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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 28 novembre 1834
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Projet de loi portant organisation des communes. Discussion des articles. Du
collège des bourgmestres et échevins. Attributions du collège : administration
financière et/ou patrimoniale (de Brouckere, Dumortier, de Brouckere, Dumortier, Jullien, de Brouckere, de Theux, Pollénus, H. Dellafaille, de Theux, Desmanet de Biesme),
réparation des chemins vicinaux (d’Hoffschmidt, Desmet, Dumortier, Legrelle, Pollénus), sûreté et
bien-être des habitants (Pollénus, Doignon,
H. Dellafaille, Dumortier),
fonctions spéciales (Pollénus, Dumortier,
Jullien, de Theux, Dumortier, de Theux, Dumortier, Jullien, Dumortier), maintien de l’ordre public et attributions
en cas d’événement imprévu (de Theux, Dumortier, Jullien, de Muelenaere, Dumortier, de Theux, de Muelenaere, Trentesaux), tenue des registres de l’état-civil (Doignon, Fleussu, H. Dellafaille, Jullien, de Muelenaere, Dumortier, Fleussu, Legrelle, H. Dellafaille, Legrelle),
aux établissements de bienveillance et/ou aux caisses d’épargne (d’Hoffschmidt, Dumortier, Legrelle et Dumortier
(+société générale), Jullien, d’Hoffschmidt,
Legrelle, Dumortier),
surveillance des personnes et des lieux de débauche, police des spectacles (Jullien, de Theux, F. de Mérode, Jullien, F. de Mérode, de Theux, Jullien, F. de Mérode, Pollénus, Jullien, Fallon, de Theux, Desmanet de Biesme, Legrelle,
Jullien, Pollénus)
(Moniteur belge n°332, du 28 novembre 1834)
(Présidence de M. Dubus.)
La séance est ouverte à
une heure trois quarts.
M.
de Renesse procède à l’appel nominal.
M.
Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. La
rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse fait connaître que les pièces suivantes ont été envoyées à
la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur C.-J. van Rem, notaire à Oost-Winkel
(province de Gand), dénonce les vexations auxquelles il est en butte de la part
de son curé. »
________________
« L’administration
communale et les habitants notables de la commune de Boveke
et de Rhisne demandent à faire partie du canton de
Namur. »
________________
« Le sieur C.-H. Rooseboom, ex-capitaine de navire, demande que la chambre
adopte une loi qui autorise le gouvernement à l’indemniser des pertes qu’il a
essuyées pendant les journées de septembre. »
________________
« Plusieurs
pharmaciens de Verviers demandent des modifications à la loi du 12 mars 1818,
en abrogeant l’art. 11 qui permet aux médecins et aux chirurgiens de fournir
des médicaments à leurs malades dans toutes les villes et communes où il
n’existe pas une commission médicale provinciale. »
_________________
« Le sieur Elskens, dit Borremans,
ex-colonel du 1er régiment de chasseurs à pied, réclame l’intervention de la
chambre pour obtenir la révision du procès qui l’a condamné. »
________________
« Les
administrations des communes de Lillo, Stabrouck, Beerendrecht et Santvliet,
demandent que la chambre adopte le projet de loi relatif aux indemnités qui lui
est soumis, et adressent des observations sur ce projet. »
- Ces pétitions sont
renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
« Les conseils
communaux des communes de Jumet (Hainaut), de Champieux,
Dansoulx, Vidrin et
St.-Marc (Namur), se plaignent de ce que les habitants soient assujettis à
loger un escadron du 2ème régiment de chasseurs à cheval envoyé en cantonnement
dans les communes. »
M. Desmanet de Biesme. - Messieurs, je
demande que la pétition concernant les cantonnements soit renvoyée au ministère
de la guerre, pour que l’on puisse s’entendre avec le ministre avant la
discussion de son budget, et qu’il soit pris des mesures convenables pour les
cantonnements ; beaucoup de membres feront dépendre leurs votes des
propositions qui leur seront soumises, décidés qu’ils sont à rejeter le budget,
si l’on persiste à le présenter comme on l’a fait jusqu’à ce moment.
- La motion de M. Desmanet
de Biesme est mise aux voix et adoptée.
PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION DES COMMUNES
Discussion des articles
Titre
II. - Des attributions municipales.
Chapitre II. - Des attributions du
collège des bourgmestre et échevins.
Article 87, paragraphe 7 (du
projet de la section centrale)
M. Dubus, président.
- Nous en sommes restés hier au n°7 de
l’article 87 qui est ainsi conçu :
« Le collège des bourgmestre et échevins
est chargé :
« 7° Des actions judiciaires de la
commune, soit en demandant, soit en défendant. »
- Ce paragraphe est mis aux voix et adopté.
Article 87,
paragraphe 8 (du projet de la section centrale)
« 8° De l’administration des finances et des
propriétés de la commune, ainsi que de la conservation de ses droits. »
M. de Brouckere.
- Messieurs, j’ai demandé la parole pour prier un de MM. les membres de la
section centrale de vouloir bien donner des explications à la chambre sur
l’article en discussion, dont je ne saisis pas bien le sens. Il est à mes yeux
la reproduction de l’article précédent. Par ce numéro, on charge le collège des
bourgmestre et échevins de l’administration des
finances. Si vous remontez au n°4, vous voyez que ce même collège est chargé de
la gestion des fonds de retenue et de l’ordonnancement de la comptabilité.
Voilà, je crois, toute l’administration des finances. Pourquoi reproduire ce
qui a déjà été fait ? Je prierai donc un des honorables membres de la section
centrale de donner à la chambre des explications à cet égard. Par ce n°8 on
charge le collège des bourgmestre et échevins de l’administration des biens de
la commune. Au n°2 nous avons déjà chargé ce même collège de l’administration
des établissements communaux, et maintenant on le charge de celle des
propriétés de la commune. Un des deux doit nécessairement disparaître, à moins
que la section centrale ne nous démontre que tous deux doivent être maintenus.
M. Dumortier, rapporteur. - L’objection de
l’honorable M. de Brouckere me paraît fondée. J’avoue que nulle observation
n’ayant été faite à cet égard par aucun membre de la section centrale, on n’a
pas songé à la suppression demandée par l’honorable préopinant. Je crois que
l’on peut retrancher ces mots « de l’administration des finances. » Mais
je ne pense pas que l’autre paragraphe dont il est question, puisse être
supprimé. La commune n’a pas seulement des établissements, mais encore des
propriétés soit boisées, soit d’une autre nature.
M. de Brouckere. - Maintenant que l’on est
d’accord de supprimer les mots « administration des finances, » je
n’insisterai plus sur ce point. Je vois plus loin que, dans le numéro 8, on charge
le collège des bourgmestres et échevins de l’administration des propriétés de
la commune, et le numéro 3 n’est relatif qu’aux établissements et propriétés
bâties. Je demanderai à l’honorable rapporteur de la section centrale, s’il ne
croit pas qu’on doive plutôt supprimer ce numéro 3.
M.
Dumortier, rapporteur. - En réponse à l’honorable préopinant, je dirai
qu’il ne me semble pas possible de supprimer ce paragraphe. Le n°3 se rapporte
aux établissements communaux. Ainsi une ville a ordinairement une école, un
musée, une bibliothèque ; voilà des établissements communaux. Dans le n°8, il
s’agit de propriétés de la commune, et il est constant qu’il existe une
différence positive entre les établissements communaux et les propriétés des
communes. Des propriétés, messieurs, rapportent toujours un revenu ; les
établissements communaux n’en rapportent aucun. Je suis donc d’avis qu’il ne
faut pas retrancher les mots : « administration des finances. »
M. Jullien. - Toute la question est de savoir si,
dans la loi, propriété est synonyme d’établissement. Non, messieurs, ces deux
expressions, dans l’acception où elles doivent être prises, diffèrent
complètement entre elles. Il n’y a guère de communes un peu populeuses qui
n’aient une école, un athénée, une bibliothèque même. Il n’y a pas de petites
communes où il n’y ait des bureaux de charité. Ce sont là les établissements
communaux dont parle la loi. Ils n’ont point d’affinité avec les propriétés
communales qui appartiennent à la commune, comme des propriétés privées
appartiendraient à des particuliers. Il ne peut donc y avoir de confusion entre
établissements communaux et propriétés communales. Que l’on supprime les mots
« administration des finances, » rien de mieux parce que cela est
redondant.
M. de
Brouckere. - Je consens à ce qu’on laisse subsister ce paragraphe, si
on croit pouvoir le faite sans inconvénients. Pour moi, je suis d’avis que des
abus assez graves peuvent en résulter. Par exemple, si vous donnez en général
l’administration de tous les biens communaux au collège des bourgmestre et
échevins, il arrivera qu’on ne voudra pas d’administration pour les hôpitaux,
les bureaux de bienfaisance ; on se fondera sur le paragraphe en discussion
pour dire que l’administration communale, ayant la gestion de tous les biens
communaux, doit aussi avoir dans ses attributions celle des hospices, bureaux
de bienfaisance, etc. Je vous le demande, messieurs, ne serait-ce pas là un véritable
abus ? Les bureaux de bienfaisance, les hôpitaux, les établissements de
charité, ne doivent pas être soumis au collège des bourgmestre et échevins,
mais à un corps spécialement chargé d’exercer sur eux une haute surveillance,
Il me suffit d’avoir fait cette observation pour prévenir des abus que j’ai cru
devoir signaler.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je pense qu’en comprenant bien les diverses dispositions du paragraphe qui
nous occupe, il ne peut exister d’ambiguïté ni de contre-sens. Ce n°3, que la
chambre a voté hier, n’est applicable qu’aux établissements qui n’ont point
d’administration spéciale ; quant à ceux qui en ont une, ils continueront à
demeurer sous sa surveillance. Pour le numéro qui nous occupe, je partage, avec
l’honorable M. Jullien, l’opinion que sa disposition ne présente aucune matière
à confusion entre les mots établissements communaux et propriétés communales.
M. Pollénus. - D’après ce que je viens
d’entendre dire à l’honorable rapporteur de la section centrale, il résulte que
le paragraphe en discussion doit s’appliquer également aux propriétés boisées.
Cela préjugerait, il me semble, sur l’amendement présenté par l’honorable M. Fallon.
M. H.
Dellafaille. - Je ferai observer que les propriétés de la commune ne
sont pas toutes des propriétés boisées.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ne pense pas que l’adoption de ce paragraphe préjuge la question des
propriétés boisées.
M. Pollénus.
- Alors je retire ma motion d’ordre.
