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d’intention
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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mercredi 29 janvier 1834
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative à une demande d’exemption
de droits d’entrée pour un Belge exploitant des terres aux Pays-Bas (Van Hoobrouck)
2) Projet
de loi relatif à la remise des droits d’entrée sur les mécaniques. Proposition
d’ajournement (Dubus, Zoude, Dubus, Dumortier, Davignon, Jullien, Dubus, Rogier, Brixhe),
second vote des articles (Dubus, Jullien,
Dubus, de Muelenaere, Dumortier, Brabant, de Muelenaere, Dumont, Jullien, Zoude, Dumortier,
Lebeau, Dumont, Zoude,
Dubus, de Brouckere, Dubus, Brixhe, Davignon,
F. de Mérode, Lardinois, Dubus, Angillis, A. Rodenbach, F. de Mérode, Lardinois, Jullien, Coghen, Dubus, Dumont,
Lardinois, Rogier, Smits, de Muelenaere, Lardinois, Dubus, Brixhe, Dubus)
3) Projet
de loi portant le budget du département des finances pour l’exercice 1834.
a) Publication de la liste des
bénéficiaires du million Merlin (Lardinois, Duvivier, Dumortier, Duvivier, Coghen, Duvivier, Lardinois, Duvivier)
b)
Discussion générale. (A : Réorganisation de services de l’administration
fiscale dans le sens d’un affaiblissement de la responsabilité du
ministre) ; B : service de la douane ; C : poste
rurale ; D : produit de la vente de forêts domaniales ; E :
comptabilité publique et cour des comptes ; F : réforme de la
fiscalité ; G : droits d’enregistrement) (A (de
Brouckere), (A, service de la douane, poste rurale, produit de la vente de
forêts domaniales) (H. Vilain XIIII), (comptabilité
publique et cour des comptes, réforme de la fiscalité, droits d’enregistrement,
A) (Angillis), A (Donny, Jadot, Duvivier, Donny,
Duvivier, Lebeau, de Brouckere))
(Moniteur belge n°30, du 30 janvier 1834)
(Présidence de M. Raikem)
M. Liedts fait l’appel nominal à midi et demi.
M.
Dellafaille
donne lecture du procès-verbal. La rédaction en est adoptée.
Les pièces adressées à
la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions. Une pétition relative
aux opérations du cadastre est renvoyée à la commission chargée de constater
l’état de opérations cadastrales.
M. Van Hoobrouck appelle l’attention de la chambre
sur une autre pétition. - Messieurs, dit-il, un fermier dont les terres sont
situées en Belgique et dont les bâtiments d’exploitation sont placés dans le
territoire qui doit être un jour cédé à
Je demande que l’on
déclaré qu’il y a urgence de faire un rapport sur la pétition. Il suffit de
signaler une position aussi bizarre à M. le ministre des finances pour la faire
cesser. J’ai déjà demandé que la commission des pétitions s’occupât d’une
pétition à peu près semblable, et le rapport ne nous en a pas été présenté ; je
ne sais à quoi tient cette négligence.
Second vote des articles
(proposition d’ajournement)
M.
le président. - M. Dubus propose de renvoyer le vote définitif de cette
loi à un mois.
M. Dubus. - L’une des dispositions du projet
de loi était signalée comme urgente, parce qu’elle est relative à l’industriel
qui, par sa pétition, a provoqué le projet dont nous nous occupons. Il ne faut
pas ajourner à un mois la demande que fait le pétitionnaire, de venir s’établir
chez nous avec ses machines, mais on peut ajourner le vote définitif à cinq ou
six jours, ou après le vote de la loi des finances. Dans l’intervalle, des
renseignements nous viendront sur toutes les dispositions de la loi, si ces
dispositions renferment quelque chose de contraire à nos intérêts industriels.
Modifiant ma proposition, je demande que ce vote définitif soit ajourné après
la loi des finances.
M. Zoude,
rapporteur. -
Dans son premier rapport, la commission d’industrie a présenté un projet de loi
comme urgent ; la chambre a renvoyé ce projet à la commission après une
discussion qui a duré une séance, et le vote définitif a été indiqué pour
aujourd’hui ; ainsi il y a chose jugée. J’ai regretté que M. Dumortier n’ait
pas assisté, dans le sein de la commission à l’examen des différentes
propositions qui lui avaient été renvoyées ; il est probable que cet honorable
membre se serait rendu aux raisons qui ont été exposées.
Le projet nouveau
présenté par la commission est utile à l’industrie en général ; il est urgent
relativement à l’industriel dont la pétition nous a été renvoyée. Je demande
que la proposition de M. Dubus ne soit pas admise.
M. Dubus. - L’art. 45 du règlement dit qu’entre le vote primitif
et le vote définitif il s’écoulera au moins un jour ; ainsi il peut s’écouler
plusieurs jours, et la chambre est absolument maîtresse de fixer le jour où la
chambre votera définitivement.
M.
Dumortier. - Si la chambre consent à l’ajournement, je n’ai aucune
observation à faire ; mais je crois que l’honorable rapporteur de la commission
a eu tort de m’interpeller sur la conduite que j’ai tenue près de la
commission. J’ai dit qu’il fallait une loi pour l’industriel pétitionnaire,
mais qu’il ne fallait pas que cette loi contînt des propositions étrangères à
ce pétitionnaire. Il y a deux propositions dans le projet de loi : l’une est
relative à l’introduction en Belgique d’établissements tout formés à
l’étranger, et je l’adopte ; l’autre est relative à l’introduction de machines
étrangères : mais, comme elle pourrait n’être utile qu’aux industriels en
faveur près du ministère, je pense qu’avant de l’admettre. il
faudrait entendre les chambres de commerce. L’ajournement de cinq ou six jours
peut être accordé ; l’urgence ne signifie rien quand le sénat n’est pas
assemblé.
M. Davignon. - Sans vouloir rentrer dans le
fond d’une discussion qu’avec raison on considérait comme terminée, je ne puis
me dispenser, d’après ce que vient de dire l’honorable préopinant, de vous
faire remarquer que les dispositions du projet de loi sur lequel vous êtes
appelé à voter, ne sont pas une innovation.
Sous le gouvernement
précédent, le roi était investi du pouvoir d’accorder, en franchise de droits,
l’entrée dans le royaume des machines et mécaniques, lorsque l’intérêt de
l’industrie nationale l’exigeait.
On peut croire,
messieurs, que l’on n’a pas fait un mauvais usage de cette faculté, tout
illimitée qu’elle était, car aucun abus de ce genre n’a été signalé ; on a
assez scruté pour trouver des motifs de récrimination.
Sans doute on ne peut,
on ne doit pas pousser trop loin la confiance dans les actes des ministres,
quels qu’ils soient, mais je ne puis concevoir l’excès de défiance qu’on
voudrait nous inspirer ! on ne l’appuie que sur des
craintes vaines, sur des hypothèses. Pour leur trouver un fondement, je devrais
admettre que le gouvernement à intérêt à s’opposer au bien-être du commerce et
de l’industrie. Je pense au contraire, et vous partagerez mon opinion,
messieurs, que sa principale, je dirai même son unique tâche, devra consister
désormais à raviver ces branches de la prospérité publique.
Ne cessons, messieurs,
d’appeler son attention sur cet important objet ; bien loin d’entraver sa
marche, cherchons à l’éclairer. Donnons-lui une sage latitude. Si ses agents en
abusaient, nous avons en notre puissance les moyens de les arrêter. Aucun fait,
ne portât-il même atteinte qu’à un intérêt individuel, ne peut rester inconnu.
Voua avez pour garants, dans le cas présent, la publicité de toute concession,
dont la loi impose l’obligation d’une manière impérative, la presse, le droit
de pétition, et une arme plus formidable encore, la tribune nationale.
Les
restrictions que l’on veut apporter à la loi, aux dispositions de laquelle la
presque totalité des membres de cette assemblée ont déjà donné leur adhésion,
ne peuvent que la dénaturer et en faire manquer le but.
Il n’y a donc pas lieu à
différer le vote définitif du projet dont la chambre a reconnu l’urgence. Je
demande que conformément au règlement il y soit procédé immédiatement. Pour ma
part, je ne contribuerai pas à établir un précédent dont dans la suite, on
ressentirait la fâcheuse influence.
M.
Jullien. - Il y a une décision de la chambre contre laquelle je ne vois
pas la nécessité de revenir. Vous avez délibéré sur la loi dans la dernière
séance ; vous avez ensuite renvoyé le vote définitif à la séance actuelle.
Quand une loi est amendée, il faut laisser écouler au moins 24 heures avant de
voter définitivement ; cependant on vous demande de retarder ce vote
jusqu’après la discussion du budget ; mais quand on aura voté le budget, qui
vous dira qu’on ne fera pas une nouvelle motion d’ordre pour retarder le vote
de la loi ? Je ne sais sur quel prétexte on se fonde pour repousser une loi
accueillie par tous les amis de l’industrie. Il y a un motif d’urgence pour la voter, on le reconnaît ; mais on craint que le
ministre n’accueille pas favorablement les petits industriels, et qu’il ne
suive pas la maxime du maître du monde, qui est de laisser arriver à lui les petits
plutôt que les grands. S’il en était ainsi, les petits industriels savent bien
qu’en s’adressant à la chambre, leur plainte sera écoutée autant et plus que
celle des grands industriels ; sous ce rapport, les craintes de M. Dumortier ne
me touchent pas et ne doivent pas toucher la chambre.
Si la presse, si
l’opinion publique s’élevaient contre la loi, le sénat
en sera averti et corrigera ce qu’elle renferme de défectueux. Je demande que
l’on procède de suite au vote définitif de la loi.
M. Dubus. - Il n’est pas exact de dire que la
chambre a décidé que l’on voterait aujourd’hui la loi qui nous occupe ; la
chambre n’a pu prendre de résolution à la fin de sa dernière séance parce
qu’elle n’était pas en nombre. C’est actuellement qu’elle peut décider à quelle
époque le vote définitif aura lieu. L’honorable préopinant voudrait voter
aujourd’hui parce que, dit-il, le sénat, s’assemblant dans quelques jours, fera
les changements que l’opinion publique et l’intérêt du pays réclameront ; mais
ne vaut-il pas mieux examiner nous-mêmes la loi d’une manière approfondie ? Si
nous la votons avec précipitation, elle nous sera renvoyée amendée par le
sénat, et nous serons obligés de nous en occuper une seconde fois. Notre
devoir, d’ailleurs, n’est-il pas de voter avec maturité tous les projets de loi
? Je bornerai là mes réflexions.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - La loi
dont il s’agit a été adoptée à peu près à l’unanimité des membres présents à la
dernière séance et je ne pense pas que la chambre veuille recommencer la même
discussion dans le cas où une nouvelle pétition lui serait adressée. La loi
n’impose pas au gouvernement l’obligation d’admettre à la libre entrée toutes
les machines ; elle n’accorde qu’une faculté à l’administration. Il est vrai
que les honorables membre, ayant une défiance
continuelle dans le gouvernement, ne veulent pas de la loi. En effet M.
Dumortier a combattu la loi par les raisons de défiance.
Il est bon que la
chambre sache bien quelles sont les intentions des adversaires de la loi. Mais
je suis heureux que d’honorables membres aient répondu à leurs craintes.
Jusqu’ici ils n’ont pas répondu à ceux qui les ont réfutés. Je crois que la
chambre, conformément à ses usages, doit voter immédiatement. (Aux voix ! aux
voix ! aux voix !)
M. Brixhe demande la permission de présenter quelques
considérations sur le sens de l’article premier de la loi.
M.
le président. - Cela ne se peut ; il ne s’agit actuellement que de la
question d’ajournement.
- La proposition de M.
Dubus est mise aux voix et n’est pas adoptée.
M.
le président. - Nous allons successivement mettre aux voix les amendements
présentés à la loi.
Article premier
M.
