Accueil Séances plénières
Tables
des matières Biographies Livres numérisés
Bibliographie et liens Note
d’intention
Séance précédente Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 19 novembre 1834
Sommaire
1)
Pièce adressée à la chambre
2)
Projet de loi organisant l’école militaire (de Puydt, Schaetzen)
3)
Projet de loi portant organisation des communes. Discussion des articles. Du
conseil communal. Publicité des délibérations du conseil (Dumortier,
Dubus, Devaux, A. Rodenbach, Dumortier, Devaux, Dubus, Gendebien),
attributions générales du conseil communal en regard du texte de la
constitution (Doignon), administration des bois
communaux (Gendebien, de Theux,
Desmanet de Biesme, Dumortier,
Gendebien, Dubus, Verdussen), attributions générales du conseil communal
en regard du texte de la constitution (de Theux, Dumortier, de Theux),
approbation par le Roi, la province et/ou la chambre des représentants, des
délibérations du conseil communal (Doignon, de Theux, Dubus, Dumortier, Lebeau), idem quant aux
établissements communaux, notamment de bienfaisance (de
Theux, Dumortier, Doignon),
idem quant à l’administration des biens communaux (Dumortier,
H. Dellafaille, Dumortier,
de Theux, Raikem, Legrelle, Milcamps, Raikem, Legrelle, Dumortier, Legrelle, Devaux, de Theux, Lebeau,
Eloy de Burdinne, de Brouckere,
Dumortier, Legrelle, Lebeau, Dumortier, Legrelle, Raikem, de Theux)
(Moniteur belge n°324, du 20 novembre 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à
une heure et demie.
M.
de Renesse procède à l’appel nominal.
M.
Brixhe donne lecture du procès-verbal de la précédente séance. La
rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse expose analytiquement l’objet d’une pétition adressée à la
chambre.
PIECE ADRESSEE A
« L’administration communale
de Lichtervelde demande que cette commune soit érigée en chef-lieu de canton
séparé. »
- Cette pétition est
renvoyée à la commission chargée d’examiner le projet de loi relatif aux
circonscriptions cantonales.
M.
de Puydt. - Les sections sont saisies de l’examen du budget de la
guerre ; un chapitre de ce budget a pour objet l’établissement d’une école
militaire. Je rappellerai qu’il existe un projet de loi d’organisation d’une
école de ce genre présenté depuis deux ans, et qui n’a pas encore été examiné
en sections. Je propose de renvoyer ce projet aux sections chargées de l’examen
du budget de la guerre.
M. Schaetzen. - Je pense que le projet
d’organisation d’une école militaire a beaucoup plus de rapport avec le projet
de loi sur l’instruction publique qu’avec le budget de la guerre. Je crois que
ces deux projets devront être examinés ensemble. En effet, si la chambre décide
la suppression d’une ou deux universités, elle pourra les remplacer par une
école polytechnique. Si vous séparez ces deux projets, vous vous exposez à
créer des établissements inutiles et à faire sans objet des frais
considérables. Je conclus à ce que le projet relatif à l’école militaire soit
joint à celui sur l’instruction publique.
M.
de Puydt. - Quelque rapport qu’il y ait entre une école militaire et
les universités, il faudra toujours une école militaire dont l’organisation
sera entièrement séparée de celle des universités. Cette école militaire existe
de fait, mais elle n’existe pas de droit. On a porté au budget de la guerre une
somme de 100,000 francs pour une école militaire ; comment voulez-vous que nous
jugions l’opportunité de cette allocation si nous ne connaissons pas
l’organisation de cette école ? Je persiste dans ma proposition.
- La proposition de M de
Puydt est mise aux voix, elle n’est pas adoptée.
M. Schaetzen. - Lorsque la chambre sera
saisie de l’examen du projet sur l’instruction publique, il sera temps de
statuer sur ma proposition ; quant à présent je la retire.
Discussion des articles
Titre
I. - Du corps municipal.
Chapitre III. - Des réunions et des
délibérations des conseils municipaux
Article 69 (du projet de la
section centrale)
M.
Dumortier, rapporteur. - Messieurs, dans la séance d’hier vous avez
renvoyé à la section centrale divers amendements proposés sur l’article 69 de
notre projet, relatif à la publicité des séances des conseils communaux. La
section vient de s’occuper de l’examen de ces amendements ; elle m’a chargé de
vous présenter son rapport sur cet objet.
Des amendements ont été
présentés par MM. le ministre de l’intérieur, Doignon, Devaux, Gendebien et
Dubois. M. Verdussen avait proposé un amendement ainsi que M. d’Hoffschmidt. Mais
ils se sont ralliés aux amendements présentés par les membres que je viens de
nommer ; ainsi je n’ai pas à en parler.
Les amendements qui
restent soumis à notre examen, et la proposition de la section centrale,
présentent deux systèmes différent quant à la
publicité des séances.
D’après le système de M.
Doignon auquel se rattachent celui de M. Dubois et celui de M Gendebien, la
publicité serait de principe et aurait lieu a priori sans que la loi fût en
aucune manière obstative, elle ne serait interdite
que sur la demande d’une partie du conseil communal. Dans ce système toutes les
séances du conseil communal seraient ouvertes et commenceraient en public ; ce
n’est qu’après l’ouverture de la séance que sur la demande d’une partie de
l’assemblée le huis-clos serait déclaré, et qu’il y aurait lieu alors de
décider si la séance continuerait d’être secrète ou si elle redeviendrait
publique.
Dans le système de la
section centrale, au contraire, comme aussi d’après celui de MM. le ministre de
l’intérieur et Devaux, il serait déterminé certains cas où la publicité aurait
lieu a priori, d’autres où elle serait facultative, d’autres enfin où elle
serait interdite.
Nous avons dû classer
ainsi les amendements que vous avez renvoyés à la section centrale, afin qu’il
y eût de l’ordre et de la clarté dans l’examen que nous avions à en faire. Nous
avons examiné d’abord si la publicité devait toujours avoir lieu a priori, et
si la question du huis-clos devait être toujours discutée et résolue en séance
publique ; ou bien si, conformément à notre système, la publicité devait être
en quelque sorte catégorisée et, suivant les cas, obligatoire, facultative ou
interdite.
Nous avons longuement
discuté cette importante question. D’abord on a craint dans la section centrale
que dans les communes rurales, où les conseillers et les autres habitants de la
commune se connaissent toujours plus ou moins particulièrement, si une séance
commencée en public était déclarée secrète, il n’en résultât de grands
inconvénients. A coup sûr, si la publicité est un bienfait, il est
incontestable que le tumulte qui en résulterait serait un grand malheur.
On a fait ensuite
observer que la majeure partie des séances des conseils communaux aurait pour
but des objets se rattachant plus ou moins aux intérêts individuels, aux
intérêts privés, objets que nous avons appelés des questions personnelles. Il
en résultera que tous ceux qui auront un intérêt dans l’objet annoncé de la
discussion commenceront par se rendre à la séance ; il sera alors très
difficile de les expulser.
On a fait remarquer que
les personnes qui demanderont le huis-clos devront par là faire connaître leur
vote et se déclarer hostiles aux personnes contre lesquelles ils réclameront le
huis-clos On a fait cette observation que dans beaucoup de cas, la majorité des
conseils communaux sera composée de personnes timides n’aimant pas à se mettre
en avant. Si la publicité a toujours lieu a priori, ces hommes recommandables
souvent, mais timides, seront éloignés des conseils communaux, et c’est ce qu
il faut éviter. On a fait observer encore que les habitants ayant été informés
à l’avance que le conseil doit tenir une séance publique, se seront tenus au
courant de l’objet de sa délibération. Or, si ensuite le secret doit être gardé
sur cet objet, il est incontestable que les personnes qui auront un intérêt
personnel dans la délibération, seront confiées à aller à la recherche de ce
qui aura été décidé ; ce qui, dans beaucoup de cas, pourra nuire aux intérêts
communaux.
Messieurs, il est encore
une réflexion que l’on a faite, c’est qu’il pourrait arriver que le principe de
la publicité restât sans application, même dans le cas où la publicité est
déclarée de droit par la section centrale. Par exemple, dans le cas d’une
dépense qui ne pourrait pas être couverte par les impôts ordinaires, et qui
donnerait lieu à l’ouverture d’un emprunt ; dans ce cas même, un conseil
communal hostile à la publicité pourrait tenir ses délibérations secrètes. La
règle que nous voulons poser pourrait ainsi être détruite par l’exception.
Voilà les observations
principales qui ont été faites dans le sein de la section centrale.
On a ensuite mis aux
voix la question de savoir si la publicité aurait lieu de prime abord, sauf à
déclarer le comité secret lorsqu’il sera demandé ; ou bien si la publicité
serait de droit dans certains cas, interdite dans d’autres ; et enfin si dans
d’autres cas elle serait facultative.
Un seul membre de la
section centrale s’est prononcé pour la première proposition et les cinq autres
ont voté pour la seconde. En conséquence la section centrale vous propose
d’écarter les amendements de MM. Doignon, Dubois et Gendebien, et d’adopter le
système qu’elle nous avait présenté dans son rapport.
Maintenant nous avons à
examiner l’amendement de M. Devaux.
L’honorable M. Devaux a
proposé d’ajouter quelques paragraphes au projet de la section centrale dont il
admet l’article jusqu’aux deux derniers paragraphes. Il propose ensuite
d’ajouter :
« Toutefois, dans
les cas précités, les deux tiers des membres présents pourront par des
considérations d’ordre public, ou à cause d’inconvénients graves, décider que
la séance ne sera point publique. »
Cette partie de
l’amendement de M. Devaux correspond à celui qu’avait déposé l’honorable M.
Verdussen. La section centrale vous propose de l’admettre et de l’intercaler à
la suite du n°5 de son article.
Deux membres de la
section centrale auraient désire voir retrancher du paragraphe ces mots inconvénients graves, qu’ils croyaient
trop vagues. Mais la majorité a cru devoir adopter la rédaction de l’honorable M. Devaux.
