés, de manière qu’on puisse y faire face
dans tout état de choses, alors même que le budget ne serait pas voté. Les
chambres peuvent avoir recours au refus du budget comme moyen politique, sans
manquer aux engagements de l’Etat, parce que les moyens de faire face aux
dépenses fixes sont assurés. Chez nous, il en a été autrement, le congrès a
voulu que toutes les dépenses et les recettes figurassent au budget.
Cela est tellement vrai
que, quoique un article spécial de la constitution, l’art. 77, porte que la loi
fixe la liste civile pour toute la durée du règne, malgré cette disposition si
formelle, vous votez chaque année le chiffre de la liste civile. Il est vrai
que vous ne pouvez pas le changer, mais vous ne le mettez pas moins dans le
budget. Il en est de même des emprunts ; quoique rien ne soit plus sacré pour
un Etat que les engagements de ce genre, vous en votez chaque année les
intérêts. Il en est de même du traitement des membres de la cour de cassation
et de tous les traitements fixés par la loi.
La dépense du chemin de
fer doit-elle être mise dans une condition meilleure que la liste civile, que
l’intérêt des emprunts ? Vous ne le penserez pas, messieurs, l’article de la
constitution qui prescrit de faire figurer au budget toutes les recettes et
toutes les dépenses de l’Etat est trop impératif pour qu’on puisse s’y
soustraire.
Je demande que le
gouvernement propose la somme qu’il croit nécessaire pour faire face aux
dépenses du chemin de fer pendant l’exercice 1835.
Je
sais que la cour des comptes ne pourrait, sans manquer à ses devoirs, autoriser
une dépense qui ne figurerait pas au budget : L’année dernière cela a pu se
faire parce qu’une loi spéciale était intervenue qui, en décrétant la dépense,
avait ordonné une émission de bons du trésor. Mais la dépense ne peut pas se
continuer de cette manière. Si M. le ministre pouvait faire prévaloir son
opinion, nous arriverions au budget décennal qu’on voulut établir sous le
gouvernement de Guillaume, car le ministre pourrait ne pas porter au budget
telle dépense qu’il lui plairait en la faisant ordonner par une loi spéciale.
Le gouvernement doit,
pour exécuter la constitution, demander au budget la somme nécessaire pour
faire face aux dépenses du chemin de fer pendant le cours de l’année. La
constitution est trop claire pour qu’il puisse y avoir doute à cet égard.
M.
Smits. - Je ne puis partager l’avis de l’honorable préopinant. Par la
loi qui a décrété le chemin de fer, il a été décidé que le gouvernement serait
autorisé à faire un emprunt de 35 millions pour l’exécution de cette route,
mais qu’en attendant, il pourrait disposer d’une somme de 10 millions, soit en
espèces prises dans le trésor, soit en bons du trésor émis à cet effet et que pour justifier l’emploi de cette somme, il sera fait
un rapport, au 1er juillet 1835 ; qu’après ce rapport, si le gouvernement était
autorisé à donner suite à l’emprunt général, il se rembourserait sur cet
emprunt des 10 millions avancés provisoirement. Jamais un crédit éventuel voté
dans le courant d’un exercice n’a été porté dans un budget. Les crédits qui n’ont
pas pour objet des dépenses permanentes, qui ne se reproduisent pas, ne
figurent qu’au compte général des recettes et dépense du royaume. Ce serait un
double emploi que de porter cette dépense au budget actuel ; d’ailleurs, la loi
relative au chemin de fer est trop formelle, pour qu’on puisse le faire.
(Moniteur belge n°28, du 28 janvier 1835) M.
Gendebien. - Je dois d’abord un mot de réponse à l’honorable M. Coghen. Il vous a dit que c’était
sur l’avis du conseil de régence et de la chambre du commerce que le tracé du
chemin aurait été changé.
Quant au conseil de
régence, j’ai aussi l’honneur d’en faire partie. J’ai exposé devant le conseil
ce que j’ai eu l’honneur de vous dire tout à l’heure, et tout le monde a paru
se ranger de mon avis. On a invoqué ensuite la chambre de commerce. La chambre
de commerce est sans doute composée de négociants qui sont des autorités
respectables, mais je voudrais connaître les bonnes raisons qu’elle a pu
donner, afin de les apprécier de mon mieux ; mais aussi longtemps qu’on ne
m’aura pas fait connaître les raisons péremptoires de la chambre du commerce,
on me permettra de persister dans mon opinion.
On a parlé de
l’impossibilité, avec l’ancien projet, d’établir une communication avec le
canal de Charleroy et avec la route en fer qui doit venir de France. Je
voudrais savoir en quoi le nouveau tracé diminue la difficulté d’établir cette
communication ; je voudrais savoir si, d’un côté comme de l’autre, il ne faut
pas traverser le grand canal pour arriver au canal de Charleroy, soit que le
chemin arrive entre la porte de Laeken et la porte de Schaerbeek, soit qu’il
aboutisse à l’Allée-Verte. C’est toujours la même chose. Ce sont là de pauvres
raisons. Mais, dit-on, il fallait faire monter le chemin de fer sur le
boulevard. Placez-vous en face de la rue Neuve, supposez qu’elle soit prolongée
jusqu’au boulevard, et mesurez de l’œil s’il y a une différence de niveau de
plus de deux on trois pieds. Qu’est-ce qu’une aussi petite différence de niveau
sur une aussi grande étendue de terrain !
M.
Coghen - Il y a plus que cela, il y a au moins six pieds.
M.