M. Desmanet
de Biesme. - Je crois cependant devoir faire remarquer qu’il n’y a rien
de décidé à cet égard-là. Si les communes croient voir dans l’article un motif
pour réclamer leurs propriétés boisées, elles pourront s’en servir. Les lois
seront interprétées par les tribunaux ou administrativement. Mais je ne crois
pas que l’on puisse dire qu’il n’y a rien de statué, de préjudicié à cet
égard-là.
- L’amendement dé M. Dumortier tendant à la
suppression des mots « des finances, etc. » est mis aux voix et
adopté ; le 8ème paragraphe ainsi amendé est adopté.
Article 87, paragraphe 9 (du projet de la section
centrale)
« 9° De la surveillance de tous les
employés salariés par la commune. »
- Adopté.
Article 87,
paragraphe additionnel (du projet de la section centrale)
M. Dubus, président.
- M. d’Hoffschmidt propose ici un paragraphe additionnel ainsi conçu :
« De faire réparer annuellement les
chemins vicinaux. »
M.
d'Hoffschmidt. - Peu de mots me suffiront pour développer l’amendement
que j’ai eu l’honneur de proposer. Vous avez sans doute remarqué que, parmi les
nombreuses dispositions de la loi, aucune n’a pour objet la réparation des
chemins vicinaux ; c’est cependant l’un des points les plus importants de
l’administration communale. Je crois qu’il est nécessaire de remplir cette
lacune ; si vous ne le faisiez pas, il en résulterait que lorsque les états
provinciaux feront des règlements pour l’entretien des chemins vicinaux, ce
serait à eux à décider quels agents en seront chargés. Je pense donc que vous
ne pouvez vous empêcher de mettre dans la loi une disposition sur cet objet ;
cela me paraît d’une évidence telle que je crois devoir m’abstenir de plus
longs développements à cet égard.
M. Desmet. - Je demande que la discussion de
l’amendement qui vient d’être présenté par l’honorable M. d’Hoffschmidt soit
ajournée jusqu’à ce que la section centrale ait présenté son rapport sur
l’amendement relatif aux chemins vicinaux qui a été renvoyé à son examen.
M. Dumortier, rapporteur. - Je regrette de
devoir combattre la proposition de l’honorable préopinant ; mais je crois que
nous n’avancerons pas si nous renvoyons toujours à la section centrale.
Assurément, s’il y avait nécessité à ce renvoi, je ne m’y opposerais pas ; mais
je pense que, quelle que soit la décision que vous prendrez relativement à la
direction des chemins vicinaux, il faudra toujours dire que le bourgmestre et
les échevins sont chargés de leur réparation. Ainsi dans tous les cas vous devez
admettre l’amendement de l’honorable M. d’Hoffschmidt. Je demande donc qu’il
soit mis aux voix, et je me prononce pour son adoption.
M. Legrelle. - J’appuie la proposition d’ajournement
faite par l’honorable M. Desmet au sujet de l’amendement en discussion ; car,
quoiqu’il nous ait été distribué hier, nous n’avons pas eu assez de temps pour
examiner les dispositions sur la matière. D’ailleurs il y a dans cet amendement
quelque chose qui m’effraie. Pourquoi dire : annuellement ? S’il n’est pas
nécessaire de réparer les chemins chaque année, pourquoi le mettre dans la loi
? Je crois que sous ce rapport il y a lieu à modifier la rédaction.
M. Pollénus.
- Je pense avec l’honorable rapporteur qui n’y a ni nécessité ni même utilité
au renvoi à la section centrale. On pourrait dire, à la rigueur, que l’objet de
l’amendement de M. d’Hoffschmidt se trouve dans le paragraphe 5 de l’article en
discussion portant : « De la direction des travaux communaux. »
Evidemment, cet amendement n’est que la conséquence de cette disposition
générale. Je m’oppose donc au renvoi comme n’ayant aucun but d’utilité.
- L’ajournement de l’amendement de M.
d’Hoffschmidt est mis aux voix : une première épreuve est douteuse ; l’épreuve
est renouvelée, l’ajournement est prononcé.
Article 87, paragraphe 10
(du projet de la section centrale)
« 10° Et, en général, de tout ce qui
concerne le bien-être et la sûreté des habitants.
« Il est en outre chargé des fonctions
spéciales qui lui sont conférées par la présente loi et les lois en
vigueur. »
M.
Pollénus. - Le premier alinéa de ce paragraphe me paraît tout à fait
inutile ; je pense donc qu’il faut le retrancher comme toutes les dispositions
qui portent ce caractère. Si on n’avait établi dans la loi que cette
disposition générale, elle aurait pu signifier quelque chose ; mais, après une
longue énumération d’attributions particulières, je ne sais ce que veut dire ce
précepte. Par ce motif, j’en propose la suppression.
M. Doignon. - Je demande aussi le retranchement
de cette disposition, ainsi que l’ont proposé plusieurs sections. Ce n’est pas
le collège de régence, c’est le conseil communal qui est chargé des règlements
concernant le bien-être des habitants. En prenant à la lettre les expressions
de l’article, le collège peut, dans tous les cas possibles, remplacer le
conseil communal ; et cependant c’est au conseil seul et à aucune autre
autorité qu’il appartient de régler tout ce qui est d’intérêt communal. Le
premier alinéa de ce paragraphe est plutôt un précepte qu’autre chose, et il
s’appliquerait mieux au conseil qu’au collège de régence. J’en demande la
suppression.
M. H. Dellafaille. - Je ne crois pas que ce
paragraphe donne lieu aux inconvénients qu’on a signalés ; il est clair qu’il
peut s’appliquer au conseil comme au collège, chacun devant agir dans ses
attributions. Cependant j’appuierai la suppression comme je l’ai fait dans le
sein de la section centrale, parce que ce paragraphe me paraît inutile et que
je pense qu’il ne faut rien mettre d’inutile dans une loi.
M. Dumortier, rapporteur. - Cette disposition
est en effet une niaiserie. Je ne pense pas qu’on doive la laisser dans la loi.
M. Pollénus. - Je demande la parole sur le
paragraphe suivant qui est ainsi conçu : « Il (le collège) est en outre
charge des fonctions spéciales qui lui sont conférées par la présente loi et
les lois en vigueur. »
Qu’arriverait-il, messieurs, si une loi future
voulait conférer d’autres fonctions au collège des bourgmestre et échevins ?
Elle ne le pourrait pas d’après cette disposition. Je ne vois aucun motif pour
limiter les fondions du collège à celles qui lui sont attribuées par les lois
existantes. Il y a donc lieu, ce me semble, à supprimer cette disposition comme
la précédente.
M.
Dumortier. - Tout à l’heure je partageais l’opinion de l’honorable
préopinant et je demandais, comme lui, la suppression du n°10 ; mais je dois
m’opposer à la suppression du dernier paragraphe. Il est toujours bon de
déclarer que le collège des bourgmestre et échevins
reste chargé des fonctions spéciales qui lui sont conférées par les lois en
vigueur. Si on supprimait cette disposition, il pourrait y avoir du doute à cet
égard ; on pourrait prétendre qu’il n’est investi que des fonctions qui lui
sont attribuées par la loi communale. Il est donc nécessaire de dire que les
fonctions attribuées au collège de régence par les lois en vigueur restent bien
et dûment conférées au collège des bourgmestre et échevins.
Quant à ce qu’il a dit des lois postérieures,
comme la loi parle au présent, dès qu’une loi sera en vigueur, elle sera
comprise dans cette disposition. Peu importe que cette loi soit antérieure ou
postérieure à celle que nous discutons.
M. Jullien. -
Je demande la suppression des deux derniers paragraphes de l’article. Pour le
premier nous sommes à peu près tous d’accord. Je ne vois pas la nécessité de
dire qu’en général une administration municipale est chargée de tout ce qui
concerne le bien-être des habitants. Il me semble que cela va de soi. Quand on
est administrateur d’une commune, ce n’est pas pour faire du mal. Il est
inutile d’insérer un pareil précepte dans la loi. Il semblerait qu’on doute de
la bonne volonté des administrateurs. De même, quand il y a des lois de police
qui veillent à la sûreté des habitants, et que l’administration est chargée de
l’exécution de ces lois, il est inutile de dire qu’en général l’administration
municipale devra veiller à la sûreté des habitants.
Quant au dernier paragraphe, j’en demande
également la suppression comme inutile. Il porte : Le collège est en outre
charge des fonctions spéciales qui lui sont conférées par la présente loi et
les lois en vigueur. »
Lorsque vous faites une loi qui dit que vous
êtes chargé de telles attributions spéciales, il est inutile de répéter que vous
êtes chargé des attributions qu’on vient de vous donner.
Mais dit l’honorable rapporteur, il pourrait
s’élever du doute si on ne disait pas que le collège est investi non seulement
des fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi, mais encore de
celles qui lui sont conférées par les lois en vigueur concernant les
administrations municipales. C’est ce motif qui le fait insister pour qu’au
moins la dernière partie du paragraphe soit maintenue.
Je demande qu’on le supprime comme
inutile, parce qu’il est un principe de droit que j’éviterai de vous dire en
latin, qui dit que les lois postérieures appartiennent aux lois antérieures, à
moins que ces lois ne soient formellement contraires.
D’après ce principe, toutes les fois qu’on ne
rencontre pas dans les lois antérieures quelque chose de contraire à la loi
nouvelle, elles sont de plein droit maintenues. Il est donc fort inutile de
dire que les administrations municipales se régleront d’après les lois en
vigueur, parce que les lois antérieures non abrogées existent de plein droit.
D’après ces considérations, je crois qu’on peut
sans difficulté supprimer les deux paragraphes dont il s’agit.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Messieurs, lorsque l’on compare l’art. 85 avec l’art. 95 du projet du
gouvernement, il est évident que l’on a voulu assurer au collège des
bourgmestre et échevins son intervention dans les cas où elle est spécialement
requise, nonobstant la disposition de l’article 95 qui charge le bourgmestre
seul de l’exécution des lois. C’est pour lever tout doute à cet égard que la
disposition fut insérée dans le projet du gouvernement. Mais si on examine le
projet de la section centrale, on voit qu’il y a double emploi, attendu que
article 101 porte la même disposition que l’art. 85.
L’art. 101 porte que le collège des bourgmestre et échevins est chargé de toutes les lois et
règlements, etc.
Ainsi on peut sans inconvénient supprimer le
dernier paragraphe de l’article que nous discutons.