Quant au second
paragraphe proposé par M. Devaux, il correspond à celui de la section centrale.
Cependant elle a cru devoir y faire une addition, afin de lever tous les doutes
auxquels pourraient donner lieu les mots : questions
de personnes. La section centrale entend par ces mots, non seulement les
questions qui se rapportent à des personnes, mais encore celles qui se
rapportent à l’intérêt privé des personnes. Vous concevez qu’on ne pourrait pas
délibérer en public, par exemple, sur ce qui est relatif à la fortune présumée
des particuliers. Vous savez que c’est ce qui sert de base aux taxes
communales.
Pour éviter tout doute à
cet égard, nous proposons d’ajouter après les mots : questions de personnes, ceux-ci : ou qui se rapportent à des intérêts privés.
Si quelque question de
ce genre venait à se présenter, le président devra, aux termes de la
disposition que nous vous proposons, déclarer le huis-clos. C’est la seule
modification que nous proposons à notre avant-dernier paragraphe.
Le dernier paragraphe de
la section centrale a été modifié par l’honorable M Devaux en ce sens que dans
les cas ou la publicité est facultative, au lieu des deux tiers des membres
présents, c’est la majorité du conseil qui décide si la publicité aura lieu ou
non. La section centrale vous propose d’adopter cet amendement.
Maintenant, nous avons à
examiner, le dernier paragraphe propose par M. Devaux relatif aux communes de
moins de deux mille habitants. Suivant l’opinion de l’honorable auteur de
l’amendement, dans ces communes les séances des conseils ne devraient être
publiques qu’en vertu d’une décision de la députation provinciale.
On a fait observer dans
la section centrale que cette rédaction sortait de l’esprit de la constitution.
On a trouvé difficile à comprendre l’intervention des états provinciaux dans la
question de savoir si les délibérations du conseil doivent être on non
publiques dans les communes de moins de deux mille habitants.
Les communes de deux
mille habitants peuvent être très considérables suivant les provinces Si une
commune ne craint pas de délibérer en public, pourquoi la députation
provinciale pourrait-elle s’y opposer ?
Voilà les objections que
cette disposition a rencontrées.
Mais on a fait observer
que dans beaucoup de villages il n’y avait pas de maison communale, que les
séances du conseil se tenaient soit dans un cabaret, soit dans la maison du
bourgmestre, et on a reconnu qu’il était alors difficile d’introduire la
publicité des séances. Ces motifs ont décidé la section centrale à adopter la
disposition proposée par M. Devaux, mais avec cette modification qu’elle ne
serait appliquée qu’aux villages et non aux villes, et seulement aux villages
n’ayant pas en propriété une maison commune.
Voici comment l’article
entier serait rédigé :
« La publicité des
séances du conseil est de droit lorsque les délibérations ont pour objet :
« Les budgets, à
l’exception du chapitre des traitements, et les comptes ;
« 2° Le principe de
toute dépense qui ne peut être couverte par les revenus de l’année ou le solde
en caisse de la commune, ainsi que les moyens d’y faire face ;
« 3° L’ouverture des
emprunts ;
« 4° L’aliénation
totale ou partielle des biens ou droits immobiliers de la commune, les échanges
et transactions relatives à ces biens ou droits, les locaux emphytéotiques, les
constitutions d’hypothèques, les partages des biens indivis ;
« 5° La démolition
des édifices publics ou de l’antiquité.
« Toutefois, dans
les cas précités, les deux tiers des membres présents pourront, par des
considérations d’ordre public ou à cause d’inconvénients graves, décider que la
séance ne sera point publique.
« La publicité est
interdite dans tous les cas quelconques où il s’agit de questions de personnes,
ou se rapportant à des intérêts privés, même aux termes des paragraphes
précédents. Dès qu’une question de ce genre sera soulevée, le président
prononcera immédiatement le huis-clos, et la séance ne pourra être reprise que
lorsque cette question sera terminée.
« Dans les autres
cas, la publicité est facultative ; elle aura lieu lorsque la majorité du
conseil le décidera.
« Dans les villages
où il n’y a pas de maison communale appartenant à la commune, les séances du
conseil communal ne sont publiques qu’en vertu de la décision des états
députés, qui peut toujours être révoquée par la même autorité. »
Avant de descendre de la
tribune, je dois faire une observation sur le n°3 de cet article.
Lorsque
nous demandons que la publicité soit obligatoire pour l’ouverture des emprunts,
nous ne voulons pas que tout ce qui est relatif aux emprunts soit délibéré en
séance publique, mais seulement la question de savoir s’il y aura emprunt on
non. Quant aux détails, la manière dont l’emprunt se fera, le taux, toutes ces
questions seront délibérées en comité secret, si le conseil le juge nécessaire.
Telles sont, messieurs,
les propositions que la section centrale m’a chargé de vous présenter.
M. Dubus. - Je désirerais que l’article
nouveau de la section centrale fût imprimé et distribué. C’est un article
nouveau. Il peut s’y trouver telle ou telle expression dont la portée ne sera
pas suffisamment appréciée à la première vue. Je ne pense pas que l’on doive
ainsi improviser des dispositions importantes. Je demande qui la discussion de
cet article soit renvoyée à demain.
M.
Devaux. - L’article nouveau de la section centrale est très simple. Il
est presque entièrement imprime dans mon amendement. Il n’y a été fait que deux
changements. La section centrale y a ajouté les mots intérêts privés, et plus bas à ces mots : « dans les communes
de moins de deux mille âmes, » ont été substitués ceux-ci : « dans les
communes où il n’y a pas de maison communale. »
M.
Dubus. - A entendre l’honorable préopinant il n’y a rien de nouveau
dans l’article de la section centrale. Ne fût-ce que la dernière disposition,
elle mérite un sérieux examen, je ne crois pas que nous ayons, pour prendre une
décision à cet égard des renseignements suffisants. La section centrale veut
que la publicité soit interdite aux communes qui n’ont pas de maison communale.
Si donc il n’y avait pas dans
Je
ferai une courte observation. C’est que, de la manière dont l’amendement de la
section centrale est rédigé, il arrivera que si la maison communale
n’appartient pas en propre à la commune, mais est simplement louée par elle,
elle ne jouira pas du bienfait de la publicité. Je vous avoue que, pour ma part,
je ne me crois pas à même d’apprécier toute la portée de la disposition qui
nous est présentée.
M. A. Rodenbach. - Je désirerais aussi que la
discussion fut renvoyée à demain. L’assertion que
l’honorable préopinant vient de faire mérite toute l’attention de la chambre.
Je puis certifier que dans les Flandres, pays qui, de l’aveu de tout le monde,
jouit, d’une certaine opulence, il n’y a pas un seul village ou la maison
communale appartienne à la commune. Cette partie de l’amendement, présenté par
la section centrale, a donc beaucoup d’importance.
M.
Dumortier, rapporteur. - Par ces mots : « dans les communes où la
maison communale n’appartient pas aux communes, » nous avons eu seulement
en vue de ne permettre la publicité que dans les maisons uniquement occupées
par le conseil communal, et non pour les communes où les délibérations se
passent dans un cabaret. Ce n’est pas cependant que je m’oppose à l’ajournement
demandé par mon honorable ami.
M.
Gendebien. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.
M. Dumortier, rapporteur. - Je prie M.
Gendebien de me permettre d’achever, Puisque l’on a parlé de la rédaction de la
section centrale. il faut bien que j’explique sa
pensée. La section centrale a eu seulement en vue les maisons, soit louées,
soit possédées par les communes, entièrement occupées par les administrations
communales. La section centrale n’exclut de la publicité que les conseils
communaux qui tiennent leurs séances dans un cabaret ou dans la maison du
bourgmestre. Ce n’est pas entre les pots et les verres que l’on peut tenir des
séances publiques.
M. Devaux. - Du
moment que c’est pour obtenir des renseignements sur une partie de l’article,
que l’on demande l’ajournement, je ne m’y oppose en aucune manière.
Je suis si loin de
vouloir surprendre le vote de la chambre, que je ne me rallie pas à la
rédaction de la section centrale.
M.
Dubus. - En parlant de surprise, je n’ai fait allusion à personne.
M.
Gendebien. - Je concevrais que l’on s’opposât à l’ajournement de la
discussion de l’article, si cet ajournement nous forçait à lever la séance.
Mais comme nous pouvons passer aux articles suivants de la loi communale, c’est
perdre du temps que de s’opposer au délai demandé.
- La proposition de M.
Dubus est mise aux voix et adoptée. La discussion de l’amendement de la section
centrale à l’article 69 est en conséquence renvoyée à demain.
Titre
II. - Des attributions municipales.
Chapitre Ier. - Des attributions du conseil
municipal.
Article 73 (du projet de la section centrale)
M.
le président. - La discussion est continuée sur l’art. 73 du projet de
la section centrale et sur l’amendement présenté par M. Doignon.
M.
Doignon. - Je n’insiste pas pour que l’amendement que j’ai présenté
dans la séance d’hier soit discuté. D’après ce qui a été dit, la rédaction de
la section centrale me paraît remplir mes vues. On a reconnu que le collège des
bourgmestre et échevins, lorsqu’il administre, n’est qu’une délégation du
conseil communal. Dès lors c’est pour et au nom du conseil que le collège
administre. C’est donc ce conseil lui-même qui a et est censé avoir
l’administration. Cette théorie est parfaitement conforme à ce que j’ai
développé dans la séance d’hier. Je déclare donc retirer mon amendement.
M.
Gendebien. - Hier, l’on a fait une observation qui me paraît par sa
gravité mériter l’attention de la chambre. Un honorable membre a demandé si
l’article 73 comportait en faveur des communes, l’administration de leurs bois,
s’il leur restituait l’administration de leurs propriétés. Certains membres ont
trouvé qu’il n’y avait rien de changé à cet égard. Quant à moi, je déclare que
j’y trouve un grand changement, à moins que cet article ne soit un leurre.