Gendebien. - Qu’on en fasse la vérification, je suis sûr qu’il n’y a pas
plus de deux ou trois pieds de différence ; mais supposons-en six, si vous
voulez : qu’est-ce qu’une pente de
On a dit que j’avais
fait un reproche de ce qu’on n’a pas détourné
Quant à la nécessité de
faire figurer la dépense au budget, je dois appuyer les observations faites par
M. Dumortier. Déjà dans la
discussion générale j’ai élevé la voix contre l’absence d’un article au budget,
portant le chiffre des dépenses à faire cette année pour le chemin de fer. Je
persiste dans l’opinion que j’ai émise. M. Dumortier vous a donné lecture de
l’art. 115 de la constitution ; le texte de cet article est trop clair pour
qu’on puisse sous aucun prétexte s’en affranchir.
Toutes les recettes et
les dépenses de cet article doivent être portées au budget et dans les comptes.
Je vous le demande, les millions que vous dépenserez en 1835, pour la
construction de chemin en fer, ne seront-ils pas des dépenses de l’Etat ? Il
est impossible de le nier. Donc, aux termes de l’art. 115 de la constitution,
on doit les porter au budget. Pourquoi ne les porterait-on pas ? Je demanderai
quelle distinction cet article fait entre les dépenses qui doivent être
couvertes par un emprunt et celles qui doivent être payées par les revenus
ordinaires du trésor ? Il n’en fait aucune. L’article 115 ne considère pas la
source où l’on va puiser pour couvrir la dépense ; il veut que toutes les
dépenses de l’Etat soient portées au budget. S’il en était autrement, le
ministre de la guerre, après avoir obtenu l’emprunt de cent millions pour
l’armée, aurait pu, aussi longtemps que cette somme ne serait pas dépensée, se
dispenser de faire figurer au budget les dépenses de la guerre, parce que la
source en aurait été décrétée une fois par la chambre. Avec ce système, les
dépenses annuelles, alors qu’on présenterait un budget de 80 millions, pourraient
être effectivement de 120 millions, et il n’y aurait plus moyen de savoir ce
qui se ferait ; on retomberait dans les ténèbres du syndicat d’amortissement ou
d’engloutissement, au moyen duquel on cachait à la nation une partie des
dépenses. C’est pour éviter cet abus que l’art.
Si j’ai bien compris, on
a dit que c’était un crédit supplémentaire accordé l’année dernière, qui ne se
reproduisait pas chaque année, et qui par conséquent ne devait figurer qu’au
compte général des recettes et dépenses du royaume, Si vous aviez voté un
crédit supplémentaire pour une dépense éventuelle, et que cette dépense, au
moyen du crédit affecté, fût consommée dans l’année, je dirais : Cela est tout
simple, il est inutile de rappeler dans le budget de 1835 un acte consommé en
1834 par le législateur, au moyen d’une voie latérale au budget. Les comptes de
l’Etat viendront constater si la dépense a été bien ou mal faite.
Mais ici il s’agit d’une
dépense, évaluée à 35 millions, à réaliser en plusieurs années. On a, il est
vrai, autorisé le gouvernement à faire un emprunt de 10 millions, au moyen
d’une émission de bons du trésor, en attendant l’emprunt général : c’est là un
genre de voies et moyens qui ne change rien au budget des dépenses. Tout ce qui
s’est fait pendant le cours de l’année 1834 est très loyal et constitutionnel,
puisque la loi sur le chemin de fer n’a été votée qu’après le budget. Mais,
pour 1835, c’est autre chose, nous rentrons dans la règle générale tracée par
l’article 115. S’il pouvait en être autrement, le budget ne serait bientôt plus
qu’un simulacre, et vous vous jetteriez dans la confusion : c’en où vous allez
arriver infailliblement.
C’est ainsi que le
ministre, en vous demandant
Pour ces sortes de
travaux, on doit d’abord présenter une loi qui en décrète le principe ; pour la
dépense et pour les moyens d’exécution ou doit avoir recours au budget qui
n’est que le règlement d’exécution et des moyens d’exécuter le principe établi
en loi.
Un honorable membre a
proposé de décréter par le budget un emprunt de 10 ou 15 millions pour des
routes nouvelles ; c’est encore là une anomalie qui prouve combien déjà on
dévie de la constitution.
Dans le budget on ne
doit décréter ni emprunts ni travaux, mais seulement les dépenses pour couvrir
les travaux décrétés ; d’un autre côté, vous voulez ne pas porter les dépenses
du chemin de fer parce qu’elles ont été décrétées séparément, parce qu’elles
sont, si vous voulez, des dépenses extraordinaires. Cependant vous voyez les
budgets divisés en recettes et dépenses ordinaires et recettes et dépenses
extraordinaires ; les unes comme les autres ne sont pas moins des dépenses de
l’Etat, et par conséquent soumises au prescrit de l’article 115 de la
constitution.
Si
vous continuez de dévier de la constitution comme on vous propose de le faire
aujourd’hui, avant dix ans personne, excepté les ministres dans leur
département respectif, ne pourra connaître les véritables dépenses que l’on
fait, et nous nous trouverons dans la position où furent les membres des
états-généraux vis-à-vis du gouvernement hollandais, ne sachant jamais à quelle
somme s’élevaient les dépenses de l’Etat ; nous reviendrons au régime du
syndicat, ou plutôt nous aurons autant de petits syndicats qu’il y aura
d’entreprises au dehors des budgets des dépenses.
Restons, messieurs, dans
les termes précis de la constitution, dont on ne peut sortir qu’au moyen de
subtilités et de tours de force. Je défie qu’on réponde directement aux
observations qui ont été présentées à cet égard par l’honorable M. Dumortier et
par moi-même.