Dubus. - Les paragraphes 2 et 3 de l’article 1er sont des amendements,
car les dispositions qu’ils renferment n’étaient pas renfermées dans le projet
primitif présenté par la commission d’industrie
M. Jullien. - On demande que l’on considère comme
amendement ce qui fait partie intégrante de la loi, afin de recommencer la
discussion. La commission d’industrie a fait un projet de loi ; on le lui a
renvoyé avec des observations pour qu’elle en présentât un second, et on a
discuté sur le second projet en le considérant comme une loi nouvelle et non
comme une loi amendée. Ce sont les amendements faits à la seconde rédaction qui
sont les seuls amendements.
M.
Dubus. - Le projet de loi soumis à la chambre, et sur lequel la
discussion a été établie, est le projet dont nous avons été saisis par la
commission d’industrie dans la séance du 23 janvier.
Des
amendements ont été présentés ; on les a renvoyés à la commission qui a proposé
une nouvelle rédaction. D’après le texte et l’esprit du règlement, tous ces
amendements doivent être remis en discussion aujourd’hui. Le règlement veut
éviter le danger de la précipitation : or, ce danger existe aujourd’hui,
puisque la chambre a adopté des propositions dans la même séance où elles lui
ont été présentées.
J’ai un amendement à
proposer au paragraphe 2 de l’article premier. Je voudrais que la dispense du
droit fût accordée à tout Belge ou étranger qui introduira des modèles de
mécaniques ou d’ustensiles inconnus en Belgique, et non que l’exemption du
droit fût accordée à celui qui introduirait des machines ou des ustensiles
inconnus en Belgique.
M. de Muelenaere. - Il est impossible de
considérer comme amendements les paragraphes 2 et 3 de l’article. M. Jullien a
exposé le véritable état des choses ; le projet actuel a été considéré par la
chambre comme un projet nouveau ; cela est si vrai que, lors de la présentation
de ce second projet, on a ouvert une discussion générale. Ainsi la chambre a
décidé virtuellement que le projet de loi n’était pas une loi avec amendements.
M.
Dumortier. - C’est par trop fort de venir prétendre que les paragraphes
2 et 3 ne sont pas des amendements ; retranchez donc de votre règlement les
dispositions relatives aux amendements, si vous l’entendez ainsi. Le projet
primitif contenait deux articles ; tout ce qui est en dehors de ces deux
articles est amendement. Ces amendements ont été déposés sur le bureau et
signés par leurs auteurs.
A
la vérité, ces amendements ont été renvoyés à la commission d’industrie pour
qu’elle les coordonnât ; mais cela ne change pas la nature des choses. Vos
antécédents établis lors de la discussion de la loi sur les distilleries sont
conformes à cette doctrine.
Pourquoi
voulez-vous donc écarter une nouvelle discussion ? Est-ce que vous craignez que
la chambre ne revienne sur sa première décision ? L’honorable député de
Charleroy, district où l’on fabrique des machines, vous a dit que vous alliez
tuer l’industrie de cette contrée ; voulez-vous l’empêcher de parler et de vous
prouver son assertion ? Ce serait une contre-vérité que de ne pas considérer
comme amendements les additions faites à la loi.
M. Brabant. - C’est à la chambre à décider si les
paragraphes deux et trois sont des amendements.
M. de Muelenaere. - Je demande la question préalable
sur la proposition de M. Dubus, tendant à remettre en discussion les
paragraphes deux et trois de l’article premier.
M. Dumont. - Si vous adoptez la question
préalable, vous vous écarterez des dispositions de votre règlement. Le
règlement veut que la chambre ne vote aucun article sans y avoir bien réfléchi.
Dans la dernière séance on a adopté des paragraphes qui avaient été élaborés
pour la première fois dans l’assemblée ; il faut donc soumettre à une nouvelle
discussion les dispositions qu’il renferme.
M. Jullien. - Il ne s’agit pas de fermer ici la
bouche à un député, ce qui serait parfois très difficile, et d’ailleurs ce
serait violer le règlement. Toute la question est de savoir si les 2ème et 3ème
paragraphes sont dispositions du projet de
loi ou des amendements. La nouvelle rédaction qui a été présentée par la
commission a été considérée comme étant une loi nouvelle et la preuve, c’est
que vous avez fait des amendements à cette rédaction.
Ce sont ces amendements
qui doivent être mis en délibération maintenant.
M.
Zoude, rapporteur.
- La question me semble facile à résoudre. Voici ce qu’a dit la commission
d’industrie en vous soumettant le nouveau projet de loi :
« La commission a
l’honneur de vous présenter une nouvelle rédaction du projet de loi établie sur
de nouvelles bases. Les auteurs des amendements ont déterminé la commission à
étendre les dispositions de la loi. »
M. Dumortier. - Eh bien, il s’agit
d’amendements.
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - Voilà encore une séance perdue
pour des questions incidentes.
M. Dumont. - L’article 45 du règlement ne veut pas
qu’une disposition jetée pour la première fois dans l’assemblée y soit
définitivement adoptée. En admettant la question préalable, ce serait procéder
par surprise et contrairement au règlement.
M. Zoude, rapporteur. - Nous avons eu pour but d’abréger le temps ;
mais si l’on insiste, nous demanderons que la discussion ait lieu.
M. Dubus. - Les raisons que l’on a données
pour prouver qu’il ne s’agissait pas d’amendements me semblent les plus forts
arguments pour considérer les dispositions de paragraphes 2 et 3 comme étant
réellement des amendements.
Si la commission était
venue proposer la suppression d’un mot, ou l’addition d’un autre mot, on
envisagerait cela comme un amendement ; mais parce qu’elle a fait plus, parce
qu’elle a présenté une disposition toute nouvelle, on ne veut pas que vous
votiez deux fois ; ce qui en définitive se réduit à raisonner ainsi : Les
dispositions insignifiantes, il faut les voter deux fois ; les dispositions
importantes, il ne faut les voter qu’une fois.
M. de Brouckere. - Je suppose que les
honorables orateurs qui se sont opposés à ce que l’on soumît la loi à un second
vote des paragraphes 2 et 3, ont eu pour but d’empêcher la chambre de perdre du
temps ; mais ils ne peuvent avoir d’autre but, car il y a vraiment lieu à
discuter de nouveau ces paragraphes.
Le second projet
présenté par M. Zoude n’est autre chose que le premier projet amendé par la
commission. Aussi la commission d’industrie nous a présenté son second travail
sous ce titre : « Projet de loi rédigé d’une nouvelle manière…» Une
nouvelle rédaction, c’est précisément un amendement. Je demande que l’on
prononce sur la proposition de M. Dubus.
- La
question préalable est mise aux voix. Deux épreuves sont douteuses. On procède
à l’appel nominal.
75 membres sont
présents.
33 votent la question
préalable.
42 en votent le rejet.
En conséquence, la
question préalable n’est pas admise, et la discussion est ouverte sur les
paragraphes 2 et 3 de l’article premier.
M. Dubus. - J’ai proposé un amendement au
paragraphe 2 : cet amendement est motivé sur ce que j’ai exposé dans la séance
précédente et sur ce qui m’a paru être dans les vues de l’assemblée.
M.
Brixhe. - Si j’ai bien saisi l’intention de la chambre dans la
discussion qui a eu lieu sur le projet de loi relatif à l’introduction des
machines étrangères, destinées à créer chez nous des industries nouvelles ou à
perfectionner telle ou telle branche de notre industrie déjà établie, je pense
que la chambre a entendu que l’exemption du droit ne pourra être accordée que
pour la première machine étrangère nouvelle à introduire, et non à plusieurs,
et moins encore à un grand nombre de machines de la même espèce.
En effet, il ne pourrait
en être autrement que pour autant qu’il fût constaté que nos fabriques de
machines ne pussent fournir à l’industrie le nombre de machines semblables à
celle dont l’introduction franche de droit aurait été permise. Or, cette
crainte se dissipera devant les faits. Car nous comptons en Belgique, surtout à
Liège, à Verviers et dans le Hainaut, au moins 15 fabriques de machines
parfaitement montées, parmi lesquelles il s’est trouvé plusieurs de premier
ordre et que l’étranger nous envie. Ainsi donc nous avons tout entier
apaisement sur nos moyens d’intelligence pour l’exécution de toutes machines.
Nous avons également tout apaisement quant aux matières premières servant à la
confection des machines, puisque les fers et les fontes sont chez nous à des
prix aussi peu élevés qu’à l’étranger, et même en Angleterre, et que la
main-d’œuvre est chez nous à meilleur marché que dans ce dernier pays.
Ainsi,
dès que le besoin d’une nouvelle machine se fera sentir, on peut donc compter
qu’on peut, avec avantage, commander chez nous plutôt qu’à l’étranger le nombre
de machines dont notre industrie pourra avoir besoin. D’après ces
considérations, j’insiste sur ce point qu’il doit être bien entendu qu’il ne
pourra entrer que des machines modèles qui, sans nuire aux établissements qui
en auraient besoin, profiteraient très activement à nos fabriques, de machines,
à nos hauts-fourneaux, ainsi qu’à notre forgerie. Dans le sens des observations
que je viens d’avoir l’honneur de vous soumettre et dont j’affirme tous les
faits, je propose un amendement qui consiste à ajouter à la fin du paragraphe 2
ces mots :
« Il ne pourra être
introduit qu’une seule machine ou ustensile modèle, en franchise des droits,
pour chaque industrie ou perfectionnement nouveau.
M. Davignon. - D’après ce qui a été dit dans
la séance précédente, je crois qu’il a été bien entendu qu’il s’agissait d’une
seule machine. Je ne comprends pas le sens du mot : « machine
modèle » qu’on voudrait introduire dans la loi : vous obtiendrez bien en
Angleterre la permission d’exporter une machine, mais non un modèle de machine
; il y a les peines les plus fortes contre cette exportation.
M. d’Hoffschmidt. - Il y a la peine de mort !
M. le
ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Il peut être dans l’intérêt de
l’industrie d’introduire deux ou trois machines semblables, sinon d’en introduire
en nombre illimité. Le gouvernement saura apprécier ce qui peut être utile. Si
on suppose le gouvernement déterminé à nuire à toutes les industries belges
pour être favorable aux industries des étrangers, il faut supprimer ce
gouvernement ; c’est un gouvernement ennemi. Restreindre l’introduction à une
seule machine, c’est une absurdité.
Dans la loi de 1822 qui
laissait au gouvernement hollandais une latitude assez grande, personne n’a
réclamé contre les abus de la faculté qui lui était accordée ; si ce
gouvernement n’a point abusé, pourquoi celui-ci abuserai-t-il de la même
faculté ?
M.
Lardinois. - Si M. Dubus se ralliait à l’amendement de M. Brixhe, qui
demande d’une seule machine modèle, je n’aurais point d’observations à
présenter : malgré l’universalité des connaissances qui distingue l’honorable.
M. Dubus, je ne crois pas qu’il connaisse bien ce qui concerne la confection
des machines ; pour en être convaincu, je me fonde sur la rédaction de son
amendement.
Il demande qu’on
introduise des modèles de mécaniques ou des ustensiles inconnus en Belgique ;
il fait voir par là qu’il ne sait pas que dans une machine il faut des modèles
pour chaque pièce. Aucun constructeur de machines ne donnera de modèle sur
l’ensemble de sa mécanique.
A certaines époques il
était défendu, sous peine de mort, d’exporter d’Angleterre les machines à
filer, et encore aujourd’hui il y a prohibition pour les machines à tisser le
coton et la laine, en sorte que les mécaniciens sont obligés de faire venir les
machines pièce à pièce.
M.
Dubus craint que la loi ne soit favorable seulement aux grands industriels : ce
qui prouve encore ici qu’il ne sait pas comment les choses se passent. En
Angleterre et en France, un grand industriel ne s’occupe pas du prix qu’il met
à une machine ; plus elle coûte de droits d’entrée et plus il est sûr que les
petits industriels ne seront pas ses concurrents. Alors il se garde bien de
communiquer ou de laisser voir la machine qu’il fait venir. Au contraire, s’il
y a remise de droits, les plus petits industriels pourront faire venir des
machines.
Je suis étonné qu’on
veuille retarder le vote d’une loi contre laquelle on ne fait aucune objection
fondée.