Le
conseil règle tout ce qui est d’intérêt communal ; cela signifie à coup sûr
qu’on doit lui abandonner l’administration de ce qui appartient exclusivement à
la commune. L’administration des bois est un acte d’administration communale.
Je ne vois donc pas pourquoi les communes ne rentreraient pas dans
l’administration de leurs bois. Toutes ces communes se plaignent de la
législation actuelle sur ce point. Il n’y a aucun moyen raisonnable pour ne pas
la changer. Cela ne peut être chez moi l’objet d’un doute. Je ne conçois pas la
raison qui prive les communes de l’administration de leurs bois, comme de leurs
autres biens, sauf à se soumettre à l’approbation des états provinciaux ou du
Roi, toutes les fois que leurs actes seront du domaine de l’autorité
provinciale ou royale. Mais lorsqu’il ne s’agit que d’actes purement locaux, je
ne conçois pas que les communes ne rentrent pas dans le plein exercice de leurs
droits. Je désire qu’une disposition expresse soit faite à cet égard.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)..
- Je répéterai ce que j’ai dit sur cet objet dans une séance précédente.
L’administration des bois communaux se trouve réglée dans la loi communale.
L’on a dit que les communes devaient avoir l’administration de leurs bois comme
de leurs autres propriétés. Je partage l’opinion du préopinant à cet égard.
Cependant, il a fallu apporter dans la loi communale quelques restrictions à
cet égard. Il faut que les communes ne puissent, sans autorisation supérieure,
faire des coupes extraordinaires ou opérer des défrichements qui changeraient
la nature de ces propriétés. C’est dans des articles spéciaux que nous
établirons plus tard les véritables limites sur cette matière.
M. Desmanet de Biesme. - J’avais cru
dans la séance précédente que l’article actuellement en discussion rendait
l’administration des bois aux communes ; on a paru croire que je m’étais
trompé. J’ai en conséquence rédigé un amendement qui s’applique à l’article 75.
Cet amendement formerait un paragraphe ainsi conçu :
« Les délibérations
relatives à la jouissance des bois communaux et à leur surveillance. »
M. Dumortier, rapporteur. - J’avais également
l’intention de proposer un amendement pour décider cette question. Je ne le
présenterai pas puisque l’honorable M. Desmanet de Biesme m’a devancé. Je ferai
observer que l’art 73 consacre un principe. Les bois communaux feront l’objet
d’un article d’application, c’est une question excessivement épineuse. Dans
l’état actuel des choses on impose aux communes des obligations auxquelles
beaucoup d’entre elles désireraient se soustraire. D’un autre côté, si on leur
rendait l’administration intégrale de leurs bois, il arriverait que par le
désir de jouir du présent on sacrifierait l’avenir. La question peut être
écartée actuellement. Lorsque nous arriverons à l’article 75, nous pourrons
l’examiner à fond
M. Gendebien. - Je suis entièrement satisfait
dès l’instant que l’article 73 ne préjuge rien. Je n’ai demandé la parole que
parce que, d’après ce que j’ai lu dans le compte-rendu du Moniteur (j’étais sorti avant la fin de la séance), l’honorable M.
de Brouckere comprenait l’article comme s’il était exclusif de l’administration
des bois. Du moment que la chambre est d’avis que le vote de l’article 73 ne
préjuge rien à cet égard, j’attendrai la discussion du principe lorsque nous en
viendrons à l’article 75.
M.
Dubus. - L’honorable préopinant vient de dire que l’art. 73 ne préjuge
rien à l’égard de l’administration des bois communaux. Il a probablement voulu
dire qu’il ne tranche pas plus la question que la constitution.
M. Gendebien. - J’ai voulu dire que l’art. 73
ne préjugeait rien quant aux diverses opinions émises dans l’assemblée, mais
nullement quant à la constitution. J’ai considéré l’article comme ne devant
permettre aucun doute à cet égard.
M.
Verdussen. - Je soumets à l’approbation de M. Gendebien d’insérer son
amendement dans l’art. 74. Car je pense que l’administration des bois est plus du
domaine de l’approbation royale que du ressort de l’approbation de la
députation permanente.
M. Desmanet de Biesmet. - Je pense que
mon amendement doit être discuté lorsque nous en serons arrivé à l’article 75 ;
il suffit de lire l’article 74 pour en avoir la preuve.
- L’art. 73 mis aux voix
est adopté.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Cet art. 73 contient un second paragraphe dans le projet du gouvernement.
M.
Dubus. - L’article est voté ; le ministre s’est réuni hier à la
proposition de la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je me suis réuni au premier paragraphe qu’elle proposait.
M. Dubus. - Je demande lecture du
procès-verbal de la séance d’hier.
- Lecture est faite du
procès-verbal ; mais cette lecture n’apprend rien.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je puis proposer un amendement. Le paragraphe est ainsi conçu : « Les
délibérations sont précédées d’une enquête, toutes les fois que le gouvernement
le juge convenable. »
M.
Dumortier, rapporteur. - Vous avez pu voir dans le rapport de la
section centrale par quels motifs elle a proposé d’écarter le second paragraphe
c’est parce que le mot enquête se trouve dans la rédaction ministérielle qu’on
rejette sa rédaction. Si on avait seulement donné le droit d’information aux
administrations communales, on aurait admis la mesure ; mais donner le droit
d’enquête c’est donner le droit d’entendre des personnes, de les faire réunir
même malgré elles.
Quand
la constitution a donné aux chambres le droit d’enquête, elle leur a donné le
droit d’entendre les personnes et de les contraindre à venir devant elles ; le
droit d’enquête donné aux tribunaux est de même nature : peut-on donner un
droit semblable aux administrations communales sans de graves abus ? Si le
ministre consent à changer le mot enquête
et à le remplacer par celui d’information,
nous adopterons le paragraphe. Il ne faut pas employer un mot qui présente un
sens convenu dans une autre acception ; il ne faut pas dire enquêtes administratives quand il ne
s’agit réellement que d’informations administratives. En abusant de la
signification du mot enquête, on
pourrait, par la suite vous dire que votre droit d’enquête, comme assemblée
législative, n’est qu’un droit d’information.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il n’a jamais été dans mon intention d’attribuer aux autorités communales le
droit de contrainte envers les personnes qu’elles voudraient entendre ; il ne
s’agit que d’une information usitée aujourd’hui quand il s’agit de ventes de
biens communaux, quand il s’agit de transactions, ou de travaux d’utilité
publique, et dans d’autres cas. Une enquête commerciale se fait en France, et
cette enquête n’a pas le caractère de contrainte.
L’information a
quelquefois le caractère que l’on attribue exclusivement à l’enquête ; telles
sont les informations judiciaires. Je le répète, il ne s’agit dans le projet du
gouvernement que d’une simple information, d’une information ordinaire. Le mot enquête ne peut avoir la portée qu’on
lui prête.
Plusieurs membres. - Mettez information !
M.
Dumortier, rapporteur. - M. le ministre et moi sommes d’accord sur le
principe ; eh bien, mettons le mot information.
C’est une erreur de penser que l’enquête commerciale faite actuellement en
France ne soit qu’une simple information ; elle a été ordonnée par la chambre
des députés. Ne dénaturons pas les mots, il pourrait en résulter les plus
graves abus ; on pourrait, dans l’avenir, vous dire que le droit d’enquête qui
vous est conféré par la constitution n’est qu’un droit de prendre des
informations, et non celui de faire paraître les citoyens devant vous pour les
entendre.
Plusieurs membres. Mettons, mettons information !
- Le mot information mis aux voix est adopté.
- Le second paragraphe
ainsi amendé est conçu en ces termes :
« Les délibérations
sont précédées d’une information toutes les fois que le gouvernement le juge
convenable.. »
Ce paragraphe est
adopté.
L’art. 73 dans son
ensemble est adopté.
Article 74 (du projet de la
section centrale) et article 76 (du projet du gouvernement)
M.
le président donne lecture de l’art. 74 du projet de la section
centrale. Il est ainsi libellé (cet article correspond à l’art. 76 du projet du
gouvernement) :
« Art. 74. Néanmoins
sont soumises à l’avis de la députation provinciale et à l’approbation du Roi,
les délibérations du conseil sur les objets suivants ;
« 1° Les
aliénations, transactions, échanges, de biens ou droits immobiliers de la
commune, les baux emphytéotiques, les emprunts et les constitutions
d’hypothèques, le partage des biens immobiliers indivis, à moins que ce partage
ne soit ordonné par l’autorité judiciaire conformément au code civil, les
communes étant dans ce cas autorisées à y procéder devant le juge compétent
sans être tenues à demander une autorisation spéciale.
« Toutefois l’autorisation
de la députation permanente du conseil provincial est suffisante pour ces actes
lorsque la valeur n’excède pas 1,000 francs ou le dixième du budget des voies
et moyens, à moins que ce dixième ne dépasse 20,000 fr.
« 2° Les péages et droits
de passage à établir dans la commune.
« 3° Les actes de
donation et legs faits à la commune, aux hospices, hôpitaux, bureaux de
bienfaisance, écoles et autres établissements communaux, à moins que la valeur n’atteigne
trois mille francs.
« L’approbation de
la députation permanente du conseil provincial est suffisante pour ces actes,
lorsque la valeur des donations ou legs n’atteindra pas cette somme.
« En cas de
réclamation, il est toujours statué par le Roi sur l’acceptation, la
répudiation ou la réduction de la donation ou du legs.
« 4° Les demandes
en autorisation d’acquérir des immeubles
ou droits immobiliers faites par les mêmes établissements.
«
Néanmoins, l’approbation de la députation permanente du conseil provincial
suffira lorsque la valeur n’atteindra pas la somme de 3,000 fr.
« 5° L’établissement,
le changement ou la suppression des impositions communales et des règlements y
relatifs.
