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Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 23 décembre 1833
1) Proposition de loi visant à ouvrir un crédit pour pourvoir aux besoins des réfugiés politiques (Gendebien)
2) Projets de loi portant le budget des départements de la justice, des affaires étrangères et de la marine pour l’exercice 1834. Discussion générale sur l’ensemble des budgets. Justice, criminelle, ordre de Léopold ((+indépendance des députés-fonctionnaires) Doignon, Lebeau), cour des comptes et garde civique (Dumortier, Lebeau)
3) Projet de loi portant le budget du département de la justice pour l’exercice 1834. Vénalité des places de notaires (H. Dellafaille, Lebeau), administration centrale (Lebeau) tribunaux de première instance (Lebeau, Fleussu, Pirson, de Brouckere, Lebeau, Dubus, Lebeau, Dubus, Lebeau, Fleussu, Dubus, Lebeau, Pirson, Lebeau), auditorat militaire (Dubus, Lebeau, Fleussu), Moniteur et Bulletin officiel (Lebeau, Lebeau), régime des prisons et service de santé de l’armée (de Brouckere, Soudan de Niederwerth, Lebeau, Fleussu, de Brouckere), entretien des prisons ((+justice militaire) Soudan de Niederwerth, Desmet, Fleussu, Pollénus, Soudan de Niederwerth, Fleussu, Verdussen, Lebeau, Fleussu, Lebeau, Gendebien, Verdussen, Lebeau, Gendebien, Pollénus, Soudan de Niederwerth)
(Moniteur belge n°359, du 25 décembre 1833)
(Présidence de M.
Raikem.)
M. de Renesse fait
l’appel nominal à midi et demi.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la
rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait
connaître l’objet des pièces adressées à la chambre ; ces pièges sont renvoyées
à diverses commissions.
PROPOSITION DE LOI VISANT A OUVRIR
UN CREDIT POUR POURVOIR AUX BESOINS DES REFUGIES POLITIQUES
M. le président. -
M. Gendebien est appelé à la tribune pour donner lecture de la proposition
déposée sur le bureau dans la séance précédente.
M.
Gendebien. -
Que l’un de MM. les secrétaires veuille bien faire cette lecture ; je n’ai pas
sous la main ma proposition.
M. de Renesse donne
lecture de la proposition ainsi conçue :
« Un crédit de 73
mille fr. est ouvert au ministère de la guerre afin de pourvoir aux besoins des
réfugiés politiques. »
« Gendebien,
Rouppe »
M.
Gendebien. - M.
Je demande à développer ma proposition lorsque la chambre reprendra ses travaux
après le congé qu’elle croit devoir prendre incessamment.
PROJETS DE LOI PORTANT LE BUDGET DES
DEPARTEMENTS DE LA JUSTICE, DES AFFAIRES ETRANGERES ET DE LA MARINE POUR
L’EXERCICE 1834
Discussion générale sur l’ensemble
des budgets
M. le président. -
L’assemblée a décidé dans sa séance dernière qu’il y aurait discussion générale
sur les divers budgets avant de passer à la discussion spéciale du budget de la
justice et du budget des affaires étrangères et de la marine.
M. Doignon. -
Conformément à l’ordre du jour, la discussion générale est ouverte sur tous les
budgets des dépenses, moins celui de la guerre ; pour moi, je dois l’avouer, je
sens l’impossibilité de me livrer à une semblable discussion, aussi longtemps
que l’on n’aura pas recueilli les opinions des sections, aussi longtemps que la
section centrale n’aura point fait son rapport et prit des conclusions : en
l’absence de ces documents, toute discussion générale est illusoire ; je me
bornerai donc à faire quelques interpellations au ministère.
Nous avons vu il y a
quelque temps dans le Moniteur des
observations intéressantes sur l’administration de la justice criminelle. Elles
étaient suivies de deux projets de loi.
Je demanderai à M. le ministre
de la justice si ces observations ont fait l’objet de ses méditations. Il est
important d’apporter quelques améliorations dans la justice criminelle.
Tout récemment mais un
peu tard, nous avons vu enfin paraître quelques arrêtés qui accordent des décorations
de l’ordre militaire de Léopold à un certain nombre de nos braves : ces arrêtés
ont provoqué de vives réclamations.