M. Dumortier,
rapporteur. - M. le ministre de l’intérieur a fort bien fait sentir le
rapport qui existe entre l’art. 85 de la section centrale et l’art. 95 du
gouvernement. Mais l’honorable député de Bruges s’est trompé sur la portée de
la disposition, en prétendant qu’elle était relative aux lois et rien qu’aux
lois. Ce dont il s’agit ici c’est de savoir quelle autorité sera chargée de
l’exécution de ces lois. Or la loi que nous faisons constitue une nouvelle
autorité ; il faut que vous disiez que cette autorité reste investie de
l’exécution des lois antérieures, dont était chargée l’autorité qu’elle
remplace, si vous ne voulez pas qu’il s’élève des doutes à cet égard et qu’on
vienne prétendre que l’autorité que vous constituez n’est investie que des
fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi.
M. le ministre a dit que cette
disposition était bien en relation avec l’art.95 du gouvernement, mais qu’elle
était une répétition de l’art. 101 de la section centrale. Je consentirai bien
volontiers au retranchement proposé par M. Pollénus et appuyé par M. le
ministre, mais seulement si M. le ministre adhère à l’article 101 proposé par
la section centrale ; car si on n’adoptait pas l’art. 101 de la section
centrale, on retrancherait une garantie qui se trouve dans la loi. Je ne pense
pas que telle soit l’intention de M. le ministre. S’il n’adhérait pas à la
rédaction de l’article 101, je le prierais, de demander le maintien de la
disposition de l’art. 85, qui présente la même garantie.
M. le ministre de l'intérieur (M.
de Theux). - Je crois inutile la déclaration qu’on me demande, puisque
j’ai proposé l’ajournement de la disposition à l’art. 101. Seulement je ferai
observer que je me réserve de proposer, lors de la discussion de cet article,
tels amendements que je croirai utiles, mais ce ne sera pas sur le point dont
nous nous occupons.
M. Dumortier,
rapporteur. - Si M. le ministre ne propose que l’ajournement, je n’ai rien
à objecter.
M. Jullien. -
Je ne sais qui des deux, du député de Tournay ou de moi, se trompe ; mais
toujours est-il qu’il y en a un. Cet honorable membre prétend qui faut de toute
nécessité maintenir la dernière disposition de l’article, parce que, si on la
supprimait, il pourrait toujours s’élever des doutes sur la question de savoir
si les administrations municipales devront obéir aux lois anciennes non
abrogées et qui ne sont pas contraires à la loi actuelle. Moi, je pense que ce
doute ne peut exister nulle part que là où l’on n’a pas une connaissance
approfondie des lois. Vous n’entendez pas, par notre loi municipale, faire
table rase de toutes les lois antérieures qui
dirigent et qui dirigeront encore longtemps l’administration municipale
et toutes les administrations du pays, de la multitude de lois qui se
rattachent à celle que vous voulez faire, telles que les lois sur les hospices,
les établissements de bienfaisance, enfin sur tous les établissements publics
placés sous la surveillance de l’autorité locale ; vous ne voulez pas mettre
tout cela au néant par la loi dont vous vous occupez ? Eh bien, on suivra ce
précepte qu’une loi nouvelle n’abroge rien, à moins qu’elle ne contienne une
disposition formelle ou un principe contraire à celui déclaré dans des lois
antérieures, parce que de droit les lois postérieures appartiennent aux lois
antérieures.
La crainte manifestée par M. le rapporteur
pourrait jeter de l’inquiétude sur l’exécution de toutes les lois que vous avez
faites, car jusqu’ici on ne s’était pas douté que les lois anciennes pussent
être considérées comme abrogées par les nouvelles. Et on ne se fait pas faute
d’en faire tous les jours, lorsqu’il y a des lois existantes qui valent
infiniment mieux que celles qu’on nous propose.
Si vous
adoptez la proposition de la section centrale, on prétendra qu’il faut une
disposition particulière pour que les lois nouvelles n’abrogent pas les lois
anciennes ; et on mettra en doute l’existence de celles à l’égard desquelles il
n’aura rien été stipulé, quoiqu’elles ne soient en rien contraires à ces
nouvelles lois.
D’après ces considérations, il n’y a pas à
hésiter à supprimer tout le paragraphe.
M. Dumortier,
rapporteur. - Je crois que l’honorable préopinant confond deux choses,
l’existence des lois et la manière de les exécuter. Il est vrai que je n’ai pas
une connaissance approfondie des lois. Mais si j’avais eu comme lui cette
connaissance, et que j’eusse fait partie de la commission chargée de préparer
la loi, je me serais opposé à ce qu’elle y insérât un non-sens.
Mais, messieurs, il ne s’agit par ici de savoir
si les lois existantes seront rapportées par la loi actuelle, mais si cette loi
donnera à l’autorité communale, qu’elle institue, les attributions de
l’autorité communale d’autrefois, si (un exemple fera peut-être mieux saisir ma
pensée) le collège des bourgmestre et échevins continuera à être chargé de
l’exécution de la liste électorale, en ce qui concerne la formation et la
publication des listes électorales.
Et, bien, voyez, messieurs, quelle est la
portée de la proposition que fait l’honorable député de Bruges, ancien membre
de la commission chargée de la rédaction du projet de loi communale. L’article
95 du projet du gouvernement porte que « le bourgmestre agit seul et comme
agent du gouvernement pour tout ce qui a rapport à la publication et à
l’exécution, dans la commune, des lois, des règlements et des mesures
d’administration générale. »
La disposition en discussion portait une
restriction à celle de 95. Je suppose maintenant que vous la supprimiez,
qu’arrivera-t-il ? que le bourgmestre sera seul chargé
de l’exécution des mesures relatives. Voilà évidemment ce qui arrivera si vous
admettez la suppression demandée par l’honorable député de Bruges. Encore une
fois, je le confesse, je ne suis pas très versé dans la législation. Je crois
cependant pouvoir dire qu’il est impossible de supprimer le dernier alinéa du
paragraphe en discussion. Maintenez-le ici ou à l’art. 101, peu importe. Je
consens donc à l’ajournement demandé par M. le ministre. Mais s’il s’agit de
suppression, je m’y oppose.
M. Eloy de
Burdinne. - Aux voix l’ajournement !
- Le 1er alinéa du 10ème paragraphe est mis aux
voix : il n’est pas adopté ; en conséquence cet aliéna est supprimé.
L’ajournement du 2, alinéa du 10ème paragraphe
est mis aux voix et adopté.
Article 88 (du projet de la section centrale)
M. Dubus, président.
- Des dispositions de l’art. 87 ayant été ajournées, la chambre ne peut voter
sur l’ensemble de cet article. Nous passons à l’art. 88 de la section centrale
auquel le gouvernement se rallie ; il est ainsi conçu :
« Art. 88 (projet de la section centrale).
En cas d’attroupements hostiles ou d’atteintes graves portées à la paix
publique, lorsque le moindre retard pourrait occasionner des dangers ou des
dommages pour les habitants, le bourgmestre et les échevins pourront faire
publier des règlements et ordonnances de police, à charge d’en donner
sur-le-champ communication au conseil et d’en envoyer immédiatement copie au
gouverneur, en y joignant les motifs pour lesquels ils ont cru devoir se
dispenser de recourir au conseil.
« Néanmoins l’exécution pourra être
suspendue par le gouverneur. »
M. le
ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai l’honneur de proposer
deux amendements sur cet article. Le premier tend à ajouter après ces mots du
projet : « En cas d’émeute, d’attroupements hostiles, ou d’atteintes
graves portées à la paix publique, » ceux-ci « ou d’autres événements
imprévus. » J’ai pensé que ces expressions plus générales étaient
nécessaires ; ce n’est pas, en effet, seulement quand la paix publique est
troublée, que le bourgmestre et les échevins doivent avoir des pouvoirs
extraordinaires ; il doit également les avoir dans les cas d’événements
calamiteux tels qu’une inondation, un incendie ou tout autre accident analogue.
En
deuxième lieu, je propose un paragraphe additionnel dont j’ai déjà entretenu la
chambre. Hier, la chambre a décidé que, dans aucun cas, le collège de régence
ne peut délibérer si la moitié de ses membres n’est présente. Je pense qu’il
est des cas où il faut une dérogation à cette règle générale. Voici en
conséquence mon amendement :
« Dans les cas mentionnés au présent article,
le collège des bourgmestre et échevins pourra délibérer, quel que soit le
nombre des membres présents. En cas de partage, la voix du bourgmestre sera prépondérante. »
Je crois cette disposition nécessaire pour que
le bourgmestre et les échevins aient le moyen de sauver la commune d’accidents
très fâcheux.
M. Dumortier,
rapporteur. - Vous avez pu remarquer que nous avons fait du chemin
depuis hier. Car maintenant M. le ministre se rallie au projet de la section
centrale ; nous sommes donc à moitié d’accord.
Quant à l’amendement consistant dans l’addition
des mots : « ou d’autres événements graves, » je ferai remarquer qu’il
tend à donner un pouvoir dictatorial au bourgmestre ; ce à quoi nous ne devons
consentir dans aucun cas. Je repousse donc cet amendement de toutes mes forces.
En effet, tout ce qui n’a pas été porté au budget, tout ce qui n’a pas été
prévu antérieurement, forme un événement imprévu. Vous comprenez qu’une telle
rédaction donnerait un pouvoir exorbitant au bourgmestre et le chargerait
exclusivement de l’administration de la commune.
Je dois croire que M. le ministre n’a pas bien
compris la portée de l’article en discussion. Car de quoi s’agit-il ici ?
Est-ce de prendre des mesures momentanées et d’urgence ? Non. Il s’agit
uniquement ici des règlements et ordonnances de police. Or, je demande si à
chaque événement qui n’a pas été prévu, et qui survient dans la commune, il
faut que le bourgmestre ait le droit de faire des règlements, de rendre des
ordonnances de police ? Non sans doute. S’il s’agissait ici de mesures
d’action, je comprendrais l’addition que vous proposez ; je ne la comprends pas
dans un article qui, je le répète, n’a rapport qu’aux règlements. Le
bourgmestre ne doit pas être investi du droit d’en faire ; ce droit
n’appartient qu’au conseil communal.
Je crois que si M. le ministre avait
bien compris la portée de l’article, il n’aurait pas présenté son amendement.
Dans tous les cas je combats cet amendement, attendu qu’il tend à donner au
bourgmestre un pouvoir dictatorial.
Je ne puis accorder le pouvoir dictatorial dans
tous les cas. Il en est sans doute où il faut investir le bourgmestre de
pouvoirs étendus, c’est lorsque la tranquillité publique peut être menacée ;
mais un tel pouvoir doit se restreindre là ; la dictature ne saurait être
conférée dans tous les cas non prévus ; car, sous le prétexte que le plus
simple événement était imprévu, le bourgmestre absorberait tous les pouvoirs et
se transformerait en dictateur.
