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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du vendredi 23 janvier 1835
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Projet de loi portant le budget du département de l’intérieur pour l’exercice
1835. Discussion des articles
a)
Instruction publique. Traitements d’attente et pensions des professeurs
démissionnés de l’enseignement moyen (de Theux),
instruction des sourds-muets (de Foere, de Theux, A. Rodenbach, Ernst, de Foere), instruction des
insensés (Lebeau, Ernst),
instruction primaire (Van Hoobrouck), instruction
primaire et instruction des sourds-muets (de Theux),
instruction primaire (Doignon, de
Robaulx, Van Hoobrouck, Liedts,
de Theux), instruction des sourds-muets (A. Rodenbach, de Theux),
instruction primaire (Van Hoobrouck, H. Dellafaille, de Theux)
b) Dépenses
du culte. Construction de quatre nouveaux temples protestants et contentieux
religieux dans le Limbourg (de Theux, Simons,
H. Dellafaille, de Robaulx),
culte anglican ((+jeux de Spa) de Theux, Rogier, de Roo, H. Dellafaille, Desmet, F. de Mérode, de Robaulx),
culte israélite (de Theux, Lebeau,
H. Dellafaille, de Theux, Lebeau)
c) Garde
civique (Gendebien, de Theux,
Gendebien, F. de Mérode, de Theux, Gendebien, de Theux, F. de Mérode, de Robaulx)
d) Subsides
aux communes (Gendebien, Rogier,
H. Dellafaille, de
Brouckere, de Theux, Gendebien,
de Brouckere, de Robaulx,
Lebeau, de Theux, de Robaulx, de Brouckere, de Theux, Lebeau, Gendebien, de Theux, de Robaulx, Lebeau)
(Moniteur belge n°24, du 24 janvier 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M.
de Renesse. procède à l’appel nominal à midi
et demi ; la séance ne peut être ouverte, la chambre n’est pas encore en
nombre.
M.
Brixhe donne lecture du procès-verbal à une heure. La rédaction en est
adoptée.
M.
de Renesse donne communication des pièces suivantes adressées à la
chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Plusieurs
propriétaires de Burght et Zwyndrecht
demandent une indemnité pour emprise de terrains. »
________________
« Les bourgmestres
de 21 communes de
________________
« Le sieur H. Desmet,
propriétaire, demande qu’il soit établi deux écluses sur l’Escaut, la première
à Esconoffe et la deuxième à Gavre. »
________________
« La dame
Marie-Hélène Grauven, veuve de Lauwens,
ex-notaire à Eschen, demande une indemnité pour les
pertes assignées par elle en août 1831, à la suite de l’agression hollandaise.
»
________________
« Le sieur Sugmond Fremerey demande que la
chambre adopte une disposition qui permette de faire l’acquisition des domaines
de l’Etat. »
________________
« Le sieur Kock Monligneau, chevalier de la légion d’honneur, demande le
paiement de l’arriéré de sa pension comme légionnaire. »
________________
« Le sieur Kone Chasteleyn adresse des
observations sur le projet de loi relatif aux sels. »
________________
- Ces pétitions sont
renvoyées à la commission des pétillons.
Discussion des articles
Chapitre IV. Instruction publique
Article 6
M.
le président. - A la dernière séance, la chambre s’est arrêtée à l’art.
6 du chapitre IV.
Cet article est ainsi
conçu : « Indemnités aux professeurs démissionnés dans les athénées et
collèges : fr. 10,000 fr.
La section centrale
propose de réduire ce chiffre à 6,760 fr.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je crois que, vu le grand nombre de professeurs actuellement placés et par
conséquent n’ayant plus droit à l’indemnité, je puis me rallier au chiffre de
la section centrale. Avec l’allocation qu’elle propose, les professeurs qui ne
sont pas placés pourront encore recevoir le subside qu’ils ont reçu jusqu’à
présent.
- Le chiffre proposé par
la section centrale pour l’art. 6 est mis aux voix et adopté.
Article 7 et article
8 (nouveau)
« Art. 7.
Instruction primaire : fr. 252,000. »
La section centrale
propose de repousser l’augmentation de 10 mille fr. demandée, et par conséquent
de n’accorder que 242,000 fr.
M.
de Foere. - A l’occasion de la discussion sur l’instruction primaire,
je demanderai la permission d’occuper la chambre d’un objet digne de son
attention, je veux parler de l’instruction des sourds-muets. Dans tous les
pays, on travaille avec ardeur à la propagation et ais perfectionnement de
l’instruction des sourds et muets, et on parvient à obtenir d’heureux
résultats. Jusqu’à présent, nous sommes restés, nous, indifférents sur le sort
de ces malheureux ; nous n’avons pas même de statistique à cet égard, nous ne
connaissons pas l’étendue du mal qui afflige une partie de nos concitoyens. Il
est vrai qu’en 1829 le ministre de l’intérieur présenta aux états-généraux un
rapport constatant qu’il y avait dans tout le royaume 2,166 sourds et muets. Je
suis persuadé que si une statistique était levée avec exactitude, on trouverait
un nombre plus considérable. D’après la statistique de tous les pays où le
nombre des sourds et muets est connu, le terme moyen est dans la proportion de
1 sur 1,585. D’après ce calcul, en Belgique, il devrait y avoir 2,396 sourds et
muets. On en compte en France 20,189,et en Prusse
8,223.
Sur le nombre de sourds
et muets existant dans le royaume des Pays-Bas, d’après le rapport présenté par
M. le ministre de l’intérieur en 1829, 1,915 étaient en âge de fréquenter les
écoles, et 249 seulement y allaient, de sorte que 766 se trouvaient privés de
tout moyen d’instruction. Vous voyez donc que les moyens d’instruction pour les
sourds et muets manquent en Belgique, dans une proportion considérable, tandis
que, dans un grand nombre de pays, celle classe malheureuse de la société est
entourée des soins les plus bienveillants et les plus charitables ; on crée des
établissements pour la faire jouir des bienfaits de l’instruction. Je pourrais
en donner des preuves à la chambre, Je tiens en main un tableau de toutes les
institutions fondées en Europe, pour procurer l’instruction aux sourds et
muets.
Je suis persuadé que la
chambre voudra bien accueillir avec bienveillance la proposition que je lui
ferai de donner au gouvernement les moyens de procurer l’instruction aux sourds
et muets, en suivant les nouvelles méthodes inventées depuis quelques années,
et au moyen desquelles on a obtenu les résultats les plus heureux.
Nous ne possédons encore
en Belgique que deux fractions d’établissement. Non seulement l’instruction est
incomplète dans ces établissements, mais leur accès est très difficile pour
quelques-uns et impossible pour le plus grand nombre des sourds et muets. On
s’y sert encore de l’alphabet manuel, malgré le succès dont de nombreuses
expériences ont couronné les nouvelles méthodes de la prononciation
artificielle et de la lecture sur les livres.
L’institut royal de
France, où ces moyens ont été mis en pratique après avoir été employés en
Prusse, les a depuis deux ans substitués à son ancienne méthode. Les signes de
l’alphabet méthodique et purement de convention, est-il dit dans son règlement,
sont définitivement bannis du système d’enseignement en usage dans l’institut
royal.
Si la chambre voulait
veiller quelque peu à l’instruction des sourds et muets, il en résulterait
d’autres bienfaits pour cette classe malheureuse de la société, Il est à
remarquer que la surdité apparente est plus fréquente que la surdité réelle. En
exerçant l’attention et les facultés d’audition, quelque faibles et quelque
minces qu’elles soient, de ceux qui sont dans ce cas, on parvient à leur faire
distinguer les impressions les plus faibles.
On doit à M... la découverte de procédés ingénieux pour l’instruction des
sourds et muets. Mais ces procédés sont totalement négligés en Belgique. On
parvient quelquefois, au moyen de ces procédés, à rendre la parole et l’ouïe à
des enfants sourds et muets. Il est à remarquer que presque tous les sourds et
muets montrent l’envie d’apprendre à lire et à écrire. En suivant cette méthode
simple et ingénieuse, on parvient non seulement à leur donner des connaissances
ordinaires, mais encore une instruction supérieure. Dans presque tous les pays
des institutions sont formées, dans ce but, aux frais de l’Etat.
Nous
allons bientôt voter des fonds pour les artistes vétérinaires, pour guérir les
chevaux ; si la chambre voulait porter quelque attention sur les maux de ses
semblables, elle ne refuserait pas, je pense, d’accorder les fonds nécessaires
pour organiser dans le pays un établissement d’instruction, bien entendu réglé
sur les nouvelles expériences, afin de venir au secours de cette classe
malheureuse de la société.
Je me bornerai, pour le
moment, à demander à la chambre d’ordonner au ministre de lever la statistique
des sourds-muets qui se trouvent dans le pays. Si la chambre accueille ma
proposition, je remettrai au ministre de l’intérieur les questions qu’il est
nécessaire de faire d’après les usages suivis en Allemagne, afin de bien
classifier les sourds-muets et donner les moyens à employer pour leur apprendre
la lecture, l’écriture, et leur rendre même l’usage de la parole, soit par
l’articulation artificielle, soit par la lecture sur les livres.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il est inutile, je pense, que la chambre prenne aucune espèce de résolution à
l’égard de la proposition qui vient de lui être faite. Si l’honorable abbé de
Foere m’avait exprimé le désir d’avoir la statistique qui fait l’objet de sa
proposition, j’aurais bien volontiers pris l’engagement de la lui donner. Au
reste, il suffit qu’il ait appelé mon attention sur cet objet, pour que je le
fasse avec plaisir.
M.
de Foere. - Je me déclare satisfait de la promesse de M. le ministre.
M.
A. Rodenbach. - Messieurs, dans une précédente séance, j’ai fait
remarquer qu’on votait des fonds pour les universités, pour les collèges et
pour l’instruction primaire, et qu’on oubliait deux classes malheureuses de la
société, les sourds et muets et les aveugles. L’honorable préopinant a demandé
une statistique des sourds et muets qui existent en Belgique. J’ai parcouru un
ouvrage de M. Quételet, d’après lequel il y aurait en Belgique environ 3,500
aveugles et 2,500 sourds et muets. Ces calculs sont approximatifs. Mais M.
Quételet dit que dans
J’ai déjà dit plusieurs
fois que dans tous les pays, en France en Prusse, en Allemagne, il y avait des
instituts royaux pour, les aveugles et les sourds et muets ; qu’en Bavière,
dont la population n’est pas plus forte que celle de
Si les 10 mille francs
d’augmentation demandés sont encore destinés à l’instruction des personnes
ayant tous leurs sens, je les refuserai. Mais si le ministre veut les affecter
à l’instruction de deux classes de malheureux qui ont plus besoin de secours,
pour qui l’instruction est indispensable pour gagner leur vie, je m’empresserai
de les voter. Il y aurait d’ailleurs une grands
injustice à ne pas venir au secours de ces malheureux.
L’année dernière la
somme allouée pour les écoles primaire était de 242,000 francs. Cette année, le
ministre en demande 232,000. Je dirai d’abord que la répartition de cette
allocation est très mal faite, que tel district reçoit à lui seul plus
qu’ailleurs toute une province. Je sais que ces injustices tiennent à ce que
nous n’avons pas de loi sur la matière, mais on peut espérer que la loi dont
nous allons nous occuper les fera disparaître. Ces injustices subsistant, le
ministre serait embarrassé pour faire un bon usage de l’augmentation qu’il
demande.
Je fais la proposition formelle
d’allouer les dix mille fr. demandés et de les appliquer à l’instruction des
deux classes de malheureux sur lesquels je viens d’appeler l’attention de la
chambre.
Si l’instruction
primaire souffrait en Belgique, je serais le premier à demander qu’on vînt son
secours, et j’accorderais l’augmentation qu’on sollicite. Mais voyons l’état de
l’instruction primaire en Belgique. Déjà l’année dernière j’ai eu l’honneur de
vous dire qu’il résultait de travaux statistiques qu’en Belgique, sur dix
habitants un fréquente les écoles, tandis que, sous le précédent gouvernement,
sur 15 un seulement se rendait aux écoles. Il y a donc amélioration dans l’état
de l’instruction primaire chez nous.
Voyons
dans les autres pays, en France par exemple : et bien, dans ce pays si
instruit, les écoles ne sont fréquentées que par un habitant sur vingt. De
sorte que chez nous deux enfants suivent les écoles, alors qu’en France il n’y
en a qu’un. Nous ne sommes donc pas en arrière à l’égard de
En Angleterre, sur onze
habitants on envoie un élève aux écoles comme en Belgique ; en Prusse, sur 7
habitants il y a un élève ; en Russie, sur 375 habitants il y a un élève ; en
Autriche, sur 13 habitants il y a un élève. Je pourrais parcourir tous les pays
de l’Europe, mais je ne trouverai nulle part une proportion plus forte qu’en
Belgique. Pourquoi donnerions-nous deux ou trois fois plus de fonds que dans
aucun autre pays ? En Angleterre, le gouvernement accorde un demi-million ; il
y existe quatre mille écoles dotées anciennement, indépendamment des
établissements soutenus par les villes. Je demande donc que les dix mille
francs soient appliqués aux sourds et muets et aux aveugles.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Ainsi que j’ai eu l’occasion de
le dire en d’autres circonstances, le gouvernement a fait tout ce qui dépendait
de lui pour favoriser l’instruction des sourds-muets. A Liège il existe un
établissement très recommandable où cette instruction est donnée : on a demandé
des secours au gouvernement, ils ont été accordés. A Bruxelles on va créer une
semblable institution qui sera dirigé par M. l’abbé Triest ; 5,000 fr. ont été
alloués à la régence de cette ville pour contribuer aux frais de premier
établissement.