« 6° Le chargement
du mode de jouissance de tout ou partie des biens communaux. »
M.
le président. - M. le ministre de l'intérieur et M. Dechamps ont
proposé des amendements à cet article.
M.
Dechamps. - Mon amendement pouvait faire un article additionnel, je ne
le développerai qu’après la délibération sur l’article 74 de la section
centrale.
M.
Doignon. - Messieurs, cet article et les suivants sont destinés à
déterminer, en exécution de la seconde disposition du n°2 de l’art. 108 de la
constitution, quels sont les cas où il convient de subordonner les actes du
conseil à l’approbation de l’autorité supérieure.
Je ne sais pourquoi le
gouvernement et la section centrale ont refusé toute intervention du pouvoir
législatif dans cette approbation. La constitution, loin de s’y opposer, ne
désigne aucunement quelle doit être cette autorité, et même, dans le n°5 du
même article, elle appelle en termes formels l’intervention du Roi ou du
pouvoir législatif. En France et en Angleterre, les chambres jouissent de cette
prérogative, et cela doit être dans tout régime vraiment constitutionnel. Nos
deux chambres étant en Belgique l’oeuvre de la nation, l’oeuvre de toutes les
communes du royaume, elles sont éminemment ici et à plus forte raison les
chambres des communes proprement dites, et à ce titre leurs protectrices et
tutrices nées par conséquent. Lorsqu’il s’agit d’actes de haute administration,
le pouvoir législatif est appelé en certains cas.
Mais déjà nos chambres
interviennent dans un foule de cas relatifs à des
intérêts de localité. Chaque budget nous en fournit beaucoup d’exemples.
Combien d’allocations n’ont-elles pas pour but l’avantage particulier de telle
ou telle commune ! N’avons-nous pas voté quelques cent mille francs pour
défendre certains villages contre des inondations ? La constitution elle-même
ne déclare-t-elle pas en termes exprès que c’est au pouvoir législatif à
prononcer sur les changements ou rectifications de limites entre les communes ?
En tout temps le corps
législatif a fait de ces actes de haute administration. Sous le régime de la
convention et du directoire comme sous l’empire, ce corps exerçait souvent son
autorité sur des objets particuliers. Une résolution du conseil des cinq-cents,
du 25 floréal an V, porte qu’à l’avenir les communes ne pourront faire aucune aliénation
ni aucun échange de leurs biens sans une loi particulière.
L’on a objecté que le
temps manquerait à la chambre pour s’occuper d’aucun objet d’intérêt de
localité. Les exemples de
La première question qui
devrait être examinée sur cet article est donc de savoir si le pouvoir
législatif ou la chambre des représentants seulement interviendra quelquefois
dans l’approbation à laquelle il y a lieu de soumettre les actes du conseil en
certaines circonstances ? Ce n’est qu’après la solution de cette première
question qu’il y aurait lieu de discuter les cas où cette approbation devrait
être requise à raison du degré d’importance de chaque affaire. En France les
villes dont les budgets excèdent cent mille francs ne peuvent aliéner,
emprunter etc., sans l’assentiment de la chambre.
Aujourd’hui comme
autrefois, lorsque nos villes jouissaient de leurs privilèges, les communes
étaient mineures quant aux actes qui emportent directement une aliénation de
leurs droits immobiliers. Si l’on décidait que sous ce rapport elles ne doivent
aucunement être mises sous la tutelle de nos chambres des communes, au moins
dans ce cas devrait-on restreindre autant que possible l’intervention du
pouvoir exécutif afin d’obtenir en partie cette décentralisation tant désirée
et reconnue nécessaire autant dans l’intérêt du gouvernement que dans celui des
communes.
Il est constant qu’en
général les approbations de cette espèce par le gouvernement sont données pour
la forme. Le Roi, ou plutôt le ministre, ne fait que donner sa sanction aux
avis des autorités provinciales et locales qui ont seules instruit l’affaire
comme étant seules en état d’en juger. Le ministre se borne pour ainsi dire à
faire examiner si les pièces sont en règle, sans pouvoir au fond apprécier les
questions d’utilité ou de nécessité pour lesquelles il se réfère aux autorités
inférieures. Lorsque la constitution a prescrit l’approbation des actes du
conseil dans quelques cas, il est certain qu’elle a entendu parler d’une
approbation éclairée et prise avec la plus grande connaissance possible des
intérêts de localité. Or, l’on ne peut douter qu’en général, après le conseil
communal, c’est l’autorité provinciale qui, par sa position et ses rapports
immédiats avec la commune et les fonctionnaires surveillants, est la plus apte
à prononcer sur ces sortes d’affaires. Soumettre de nouveau le dossier à une
autorité supérieure, ce n’est plus guère qu’une démarche de pure formalité, qui
a pour effet d’encombrer le cabinet du ministre sans un avantage réel pour la
commune. Je n’ai pas encore vu un seul exemple où l’approbation aurait été
refusée contre l’opinion des administrations provinciales et locales.
Dans ce système
cependant on n’exclurait pas d’une manière absolue l’intervention du pouvoir
exécutif ; on lui déférerait des affaires de haute importance qui intéressent
seulement les villes du royaume, affaires qui, comme nous l’avons dit,
devraient plutôt être du ressort des chambres des communes. Ces affaires étant
peu nombreuses, le ministère pourrait réellement y donner des soins, et les
inconvénients de la centralisation cesseraient pour cette partie du service. A
l’égard des villes on laisserait toutefois subsister l’exception proposée pour
les cas où la valeur n’excède pas mille francs.
Mais, quant aux 2,500
communes rurales, elles ne seraient tenues qu’à l’approbation des états députés
de la province.
Déjà sous le régime
actuel introduit par le roi Guillaume, c’est l’autorité provinciale qui seule
statue définitivement sur les demandes d’aliénation, d’échange, emprunts,
placements de fonds, baux emphytéotiques, formées par les administrations des
pauvres, d’hospices, de fabriques d’église et autres administrations
publiques ; c’est ce qui est décrété en termes exprès par les arrêtés des
10 octobre 1814, 10 septembre 1815 et 1er juillet 1816.
Or, il est tout aussi
licite aux états députés de faire droit à de semblables demandes lorsqu’elles
leur sont adressées par des communes : ils exercent même sur celles-ci une
surveillance plus immédiate que doit faciliter davantage l’instruction.
Le n°1 de cet art. 74 ni
l’art suivant ne font aucune mention des biens meubles Le ministère précédent
et la section centrale ont sans doute entendu qu’à leur égard l’approbation
n’était point requise, et c’est ainsi que le roi Guillaume l’avait décidé sous
l’empire de ses règlements par un rescrit du 2 mars 1818. En effet le droit
d’administrer emporte celui de disposer des effets mobiliers sans autorisation.
C’est ce que la loi civile dispose formellement à l’égard de la femme séparée
de biens qui ne cesse pas cependant de demeurer sous la puissance maritale,
art. 1449.
Je n’ai donc pas été
étonné de voir que M. le ministre de l’intérieur proposait dans un amendement
de soumettre au moins à l’approbation de la députation les achats et ventes
d’effets mobiliers. Ainsi, une commune ne pourrait acheter quelques pieds
d’arbres pour planter sur ses chemins, ou faire l’achat de quelques bornes pour
border ses propriétés, et conclure un marché à terme pour ces objets, sans
devoir recourir à l’autorité supérieure, elle ne pourrait vendre un seul arbre
ni même les élagures de quelques saules sans être
soumise à ces formalités,
Non seulement on veut
donc suivre servilement les anciens règlements, comme si nous n’avions pas une
constitution nouvelle qui crée dans la commune un véritable pouvoir
administratif, mais on veut ajouter à la défiance et à la sévérité de Guillaume
envers la commune en l’enchaînant au point de ne pouvoir faire les plus petits
actes d’administration sans la permission de l’autorité supérieure. La
centralisation n’était pas déjà assez étendue, on veut que presque rien ne
puisse lui échapper.
Mais supposons que les
anciens règlements eussent été aussi loin, notre devoir évident ne serait-il
pas de diminuer cette centralisation ? Le pouvoir administratif doit être une
vérité dans la commune autant que le pouvoir royal dans l’Etat ; mais si on
l’entoure de tant de restrictions, si on l’assujettit à chaque pas à des
formalités, ce pouvoir, fondé par la constitution, ne sera plus qu’un leurre.
L’art. 80 du projet de
la commission instituée par arrêté du 16 septembre 1831 dispensait de
l’approbation du Roi les transactions relatives à la perception des impositions
communales et aux contraventions à l’occasion de cette perception. Dans tous
les cas on devrait maintenir cette disposition. Déjà les transactions se
trouvent soumises à l’autorisation royale par l’art. 2045 du code civil, qui
déclare que les communes et établissements publics ne peuvent transiger qu’avec
l’autorisation expresse du Roi. Mais le principe général se trouvant déjà écrit
dans la loi civile, c’est une raison de plus d’exprimer dans la loi actuelle
l’exception dont il s’agit.
Relativement aux
partages des biens immeubles indivis, la rédaction de ce numéro doit aussi être
changée. L’autorité supérieure ne doit intervenir que quand les partages sont
volontaires et extrajudiciaires : lorsqu’ils se font en justice,
l’accomplissement des formalités voulues est une garantie suffisante de la
régularité et de la justice de l’opération.
Le
législateur ne doit donc pas dire dans ce cas qu’on autorise puisque cette
autorisation est superflue et que la commune ne peut se refuser au partage,
lorsqu’il est provoqué contre elle en justice par un tiers ; c’est d’ailleurs
la conséquence des art. 465 et 815 du code civil et
d’un arrêté du roi Guillaume du 21 juillet 1818. Ainsi, ces expressions de
l’article : à moins que, etc.,
doivent être supprimées, et il suffira de faire simplement mention des partages
volontaires et extrajudiciaires des biens immeubles indivis.