M. Jullien. -
J’appuie l’amendement de M. le ministre dé l’intérieur, et je crois que c’est
le député de Tournay qui n’a pas bien compris l’article en discussion. Voici,
en effet, comment le ministre propose de lire l’art. 88 : « En cas
d’émeute, d’attroupements hostiles ou d’atteintes graves portées à la paix
publique, et autres événements imprévus, lorsque le moindre retard pourrait
occasionner des dangers ou des dommages pour les habitants. » L’honorable
député n’a pas fait attention que ces événements imprévus sont ceux qui peuvent
occasionner des dangers ou des dommages aux habitants, et non des événements
imprévus quelconques.
Il est bien certain que l’amendement du
ministre est restreint dans certains cas. Il peut exister d’autres événements
imprévus que ceux qui occasionnent des dangers ou des dommages ; mais le
ministre ne les a point en vue. Je crois que l’on doit adopte son amendement si
l’on veut compléter le sens de l’art. 88.
Je n’approuve pas la seconde partie de la
proposition ministérielle : M. le ministre de l’intérieur veut que les membres
du conseil municipal puissent délibérer, faire des règlements et ordonnances, quel
que soit le nombre de ceux qui sont présents.
Je
crois qu’il faut laisser subsister la disposition de l’article précédent,
c’est-à-dire, maintenir le principe général, que le conseil municipal ne peut
délibérer que lorsque les membres du conseil municipal, ou du conseil de
régence, sont en majorité. Autrement, le bourgmestre, ou un échevin, ou un
membre du conseil, pourrait tout seul faire un règlement, une ordonnance. Il
vaut mieux dans un cas urgent laisser au bourgmestre ou à l’échevin le pouvoir de
prendre, sous sa responsabilité, les mesures qu’il croit nécessaires.
J’adopte donc la première partie de
l’amendement, et je rejette la seconde.
M. le ministre
des affaires étrangères (M. de Muelenaere).. - Les observations
présentées par l’honorable préopinant pourraient me dispenser de prendre la
parole ; toutefois, je ferai observer à la chambre qu’il est de toute nécessité
d’inscrire dans l’art. 88 la proposition faite par M. le ministre de
l’intérieur. Que veut-on ? On veut conserver au collège du bourgmestre et des
échevins le droit de publier des ordonnances de police lorsqu’il se présente
des événements imprévus de nature à porter dommage aux habitants. La section
centrale, adhérant à cette proposition faite par le gouvernement, a voulu
énumérer les circonstances, et elle a dit : « En cas d’attroupements
hostiles on d’atteintes graves portées à la paix publique. »
Mais il
est une foule d’autres circonstances où il est urgent de publier des règlements
de police : les cas d’incendie, d’inondation, par exemple. Dans les Flandres,
chaque fois que le danger de rupture des dignes se présente, à l’instant même
on publie les ordonnances au son des cloches ; presque tous les habitants sont
alors obligés de remplir certains devoirs. C’est surtout pour les cas
d’incendie et d’inondation que l’amendement est utile.
M. Dumortier,
rapporteur. - J’ai déjà dit que les honorables membres ne comprenaient
pas l’article, et il est facile de le démontrer. Il est question de donner ici,
non pas le droit de prendre des mesures dans les cas imprévus, non pas le droit
de publier les règlements existants, mais bien de faire des règlements
nouveaux. L’article le dit clairement ; lisez-le : « Le bourgmestre et les
échevins pourront faire publier des règlements et ordonnances de police, à
charge d’en envoyer immédiatement copie au gouverneur. » On ne peut
entendre ces expressions que pour de nouveaux règlements. Or, est-il nécessaire
d’investir le collège de ce pouvoir, dans tous les cas d’événements imprévus ?
Non, sans doute ; et il faut bien s’en garder.
Mais, dit-on, il s’agit d’événements imprévus
qui peuvent causer dommage ou danger. Messieurs, avec un pareil argument on va
loin, et on donne au collège le pouvoir de faire des règlements en toute
circonstance. Par exemple, une réunion a lieu pour faire une pétition :
personne ne s’en doutait la veille ; le bourgmestre et les échevins diront :
Voilà un événement imprévu ; voilà un événement qui peut occasionner du tumulte
dans la commune, et ils feront une ordonnance.
M. Fleussu. -
La constitution est là !
M. Dumortier,
rapporteur. - La constitution est là ! Mais on violera la constitution
; on la viole depuis longtemps ; elle n’est plus ce qu’elle aurait dû être. (Mouvement dans l’assemblée.)
Il est impossible d’admettre la
proposition que fait le ministre de l’intérieur, sans donner au bourgmestre et
aux échevins le pouvoir dictatorial. Je vous le répète, il ne s’agit pas de lui
conférer le pouvoir de publier des ordonnances existantes, de prendre des
mesures momentanément, mais de publier des ordonnances et des règlements
nouveaux.
Qu’il y ait un incendie, est-ce là le moment
pour le bourgmestre de s’asseoir dans son cabinet et de rédiger une ordonnance
en 25 articles ? Alors on agit, on prend des mesures et on ne libelle pas des
règlements.
La disposition du ministre de l’intérieur
introduirait une tyrannie insupportable dans la commune. Nous devons l’écarter.
M. le
ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois que chacun de nous,
ayant compris la portée de l’article, sent la nécessité de lui donner
l’extension que j’ai proposée. S’il est permis de se montrer ombrageux
relativement aux abus de pouvoirs, il est cependant indispensable de conserver
aux bourgmestre et échevins des droits qui les mettent à même de sauver la
commune en cas d’événements graves. Ce dernier principe, qui a pour base le
salut de tous, en vaut bien un autre.
On dit
que dans ces cas le bourgmestre agit d’office et en dehors de la loi, sous sa
responsabilité ; quant à moi, je préfère consacrer le pouvoir de ce magistrat
par une disposition légale. Il vaut mieux déléguer à un fonctionnaire public les
pouvoirs nécessaires que de l’abandonner à lui-même.
La dernière partie de l’amendement est conforme
à tous les règlements existants. Quand le bourgmestre et les échevins sont
assemblés, ils peuvent déclarer l’urgence ; dans ce cas ils délibèrent, et le bourgmestre
a voix prépondérante ; dans les cas contraires, le bourgmestre et les échevins
ne le font que s’il y a accord entre eux. Nous pouvons maintenir cette
disposition, qui jusqu’ici, en produisant beaucoup de bien, n’a occasionné
aucun mal.
M. le ministre
des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Si un honorable membre et
moi avons émis l’opinion de donner au bourgmestre et aux échevins le droit de
publier les ordonnances de police dans certains cas, c’est la section centrale
qui nous a suggéré cette idée. On lit, en effet, dans la rédaction qu’elle a
présentée de l’art. 88 : « Le bourgmestre et les échevins pourront faire
publier des règlements et ordonnances de police, à change d’en donner sur-le-
champ communication au conseil et d’en envoyer copie au gouverneur... »
Il ne suffit pas de donner le droit de publier
les règlements existants ; il faut encore conférer le pouvoir d’en faire de
nouveaux, Il ne s’agit pas ici d’ordonnances en 25 articles, mais de règlements
de simple police, commandés par la circonstance ; et c’est l’évidente nécessité
de semblables règlements, en certains cas, qui exige l’adoption de
l’amendement.
Le mot imprévus, limité par ce qui précède et
par ce qui suit dans la rédaction de l’article, ne peut avoir la même
signification qu’on lui donne dans le budget des finances lorsqu’on y parle de
dépenses imprévues ; je ne pense pas que personne ait pu interpréter l’art. 88
dans un sens aussi large.
M. Trentesaux.
- Si l’on ajoute dans l’amendement de M. le ministre de l’intérieur, à
l’expression imprévus,
celle de subits, tout le monde sera
d’accord.
M. Dubus, président.
- Je vais d’abord mettre le sous-amendement aux voix.
- Le sous-amendement de M. Trentesaux est mis
aux voix et rejeté.
M. le président.
- L’amendement de M le ministre de l’intérieur consiste à ajouter ces mots ou d’autres événements imprévus.
- Cet amendement est adopté.
M. Dubus, président.
- Le second amendement est conçu en ces termes :
« Dans les cas mentionnés au présent
article, le collège des bourgmestre et échevins pourra délibérer, quel que soit
le nombre des membres présents. En cas de partage, la voix du bourgmestre est
prépondérante. »
- Cet amendement est mis aux voix et adopté.
M. Dubus, président.
- Je vais mettre aux voix l’ensemble de l’art. 88.
- L’article 88 est adopté.
Article 89 (du projet de la section centrale)
M. Dubus, président.
- On passe à la discussion de l’art. 89 :
« Art. 89. Le bourgmestre, ou un des
échevins désigné à cet effet par le bourgmestre, est particulièrement chargé de
faire observer exactement tout ce qui concerne les actes et la tenue des
registres de l’état-civil.
« Il peut avoir à cet effet sous ses
ordres, et suivant les besoins du service, un on plusieurs employés salariés
par la commune qu’il nomme et congédie, sans en référer au conseil, qui doit
toujours déterminer le nombre et le salaire desdits employés. »
M. Doignon. -
Messieurs, j’aurais préféré l’article du gouvernement en ce qu’il exige qu’on
en réfère au conseil pour congédier le commis ou l’employé à l’état civil.
Ce n’est point sous le régime d’une
constitution libérale qui attribue l’administration de la commune à un corps
composé de ses élus, qu’on peut admettre que la volonté ou le caprice seul de
ses membres, tel que le bourgmestre ou un échevin, puisse suffire pour
congédier un employé qui est au premier rang dans les bureaux de
l’administration locale. Dans la commune comme ailleurs, il faut empêcher qu’on
ne puisse faire de l’absolutisme.
Rien ne justifie le projet de la section
centrale, donnant un pouvoir aussi extraordinaire au bourgmestre ou à l’échevin
qui le remplace, sans devoir en référer au conseil. C’est pour les campagnes
une innovation dont la nécessite n’est point établie. Pourquoi ne pas s’en
tenir à la disposition de l’article 74 du règlement, puisque l’expérience a
prouvé jusqu’ici qu’elle est suffisante ? Les bourgmestre et assesseurs, dit
cet article, ont la surveillance de tous les fonctionnaires et employés
communaux : dans le cas où ceux nommés par l’administration locale se
rendraient coupables de négligence ou de retard dans le service, le bourgmestre
et les assesseurs, avec le consentement du conseil municipal, ont le droit de
les suspendre de leurs fonctions pour un terme qui ne pourra dépasser six semaines.