(Moniteur belge n°27, du 27 janvier 1835) M. Coghen - Messieurs, l’avis a été unanime sur la
direction de l’Allé-Verte. C’est dans ce sens que l’on a répondu au
gouvernement ; si l’on voulait s’en assurer, on pourrait avoir recours au
procès-verbal du jour où cette détermination à été prise. M. le ministre de
l'intérieur pourrait au besoin attester que l’autorité municipale n’a pas eu en
vue la direction de la rue Neuve, parce que l’espace en dehors de la ville
était trop étroit pour l’établissement de deux ornières, et qu’en outre il
aurait fallu sacrifier l’une des allées latérales du boulevard, et il y avait
une différence de niveau de douze pied à franchir.
M.
Gendebien. - C’est le collège des bourgmestre et échevins qui a donné
au gouvernement son avis sur la direction de la route en fer, mais non pas le
conseil de régence. J’étais d’avis (et tout le monde partageait cette opinion)
que le chemin de fer devait déboucher en face de la rue Neuve. Il n’a pas été
question d’aller aux voix sur cette direction, du moins que je sache.
Si l’on a voté sur cet
objet, ç’aura été dans une séance à laquelle je n’assistais pas. J’ai eu sur la
direction à donner au chemin une explication avec l’un des échevins de
Bruxelles, qui m’a dit que l’on n’avait voulu décider la question ni
affirmativement, ni négativement.
Je soutiens toujours
qu’il est inexact de dire qu’il y a une différence de niveau de
Vous
n’avez pas oublié, messieurs, que dans la discussion qu’a amenée le vote de la
loi du premier mai, on a surtout considéré le produit qui proviendrait du
transport des voyageurs. On le mettait même au-dessus des bénéfices que devait
procurer le transport des marchandises. Eh bien ! n’est-il pas absurde de faire
descendre ou arriver au bout de l’Allée-Verte les voyageurs qui auraient fait
un moins long détour si la route en fer avait débouché dans la rue Neuve ? Je
considère l’omission de cette direction comme un véritable vandalisme. Il n’y
aurait à percer qu’une seule maison ; et de la place de
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Ce n’est pas ici le moment de discuter la meilleure direction à donner a la
route en fer. Cet objet a été longuement examinée lors de la discussion de la
loi qui a autorisé le gouvernement à ouvrir cette voie de communication : quand
on mettra de nouveau cette question sur le tapis, je pourrai énumérer les
motifs principaux qui ont déterminé à suivre cette direction plutôt que telle
autre.
Je me bornerai pour le
montent à répondre aux objections de l’honorable député de Tournay. Il a
insisté de nouveau sur la nécessité de porter les dépenses du chemin de fer au
budget actuel du département de l’intérieur.
Je crois que cette
opinion n’est pas fondée, parce qu’aux termes de l’article 4 de la loi du 1er
mai dernier, l’on a affecté à la construction de la route en fer un crédit de
10 millions, à charge de rendre compte de cette somme avant le 1er juillet 1835,
de manière que le crédit doit être considère comme voté, et qu’il ne reste plus
qu’à en faire emploi.
C’est ainsi que lorsque
que l’on a affecté à la construction d’une route ou d’un canal un crédit, la
cour des comptes ne fait jamais difficulté d’en liquider la dépense jusqu’à
l’épuisement de la somme. Aussi la construction de la route en fer ne
souffre-t-elle pas d’obstacle.
Une voix. - Pourtant c’est une dépense.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- C’est une dépense, j’en conviens ; mais ce n’est pour ainsi dire qu’un
appendice au budget de l’année 1834 ; quand une dépense n’a pas été prévue au
moment où le budget a été présenté ou voté, l’on demande plus tard un crédit en
dehors du budget. On peut voter la dépense par une loi spéciale, c’est ce qui
est arrivé pour la route en fer ; aussi, lors de la discussion du projet,
personne n’a-t-il élevé la proposition qu’il fallait que le crédit de 10
millions fût porte au budget.
L’on a dit alors que le
gouvernement pourrait faire usage de ce crédit. C’est ce qui a été fait et la
route commencée en 1834 nous l’avons continuée en 1835, sauf à rendre au
premier juillet prochain compte de la dépense, comme la loi nous en fait une
obligation.
M.
Dumortier. - M. le ministre de l’intérieur se trompe s’il croit avoir
répondu aux observations qu’on lui a faites. Sa réponse est la même que celle
de l’honorable M. Smits. La loi,
dit ce membre, a autorisé le gouvernement à faire un emprunt au moyen d’une
émission de bons du trésor. M. le ministre nous dit : L’on a voté un crédit de
10 millions. Qu’est-ce que cet emprunt ? Que sont ces 10 millions ? Ce sont les
voies et moyens nécessaires pour couvrir la dépense, nous dit-on. Cela n’a rien
de commun avec la dépense elle-même. Un budget ne se compose pas uniquement des
moyens de faire face à des dépenses, mais du vote même de ces dépenses, en même
temps que la législature indique par quels moyens ces dépenses seront
couvertes. Il est tellement inexact de prétendre que la loi du 1er mai ne doit
pas figurer au budget, l’exécution en durât-elle 30 ans, que le gouvernement a
reconnu lui-même par le budget des voies et moyens qu’il n’avait pas à sa
disposition les sommes nécessaires pour la construction de la route, puisqu’il
a demandé des bons du trésor pour y faire face. De deux choses l’une : ou la
loi sur les bons du trésor était suffisante pour couvrir à perpétuité les
dépenses de la route ou elle ne l’est pas ; si elle était suffisante, pourquoi
êtes-vous venus par un article spécial du budget des voies et moyens nous
demander l’autorisation de faire la recette des bons du trésor pendant
l’exercice 1833 ? Si elle n’est pas suffisante pourquoi vous refusez-vous à
demander aujourd’hui l’autorisation de faire la dépense de cette année ?