Enfin, nous devons ici
faire remarquer aux communes que ce n’est point à une autorisation, mais à une
approbation que la constitution les soumet pour certains actes. Autre chose est
d’approuver, autre chose est d’autoriser. Lorsque l’administration est tenue de
se faire autoriser, elle ne peut faire aucun acte jusque-là, tandis que,
lorsqu’une approbation seulement est nécessaire, le conseil peut procéder à
l’acte, sauf ensuite cette approbation.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)..
- Je crois que, dans le deuxième paragraphe du n°1° de l’article en discussion,
il est nécessaire de supprimer les mots « pour ces actes » ; en effet
l’autorisation de la députation se rapporte non aux actes d’aliénation, etc.,
mais aux délibérations du conseil communal. Je ferai remarquer que la
différence entre l’une et rédaction est grande ; ainsi le conseil communal
pourrait, avec la rédaction actuelle, décider la vente d’une propriété pour
10,000 fr. ; il suffirait de diviser la vente par lots et que chacun de ces
lots n’excédât pas 1,000 fr. Si au contraire vous retranchez les mots
« pour ces actes », l’autorisation tombera sur la délibération.
Il y aurait un deuxième
amendement à proposer ; ce serait d’ajouter dans le même aux mots « le
dixième du budget des voies et moyens » le mot « ordinaire. » Cette
addition est indispensable pour éviter la plus étrange bigarrure. Si vous
laissez l’article ainsi, il comprendra les ressources extraordinaires de la
commune, telles qu’un capital remboursé, le prix d’un bien vendu. Or, à prendre
ainsi les choses, il y a telle petite commune qui aura un budget plus
considérable qu’une grande ville. C’est ce qui résulte des renseignements que
j’ai en main. Il est donc nécessaire, pour éviter cette bigarrure, d’ajouter le
mot « ordinaire. »
- Les
modifications proposées par M. le ministre de l'intérieur consistant dans la suppression des mots
« pour ces actes » et dans l’addition du mot « ordinaire »
après les mots « budget des voies et moyens, » sont successivement
mises aux voix et adoptées ; le numéro 1° du projet de la section centrale est
adopté avec ces modifications.
M. Dubus. - Je ne me rends pas compte du motif
qui a fait employer dans le dernier paragraphe du numéro 1° que la chambre
vient de voter, le mot « autorisation. » Est-ce à dire qu’on ne délibérera
qu’après autorisation préalable ? L’autorisation semble toujours devoir être
préalable, tandis que l’approbation se donne après-coup et ne porte que sur des
actes existants. Entend-on qu’il y ait lieu ici à autorisation ou à approbation
?
M. Dumortier, rapporteur. - La rédaction de la
section centrale est la même que celle du gouvernement. Je considère le mot «
autorisation » comme équivalent d’ « approbation. » Je
propose même de mettre ce dernier mot de préférence, si on le trouve plus clair.
M.
Lebeau. - Je crois le mot autorisation le plus convenable ; il s’agit
en effet ici d’autorisation préalable. Dans la pratique il en est toujours ainsi
: lorsqu’il y a lieu à une adjudication, la résolution est prise par le conseil
communal, et l’adjudication n’a lieu qu’après l’autorisation des états députés.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)..
- Je crois que cette question ne doit pas nous arrêter ; car il est évident que
le mot autorisation est un synonyme du mot approbation employé dans le premier
paragraphe.
- Le n° 2° du projet de
la section centrale est adopté.
M. le président. - La chambre passe au n°3° que M.
le ministre propose par amendement de rédiger ainsi :
« 3° Les actes de
donation et les legs faits à la commune ou aux établissements communaux,
lorsque la valeur excède trois mille francs
« L’approbation de la députation
permanente du conseil provincial est suffisante lorsque la valeur des donations
ou legs n’excède pas cette somme.
« En cas de
réclamation, il est toujours statué par le Roi sur l’acceptation, la
répudiation ou la réduction de la donation ou du legs.
« Paragraphe additionnel.
« Les dispositions
des deux numéros précédents sont applicables aux établissements communaux qui
ont une administration spéciale.
« Les actes
délibérés par ces administrations sont en outre soumis à l’avis du conseil
communal. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)..
- J’ai pensé qu’il était plus convenable de retrancher de l’article de la
section centrale l’énumération qui s’y trouvait, et qu’il suffisait de dire,
« les établissements communaux » pour les comprendre tous.
En deuxième lieu, j’ai
cru un changement de rédaction nécessaire dans le premier paragraphe du n°3 de
la section centrale. Il m’a paru qu’au lieu de : « à moins que la valeur
n’atteigne 3,000 francs », il valait mieux dire : « lorsque la valeur
excède 3,000 francs. » Ainsi se trouve comblée une lacune qui se trouvait
évidemment dans la rédaction de la section centrale.
Quant au paragraphe
additionnel, je dois attirer sur cet objet l’attention de la chambre. La rédaction
du projet du gouvernement et celle du projet de la section centrale faisaient
croire que la délibération du conseil communal et son approbation étaient
suffisantes, et que les hospices et les bureaux de bienfaisance étaient
dépouillés du droit de délibérer, qui leur est au contraire garanti par la
nature des choses et le dispositions sur la matière.
C’est
pour cela que j’ai ajouté le paragraphe additionnel suivant : « Les
dispositions des deux numéros précédents sont applicables aux établissements communaux
qui ont une administration spéciale. Les actes délibérés par ces
administrations sont en outre soumis à l’avis du conseil communal. »
En adoptant cette
disposition, nous restons dans les termes où nous avons toujours été.
M. Dumortier, rapporteur. - Je crois que nous
devons adopter la disposition proposée par M. le ministre de l'intérieur. Elle
me paraît préférable à celle du projet du gouvernement, ainsi que l’amendement
de la section centrale, car elle a l’avantage de prononcer sur la question de
savoir si les établissements de bienfaisance devront encore demander
l’autorisation du gouvernement pour acceptation de legs.
M.
Doignon. - Il me semble aussi, messieurs, qu’on s’est trompé en
comprenant comme on l’a fait, dans cet article, les hospices, hôpitaux, bureaux
de bienfaisance. Lorsqu’un don est fait à ces établissements, ce n’est pas le
conseil de la commune, mais les administrateurs de ces institutions qui sont
chargés de solliciter l’autorisation nécessaire pour l’accepter. C’est ce
qu’établissent les articles 937 et 910 du code civil ; c’est encore ce qui est
statué par l’arrêté du 4 pluviôse an XII. Les conseils communaux sont bien
consultés sur ces demandes d’autorisation, mais ce n’est point leur avis qui
doit recevoir la sanction de l’autorité supérieure, mais l’acceptation qui doit
être faite par les administrateurs de ces établissements de charité. Or, quant
à cet avis, il est inutile d’en faire une obligation particulière au conseil,
puisqu’il est tenu généralement de donner son opinion sur toute affaire
lorsqu’il en est requis par une autorité supérieure.
Ces institutions
charitables ne doivent pas être confondues avec la commune ; elles sont et
doivent demeurer des administrations tout à fait distinctes et séparées. Il
doit suffire au conseil d’avoir sur elles un droit de surveillance.
Prenons garde de mettre
ces fondations de charité sur la même ligne que la commune, nous avons vu ce
qui est résulté de cette confusion dans la première révolution française, les
unes et les autres ont été enveloppées dans les mêmes décrets ; tous les biens
de ces établissements ont alors été vendus en France, et lorsqu’en 1812 le
gouvernement français fit vendre dans ce pays les biens des communes on se
rappelle qu’il a été sérieusement question de faire vendre en même temps tous
ces biens de fondation. Il importe donc d’écarter toute disposition qui puisse
faire penser qu’ils sont une propriété ou un établissement vraiment communal.
Chacune de ces fondations dûment autorisée a une
existence légale, indépendante de celle de la commune. Très souvent elles ont
un mode particulier d’administration prescrit par les fondateurs dont la
volonté doit être avant tout observée. L’article 68 du règlement des villes ne
donnait même la nomination des membres des hospices et bureaux de bienfaisance
au conseil communal que pour autant qu’il n’en ait pas été décidé autrement par
les actes de fondation.
Pour les fabriques
d’église, il existe également une législation particulière. Le parti le plus
sage serait donc de mettre à l’écart tous ces établissements, en attendant une
révision des lois et arrêtés sur cette matière. La loi actuelle ne doit avoir
aucun autre objet que l’organisation de la commune.
C’est à l’esprit
religieux du Belge qu’on doit la majeure partie de ces fondations de
bienfaisance. Comme sil eût pris en haine le caractère charitable du Belge
catholique, le roi Guillaume avait porté plusieurs dispositions tendant à
entraver les intentions du fondateur. On l’a vu s’opposer même à l’exécution du
voeu exprimé dans un acte de dernière volonté, de faire distribuer une aumône
par son pasteur. Par un arrêté du 25 octobre 1825, il créa de sa seule autorité
une déchéance contre les établissements qui ne demanderaient pas l’autorisation
dans le terme d’un année. Par d’autres arrêtés, il
ordonna, outre la perception d’un droit de 10 pour cent, un prélèvement de
quatre pour cent sur les revenus annuels des biens donnés. Ce qui prouvait à
l’évidence ses vues hostiles contre nos bienfaiteurs catholiques, c’est qu’il
avait exempté de cet impôt les dons faits à la fameuse société pour l’utilité
générale, tot nut van t‘algemeen, à la société de bienfaisance et autres qu’il
prenait sous sa protection. (Arrêté du 30 septembre 1828.). Les
art. 110 et 113 de notre constitution ont de droit aboli de pareils
impôts.
Le n°3 de cet art. 74 ne
doit donc comprendre que les dons faits à la commune ou à des établissements
qu’elle a acquis elle-même et de ses deniers et qui sont sa propriété. Pour les
institutions ou fondations de charité dont nous venons de parler, elles ne sont
certainement pas des établissements communaux proprement dits, puisqu’elles ont
une existence légale indépendante de la commune, et une administration
particulière. Ce qui les concerne doit donc être renvoyé à la législation
spéciale sur cette matière qu’on devra réviser. Je rejetterai donc aussi
l’amendement de M. le ministre s’il voulait envelopper ces fondations sous le
nom d’établissements communaux, ayant une administration spéciale.