La loi veut que ces
arrêtés soient motivés : je demande si l’on a bien rempli le vœu de la loi en
alléguant uniquement et d’une manière vague, le zèle et le dévouement des
titulaires, sans préciser, sans indiquer aucun fait. Un de ces arrêtés invoque,
pour titre à la récompense, l’ancienneté de service : je demanderai aussi au
ministre où il a vu dans la loi que c’était là un titre suffisant ?
La loi déclare que les
décorations seront décernées à ceux qui ont rendu des services signalés à la
patrie : mais autre chose est d’avoir servi pendant vingt-cinq ans, ou de
s’être distingué par des traits de courage ou de bravoure. Il me paraît que le
ministre a méconnu l’esprit de la loi. Il a dès lors violé l’art. 6 de la
constitution, qui statue que le Roi confère les ordres militaires, en observant
à cet égard ce que la loi prescrit. Je suis persuadé que nos braves auraient vu
avec plaisir dans ces arrêtés une mention au moins sommaire des faits qui les
rendaient dignes de cette distinction. Le législateur, en exigeant que de
semblables arrêtés soient motivés, a voulu donner au pays une garantie que les
décorations ne seraient point distribuées par la faveur, l’intrigue et l’esprit
de coterie.
Le
ministère a déclaré dans cette enceinte, à la session dernière, qu’il
destituerait les députés fonctionnaires qui ne voteraient pas avec lui dans les
questions importantes, ou, en d’autres termes ceux qui ne voteraient pas les
budgets. Je demanderai, s’il persiste dans cette doctrine, ou plutôt dans cette
menace attentatoire à la liberté des votes et à l’indépendance de la chambre :
aussi longtemps que je ferai partie de cette chambre, je protesterai à chaque
session contre cette doctrine anticonstitutionnelle.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - L’honorable préopinant m’a adressé des interpellations
auxquelles je m’empresse de répondre.
Les lettres qui ont paru
dans le Moniteur, et qui ont exposé
des projets de réforme dans l’administration de la justice criminelle et
correctionnelle, sont en quelque sorte la substance de plusieurs entretiens que
j’ai eu avec le magistrat signataire de ces lettres ; j’ai cru utile de mettre
au jour les opinions qu’elles renferment, et qu’il les environnât de la plus
grande publicité
Lorsqu’elles ont été
publiées dans le Moniteur, je les ai
fait convertir en brochures et je les ai adressées à toutes les cours du
royaume avec prière de vouloir bien en faire l’objet de leurs méditations, et
de faire parvenir le résultat de ces méditations au gouvernement. Les cours
délibèrent actuellement sur ces lettres ; mais le résultat de leur délibération
nous est encore inconnu. Le gouvernement puisera les motifs de la détermination
qu’il pourra soumettre à la législature, dans les lumières qu’il attend de
l’expérience et de la connaissance profonde de la législation des cours du
royaume, où l’on compte tant de magistrats anciens et éclairés.
Quant à la seconde
interpellation, celle relative aux décorations, j’ai lieu de m’étonner que
l’honorable préopinant ait attendu que l’on discutât le budget de la justice et
le budget des affaires étrangères pour occuper la chambre de cette question, si
tant est que la chambre veuille entrer dans l’examen de questions de personnes.
J’ai lieu de m’étonner de ne voir arriver l’interpellation qu’après que vous
vous êtes occupés du budget de la guerre, lorsque vous savez que les arrêtés
qui confèrent des décorations ont été contresignés par le ministre de la guerre
; lorsqu’il est démontré qu’il appartient au ministre de la guerre d’apprécier
les services militaires, services pour l’appréciation desquels je dois décliner
toute compétence.
Si
donc la chambre croit devoir donner suite à l’interpellation, elle devra
inviter M. le ministre de la guerre à se rendre dans cette enceinte et
descendre dans des discussions de personnes toujours si délicates.
Je crois pouvoir me
borner là, quant à présent, et ne pas devoir répondre à sa dernière
interpellation. Le gouvernement connaît ses prérogatives. Il en usera selon sa
conviction et sous sa responsabilité, et quand il aura fait ce qu’il croit de
son devoir, la chambre fera le sien.
M. Dumortier. - Il
ne peut pas y avoir de discussion générale, on le comprend ; cependant,
puisqu’on a fait des interpellations au ministre de la justice, j’en ferai au
ministre des finances, je lui demanderai s’il a préparé une loi sur
l’organisation de la cour des comptes. La révision de l’organisation de la cour
des comptes devait avoir lieu en 1832 ; 1833 est écoulé, et nous n’avons pas de
modification à cette institution : je demanderai si nous aurons bientôt la loi
que le congrès a prescrit de porter.