Les termes de la
constitution sont tellement clairs, tellement positifs, qu’il est impossible de
réfuter nos objections. Ni M. le ministre de l'intérieur, ni M. Smits n’y ont
répondu. Ils se sont bien gardés de rencontrer ces expressions si claires.
Si
le gouvernement s’abstenait de continuer la route, quand connaîtrons-nous le
montant de la dépense ? Si les budgets ne contiennent plus tout ce qui est
relatif aux dépenses à faire, les comptes de l’Etat ne contiendront plus non
plus tout ce qui est relatif aux dépenses faites. Ne serait-ce pas là le
système le plus vicieux ? Pour peu qu’on ait la plus légère teinture de
comptabilité, l’on doit reconnaître qu’il est nécessaire de porter au budget de
1835 la somme des dépenses à faire pendant cet exercice pour la route en fer.
Si l’argument de M. le ministre était fondé, il faudrait reconnaître que le
gouvernement pourrait pendant 25 ans continuer une dépense sans l’assentiment
de la législature. C’est là ce qu’il faudrait admettre. Je demande s’il est
personne, qui soit tenté de souscrire à un pareil système Il faut que le
ministre de l’intérieur propose en 1835 un crédit pour faire face aux dépenses
de la route en fer pendant cet exercice.
M.
Coghen - La chambre a voté en 1834 le confectionnement
de la route en fer. Les dépenses qui doivent en résulter appartiennent à
l’exercice de cette même année ; il n’est pas nécessaire de porter dans le
budget des dépenses de 1835 ce qui appartient à l’exercice de 1834 ; ce serait
un double emploi, et une nouvelle autorisation pour faire la dépense n’est pas
nécessaire puisque déjà elle a été votée. Il est admis, et impossible qu’il en
soit autrement, que lorsqu’une dépense est votée pendant un exercice, le crédit
ouvert reste maintenu jusqu’à la clôture définitive des comptes de cet
exercice. Je vous citerai messieurs, un exemple que vous avez sous les yeux.
L’année
dernière, vous avez voté 180,000 fr. pour la restauration de l’hôtel Torrington
; un cinquième peut-être de la somme allouée est dépensé : il est sans doute
inutile qu’on vienne vous demander une nouvelle autorisation pour continuer ces
travaux, et pourtant si l’on admettait le système qu’on a cherché à faire
prévaloir, ce nouveau vote serait indispensable. Dans mon opinion, il n’en est
pas ainsi, et le crédit ouvert pour cet objet restera disponible jusqu’à
clôture définitive de l’exercice de 1834. Vous connaîtrez, messieurs, les
dépenses faites en 1834 dans un premier compte provisoire qui vous sera soumis
vers le mois de juillet de cette année. Un deuxième compte provisoire du même
exercice vous sera présenté en 1836, et l’exercice sera définitivement clos par
un dernier compte, à vous présenter en 1837.
Si, après la clôture
d’un exercice, un crédit voté n’a pas été épuisé et qu’on en ait besoin pour
achever les travaux commencés, alors il faut recourir à la législature qui doit
autoriser, par un nouveau vote, la somme nécessaire à l’achèvement.
M. de Brouckere. - Je partage l’opinion
développée par l’honorable M. Dumortier et par l’honorable M. Gendebien. Et il me semble que les trois orateurs qui
ont essayé d’y répondre, loin d’avoir réfuté leurs arguments, ne les ont pas même
abordé.
On a dit avec raison que
l’art 115 ordonne que les recettes et dépenses de l’Etat soient portées aux
budgets des voies et des comptes. A-t-on porté au budget de l’exercice actuel
la partie du crédit de 10 millions qui doit être dépensée en 1835 pour le
chemin de fer ? Non, cette partie de la somme de 10 millions n’est dans aucun
budget. Messieurs, la loi du 1er mai contient une évaluation de ce que doit
coûter la route en fer. Elle établit de plus le mode dont le gouvernement se
procurera la somme de 10 millions. Mais s’ensuit-il que la loi du 1er mai soit
un appendice du budget de 1834, comme le soutient l’honorable M. Coghen ?
Est-ce que cette somme de 10 millions doit être considérée comme faisant partie
de l’exercice 1834 ? Non, encore une fois ; on ne porte dans le budget que les
sommes à dépenser pendant l’exercice auquel ce budget se rapporte.
Pour
agir avec régularité il faut que l’on porte chaque année dans le budget la
partie des 10 millions qui doit être dépensée dans le courant de l’exercice. En
1834 si on ne l’a pas fait, c’est que le budget était déjà voté. Mais pour
l’exercice 1835, il n’en est pas de même. Mais, dit l’honorable M. Coghen, les
10 millions font si bien partie de l’exercice 1834 que l’on ne fermera le
budget de cet exercice que quand ils auront été employés. C’est le seul
argument que l’on ait mis en avant. Je ne partage pas l’opinion de cet
honorable membre. Ainsi, si l’on nous demande un crédit de 15 à 20
millions (comme on l’a fait dans la séance précédente), et que la chambre
l’accorde, en supposant que la somme ne soit dépensée qu’au bout de 12 années,
l’on ne pourra fermer l’exercice qu’au bout de ces 12 années ! Mais ce serait
jeter la perturbation dans les comptes.
Il faut que les comptes
des exercices passés soient arrêtés dans le plus bref délai. Les opérations
financières deviendraient impossible si l’on agissait autrement.
M.
Coghen - Je n’ai pas dit ce que vous me faites dire.
M. de Brouckere. - Je demande pardon à
l’honorable M. Coghen ; j’ai sous les yeux ses paroles que j’ai recueillies. Il
a dit : Tout crédit reste ouvert jusqu’à la clôture du budget de l’exercice, et
cette clôture n’a lieu qu’après que les sommes ont été dépensées.
M.
Coghen - Non, non ; je vous expliquerai ma pensée.