Il convient d’expliquer
si la valeur de 3 mille francs dont on parle, s’entend de pareille somme,
déduction faite des charges C’est sans doute dans ce sens qu’on l’a compris, et
il est nécessaire de l’exprimer.
Enfin, le dernier
paragraphe de ce numéro porte qu’en cas de réclamation de la part des héritiers
ou ayant-droit du donateur, il est statué par le Roi sur l’acceptation ou la
réduction de la donation. Il me paraît inutile et dangereux de prévoir dans la
loi ces sortes de réclamations ; c’est implicitement reconnaître que les
héritiers ont toujours le droit de réclamer. Ou le donateur n’a fait à leur
égard que ce que la loi civile lui permettait de faire, et dans ce cas la
disposition est tout à fait inattaquable de leur part ; ou la disposition
blesse leurs droits, soit parce qu’elle entame la quotité disponible, ou pour
tout autre motif fondé sur la loi : dans ce cas, c’est aux tribunaux qu’ils
doivent s’adresser pour obtenir justice.
S’il n’existe pas
d’autres motifs, le gouvernement ne peut refuser l’autorisation pour le profit
seul des héritiers ou ayant-droit. La propriété est le droit de disposer de sa
chose de la manière le plus absolue pourvu qu’on en fasse un usage qui ne soit
point contraire aux lois. Le gouvernement n’a donc pas le droit de détruire les
effets de la volonté de l’homme par le seul motif qu’il aurait privé de son
bien un héritier, lorsque la loi civile lui accorde formellement ce droit ; il
n’appartient pas au gouvernement de descendre alors dans le for intérieur du
citoyen, lorsque la loi civile constitue celui-ci seul juge de la question. Le
gouvernement, en cette matière, ne doit voir que l’intérêt de l’établissement
donataire, et examiner si des raisons politiques ou d’intérêt général ne
s’opposent pas à l’exécution de la disposition ; mais il est sans droit pour
s’immiscer dans des questions d’intérêt privé.
M.
le président. - Je vais mettre aux voix les amendements présentés par
M. le ministre de l'intérieur. Il propose de substituer au n°3 les dispositions
suivantes :
« Les actes de
donation et les legs faits à la commune ou aux établissements communaux,
lorsque la valeur excède trois mille francs.
« L’approbation de
la députation permanente du conseil provincial est suffisante lorsque la valeur
des donations ou legs n’excède pas cette somme.
« En cas de
réclamation, il est toujours statue par le Roi sur l’acceptation, la
répudiation ou la réduction de la donation ou du legs. »
- Adopté.
Au n°4, il propose de
substituer les mots : n’excédera pas
à ceux-ci : n’atteindra pas.
- Adopté.
« Paragraphe
additionnel.
Les dispositions des
deux numéros précédents sont applicables aux établissements communaux qui ont
une administration spéciale.
« Les actes
délibérés par ces administrations sont en outre soumis à l’avis du conseil
communal. «
- Adopté.
M.
le président. - La section centrale propose un n°5° ainsi conçu :
« L’établissement,
le changement ou la suppression des impositions communales et des règlements y
relatifs. »
Le gouvernement avait
proposé la disposition suivante : « Les tarifs et le mode de perception de
l’octroi. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)
se réunit à la section centrale.
M.
Dubus. - Qu’entend-on par les règlement dont
il est question dans ce paragraphe ? La même disposition se trouve à l’article
76.
M.
Dumortier, rapporteur. - On entend les règlements relatifs aux
impositions communales, tandis que les règlements dont il est parlé à l’art.
76, sont des règlements et ordonnances de police.
-
Le n°5° de la section centrale est mis aux voix et adopté.
M.
le président. - La section centrale propose de faire un n°6°, relatif
au changement du mode de jouissance de tout ou partie des biens communaux.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je crois devoir combattre le numéro 6° proposé
par la section centrale.
La section centrale
présente, comme devant être soumis à l’approbation du Roi, un acte que le
projet du gouvernement ne soumettait qu’à l’approbation de la députation
provinciale. Dans mon opinion, le changement du mode de jouissance des biens
communaux ne doit être soumis ni à l’approbation du Roi, ni à l’approbation de
la députation provinciale. On doit laisser cela à l’appréciation du conseil, et
du conseil seul. En effet, je suppose qu’une ville veuille transformer un
bâtiment communal en une caserne, parce qu’elle a des troupes à loger ; faut-il
qu’elle aille demander l’autorisation à la députation provinciale ou au Roi
lui-même ? Cela n’est pas exécutable. De pareils objets doivent être abandonnés
à la décision du conseil. Par ces motifs, je repousse la proposition du
gouvernement et celle de la section centrale.
Je
comprends que, dans certains cas, il peut être utile d’appeler l’attention du
gouvernement ou des états provinciaux sur le changement du mode de jouissance
des biens communaux, par exemple pour les biens indivis, les pâturages, les
bois communaux. Si l’article était rédigé en ce sens, je lui donnerais mon
approbation ; mais comme, avec les termes généraux dans lesquels l’article est
conçu, on ne pourrait changer l’emploi d’un bâtiment sans en demander
l’autorisation au Roi ou à la députation provinciale, je demanderai un
changement de rédaction ou le rejet.
M.
H. Dellafaille. - C’est dans le dernier sens indiqué par l’orateur que
l’article doit être entendu. Les biens ne sont pas des édifices. La commune
reste libre d’employer ses édifices comme elle le juge convenable. Par biens
communaux, on entend les bois, les pâturages. D’après les renseignements qui
nous ont été communiqués, il se trouve beaucoup de ces biens, surtout dans la
province du Luxembourg et la province de Namur. Ces biens sont la ressource des
pauvres. Il importe que le mode de jouissance ne soit pas changé, que ces biens
ne soient pas détournes de leur destination, au préjudice du pauvre et au
profit du riche.
C’est
une chose très importante, car si les renseignements que j’ai recueillis sont
exacts, il existe dans ces provinces une foule de chartes données aux communes
par le souverain pour leur garantir la jouissance de ces biens. Si on laissait
aux conseils communaux la faculté de changer le mode de jouissance de ces
biens, le pauvre pourrait être dépouillé au profit du riche ; et pour garantir
ses intérêts, il faut soumettre le changement du mode de jouissance, non
seulement à l’approbation de la députation, mais du Roi lui-même.
M. Dumortier, rapporteur. - Je ferai remarquer
que le n° 6 rentre dans le n°2 de l’article suivant. D’ailleurs, mon
observation ne portait que sur la généralité des termes de la disposition.
Quelle que soit l’intention dans laquelle le paragraphe a été rédigé, il est
incontestable que si vous dites que le changement de mode de jouissance de tout
ou partie des biens communaux est soumis à l’approbation du Roi, le conseil
communal ne pourra pas changer l’emploi d’un bâtiment. Je propose d’ajouter : dont les habitant jouissent en commun.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)
- Je ne fais pas difficulté d’admettre le paragraphe proposé par la section
centrale, parce qu’on peut avoir non seulement à régler, mais à changer le mode
de jouissance des biens communaux. Mais aussi je pense qu’il faut maintenir le
paragraphe dans les termes proposés par la section centrale ; car je ne partage
pas l’opinion du député de Tournay, que les communes peuvent disposer
arbitrairement de leurs édifices ou bâtiments qui sont leurs églises,
presbytères, hôtels-de-ville, salles pour les écoles, etc. Tout édifice ayant
une affectation spéciale ne peut changer de destination sans l’autorisation de
l’autorité supérieure.
Sous ce rapport, la
disposition de la section centrale doit donc être maintenue.
M.
Raikem. - Je vais ajouter quelques observations à ce qu’a dit M.
Dellafaille, et répondre à l’objection faite par M. le rapporteur que la
disposition du n°6° de l’art. 74 se trouverait comprise dans le n°2 de l’art.
75.
Il me semble, d’après la
rédaction de ces deux dispositions, qu’elles ont l’une et l’autre un objet tout
différent. En effet, de quoi s’agit-il à l’article 74 ? De changer le mode de
jouissance des biens communaux, actuellement en usage. Par exemple, comme on
l’a fait observer, il y a des pâturages communs ; on veut en changer le mode de
jouissance.
On veut par exemple
louer et faire défricher ces pâturages, en les louant ou défrichant au profit
de la commune. Il faut convenir que ce changement de mode de jouissance peut être
singulièrement funeste aux classes pauvres. Quelquefois aussi ce changement
peut être efficace. Tout ce que l’on demande, c’est que l’on prenne des
précautions contre les inconvénients qui peuvent en résulter et qu’au moyen de
l’avis de l’autorité supérieure l’on puisse être éclairé sur l’utilité qu’il y
aurait à changer le mode de jouissance en usage, à mettre en location par
exemple une propriété de la commune, et en répartir le produit entre les
habitants, au lieu d’en laisser comme auparavant la jouissance aux habitants.
C’est pour ce changement seul que l’on demande l’autorisation royale.
Dans
le numéro 2° de l’art. 75, il s’agit de la répartition du mode de jouissance
des pâturages. Par la répartition, on détermine les droits de chacun à jouir
d’un bien communal, on règle simplement ce mode de jouissance. On fixe par
exemple le nombre de têtes de bétail que chacun pourra envoyer au pâturage
commun. Il ne s’agit ici nullement de changement dans le mode de jouissance. Je
conçois que dans ce cas les précautions prises par l’art. 75 sont suffisantes.