Puisque le magistrat chargé de l’état-civil est
responsable, ou ne peut douter qu’en donnant à connaître au conseil que
l’employé n’a pas sa confiance sans même en déduire les motifs, ce corps ne
s’opposera jamais à ce qu’il le congédie. Si au contraire le conseil se
montrait ridicule au point de le forcer à tenir quelqu’un qui n’a pas sa
confiance, ce qui est, je crois, sans exemple jusqu’aujourd’hui, dans un cas
aussi extraordinaire et pour lequel, nous le répétons, on ne fait point de loi,
ce bourgmestre ou cet échevin ne pourrait être tenu à continuer malgré lui les
fonctions d’officier d’état-civil ; il s’en démettrait et elles passeraient à
un autre membre du collège.
La responsabilité n’est donc pas une raison
suffisante pour rendre ce emploi tellement précaire qu’il dépendrait de la
volonté d’un seul de l’ôter et bientôt de le donner. Le sort de ces employés
serait plus incertain et plus précaire que celui de tous les autres commis de
l’administration.
Mais ce qui rend encore cet art. 109 de la
section centrale tout à fait inadmissible pour les campagnes et plusieurs
villes, c’est que partout le secrétaire communal qui tient les registres de
l’état-civil ; le peu de ressources de toutes ces localités ne permet pas de
confier à une autre personne la tenue des registres de l’état-civil. Dans
toutes ces communes, le secrétaire n’a qu’un seul traitement, et pour les
affaires de l’administration et pour la rédaction et transcription des actes de
l’état-civil. Conséquemment, d’après le système de la section centrale, un seul
membre de l’administration, soit le bourgmestre ou un échevin, serait toujours
le maître de révoquer le secrétaire sans en référer au conseil. Puisqu’il n’y a
qu’une seule et même personne qui puisse y exercer les deux emplois, en
révoquant l’un, on révoque nécessairement l’autre. Or, nous ne pouvons
permettre, et la section centrale ne le veut pas plus que nous, que la
révocation du secrétaire communal puisse dépendre d’un seul membre : elle nous
propose elle-même, à son art. 105, de donner au conseil de régence la
révocation comme la nomination du secrétaire. Si donc la section centrale veut
demeurer d’accord avec elle-même elle doit nécessairement admettre, comme nous
le demandons, l’intervention du conseil au cas actuel. Je demande donc qu’on
substitue aux mots ; sans en référer au
conseil, ceux proposés par le gouvernement lui-même : après en avoir référé au conseil et de son consentement.
Mais on ne voit pas qu’en autorisant le
bourgmestre à remettre à un employé la rédaction et la tenue des actes de
l’état-civil, on diminue dans le fait sa responsabilité. Lorsque des
irrégularités ou omissions graves sont commises, on voit ordinairement le
membre de l’administration chargé de l’état-civil s’excuser en rejetant la
faute sur les secrétaires. Cette excuse semble devoir être d’autant mieux
accueillie par les tribunaux que la loi permet en effet à ce fonctionnaire de
faire faire la besogne par un employé salarié a cet effet. Il serait à désirer
qu’on pût rendre ce dernier conjointement et solidairement responsable avec le
membre de l’administration désigné pour la tenue des registres de l’état civil
; mais les secrétaires ne peuvent obtenir dans les communes rurales qu’un
traitement tellement modique, qu’on ne pourrait, sans inconvénient, faire peser
sur eux une si forte responsabilité.
Un abus très fréquent en cette
matière, c’est de ne point faire signer les actes par toutes les parties et
témoins à l’instant même de leur passation, ou bien de les faire signer en
blanc ; et cela vient de ce que beaucoup de secrétaires ne les rédigent
qu’après coup. Cet abus peut compromettre de la manière la plus sérieuse l’état
des familles.
M. Fleussu. -
Lorsque j’ai demandé la parole, ce n’était point pour présenter des
observations sur ce qui touche l’amendement de l’honorable préopinant.
Cependant je dois dire que je ne puis partager son opinion. Il est évident que
les employés de l’état-civil occupent tous des places de confiance, et vous
savez, messieurs, qu’il y a des peines comminées contre les officiers de
l’état-civil pour perte de temps ou de simples oublis de formalités.
Il me semble que puisque les officiers de
l’état-civil assument une responsabilisé aussi grande, il faut leur laisser le
choix de leurs employés. Voilà ce que j’ai à dire relativement à l’amendement
présenté par l’honorable M. Doignon.
Mais si j’ai demande la parole, c’est que je
voulais faire remarquer à la chambre une lacune qui me semblait exister dans le
texte de l’article en discussion ; il ne m’a pas paru qu’il rendait exactement
l’idée qu’avaient eue en vue le gouvernement et la section centrale. Si j’ai
bien compris le rapport explicatif du projet, on a voulu que les bourgmestres
fussent nommés en même temps officiers de l’état-civil, saut à leur laisser la
faculté de déléguer un échevin pour cette partie de leurs fonctions. C’est ce
qui se pratiquait sons l’empire. Mais le texte de l’article que j’ai sous les
yeux ne rend pas clairement cette idée. Or, comme c’est le texte de la loi et l’intention
du législateur qui servent de ligne de conduite, j’ai cru devoir attirer
l’attention de la chambre sur une modification que me semble nécessiter
l’article, attendu qu’il règle les devoirs du bourgmestre et des échevins d’une
manière telle qu’il n’y a plus aucune espèce de surveillance légale sur
l’état-civil. Voici comment cet article est conçu :
« Le bourgmestre, ou un des échevins
désigné à cet effet par le bourgmestre, est particulièrement chargé de faire
observer exactement tout ce qui concerne les actes et la tenue des registres de
l’état-civil.
« Il peut avoir à cet effet sous ses
ordres, et suivant les besoins du service, un on plusieurs employés salariés
par la commune qu’il nomme et congédie, sans en référer au conseil, qui doit
toujours déterminer le nombre et le salaire desdits employés. »
Si l’on compare cette disposition avec l’art.
109 de la constitution, on pourrait en inférer que les fonctions des
bourgmestre et échevins se réduisent à un simple office de surveillance sur la
tenue des registres de l’état-civil, et qu’il suffit qu’un membre de l’autorité
locale se charge de cette partie du service municipal.
L’art. 109 de la constitution porte :
« La rédaction des actes de l’état-civil
et la tenue des registres sont exclusivement dans les attributions des
autorités communales. »
Maintenant rapprochez de cet article l’art. 89
actuellement en discussion, vous pourrez en tirer le raisonnement assez fondé
que l’office du bourgmestre ou de l’un des échevins se réduit simplement à la
surveillance des actes de l’état-civil. C’est ce que n’ont voulu ni le
gouvernement ni la section centrale. Le rapport de celle-ci prouve assez que
telle n’a pas été sa pensée.
Il me semble, messieurs, que les fonctions
d’officier de l’état-civil sont assez importantes pour que l’échevin qui en est
chargé soit spécialement désigné et reçoive son mandat de la loi elle-même. Il
y a nécessité qu’il soit statué dans la loi actuelle particulièrement a cet
égard.
Vous le savez, messieurs, des peines sont
comminées d’après la législation actuelle contre l’officier de l’état-civil qui
aurait commis des inexactitudes, ou des irrégularités, ou qui ne se serait pas
conformé aux délais voulus. Ces dispositions sont contenues dans les art. 50, 192 du code civil. Or, si vous voulez que ces
peines puissent atteindre quelqu’un dans l’autorité communale, chaque fois que
leur application en sera trouvée nécessaire, il faut que l’officier civil soit
désigné spécialement par la loi.
Il ne faut pas que le collège des bourgmestre
et échevins soit chargé collectivement de la tenue des registres, il faut que
la loi puisse atteindre un individu. Sous l’empire, par les décrets, sous le
gouvernement précédent, par les règlements du plat pays, le maire ou le
bourgmestre était spécialement désigné comme officier de l’état-civil. Il
pouvait déléguer un échevin pour remplir les fonctions que cette qualité lui
imposait. Il est toujours nécessaire que cette faculté de délégation lui soit accordée, parce qu’il est souvent dans
le cas de s’absenter et de vaquer à d’autres occupations. J’admets donc
également cette délégation dont je reconnais l’utilité. Mais je voudrais que
l’article 89 fût rédigé de la manière suivante :
« Les actes de l’état-civil sont tenus et
les extraits en sont délivrés par le bourgmestre ou par l’un des échevins
spécialement désigné par lui à cet effet. Il doit en outre veiller à l’exacte
observation de tout ce qui concerne ces actes et à la tenue des registres
voulus par la loi. » (Suivrait alors le deuxième paragraphe de l’article.)
M. H.
Dellafaille. - Messieurs, il est évident que l’officier de l’état-civil
est personnellement responsable même des négligences commises par ses agents.
C’est dans ce sens que des jugements ont été portés en plusieurs circonstances,
entre autres dernièrement contre l’échevin d’une grande ville. Il est juste que
la loi qui fait peser sur lui une si entière responsabilité, lui accorde
également une autorité illimitée sur les agents qu’il emploie. Il entre aussi
peu dans les règles de l’équité de lui imposer ses agents que de désigner un
caissier à un receveur communal.
L’honorable M. Doignon dit que
l’article en discussion n’est pas applicable aux campagnes, qu’autrement il
faudrait insérer dans la loi que le secrétaire communal peut être destitué par
l’officier de l’état-civil. Une simple lecture du rapport de la section
centrale aurait prouvé à cet honorable membre qu’il ne peut être question que
des employés spécialement attachés à la tenue des registres de l’état-civil.
Les raisonnements qu’il a donné, pour démontrer que le secrétaire communal ne
doit pas être révocable par l’officier de l’état-civil viennent donc à tomber
d’eux-mêmes.
M. Jullien. -
La question qui vous est soumise sur la nomination de l’officier et des
employés du bureau de l’état-civil a été aussi agitée dans le sein de la
commission chargée par le Roi de la rédaction d’un projet de loi communale. On
disait aussi d’un côté : puisque c’est l’officier de l’état-civil qui est
personnellement responsable de toutes les négligences ou omissions qui peuvent
se rencontrer dans la tenue des registres de l’état-civil, il faut bien qu’il
ait le droit illimité de nommer l’employé ou les employés dont il aura besoin.
On répondait à cet argument : il est de principe que tout employé de la régence
soit nommé par le conseil communal. C’est un principe consacré par la loi. Y
a-t-il une raison assez puissante pour que l’on s’en départe en faveur de
l’officier de l’état-civil ? Il est nécessaire dit-on, qu’il ait un homme de
confiance. Aussi le projet reconnaissant cette nécessité accorde à l’officier
de l’état-civil la nomination de l’employé qu’il désire. Mais, pour concilier
cette concession avec les principes de la loi communale, il lui est imposé d’en
référer au conseil pour cette nomination. Telle était la réponse donnée dans le
sein de la commission de rédaction.