M. de Brouckere. - Je ne demande pas autre
chose. Quelle peut être la répugnance de M. le ministre de l’intérieur contre
cette manière d’agir ? Qu’il fixe lui-même le taux de la somme qu’il compte
dépenser en 1835. Je ne pense pas qu’il s’élève la moindre opposition pour la
lui accorder. Mais, nous objecte-t -on, c’est remettre en question ce que la
chambre a déjà voté. Il dépendrait de l’assemblée de rejeter la dépense
proposée par le ministre.
On a répondu à cette
objection qu’il en était ainsi de beaucoup d’autres dépenses, telles que la
liste civile, les appointements des membres de l’ordre judiciaire, des membres
de la cour des comptes, ainsi qu’une foule d’autres dépenses. C’est supposer la
chambre ridicule que de penser qu’elle s’opposera à ce que de pareils fonds
figurent au budget. J’adopte l’opinion développée par l’honorable M. Dumortier. Mais comme c’est lui qui
a soulevé la discussion, je l’engage à formuler une proposition pour l’insertion
au budget d’une somme pour la route en fer. Sinon, nous aurons discuté en pure
perte.
(Erratum inséré au Moniteur belge n°28 du 28
janvier 1835) M. Coghen. - L’honorable
député de Bruxelles me prête des expressions dont je ne me suis pas servi.
Voici, messieurs, ce que j’ai eu l’honneur de vous dire : les crédits ouverts
par la législature pour les ouvrages qui n’ont pu être achevés dans le courant
de l’année, restent disponibles pour le même objet jusqu’à la clôture définitive
de l’exercice auquel ils appartiennent.
Si, lors de la clôture
définitive des comptes, il reste encore des dépenses à faire, il y a lieu
alors, puisque les comptes sont définitivement clôturés, de demander un nouveau
crédit à la législature.
M.
Simons. - Je partage l’opinion des préopinants sur la nécessité de
porter au budget le crédit nécessaire pour la route en fer. Je me demande ce
qu’ont voulu les auteurs de la constitution ; si ma mémoire est fidèle, ils ont
eu en vue de mettre fin à la confusion qui régnait dans les comptes de
gouvernement des Pays-Bas. On avait voulu empêcher le rétablissement du
syndicat d’amortissement qui empêchait de connaître la situation financière de
l’Etat. Si la loi fondamentale eût contenu une disposition aussi précise que
l’article 115 de notre constitution, le syndicat d’amortissement n’aurait
jamais pu être créé.
L’on demandera pourquoi
la loi du 1er mai ne contenait pas une disposition par laquelle le gouvernement
aurait été obligé de porter tous les ans au budget les sommes nécessaires pour
la construction de la route en fer, Je n’ai pas besoin de vous rappeler,
messieurs, que la loi a été votée après de longues discussions, et qu’il ne
serait pas étonnant que la fatigue qui en a été la suite, fût la cause de
l’omission d’une disposition réclamée par la constitution.
L’honorable M. Coghen
reconnaît bien que le crédit de 10 millions doit faire partie du budget, et il
avance qu’il fait partie du budget de 1834. Je ne peux partager sa manière de
voir. Il faut distinguer les dépenses imputées sur les revenus d’une même
année, et celles qui se continuent pendant un certain nombre d’années.
Les
premières appartiennent à l’exercice où elles ont été votées. Les secondes
étant payées par les recettes de plusieurs années doivent faire partie des
budgets des différents exercices. C’est dans cette dernière catégorie que je
place le crédit de 10 millions. C’est par suite de cette considération, sans
doute, que le gouvernement a ouvert et fait figurer les recettes à faire pour
le chemin en fer au budget des voies et moyens. Pour être conséquent avec ce
principe, il faut qu’il introduise également au budget des dépenses un crédit
qui limite la somme à dépenser. Telle est ma manière de voir à cet égard.
M.
Smits. - Je persiste à croire que le crédit dé 10 millions voté par la
loi du 1er mai est un appendice du budget de 1834 et qu’il ne doit pas figurer
au budget de 1835. En voulez-vous une preuve ? Dans le courant de l’exercice dernier
la chambre a voté 500,000 fr. pour réparations à faire aux rives de
Eh
bien, messieurs, cette somme ne figure pas au budget. Elle ne doit pas y
figurer parce que ce crédit est applicable à l’exercice 1835. Il y a un autre
crédit au profit du département de la guerre. J’ignore si la somme a été
dépensée, mais certes elle ne figure pas au budget de 1835. Si un principe est
fixe et invariable, il doit l’être en toute circonstance. L’honorable M.
Dumortier vous a dit : Nous ne saurons donc rien sur les chemins de fer ?
L’honorable député de Tournay a donc oublié que les emprunts relatifs à ces
chemins doivent être couverts par les péages et que ce n’est qu’un cas de
déficit, d’insuffisance de ces péages, que le gouvernement viendrait vous
demander un crédit supplémentaire ; et ce crédit alors devra figurer au budget.
L’honorable M. de Brouckere vous a dit : Que résultera-t-il de cette
application au budget de 1835 ? vous dépenserez ce qui vous restera en 1835 ?
Pourquoi inutilement majorer le chiffre de vos budgets ?
Je n’en vois pas la
nécessité, et je crois que tout milite en faveur du projet de M. le ministre de
l’intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Dès le premier moment j’ai dit que, dans mon opinion, vous avez voté en 1834
non seulement en dépense 10 millions, mais encore en recette.
Voilà pourquoi j’ai dit
que rien n’était applicable au budget de 1835.