Mais je suis d’avis qu’il faut une précaution de plus lorsqu’il s’agit d’un
changement formel dans le mode de jouissance. Si ma mémoire est fidèle sous les
régimes précédents on avait reconnu la nécessité de faire intervenir l’action
royale ou impériale dans ces actes de l’administration locale, chaque fois
qu’il s’agissait de changer le mode de jouissance. Je pense donc qu’il y a lieu
de maintenir les dispositions de la section centrale, nonobstant les observations
de l’honorable rapporteur.
M.
Legrelle. - Je ne sais pas si le paragraphe 6 de l’article en
discussion à la portée que l’honorable M. Raikem veut y attacher. J’y attache
une tout autre signification. Et je parle en ce moment, non pas d’après ma
propre impulsion, mais d’après celle d’un conseil de régence qui a examiné le
point dont il s’agit. Le conseil de régence voudrait que le principe primitif
du gouvernement fût maintenu ; sur le changement de mode de jouissance, que
l’approbation royale ne fût pas requise, attendu qu’elle entraverait la marche
de l’administration. Il se trouve des cas, dans lesquels le mode de jouissance
doit être changé immédiatement.
Je
ne voudrais pas même que l’autorisation des états députés fut requise à cet
égard. C’est ainsi qu’à une époque désastreuse j’ai change immédiatement le
bâtiment du chantier pour les cholériques. Il pourra arriver que dans d’autres
villes on se voie forcé de transformer tout à coup des magasins en casernes. Et
il arrive bien souvent que l’on n’a pas le temps de demander une autorisation
aux états provinciaux. Un bataillon entre dans une ville. Les chefs de
l’administration, pour éviter le logement aux habitants, casernent les troupes
dans un bâtiment qui ne sert à rien. Faudrait-il demander l’autorisation du Roi
ou des états provinciaux ? c’est vouloir ce qui n’a
jamais existé. C’est pourquoi je m’oppose à ce que l’autorisation royale soit
nécessaire pour le changement de mode de jouissance.
M. Milcamps. - J’ai assisté dans la section
centrale à la discussion du numéro qui nous occupe actuellement. Je vais dire à
la chambre les motifs qui m’ont déterminé à y donner mon approbation. Nous
lisons dans le code civil, art. 542 : « Les biens communaux sont ceux à la
propriété ou au produit desquels des habitants d’une ou plusieurs communes ont
un droit acquis. » J’y vois en outre que les immeubles composant les biens
communaux sont de trois espèces : les uns servent à l’usage personnel des
habitants, d’autres aux pâturages des bestiaux, d’autres enfin sont affermés et
le prix du bail forme un revenu communal. Voici quelle a été la pensée de la
section centrale ; quand des biens communaux sont livrés à l’usage personnel
des habitants ou servent de pâturages, elle a voulu que l’on ne pût opérer des
changements dans le mode de jouissance sans l’autorisation royale. Elle a voulu
que lorsque des biens communaux sont loués on ne pût leur donner une autre
destination sans l’approbation de l’autorité supérieure. Tels sont les motifs
qui m’ont déterminé à approuver ce numéro.
M.
Raikem. - J’ajouterai quelques observations encore sur la question qui
nous occupe. Je crois que les remarques faites par un honorable préopinant
n’ont nullement trait à cette question. Il a pris pour exemple un bâtiment
appartenant à la ville auquel on aurait donné la destination d’un hôpital. Ce
n’est pas plus changer le mode de jouissance d’un local que si la salle à
manger de la maison communale se trouvait transférée d’un étage à l’autre.
L’honorable M. Milcamps
a fait observer qu’il y avait diverses espèces de propriétés communales, les
propriétés dont les habitants jouissaient en commun. Ces propriétés sont
ordinairement des pâturages dont la jouissance est de la plus grande importance
pour la classe pauvre, laquelle mérite toute notre sollicitude.
Il ne faut pas confondre
ces propriétés-là avec les bâtiments qui peuvent servir à des usages
particuliers, ou transformés en hôpitaux ou casernes, ou bien être mis en
location. On doit distinguer les biens dont les habitants jouissent de ceux qui
ont une affectation particulière. Voilà à mon avis ce que l’on entend par mode
de jouissance. Nous sommes en discussion sur les mots, quoique nous soyons d’accord sur les choses. Mais quand on fait une loi, il faut
la faire pour les choses et non pour les mots. Et, s’il met permis de faire une
citation, je rappellerai les paroles de l’orateur romain : Rebus, non verbis leges
imponimus. Que l’on trouve une rédaction
meilleure que celle de la section centrale, je m’y rangerai ; je ne demande que
de trouver une locution plus explicitive. Quant à la
chose en elle-même, je crois pouvoir maintenir ce que j’ai dit. Je pense que
l’honorable préopinant a donné des raisons telles qu’elles doivent porter la
conviction dans nos esprits, quant au changement du mode de jouissance. Je
maintiens que ce changement doit être soumis â l’approbation royale, et que
l’on ne saurait prendre trop de précautions, parce que cette question se
rattache au bien-être de la classe pauvre, dont nous ne pouvons trop défendre
les intérêts.
M.
Legrelle. - Comme vous venez de l’entendre de la bouche de l’honorable
et savant préopinant, nous sommes d’accord sur le fond des choses. Ainsi, il ne
s’agit ici que d’une différence dans les mots. Mais, comme les mots sont
l’expression des choses, dès que les mots désignent un objet qui peut être
interprété différemment, il faut que les mots soient changés. Je suis persuadé
que l’honorable préopinant se ralliera à une rédaction nouvelle, si le fond de son
idée est rendu. Il suffira pour cela d’un petit amendement.
M.
le président. - M. Dumortier propose l’amendement suivant :
« 6° Des biens communaux
dont les habitants jouissent en commun. »
M. Dumortier,
rapporteur. - Il me semble que mon amendement lèvera la difficulté
qu’on s’exprime clairement dans la loi. Les observations que j’avais faites
subsistent. Je ne pense pas que l’on ait répondu à mes objections, quant à la
deuxième disposition. Je pense au surplus que ma rédaction satisfera tous le
monde.
M.
Legrelle. - Elle me satisfait complètement.
M. Devaux. - Je remarque bien que MM. Dumortier,
Legrelle et Raikem sont d’accord, mais je ne crois pas que M. le ministre de
l’intérieur ait partagé mon opinion. Je désirerais qu’il nous expliquât s’il
est de l’avis commun. Je demande si ma commune sera libre de dire, comme le
veut M. Legrelle : Je forme le tribunal : magistrats, arrangez-vous comme vous
voudrez. Une commune pourra-t-elle de son plein gré changer une école en
caserne. Je demande si telle est l’intention du ministre.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)..
- A l’appui de ce que vient de dire le préopinant, je pourrais citer à la
chambre un exemple qui s’est passé récemment : on a agité au sein d’un conseil
municipal la question de savoir si l’on céderait l’hôtel-de-ville au tribunal ;
les avis ont été divergents ; la majorité du conseil a pensé qu’elle pouvait,
sans autorisation supérieure, changer l’usage de l’édifice ; la minorité a
pensé que ce changement était inconvenant, et qu’il fallait une autorisation
supérieure. Pour moi, j’ai cru qu’on ne pouvait changer la destination de
l’hôtel-de-ville, destination consacrée depuis un temps
immémorial. Si l’on adoptait la doctrine des préopinants, il n’y aurait plus de
garanties relativement à l’usage des édifices publics. Quand on ôte à la
commune le droit d’aliéner une pièce de terre de trois mille francs de valeur,
peut-on lui permettre de changer la destination d’édifices qui valent plus de
cent mille francs ?
Quant au droit de
transformer un hôpital ordinaire en hôpital spécial lorsqu’un fléau frappe les
populations, ce n’est pas là changer la destination d’un établissement, et il
n’y a aucune objection à faire dans ce cas, mais il y en a mille autres où il y
aurait les plus grands inconvénients à permettre au conseils communaux de
changer la destination des édifices publics.
M. Lebeau. - Je pourrais renoncer à la parole
après ce que viennent de dire M. Devaux et M. le ministre de l’intérieur. Je
l’aurais demandée pour combattre l’amendement de M. Dumortier qui ne me
satisfait pas du tout. Cet honorable membre n’a pas porté suffisamment son
attention sur ce qui se passe dans certaines communes rurales, selon les
passions qui agitent leurs habitants. Là où les opinions religieuses dominent,
on changera une caserne en presbytère ; ailleurs, où des sentiments différents
prédomineront, on changera le presbytère en caserne ; enfin on agira selon les
impulsions du moment, et on prendra des mesures funestes aux localités. Il
m’est impossible de concevoir que l’amendement de M. Dumortier ait chance de
succès dans cette enceinte.
M. Eloy de Burdinne. - Je demande le renvoi de
l’article et des amendements à la section centrale. La question est importante
; elle mérite un examen particulier ; la rédaction seule de l’article suffit
pour motiver ce renvoi. (Non ! non !)
M. de Brouckere. - Il est inutile de
renvoyer l’article à la section centrale ; le système du projet de loi me
paraît fort sage, et je n’hésite pas à lui donner mon approbation. Quand il
s’agit de répartir le mode de jouissance d’un pâturage, par exemple, la commune
règle cette répartition toute seule et sans qu’elle ait besoin d’aucune
approbation ; lorsqu’il y a réclamation de la part d’un habitant, alors la
question est décidée par le conseil permanent. Mais quand il s’agit de changer
le mode de jouissance d’un bien communal, c’est là une affaire plus grave et
dans ce cas on exige l’autorisation de la haute administration. Changer le mode
de jouissance d’un bien communal me paraît d’une égale importance à
l’aliénation de ce bien ; or, pour l’aliénation il faut l’autorisation de
l’administration centrale ; pourquoi ne la faudrait-il
pas dans des circonstances non moins graves ? On a cité des exemples à l’appui
du système que je défends ; je ne pense pas qu’on puisse réfuter les
conséquences qu’on en a tirées ; cependant on n’a cité qu’un très petit nombre de
faits ; il en est des milliers de semblables.
Je m’oppose à la
proposition de M. Eloy de Burdinne et je voterai pour le projet de loi. (Aux voix ! aux voix !)