M. Dubus. - Si le gouvernement accordait la
remise des droits à un seul particulier pour l’introduction de 50 machines
modèles, vous ne trouveriez pas un seul mot dans l’article premier qui indiquât
que la loi a été violée. On prétend qu’il faut entendre la loi dans le sens
qu’on n’introduira dans le pays qu’une seule machine pour servir de modèle,
afin que nos ouvriers puissent en confectionner de semblables ; mais lorsque
l’on veut qu’une loi soit entendue dans un sens, on l’écrit dans cette loi. On
introduit les machines pour l’utilité du pays, pour qu’elles servent de modèle
pour le pays ; c’est sous ce rapport que la loi peut être importante. J’étais
disposé à me réunir à l’amendement de M. Brixhe ; mais les observations
présentées par l’honorable préopinant me déterminent à persister dans ma
proposition. D’après ma rédaction chaque industriel pourra introduire une
machine afin d’en faire exécuter de semblables.
M. Angillis. - Je commence à croire que la
chambre n’est pas véritablement éclairée sur la question qui nous occupe, c’est
une question ardue. Le premier projet de loi m’a paru d’une utilité évidente,
et la rédaction m’en a paru précise et claire, maintenant on vous présente une
foule d’amendements appuyés et contredits : vous allez vous engager dans une
discussion interminable.
En les adoptant, vous
feriez une loi de marqueterie. Je crois qu’il conviendrait d’ajourner tout à
fait ce projet, et d’inviter la commission à présenter un projet de loi plus
étendu, plus explicite, sur l’objet qui nous occupe.
M. A. Rodenbach. - Je ne puis partager
l’opinion de l’honorable préopinant. Il consent à ce qu’une loi soit rendue en
faveur de l’industriel qui a fait la pétition sur laquelle la commission d’industrie
vous a fait un rapport.
Ainsi cet industriel
pourrait introduire 15 machines relatives à sa fabrication, tandis que les
industriels d’un autre genre resteraient stationnaires, ne pouvant introduire
des machines perfectionnées ; mais pouvons-nous rester stationnaires quand
l’industrie marche en Europe ? Les fabricants de Verviers ont fait venir des
machines d’Angleterre par suite d’un arrêté pris sous Guillaume, et ils doivent
à cette importation de pouvoir fabriquer comme en Angleterre même ; ils sont
beaucoup plus avancés dans leur art que les fabricants français, et ils ont sur
ces derniers un avantage de 25 p. c. Par cet exemple on voit que les machines
sont trop importantes pour que nous n’en votions pas dès aujourd’hui
l’importation.
M. le
ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Les lois civiles et les lois
criminelles doivent avoir une grande rigueur dans leur rédaction ; mais il n’en
est pas de même des lois administratives ; celles-ci doivent laisser beaucoup
de latitude à l’autorité qui les applique, sans quoi on ne pourrait en faire
usage. Il fait écarter les amendements.
M. Lardinois.
Je désire faire connaître ma pensée sur le second paragraphe. La
chambre, en l’adoptant, n’a pas entendu autoriser l’introduction en Belgique
d’un nombre considérable de machines ; elle ne voudrait pas porter ainsi
préjudice aux ateliers de construction établis dans notre pays, ateliers qui
consomment une grande quantité de houille, de bois, etc., et qui occupent un
nombre considérable d’ouvriers. Mais nous n’avons pas à craindre qu’un
industriel demande jamais à introduire dans notre pays un grand nombre de
machines. Les industriels savent que la construction des machines coûte
beaucoup plus cher en France et en Angleterre qu’en Belgique ; ils connaissent
trop bien leur intérêt pour faire entrer dans le pays un nombre plus grand
qu’il ne leur serait nécessaire pour en faire entrer plus d’une ; car une seule
leur suffit. C’est dans le pays même qui, à cet égard, n’a rien à envier aux
autres, qu’ils feront construire d’autres machines, s’ils en ont besoin. Nous
avons en Belgique, et notamment à Liége, des ateliers de construction de
machines qui ne craignent pas de rivalité, je ne dirai pas en Europe, mais dans
tout l’univers.
Par ces motifs, j’adhère
à l’amendement de M. Dubus, qui me paraît rendre la pensée de la commission.
M.
Jullien. - Je crois vraiment, messieurs, que nous finissons par ne plus
comprendre. On a d’abord proposé que le ministre ne pût autoriser l’admission
en franchise de droit que d’une seule machine modèle. Ceux qui ont fait cette
proposition ont eu en vue d’empêcher qu’on ne portât préjudice aux ateliers de
construction établis en Belgique. On a réfléchi alors que si on limitait
l’introduction à une seule machine, on constituerait, en faveur de l’industriel
entre les mains de qui elle se trouverait, un véritable monopole. C’est alors
qu’on a songé à étendre à tout industriel cette faculté d’introduire une seule
machine. Mais, messieurs, c’est aller bien plus loin que le projet ; c’est
autoriser l’entrée d’un nombre indéfini de machines fabriquées à l’étranger ;
car l’individu qui voudra introduire 2,000 machines trouvera 2,000 individus
qui lui prêteront un nom pour en obtenir l’autorisation.
Le
but que nous nous proposons tous dans ce projet de loi est de doter le pays de
machines nouvelles ou perfectionnés ; celui qu’on atteindrait par ce dernier
système serait de porter un immense préjudice aux ateliers de construction
établis dans le pays. Vous ne le voudrez pas, messieurs, vous aimerez mieux
laisser au gouvernement la faculté de régler lui-même le nombre des machines à
introduire. Il pourra accorder à chaque constructeur l’autorisation de faire
entrer une machine modèle ; mais si vous l’accordiez à tout industriel, il y
aurait des milliers de machines introduites ; vous nuiriez aux fabricants de
machines, vous nuiriez à l’industrie au lieu de la servir.
Je m’en tiens donc au
premier projet ; je n’en sortirai pas. On a voulu faire quelque chose de
meilleur ; je trouve moi que ce qu’on a présenté est beaucoup plus mauvais.
M. Coghen. - J’appuie la proposition de
l’honorable M. Jullien, et le maintien du paragraphe 2 de l’article premier. Si
on veut établir des restrictions à l’infini, si on se préoccupe toujours de la
peur qu’on peut abuser de la latitude de la loi, il est impossible de faire de
bonnes lois. Le gouvernement existe pour faire exécuter loyalement les lois, pour
veiller aux intérêts du pays ; on ne peut pas supposer qu’il veuille aller
contre de tels intérêts. Il est d’ailleurs positif que lorsque des machines
d’un certain modèle auront été introduites en Belgique, le ministre
n’autorisera pas l’introduction d’autres machines du même modèle ; car dès lors
qu’une industrie ne sera plus inconnue , dès lors, en
vertu de la loi, l’autorisation ne pourra plus être accordée.
J’appuie donc la
rédaction actuelle du second paragraphe, persuadé que le ministère n’en fera
aucun abus, persuadé que les abus que l’on redoute ne sont pas possibles en
présence de la vigilance de la presse, et de la réunion presque permanente de
cette assemblée.
M.
Dubus. - Pour vous engager à repousser mon amendement, on vient dire
qu’alors même qu’il serait admis, il y aurait encore moyen de faire fraude à la
loi, si la fraude est possible.
On dit ensuite que tel
industriel qui voudra introduire mille machines trouvera mille personnes qui
lui en donneront la faculté en lui prêtant leur nom. Cet industriel ne ferait
pas un grande économie sur la remise des droits
d’entrée.
C’est
un mauvais argument pour combattre un amendement que de dire que la fraude est
possible malgré son adoption. Il est constant qu’il a diminué la fraude, qu’il
présente des garanties.
On a exprimé la crainte
que si un seul industriel faisait venir une seule machine, les autres
industriels n’en profiteraient pas. Mais, messieurs, telle n’est pas la
conséquence de mon amendement. Ne dépend-il pas en effet du gouvernement
d’obvier à cet inconvénient ? Ne peut-il pas accorder à un industriel
l’autorisation d’introduire une machine à la condition qu’il la communiquera
aux autres industriels ? Dans tous les autres pays, cette condition est imposée
ordinairement à l’occasion de l’introduction de machines nouvelles.
M.
Dumont. - Je trouve que toutes les rédactions proposées présentent plus
ou moins de difficulté. Je partagerais assez l’avis de MM. Jullien et Coghen,
et m’en rapporterais volontiers au gouvernement ; mais je voudrais au moins que
ses organes, au lieu de garder le silence, vinssent nous dire comme ils
entendent se servir de la loi.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je
demande la parole.
M.
Dumont. - Lorsque le ministre nous aura dit comment il entend la loi,
nous aura donné des garanties en déclarant de quelle manière il se promet
d’exécuter la loi, je serai disposé à appuyer la rédaction actuelle.
M. Lardinois. - Je propose par amendement de
rédiger ainsi le deuxième paragraphe :
« 2° A tout Belge
ou étranger qui aura introduit une machine modèle ou des ustensiles inconnus en
Belgique, pour l’établissement d’une
industrie nouvelle ou le perfectionnement d’une industrie déjà connue. »
Je propose cet
amendement pour répondre aux vue de quelques membres de la chambre. Il serait
inutile si on voulait avoir confiance dans le gouvernement ; ce qui me
paraîtrait plus préférable.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Depuis que la chambre a décidé
par le rejet de la question préalable qu’elle continuait cette discussion, j’ai
cessé d’y prendre part parce qu’elle m’a paru avoir pour objet de détruire
l’ouvrage d’une précédente séance.
Les auteurs des
amendements en discussion ont manifesté une défiance continuelle contre le
gouvernement ; j’ai cru d’autant plus pouvoir me dispenser de prendre la
parole, que plusieurs orateurs ont pris soin de leur répondre et défendre le
gouvernement.
L’initiative du projet
de loi n’appartient pas au gouvernement : c’est la commission d’industrie qui
l’a proposé.
Cette latitude
d’autoriser l’entrée en Belgique d’un certain nombre de machines, que par
défiance on ne veut pas accorder au gouvernement, cette latitude appartenait à
l’ancien gouvernement auquel on a eu tant de griefs à reprocher ; on n’a pas eu
sous ce rapport cependant le moindre abus à lui reprocher.
On a manifesté des craintes
chimériques sur l’abus que nous pourrions faire de la loi ; on a dit que nous
pourrions autoriser l’entrée de mille machines du même modèle. Il est évident
cependant que, du moment qu’une machine inconnue aura été introduite une
première fois, elle cessera d’être inconnue. Il n’y aura donc plus lieu à
accorder d’autorisation.
Non sans doute nous ne
voulons pas faire entrer des machines dans le pays par centaines, mais il est
possible que nous accordions l’autorisation pour 2, pour 3 machines. Mais si
vous voulez borner à une seule l’autorisation que nous pourrons accorder, il
nous sera impossible de nous servir de la loi.
Il nous sera, dit-on,
possible d’imposer à l’industriel à qui nous aurons accordé notre seule
autorisation, la condition de tenir la nouvelle machine à la disposition de
tous les industriels ; mais il nous sera difficile de veiller à
l’accomplissement de cette condition. Cet industriel pourra la tenir cachée, ou
faire en sorte que les autres industriels n’en aient pas facilement l’accès.
Mais si nous pouvons
accorder l’autorisation d’introduire un plus grand nombre de machines,
l’industriel propriétaire d’une nouvelle machine n’aura plus aucun intérêt à la
cacher ; il la livrera sans difficulté aux divers fabricants.
Il est constant, comme
vous l’a fait observer l’honorable député de Charleroy, que la main-d’œuvre est
à bien meilleur compte en Belgique que partout ailleurs. Nous pouvons donc
soutenir et même avec avantage la concurrence avec les pays étrangers. Vous
n’avez donc pas à craindre qu’il y ait abus dans le nombre des machines
introduites.
La
chambre jugera sans doute qu’elle doit agir ici avec quelque libéralité envers
le gouvernement ; elle y trouvera sans doute plus d’avantages que
d’inconvénients. Pour moi, je repousse, au nom du gouvernement, ces
demi-facultés qu’on veut lui laisser. Il vaut mieux qu’il s’en passe que de
recevoir des demi-pouvoirs, pour être ensuite empêche d’agir dans des
circonstances où il le croira nécessaire.