La question est donc bien simple. On ne refuse
pas à l’officier de l’état civil la nomination de ses employés. Mais il s’agit
de savoir s’il en référera au conseil pour ces nominations, pour la
détermination du nombre et pour leur destitution. Le projet du gouvernement
porte : Il nomme et congédie ses employés après en avoir référé au conseil de régence.
La section centrale repousse cette obligation et accorde à l’officier de
l’état-civil la faculté de nommer et de congédier ses employés sans en référer
au conseil. Je soutiens que cette dernière rédaction porte atteinte aux droits
du conseil municipal. Car l’officier de l’état-civil pourra, en vertu de cette
faveur exceptionnelle, faire la loi au conseil comme bon lui semblera. Tantôt
il dira au conseil qu’il a besoin de trois employés et le forcera ainsi à des
dépenses qu’il n’aurait point faites. Tantôt un employé sera excellent mais il
aura déplu a l’officier de l’état-civil, et celui-ci
congédiera un subalterne utile et laborieux pour faire place à un individu qui
n’aura à le remplacer d’autre titre que sa protection. On ne peut adopter un
pareil système. Si au moins l’employé congédié du bureau de l’état-civil
continuait à faire partie des employés de la commune, le mal ne serait pas
grand. Mais la destitution sera définitive. Il est très possible que s’il n’est
pas obligé d’en référer au conseil, l’officier de l’état-civil congédie un
employé dans un but de favoritisme, de népotisme. De pareils abus ne sont
jamais à craindre de la part d’une assemblée, d’un conseil communal.
La tenue des registres de l’état-civil est
confiée à l’administration municipale. On demande sur qui tombera la
responsabilité des négligences dans la tenue de ces registres. La question est
facile à résoudre. Chaque membre du collège de régence est personnellement
responsable de ses actes. Il me semble donc, messieurs, que les inconvénients
signalés dans le projet du gouvernement n’existent pas. L’article tel qu’il s’y
trouve rédigé, ménage à la fois et les intérêts des employés de la commune et
les droits du conseil municipal. Je pense donc que cette rédaction est la
meilleure et la seule que la chambre doive adopter.
Je répondrai aux observations faites par
l’honorable M. Fleussu. L’art.
86 du projet du gouvernement remplit le but qu’il veut atteindre. Cet honorable
membre désire que la loi charge spécialement un membre du collège municipal de
la tenue des registres de l’état-civil. La loi y a pourvu. Il n’est guère
possible de parler plus clairement que ne le fait l’article 89 :
« Le bourgmestre, ou un des échevins
désigné à cet effet par le bourgmestre, est particulièrement chargé, en se
conformant aux lois sur la matière, de faire observer exactement tout ce qui
concerne les actes et la tenue des registres de l’état-civil. Il peut avoir à
cet effet, sous ses ordres et suivant les besoins du service, un ou plusieurs
employés salariés par la commune qu’il nomme et congédie après en avoir référé
au conseil, qui doit toujours déterminer le nombre et le salaire desdits
employés. »
Quelle
est la personne spécialement chargée de la tenue des registres de l’état-civil
? La loi dit que c’est le bourgmestre, mais comme ce fonctionnaire ne peut pas
s’occuper exclusivement de cette partie de ses devoirs, il l’a déléguée à l’un
des échevins. Croyez-vous maintenant qu’il faille bouleverser un article
mûrement pesé et examiné par l’introduction d’un amendement à la discussion
duquel nous passerons peut-être une heure avant de nous entendre ?
Je me résume et conclus pour l’adoption de
l’article présenté par le gouvernement. Dans tous les cas, que la chambre le
rejette et accorde la préférence à l’article de la section centrale, le but de
l’amendement de M. Fleussu se trouvera atteint, sans que l’adoption en soit
nécessaire.
M. le ministre
des affaires étrangères (M. de Muelenaere).. - Je ne pense pas qu’il
puisse s’élever une objection sérieuse contre la rédaction présentée par
l’honorable M. Fleussu. D’après
l’article en discussion le bourgmestre ou l’un des échevins est
particulièrement chargé de faire observer ce qui concerne les actes de
l’état-civil. Ces mots, tels qu’ils sont insérés dans la loi me paraissent trop
vagues.
Je crois qu’il est utile d’y désigner
spécialement la personne chargée de recevoir les actes de l’état-civil et la
personne chargée d’en délivrer des expéditions. C’est dans ce but que l’honorable
M. Fleussu a rédigé son amendement, qui est conçu dans un sens légal, et je lui
donne la préférence sur la disposition du gouvernement et sur celle de la
section centrale.
Suivant moi l’observation faite par l’honorable
M. Doignon se rapporte à ceci : la section centrale propose de conférer à
l’officier de l’état-civil le droit de nommer et de révoquer les employés sous
ses ordres sans en référer au conseil communal. Le projet du gouvernement
accorde bien le même droit de nomination et de révocation à l’officier de
l’état-civil ; mais il veut que cet officier en réfère pour cet objet au
conseil. Voici toute la différence. Au reste il est, me semble-t-il, assez
indifférent que l’on adopte l’une ou l’autre de ces rédactions. La chambre
décidera sur ce point.
Je dois faire remarquer à l’assemblée que les
fonctions de l’état-civil sont de la plus haute importance. Non seulement la
loi prononce une foule de peines pour négligences, inexactitude, ou
irrégularités commises dans la tenue des registres. Mais il pèse en outre une
immense responsabilité sur les membres du corps communal spécialement chargé de
ce service. Aux termes de l’art. 51 du code civil, il est civilement
responsable de toutes les altérations survenues dans les registres. Ces
fonctions me paraissent tellement délicates, et pouvant donner lieu à des
graves résultats, que jamais, moi, je ne consentirais à les accepter, à moins
que je n’eusse placé une entière confiance dans la capacité, dans la probité et
dans l’exactitude de l’employé chargé sous mes ordre de tous les détails de
l’état-civil. C’est sous ce rapport, c’est dans l’intérêt même de la tenue des
registres de l’état-civil, qu’il me semble qu’il y a lieu de se départir de la
règle générale adoptée pour la nomination des employés de la commune, et de
permettre que l’employé de l’officier de l’état-civil, au lieu d’être nommé ou
révoqué par le conseil, reçoive sa nomination ou sa destitution directement de
l’officier de l’état-civil. Il est évident que ce dernier ne peut accepter
l’immense responsabilité qui pèse sur ses actes, si l’employé qui les rédige
n’a pas son entière confiance.
Passant à une autre observation faite par
l’honorable M. Doignon, je lui ferai remarquer qu’il ne s’agit pas ici du
secrétaire communal. Il est évident que l’article n’est relatif qu’à l’employé
spécial de l’état-civil. Le secrétaire communal n’est pas nommé par l’officier
de l’état-civil. Si dans certaines commune, le secrétaire est chargé du travail
qui résulte de la tenue des registres, évidemment l’officier de l’état-civil ne
pourrait le priver de ses fonctions de secrétaire communal, place qu’il
tiendrait du conseil et que pourrait seulement lui retirer le pouvoir qui
l’aurait nommé.
L’honorable M. Jullien a fait une observation
fort juste. Il ne doit pas dépendre de l’employé de l’état-civil de nommer
autant d’employés qu’il le jugera convenable...
Plusieurs voix. - Le projet de loi prévient cet abus.
M. le ministre
des affaires étrangères (M. de Muelenaere).. - C’est juste. Il serait à
désirer, je pense, que l’on combinât les deux articles pour n’en faire qu’un
seul.
Il me semble donc maintenant, messieurs, que la
question n’en est plus une. L’officier de l’état-civil nommera les employés
sous ses ordres et pourra les révoquer. Seulement le conseil en réglera le
nombre et déterminera leur salaire. Si dans les petites communes le secrétaire
est aussi employé de l’officier de l’état-civil et que celui-ci ait à s’en
plaindre, il pourra lui retirer ses fonctions spéciales, ce qui n’emportera pas
le retrait des fonctions de secrétaire communal.
M. Dubus, président. - M. Dumortier a présenté
un amendement rédigé ainsi :
« Le bourgmestre ou un des échevins
désigné à cet effet par loi remplit les fonctions d’officier de l’état-civil et
est particulièrement chargé, etc. »
M. Dumortier,
rapporteur. - J’ai cherché à concilier la rédaction primitive du projet
avec la proposition de l’honorable M.
Fleussu. J’ai donc expliqué clairement quelle était la personne chargée
de la tenue des registres de l’état-civil, et j’ai modifié aussi peu que
possible la rédaction de la section centrale.
Je trouve que mon amendement est beaucoup plus
clair. Celui de M. Fleussu retranchait le mot « particulièrement »
que j’ai conservé. J’ai dit que le bourgmestre ou un échevin est officier de
l’état-civil ; il va sans dire que c’est lui qui en tient les registres, qui
les dirige.
Je dirai
quelques mots en réponse aux observations de mon honorable collègue et ami M. Doignon. Il a prétendu que si les
registres de l’état-civil sont tenus par le secrétaire, comme employé du
bourgmestre officier de l’état-civil, celui-ci pourra le destituer à son gré.
La rédaction de la section centrale ne dit rien de semblable. Le bourgmestre
aura seulement le droit de faire que le secrétaire ne tienne plus les
registres. Mais il est évident qu’il n’a pas le droit de le destituer comme
secrétaire. Je pense que cette explication aplanira toute espèce de
difficultés.
M. Fleussu. -
Je me rallie à l’amendement de M. Dumortier, et retire le mien.
M. Legrelle. - J’ai demandé la parole pour un
changement de rédaction dans le deuxième paragraphe. Si tant est que vous
approuviez l’article de la section centrale, par lequel l’officier de
l’état-civil nommera et congédiera ses employés, il me semble inutile d’ajouter
: « sans en référer au conseil. » Il est évident qu’il nomme et
destitue sans en référer à personne.
Je demande la suppression de ces mots, car il y
a pléonasme. Je demande également qu’au lieu de ces mots : « le
conseil doit déterminer le nombre, » on dise : « le conseil détermine
le nombre. »
M. H. Dellafaille. - Je ne sais si d’après
l’article déjà adopté qui donne au conseil la nomination des employés de la
commune, il ne convient pas de déterminer qu’il est dérogé à cette disposition
par l’article 89.
Plusieurs voix. - C’est évident.
M. Legrelle.
- Il est possible que M. Dellafaille ait raison ; je retire ma proposition.
- L’amendement de M. Dumortier est mis aux voix
et adopté.
L’amendement de M. Doignon est mis aux voix. Il
n’est pas adopté.
L’ensemble de l’art. 89 est mis aux voix et
adopté.