M.
Dumortier, rapporteur. - Messieurs, je vois que les opinions sont
vraiment divergentes ; dans une telle situation la proposition de M. Eloy de
Burdinne ne peut présenter aucun inconvénient. On a déjà beaucoup dit ; mais il
y a encore beaucoup de chose à dire. Je ferai remarquer, par exemple, que M.
Lebeau, simple député, est en contradiction avec M. Lebeau, ancien membre de la
haute administration, puisqu’il est en contradiction avec le projet présenté
sous son ministère. On signale des inconvénients dans le système que nous
soutenons ; on ne les a aperçus qu’aujourd’hui ; depuis trente ans qu’il est en
pratique, aucune difficulté de ce genre n’a surgi. Voudrait-on, en combattant
notre système, garrotter les communes ? nous devons
nous garder d arriver à un pareil résultat.
La
proposition de M. Eloy de Burdinne est sage : la section centrale pourra vous
présenter une rédaction qui satisfasse à tous les besoins, si elle est de
nouveau consultée.
- La proposition de M.
Eloy de Burdinne mise aux voix n’est pas adoptée.
M.
Legrelle. - Messieurs, je regrette que plusieurs honorables membres,
pour appuyer leur système, aient eu recours à l’absurde : n’est-il pas absurde,
en effet, de croire que les communes seront assez insensées, assez ennemies
d’elles-mêmes, pour transformer leurs principaux établissements, pour
transformer une prison en caserne, par exemple ? Toutefois j’admets que
dans une commune, il y ait assez d’aberrations dans le conseil pour vouloir une
pareille transformation ; qu’en arrivera-t-il ? C’est que les états députés de
la province n’approuveront pas de semblables actes. Le remède est donc à côté du mal. Si les administrations communales font des
choses absurdes, les conseils provinciaux sont là pour repousser les inepties.
Une commune peut aliéner sans autorisation un bien dont la valeur peut aller
jusqu’à trois mille francs, et vous ne voudriez pas qu’elle pût changer le mode
de jouissance d’un chétif emplacement qui à peine vaudrait cinq cents francs ? cela serait contradictoire. Messieurs, conservez ce qui
existe depuis longtemps, et sans inconvénients.
M.
Lebeau. - Je pourrais presque demander la parole pour un fait
personnel. L’honorable préopinant approuvait, dit-il, le texte de la section
centrale, contre lequel il s’élève en ce moment ; c’est sans doute qu’éclairé
par la discussion il a changé d’avis : eh bien, ne pourrais-je pas dire
également que c’est éclairé par les débats que je soutiens une opinion
différente de celle qu’on suppose avoir dû être la mienne ? Mais nous dirons
plus : le projet de loi sur l’organisation communale n’est pas l’œuvre du
gouvernement, mais celui d’une commission : on sait comment il est parvenu dans
cette enceinte ; en le présentant, le gouvernement, qui en approuvait
l’ensemble, s’est réservé positivement le droit de présenter des amendements
pendant le cours de la délibération. Le projet fût-il sorti des cartons
ministériels, ce ne serait pas une raison pour ne pas changer d’opinion quand
de nouvelles lumières se produisent dans la discussion publique.
Dans le système que nous
combattons, on prétend que le remède est à côté du mal ; mais ce remède n’est
qu’illusoire, car dans certaines petites communes il se passe bien des choses
absurdes. Si vous leur abandonnez la faculté de convertir un presbytère en
tribunal de paix ou celui-ci en presbytère, selon les petites passions qui
dominent au conseil communal vous ne manquerez pas d’hommes actifs, inquiets,
qui viendront avec des arguments assez spécieux servir ces passions aveugles ;
qui vous présenteront des motifs, des prétextes, pour transformer le presbytère
en caserne, l’hospice en prison, l’église en salle d’école, etc., etc.
Voilà ce que nous ne
pouvons vouloir. Je désire l’intervention du pouvoir central, ou au moins
l’intervention de la députation des états, car il en faut absolument une.
L’inconvénient
qui a frappé l’honorable M. Legrelle repose aussi sur une hypothèse fausse. Si on
change un hôpital ordinaire en un hôpital de cholériques, il n’y a pas besoin
d’autorisation. Dans les cas urgents, on pourrait d’ailleurs s’en passer.
L’autorité, dans de telles circonstances, sanctionnerait toujours ce qui aurait
été fait. Les lois ne sont pas faites pour les cas exceptionnels,
extraordinaires.
Si vous n’admettez pas
le projet de la section, vous jetez la perturbation dans la commune. Car il ne
s’agit pas ici d’autre chose que de soustraire des actes fort importants de
l’autorité communale au contrôle des états députés comme à celui de l’autorité
centrale.
M.
Dumortier, rapporteur. - Depuis longtemps l’honorable préopinant est
habitué à semer des terreurs dans cette assemblée ; le voici maintenant qui
présente les administrations communales comme devant jeter la perturbation dans
l’Etat.
M.
Lebeau. - C’est mon opinion.
M.
Dumortier, rapporteur. - C est votre opinion, c’est possible ; mais il
faut reconnaître qu’elle est bien peu d’accord avec les faits. Depuis notre
révolution, quand il n’y avait pas de gouvernement, lorsqu’ensuite notre
gouvernement naissant était occupé uniquement des grands intérêts du pays, qui
a maintenu l’ordre dans les communes ? Les administrations communales. C’est
leur fermeté qui a empêché tout désordre dans le pays ; et on vient les accuser
de jeter la perturbation dans l’Etat. Il n’y eut pas le plus petit reproche à
leur adresser. C’est qu’en Belgique les libertés communales sont dans les mœurs
des citoyens ; c’est là une garantie plus sûre que la loi. En vain donc
accusera-t-on nos administrations communales d’être un élément de trouble, un
germe de désordre. Les faits sont là pour attester qu’elles sont, au contraire,
la grande base de l’ordre et de la stabilité dans le pays.
Il n’y a pas de réponse
possible à la supposition faite par l’honorable préopinant d’un changement de
caserne de gendarmerie en presbytère et réciproquement, suivant telle ou telle
majorité prédominante dans le conseil. C’est là une absurdité. Où sont, je vous
le demande, les exemples de pareils faits ? Citez-les, sinon n’injuriez pas
gratuitement les administrations communales par la supposition d’actes
absurdes, d’actes d’extravagance qui n’ont d’autre fondement que votre
imagination.
La question est très
simple. Il s’agit de savoir si le Roi doit intervenir pour de petits changements
relatifs aux biens communaux. S’il faut une intervention, que ce soit celle de
la députation. Mais ne faites pas intervenir le Roi pour des vétilles, pour des
riens, comme dit l’honorable M. Legrelle. Ne recourez à l’intervention du Roi
que quand elle est utile, nécessaire ; sans cela vous finirez par l’user ; elle
ne signifiera plus rien.
Ne pensez-vous pas que
la bureaucratie ministérielle ne soit aussi à craindre que les autorités
communales ? Assurément, s’il y a eu des malheurs pour le pays, ils sont plutôt
venus de la bureaucratie que des administrations communales.
Permettez-moi
de vous citer un exemple pour vous prouver que la proposition qui vous est
faite par l’honorable préopinant ne tend pas à autre chose qu’à l’absurde. Une
régence peut, quand elle le veut, supprimer un collège, supprimer une régence ;
elle n’a pas pour cela besoin d’autorisation. Et néanmoins, d’après le système
qu’on veut faire prévaloir, elle aurait besoin d’autorisation pour un
changement dans la destination des bâtiments de ce collège ; c’est-à-dire que
vous accorderiez le plus et que vous refuseriez le moins : ce serait une
absurdité.
Je suis fâché pour
l’honorable préopinant d’avoir à réfuter de pareils arguments, d’avoir à
défendre des choses qui me semblent tomber sous le sens de tout individu.
M.
Legrelle. - Il est bien entendu, et en cela je suis d’accord avec
l’honorable M. Dumortier, qu’en repoussant l’intervention du Roi, je n’exclus
pas l’intervention de la députation. Sans doute cet amendement ne préjuge rien,
et lorsque nous discuterons l’approbation de la députation, je pourrai proposer
d’y soumettre les actes dont nous nous occupons maintenant.
M.
Raikem. - Nous ne discutons maintenant que les actes soumis à
l’approbation du Roi. C’est seulement dans l’article suivant que nous nous
occuperons des actes soumis à l’approbation de la députation.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)..
- On a discuté longuement cet article, parce qu’on lui a attribué une portée
qu’il n’a point. Evidemment vous ne pouvez soustraire à l’intervention du Roi
le changement dans le mode de jouissance de certains biens communaux, les
pâturages notamment.
Je ferai remarquer
qu’autrefois ces sortes de dispositions étaient soumises à l’avis du conseil
d’Etat, indépendamment de l’approbation du Roi. Mais pour de simples changements
de destination d’édifice, comme ceux dont a parlé M. Legrelle, il ne peut pas
être dans l’intention du gouvernement de les faire soumettre à son approbation.
Il ne faut, pour se mettre d’accord, que fixer de justes limites. Car on ne
peut pas abandonner au libre arbitre des communes la destination de leurs
édifices ; comme je l’ai dit tout à l’heure, il est des édifices dans la
destination ne peut être changée sans l’autorisation de l’autorité supérieure.
La difficulté est venue
de ce que de part et d’autre on attribuait à la disposition une portée qu’elle
n’avait pas. J’avoue cependant que la rédaction ne me paraît pas parfaite.
- L’amendement proposé
par M. Dumortier au n°6 est mis aux voix. Il n’est pas adopté.
Le n°6 de la section
centrale est adopté.
M.
le président. - Avant de mettre aux voix l’ensemble de l’article, il
convient d’examiner si la disposition proposée par M. Dechamps doit faire
partie de l’article 72 et être ajoutée à celles que nous venons de voter.
- La séance est levée à
quatre heures et demie.