J’ai
aussi eu occasion de dire que si, dans les Flandres, les instituts de
sourds-muets qui y sont formés n’ont pas obtenu de subsides, c’est qu’ils n’ont
pas fait connaître leur existence au gouvernement. Mais les discussions qui ont
eu lieu récemment ont déjà amené ce résultat que la maison dirigée par une
religieuse, élève de M. Triest, s’est adressée à mon ministère pour un subside
: il sera fait droit à cette demande.
Je n’ai pas de fonds
pour créer des établissements de sourds-muets ou d’aveugles. C’est par des
associations beaucoup mieux que par l’initiative du gouvernement que de bons établissements
de cette espèce pourront être formés. Cependant je ne négligerai aucune
occasion d’en stimuler la création.
M. Lebeau. - Je m’associe aux témoignages
d’intérêt donnés aux aveugles et aux sourds-muets ; mais il y a une troisième
classe de malheureux sur laquelle j’appellerai la sollicitude du gouvernement
et celle de la chambre ; ce sont les insensés ; quand ils sont dans
l’indigence, leur position est déplorable.
Je ferai remarquer que
les observations présentées par les préopinants sont tardives : il est évident
que les allocations demandées doivent être placées au budget de la justice ;
tout ce qui concerne la charité publique est dans les attributions de ce
ministère.
Il y a des entreprises
formées par des particuliers ou des associations, et dont le but est de
soulager les sourds-muets et les aveugles. Il faudrait que le gouvernement
encourageât ces entreprises en y concourant. Mais je ne crois pas que le
ministère doive lui-même créer de semblables institutions. C’est aux
particuliers, aux communes qu’il faut laisser l’organisation des établissements
pour les sourds-muets et les aveugles ; ensuite il faut que le gouvernement
leur accorde des subsides.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Les hospices pour les insensés
réclament toute la sollicitude du gouvernement. Il est cependant des parties de
Les maisons d’aliénés
qui sont dans d’autres provinces n’ont pas réclamé de secours du gouvernement.
Il est probable que, par suite des efforts des localités qui recevront
l’impulsion du gouvernement, elles seront également améliorées.
A
Bruxelles, il y a longtemps que l’on sent la nécessité de créer un grand
hospice pour les aliénés. Le gouvernement a stimulé cette commune ; il a mis à
sa disposition une somme considérable pour cette année, et j’espère que sous
peu cet hospice sera ouvert aux insensés.
M.
Lebeau. - Ce sera un établissement central.
M.
de Foere. - Je m’opposerai à l’admission de l’amendement de M.
Rodenbach, parce qu’aujourd’hui rien n’est organisé. L’instruction des
sourds-muets dans nos contrées est très incomplète et les subsides que vous
accorderiez seraient distribués de la manière la plus arbitraire, et sans
savoir si leur application est convenable. Il faut commencer par une
organisation complète des établissements dans les provinces. Pour y parvenir,
j’ai demandé que l’on dressât sous ce rapport la statistique de ces provinces,
afin que la chambre puisse juger et voter en connaissance de cause les sommes
nécessaires. J’ai remis à M. le ministre de l’intérieur les questions qu’il
faut adresser aux parents pour bien classer les sourds-muets.
Le
préopinant a manifesté le regret de ce que mes réflexions n’ont pas été faites
lors de la discussion du budget du ministère de la justice ; je lui ferai
observer que mes réflexions sont relatives à l’instruction des sourds -muets et
des aveugles, et non aux secours qu’ils ont droit comme indigents.
Ce n’est pas à la seule
charité qu’il faut abandonner l’éducation de ces malheureux. Dans presque tous
les pays cette éducation est aux frais de l’Etat. Mais pour créer une institution
de sourds-muets, il faut connaître les méthodes employées en France et en
Allemagne, afin de les mettre en pratique chez nous. D’après ces méthodes on
est parvenu à mettre en rapport les sourds-muets avec ceux qui ne le sont pas ;
ils comprennent ce que l’un dit aux mouvements des lèvres.
Je le répète en
terminant, avant de donner des secours aux maisons d’éducation, il faut
organiser ce genre spécial d’instruction.
M. Van Hoobrouck. - Dans la séance d’hier, M. Fleussu,
avec le talent qui le caractérise, a fait un tableau des devoirs du
gouvernement, relativement à l’instruction publique ; je n’ajouterai rien à ce
qu’il a dit de peur d’affaiblir l’effet qu’a produit son discours. Je ferai
remarquer seulement que le chiffre posé cette année pour l’instruction primaire
est le même que celui de l’année dernière. Il résulte de là que si cette somme
est absorbée, et que le ministre soit cependant dans la nécessité de venir au
secours de quelque commune, il ne pourra satisfaire même aux besoins les plus
impérieux.
Je suis en conséquence
obligé de recourir à votre bienveillance pour obtenir la somme minime de 300
francs pour une école primaire.
Il existe dans
Il n’y a aucune session
de cour d’assise à laquelle cette malheureuse commune ne fournisse son
contingent d’accusés ; j’ai souvent recherché, messieurs, quelle pouvait être
la cause de cette propension au crime qui se manifeste dans ses habitants ; je
suis arrivé à cette conclusion que c’est le manque d’instruction qui en est la
principale cause.
La
régence de cette commune avait demandé un subside à M. le ministre de
l'intérieur pour l’instituteur s’offrant de donner les bâtiments pour l’école ;
et c’était un sacrifice presque au-dessus de ses moyens. Si vous ne venez pas à
son secours, il sera impossible que l’instruction la plus élémentaire ne s’y
répande. Les habitants y sont pauvres ; les chemins qui les mettent en relation
avec le pays environnant sont impraticables : je pense que par ces
considérations vous n’hésiterez pas à voter la minime somme de 300 fr. Hier,
quand on a voté plusieurs mille francs pour le Luxembourg, je me suis réuni à
ceux qui ont accordé cette augmentation ; aujourd’hui vous accorderez le même
secours, proportionnellement, pour une autre localité ; car vous êtes persuadés
que les principes de religion et de morale adoucissent les mœurs.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- J’exposerai en peu de mots les motifs de l’augmentation que j’ai demandée ;
auparavant j’entrerai dans quelques détails sur la répartition des fonds pour
l’instruction primaire. On a critiqué l’inégalité qui existait dans cette
répartition ; il est facile d’en trouver la cause. Cette cause est indépendante
de la volonté de l’administration. Par exemple sous le gouvernement précédent,
beaucoup de communes craignaient de solliciter des subsides du gouvernement, ne
voulant pas s’exposer à son influence en matière de doctrines, d’autres communes,
au contraire, ne partageant pas cette crainte, ont demandé des subsides et les
ont obtenus. Telle est la principale cause de l’inégalité de répartition. Il en
existe sans doute d’autres, mais elles ne sont que secondaires.
L’administration doit tendre à rétablir l’équilibre, en attendant que les
provinces, suivant le projet d’organisation de l’instruction publiques, soient
chargées elles-mêmes de faire cette répartition.
Il restait au budget de
l’année dernière une somme disponible assez considérable pour l’instruction
primaire : cette somme a été répartie par un arrêté du 15 octobre 1834. En
proposant cette répartition, je me suis surtout attaché à réparer, autant que
possible, l’inégalité des distributions existantes. C’est ainsi que je n’ai
donné à la province de Namur que trois nouveaux traitements, tandis que j’en ai
accordé 36 à la province de Luxembourg. J’ai partagé les secours dans une
proportion analogie entre les autres provinces. Cependant, il existe dans les
provinces les mieux partagées des communes où les besoins sont impérieux : dans
ce cas, il faut bien encore faire droit à leurs réclamations. Voilà les règles
qui m’ont guidé dans la distribution que j’ai proposée au Roi en octobre
dernier.
Maintenant, les fonds
sont absorbés, et il me serait impossible d’accorder un seul traitement
nouveau. La somme de 10,000 fr. que j’ai demandée est pour venir au secours des
localités qui ont les besoins les plus pressants.
Vous savez qu’il y a des
communes étendues, dont les centres profitent davantage de l’instruction,
tandis que les parties éloignées du centre ne peuvent en profiter. Il faut que
l’on donne aux hameaux les moyens de se procurer de l’instruction ; il faut
tâcher de réunir plusieurs hameaux pour qu’un instituteur les enseigne en
commun. Tel est l’usage que je me propose de faire principalement de la somme
de 10,000 fr. Au moyen de cette somme je pense pouvoir satisfaire aux besoins
les plus pressants.
Je dois dire un mot maintenant
sur les aveugles et les sourds-muets.
Les secours pour les
sourds-muets étaient autrefois portés au budget de l’intérieur, mais lorsque
les établissements de bienfaisance ont été distraits de ce ministère sous mon
prédécesseur, ces secours ont été portés au ministère de la justice ; cependant
je dois convenir, avec quelques honorables membres, que ces établissements
peuvent être envisagés sous un autre rapport que celui de la bienfaisance ;
qu’on peut les considérer sous le rapport de l’instruction, et qu’alors ils
dépendent du département de l’intérieur, et qu’ainsi les subsides devraient
être portés à ce département. Mais n’ayant pas eu jusqu’à présent cette
attribution, j’ai eu peu d’occasions de m’occuper des besoins des sourds et
muets.
Cependant,
conformément à la promesse que j’ai faite, je commencerai par rassembler des
renseignements sur les sourds-muets, sur les lieux où il conviendrait qu’il y
eût des établissements et sur les moyens de les créer. Il faudra aussi
connaître les moyens que les familles pourraient avoir pour envoyer les
individus qui leur appartiennent aux établissements, et les secours que les
communes pourraient leur accorder ; car si l’Etat devait totalement entretenir
ces individus, la dépense deviendrait considérable. Ce n’est qu’après avoir
recueilli ces divers renseignements que l’on parviendra véritablement à
connaître quelles sont les mesures qu’il y aura lieu d’employer pour venir à
leur secours.
M.
Doignon. - Messieurs, j’avais le dessein de ne point prendre la parole
sur le chapitre de l’instruction publique, mais ce qu’a dit hier M. le ministre
des finances m’oblige à rompre le silence.
L’honorable ministre
vous a dit que son projet de loi sur l’instruction publique était accueilli, et
avait le bonheur de rallier les esprits sur les questions que soulève cette
matière. Il me permettra de lui dire qu’il se trompe, et qu’il est mal informé
à cet égard. Je connais plusieurs membres distingués de cette chambre qui ne
sont aucunement d’accord avec ce projet sur plusieurs points fondamentaux,
spécialement à l’égard de l’instruction primaire. Je vais les rappeler très
brièvement.
Premièrement, aux termes
de la constitution, ce n’est que l’instruction publique donnée aux frais de l’Etat, qui doit être réglée par la loi ; et
cependant, par votre projet, vous faites régler non l’enseignement qui se donne
aux frais de l’Etat, mais bien celui que la commune elle-même donne à ses
frais.
Vous proclamez la
liberté de l’enseignement pour les communes comme pour les particuliers, et
cependant vous imposez à celles-là des conditions préventives, et vous déclarez
qu’à défaut d’y satisfaire sur l’un ou l’autre point, l’autorité supérieure
établira une école dans chaque commune d’office,
et à leurs frais. Ces conditions sont tellement larges, que sous prétexte,
par exemple, qu’un objet n’y est point enseigné d’après le mode, la méthode et
les doctrines qu’il plaira à cette autorité, celle-ci pourra toujours dire
qu’une condition manque et créer son école d’office aux dépens des habitants :
comme sous le roi Guillaume, les états députés, présidés par le gouverneur, les
commissions provinciales, les conseils supérieurs d’instruction publique
(art.106), des inspecteurs sont chargés d’exécuter ces dispositions. Les
auteurs du projet ont pris soin de parler peu de l’intervention du
gouvernement. Mais, aux termes de l’art. 29 de la constitution, c’est au
pouvoir exécutif qu’appartient l’exécution des lois, et d’après l’art. 67, il
fait les règlements et arrêtés nécessaires pour leur exécution. Aucune
législature ne saurait donc soustraire au pouvoir exécutif la surveillance de
toutes ces dispositions. Ainsi, d’une part, vous dites que lorsque la commune
établit une école à ses frais, elle jouit d’une entière liberté, et de l’autre,
vous vous réservez le droit de la renverser et de contraindre les habitants à
en établir une autre à leurs dépens, dès l’instant qu’elle ne remplit pas à
votre gré l’une ou l’autre des conditions imposées dont les seuls juges de l’exécution
sont ces commissions et ces autres autorités qui, quoi qu’on dise et qu’on
fasse, seront d’ailleurs toujours subordonnées au gouvernement.
Vous proclamez la
liberté de l’enseignement pour la commune comme pour chaque citoyen, et
cependant, outre ces conditions préventives pour lesquelles vous vous réservez
de faire violence à la commune, vous la forcez encore dans le choix de son
instituteur, en l’obligeant à le prendre dans la liste de trois candidats que
lui présente l’autorité supérieure, candidats qui devront aussi être munis de
certificats de moralité et de capacité. Ce projet de loi tend donc à faire
renouveler, sur une matière bien délicate, les plaintes et les susceptibilités
dont le régime précédent a été l’objet.