Article 90 (du projet de la section centrale)
L’art. 90 de la section centrale, auquel se
rallie M. le ministre de l’intérieur, est mis aux voix et adopté. Il est ainsi
conçu :
« Le collège des bourgmestre et échevins a
la surveillance des hospices, bureaux de bienfaisance et monts-de-piété. A cet
effet, il visite lesdits établissements chaque fois qu’il le juge convenable,
veille à ce qu’ils ne s’écartent pas de la volonté des donateurs et testateurs,
et fait rapport au conseil des améliorations à y introduire et des abus qu’il y
a découverts. »
Article 91 (du
projet de la section centrale)
M. Dubus, président.
- Nous passons à l’art. 91 de la section centrale.
« Art. 91. Les soins à apporter à la
classe pauvre constituant l’un des premiers devoirs d’une bonne administration,
les bourgmestre et échevins veillent à ce que dans chaque commune il soit
établi un bureau de bienfaisance.
« Dans toutes les communes dont la
population agglomérée excède 2,000 habitants, ils veillent à ce qu’il soit
établi, par les soins des bureaux de bienfaisance, des comités de charité pour
distribuer à domicile les secours aux indigents.
« Dans les villes manufacturières, les
bourgmestre et échevins veulent à ce qu’il soit établi une caisse d’épargne.
Chaque année, dans la séance prescrite à l’article 68, le collège des
bourgmestre et échevins rend compte de la situation de cette caisse. »
M. le ministre se réunit à la section centrale.
M. d'Hoffschmidt.
- Je demande la parole.
Messieurs, j’approuve cet article, mais je
voudrais ne pas y voir figurer les considérants qui ont déterminé la section
centrale à vous le proposer. Dans une loi, le législateur insère des dispositions,
mais jamais les motifs pour lesquels il les a adoptées.
L’article porte : « Les soins à apporter à
la classe pauvre constituent l’un des premiers devoirs d’une bonne
administration ; les bourgmestres et échevins veillent, etc. »
Je
propose de retrancher tout le commencement et de dire :
« Les bourgmestres et échevins veillent,
etc. »
On comprend facilement que c’est par intérêt
pour la classe pauvre que la section centrale a proposé cette disposition, et
le style est plus législatif.
M. Dumortier, rapporteur. - Je ne tiens pas
beaucoup à ce que la phrase dont on demande le retranchement soit maintenue ;
cependant je dois faire observer qu’il arrive malheureusement trop souvent que
les communes oublient que c’est pour elles un devoir de veiller à ce qui
concerne les classes pauvres. Cela est tellement vrai que dans bon nombre de
communes il n’existe pas de bureau de bienfaisance, quoique la loi leur fasse
un devoir formel d’en établir. C’est là ce qui a déterminé la section centrale
à insérer dans l’article que nous discutons une phrase qui rappelle aux
régences leur devoir envers la classe pauvre.
M. Legrelle.
- Le premier devoir de l’administration communale est de s’occuper de la classe
pauvre ; c’est dans cette pensée que nous avons ajouté une disposition qui
obtiendra l’assentiment de la chambre. Cependant, je ferai une observation qui,
je crois, ne sera pas sans utilité.
Vous
savez qu’aujourd’hui la société générale des Pays-Bas a établi une caisse
générale d’épargne dans toutes les villes manufacturières. Il en résulte que
ces caisses ne sont plus sous la surveillance de l’administration communale, et
partant, cette administration n’est pas en état de satisfaire à ce qu’exige le
dernier paragraphe de l’article, relativement aux comptes à rendre chaque
année.
La caisse générale d’épargne est établie d’une
manière solide et tout à fait satisfaisante ; il serait inutile d’établir à
côté de la caisse générale une seconde caisse d’épargne. Si la caisse générale
continue à exister comme aujourd’hui, il me semble que le voeu de cet article
est rempli et que l’administration communale n’a pas à s’en occuper.
En ajoutant les mots : « à moins qu’il
n’en existe, » on pourvoirait à tout.
- L’amendement de M. Legrelle n’est pas appuyé.
M.
Dumortier, rapporteur. - J’avais demandé la parole pour parler sur
l’amendement de M. Legrelle. Je
suis étonné qu’on ne l’ait pas appuyé. Car demain, la caisse de la banque peut
cesser d’exister, et si la disposition n’est pas adoptée, rien ne sera prévu.
Nous avons déjà eu occasion de voir de quelle importance était pour les moeurs
l’établissement des caisses d’épargne dans les villes manufacturières. Je sais
que la société générale est très bien établie, mais elle n’est pas perpétuelle
et elle pourrait ne pas durer aussi longtemps que notre loi.
M. Jullien. -
Dans la dernière partie de l’article, je demanderai à l’honorable rapporteur ce
qu’il entend d’une manière absolue par les villes manufacturières. Il est
beaucoup de villes qui prétendent être manufacturières, tandis qu’elles
renferment moins de manufactures que d’autres qui ne sont pas réputées telles.
Je ne comprends pas bien ce que dans
Un membre. - Gand, Liège et Verviers.
M. Jullien. - Bruges
aussi alors, car on y fait des toiles ; Malines, on y fait des dentelles.
Voilà
une question qu’il faudrait éclaircir. En second lieu, il y a dans la rédaction
un vice plus grave, c’est qu’on dit les administrations municipales veillent à
ce qu’il soit établi, etc. Est-ce une injonction que vous faites ? Voulez-vous
de toute nécessité une caisse d’épargne, faites-en l’injonction et dites : Il y
aura une caisse d’épargne établie par les soins de l’autorité communale ? Mais
si vous vous bornez à dire que l’autorité communale veille à ce que cette
caisse soit établie, quand ce ne sera pas fait, pourrez-vous dire à l’autorité
communale : Vous n’avez pas veillé ? on vous répondra
: Il n’y a pas d’injonction, ce n’était pas une nécessité de le faire. Il est
mal de dire une chose dans une loi quand on n’ordonne pas.
Ce n’est pas ainsi qu’on fait les lois. Les
lois prohibent ou ordonnent ; et quand on dit dans une loi :
« veillera, » on suppose une chose faite, mais on n’y dit jamais
« de veiller » à ce qu’une chose soit faite.
M. d'Hoffschmidt. - M. le rapporteur, pour
demander le maintien du premier paragraphe de l’article, a dit que souvent les
administrations communales ont oublié les devoirs que leur imposaient les intérêts
de la classe pauvre, et que c’était pour rappeler ces devoirs aux communes qui
les négligeaient, que la section centrale avait cru devoir mettre un
considérant en tête de l’art. 91. Il me semble à moi que c’est faire injure à
nos administrations communales, qui, je crois, ont assez de philanthropie pour
qu’il ne soit pas nécessaire de leur rappeler un devoir aussi sacré que celui
d’apporter du soulagement à la classe pauvre.
Si chaque article de la loi était précédé de
son considérant, on n’en finirait pas.
Je
persiste donc à demander la suppression du commencement de l’article.
M. Legrelle.
- S’il est entendu qu’on ne devra pas établir de caisse d’épargne là où il en
existe déjà, nous sommes d’accord.
M. Dumortier,
rapporteur. - J’ai déjà dit que je ne tenais pas à ce que la phrase fût
conservée, mais il est certain que beaucoup de communes ont oublié ce qu’elles
devaient à la population pauvre. Il n’est personne de nous qui ne puisse en citer
des exemples.
Je répondrai un mot à l’honorable M. Jullien :
suivant lui la loi doit ordonner ou prohiber. Nous avons pensé que la loi ne
pouvait pas ici parler d’une manière aussi expresse, précisément par le motif
qui a donné lieu à l’amendement de M. Legrelle, qu’il y a des villes où il
existe des caisses d’épargne.
Nous avons trouvé inutile de forcer
l’administration municipale à établir pour son compte une caisse d’épargne à
côté de celle qui existe.
Si l’administration municipale ne s’occupe pas
de cet objet, la députation provinciale sera là, qui dira au bourgmestre : Vous
n’avez pas rempli votre devoir. Après la députation, vient la surveillance du
gouvernement. Ainsi, l’honorable membre peut avoir toute sécurité pour
l’exécution de la loi.
Il est essentiel de stipuler que, dans les
villes où la population pauvre est nombreuse, il sera pris des mesures en sa
faveur. Je suis persuadé que cette disposition obtiendra l’assentiment de
l’assemblée.
- La suppression proposée par M. d’Hoffschmidt
est mise aux voix et adoptée.
L’article ainsi amendé est également adopté.
Article 92 (du projet de la section centrale)
M. Dubus, président.
- « Art. 92 (proposé par la section centrale). Au collège des bourgmestre
et échevins appartient la surveillance des personnes et des lieux notoirement
livrés à la débauche.
« Ils prennent à cet effet les mesures
propres à assurer la santé, la moralité et la tranquillité publiques.
« Le conseil fait à ce sujet tels
règlements qu’il juge nécessaires et utiles. »
- Cet article est adopté sans discussion.
M. Dubus, président.
- M. le ministre de l’intérieur présente ici un nouvel article. Le voici :
« La police des spectacles appartient au
collège des bourgmestre et échevins. Ce collège veille à ce qu’il ne soit donné
aucune représentation théâtrale qui soit contraire aux bonnes mœurs et à
l’ordre public. Il peut même, dans des circonstances extraordinaires, interdire
toute représentation pour assurer le maintien de la tranquillité
publique. »
M. Jullien.
- Je demande l’impression de l’amendement et le renvoi de sa discussion à
demain, après avoir entendu les motifs qu’a le ministre pour faire cette
proposition.
M. le
ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Les développements que j’ai à
donner à ma proposition ne sont pas étendus. D’après la loi du 24 août 1790 la
police des spectacles était donnée à l’autorité communale. Cette police a deux
choses pour objet : premièrement, de ne pas permettre les représentations qui
offensent les mœurs publiques ; en second lieu, de ne pas permettre les
représentations qui portent atteinte à l’ordre public.
Des
dispositions législatives ont été rendues dans tous les pays civilisés, pour
atteindre ce but. Mais, craignant qu’on ne pût inférer d’une disposition plus
ou moins obscure contenue dans un arrêté du gouvernement provisoire, que les
lois sur la matière étaient abrogées, j’ai cru devoir, par un article spécial,
rendre aux autorités communales une attribution qui leur appartient
essentiellement.
Je n’entrerai pas dans de plus longs
détails, pour épargner les moments de la chambre. (Aux voix ! aux voix !)
M. F. de Mérode.
- Je demande que l’on délibère maintenant sur la proposition du ministre ; il
suffit d’en entendre la lecture pour en connaître les motifs.
M. Jullien. -
Je croyais que la motion que j’ai faite ne trouverait pas de résistance. On
vient de présenter l’amendement à l’instant même, c’est un article nouveau ;
donnez au moins le temps de l’examiner. On peut être toujours prêt à voter ;
mais on n’est pas toujours prêt à discuter.