On demande que nous
prenions l’engagement de ne pas abuser de la loi. Tous les ministres prendront
toujours cet engagement. Mais je ne puis répondre que de moi et non des
ministres qui pourront me succéder ; ceux-là pourront entendre la loi d’une
tout autre manière. Cet engagement ne signifie donc absolument rien.
M.
Smits. - Je comptais m’interdire la parole dans cette discussion ; mais
puisqu’elle se prolonge, puisqu’on insiste encore sur un point qui paraissait
décidé, je dirai quelques mots pour ramener la question à sa plus simple
expression. La loi de 1822 donnait au pouvoir
exécutif la faculté de faire entrer, en franchise de droits dans le pays, toute
espèce de machines, sans aucune exception. On demande aujourd’hui plus de
restriction. Mais les machines ne jouiront de la remise que lorsqu’elles auront
été mises en activité : n’est-ce pas là une restriction suffisante ? N’est-ce
pas au contraire une restriction inadmissible et impossible que celle qu’on
nous propose de limiter à un seul le nombre des modèles que l’on pourra
introduire ? Mais qu’est-ce qu’un seul modèle ? L’industriel qui l’aura
introduit aura-t-il la certitude de faire construire le nombre de machines qui
lui sera nécessaire ? Le constructeur ne pourra-t-il pas s’y refuser ?
Peut-être ne voudra-t-il pas faire un moule pour un petit nombre de machines
qui lui seront commandées !
J’espère que la chambre
adoptera un système plus large que celui qu’on lui propose, et qu’elle
accordera au gouvernement la confiance dont il a besoin pour protéger
efficacement l’industrie du pays.
M. de Muelenaere. - Plusieurs membres de
cette chambre s’effraient à tort sur les conséquences de cette loi et sont
préoccupés par des craintes qui ne sont nullement fondées. Fions-nous à ce que nous
a dit l’honorable député de Verviers, industriel distingué par ses
connaissances théoriques et pratiques sur cette matière, à laquelle beaucoup
d’entre nous sont étrangers. Il nous a dit que la main-d’œuvre était, en
Belgique, à plus bas prix qu’ailleurs ; que les machines construites en France
et en Angleterre étaient plus chères que celles de notre pays. Quel intérêt
trouverait-on alors dans l’introduction d’un grand nombre de machines ? Elles
ne soutiendraient pas la concurrence avec celle du pays. Si ce qui a été dit à
cet égard est vrai, et je n’en doute nullement, on ne pourra introduire en
Belgique que des machines modèles.
Je
partage entièrement l’opinion de l’honorable comte F. de Mérode ; en matière
d’industrie et de douanes, nous devons nous en rapporter non à l’arbitraire,
mais à la sagesse et à la discrétion du gouvernement, qui use sous sa
responsabilité de la latitude qu’on lui accorde. Il est impossible de faire une
loi de douanes pour plusieurs années ; car l’industrie varie, sinon constamment,
au moins d’année en année. Il faut aussi que le gouvernement puisse prendre le précautions nécessaires pour que la loi ne l’oblige pas à
faire du mal au pays.
Un honorable préopinant
vous a rappelé que la loi de 1822 accordait à l’ancien gouvernement une
latitude plus large, et qu’il n’en a pas abusé. Nous pouvons être assurés que
de même, et à plus forte raison, le gouvernement actuel n’abusera pas de la
trop grande généralité des termes de la loi en discussion.
M. Lardinois. - Je retire l’amendement que
j’avais présenté, déclarant m’en remettre à la discrétion du gouvernement, en
ce qui concerne le nombre des machines qui devront être admises à la libre
entrée.
Plusieurs membres. - La clôture !
M.
Dubus. - Si je demande la parole sur la clôture, c’est pour faire
remarquer que la question a complètement changé de face depuis que cette
discussion a été reprise. Si elle ne se prolonge pas davantage, chacun de nous
emportera une tout autre idée qu’il ne pouvait avoir à la fin de la dernière
séance. Il était alors entendu qu’on ne se servirait de la loi que pour
l’introduction d’un seul modèle ; maintenant au contraire on vient dire que le
gouvernement pourra autoriser l’entrée d’un aussi grand nombre qu’il voudra :
c’est au moins ce qui résulte des paroles du ministre et de l’honorable
préopinant. On dit que ce ne sera en rien dommageable au pays, parce qu’on y
fabrique les machines à meilleur marché que partout ailleurs. Mais alors il
faut changer la loi des douanes et admettre toutes les machines à la libre
entrée ; il n’en résultera plus de dommages pour le pays.
Assurément la loi ainsi
comprise n’est plus celle qu’on vous avait présentée en premier lieu ; elle a
une portée bien différente. Je ne comprends pas que vous puissiez la voter à
l’instant même et sans plus de discussion.
- La chambre consultée ferme la discussion.
La chambre vote sur la
proposition de M. Angillis, qui consiste à borner la loi au paragraphe 1er et à
renvoyer les paragraphes 2 et 3 à une loi spéciale.
M. Brixhe retire l’amendement qu’il avait présenté.
M.
Dubus déclare adopter pour son amendement la rédaction qui avait été
proposée par M. Lardinois et qu’il a retirée.
- Cet amendement est mis
aux voix et rejeté.
Articles 2 à 6
La chambre confirme
successivement par son vote les dispositions de la loi qu’elle avait adoptées
dans sa dernière séance.
Vote sur l’ensemble du projet
La chambre passe au scrutin
sur l’ensemble de la loi.
Nombre des votants : 71.
Oui : 70.
Non : 1.
Trois membres se sont
abstenus.
La chambre a adopté.
Ont voté pour :
MM. Angillis, Bekaert,
Brabant, Brixhe, Coghen, Cols, Coppieters, Dams, Dautrebande, Davignon, de
Behr, de Brouckere, H. Dellafaille, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, F.
de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, C. Vuylsteke, de Roo, de Sécus,
Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Stembier, de Terbecq, de Theux, d’Hane, d’Hoffschmidt, d’Huart, Donny, Dubois, Dugniolle,
Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Fleussu, Goblet, Jullien, Lardinois,
Lebeau, Liedts, Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Olislagers, Pirson, Polfvliet,
Pollénus, Poschet, A. Rodenbach, Rogier, Rouppe, Schaetzen, Simons, Smits,
Thienpont, Trentesaux, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck,
Vergauwen, C. Vilain XlIIII, H.. Vilain XIIII,
Vuylsteke, Wallaert, Watlet, Zoude, Raikem.
A répondu non :
M. Dumortier.
Se sont abstenus : MM.
A. Dellafaille, Dubus et Verdussen,
M.
le président. - Aux termes du règlement, les membres qui se sont
abstenus sont invités à faire connaître le motif de leur abstention.
M. Dellafaille. - Je n’ai pas assisté à la dernière séance où la discussion du
projet de loi a été commencée. Je ne me suis pas trouvé assez éclairé pour
voter avec connaissance de cause.
M.
Dubus. - Je me suis abstenu parce que je pas eu tout le temps que
j’aurais voulu pour me livrer à l’examen du projet, au vote duquel j’aurais
désiré que la chambre consentît à surseoir.
M.
Verdussen. - Je n’ai pas assisté à la discussion principale de la loi ;
celle d’aujourd’hui n’a pas suffi pour m’éclairer sur la matière.
Interpellation relative à la
publication dans la presse de la liste des bénéficiaires du million Merlin,
sous le gouvernement hollandais
M.
Lardinois. - Ne voulant pas
retarder la discussion des articles du budget des finances, je ne viens pas
parler sur son ensemble, quoique je pourrais vous soumettre plusieurs
observations critiques à ce sujet ; je désire, pour le moment, une explication
de M. le ministre des finances, laquelle réglera ma conduite dans le vote de
son budget.
Si l’on venait vous
dire, messieurs : « Le secret des lettres a été violé par la poste », je suis
persuadé que chacun de vous ressentirait une vive indignation, et l’on ne
trouverait pas inique le jugement qui enverrait aux galères l’employé qui se
serait rendu coupable d’un pareil forfait.
Les contrats passés
entre le gouvernement et les particuliers, et dont la première condition est le
secret, peuvent-ils être divulgues sans nécessité absolue et sans la permission
positive des parties intéressés ? Je ne le pense pas. Le sceau d’un tel contrat
n’est pas moins respectable que celui des lettres, et y porter atteinte c’est
troubler l’ordre public.
Cependant, chose inouïe
! un fait de cette nature s’est passé récemment à
Bruxelles. Vous comprenez, messieurs, que je veux parler de la publication qui
a été faite des débiteurs du million Merlin. A la vue de cette liste publiée,
j’ai eu le cœur navré, et je me suis dit que si cet acte pouvait émaner d’un
ministre ou du ministère, je concevrais alors une opposition systématique qui
tendrait à chasser des affaires publiques l’immoralité et l’infamie.
Eh quoi ! peut-on donc ignorer que le crédit est la base commune du
commerce et de l’industrie ? Si vous l’ébranlez, vous compromettez la fortune
des citoyens et par là vous exposez la fortune publique qui ne se compose que
de la réunion des richesses individuelles.
A-t-on voulu, par cette publication, punir certains
industriels insensés qui s’agitent contre l’ordre de choses actuel ? Ah ! dans cette hypothèse, quel moyen ! quelle
bassesse ! Laissez
arriver ici les plaintes mal fondées, les demandes absurdes, les prétentions
exagérées ; on trouvera des hommes pour les combattre, dussent-ils déchaîner
contre eux les traits de la calomnie ! Quant à moi, je ne veux me mesurer
qu’avec des armes loyales, et je répudie celles qui sont envenimées, comme je
répudie ceux qui portant des coups en cachette.
L’année
dernière, je faisais encore partie de la section centrale du budget des
finances. Le ministre, sur l’ordre de la chambre, produisit à cette section le
tableau des débiteurs du gouvernement : il m’a donc été communiqué ainsi qu’à
mes honorables collègues de la section. Ce tableau n’était pas nominatif, il
indiquait seulement les sommes et les époques ; on ne pourrait donc nous
imputer la divulgation qui a eu lieu ; et pour ma part je déclare sur l’honneur
que je n’ai commis aucune indiscrétion à cet égard. Je sens trop bien pour cela
la valeur du crédit, et ses effets lorsqu’il est attaqué.
En résumé, j’interpelle
le ministre des finances pour savoir s’il a donné les mains à la publication
dont il s’agit, s’il connaît l’auteur caché qui a fournis les documents et ce
qu’il a fait dans cette circonstance. La morale publique et la sécurité des
transactions réclament une explication, et je prie M. le ministre de me
répondre.
Plusieurs membres. - Appuyé !
M.
le ministre des finances (M. Duvivier) - La réponse que je ferai à
l’honorable député de Verviers sera simple et franche.
J’ai communique lorsque
j’en ai été requis, à la section centrale et aux sections particulières, le tableau
des prêts faits par l’ancien gouvernement aux industriels qui lui eu avaient
fait la demande. Mais je déclare sur l’honneur que je suis étranger à la
publication qui a été faite des noms de ces industriels, et que je la considère
comme un manque scandaleux à la confiance due à la chambre. (Réclamations dans l’assemblée.)
Je
suis loin de dire que c’est de là qu’émane cette indiscrétion : loin de là, je
suis assuré de sa discrétion comme de la mienne ; mais je dois dire qu’il n’est
pas à ma connaissance qu’elle émane du ministère.
On demande ce que j’ai
fait. J’ai été affligé de cette publication au moins autant que qui que ce soit
; j’en ai ressenti une peine profonde. Mais il m’a été impossible de savoir à
qui on pouvait l’imputer.
M.
Dumortier. - Je ne m’attendais pas, messieurs, à prendre la parole au
sujet des interpellations adressées au ministère par M. Lardinois. Mais je ne puis m’en empêcher lorsqu’un ministre
vient dire en face à la chambre que sa section centrale a divulgué par une
publication infâme le secret de ses délibérations, lorsqu’il vient parler de
manque scandaleux de la confiance du ministère envers la chambre.