Je prie instamment les
membres de cette assemblée de l’examiner avec la plus grande attention, car il
est rédigé avec tant de finesse, que ce n’est point en examinant isolément
chaque disposition, mais en considérant leur ensemble, qu’on peut apercevoir
combien il est hostile et dangereux pour l’une de nos plus chères libertés.
Un autre point
fondamental, c’est le système de subsides avec le droit de surveillance au
profit de l’autorité supérieure et du gouvernement, système que la chambre a
déjà proscrit en 1833 lorsqu’elle a refusé au ministre de l’intérieur une
augmentation de crédit pour l’instruction primaire, parce que ce ministre
prétendait qu’au moyen de ce subside il avait un droit acquis de surveillance
même morale sur les écoles subsidiées parce que son inspecteur-général avait
même déjà vanté ce droit dans une circulaire. Comme en général toutes nos
communes ont peu de ressources et qu’elles sont même pauvres, on sait que les
subsides offerts ou non par l’Etat seraient pour elles un appât irrésistible et
que presque toutes elles donneraient dans le piège en vendant leur liberté pour
quelque argent. Je veux bien admettre des subsides, mais sans conditions
préventives tendant à asservir de fait l’enseignement dans nos communes ; que
l’on continue à cet égard le régime actuel : je ne vois par exemple aucun
inconvénient à ce que l’Etat exige que l’école subsidiée reçoive un certain
nombre d’indigents, ou à ce qu’il surveille la construction d’un bâtiment pour
lequel il aura accordé un subside.
Ce n’est point le moment
de discuter le projet de loi sur l’instruction publique ; mais voici en très
peu de mots toute notre pensée :
Je ne vois rien
d’inconstitutionnel à ce que l’Etat continue, comme il le fait en ce moment, à
accorder des subsides sous l’agréation des chambres ; que l’Etat soit autorisé
par celles-ci à ériger à ses frais des écoles dans certaines localités où il y
a négligence grave ou refus de l’établir, ou lorsque la commune oubliant ses
devoirs repousse absolument toute amélioration. C’est de cette instruction donnée aux frais de l’Etat que nous
devons seule nous occuper ; c’est elle seule qui doit être réglée par la loi.
Que l’Etat soit encore autorisé à user de toute espèce d’encouragements pour
améliorer l’instruction dans les campagnes et dans les villes ; qu’il ait à cet
effet à sa disposition des subsides, des primes, des écoles modèles, des écoles
normales, etc. Et certes tous ces moyens, j’en suis convaincu, joints à
l’influence morale de l’autorité administrative, suffiraient pour amener peu à
peu les améliorations dont l’état de l’instruction peut avoir besoin.
Cette
pensée est aussi celle de l’ancien gouverneur du Luxembourg, M. Thorn,
aujourd’hui gouverneur du Hainaut. J’engage mes collègues à jeter un coup d’œil
sur les vues sages que ce fonctionnaire expose sur cette matière dans son
rapport de 1834 sur la situation administrative de la province du Luxembourg.
On y verra qu’il est aussi d’avis que le projet ministériel viole la liberté
constitutionnelle de l’enseignement à l’égard des communes.
Mais je ne puis
consentir en présence de l’art. 17 de la constitution à ce qu’une autorité
supérieure quelconque ait le droit d’établir des écoles d’office et aux frais
de chaque commune, à peu près toutes les fois qu’elle le jugerait convenable ;
à ce qu’on leur impose des conditions préventives en cette matière, et que par
tous ces moyens, comme à l’aide des subsides, avec le droit de surveillance, on
puisse s’emparer de fait des établissements communaux d’instruction primaire.
M. de Robaulx. - Messieurs, je ne crois pas
que ce soit le moment de nous occuper des questions que vient de soulever
l’honorable M. Doignon ; ces questions sont assez graves pour n’être traitées
qu’après examen et point par improvisation. Je pense qu’il n’a jeté ces idées
en avant que parce que chacun de nous peut en profiter avant notre réunion en
sections. Nous ne négligerons pas l’avertissement. Toutefois, s’il veut qu’on
ne laisse pas tomber ce qu’il a dit, je connais assez la matière pour la
discuter de suite ; mais je crois qu’actuellement cette discussion serait
inopportune. (Oui ! oui !)
Je n’ai pris la parole
que pour appuyer la demande d’augmentation de fonds demandée par M. le ministre
de l’intérieur.
Vous vous apercevrez par
là que lorsqu’on nous accuse de faire de l’opposition systématique, on se
trompe, puisque je viens voter en faveur de la proposition ministérielle,
laquelle est une augmentation.
J’appuierai les
propositions des ministres chaque fois qu’elles tendront au bien public, au
développement d’un principe salutaire pour le pays. Messieurs, je ne conçois
pas de fonds mieux employés que ceux qui ont pour but de décrasser le peuple de
son ignorance, de donner un peu de lumière à ceux qui n’en ont pas et qui sont
dans la position de ne pouvoir s’en procurer. J’ai toujours cru que
l’instruction publique gratuite et aux frais de l’Etat était une dette de
l’Etat, envers les indigents au moins : tout ce que le ministère demandera dans
un but aussi philanthropique, je l’accorderai.
J’ai vu que l’on se plaignait
de la répartition plus ou moins inégale faite dans les exercices précédents ;
je n’examinerai pas si telle ou telle province a été plus ou moins favorisée ;
ce n’est pas par province qu’on doit procéder, c’est par commune. Dans la même
province, à côté d’une commune riche par son industrie et par ses propriétés
foncières, il peut se trouver d’autres communes tellement pauvres qu’elles
soient obligées de se cotiser pour faire face aux frais de leur administration.
Dans la province de
Namur par exemple, il est constant qu’il y a une foule de communes qui ont
conservé une quantité immense de bois, dont les produits se distribuent aux
habitants. Il en est de même dans une partie du Hainaut. Il y a des communes
qui possèdent de 1,600 à
Dans une province très
pauvre, il peut se trouver des communes dont les propriétés foncières soient
beaucoup plus considérables que celles que possèdent d’autres communes dans un province très riche. Je citerai, par exemple, le Brabant.
C’est une province très riche ; cependant, il n’y en a pas où les communes soient
plus pauvres. Je vous citerai des villes, comme Anvers, comme Bruxelles :
sont-elles riches ? Loin de là ; les événements de la révolution, et plus tard
des événements locaux, comme ceux d’avril, ont obéré les administrations
municipales. Si donc vous deviez n’avoir égard, dans la répartition des fonds
pour l’instruction primaire, qu’à la richesse relative d’une province par
rapport aux autres, vous vous tromperiez étrangement.
Quand on accorde à un
ministre dans son budget des fonds de secours, on lui laisse le soin d’examiner
les pièce produites de chaque procédure, de chaque
instruction, jusqu’à quel point chaque commune individuellement a besoin de ces
secours. Si l’on nous dit que
Ainsi, quand vous votez
des fonds de secours pour l’instruction primaire, vous devez vous en rapporter
à la répartition plus ou moins arbitraire, (je ne dis pas le contraire) du
ministre au budget duquel vous les allouez. C’est une nécessité. Ainsi, lorsque
dans le budget de la justice vous avez voté des fonds de secours pour les
veuves de magistrats qui n’ont pas droit à la pension, vous avez laissé au
ministre le soin d’en faire la répartition dans sa sagesse. Nous n’avons jamais
examiné s’il y avait dans cette province plus de veuves de magistrats ayant
droit à être secourues que dans telle autre.
Je voterai donc la
majoration proposée par M. le ministre de l'intérieur.
Quant
à la proposition que l’honorable M. Van Hoobroock a
faite en faveur de la commune de… Je ne me rappelle plus le nom de la commune.
M. Van Hoobrouck. - La commune de Maeter.
M. de Robaulx. - La commune de Mater. J’espère que ce pas la mère de M. Van Hoobrouck. Car elle a
produit de trop mauvais sujets. (Hilarité.)
Elle a produit un contingent trop considérable dans le chiffre des crimes que
les cours d’assises ont eu à examiner à chacune de leurs sessions
trimestrielles. On a tiré parti de cette circonstance pour vous demander 300
fr. en faveur de l’instruction dans cette localité.
Je suis loin de
m’opposer à ce que l’on fasse tout ce qu’il possible pour dissiper les ténèbres
de l’ignorance dans une commune aussi malheureuse. Mais il me semble que, dans
un budget, nous ne pouvons voter spécialement un subside en faveur d’une
commune. Si l’on veut majorer le chiffre total des secours de la somme que l’on
croit nécessaire, je ne m’y oppose pas. Mais si nous commençons jamais à voter
des fonds spéciaux pour une localité, il nous arrivera à chacune des communes
du district que nous représentons des demandes aussi fondées peut-être que
celle de M. Van Hoobrouck, et ce ne sera plus le ministre, mais la chambre qui
fera la répartition. Je ne crois pas que ce soit aussi qu’il faille entendre
l’administration.
M. Van Hoobrouck. - Que M. de Robaulx veuille bien
écouter la lecture de mon amendement. Il verra dans quel sens je l’ai rédigé.
M.
le président. - M. Van Hoobrouck de Fiennes a présenté l’amendement
suivant :
« J’ai l’honneur de
proposer à la chambre de majorer de trois cents francs la somme de 242,000 fr.
consacrée à l’instruction primaire. »
M. de Robaulx. - C’est différent.
M.
le président. - M. A. Rodenbach a également présenté un amendement qui
consiste à majorer de 10,000 fr. la somme de 242,000 fr. pour l’instruction des
sourds et muets et des aveugles.
M.
Liedts. - J’appuierai la demande faite par l’honorable M. Van
Hoobrouck, si toutefois le ministre ne croit pas qu’il puisse prélever sur les
fonds qu’il a à sa disposition une somme qui satisfasse à sa juste demande.
L’honorable M. Van
Hoobrouck, en demandant une majoration de 300 fr., n’a pas voulu que cette
somme fût accordée spécialement à la commune de Maeter.
Il a dirigé seulement l’attention de M. le ministre de l'intérieur sur les
besoins de cette commune. Ainsi, lorsque dans la séance d’hier, la nécessité
d’allouer un subside au collège d’Arlon a fait augmenter la somme destinée à
l’instruction moyenne, la majoration n’a pas été spécialement affectée à cette
ville ; mais le ministre a été invité à prendre sa position en considération.
Je n’examinerai pas si
la commune de Maeter fournit un contingent plus
considérable aux cours d’assises. Si je voulais entrer dans quelques détails,
je pourrais prouver que les chiffres publiés sur le nombre de crimes commis
dans le royaume, notamment ceux de M. l’inspecteur des prisons, sont fort
exagérés, et que les inductions que ce fonctionnaire en tire manquent et
d’exactitude et de logique.
Mais si la commune de Maeter n’occupe pas le
sommet de l’échelle de criminalité, je ne la représenterai cependant pas comme
la plus morale du royaume. Il n’y est donné aucune instruction. L’état des
finances de la commune ne permet pas de rétribuer l’enseignement élémentaire.
Cette considération seule me paraît suffisante pour que la chambre accorde le
subside réclamé. J’espère que la section centrale n’y formera pas d’opposition.
Si
elle refuse une augmentation de subside parce qu’elle trouve qu’il n’y a pas de
motifs suffisants pour y donner lieu, elle pourra faire une exception pour la
commune de Maeter, puisqu’il est reconnu qu’il n’y a
aucune espèce d’instruction primaire. Je crois en avoir dit assez pour soutenir
l’amendement présenté par l’honorable M. Van Hoobrouck.
M. le
ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Du moment que l’on assure
qu’il n’y a pas d’instituteur dans la commune de Maeter,
je puis déclarer que je suis très disposé à accorder le subside demandé pour
une commune qui se trouve dans les circonstances qui ont motivé l’allocation de
subsides à d’autres localités. Mais je ne puis prendre aucune espèce
d’engagement â cet égard, parce que ce serait établir un mauvais antécédent
vis-à-vis des communes auxquelles un subside aurait été accordé dans cette
enceinte. Je ne puis dire à la chambre que j’accorderai des fonds à cette
commune, mais je me contente de lui assurer que la répartition de l’allocation
se fera entre les communes qui sentiront le plus grand besoin d’un secours. Je
pense que la commune de Maeter sera du nombre.
Quant
à l’amendement de l’honorable M. Rodenbach, je ne m’oppose pas à ce que la
chambre l’adopte ; mais je ne puis prendre l’engagement d’en disposer dans le
courant de cette année. Cela dépendra des renseignements que je recevrai. Il
faut laisser au ministre le soin d’employer le crédit s’il peut en faire un
emploi utile.
M. A. Rodenbach. - Je crois être d’accord
avec M. le ministre de l’intérieur. Ce n’est qu’un crédit éventuel que je
demande. Je désire que le ministre en fasse un bon usage. Je ne veux pas que
l’on donne cet argent au premier instituteur venu ; je veux que les
instituteurs aient les connaissances spéciales. Plusieurs chefs
d’établissements d’instruction m’ont déclaré que, s’ils obtenaient un subside,
ils achèteraient des livres, des instruments spécialement affectés à
l’éducation des aveugles, tels que lettres en relief, cartes géographiques. Je
suis persuadé que M. le ministre de l’intérieur trouvera le moyen d’employer
d’une manière utile quelques milliers de francs sur l’allocation que je
propose. Je citerai, par exemple, un instituteur très distingué, M. Pissin-Sicard. Il a donné à Bruxelles des cours sur
l’éducation des sourds-muets. Il demandait 300 fr. pour ce cours. Beaucoup d’instituteurs
y seraient venus s’ils avaient pu donner cette somme. Ici je relèverai une
erreur commise par M. le ministre de la justice ; il a parlé d’une sœur de
charité, élève de M. le chanoine Triest ; c’est M. Pissin-Sicard
qui lui a donné des leçons. Et c’est après avoir reçu ces leçons qu’elle a
admis dans son institution des sourds-muets dont l’éducation sera faite
conjointement avec ceux qui ont leurs cinq sens.