- La motion d’ordre de M. Jullien mise aux voix
n’est pas adoptée.
M. Jullien. -
L’article exige une explication, et je la demande franche. On sait qu’il y a
des spectacles où l’on représente, sur la scène, des religieux et des
religieuses : beaucoup de personnes croient que c’est là porter atteinte aux
bonnes mœurs ; dans ce cas la régence pourra-t-elle interdire un spectacle qui
se donne sur les théâtres de toutes les villes de l’Europe ? Investir un
collège d’un pareil pouvoir ce serait vraiment exorbitant.
Si je ne
donne pas d’autres développements à mon observation, la faute en est à ceux qui
présentent des articles nouveaux sans les faire passer par la filière des
sections. Remarquez en effet que c’est un article et non un amendement qu’on a
déposé sur le bureau.
Introduire ainsi un article, après le vote d’un
autre article, ce n’est pas amender, c’est faire une loi nouvelle ; et ce n’est
pas ainsi que nous devons les faire, ce procédé est insolite. Les membres de la
chambre ne doivent voter que sur les propositions de loi qui ont été examinées
par les sections ; c’est mal de les surprendre.
M. F.
de Mérode. - Voir des religieuses sur un théâtre n’est pas contraire
aux bonnes moeurs, quand d’ailleurs le costume n’est pas entouré de circonstances
qui offensent la morale. Je ne crois pas que nous ayons dans nos villes des
collèges de bourgmestre et échevins d’une bien grande susceptibilité à cet
égard ; et les craintes de l’honorable membre me paraissent exagérées.
M. le
ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il ne peut y avoir aucune
espèce de surprise dans la présentation d’un article dont les termes sont
clairs, et dont tout chef de famille comprend la portée et la nécessité. Si je
ne l’ai pas fait imprimer et distribuer à l’avance, c’est que les membres de la
chambre en usent ainsi pour leurs propositions. L’article que je présente n’est
point un amendement à l’article 99 ; il est un amendement aux dispositions de
la loi dont nous nous occupons maintenant. Nous déterminons quel sont les
objets sur lesquels s’exerce la police municipale, ;
eh bien, les théâtres sont bien des objets les plus importants qui soient dans
les attributions des régences.
Nous ne proposons pas une innovation
; nous ne proposons même pas tout ce qu’il y a dans la loi de 1790 ; on ne
permettait aucun spectacle sans autorisation du bourgmestre, et nous ne
demandons la surveillance du collège que sur les pièces qui blessent les bonnes
moeurs, ou qui peuvent troubler la tranquillité de la ville. Je ne pense pas
qu’une personne raisonnable puisse contester ce droit au magistrat de la cité.
Je ne rappellerai pas à cette occasion une discussion qui a eu lieu en France,
dans la chambre des députés, sur la question qui nous occupe : vous savez que
presque toute la chambre a senti que, dans certaines circonstances, les
représentations théâtrales pouvaient porter atteinte aux bonnes moeurs et à
l’ordre public. Il est des pièces que, dans l’intérêt de la civilisation et de
la littérature elle-même, on ne doit pas représenter,
(Note du
webmaster. Le Moniteur omet ici l’indentification du membre (probablement M. Jullien.) qui s’exprime comme suit : )
J’ai été charmé d’entendre l’honorable M. de Mérode dire qu’il n’y avait rien
de contraire aux bonnes moeurs à ce que l’on fît figurer des religieuses sur la
scène ; d’autant plus charmé que l’arrêt de condamnation aurait pu s’étendre
aux danseurs et aux danseuses. Cet article nouveau, messieurs, a une portée
beaucoup plus grande que celle que semblent lui supposer l’assemblée et M. le
ministre lui-même. Cet article se rattache à la censure, à la liberté de la
presse, à des considérations d’un ordre beaucoup plus élevé, dont M. le
ministre de l’intérieur paraît ne pas se douter. Il me semble qu’il serait au
moins convenable de renvoyer cet article à l’examen de la section centrale.
J’entends
dire que cette proposition a déjà été négativée par
le vote de la chambre. Il n’en est pas ainsi. J’avais demandé que l’article de
M. le ministre fût imprime et distribué aux membres de la chambre. L’assemblée
n’a pas admis ma motion. Maintenant j’en fais une autre qui est d’une nature
différente. Je demande le renvoi à la section centrale de la proposition de M.
le ministre, et je prétends que si l’on suivait le règlement, ce renvoi serait
de droit. Il faudrait même que les sections l’examinassent avant la section
centrale. Mais moi, pour hâter la discussion de l’article, j’en demande le
renvoi immédiat à la section centrale, et je lui épargne la filière des
sections.
Je prie M.
le président de vouloir mettre ma proposition aux voix.
M. F. de Mérode.
- Si la demande de M. Jullien est conforme au règlement, je ne m’y oppose pas. Mais
j’ai des doutes à cet égard. Je voudrais m’éclairer.
M. Pollénus. - Je n’ai pas très bien compris de
l’amendement de M. le ministre. Il me semble qu’il y aurait lieu de faire une
distinction entre les productions nouvelles et les pièces déjà représentées. Je
proposerai l’amendement suivant :
« S’il s’agit de la présentation
d’une production nouvelle, le conseil de régence décide. »
M. Jullien. -
Je demande également le renvoi de cet amendement à la section centrale.
M. Fallon.
- Je prends la parole pour appuyer la proposition de l’honorable M. Jullien. Au premier aperçu je ne
crois pas que l’amendement de M. le ministre de l’intérieur porte atteinte aux
libertés constitutionnelles. Cependant je ne suis pas convaincu à cet égard. Je
désirerais consulter les lois et règlements sur la police des spectacles. Dans
l’état des choses, plutôt que de porter atteinte involontairement à nos
libertés constitutionnelles je me verrais obligé de rejeter l’article. Mieux
instruit peut-être l’adopterais-je.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ne conçois pas que la disposition que j’ai proposée puisse porter atteinte
aux libertés constitutionnelles. Elle n’a rien en elle-même qui y soit
contraire. Quelles sont les libertés constitutionnelles ? C’est la libre
expression accordée à chacun de son opinion, de sa pensée au moyen de la
presse. Voilà nos libertés constitutionnelles. Les spectacles sont-ils
considérés comme un objet de presse ? Evidemment non. C’est un objet désigné
par un nom spécial qui est en dehors de la liberté de la presse. La raison en
est simple. Dans les spectacles on joint l’action à la pensée. C’est pour cela
que l’on a toujours mis sous une surveillance spéciale les représentations
théâtrales.
M. Desmanet
de Biesme. - Je ne crois pas que l’amendement de M. Pollénus puisse
être renvoyé à la section centrale. C’est le rétablissement de la censure qu’il
demande.
Plusieurs membres. - C’est évident.
M. Desmanet de Biesme. - Je conçois
l’amendement de M. le ministre de l’intérieur. On ne contestera pas qu’il ne
faille accorder à la régence le droit de prendre des mesures de police toutes
les fois qu’une représentation théâtrale pourrait troubler l’ordre public ou
porter atteinte aux bonnes moeurs. Mais M. Pollénus demande que le conseil de
régence juge les pièces de théâtre avant leur publication, lorsqu’elles seront
encore en manuscrit. Car on sait que presque toujours elles sont délivrées non
imprimées aux acteurs. Je le répète, ce serait le rétablissement de la censure.
Je déclare que je regarde l’amendement comme tout à fait inconstitutionnel.
M. Legrelle. - Je voterai contre l’amendement
de M. Pollénus. Je l’engage même
à le retirer. Quant aux dispositions prises par le ministre de l’intérieur, je
les crois très sages, infiniment sages ; j’ajouterai même qu’elles existent
déjà dans les villes où le spectacle est considéré commue un délassement, et
non comme une école de lubricité ou comme une arène où les passions politiques
doivent avoir leurs échos. Dans la ville que j’habite, il a été stipulé avec le
directeur que le répertoire de la troupe serait soumis au bourgmestre. C’est
une tâche pour le collège. C’est un devoir qu’il doit remplir. Nous avons vu
les mauvais exemples qui sont résultés du cas contraire. J’insiste pour que la
proposition de M. le ministre de l’intérieur soit admise.
Plusieurs membres. - Aux voix la motion d’ordre.
M. Jullien. -
M. Ullens voudra bien me permettre de m’expliquer. Je suis loin de refuser à
l’administration municipale la police des spectacles. Si on ne la lui donnait
pas, je serais le premier à faire une réclamation à cet égard. Mais je veux que
cette police s’exerce dans l’ordre constitutionnel et que les administrations
communales ne soient pas les maîtresses de nos plaisirs. Je ne suis pas plus
lubrique que M Legrelle. (Hilarité.)
Je pense comme lui que l’on ne doit pas permettre en Belgique de spectacle qui
blesse les bonnes moeurs. Mais j’avoue que jusqu’à présent je n’en ai pas vu
d’exemple dans notre pays.
M. Legrelle.
- Et
M. Jullien. -
Cela dépend des goûts, M. Legrelle.
(Hilarité.)
Vous voyez bien qu’elle est la portée d’un
pareil amendement_ Voilà
Nous avons
des lois qui attribuent à l’autorité municipale la police des théâtres, nous
n’avons pas le temps de les consulter ; laissez-nous voir au moins jusqu’à quel
point, sous l’ancien régime municipal, avait le droit d’intervenir dans nos
plaisirs. C’est le cas de renvoyer à la section centrale. Elle nous éclairera
de ses lumières, et pendant ce temps nous pourrons nous-mêmes en puiser, en
examinant les lois sur la matière.
L’opinion publique n’accueillera pas de même
que beaucoup d’entre nous la proposition de M. le ministre de l’intérieur. Vous
l’adopterez si vous voulez, mais laissez-nous au moins le temps d’examiner. S’y
refuser, serait vouloir enlever le vote par surprise. Je me suis souvent élevé
contre cette mesure d’agir de l’ancien ministère. Le nouveau semble suivre ses trace. Je le paierai des mêmes arguments et de la même
résistance que l’ancien.
M. Pollénus.
- On n’a pas compris ma proposition. Je n’ai nullement voulu établir la
censure. Ma proposition ne portait que sur les productions nouvelles et dans
l’intérêt des auteurs ; j’en attribuais la connaissance au conseil communal au
lieu du collège de régence, comme le proposait M. le ministre. Au reste, ne
voyant pas comment faire accorder mon amendement avec celui du ministre, je
déclare la retirer.
M. Dubus, président.
- Je vais mettre aux voix le renvoi à la section centrale.
- Un grand nombre de membres abandonnent leurs
bancs.
La séance est levée à 4 heures et demie.