M.
le ministre des finances (M. Duvivier) - Je n’ai pas dit cela.
Un membre. - Vous vous trompez, vous l’avez
dit.
M.
Dumortier. - M. le ministre voudra bien expliquer sa pensée. Mais je
dois protester au nom de la section centrale, dont j’avais l’honneur d’être le
rapporteur, et déclarer que la section centrale est incapable d’une pareille
bassesse.
Avions-nous
demandé connaissance du tableau ? Avions-nous demandé à savoir les noms, les
industries des individus auxquels des prêts avaient été faits, les échéances
des sommes qui leur avaient été comptées ? Non. Nous avions demandé seulement à
avoir une connaissance générale des sommes qui avaient été prêtées par l’ancien
gouvernement. Bien plus, ce renseignement est le seul qu’ait eu la section
centrale et on vient insinuer que c’est elle qui a fait publier des noms, des
industries, des échéances, renseignements qui ne lui ont pas été fournis.
Il est étrange qu’un
ministre puisse répondre ainsi de ses employés, déclarer qu’aucun d’eux n’est
capable d’une indiscrétion, et qu’il vienne insinuer que la chambre en est
capable. J’avais à cœur de repousser, au nom de la section centrale et au mien,
une inculpation aussi grave. Si le ministre reconnaît que la chambre est
étrangère à la publication dont il s’agit, je n’ai rien à ajouter ; sans quoi ma
réponse sera facile.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Il
n’est pas à ma connaissance, je le répète, que qui que ce soit du ministère ait
participé à la publication de cette liste ; elle n’a été, que je sache, communiquée
qu’aux sections de la chambre. L’indiscrétion ne part pas de là, j’en suis
convaincu. Mais je le repousse autant que je puis faire, au moins, des
personnes attachées à mon ministère.
Je crois que personne
dans mes bureaux n’est capable de faire une telle communication, à moins que je
ne l’eusse prescrit, et la chambre est persuadée, j’en suis sûr, que je ne le
ferai jamais.
M. Coghen. - J’ai été vivement affecté de la
publication de la liste des industriels dont il est question. Mais peut-on
l’imputer à la chambre, à la section centrale ? Non. Messieurs, j’ai tout lieu
de penser au contraire qu’elle provient d’anciens documents depuis longtemps
entre les mains de personnes étrangères aujourd’hui aux affaires publiques.
Cette liste fait mention d’un grand nombre de prêts acquittés depuis longtemps.
Je trouve dans cette circonstance la preuve que le ministère et la chambre sont
également étrangers à cette publication.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Ces
documents sont antérieurs à ma présence au ministère. Plusieurs des industries
portées sur la liste ont réclamé, ont prouvé qu’elle contenait des
inexactitudes et ont justifié de remboursements postérieurs. L’indiscrétion que
nous déplorons n’a donc pas eu pour base des pièces d’une date récente.
M. Lardinois. - Ce serait une absurdité de
vouloir faire peser sur cette chambre le soupçon d’indiscrétion. Je n’ai pas
même de soupçon sur M. le ministre des finances. Cette publication ne peut lui
être imputée ; car elle est le fait d’un méchant homme. Abandonnons-en
l’auteur, quel qu’il soit, au remords et à l’infamie publique, si jamais il est
connu.
J’ai demande ce qu’a
fait M. le ministre. Il a répondu qu’il avait été profondément affligé. Mais ce
n’est pas, ce me semble, le langage d’un homme d’Etat ; ce n’est pas à cela au
moins qu’il devrait se borner.
Je ne suis pas
jurisconsulte ; mais il me semble cependant qu’on aurait pu poursuivre
l’imprimeur ou rechercher au moins l’auteur de cette action infâme.
M.
le ministre des finances (M. Duvivier) - J’ai fait part à la chambre de l’affliction
que j’ai éprouvée. Je dois ajouter que je ne me suis pas borné à cela. Je me
suis livre a de nombreuses recherches, mais je n’ai pu
rien découvrir. Ces recherches étaient la seule action que je pusse exercer ;
elle ne m’a rien appris, et j’ai passé outre.
M. de Brouckere. - Je ne m’arrêterai pas à
l’incident soulevé par M. Lardinois. Nous avons entendu M. le ministre déclarer
que la publication de cette liste n’est pas le fait d’un de ses subordonnes ;
il est hors de doute qu’elle ne peut être attribuée à aucun membre de cette
chambre. Il est donc inutile de nous en occuper plus longtemps. On a parlé de
poursuivre les auteurs de la publication ; mais ce n’est pas possible, car ce
délit n’est pas prévu dans notre législation
Je veux vous entretenir
d’un autre objet qui se rapporte directement au budget. J’ai vu dans le rapport
de M. Dumortier sur le budget le blâme qu’il déverse sur deux arrêtes
organiques en date des 18 octobre et 30 décembre derniers : le premier
organique de l’administration de l’enregistrement et des domaines ; le second,
de l’administration des contributions, douanes et accises.
Je dois le dire, je
partage à tous égards l’opinion défavorable de votre rapporteur sur ces deux
arrêtés, et je ne conçois pas même comment il a pu venir à la tête du ministre
l’idée malencontreuse de les publier.
Il se pourrait qu’ils ne
fussent pas sous les yeux des membres de la chambre ; je vais leur en donner
lecture.
Je passe les 2 premiers
articles.
« Art. 3. Un
conseil d’administration et de contentieux est créé près le département des finances pour le
service des contributions directes, douanes et accises, des poids et mesures et
de la partie administrative de la garantie des matières d’or et d’argent ; il
est composé de l’administrateur, comme président, de l’inspecteur-général, des
deux directeurs et des deux inspecteurs, chefs de division.
« Le conseil pourra
appeler à ses séances d’autres fonctionnaires en qualité de rapporteurs ; en
cas d’absence de l’administrateur, le conseil sera présidé par le fonctionnaire
du grade le plus élevé ou le plus ancien dans ce grade. »
« Art. 4. Seront
soumises au conseil d’administration et du contentieux les affaires
contentieuses donnant lieu à des amendes ou confiscations, dont le montant
d’après le procès verbal s’élève à plus de fr. 400 ; les demandes de remises ou
modération d’amendes ; les propositions de candidats aux emplois et d’employés
à l’avancement, celles de déplacement, de suspension, de dégradation et de
destitution d’employés, de création de nouveaux bureaux de douanes,
d’améliorations ou de modifications dans les lois et le système d’organisation
de l’administration des bureaux de recettes, la reddition des comptes du
conseil d’administration de la masse d’habillement et d’équipement de la
douane, et enfin toute question de principe ou mesure administrative qui ne
serait pas formellement prescrite ou autorisée par les règlements en
vigueur. »
« Art. 5. Les
décisions du conseil seront soumises à l’approbation du ministre, avant de
pouvoir être exécutées. »
Je demande, et vous
aussi, messieurs, quel avantage le ministre peut tirer de telles dispositions.
J’ai beau le rechercher, j’avoue que je n’en trouve aucun.
Le but de M le ministre
a été de donner quelques garanties et aux fonctionnaires de son département et
aux contribuables sur la justice qui présiderait aux décisions que prendrait le
gouvernement à l’avenir. Loin d’attendre plus de justice d’une semblable
mesure, je crains que dorénavant il y ait plus d’injustice que jamais. La
raison en est toute simple ; c’est qu’il n’y aura plus de responsabilité sur
personne, les décisions étant prises par l’administration des finances ; car,
vous le savez, lorsque beaucoup de personnes prennent part à une décision où
les votes sont secrets, il en résulte que la responsabilité ne pèse sur aucun
des membres qui y ont pris part, puisqu’ils y sont tenus vis-à-vis de qui que
ce soit de dire quelle a été leur opinion en particulier. Il leur suffira de
parler de la décision de la majorité.
Aucune responsabilité ne
pèsera non plus sur le ministre des finances : lorsqu’on viendra lui adresser
quelque plainte, il répondra que c’est à son conseil d’administration qu’il
faut se prendre du mal qui aura été la suite des décisions prises.
Il est vraiment bizarre,
messieurs, de voir un ministre renoncer de son plein gré aux attributions qui
lui appartiennent, et les arrêtés que je signale sont une véritable abdication
de la part du chef du département- des finances. Est-ce que quelque
administrateur lui aurait donné des sujets de défiance ? Mais alors il fallait
solliciter son renvoi, et non annihiler ses fonctions ; car, les
administrateurs n’étant plus que présidents des conseils d’administration, ce
sont des fonctionnaires devenus absolument inutiles, cette présidence pouvant
tout aussi bien être confiée à un directeur.
La nouvelle organisation
de M. le ministre aura incontestablement, entre autres conséquences funestes,
celle de rendre à l’avenir la décision des affaires plus lente. Il faudra pour
chacune attendre la réunion et la décision du conseil, et le conseil retardera
sa décision autant qu’il voudra ; or, vous l’avez entendu, les affaires de tout
genre, de toute nature, sont du ressort des conseils : contentieux, personnel,
nominations, avancements, démissions, déplacements, etc., etc.
Je le répète donc,
messieurs, le ministre des finances s’est débarrassé de toute responsabilité ;
il s’est borné à se réserver le veto ; car, en vertu des articles 4 et 5, c’est
le conseil qui décide, le ministre ne peut qu’approuver ou désapprouver ; il
n’a plus qu’à signer ou refuser sa signature, j’allais presque dire qu’il
n’était plus qu’une machine à signer.
Les administrateurs sont
devenus complètement inutiles : on leur a enlevé leurs attributions pour les
donner au conseil, et nous pourrons les supprimer sans crainte, si l’on applique
aux autres branches de l’administration des finances ce que l’on a fait pour
deux de ces branches.
Il me reste à vous faire
remarquer qu’en bouleversant ainsi tout ce qui existait au ministère des
finances, on n’a voulu prendre qu’une mesure provisoire. Voici un des
considérais de l’arrêté du 18 octobre :
« Voulant
introduire de nouvelles améliorations dans l’administration de ces branches du
revenu public, en prenant toutefois en considération qu’il serait inopportun,
vu les changements que doit subir cette partie de la législation financière, de
procéder, en ce moment, à une organisation définitive de toutes les parties de
ce service ; sur la proposition de notre ministre des finances par interim, etc. »
Je crois, messieurs, que
les arrêtés en question seront plus provisoires qu’on ne le pense. Car si l’on
mettait à la tête du département des finances un homme qui eût une volonté et
fût décidé à administrer par lui-même, la première chose qu’il ferait serait de
les révoquer. Je désire beaucoup que M. le ministre reconnaisse lui-même les
vices de son organisation, et y apporte remède
M. Jullien. - Je demanderai, par forme de motion
d’ordre, si la discussion générale est ouverte.
M.
le président. - Oui, la discussion générale est ouverte.
M.
le président. - la parole est à M.
H. Vilain XIIII.
M. H. Vilain XIIII. - Contrairement au
rapport de la section centrale, je dois, messieurs, féliciter le ministre des
finances des deux arrêtés organiques dernièrement publiés et qui, soumettant à
un conseil central d’administration l’examen du contentieux ainsi que la
présentation ou le déplacement des employés, me paraissent plutôt un progrès
vers le bien qu’une direction rétrograde vers la fiscalité hollandaise ou de
l’absolutisme de la centralisation. C’est porter de cette organisation nouvelle
un jugement trop prématuré, ce me semble, que d’entreprendre sa critique
lorsque le mois de sa création n’a point atteint son terme. Il est plus sage
d’attendre l’épreuve du temps, et l’expérience administrative, qui chaque jour
arrive aux ministres ainsi qu’aux députés, fera éviter tout ce qu’un pareil
conseil pourrait parfois présenter d’arbitraire, et il s’éclairera au contraire
des avis d’hommes conservant la tradition des affaires, avis qui nous manquent
souvent. Songez-y, messieurs, l’existence ministérielle est transitoire,
sujette à de brusques variations, se liant plutôt à la réussite d’un système politique
qu’à l’exécution d’un bon système administratif ou financier, où l’esprit de
suite et de pratique journalière est indispensable. Il importe que dans les
ministères s’établissent des réunions permanentes d’administrateurs, mais
toujours consultatives et qui laissent le ministre sous le poids de toute sa
responsabilité, mais où chaque nouveau ministre arrivant au pouvoir soit à même
de puiser les premières notions de son mandat. Ainsi on parviendra à donner
quelque stabilité à la machine gouvernementale, si on ne peut l’obtenir pour
ses chefs.