J’ajouterai
au sujet du sieur Pissin-Sicard qu’il est l’élève de
l’abbé Sicard, et que c’est pour cette raison que le gouvernement français lui
a permis de prendre le nom de son maître. Si le gouvernement belge avait
consenti à lui donner seulement 4,000 fr., il aurait établi à Bruxelles une
école normale où l’on aurait enseigné le mode d’instruction dont on doit se
servir à l’égard des aveugles et des sourds-muets. Cela eût amené un grand bien
et n’eût pas coûté des sommes immenses.
Un honorable député de Bruxelles a comparé, sans intention, je le crois,
les aveugles et les sourds-muets aux aliénés, aux insensés qu’on enferme dans
les hôpitaux. Je le demande, est-il possible d’établir un pareil parallèle ?
Les
sourds-muets et les aveugles ne sont pas des automates. Ils peuvent acquérir de
l’instruction, exercer une industrie. L’on ne peut donc les comparer aux
incurables que l’on enferme dans les hôpitaux.
M. le
ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois que rien ne s’oppose
à l’adoption de la proposition de M. Rodenbach ; mais je pense qu’il serait
plus convenable de faire un article spécial de l’allocation qu’il demande.
M. A. Rodenbach. - Je me rallie à la nouvelle
proposition de M. le ministre.
M. Van Hoobrouck. - J’avais demandé la parole pour dire qu’en
sollicitant une somme de 300 francs, j’avais seulement voulu augmenter la somme
globale, sans pourtant demander que ces 300 fr. eussent dans le budget une
destination spéciale. J’espère qu’après les explications données par mon
honorable ami M. Liedts, de Robaulx ne trouvera rien d’insolite dans la
proposition que j’ai faite, rien qui s’écarte des usages reçus par la chambre.
En
suite des explications de M. le ministre, je déclare retirer mon amendement qui
devient sans objet.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - Je ne
pense pas que dans la proportion des secours il faille ne pas avoir égard aux
provinces. Il est vrai que, dans les provinces très riches, il se trouve des
communes pauvres, et dans les provinces pauvres des communes riches. Mais je
crois que les communes qui possèdent des biens-fonds ne se trouvent guère que
dans le Hainaut, la province de Namur et peut-être dans celle de Liége. Mais,
dans la plupart des provinces, les communes n’ont de revenu autre que celui que
leur constituent les impositions locales. C’est donc la richesse des habitants
qui forme la richesse de la commune. M. le ministre de l’intérieur a avoué que
la répartition actuelle était inégale. Il n’avait pas besoin d’ajouter que
cette inégalité n’était pas le fait de l’administration actuelle, mais bien du
gouvernement précédent. Je ne suis cependant pas d’accord avec lui sur un
point. Beaucoup de communes, a-t-il dit, ont hésité à demander des subsides de
peur de se soumettre aux exigences de l’ancien gouvernement. Toutes les écoles
sans aucune distinction étaient soumises au gouvernement qui considérait les
établissements d’instruction primaire comme écoles communales. Celles qui
n’avaient pas ce rang étaient dans une position exceptionnelle pour quelques
années. Toutes les communes avaient donc leur intérêt à demander des secours au
gouvernement, puisque cela les dégrevait d’autant. Le gouvernement accordait
ces subsides en raison du plus ou moins de servilité qu’il trouvait dans
l’administration communale. Voilà la véritable cause de l’inégalité de
répartition des subsides.
M. le
ministre de l'intérieur se flatte de détruire cette inégalité au moyen de la
majoration qu’il demande. Je ne doute pas de ses bonnes intentions. Mais il
reste à savoir si elles auront de l’efficacité. Je remarque que dans la liste
des demandes il y a une très grande différence entre les provinces. Déjà
l’année dernière la section centrale avait remarqué que les demandes
provenaient des districts les plus favorisés.
Les
quatre provinces qui reçoivent le moins sont les provinces d’Anvers, de Brabant
et des deux Flandres. Dans la nouvelle répartition de la majoration du subside,
la province d’Anvers recevait le 13ème de plus que ce qu’elle reçoit, celle du
Brabant la moitié, celle de
M. le
ministre de l'intérieur, quelque bonne volonté qu’il ait, ne parviendra jamais
à l’établir d’une manière convenable. Il n’y a qu’un moyen de répartition.
C’est de consulter les délibérations des conseils provinciaux. Eux seuls
peuvent examiner les besoins des communes, arrêtent leurs budgets, ils
connaissent leurs ressources, les moyens qu’elles ont de faire face à leurs
dépenses. Ils distingueront bien les communes véritablement pauvres de celles
qui n’ont pas droit à des subsides. Je maintiens qu’il est impossible que le
gouvernement fasse, du crédit qu’il demande, une distribution qui satisfasse
tout le monde.
Je citerai une raison du rapport qui me paraît militer contre
l’augmentation du subside. Lorsque nous discuterons le projet de loi sur
l’instruction publique, il est probable que les secours accordés maintenant aux
communes seront continués en grande partie. Il vaut donc mieux ne pas imposer
de nouvelles obligations au gouvernement, qui entravent la répartition plus
égale qui voudra faire plus tard la législature.
Quant
à l’amendement de M. Rodenbach, je pense avec M. le ministre qu’il serait bien
d’en faire un article spécial.
Je
propose le maintien du chiffre admis par la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je répondrai deux mots à l’honorable préopinant. Je dois informer l’assemblée
que le tableau des demandes communiqué à la section centrale n’influera en rien
sur la distribution que j’ai l’intention de faire de la majoration demandée. Je
me réserve d’en examiner la justice. Quant aux subsides accordés l’année dernière,
aucun ne l’a été qu’en connaissance de cause, qu’après une comparaison des
ressources de la commune qui a adressé la demande, avec celles des autres
communes.
- Le
chiffre de 252,000 fr. demandé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.
Le chiffre
de 10,000 fr., proposé par M. A. Rodenbach, pour l’éducation des sourds-muets
et des aveugles, est également adopté. Il formera l’objet d’un article spécial.
Chapitre V. Cultes
Article premier
« Art.
1er. Culte catholique : fr. 3,392,900. »
-
Adopté.
« Art.
2. Culte protestant : fr. 80,000 fr. »
M. le président. - M. le ministre de l'intérieur
demande une majoration de 10,000 fr.
La
section centrale propose 65,000 fr.
M. le ministre de l'intérieur (M.
de Theux). - Je ne puis me rallier au chiffre de la section centrale.
La somme de 15,000 fr. qu’elle supprime est demandée pour la construction de
temples protestants dans la province du Limbourg. Il existe entre les catholiques
et les protestants de cette province une dissension qui remonte à l’époque de
La
dissension s’est renouvelée à l’époque de la révolution. Si le traité des 24
articles remet sous l’autorité hollandaise cette province, il n’est pas douteux
que les catholiques auront à supporter des vexations pour la possession de
leurs églises : laisser subsister un pareil état de choses, c’est laisser
subsister une cause perpétuelle de dissension. Je ne pense pas que la chambre
hésite à y porter un remède, la somme étant très modique. Si ces communes
restent à
M. Simons. - J’appuie le crédit de 15,000 francs
pétitionné par le gouvernement qui forme
la partie contestée de l’article en discussion. J’insiste même tout
particulièrement à ce que la chambre y donne un accueil favorable, parce que la
dépense laquelle il est destiné n’a pas seulement un but utile, mais dans les
circonstances actuelles cette dépense est devenue d’une nécessité
indispensable.
Pour
vous faire partager ma conviction à cet égard, je me permettrai de vous faire
connaître brièvement l’état de choses vraiment révoltant, par rapport à
l’exercice du culte religieux, dans lequel se trouvent les quatre communes
auxquelles cette somme est destinée.
Chacune
de ces communes, qui sont très populeuses et toutes chefs-lieux de cantons, ne
possèdent qu’un temple pour l’exercice du culte, et des documents irréfragables
prouvent que ces temples ont tous été construits par les catholiques avant que
la secte calviniste ne fût connue. Aussi, les catholiques en ont-ils
exclusivement et paisiblement été en possession jusque vers l’an 1650, lorsque
quelques familles protestantes de
Les
communes que l’on appelait hollandaises, se trouvant sous le joug tyrannique de
la maison des Nassau, force fut bien de souffrir cet acte brutal ; toute
réclamation contre cette spoliation sacrilège ne pouvait servir qu’à aigrir de
plus en plus le zèle fanatique de leurs maîtres : quoique propriétaires
incontestables de ces temples, les catholiques opprimés en furent donc réduits
au point de s’estimer heureux de pouvoir y exercer leur culte conjointement
avec les protestants.
La
jouissance en commun de ces temples par les catholiques et les protestants date
donc à peu près de l’an 1650.
il sera sans
doute inutile de vous énumérer les inconvénients graves auxquels cette
communauté de jouissance a continuellement donné lieu. Il me répugne de vous
retracer à quel point les catholiques devaient en quelque sorte acheter cette
faveur sous la domination hollandaise avant 1790. Je me bornerai à vous dire
que chaque changement de gouvernement amena dans ces malheureuses communes des
désordres vraiment déplorables, et fut constamment le signal de rixes et de
batailles sanglantes entre les deux partis, qui se disputaient à outrance la
possession exclusive de ces temples. Maintes fois la force armée a été obligée
d’intervenir pour rétablir l’ordre et arrêter l’effusion du sang. De là
naturellement une haine implacable entre les habitants, et une tendance fanatique
à se nuire les uns aux autres, et à se susciter réciproquement des tracasseries
de toute espèce.
Combien
de fois n’a-t-on pas vu, les dimanches et jours de fêtes, une poignée de
protestants prolonger à dessein le service religieux pour empêcher les catholiques
d’entrer dans l’église ? Combien de fois, n’a-t-on pas vu le ministre du culte
catholique avec un grand nombre de fidèles groupés autour de leur temple,
bravant les intempéries de la saison, pour attendre durant des heures entières
jusqu’à ce qu’il plût aux protestants de leur en accorder l’entrée ? Oui,
messieurs, souvent les curés ont été dans l’impossibilité d’administrer aux
moribonds les derniers secours de la religion, faute d’avoir accès à l’église.
Je ne finirais pas si je voulais vous dérouler le tableau affligeant des
avanies de toute espèce auxquelles les catholiques ont été en butte surtout
avant l’époque de 1790.
Eh
bien messieurs, c’est pour faire cesser cet état de choses, que je qualifie non
sans-raison de révoltant, que la somme de 15,000 fr. vous est demandée.
Pour
faire renaître une bonne fois la paix et l’harmonie entre les habitants, les
communes ont résolu de faire construire des temples exclusivement destinés au
culte protestant. A cet effet elles ont respectivement voté des subsides ; les
habitants de leur côté se sont cotisés, et la province aussi n’est pas reste en
arrière pour atteindre ce but si longtemps désiré.
Vous
avoir indiqué l’emploi de ces fonds, c’est sans doute avoir justifié la demande
qui vous en est faite ; je ne doute donc nullement qu’elle ne soit accueillie
favorablement par la chambre.
Cependant,
à l’appui de ce que j’ai eu l’honneur de dire, je ne puis me dispenser de vous
citer un passage du rapport de M. le gouverneur de la province du Limbourg en
date du 1er décembre 1833, sur la situation administrative de cette province.
Ce passage est relatif à l’objet qui nous occupe. Après avoir énuméré quelques
faits auxquels, dans la première effervescence de la révolution, ce déplorable
état de choses avait encore donné lieu dans ces quatre communes ; après avoir
démontré, d’une manière irrésistible, qu’il est de toute nécessité de le faire
cesser, ce fonctionnaire supérieur s’exprime ainsi : « La députation des
états s’occupe des moyens de procurer, à l’aide de fonds offerts par les
communes et de subsides du gouvernement et de la province, des temples séparés
aux protestants, et de faire cesser ainsi ce simultanaeum qui depuis deux
siècles, à chaque changement de gouvernement, a été une source de nouvelles
inimitiés et de graves embarras. »
En
présence de faits aussi graves la législature, j’ose m’en flatter, ne reculera
pas devant le sacrifice extraordinaire qui lui est demandé, pour aider ces
communes à faire cesser un état de choses qui choque autant la raison qu’il est
contraire à la constitution qui garantit d’une manière si large la liberté des
cultes.
J’ajouterai
que depuis longtemps l’exercice simultané de deux cultes différents dans un
même temple a été formellement proscrit. La loi organique du 18 germinal an VI
est positive à cet égard. L’article 46 porte en termes « que le même
temple ne pourra être consacré qu’à un même culte. »
Malgré
une disposition si formelle, et malgré
les suites funestes, conséquences inévitables de l’état de choses, que l’on a eu
tant de fois à déplorer, les gouvernements sous la domination desquels ce pays
a successivement passé, sont constamment restés sourds aux vives réclamations
que n’ont cessé de leur adresser ces malheureuses communes.