Un honorable préopinant
a prétendu que je me trouvais en contradiction avec mon collègue le ministre
des finances. C’est encore là une grave erreur. Je tiens à la main le tableau
des recettes des voies et moyens, et je n’y vois pas un seul bon du trésor. Le
budget est évalué à 84 millions. Il est donc bien clair que rien dans ce budget
n’est destiné à la construction des chemins de fer. Si la réflexion de
l’honorable M. Dumortier était vraie, il n’y aurait pas de voies et moyens pour
le chemin de fer.
M.
Dumortier. - Lisez les articles.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- On se prévaut de l’article 4 de cette loi, le voici :
« Pour faciliter le
service du trésor pendant l’exercice de 1835, le gouvernement pourra, à mesure
des besoins de l’Etat, renouveler et maintenir en circulation les bons du
trésor dont la création a été autorisée par les lois des 15 février 1833 et 1er
mai 1834, jusqu’à concurrence de 25,000,000 de francs. »
Cette disposition ne
fait rien autre chose que de permettre de renouveler et de maintenir en
circulation les bons du trésor. Mais de ce que cette disposition se trouve dans
le budget des voies et moyens, il ne s’en suit pas que les 10 millions pour le
chemin de fer soient reproduits dans le budget comme recette de 1835. Il aurait
fallu pour cela mettre 94 millions au lieu de 84 ; il aurait fallu faire
figurer ces 10,000,000 de bons dans le tableau des recettes, mais c’est ce
qu’on n’a pas fait.
Dans la loi du 1er mai
1834 on a d’une part autorisé la dépense, d’autre part fourni les voies et
moyens. Que veut-on ajouter à cette loi ? Nous sommes pour le chemin de fer
dans la même position que pour tous les autres travaux, pour lesquels la
dépense et les fonds ont été votés en 1834 et dont nous continuerons la dépense
sans un nouveau vote.
Dans
mon opinion le budget des voies et moyens de
M. de Brouckere. - Messieurs, les arguments
que vient de faire valoir M. le ministre de l’intérieur ne m’ont nullement
démontré que mon opinion n’était pas fondée. On a cru mettre en avant une
preuve bien puissante en disant :, Vous avez voté 50 mille francs pour
Le ministre vous a dit
ensuite : La preuve que vous ne pourrez contester la régularité de cette
mesure, c’est qu’à la cour des, comptes on n’a fait aucune difficulté
relativement aux fonds qui s’y rapportent. Ce n’est pas nous qui devons nous
régler sur les décisions de la cour des comptes, mais c’est la cour des comptes
qui doit se régler sur les décisions de la chambre.
M.
Dumortier. - Elle en est une émanation.
M. de Brouckere. - Sur les décisions de la
chambre dont elle est une émanation, ainsi que je viens de l’entendre dire. Au
reste, je ne suis pas fâché de trouver ici l’occasion de dire ce qui est venu à
ma connaissance relativement à ce qui se fait à la cour des comptes. J’ai dit
que les ministres, en ce qui concernait les pensions, ne suivaient que leurs
caprices ; M. le ministre de la justice m’a répondu que la cour des comptes ne
décidait rien sans une parfaite connaissance de cause. J’ai pris des
renseignements relativement aux pensions ; eh bien, on m’a dit à la cour des
comptes que jusqu’à présent il n’avait jamais été question de légalité ou
d’illégalité ! Et je dois dire à messieurs du gouvernement que j’ai bien
recommandé qu’à l’avenir on voulût bien en agir différemment à cet égard.
Pour établir par une
preuve de plus que l’on peut porter au budget une dépense déjà votée par une
loi spéciale, je vous renverrai au chap. XII (n°3 de l’art. 1er) du budget en
discussion. Ce numéro est ainsi conçu : « Primes et encouragements aux arts et
à l’industrie, aux termes de la loi du 25 janvier 1817, sur les fonds provenant
des droits des brevets et frais occasionnés par la délivrance des brevets,
10,000 fr. » Vous voyez donc que l’on porte, de ce chef, 20,000 fr. au
budget, parce que la loi du 25 janvier 1817 autorise le gouvernement à disposer
d’une partie ou du tout (je n’en sais rien) de ce qu’il perçoit sur les brevets
d’invention.
Eh bien, si vous voulez
être conséquents en adoptant le système de M. Smits et du gouvernement tendant
à ce que la dépense du chemin de fer ne figure pas au budget parce qu’elle a
été votée par une loi spéciale, vous devez rayer du budget l’article que je
viens de vous indiquer, car il a trait aussi à une dépense autorisée par une
loi.
Nous
nous étonnons nous (et nous sommes en cela conséquents) que toute somme dépensé
sur un exercice doit figurer dans le budget de cet exercice ; peu importe
qu’elle ait été allouée antérieurement par une loi, quand même ce serait par la
constitution. C’est ainsi que la liste civile qui ne peut donner lieu à aucune
discussion est votée chaque année par les chambres. De même les dépenses de la
route en fer doivent être votées dans le budget de l’exercice sur lequel elles
sont effectuées.
M.
Dumortier. - La question est si simple, si claire que je ne comprends
pas comment elle donne lieu à une discussion.
J’ai déjà cité le texte
formel de la constitution, et l’on ne m’a pas répondu. Je me trompe : M. le
ministre de l’intérieur l’a essayé, et vous avez pu voir par son embarras que
ce ne lui a pas été possible.
Maintenant la question
réduite à ses termes est extrêmement simple. J’accepte la manière dont elle a
été pesée par M. le ministre ; il a dit que les dépenses et les recettes
devaient être imputées sur l’exercice 1834 ; eh bien, pour moi je reconnais
cette proposition comme exacte. Et je dis que les recettes et les dépenses
devant être imputées sur l’exercice 1834, l’on a tort de demander des fonds
pour la route en fer sur le budget des recettes de 1835. Car sous ce rapport je
ne partage pas entièrement l’opinion de l’honorable préopinant, lorsqu’il dit
qu’un exercice peut rester ouvert pendant plusieurs années.