On craint que, sous
l’influence de ce conseil, le ministre ne se soit en quelque sorte mis en
curatelle ; mais je ferai observer que la dépendance du ministre dépendra
toujours de sa volonté et qu’il pourra en tout temps repousser les empiétements
de ses employés subalternes et révoquer ses mesures. Je ne vois donc aucun
danger pour les contribuables dans la substance des deux derniers arrêtés
organiques, et je remercie surtout le ministre d’avoir diminue d’un dixième les
bureaux de recettes du royaume ; mais je crois que cette suppression de 86
bureaux ne doit point s’arrêter là, et qu’il sera possible, vu la réduction
progressive des impôts et la perception moins fiscale des accises, d’organiser
plus tard un bureau de perception par canton, le percepteur se rendant à jour
fixé dans chaque village et y tenant ses séances à des heures indiquées.
Peut-être même que l’expérience démontrera la possibilité d’un système de
perception plus simple encore. Ce serait de charger les communes du
recouvrement des deniers publics par les soins du receveur communal, et
moyennant un tantième, par cela même plus modique qu’il serait cumulé avec les
recettes communales. Ce mode a été jadis mis en pratique dans nos contrées ; et
l’on a pu juger combien il présentait d’économie et de simplicité. La plupart
des communes payaient les subsides à l’Etat par voie d’abonnement, et leurs
magistrats devaient en opérer la répartition entre les habitants. Par ce
système, on évitait tous ces frais de recettes et ce nombreux personnel
d’employés dont nous sommes aujourd’hui accablés.
J’attendrai les
éclaircissements de la discussion pour me prononcer sur les majorations de
traitement que nous signale la section centrale. Je condamnerai comme elle ces
majorations si les gros fonctionnaires en enlèvent les bénéfices aux petits.
C’est la loi du monde, mais ce ne doit point être celle d’une administration
équitable et bien ordonnée. Je demanderai en outre une plus forte diminution du
personnel des accises ; en conservant ce personnel, on ferait manquer le but à
la nouvelle loi des distilleries, qui, en abaissant les droits, devait annuler
la fraude et conséquemment les frais de surveillance. Les bienfaits de cette
loi doivent apparaître non seulement par l’accroissement des usines et des
produits mais aussi par la décroissance des frais de perception, profit tout
aussi réel pour le trésor. Comment recueillir celui-ci en maintenant un
personnel nombreux ?
Le service des douanes
exige au contraire, pour le moment, un plus grand nombre d’employés. Sur toutes
nos frontières, la fraude est flagrante, et les plaintes du commerce et de
l’industrie ont assez souvent retenti dans cette enceinte pour vous en
convaincre. Pour y mettre un terme, l’administration des douanes doit redoubler
de surveillance ; mais cette surveillance elle-même, tout active qu’elle
pourrait être, doit rester sans résultat, si elle n’est point exercée par une
plus forte ligne de douanes. La section centrale reconnaît l’insuffisance de
nos brigades : elle démontre que
Ayant pris à tâche
d’examiner quelques branches de l’administration financière, je dois m’étonner
que, par rapport au service des postes rurales, la section centrale ait pu être
partagée sur son utilité. Cette section aurait dû se rappeler qu’en 1833 la
chambre n’avait point montré une semblable incertitude en votant ce service à
l’unanimité des suffrages. Ce vote n’a malheureusement point porté ses fruits,
et la loi d’application n’a pu être sanctionnée, vu les retards ou la
dissolution de la chambre. Mais les avantages de ce service n’en sont pas moins
incontestables Les Flandres surtout et les provinces populeuses de
Avant
de terminer, je viens demander à M le ministre quelques explications sur
l’administration des domaines : la plupart de ces domaines, et surtout une
grande étendue de forêts nationales, ont été aliénés par le gouvernement déchu
; mais le prix de ces bois vendus est loin d’être acquitté malgré que les
acquéreurs soient en pleine jouissance et du fonds et des coupes. Plusieurs
même auraient pu en opérer des abattages et affaiblir ainsi l’hypothèque que
l’Etat doit conserver sur ces biens jusqu’à parfait acquittement du prix de
vente. J’espère que l’administration a pris à cet égard toutes des sûretés et
qu’elle continue à les prendre. Je désirerais connaître le montant des sommes
acquittées, et de celles qui reviennent encore de ce chef au trésor. Je
voudrais enfin que le contrôle de la législature pût s’exercer sur cette partie
de l’administration ainsi que sur toute autre, et qu’il fût remis à la chambre
une situation des biens aliénés. Le ministre devrait aussi nous énumérer les
valeurs des domaines appartenant encore à
M.
Angillis. - Messieurs, c’est à l’occasion du budget qu’on examine la marche
de l’administration, qu’on rappelle le pouvoir à l’accomplissement de ses
obligations s’il les néglige, et qu’on indique les changements et les
améliorations que l’intérêt public réclame.
Le département des
financés, le plus important de toutes les branches de l’administration
publique, exige, par son importance même une investigation plus sévère de la
part des représentants de la nation. Tout est à reconstruire dans ce
département, parce que tout est encore débris. C’est un vieil édifice qu’on a voulu
replâtrer, édifice qui peut convenir à quelques individus mais qui n’est pas en
rapport avec les principes d’un gouvernement constitutionnel.
Le premier objet que je
recommande à l’attention de la chambre, est la comptabilité nationale ; vous
aurez remarque, messieurs, que la cour des comptes a signalé les vices du
système qui régit l’administration des finances, par suite desquels elle est
privée de la plupart des documents élémentaires de la comptabilité, et réduite
à l’impuissance de contrôler exactement les faits consignés dans les comptes.
Cette cour entre dans de longs développements pour justifier ses plaintes, et
un examen attentif m’a démontré que les observations de la cour sont pour la
plupart très fondées.
Cet objet, messieurs,
est de la plus haute importance ; la comptabilité nationale occupe a mes yeux le premier rang parmi nos institutions. Votre
commission des finances dans son rapport sur les comptes du trésor, vous a dit
que lorsqu’une comptabilité est bien établie, la dépense et la recette doivent
être saisies dès leur origine et suivies dans toutes leurs transformations
successives ; alors rien ne doit échapper au contrôle, et telle doit être sa
puissance que l’abus, nécessairement dévoilé, doit être rendu impossible.
Je partage, comme de
raison, l’avis de cette commission, et il faut que la cour des comptes puisse
réviser toutes les pièces relatives à la recette et à l’emploi des deniers
publics : pas un document ne doit échapper à ses investigations.
Il faut créer un système
d’écritures qui permette de vérifier chaque jour l’état du trésor, et de suivre
dans ses moindres détails le mouvement des fonds, et que les dépenses soient
soumises à un examen dont la rigueur ne laisse échapper aucune irrégularité.
Quand la chambre pourra
être assurée qu’aucune infraction aux principes posés par les lois qui
régissent les finances de la nation ne peut lui demeurer cachée, alors elle
pourra voter les dépenses publiques avec une entière confiance, et elle
pourrait négliger des prendre des précautions qui lui paraissent maintenant
indispensables.
J’espère donc qu’il se
trouvera dans cette chambre un citoyen assez laborieux pour présenter à la
sanction législative un projet qui puisse répondre aux vœux et à l’intérêt de
la nation. Je dis, messieurs, dans cette enceinte ; car il n’arrivera jamais
d’une autre source.
Un deuxième objet,
messieurs, qui a déjà été réclamé plusieurs fois dans cette assemblée, c’est un
système d’impôts en rapport avec les besoins réels de l’Etat, les mœurs et les
facultés de la nation : il nous faut un système d’impositions qui ménagera
l’agriculture et l’industrie, et qui respectera la liberté du commerce. Les
lois financières que les Hollandais nous ont laissées, au lieu d’être claires
comme l’arithmétique et la géométrie, sont obscures comme des logogriphes. La
triste preuve en est que presque tous les procès sont fondés sur le sens des
lois, entendues toujours différemment par les agents du fisc, les plaideurs et
les juges. On ne doit pas oublier que, quelque mode d’impôt qu’adopte une
nation, elle est dans l’obligation de répartir les charges publiques
proportionnellement aux facultés des citoyens ; ainsi donc, pour que les
contributions paraissent supportables à chacun, pour que l’on se fasse un
devoir de les acquitter exactement, il faut qu’elles soient assises sur chacun
dans une juste proportion avec ses facultés, et relativement à celles des
autres citoyens. Sans cette condition qui doit être la base de tout impôt
direct, les contributions publiques paraîtront toujours vexatoires, et elles le
seront en effet pour ceux des citoyens qui sont blessés par l’inégalité dans la
répartition.
Si la chambre désire
réviser le système d’impôts qui nous régit encore, il faut qu’elle prenne
l’initiative ; sans cette mesure, elle n’aura jamais une révision complète. On
se bornera à vous proposer de temps en temps des lambeaux de lois qui
ajouteront quelques dispositions à une législation déjà trop compliquée. On
voudrait remédier à des abus par des lois qui ne seraient pas en harmonie avec
la base du système, ces lois feraient naître d’autres abus, qu’il faudrait
derechef corriger ; et de cette manière on ne sortirait jamais de ce labyrinthe
inextricable dans lequel nous ne pouvons plus rester.
Il faut donc que la
chambre nomme une commission dans son sein, chargée de lui présenter, au
commencement de la session prochaine, de nouvelles bases pour asseoir les
contributions publiques.
L’entreprise sera hardie
sans doute, et la tâche laborieuse, mais le zèle croît en raison des obstacles
qu’il rencontre, et si la tâche est laborieuse,
elle n’est pas au-dessus du dévouement et du patriotisme de cette
assemblée.
Je dois encore soumettre
à votre attention, messieurs quelques considérations sur la législation de
l’enregistrement.
L’administration hollandaise,
avec sa sotte prétention de vouloir tout interpréter dans une idée fiscale, a
dénaturé le but et le principe de la loi du 22 frimaire an VII, ; car, au lieu
de considérer cette loi sous le double rapport d’une loi créant un impôt
considérable en même temps qu’elle est destinée à rendre un service public
d’une grande importance, on l’a métamorphosée en une loi purement fiscale ; et
par l’augmentation excessive de plusieurs droits fixes, on frappe les basses
classes d’une une trop forte proportion avec leur modique avoir. Au lieu
d’interpréter les actes d’après les principes de l’interprétation, on ne
cherche, le microscope interprétatif à la main, que des sens plus ou moins
équivoques pour trouver matière à des droits particuliers, doubles droits et
amendes. J’ai annoté plusieurs décisions de l’administration hollandaise, qui
ne sont pas seulement en opposition avec les premiers principes du droit, mais
encore avec les plus simples notions du bon sens ; aussi, les conséquences du
système interprétatif sont les plus déplorables : les contre-lettres et les
actes simulés sont souvent une nécessité, et pour peu qu’un pareil régime dure
encore, le plus grand mérite d’un notaire consistera, non à rendre la volonté
des parties contractantes d’une manière claire et nette, mais à prendre dans la
rédaction des actes les plus grandes précautions pour éviter à ses clients des
droits qui ne sont pas dus ; et on sait que lorsqu’on est forcé de pousser ces
précautions trop loin, le véritable sens de l’acte est dénaturé et les
conséquences qui en résultent sont irréparables.
Si l’on considère la loi
de frimaire, isolée de toutes ses gloses, commentaires et instructions, on
demeure convaincu qu’à côté de ses avantages, elle présente des inconvénients
et même des injustices ; car, si cet impôt doit atteindre autant que possible
l’universalité des citoyens, et de préférence les plus fortunés, il n’en est
certainement pas de plus mauvais que quelque droits de l’enregistrement : je
veux parler des droits à payer sur tout acte qui comporte obligations et
libération ; ceci est une contribution qui frappe presque uniquement les
classes industrieuses.