A vous, messieurs, il est réservé de faire
droit à leurs justes doléances, et de porter remède à un mal qui deviendra
insupportable si ce pays doit un jour retourner à
J’aime
toujours à me flatter que cette heure ne sonnera jamais pour ces infortunés ;
mais s’il en doit être autrement, laissons au moins à cette population
intéressante un monument qui lui permette de se rappeler avantageusement le
trop peu de moments qu’elle a eu le bonheur d’avoir été réunie au peuple belge.
Si un acte de faiblesse, qui déparera éternellement les pages de l’histoire de
notre révolution, doit replonger nos malheureux compatriotes dans une espèce
d’esclavage religieux, faisons au moins tout ce qui est en nous pour les
dégager d’une servitude qui les affecte d’autant plus péniblement qu’ils sont
sincèrement attachés à la religion de leurs pères. Si enfin, en les livrant à
leur ancien maître ; nous ne pouvons leur léguer la disposition de l’article 14
de la constitution avec toutes ses conséquences, tâchons au moins de leur
assurer, autant que possible, l’exercice paisible de leur culte, pour lequel
ils ont versé avec nous leur sang sous la même bannière.
M. H.
Dellafaille, rapporteur. - La section centrale, comme vous le voyez,
n’a pas cru devoir rejeter l’allocation de la somme demandée ; elle a voulu
vous laisser la question à juger. Nous ne connaissions pas les détails que
vient de donner l’honorable préopinant ; nous n’avons consulté que ce qui était
porté au budget. Nous avons envisagé des choses qui existaient depuis longtemps
; et il vient de nous être appris que des débats entre les catholiques et les
protestants se sont renouvelés depuis la révolution. Ce n’est donc pas au nom
de la section centrale que je parle, et je crois, pour ma part, qu’il y a lieu
d’allouer la somme portée à 80,000 fr.
M.
de Robaulx. -
Mon intention n’est pas de contester l’allocation de la somme réclamée ; mais
avant que de voter, j’ai cru devoir demander des éclaircissements à M. le
ministre de l'intérieur. En votant la somme de 15,000 fr. pour bâtir les
temples, et il en faut quatre, je ne pense pas qu’on bâtira quelque chose de
bien convenable avec une somme si minime. Je demanderai donc si l’on croit
qu’en votant ces 15,000 fr. la question sera terminée entre les catholiques et
les protestants.
Quand
vous aurez voté des fonds, vous aurez attribué la propriété des temples aux
catholiques, et vous aurez par là trancher la question de propriété. Ce n’est
pas le moment de décider ce point de droit. Je demande seulement à M. le
ministre si, après avoir voté des temples, il croira avoir satisfait aux
exigences des protestants. Il peut arriver que ceux-ci ne soient pas très
enchantés d’avoir à édifier des temples avec la somme de 15,000 fr. et une
autre somme peut-être aussi minime qui leur sera fournie d’ailleurs. Je pense
que si cette allocation ne fait pas cesser le débat, il est fort inutile de
l’accorder ; Il faudrait, pour que le but de la chambre fût rempli, que cela
mît un terme à toute discussion ultérieure.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Les questions que vient de faire l’honorable préopinant sont très
judicieuses, mais prévues. C’est dans ce but que l’administration provinciale a
ouvert une correspondance avec la direction du culte protestant dans la
province du Limbourg. Il y a quatre temples à construire ; la somme qui est
destinée à ces constructions est de 40,000 fr. Elle est très minime, j’en
conviens, puisqu’il ne donne que 10,000 pour chaque temple ; mais le nombre de
protestants est également fort restreint dans les communes dont il s’agit : il
est de 68 à Beck, de 61 à Meersen, de 95 à Heersin, de 60 à Galoppe,
c’est-à-dire que si chacun de ces temps peut contenir 100 ou 150 personnes,
cela sera plus que suffisant. Les communes, la province interviendront dans la
dépense, et je crois que le consistoire protestant n’est pas éloigné d’y
participer. C’est au moyen du concours de tous les intéressés que la dépense
nécessaire pourra être faite. Quant à la question de propriété, on aurait bien
soin de s’assurer du consentement requis, pour prévenir toutes difficultés. Car
il serait déplacé d’allouer une somme quelconque, si par cette allocation on
n’en arrivait pas à mettre un terme à tous les débats.
Je
dois donner quelques explications en ce qui concerne une majoration de 10,000
fr. pour le culte anglican. Depuis 4 ans les anglicans n’ont pas cessé de
réclamer un subside pour leurs ministres ; jusqu’à présent nous avons toujours
pensé qu’il n’y avait pas de fonds au budget et que nous ne pouvions en
accorder sans une autorisation de la chambre. Les anglicans ne sont pas Belges,
et voilà ce qui a motivé le refus de la section centrale mais il y en a parmi
eux un assez grand nombre de domiciliés en Belgique ; d’autres, il est vrai,
n’y viennent que passagèrement. Tous contribuent dans les impôts de l’Etat,
pour les impositions indirectes par exemple, pour les impôts de consommation. Une
partie d’entre eux paient également l’impôt personnel.
Maintenant
je rendrai compte de ce qui se passait antérieurement à ce sujet. Sous le
gouvernement hollandais, il n’y avait qu’un seul pasteur anglican qui fût
rétribué ; c’était celui de Spa. Il n’était pas à charge du budget de l’Etat,
mais sur le produit des jeux de Spa. Cela se pratiquait de même pour la police.
Le
gouvernement affermait les jeux ; il imposait à l’entrepreneur de cet
établissement la charge de payer le pasteur anglican et les frais de police, et
percevait en outre, pour son propre compte, une somme annuelle. Il existe
aujourd’hui une contestation entre l’administration des jeux de Spa et le
gouvernement. Dans cet état de choses aucun paiement ne se fait ; le pasteur ne
pourra être rétribué que lorsque le gouvernement pourra être en possession des
revenus des jeux.
A Spa
il n’y pas d’anglicans domiciliés ; il s’y rend, à la saison des eaux, un
nombre de familles anglaises qui n’y séjournent que pendant un laps de temps ;
voilà ce qui avait déterminé le gouvernement précédent à payer le pasteur
anglican sur le produit des jeux.
A
Ostende il y a 4 ou 500 anglicans, domiciliés pour la plupart ; d’autres y
arrivent et y demeurent seulement pour la saison des bains. Sous le
gouvernement précédent le pasteur anglican n’était pas payé dans cette ville,
mais voici ce qui se passait : il y avait à Ostende un certain nombre de
protestant qui n’étaient pas anglicans.
Pour
ces protestants, le gouvernement avait accordé un temple et alloué le traitement
d’un ministre. Cette dépense était faite sur le budget de la guerre,
spécialement à cause de la garnison qui se trouvait à Ostende. Mais le même
ministre pour le culte réformé remplissait les fonctions de pasteur du culte
anglican, de telle manière que les anglicans n’étaient pas constitués en
dépenses et profitaient de ce que la garnison hollandaise pouvait compter de
protestants. Aujourd’hui le parti protestant a disparu d’Ostende, et c’est un
pasteur anglican qui officie pour les anglicans et le peu de protestants qui y
sont restés. Il est payé par les uns et les autres, et non par le gouvernement.
Cependant la régence d’Ostende a appuyé la réclamation des anglicans, tendant à
obtenir un subside de 2,000 francs pour leur pasteur. Elle s’est fondée sur ce
que la plus grande partie était domiciliée, sur ce qu’Ostende est un port de
mer, et qu’il arrive fort souvent et surtout à la saison des bains une foule
d’Anglais. Indépendamment de cela, il y aborde un assez grand nombre de navires
commerciaux qui viennent d’Angleterre. Cette demande est, je pense, appuyée par
la députation des états,
Quant
à Anvers, il n’y a que 179 anglicans qui habitent la ville, mais, en outre, il
en arrive toujours un certain nombre à raison d’affaires commerciales, Ces
habitants ont également réclamé un traitement pour leur pasteur, et la régence
d’Anvers a aussi appuyé cette réclamation. A Bruxelles, il y a environ 300
anglicans qui suivent leur culte et contribuent aux frais qu’il nécessite ; il
y a d’autres anglicans qui ne sont pas réputés habitants. Sous le gouvernement
précédent, le nombre des personnes qui suivaient cette religion était bien plus
considérable à Bruxelles. Mais ils demandèrent au gouvernement la permission
d’avoir deux temples qui leur furent accordés à leurs frais ; mais le
gouvernement refusa d’allouer un traitement aux pasteurs. La charge alors
n’était pas pesante, parce qu’un plus grand nombre de personnes concourait à la
supporter.
Aujourd’hui que ce nombre a éprouvé une forte réduction, les anglicans
réclament. Une somme de 1,000 fr. est proposée en leur faveur à titre de
subside et non de traitement. Mais il est à penser que du moment où un
traitement sera accordé à Spa, à Ostende et à Anvers, les anglicans de
Bruxelles réclameront un traitement fixe et plus considérable qu’un subside de
1,000 fr. C’est en calculant le traitement de quatre pasteurs à 2,000 fr. et
une dépense éventuel[e de 2,000 fr., qu’on est arrivé à proposer 10,000 fr.
Sous
le gouvernement précédent on cherchait à influencer les opinions religieuses
des anglicans ; ainsi l’on avait offert un traitement au ministre anglican à
Anvers, à condition qu’on suivrait le service
presbytérien ; mais cette condition ayant été repoussée, le traitement ne fut
pas alloué.
Tel
est l’exposé des faits dans toute leur simplicité ; vous êtes à même d’examiner
ce que prescrit l’équité, soit à titre de subside, soit à titre de traitement,
puisque ceux qui suivent ces cultes contribuent au paiement des impôts de
l’Etat.
M. Rogier. - Après l’explication très
lumineuse que vient de donner M. le ministre de l’intérieur, j’aurai très peu
de chose à dire. Le ministre a demandé deux augmentations pour le culte
protestant, l’une de 15,000 francs destinée à faire cesser les abus qui existent
notamment dans le Limbourg, par la nécessité où se trouvent les catholiques et
les protestants d’user du même temple. Je ne crains pas que cette allocation
souffre la moindre objection, surtout maintenant que la section centrale vient
de s’y rallier. Je passe à l’allocation des 10,000 francs demandés par le
ministre pour mettre les anglicans dans la même position que les protestants.
Beaucoup de ces derniers sont également étrangers à
On vous a cité un trait qui à lui seul suffit pour caractériser l’ancien
gouvernement. Il offrait des subsides aux ministres anglicans pour qu’ils
participassent au culte réformé : aujourd’hui le culte anglican s’exerce
librement à Anvers, mais il ne reçoit aucune espèce de subside. M. le ministre
de l’intérieur a admis la pétition qui lui a été adressée par ce culte, avec
l’impartialité qui le caractérise. Quant au nombre des anglicans, messieurs, je
dirai qu’il est aussi grand que celui des protestants, à la seule différence
qu’ils ont livré le chiffre de leur population tout entière, tandis que les
protestants ont constamment refusé de donner le leur. Je désirerais donc, si on
ne fait pas un article à part, qu’il fût enjoint au pasteur protestant qui
recevra le subside d’en donner une partie au ministre du culte anglican, ou
mieux encore que l’on adressât au ministre anglican lui-même une part de la
somme qui lui serait allouée. Car cette influence que le gouvernement
hollandais avait voulu introduire existe encore, et les protestants voudraient
retenir parmi eux tout ce qui est attaché au culte anglican.
M.
de Roo. - Si
nous admettons l’allocation de 10,000 fr. demandée par les ministres anglicans
de Spa, d’Anvers et d’Ostende il est certain qu’on en réclamera de même pour
les villes de Gand ou Bruges. Il est pourtant prouvé, messieurs, que parmi tous
ces anglicans il n’y en a aucun qui soit Belge, aucun qui soit naturalisé, quoi
qu’on en dise. Ce sont tous des étrangers, et en cette qualité d’étrangers,
aucun n’a droit à ce subside. L’art. 110 de la constitution s’y oppose
formellement et n’a pas voulu comprendre parmi les ministres des cultes des
sectaires étrangers qui, au moindre événement, peuvent quitter
M. H.
Dellafaille, rapporteur. - Je ne peux qu’appuyer la proposition de l’honorable M. de Roo ;
jusqu’à présent, le budget est destiné à payer les Belges et non les étrangers.
Si ceux-ci paient des contributions à l’Etat, ils trouvent en échange sûreté et
protection. Jadis il y avait un ministre à Bruxelles et à Spa ; ceux qui suivaient
ce culte avait obtenu un local ; et quant au traitement ils concouraient à le
payer ; c’était une charge qui leur incomba jusqu’à la révolution. A cette
époque, les anglicans se sont retirés pour la plupart ; ceux qui sont restés
ont assiégé M. le ministre et l’ont amené à proposer pour eux une allocation de
10,000 mille francs. Je ne vois pas, messieurs, pourquoi le gouvernement
s’imposerait cette dépense.
Il y a beaucoup de protestants, dit-on, étrangers à
Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur,
si des Belges allaient en Angleterre demander qu’on leur allouât des subsides
pour l’exercice de leur culte, s’il croit que le gouvernement anglais en
accorderait à leur demande ? Pourquoi ferions-nous pour eux ce qu’ils ne
feraient pas pour nous ? S’il nous arrivait quelque Turc (on rit), lui voterions-nous une mosquée ? Il n’y aurait pas de
raison pour ne pas faire des allocations distinctes, tantôt pour les ministres
presbytériens, tantôt pour ceux qui professent la religion des quakers, enfin
pour toutes les sectes possibles.