Revenant à ce qu’a dit
M. le ministre de l’intérieur, je soutiens que les dépenses de la route en fer
ne se rapportent pas entièrement au budget de 1834, que les dépenses et les
recettes s’appliquent annuellement suivant que les dépenses se font chaque
année. Je le répète ; la question réduite à ces termes est extrêmement simple.
En effet, qu’est-ce
qu’un budget et un compte ? C’est la balance des recettes à effectuer ou
effectuées pendant l’exercice, il est de principe que jamais les dépenses ne
doivent pouvoir excéder les recettes ; veuillez remarquer ceci, messieurs, car
c‘est vraiment le nœud de la question.
Le budget des recettes
met l’argent dans les caisses de l’Etat ; le budget des dépenses l’en fait
sortir en donnant aux fonds une destination spéciale. Lorsqu’il n’y a plus
d’argent, les dépenses ne peuvent plus s’effectuer. Dès lors les recettes
nouvelles doivent être imputées sur un autre exercice dans lequel le trésor
public a des fonds. Voilà comment les choses doivent se passer ; tout cela est
extrêmement clair.
Ceci posé je demande si
le budget des voies et moyens de 1834 et la loi du 1er mai qui en est le
corollaire, comme le veut le ministre, si ce budget et cette loi donnent, oui
ou non, au trésor une somme suffisante pour les dépenses de la route en fer.
Non, vous n’avez pas,
par ces lois, une somme suffisante, et j’en trouve la preuve dans le budget des
voies et moyens que nous avons voté cette année.
Je m’explique très bien
comment la cour des comptes a ordonnancé l’an dernier tout ou partie des
dépenses du chemin de fer sur l’exercice 1834. Je m’explique aussi comment elle
pourra les ordonnancer pendant quelque temps encore. Mais lorsqu’elle aura
atteint le chiffre du budget, qu’arrivera-t-il ? Le trésor de 1834 présentera
zéro. En vain alors la cour des comptés voudrait-elle ordonnancer quand il
y aura zéro, quand il n’y aura rien dans le trésor. Voilà la question sous son
aspect véritable. Je défie qu’on puisse répondre à cette manière d’argumenter.
Une fois que le chiffre
du budget de 1834 aura été atteint, la cour des comptes refusera tout crédit au
ministre ; et elle devra le faire. Voulez-vous que je prouve ce que j’avance ?
Lisez l’art. 6 du budget des voies et moyens, il porte que : « pour
faciliter le service du trésor pour l’exercice 1835, le gouvernement pourra, à
mesure des besoins de l’Etat, renouveler et maintenir en circulation les bons
du trésor dont la création a été autorisée par les lois du 16 février 1833 et
du 1er mai 1834 jusqu’à concurrence de 25 millions. »
Qu’est-ce que la loi du
1er mai ? C’est la loi relative à l’exécution de la route en fer. Ainsi le
ministre a tort, lorsqu’il dit que le budget des voies et moyens ne parle
pas de la route en fer ; il ne parle pas de la dépense, mais il parle de la
recette. Que répond à cela M. le ministre ? Que, dans le tableau du budget des
voies et moyens, il n’est pas question de la route en fer. Mais, messieurs, le
tableau n’est pas toute la loi ; il n’est qu’une partie de la loi. L’art. 6
aussi fait partie de la loi et il contient une stipulation relative à la route
en fer.
Maintenant je répondrai
à l’honorable M. Coghen, qui prétend qu’un exercice doit rester ouvert pendant
plusieurs années. Je lui ferai remarquer qu’il n’en est ainsi qu’en vertu d’un
arrêté du pouvoir exécutif. Que direz-vous, si le pouvoir fixe à trois années,
au lieu de vingt, la durée de l’ouverture de l’exercice ? Ce qu’a fait le
pouvoir exécutif il peut le défaire ; dès lors votre argument ne signifie rien.
La loi du 1er mai
s’applique seulement au budget de 1834. S’il en est autrement, si
l’applicabilité de la loi n’est pas bornée, comme l’administration des ponts et
chaussées a toujours intérêt à perpétuer les travaux, elle les dirigera
pianissimo ; et dans dix, quinze, vingt ans peut-être, la route en fer ne sera
pas terminée.
Résumons
les faits, la constitution et toutes les bases possibles de comparaison, et
nous reconnaîtrons que l’on ne peut disposer de quoi que ce soit, quand il n’y
a pas d’argent dans le trésor.
Lorsque nous votons
chaque année les dépenses judiciaires, les traitements de la cour des comptes,
et la liste civile, dépenses déterminées par des lois antérieures, pouvons-nous
hésiter à voter les dépenses relatives au chemin de fer ? Peut-il y avoir du
doute alors que le budget de 1834 ne présente pas des recettes suffisantes pour
couvrir la dépense ? N’est-il pas de toute évidence que la chambre doit insérer
dans le budget des dépenses un article à ce titre qui concorde avec du budget
des voies et moyens ?
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je dois m’opposer de toutes mes forces à la doctrine de l’honorable
préopinant ; elle tendrait à entraver la marche de l’administration par des
difficultés qu’il lui serait impossible d’aplanir.
L’honorable préopinant a
développé l’argument qu’il tire du budget des voies et moyens. J’ai dit que cet
argument était erroné ; je maintiens ce que j’ai dit.
Qu’est-ce que c’est que
le budget des voies et moyens ? C’et la fixation de la somme affectée à un
exercice. Cette somme, pour l’exercice
L’art. 2 accorde de
nouvelles exemptions en faveur des bateliers. L’art. 3 présente le montant des
recettes.