Un autre inconvénient
c’est l’obligation de faire enregistrer les actes sous seing privé avant de
pouvoir agir en justice ; il arrive très souvent que l’honnête homme, peu
fortuné, se trouve dans l’impossibilité de poursuivre ses droits les plus
évidents et qu’il doit les abandonner parce que les frais de l’enregistrement
lui ferment le temps de la justice.
Toutes ces causes, les difficultés
continuelles de l’application des lois et décisions aux cas particuliers, la
rigueur de l’interprétation, et les procédures poursuivies presque toujours par
l’administration jusqu’en cassation, sollicitent une révision de cette matière
importante.
Après ces observations
générales, j’entrerai pour un moment dans l’intérieur du budget, le rapport de
la section centrale à la main comme une espèce de carte topographique pour me
guider dans ce petit labyrinthe financier.
Vous remarquerez,
messieurs, que la section centrale, organe de toutes les sections
particulières, ne propose que des réductions peu importantes comparativement au
chiffre total du budget. J’examinerai, lors de la discussion des articles, si
toutes ces réductions sont fondées. Je dois cependant faire remarquer que,
chaque fois qu’on parle de réduire des dépenses qui paraissent exagérées, des
plaintes s’élèvent, et on jette les hauts cris. On semble oublier qu’une
immense responsabilité pèse sur les représentants de la nation, et si nous
avons des devoirs à remplir envers le gouvernement, nous en avons aussi envers
nos commettants, et ces devoirs sont également sacrés pour nous. On a bien fait
observer, dans une autre circonstance, que s’il ne s’agissait que de faire
passer, par notre entremise, la plus somme possible de la bourse des
contribuables dans celle du gouvernement, un corps représentatif serait la plus
inutile de toutes les institutions. Il suffirait bien à cet égard de s’en
reposer sur les soins de son gouvernement même. Lorsque donc la chambre fait
des réductions au budget, c’est qu’elle pense que les dépenses sont exagérées,
et qu’on pourrait simplifier la machine gouvernementale ; et du moment qu’elle
nourrit cette idée, que le contraire ne lui est pas démontré, elle est obligée en conscience de réduire les dépenses au
strict nécessaire. Tels sont les devoirs de la chambre, et elle saura les
remplir, et quelles que soient les clameurs, elles ne nous empêcheront pas de
soutenir ce que nous regardons comme la vérité.
La section centrale fait
remarquer avec raison le système de centralisation absolue qu’on a organisé
dans le ministère des finances. Ceci, messieurs, est un retour vers cette
bureaucratie qui fait que
Cette centralisation
absolue est toujours oppressive et despotique ; elle s’empare de tous les
détails de l’administration générale et particulière, nomme à toutes les places
en réservant les meilleures à ses initiés.
« Il y a chez nous
deux genres de places, dit un écrivain anglais ; celles pour lesquelles il faut
des hommes qui conviennent et celles qui conviennent aux hommes. Les personnes
qui sont en situation de choisir, préfèrent en général les dernières,
; et cela, parce qu’il ne faut d’autre capacité que celle que la
providence, dans sa bonté, a départie à toutes les créatures pourvues de deux
poches d’une dimension ordinaire ; c’est-à-dire la capacité de recevoir. »
On dirait que cet
Anglais a voyagé en Belgique : y aurait-il remarqué de ces éléments malléables,
susceptibles d’être combinés avec tous les systèmes, signes sans valeur propre
qui entrent dans l’expression de toutes les pensées ?
Si je fais encore partie
de cette assemblée lorsqu’on discutera les projets de loi pour les institutions
provinciales et communales, je ferai tous mes efforts pour renfermer cette
centralisation dans des limites raisonnables.
Les observations de la
section centrale sur la création des conseils dans le ministère des finances me
paraissent très fondées ; c’est une espèce
de ministère dans le ministère ; c’est un rouage qui fera aller la machine qui
n’a jamais été trop vite, à pas d’écrevisse. Chacun commandera et personne
n’obéira. Un ministre responsable sans pouvoir, voilà ce qu’on peut appeler un lumineuse absurdité.
Je sais bien que la
responsabilité ministérielle dont on parle si souvent n’est en effet quant à
présent qu’un mot sans valeur, et que cette responsabilité n’effraie pas plus
les ministres qu’elle ne leur paraît pas plus redoutable que le tonnerre factice
qu’on fait gronder au spectacle ; mais le principe existe, et au moyen d’une
loi, elle pourrait devenir quelque chose de sérieux.
L’administration
hollandaise en Belgique a été blâmée avec justice ; mais, et il me fait peine à
le dire, tous les jours on fait soi-même ce qu’on trouvait alors si révoltant.
Il est impossible que l’on veuille s’appuyer l’exemple du passé pour justifier
la marche actuelle, car ce qui ne valait rien alors ne peut non plus convenir à
présent : si les opinions changent d’après la position où l’homme se trouve,
les principes doivent rester immuables.
Ce n’est pas ainsi qu’on
travaille au bien-être du pays ; au contraire, c’est en organisant
l’administration de la manière la plus simple et la plus économique, en
supprimant les rouages et les emplois inutiles ; c’est en exposant avec
franchise les besoins de l’Etat, et en ne demandant du peuple que les sommes
strictement nécessaires pour le service public : car si un fonctionnaire doit
être salarié en proportion de ses travaux et de l’importance de la place qu’il
occupe, tout ce qu’on lui donne au-delà est un vol sur la chose publique ;
c’est en accordant les places au véritable mérite, et non à la faveur, que la
confiance de la nation sera entière et qu’on aura bien mérité de la patrie.
Dans
ma longue carrière parlementaire, j’ai toujours signalé, sans passion, mais
avec quelque énergie, sans hostilité et sans faiblesse pour le pouvoir, les
déviations dans lesquelles il s’est souvent laissé entraîner. En suivant une
autre marche, j’aurais peut-être pu obtenir quelque chose qui ne fût pas si
stérile que la reconnaissance nationale ; mais le bonheur de mon pays a été mon
idée dominante ; mon patriotisme n’a jamais été un rôle que j’avais adopté par
spéculation ; c’est un sentiment qui peut être calomnié, mais qui ne me
quittera qu’avec le dernier soupir.
M.
Donny. - Messieurs, si un honorable préopinant ne s’était constitué
défenseur de l’organisation nouvelle du ministère des finances, je n’aimais pas
pris la parole. L’honorable M. de Brouckere a fait ressortir d’une manière très
lumineuse la singularité de deux actes par lesquels un ministre constitutionnel
ne se réserve de ses attributions que la signature, qui ravale sa
responsabilité à un misérable droit de veto, qui abandonne à ses buralistes
l’exercice de tous les pouvoirs qui lui sont conférés. Je regrette que les
arguments de M. de Brouckere n’aient pas d’influence sur les idées d’un autre
collègue. Mais puisqu’il en est ainsi, je me lève pour déclarer de la manière
la plus formelle que je partage en tout point les idées émises par M. de Brouckere. J’ajouterai quelques
observations à celles qu’il vous a déjà présentées, Cet honorable membre vous a
dit que l’arrêté ne présentait aucun avantage. Je suis curieux de savoir quels
sont les avantages que le ministre des finances parviendra à signaler. Il vous
a dit que les arrêtés pouvaient avoir de graves inconvénients, et il en a
ensuite cité quelques-uns. Je me permettra d’en ajouter d’autres, Il doit
résulter des arrêts dont il s’agit un surcroît de dépenses, car il est évident
que quand l’instruction d’une affaire exige le concours de cinq ou six
personnes, au lieu d’être abandonnée, comme cela pourrait fort bien être, aux
lumières d’un chef de bureau capable ; il est évident, dis-je, que cette
instruction au moyen d’un conseil doit coûter cinq ou six fois plus que quand
elle est faite par un seul individu. Je me trompe, messieurs, quand je dis cinq
ou six fois plus ; car, pour que ma proposition fût vraie, il faudrait que
chacun des membres du conseil ne fût pas plus rétribué qu’un chef de division,
et il n’en est pas ainsi.
Les membres du conseil
sont choisis parmi les personnages qu’en style administratif on qualifie de
capacités, de spécialités ; ce qui veut dire en langage vulgaire, les employés
qui reçoivent les plus gros traitements.
J’ai fait, messieurs, le
calcul de ce que coûte par jour le conseil d’administratif institué par
l’arrêté du 30 décembre dernier. Eh
bien, messieurs, il coûte 112 fr. par jour, tandis qu’un chef de bureau coûte
12 fr. par jour.
C’est-à-dire que le
conseil coûte 12 fois autant qu’un chef de division, qui pourrait au moins
faire le travail tout aussi bien.
Je sais qu’on pourra me
répondre : Si vous vous élevez contre une augmentation de dépense, vous
combattez une chimère ; nous ne vous demandons pas une augmentation de crédit
dans le budget. Si l’organisation nouvelle n’exige pas d’augmentation de
crédit, elle est évidemment un obstacle aux économies qu’on voudrait
introduire. Ainsi le résultat est toujours le même pour le trésor.
Augmenter les dépenses
de 50 ou 60 mille francs ou empêcher de réaliser une économie de 50 ou de 60
mille francs, qui, sans le changement opéré, eût été possible, me semble la
même chose.
Il y a un autre
inconvénient qui doit résulter de cette organisation singulière, c’est qu’elle
va créer un obstacle de plus à la nomination d’un ministre définitif. Je
conçois, et vous concevrez avec moi, qu’un ministre ad interim,
pour le peu de temps qu’il est chargé d’un portefeuille, peut s’accommoder d’un
pareil ordre de choses ; mais trouverez-vous en Belgique un homme capable et de
caractère, qui voulût accepter un département dans lequel on a organisé le
bureaux d’une manière constitutionnelle, où les buralistes formes une espèce de
conseil législatif, et où il n’aurait qu’un pouvoir exécutif bien restreint ?
Il y a un dernier
inconvénient que je veux signaler. Un assez grand nombre de membres de cette
assemblée ont témoigné dans les sections le vœu de voir supprimer les
administrateurs généraux du département des finances, les considérant comme un
rouage inutile. Par suite de l’arrêté, ce rouage n’est plus inutile ; il est au
contraire devenu nécessaire. Ces administrateurs sont même maintenant plus
nécessaires que le ministre lui-même, car il n’a plus qu’une formalité à
remplir ; ce sont les administrateurs qui président le conseil d’administration
et décident.
La création de ce
conseil est donc un obstacle à l’amélioration que plusieurs d’entre vous
désirent et qu’une section a provoquée.
Si
j’ai élevé la voix contre un honorable préopinant qui a défendu les arrêtés, je
suis au moins de son avis quant à l’approbation qu’il a donnée à la diminution
du nombre des bureaux de recettes, opérée par l’arrêté du 30 décembre. Je pense
comme lui que le ministre n’est pas encore allé assez loin. J’ai fait, dans le
temps, le calcul du point où on pouvait aller sans nuire au service ; et
prenant pour exemple un des arrondissements du royaume, j’ai trouvé que sur cet
arrondissement on pouvait, en améliorant même le sort des comptables, opérer
une réduction de hui mille francs par an, et en appliquant ce système de
réduction à tout le royaume, j’ai trouvé une économie possible de 100 mille
francs sur cette seule partie du service. Je crois donc pouvoir unir ma voix à
cette de mon honorable collègue M. H. Vilain XIIII, pour engager le ministre
des finances à prendre cet objet en mûre considération.
M.
Jadot. - Je ne partage pas certainement l’opinion des honorables
préopinants sur les conseils dont il est question dans les arrêtés des 18
octobre et 30 décembre, et je suis étonné qu’ils n’aient jamais critiqué
l’arrêté du 18 mars 1831 qui les crée, car les nouvelles dispositions des deux
derniers arrêtés ne font qu’en augmenter les attributions.
L’examen du conseil
étendu aux affaires du personnel est une modification qui a été reçue avec une
vive reconnaissance pour tous les employés, excepté pour ceux qui jusqu’alors
avaient été seuls chargés de diriger le choix du ministre dans la distribution
des employés.