M. Desmet. - J’appuierai la proposition de M.
le ministre de l’intérieur ; ce ne sont pas seulement des étrangers qui suivent
le culte presbytérien, mais je connais plusieurs familles belges qui observent
cette religion. C’est donc dans ce sens que je voterai.
M. F. de Mérode. - Il me semble que nous devons maintenir ce
qui existe sans rétribuer de nouveaux cultes. Si nous entrons dans cette
nouvelle voie, nous ne savons pas où elle nous conduira. Si les anglicans, les
presbytériens veulent avoir un ministre, ils doivent le payer eux-mêmes. Nous
ne devons pas accorder à ces étrangers plus que nous n’accorderions à d’autres.
S’il y a des Belges parmi ces anglicans, des presbytériens, ils sont en si
petit nombre que nous ne pouvons pas nous en occuper.
M. de
Robaulx. -
Comme vous vous opposez à la proposition de M. de Theux, moi je dois à mon
opinion de l’appuyer. Je crois que nous devons l’admettre si nous voulons être
franchement libéraux. Nous devons, en conformité de la grande proclamation de
principes de notre constitution, également appuyer, protéger et rétribuer tous
les cultes. Vous ne pouvez pas faire d’exception pour le culte anglican.
Je ne
veux pas ici faire du prosélytisme en faveur de l’église anglicane ; ce n’est
pas là la question ; c’est uniquement une question d’intérêt.
Veuillez-vous-le
rappeler : dans le temps, quand il s’est agi de nommer le chef de l’Etat ;
« nommez-le, » disait-on, et bientôt trente hôtels à Bruxelles seront
occupés par les Anglais ; ils viendront dépenser leurs revenus à Bruxelles, et
c’est un avantage immense pour le pays ; nous devons faire tout notre possible
pour attirer les étrangers. Je crois, moi, que cela est possible, car tel qui
est pauvre en Angleterre est riche en Belgique. Je crois en outre que les avantages
attribués à la présence des étrangers sont réels, et que le grand nombre de
familles anglaises établies en Belgique depuis la révolution font, en dépensant
ici leurs revenus, un bien véritable au pays. Eh bien, n’est-il pas juste que
ces étrangers. dont un certain nombre est domicilié,
et qui par suite concourent à la milice nationale et font le service de la
garde civique, que ces étrangers, qui tous supportent une partie des charges de
l’Etat, jouissent des avantages que la constitution assure à tous les cultes ?
Je
déclare que je ne veux pas du prosélytisme en faveur de la religion anglicane ;
je ne veux pas me faire anglican (hilarité)
; c’est bien assez d’être ce que je suis. (Hilarité
générale.)
Je ne
veux engager personne à devenir apostat ; il y a assez d’apostats comme cela (on rit) ; je n’en veux pas davantage.
Mais je trouve que vous ne pouvez pas refuser aux anglicans qui viennent faire
un séjour passager ou durable dans le pays, la somme minime nécessaire pour la
rétribution d’un pasteur. Cette allocation vous est demandée par M. le ministre
de l’intérieur, que l’on n’accusera pas d’être un protestant, un anglican, qui
est un excellent catholique ; je ne crois pas non plus être un apostat en
appuyant cette proposition.
Vous
devez avoir un pasteur anglican à Bruxelles, à Spa et à Ostende, cette ville où
l’on veut établir des bains de mer que l’on cherche à rendre plus fameux par la
présence de certains grands personnages. Si vous rétribuez des pasteurs, vous
aurez des étrangers dans ces villes ; si vous n’avez pas de pasteurs, les
étrangers qui viendront ne changeront pas pour cela de religion.
Ainsi
vous attirez dans le pays l’argent des étrangers : nous trouvons assez de
moyens de perdre le nôtre : par suite du traité fait avec
Par
les motifs que j’ai énoncés, j’appuie la proposition de M. de Theux ministre de
l’intérieur.
-
L’art. 2 est adopté avec le chiffre de 90,000 francs.
« Art.
3. Culte israélite : fr.
M. le président. - La section centrale propose
5,600 fr. Réduction, 4,400 fr.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je crois qu’il y a erreur Voici l’état des traitement
fixes qui s’élèvent à 7,500 fr. Il est demandé pour dépenses éventuelles, 2,500
fr. Total, 10,000 fr.
M. Lebeau. - Je me proposais de demander à M.
le ministre de l’intérieur les motifs de cette réduction de 4,400 fr. à laquelle
le gouvernement paraissait avoir consenti. Mes observations deviennent à peu
près sans objet depuis que M. le ministre de l’intérieur a déclaré que c’était
une erreur. En effet je concevrais difficilement comment la section centrale
pourrait écarter une somme de 1,900 fr. pour entretien des synagogues et des
cimetières israélites dans toute l’étendue du royaume, et une somme de 2,500
fr. pour dépenses éventuelles.
M.
Gendebien. - On
est d’accord.
M.
Lebeau. -
C’est-à-dire que M. le ministre de l’intérieur ne consent pas à la réduction
proposée par la section centrale ; mais néanmoins cette proposition subsiste.
Toutefois je vais écouter M. le rapporteur pour savoir s’il persiste à cet
égard.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - Tout ce que je puis dire, c’est
que je trouve sur le carnet de M. le président 5,600 francs ; nous avions cru
d’après les documents que M. le ministre de l’intérieur nous avait fournis,
qu’il consentait à une réduction de 4,400. Mais je dois dire que les
conclusions de la section centrale ont été l’adoption du chiffre proposé par le
ministre.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’honorable préopinant a cru que j’avais consenti à une réduction ; mais je
ne pense pas l’avoir proposée. Il n’y a aucune réduction possible sur la somme
demandée, laquelle, comme je l’ai dit, comprend 7,500 fr. pour traitements et
2,500 fr. pour dépenses éventuelles.
M. Lebeau. - Bien que tout le monde soit
d’accord sur cet article, j’insisterai pour une rectification.
Je
crois qu’il est utile d’attirer l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur
la convenance qu’il y aurait d’engager le consistoire de Bruxelles, à qui est
remise, je crois, la totalité de l’allocation, à faire en sorte que, dans les
provinces qui ont des besoins de cette nature, il y soit satisfait. Car le
culte israélite n’est pas professé seulement dans la capitale, mais aussi dans
plusieurs de nos villes les plus importantes.
J’engage
donc M. le ministre à veiller à ce que le consistoire de Bruxelles ne
s’applique pas la totalité de l’allocation, et fasse participer, au moins sur
le chiffre des dépenses imprévues et dans une juste proportion, les synagogues
établies dans plusieurs de nos villes et notamment à Anvers. Il y a même eu des
réclamations de ce chef.
Il n’y
a pas de réduction possible sur cet article.
-
L’art. 3 est adopté avec le chiffre de 10,000 fr.
Article 4
« Art.
4. Secours : fr. 45,000. »
-
Adopté.
Article premier
« Art.
1er. Frais de voyage et d’administration : fr. 9,000. »
-
Adopté.
Article 2
« Art.
2. Réparation et entretien des armes de la garde civique : fr. 16,000. »
M. Gendebien. - A l’occasion de cet article je
ne puis me dispenser de rappeler l’attention de M. le ministre de l’intérieur
sur la loi qu’il a emportée d’assaut dernièrement, ayant que la chambre se
séparât. Je persiste à dire que cette loi est inexécutable relativement au
premier ban de la garde civique, parce que vous avez inséré dans cette loi deux
dispositions dont une impose l’uniforme militaire aux habitants des communes de
5,000 âmes et au-dessus, l’autre impose la blouse aux habitants des communes
d’une population moindre.
J’ai
dit qu’il serait impossible de réunir non seulement des légions, mais des
bataillons, des compagnies de la garde civique sans une bigarrure choquante entre
les blouses et les uniformes. M. le ministre a dit en dernier lieu, et je n’ai
pas eu l’occasion de lui répliquer, que lorsqu’il y aurait lieu à mettre en
activité le premier ban, le ministre de la guerre pourvoirait à son uniforme.
Je répondrai à M. le ministre que dans le cas même où la garde civique
sortirait de ses foyers pour la défense du pays, le premier ban serait composé
d’hommes en uniforme et d’hommes habillés en blouse. Car il est impossible que
le ministre de la guerre fasse habiller les hommes à moins d’avoir 2 mois
devant lui.
Avant
que la chambre se prononce sur le chiffre relatif à l’entretien des armes, je
veux savoir si l’on est en mesure d’user de ces armes.
Lors
de la discussion de la loi du 2 janvier, on disait que l’uniforme était la
pierre angulaire de la garde civique, et vous avez posé dans cette loi,
relativement à l’uniforme, deux principes qui semblent se détruire : l’un
prescrit l’uniforme, l’autre prescrit la blouse. De manière qu’évidemment il
faut une autre loi.
M. le ministre nous a dit que des circulaires
avaient été adressées pour l’exécution de cette loi ; mais M. le ministre se
trompe ou on l’a trompé dans ses bureaux ; car on n’a reçu de circulaires nulle
part, pas même chez les gouverneurs. (Réclamations.)
Messieurs, pas plus tard qu’hier j’ai vu un colonel de la garde civique qui m’a
dit n’avoir reçu aucune instruction, et cependant il demeure près de Bruxelles.
Au
reste, vous aurez beau donner des instructions, votre loi ne sera pas, ne
pourra pas être exécutée. Quand vous aurez donné vos instructions et fait
procéder aux élections, un mois se sera écoulé ; il vous faudra après cela
encore deux mois pour habiller les hommes qui, en conformité de la loi,
n’auront pas pris l’uniforme militaire, c’est-à-dire les habitants des communes
de 5,000 âmes et au-dessous.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- La disposition de la loi du 2 janvier qui autorise l’uniforme militaire pour la
garde civique dans les communes de 5,000 âmes et au-dessus, a particulièrement
pour objet le service intérieur, que l’on ne pouvait plus obtenir parce que les
gardes civiques ne voulaient plus prendre les armes avec la blouse. Quant à la
garde civique mobilisée, c’est le département de la guerre qui fournit le petit
uniforme, il l’a fourni aux 15 bataillons qui ont été mobilisés ; ces 15
bataillons conservent leur uniforme. Maintenant si on venait à prévoir la
nécessité de mobiliser un plus grand nombre de gardes civiques, le département
de la guerre se mettrait en mesure de procurer le petit uniforme de la garde
civique aux habitants des communes qui n’auraient pas l’uniforme, que la loi du
2 janvier autorise le gouvernement de poursuivre.
C’est principalement dans les grandes communes
que l’on avait le plus de répugnance pour la blouse ; et le service intérieur
en souffrait. Au moins la loi du 2 janvier a pourvu à cet inconvénient.
S’agit-il
de mobiliser au-delà des 15 bataillons déjà mobilisés ? Je répondrai que
le département de la guerre peut à l’avance faire confectionner tous les
uniformes nécessaires pour les délivrer au fur et à mesure de la mobilisation,
il n’y aura donc pas de bigarrure.
M. Gendebien. - On ne veut pas me comprendre ;
je m’expliquerai de nouveau et je tâcherai d’être plus clair.
L’adoption
de l’uniforme militaire n’est pas une faculté qu’on laisse à la garde civique.
On donne au Roi le choix de l’uniforme, mais cet uniforme est prescrit
impérieusement à tout individu de la garde civique d’une commune de 5,000 âmes
et au-dessus. Maintenant dans les autres communes, dans celles de 5,000 âmes et
au-dessous l’uniforme prescrit par la loi est la blouse. Comment M. le ministre
de la guerre forcera-t-il les habitants de ces communes à adopter l’uniforme
militaire, alors que la blouse est l’habillement prescrit à ces gardes civiques
par la loi du 31 décembre 1830 et par celle du 2 janvier ? M. le ministre de
l’intérieur et M. le ministre de la guerre ne sont pas au-dessus de la loi. Or
la loi prescrit la blouse aux gardes civiques des communes de moins de 5,000
âmes ; si donc ils ne veulent pas adopter d’autre habillement, il vous sera
impossible de les contraindre.
Mais je veux supposer que les gardes civiques aient
toute la bonne volonté possible et consentent à prendre un autre uniforme que
celui prescrit par la loi, vous n’aurez rien obtenu, car il vous manquera le
temps nécessaire pour les habiller. Il n’y aurait qu’un moyen, ce serait que le
ministre de la guerre eût en magasin tous les uniformes nécessaires dans la
prévision de toute éventualité. Sans cela vous n’obtiendrez rien. Vous aurez au
contraire cette bigarrure que vous avez voulu éviter.
M. F. de Mérode. - Sans doute il serait à désirer que l’on pût
organiser la garde civique du premier ban par bataillons, par circonscriptions
territoriales ; le nom n’y fait rien . Ceci n’a pas
été atteint par la loi du 2 janvier ; aussi n’est-ce pas une loi complète ;
elle donne seulement au gouvernement le moyen de faire prendre les armes à la
garde civique ; or, il peut se présenter telle circonstance où cela serait
nécessaire. Mais ce que dit l’honorable M. Gendebien est vrai, et avec la loi
que nous avons, dans le cas où il serait nécessaire de mobiliser la garde
civique l’on ne pourrait pas profiler de toutes les ressources qu’elle peut
offrir au pays. Ceci sera l’objet d’un travail peu étendu. On le fera sans
doute quand on aura plus de temps.