Suit une autre
disposition relative aux 25 millions de bons du trésor ; mais ces 25 millions
font-ils partie des recettes ? En aucune manière. Les bons du trésor sont une
mesure pour suppléer à la rentrée trop lente des impôts ; ils ne font pas
partie intégrante du budget des voies et moyens. Ainsi l’argument tiré de
l’art. 4 du projet de loi est sans force.
Je dis, messieurs, que
si l’on ne considérait pas les dix millions qui ont été accordés par la loi du
1er mai 1834 comme un appendice au budget des voies et moyens de cet exercice,
il y aurait une lacune dans le budget des voies et moyens de 1835 ; cela est
clair comme le jour. Je ne conçois pas que l’on puisse répondre à cet argument.
Mais, a-t-on objecté, d’après votre principe, vous allez établir un nouveau
syndicat : il ne s’agit nullement de cela.
On sait que quand un
crédit est ouvert on ne peut en faire l’imputation que jusqu’à l’expiration de
la troisième année ; après ce terme la cour des comptes n’admet plus en compte.
Pour le chemin de fer il y a plus ; un compte doit vous être rendu annuellement
des travaux exécutés ; c’est au 1er juillet prochain que doit être rendu le
premier de ces comptes.
J’ai
dit que le système de l’honorable préopinant paralyserait l’administration. Je
le prouve. Si le budget des dépenses de 1835 avait été voté l’année dernière
avant la séparation de la chambre, dans l’opinion de M. Dumortier il aurait
fallu y porter toutes les dépenses de 1835 pour le chemin de fer ; mais comment
déterminer ce chiffre puisqu’il dépendait des dépenses faites en 1834 ? Aujourd’hui
que le budget des dépenses ne sera voté que dans le mois de février, il se
présentera un autre embarras, puisque dans l’opinion de l’honorable membre on
n’a pas pu délivrer de mandats pour aucune dépense concernant le chemin de fer
depuis le 1er janvier ; évidemment ce principe est inadmissible en pratique :
la cour des comptes a toujours été fidèle gardienne de la constitution en ce
qui concerne les comptes, et c’est exagérer que de vouloir aller au-delà de sa
vigilance ; c’est obliger le gouvernement à recourir sans cesse aux chambres
pour remettre en question des dépenses déjà votées, et qu’il ne s’agit plus que
d’exécuter.
M.
Gendebien. - Je ne sais si j’ai des idées exactes d’un budget. Je me
suis figuré qu’une loi de finances devait être séparée d’une loi de finances
précédente, comme si on élevait un mur d’airain entre le 31 décembre et le 1er
janvier. S’il n’en est pas ainsi, je ne sais plus ce que c’est qu’un budget.
C’est de cette manière que l’on comprenait les budgets sous l’ancien
gouvernement, tout mauvais qu’il était. En voici un exemple. Le gouvernement
avait obtenu une somme de 30 ou 40 mille florins pour concourir à la dépense du
pont de Laeken avec la ville de Bruxelles ; le pont ne fut pas construit pendant
l’exercice, et l’année suivante on croyait qu’il ne fallait rien porter au
budget pour cette dépense : on disait que la somme allouée dans l’exercice
précédent n’ayant pas été dépensée, il était inutile de renouveler le chiffre :
on soutient le contraire et l’on dit : Si vous aviez fait une adjudication de
travaux, le crédit serait affecté à l’adjudication ; mais puisqu’il n’y en a
pas, il faut un nouveau crédit.
Ainsi, pour les
adjudications faites pendant l’année 1831 relativement aux dépenses autorisées
pendant cet exercice, vous avez des crédits jusqu’à concurrence de la somme
allouée ; mais si vous n’en avez pas fait, vous ne pouvez rien dépenser sans de
nouveaux crédits.
Le ministre a cru
répondre victorieusement en disant : Mais on n’a pas porté la somme au budget
des voies et moyens ; c’est un simple énoncé pour autoriser l’émission des bons
; si vous portiez la somme en dépense, il y aurait déficit aux recettes. Cette
réponse est oiseuse. D’après cette idée il s’ensuivrait que pour l’emprunt de
15 millions il y a aussi déficit au budget des recettes.
On prétend que la ligne
que nous traçons d’après la constitution serait une entrave monstrueuse,
puisque le ministre ne pourrait plus rien ordonnancer à partir du 1er janvier :
mais un ministre ne peut rien ordonnancer quand un exercice est écoulé ; et il
ne peut ordonnancer sur un exercice expiré que pour les actes faits en vertu
des allocations portées dans le budget de cet exercice.
Je vous rappellerai, en
finissant, ce que vous a dit M. Dumortier : L’intitulé de votre propre loi vous
condamne. Le voici : Loi qui arrête le
budget des voies et moyens pour l’exercice 1835. Il suit de là que si je
vois figurer les bons de trésor comme ressource, c’est que vous les considérez
comme recette éventuelle, c’est que vous les considérez comme moyen d’avoir de
l’argent.
Je n’abuserai pas plus
longtemps de vos moments ; mais je le répète, si vous déviez de la disposition
sage de l’article 115 de la constitution, personne dans le pays ne pourra
connaître vos dépenses, et cependant chacun a le droit de les connaître. Il y a
plus, c’est que les ministres eux-mêmes ne sauront plus ce qui a été fait dans
les années précédentes, et il faudra recourir aux budgets antérieurs pour avoir
une idée des dépenses autorisées.
Je ne vois plus rien de
clair dans les budgets si on n’élève entre eux, ou entre le 31 décembre et le
1er janvier, une barrière infranchissable. Si vous agissez autrement, vous
allez tomber dans les plus graves abus, dans les abus du syndicat d’amortissement.
- La chambre n’est plus
en nombre pour délibérer.
La séance est levée à 4 heures et demie.