Cette mesure, qui est
éminemment sage, doit être étendue à toutes les administrations. Quant à moi,
je regretterai toujours qu’elle n’ait pas été adoptée plus tôt ; mais dans la
proposition que j’en fis le 8 novembre 1831, je voulais que ce conseil avisât
et ne décidât pas. Voici ce que contient un de mes rapports de cette époque :
« Ce conseil sera
une garantie pour vous-même, sans que vous soyez lié par les propositions qu’il
vous soumettra, et qui serviront seulement à éclairer votre justice. Car vous
devez toujours rester seul juge de ce qui peut intéresser votre responsabilité,
et des considérations qui doivent déterminer votre choix. »
Le
ministre d’alors ne goûta pas cette proposition, et il en avait bien le droit ;
aussi je ne l’en blâme pas, mais j’applaudis à celui qui vient de l’accueillir,
à cause du bien qui en résultera pour les employés ; j’en ai la conviction
intime.
Au surplus, messieurs,
lorsque le ministre ne décline la responsabilité d’aucun des actes de son
ministère, de ceux émanés du conseil comme de tous les autres, je ne vois pas
que l’on puisse l’obliger à administrer autrement qu’il ne l’entend pour mettre
cette responsabilité à couvert.
M.
le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, l’institution des
deux conseils qui se trouve attaquée dans le rapport de la section centrale et
par un des honorables préopinants, n’est pas une nouveauté ; ces conseils
existaient avant mon entrée au ministère ; ils ont été institués par un décret
du 18 mars, qui date de l’époque où le régent était à la tête du pouvoir
exécutif. Il est vrai qu’à cette époque les deux conseils dont il s’agit
avaient des attributions très bornées ; elles étaient limitées aux affaires contentieuses.
Cette institution, toute
limitée qu’elle était, imprima à l’administration une marche saine et rapide,
au lieu de l’entraver ; présenta aux contribuables des garanties contre la fiscalité,
au lieu de protéger les intérêts du fisc à leur préjudice, comme on a semblé le
reprocher. C’est cette amélioration garantie par l’expérience de trois années
qui a déterminé le ministre à étendre les attributions de cette institution, et
à soumettre à l’examen des conseils d’administration toutes les affaires
indistinctement.
Tel a été le but que je
me suis proposé, non en instituant des conseils, mais en augmentant les
attributions de ceux qui existaient déjà. Je vous prie de ne pas perdre de vue
que ces conseils avaient été institués par l’administration de l’enregistrement
et dés contributions.
On a adressé trois
reproches principaux à ces conseils. On a dit d’abord qu’ils devaient entraîner
des lenteurs dans l’expédition des affaires. Messieurs, rien de cela n’est
démontré dans la pratique et certes aucun des membres de cette chambre n’en a
pu faire l’expérience, tandis que moi j’ai pu apprécier chaque jour leur
influence. Eh bien, je déclare qu’il n’y a pas plus de lenteur dans la marche
des affaires qu’il n’y en avait auparavant.
On a voulu les entacher
d’une sorte de fiscalité ; j’ai déjà dit que le contraire avait lieu. Il est
bien reconnu que les contribuables ont moins à craindre la fiscalité quand ils
ont affaire à un conseil d’administration, que quand une décision est
abandonnée à l’arbitraire d’un seul individu ; par exemple quand il s’agit
d’une saisie, d’une confiscation et de tout de qui a trait aux matières
contentieuses.
En effet il est plus
difficile de trouver quatre ou cinq personnes s’entendant pour exercer des
mesures de fiscalité ou entrer dans un système de vexation que de voir une
personne prendre une semblable résolution.
N’a-t-on pas vu, ne vous
rappelez-vous pas que sous l’ancien gouvernement, dans telle ou telle province,
un seule chef imprimait le caractère d’une fiscalité odieuse à tous les actes
de son administration, tandis que dans une autre province, où le chef voyait
les affaires différemment, on trouvait plus de douceur et de tolérance dans
toutes les affaires contentieuses ?
Alors la décision de ces
affaires était abandonnée à l’arbitraire d’un seul homme ; en la confiant à un
conseil de quatre ou cinq personnes, on pouvait espérer plus de justice.
On a prétendu encore que
l’institution des conseils d’administration, ou plutôt l’extension donnée à
leurs attributions, avait diminué la responsabilité du ministre ; on a même été
plus loin, on a dit que, par suite de ces arrêtés, il n’y avait plus, pour
ainsi dire, ni administrateurs, ni ministres.
Messieurs, les conseils,
tels qu’ils ont été organisés par les deux arrêtés attaqués, décident tout en
manière d’avis. Leur décision n’est rien que celle-ci : « Le conseil
décide que l’avis à transmettre au ministre, concernant telle chose, sera de
telle nature. » Le ministre y met ensuite son approbation, s’il le juge
convenable, après avoir examiné l’affaire. Ainsi, la responsabilité du
ministre, loin d’être amoindrie, est, au contraire immensément augmentée. En
voici la preuve : En matière contentieuse, d’après le décret du régent du 18
mars, toutes les affaires étaient décidées définitivement par le conseil, sans
que le ministre en connût la moindre chose. C’est parce que ce mode de procéder
a été reconnu abusif et a soulevé des réclamations, que le ministre a évoqué
ces affaires et toutes les autres, pour en décider, par lui-même. Quand des
réclamations quelconques avaient lieu contre la décision du conseil agissant
sans le concours du ministre, pour y faire droit, le ministre était obligé de
se faire renseigner toute l’affaire, depuis son origine jusqu’au moment de la
réclamation.
On sent quelle était
alors la position du ministre et combien il lui devenait pénible et fatigant de
se mettre au courant d’une affaire qui, à son insu, avait subi toutes les
phases que l’arrêté prescrit. Aujourd’hui, cela ne peut plus avoir lieu,
puisque dès l’origine le conseil, après avoir examiné l’affaire, doit aviser le
ministre qui alors prend une décision. Il est donc incontestable que toute
décision émane du ministre, soit qu’il modifie l’avis du conseil, soit qu’il le
rejette ou qu’il l’adopte. en totalité : tout émane de
lui, et rien des conseils, que des avis préparatoires, pour amener la décision
ministérielle.
Comment donc peut-on
prétendre que la responsabilité ministérielle a subi la moindre atteinte par
cette organisation, puisque, comme vient de le dire l’honorable député de
Marche, un ministre responsable émarge les décisions qui émanent de lui, sur
l’avis des conseils ? Son seing justifie tous les actes quelconques émanant de
son ministère.
Je crois avoir répondu
au désir manifesté par plusieurs honorables collègues de connaître les
avantages attachés à l’institution des conseils d’administration. Je crois être
entré dans des détails suffisants pour en faire apprécier l’utilité et démontrer
qu’il ne résulte de leur action aucune lenteur dans l’expédition des affaires.
Il est donc clair qu’il
ne s’agit pas d’un ministre en curatelle, mais d’un ministre émancipé,
puisqu’il s’est attribué l’inspection de beaucoup plus de choses qu’on ne lui
en soumettait auparavant.
Quant au surcroît de
dépenses dont on a parlé, j’avoue que je ne me serais pas creusé le cerveau
pour rechercher l’augmentation à laquelle les conseils d’administration
pouvaient donner lieu. On s’est donné beaucoup de peine pour faire des
opérations mathématiques sur des hypothèses malheureuses ; car les conseils
d’administration sont composés d’agents supérieurs de l’administration qui se
trouvent sous le même toit, et qui, indépendamment des jours fixés pour la
réunion du conseil, peuvent être assemblés en un instant si le besoin l’exige,
et ils ne sont rétribués qu’en raison des emplois qu’ils occupent et qui les
appellent à faire partie des conseils
Il y a donc augmentation
de travail et non augmentation de dépenses. La réunion de ces conseils a de
plus l’avantage de faire connaître aux fonctionnaires qui les composent
beaucoup d’affaires auxquelles ils seraient restés étrangers.
On a
dit encore que c’était un obstacle à ce qu’un ministre acceptât le portefeuille
des finances à titre définitif. Je ne comprends pas, je l’avoue, cette
difficulté. Il est évident que si dès demain un ministre était nommé à qui une
telle organisation ne convînt pas, il pourrait la faire cesser immédiatement
par le fait seul de sa volonté. Quant à moi, j’ai organisé ces conseils parce
que j’ai cru mettre ma responsabilité plus à couvert de cette manière ; si un
autre ministre croyait devoir exercer ses fonctions d’une autre manière, il
pourrait le faire. Je bornerai là, quant à présent, mes observations.
M.
Donny. - Je ne répondrai pas à tout ce que vient de dire M. le ministre
des finances.
M.
le ministre des finances (M. Duvivier) - Vous ne le pourriez pas.
M.
Donny. - Je vous demande pardon, je le pourrais peut-être.
Je ferai observer à M.
le ministre que son opinion n’est d’accord ni avec le texte des arrêtés, ni
avec l’opinion du député de Marche. D’après ce que vient de dire M. le ministre
des finances, les conseils n’ont qu’un avis préparatoire à donner ; de sorte
qu’ils sont là pour éclairer la religion du ministre, et rien autre chose.
Comment se fait-il que l’arrêté ait été rédigé d’une toute autre manière ?
D’après le texte de l’arrêté, tout est laissé à la décision des conseils, et le
ministre n’a qu’à approuver ou rejeter. On n’y parle pas d’éclairer le
ministre, mais de décider, sauf le droit du ministre d’opposer son veto.
La preuve que c’est
ainsi qu’il faut entendre l’arrête se trouve dans ce qu’a dit l’honorable
député de Marche. « J’avais proposé au ministre, vous a-t-il dit, de
prendre un arrêté instituant des conseils d’administration ; mais je ne voulais
pas que ces conseils décidassent, mais se bornassent à donner un avis. Le
ministre n’a pas voulu suivre ce conseil, je regrette qu’il ne l’ait pas
fait. » Le texte est donc corroboré par ce qu’a dit cet honorable membre.
Mais
si les conseils, comme l’a dit le ministre, n’ont que des avis à donner, à quoi
bon avoir eu recours à un arrêté royal pour les créer ? N’avait-il pas le droit
d’assembler en conseil ses subordonnés quand il le jugeait convenable, pour
leur demander des éclaircissements sur tel ou tel point ? Il était inutile de
faire intervenir un arrêté royal sur une chose qu’il pouvait modifier à son
gré.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - La
dernière observation faite par l’honorable préopinant est une question de
prérogative qui ne touche en rien au principe de l’institution. Le ministre
aurait-il pu prendre par lui-même l’arrêté ? A-t-il bien fait de le faire
prendre par le Roi ? C’est là une question d’attribution et de prérogatives. Il
s’agit de l’institution et non du mode d’après lequel elle a été établie. Il
est possible que l’autorité du ministre eût été suffisante. Cependant ce n’est
qu’après avoir examiné la question que j’ai cru utile de recouvrir au pouvoir
royal. Il y avait d’ailleurs conformité d’antécédents ; c’était le régent qui
avait pris le premier arrêté qui établissait les conseils et lui conférait une
partie des attributions qu’il a maintenant ; j’ai cru que moi qui lui en
conférais l’ensemble, je devais à plus forte raison, comme mon prédécesseur,
recourir au pouvoir exécutif.
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il s’agissait de modifier un
arrêté du pouvoir exécutif ; un ministre ne pouvait pas le faire.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) -
L’observation que fait M. le ministre de la justice est très fondée. Le chef de
l’Etat pouvait seul modifier un arrêté pris par le précédent chef du pouvoir
exécutif.
Je n’ajouterai plus que
deux mots.
Si j’avais le moindre
doute que les conseils dont il s’agit eussent autre chose à faire qu’à
présenter un avis, dès demain je ferais résoudre le doute dans le sens que je
viens d’exposer à la chambre.
M. de Brouckere. - L’arrêté porte cependant
: « Le conseil décide » ; et plus loin il ajoute ; « La
décision du conseil ne sera exécutée… »
- La discussion est
renvoyée à demain.
La séance est levée à 4
heures 1/4.