M. le
ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La loi du 2 janvier ne déroge
pas aux dispositions antérieures ; or, sous l’empire des dispositions
antérieures le ministre de la guerre a donné un uniforme aux 15 bataillons de
la garde civique mobilisée. S’il y avait nécessité de mobiliser un plus grand
nombre de gardes civiques le ministre de la guerre continuerait d’agir comme il
a fait sous l’empire de la loi de décembre 1830 qui prescrivait également la
blouse à la garde civique mobilisée.
Quant aux
instructions pour l’exécution de la loi sur la garde civique, elles ont été
adressées aux gouverneurs. Mais aucune instruction n’a encore été adressée aux
officiers de la garde civique ; le moment n’est pas encore venu. Sous peu de
jours ils recevront les instructions dont ils ont besoin pour l’exécution de la
loi. Ainsi, d’un côté j’ai eu raison d’assurer que des instructions avaient été
adressées, et de l’autre, l’honorable M. Gendebien a pu dire que les officiers
de la garde civique n’en avaient reçu aucune. Au fur et à mesure que la
réorganisation se fera, des instructions seront adressées à tous les
fonctionnaires chargées de l’exécution de la loi.
M. Gendebien. - Singulière manière
d’argumenter, que de répondre par des faits à des questions de droit ! M. le
ministre de l’intérieur reconnaît que, d’après la loi du 6 décembre 1830, la
blouse était l’habillement prescrit par la loi ; mais il ajoute que, sous
l’empire de cette loi, le ministre de la guerre a donné l’uniforme militaire
aux 15 bataillons de la garde civique mobilisée ; et il en conclut qu’il pourra
également, sous l’empire de la loi actuelle, donner l’uniforme à la garde
civique qu’il y aurait lieu de mobiliser.
Mais
la question n’est pas de savoir ce qu’a fait le ministre ; elle est de savoir
ce qu’il a le droit de faire. Or, la loi du 6 décembre et la loi du 2 janvier
prescrivent la blouse comme habillement des gardes civiques des communes de
5,000 âmes et au-dessous : si donc il se trouve des individus récalcitrants qui
ne veuillent pas adopter l’uniforme, vous ne pourrez pas les y contraindre. La
loi est pour eux ; vous ne pourrez pas les condamner.
Lors
de la discussion de la loi du 2 janvier, l’honorable M. F. de Mérode a insisté
pour l’adoption d’un uniforme, en se fondant sur ce que les événements d’août
1831 auraient eu pour cause le défaut d’uniforme. Je n’admets pas cela. Mais je
fais remarquer qu’il y a désaccord entre ce langage et le vote d’une loi qui
n’introduit pas, tant s’en faut, de l’uniformité dans l’habillement de la garde
civique.
En un mot comme en cent les dispositions de
votre loi ont le résultat contraire de celui qu’elle semblait se proposer ; car
elle consacre une bigarrure, puisqu’elle prescrit deux uniformes.
Vous
pouvez le faire par des actes arbitraires ; mais nous ne raisonnons pas d’après
l’arbitraire ; c’est d’après la loi. Que le ministre y réfléchisse, car j’aurai
encore l’occasion de revenir sur ce sujet. Vous pourrez faire faire une dépense
inutile par les villes de 5.000 habitants et au-dessus, car vous ne pourrez
tirer parti de la garde civique après cette dépense : les hommes de ces villes
qui feront partie de la garde civique vous diront : Nous ne sommes pas plus
obligés à partir que ceux des petites communes qui restent chez eux parce
qu’ils sont en blouses.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il est évident que la loi qui a prescrit l’uniforme ou la blouse n’est
applicable qu’au service intérieur ; lorsqu’il s’agit d’un service actif de
campagne, la garde civique est alors assimilée à l’armée. Et voilà pourquoi le
ministre de la guerre lui a donné un uniforme. Il y aurait impossibilité
qu’elle fît un service de campagne avec la blouse. Aussi la loi du 31 décembre
1830 n’a jamais été considérée comme obligatoire relativement à l’uniforme que
pour le service sédentaire.
Ceci est tellement vrai que la loi prescrit aux
gardes civiques de s’habiller eux-mêmes et aux communes de fournir
l’habillement à ceux qui ne peuvent se le procurer, et que cependant les
communes ont réclamé contre cette disposition qui n’a pas reçu d’exécution
relativement à la garde civique mobilisée. Je crois que la loi actuelle ne
présentera aucune difficulté dans l’application.
Quant
à ce que le préopinant a répété de nouveau concernant la nécessité de faire
confectionner des habillements en nombre suffisant, pour en fournir à la garde
civique, en cas de mobilisation, c’est, comme je l’ai dit, un soin qui regarde
le ministre de la guerre.
Enfin,
relativement au service sédentaire, je crois que la loi dernière atteindra le
but que l’on se proposait.
M. F. de Mérode. - Je conviens que par la dernière loi on
n’est pas arrivé au but désiré ; cependant elle est une amélioration. Plus tard
on pourra la généraliser encore, et l’uniforme sera introduit partout. Faute de
mieux, je me contente de l’obligation de l’uniforme pour les villes de 5,000
habitants et au-dessus.
Je
pense que les observations présentées par M. Gendebien ne sont pas sans
fondement et qu’on pourra porter remède au mal qu’il signale.
M. de
Robaulx. - On a
fait une amélioration en donnant une tournure plus militaire à la garde civique
des villes. Mais la garde civique en général n’est pas destinée uniquement à
faire la guerre sur les places publiques ; elle a pour but principalement
d’appuyer l’armée et d’agir activement dans les cas où nous serions attaqués à
l’extérieur.
Qu’a
dit M. Gendebien ? D’ici à peu de temps nous pourrions être attaqués ; eh bien,
votre loi du 31 décembre 1834 n’aura aucun effet, car votre garde civique ne
pourra se réunir par légions, ou même par bataillons, sans présenter de la
bigarrure dans les rangs ; vous aurez des hommes dans toutes les tenues, les
uns en uniforme à côté des porteurs de blouses. La garde civique manque donc au
but de son institution, c’est-à-dire à la possibilité de se mettre en ligne.
M. de
Mérode a reconnu l’exactitude des observations présentées par M. Gendebien. Le passé nous donne des
craintes pour l’avenir ; nous craignons le renouvellement des scènes
affligeantes de 1831. Quelles que soient nos relations diplomatiques actuelles,
la garde civique doit pouvoir être prête à se porter à l’extérieur, et c’est ce
qui est impossible maintenant.
Pourquoi
les ministres ne promettent-ils pas de revenir sur une faute qui leur est
signalée ? Pourquoi n’auraient-ils pas égard à des observations pleines de
justesse ?
Les
gardes civiques des communes de moins de 5,000 habitants vont faire faire une
blouse ; la loi le veut ainsi ; quand elles auront cette blouse, vous ferez
bien vite un petit bout de loi qui ordonnera la tenue militaire quand la garde
civique se mettra en ligne ; ainsi voilà deux habillements pour un. D’ici à
trois mois, si vous êtes forcés d’avoir recours à la garde civique, l’uniforme
est nécessaire ; ainsi mettez-vous en mesure dès aujourd’hui, pour le répandre
partout ; ainsi rectifiez promptement votre loi.
Mais,
dit le ministre de l’intérieur, quand
l’uniforme a été réglé, on n’a eu en vue que le service à l’intérieur ; et dès
que la garde civique sera obligée de se mettre en rang, elle aura une tenue
militaire. Réfléchissez donc que vous vous mettez en contradiction avec votre
loi, car tout, dans cette loi, est prescrit d’une manière impérieuse ; et il y
est dit formellement : les gardes civiques des communes de moins de 5,000
habitants seront en blouses. Le ministre pourra-t-il ne pas appliquer la loi ?
Si vous l’exécutez, je le répète, l’institution de la garde civique manque son
but essentiel qui est de se mettre en ligne. Voyez donc si vous n’avez pas les
moyens d’effacer les bigarrures qu’on vous a signalées et les impossibilités
qui en sont la conséquence.
- Le
chiffre mis aux voix est adopté.
Chapitre VII
Article unique
« Art.
unique. Impressions des listes alphabétiques
d’inscription des miliciens : fr. 2,000. »
-
Adopté sans discussion.
Article unique
« Art.
unique. Subsides aux villes et communes dont les
revenus sont insuffisants : fr. 50,000 fr. »
M. le président. - La section centrale propose de
réduire le chiffre à 20,000 fr.
M.
Gendebien. -
Tous les ans je me suis opposé à l’allocation de cette somme. Il faut
s’habituer chacun à vivre selon ses moyens. Je voudrais que le gouvernement
commençât lui-même à mettre ce principe en pratique, à donner l’exemple ; les
communes le suivraient sans doute. Il faut débarrasser le gouvernement de cette
multitude de demandes importunes de fonds qui ne s’accordent en définitive qu’à
l’intrigue et à l’obsession. Dans les administrations on perd plus de temps à
repousser des demandes injustes qu’on n’en emploie en travaux utiles. Je ne
connais pas de commune qui ne puisse s’administrer avec ses propres ressources
: si elle est riche, elle fait beaucoup de dépenses ; si elle est pauvre, elle
en fait peu.
On dit
autour de moi que la section centrale propose de réduire le chiffre de 50,000
fr. à 20,000 fr. ; eh bien, si on a trouvé le moyen de le réduire ainsi, je crois
qu’on peut trouver celui de le réduire à zéro. Cette allocation, je le répète,
serait une prime pour l’intrigue. J’accorderai tout ce que l’on demandera pour
l’instruction publique ; j’accorderai plutôt un million pour des objets
semblables que 20,000 fr. pour cet article.
M. Rogier. - Il s’agit ici de la discussion
d’un principe. Si la proposition de M. Gendebien était adoptée, il s’en
suivrait que, dans aucun cas, l’administration ne pourrait venir au secours
d’une commune ; cependant il est des cas où il serait injuste et même
impolitique de ne pas les aider.
Je
citerai une inondation. Un pareil état de choses existe souvent en Belgique. Il
est telle commune inondée depuis quatre ans qui n’a plus aucune espèce de
revenu, qui serait hors d’état de s’administrer. Je suppose un incendie comme
celui qui a dévoré la ville de Limbourg. Vous ne pouvez pas imposer les
habitants déjà à moitié ruinés. Pour venir au secours des communes dans de
semblables calamités, il faut que nous maintenions au budget l’article en
discussion.
La preuve que l’on n’a pas abusé de ce crédit
ce sont les réductions successives qu’il a subies d’année en année de telle
manière que, de 300,000 fr. qu’il comprenait, il est descendu à n’être plus
cette année que de 20,000. Si mes souvenirs sont exacts, très peu de demandes
ont été envoyées au gouvernement. Il n’y a pas eu d’obsession et encore moins
d’intrigues.
Dans
certaines circonstances cette allocation a été d’une utilité incontestable. Je
crois que la prudence exige que nous la maintenions. Il n’en est pas résulté
d’abus. Les abus ne peuvent se multiplier alors que le chiffre va en diminuant.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - L’honorable M. Gendebien aurait
raison de combattre ce chiffre, s’il était destiné à subvenir aux dépenses des
communes dont les administrations par incurie ou par imprévoyance ont épuisé
les revenus. Il ne s’agit que de subvenir au manque de ressources qu’amènent
d’une manière imprévue des calamités extraordinaires. Il y a mille autres
circonstances où ce subside peut être d’une grande efficacité. Il ne s’agit pas
ici des grandes villes. Les grandes villes ont toujours des ressources comme
les riches particuliers. Mais il est des communes à qui quelques centaines de
francs feraient grand bien, et qui ne pourraient trouver une pareille somme.
C’est au manque de ressources que le subside peut parer. Il n’a été fait aucun
abus, puisque sur 50,000 francs le gouvernement n’a dépensé l’année dernière
que 1,354 fr. Je crois qu’il est prudent de laisser ce crédit ouvert dans le
budget.
M. de Brouckere. - Je ne prétends pas qu’il
ne puisse se présenter des occasions où il est nécessaire que l’Etat vienne au
secours d’une commune. Je ne sais pas si l’honorable M. Rogier a bien
interprété le sens de cette disposition. Selon lui, les 20,000 fr. demandés
sont destinés à venir au secours des communes victimes d’événements malheureux.
Remarquez que l’allocation porte le titre de
« Subsides aux villes et aux communes dont les revenus sont
insuffisants. » Il suit de ce libellé que le subside n’est destiné qu’à
subvenir à l’insuffisance des revenus d’une ou plusieurs communes, sans que la
circonstance d’événements extraordinaires soit nécessaire.
Il
résulte des documents que nous avons sous les yeux, que sur une somme de 50,000
fr. accordée au gouvernement, une somme de 1,354 fr. seulement a été dépensée.
Je prie M. le ministre de l’intérieur de nous expliquer l’usage auquel ont
servi ces 1.354 fr. Puisque l’honorable M. Rogier a parlé du Limbourg, je
voudrais savoir si des secours ont été accordés à cette malheureuse ville.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il est évident que le gouvernement n’est pas limité dans l’emploi de ce
subside. Il peut l’accorder à une commune qui a éprouvé un grand malheur, à une
commune qui se trouve dans un grand embarras financier.
C’est ainsi
qu’à l’époque de la révolution, il a été fait des avances aux villes de
Bruxelles, Anvers, Liège et Namur. On ne peut énumérer ici les cas qui peuvent
mettre une commune dans la nécessité de réclamer un secours. Je partage
l’opinion des membres qui pensent qu’il faut des circonstances extraordinaires.
Il est certain qu’il faut les motifs les plus graves pour donner des secours à
des communes. Sans quoi, toutes les communes voudraient figurer pour une somme
au budget de l’Etat. C’est un abus qu’il ne faut pas favoriser.
Je
ferai savoir à la chambre que je viens d’accorder il y a peu de jours une somme
en faveur de quelques communes inondées de la province d’Anvers, somme que j’ai
prélevée sur le chiffre de 50,000 francs. Les habitants de ces communes étaient
sans ressources. Les communes n’avaient par conséquent aucune espèce de
revenus.
Le subside accordé aura le double avantage
d’amener un travail utile, et de permettre aux administrations communales de
donner des secours aux indigents. Elles seront à même de réparer une partie des
dégâts occasionnés par les inondations ; et les habitants, par ce travail,
pourront se procurer du pain. Voilà un emploi de fonds véritablement utile.
Je
pense qu’un subside de quelques milliers de francs a été accordé à la ville de
Limbourg. Tout ce que je puis me rappeler c’est que la somme n’était pas
considérable.
M. Gendebien. - Je crois inutile de prolonger la
discussion. Cependant, je dirai que c’est surtout l’intitulé de cet article que
je blâme. En effet, comme l’a dit l’honorable M. de Brouckere, il résulte que
le subside de 20,000 fr. servira à venir au secours des villes et communes dont
les revenus sont insuffisants. C’est ce que je ne veux pas.
S’il arrive des événements malheureux, des
inondations, des incendies, n’avez-vous pas le chapitre des dépenses imprévues
? Autre chose est de réparer des malheurs indépendants de la volonté des
administrations communales et de venir au secours des communes qui n’ont pas de
revenus suffisants. Je suis loin de m’opposer à ce que l’on vienne au secours
de la ville de Limbourg et des communes inondées. Mais c’est contre un autre
genre de subsides que je m’élève. Je veux que les communes fassent comme les
particuliers ; qu’elles ne dépensent que ce qu’elles ont. Le gouvernement, les
provinces, les communes ne sont que des familles plus ou moins grandes. Qu’ils
fassent comme dans les familles, en proportionnant la dépense au montant des
revenus.
Si
l’on n’a dépensé qu’une somme de 1,354 sur 50,000 que comprenait l’article dans
le budget précédent, cela prouve qu’il y a chez le Belge un fond de pudeur qui
l’empêche de demander. Mais du moment que l’on saura qu’il figure depuis
quelques années une somme au budget de l’Etat pour suppléer à l’insuffisance des
revenus communaux, on vous enverra des demandes de toutes parts, on vous fera
des budgets tout exprès. Le subside sera partagé entre les plus fins. C’est
pour éviter d’allécher les administrations communales, que je propose la
suppression de l’article.
M. de Brouckere. - Les explications de M. le
ministre de l’intérieur me prouvent que j’avais très bien compris le libellé de
l’article et que le titre ne peut demeurer tel qu’il est.
Je ne
me refuse pas à mettre le gouvernement à même de venir au secours des communes
victimes d’événements malheureux. Mais ce que je ne veux pas c’est que le
gouvernement accorde des secours à celles dont les revenus sont insuffisants.
De ce que les revenus sont mal administrés, de ce qu’une régence aura fait des
dépenses exorbitantes, faudra-t-il que ce soit l’Etat qui en supporte les
conséquences ? M le ministre de l’intérieur déclare qu’il désire que la chambre
lui laisse la disposition libre de cette somme.
Messieurs,
remarquez que lorsque les communes éprouvent des événements malheureux, le
ministère n’est pas sans fonds pour venir à leur secours.
J’ai
ici sous les yeux l’exposé des motifs accompagnant le projet de loi présenté
par M. le ministre des finances et autorisant à disposer d’une somme de 73,000
fr. ; et voici ce que j’y lis : « Cette somme est divisée en trois tiers. Le
premier est destiné à, etc. ; le second à … et enfin le troisième tiers est mis
à la disposition du ministre de l’intérieur pour accorder des secours aux
contribuables. »
Plusieurs voix. - Mais c’est aux contribuables.
M. de Brouckere.
- Je comprends bien. Vous voyez donc que le gouvernement a entendu s’allouer un
fonds assez considérable pour venir au secours des gens qui pouvaient avoir
éprouve des pertes par suite d’événements imprévus et malheureux. Un quartier
d’une ville est brûlé, M. le ministre peut prélever sur ce tiers de quoi venir
au secours des incendiés, qui ont perdu, ou leur propriété mobilière, ou quoi
que ce soit, qui les réduise à la misère.
J’ai
déclaré que j’accorderais une allocation ; mais ce qui ne me convient pas,
c’est le libellé de l’article. Ainsi je voudrais, au lieu de : « Subsides aux
villes et communes dont les revenus sont insuffisants, » cette rédaction : «
Aux villes et communes dont les revenus sont insuffisants par suite
d’événements malheureux et imprévus. » Alors il ne dépendra pas du
ministre de donner à telle commune qui aura fait des dépenses au-delà de ses
moyens, pour un simple caprice à telle commune, enfin, qui aura su captiver sa
bienveillance, ce qui revient de droit aux victimes d’événements malheureux. Si
la chambre adopte ma rédaction, je voterai pour l’article, sinon je voterai
contre.
M. de Robaulx. - Mon intention était de proposer un
amendement dans le sens de celui de l’honorable M. de Brouckere. Je proposais d’ajouter, « par suite
d’événements calamiteux. » Mais les expressions de M. de Brouckere et
celles-là indiquent également que le secours ne peut être qu’extraordinaire.
Dès
l’instant où l’on indiquera dans le corps de l’article que ces subsides ne
seront pas accordés pour des cas ordinaires, à une commune, mais bien pour des
cas extraordinaires et imprévus, je ne vois aucune difficulté à ce qu’il soit
voté. Mais sachant qu’il y a des communes qui n’ont d’autres revenus, que ceux
qu’elles se créent par cotisation, et ceux qui résultent de leur imposition
personnelle : Braine-le-Comte, par exemple, et d’autres que je pourrais citer ;
je pourrais craindre que, s’il y avait espoir d’obtenir du budget des subsides,
en raison de leurs revenus, ces communes ne vinssent vous exposer leurs titres,
suivant le libellé actuel de l’article. Je me rallie donc à l’opinion de
l’honorable M. de Brouckere : que l’on mette calamiteux ou malheureux, je n’y
tiens pas.
M.
Lebeau. - Si on
admet la proposition de l’honorable M. de Robaulx, si on met dans le libellé de
l’article : « Subsides extraordinaires aux villes, etc., » je m’y rallierai
volontiers, Mais je crois que l’amendement de l’honorable M. de Brouckere
présenterait quelques inconvénients dans la pratique. Sans aucun doute, par
cela seul que les revenus des communes seraient insuffisants, le gouvernement
ne veut pas établir des droits â ces subsides. Car ce serait mettre les
communes dans la position de s’épargner des centimes additionnels. Il ne peut
entrer dans les vues du ministère de consacrer un pareil abus. Mais si on vous
mettait sous les yeux qu’il y a telle commune qui est dans l’impossibilité de
se construire une maison communale et qui, sans le secours du gouvernement, ne
parviendrait pas à pouvoir quitter le mauvais cabaret qui sert aux réunions de
l’administration communale, voila un cas qui se trouve combattu par l’amendement
de M. de Brouckere, mais qui rentre dans l’intention de M. de Robaulx. La meilleure manière, d’ailleurs, que l’abus que
l’on semble craindre ne se réalise, c’est de limiter l’allocation au chiffre
minime qui est demandé. Ce n’est pas avec 20 mille francs que l’on pourra
donner lieu à de graves inconvénients sur ce point. J’appuie donc le système de
M. de Robaulx qui consiste à mettre en « cas extraordinaires. »
M.
le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Si l’on désire insérer le
mot extraordinaires, je n’y vois pas
d’opposition ; mais comme on a fort bien dit, l’exigüité de la somme
préviendrait tout abus, s’il y en avait à craindre. Mais je ferai observer
qu’il y a déjà eu des subsides antérieurement accordés, mais la plupart à titre
de prêts. Ces sommes doivent être remboursées. Ce n’est pas une innovation
qu’on a voulu introduire.
M. de
Robaulx. -
Messieurs, quand j’ai parlé de subsides extraordinaires, je me suis expliqué.
J’ai dit que je ne concevais jamais que l’on pût accorder des subsides par la
seule cause que les revenus des communes étaient insuffisants. J’ai compris
qu’il fallait des cas imprévus, extraordinaires, tels qu’on pouvait y ajouter
le mot de calamiteux. Au surplus, je demande que l’on vote sur l’amendement de
M. de Brouckere qui me paraît encore plus satisfaisant.
M. de Brouckere.
- Ce n’est pas ici un jeu de mots. Si vous admettez mon amendement, il a une
autre portée que celui de l’honorable M. de Robaulx qui préfère le mien. En
effet, les explications de M. Lebeau suffisent pour que j’insiste dans ma
proposition. Je veux précisément empêcher l’emploi que M. Lebeau voudrait faire
de ces subsides. Je ne veux pas que ce soit pour faire bâtir une maison
communale. Mon intention est que cela serve à indemniser de malheurs causés par
des événements imprévus. Mais pour les constructions de maisons communales ou
pour tout autre motif de ce genre, voilà justement ce que je veux empêcher par
mon amendement.
M. le ministre de l'intérieur (M.
de Theux). - Je vais proposer une rédaction qui paraît devoir
satisfaire tout le monde. « Subsides pour dépenses extraordinaires aux
villes et communes dont les ressources sont insuffisantes. » Je ne mets
pas revenus, et alors il me semble suffisamment prouvé que ces subsides ne sont
accordés que lorsque la commune n’a aucune ressource pour subvenir aux besoins
qu’elle peut éprouver.
M. Lebeau. - Je crois qu’il faut s’en tenir à
la proposition de l’honorable M. de Robaulx ; et s’il l’abandonne, je déclare
que je la fais mienne.
L’honorable
M. de Brouckere a traité assez légèrement l’exemple que j’ai cité tout à
l’heure, il a paru croire que la construction d’une maison commune dépendait du
caprice ou de l’amour-propre d’une localité ; il n’en est pas ainsi.
M. de Brouckere. - Aussi n’ai-je pas dit un
seul mot de tout cela.
M. Lebeau. - Je connais des communes qui ont
été invitées par la province à faire construire une maison commune, parce qu’il
y avait péril pour les archives, pour les registres de l’état-civil, à en
laisser le dépôt dans le local où ils étaient. Qu’ont répondu les collèges ?
Qu’ils ne demandaient pas mieux que d’avoir une liaison commune, qu’ils
appréciaient le danger qu’il y avait pour leurs archives à rester où elles
étaient, mais qu’ils avaient de la peine avec leurs cotisations personnelles et
les revenus ordinaires à faire les fonds des dépenses de l’administration
communale, et que s’ils n’obtenaient pas un subside de la province ou de
l’Etat, il leur était impossible de faire construire une maison isolée où leurs
archives fussent en sûreté.
Il est arrivé, dans le cas que je cite, que la
province ne pouvait pas donner ce subside, qu’elle n’avait pas de fonds ; elle
engageait alors la commune à recourir au gouvernement. Je demande à la chambre
si dans une telle circonstance un subside de 1,000 ou 1,500 fr. accordé par
l’Etat à la commune, subside destiné à assurer la conservation des pièces qui
intéressent le plus toutes les familles, ne serait pas approuvé par tout le
monde.
Veuillez
remarquer que le budget est sérieusement examiné tant par les sections et la
section centrale que par la chambre et que chaque année lorsque ces subsides
seront demandés, l’on s’enquerra de l’emploi qui a été fait des fonds
antérieurement ; il sera donc impossible d’en faire un mauvais emploi. Cet
examen sévère proscrit jusqu’à l’idée même d’un abus.
M. Gendebien.
- Vous aurez beau parler de subsides extraordinaires, de dépenses
extraordinaires, vous ne changerez rien à l’effet de l’article, vous
n’arriverez jamais au but qu’atteint la proposition de mon honorable ami M. de
Brouckere. Dans toutes les communes il y a un budget de dépenses ordinaires et
un budget des dépenses extraordinaires ; par conséquent il n’y a pas de commune
qui ne soit en position de demander des subsides pour dépenses extraordinaires.
Votre changement ne change donc rien à l’effet de l’article.
Qu’est-ce
d’ailleurs qu’un subside extraordinaire ? Y a-t-il des subsides ordinaires du
gouvernement ? Non. Ces mots ne signifient rien.
Maintenant
vous avez à choisir. Voulez-vous que ce subside soit une prime pour l’intrigue
et l’obsession ? Adoptez la rédaction du gouvernement. Voulez-vous qu’il n’y
ait des subsides que pour les communes victimes d’événements malheureux ?
Adoptez la proposition de M. de
Brouckere. Je voterai, quant à moi, pour cet amendement.
M. le
ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai proposé de dire :
«
Subsides extraordinaires aux villes et communes dont les ressources sont
insuffisantes. »
J’ai substitué le mot « ressources » au mot « revenus. »
-
L’amendement de M. de Brouckere est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
M. de
Robaulx. - Je
retire mon amendement.
M. le président. - M. Lebeau l’a repris.
M. Lebeau. - Je me rallie à la proposition de
M. le ministre de l’intérieur.
-
L’article unique du chapitre VIII est adopté avec la rédaction proposée par M.
le ministre de l’intérieur et avec le chiffre de 20,000 fr.
La
séance est levée à 4 heures 1/2.