Je sais que, dans une
des séances précédentes, un ministre a dit que nous pouvions user de notre
prérogative, et présenter un projet de loi mais lorsque le congrès a imposé le
devoir de présenter une loi, c’est au gouvernement à se charger de cette
présentation.
Ce que
je dis relativement à la cour des comptes, je peux le dire relativement à la
garde civique. Vous vous rappelez que, lorsque le 31 décembre 1831 le congres
vota la loi sur la garde civique, on la regarda comme une loi temporaire qui
devrait subir une révision complète. L’imperfection de cette loi ne tarda pas
se faire sentir. Actuellement elle ne reçoit plus d’exécution ; cette
institution précieuse, prescrite par la constitution, est à peu près comme si
elle n’eût jamais existé. Je voudrais savoir si le ministre de l’intérieur nous
présentera bientôt une loi sur la garde civique. Je regrette que ce ministre ne
soit pas présent à la séance. Quant à la cour des comptes, je demande que le
ministre des finances veuille bien nous dire si son intention est de nous
présenter, avant la fin de 1833, la loi qui devait être présentée en 1832.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - Le gouvernement s’occupe, en effet, de la révision de
la loi qui a organisé la cour des comptes, et l’on comprend aisément que, pour
que cette révision fût efficace, il fallait que l’ancienne loi eût reçu une
application assez longue pour faire découvrir les vices de cette législation et
les lacunes à combler. Ce moment est arrivé ; la cour des comptes elle-même a
transmis un projet de révision au gouvernement, projet qui fait en ce moment
l’objet des réflexions du ministre des finances et du ministre de la justice.
Le dessein du gouvernement est de mettre à profit les observations qui lui ont
été faites par la cour des comptes, et de présenter dans le plus bref délai
possible la loi de révision sollicitée par le préopinant.
Le préopinant regrette
de ne pas voir ici M. le ministre de l’intérieur, auquel il aurait voulu
adresser une interpellation sur la législation concernant la garde civique : je
crois pouvoir assurer que l’on s’occupe activement au département de
l’intérieur d’un nouveau projet de loi ; mais la rédaction de ce projet a dû
être précédée d’une espèce d’enquête. Je pense que la plupart des renseignements
demandés sont parvenus à l’intérieur, et que le vœu du préopinant ne tardera
pas à être rempli par la présentation d’un nouveau projet de loi.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DES
DEPARTEMENTS DE LA JUSTICE POUR L’EXERCICE 1834
Discussion générale
M.
H. Dellafaille - Messieurs, au moment où nous sommes appelés à
voter les fonds nécessaires au ministère de la justice, je dois signaler au
chef de ce département quelques abus qui se sont introduits dans une des branches
principales de son administration ; le régime du notariat.
J’appellerai d’abord son
attention sur un grief dont il n’est pas fait mention pour la première fois :
la connivence abusive avec laquelle il tolère les marchés conclus par certains notaires,
qui vendent leur démission à des successeurs qu’ils recommandent et que le
gouvernement a presque toujours la complaisance d’agréer.
J’avais espéré que les
considérations pleines de sagesse par lesquelles un de mes collègues
d’Audenarde et un honorable député de Tournay ont combattu cette manière
d’agir, auraient porté le ministre à reconnaître son erreur ; malheureusement
le Moniteur me prouve lui-même qu’il
en a été autrement. Il ne se passe point de semaine que le journal officiel ne
mentionne quelque démission de notaire donnée et acceptée, et pour quiconque
connaît les profits légitimes de ces sortes de places, sans parler de la
manière dont quelques individus savent les exploiter, il est évident qu’un
notaire ne donne pas sa démission, mais qu’il la vend.
M. le ministre, en
persévérant dans la voie où il s’est engagé, s’est-il bien assuré que sa
tolérance à cet égard est sans inconvénient ? Pour moi, j’en trouve d’assez
graves pour joindre ma voix à celle de mes collègues, et pour l’inviter de tout
mon pouvoir à mettre fin à ce trafic qui me paraît entièrement opposé, sinon au
texte, du moins à l’esprit de la loi.
Je demanderai d’abord de
quel droit et en vertu de quelle loi on permet à un notaire de vendre ce qu’il
n’a pas acheté, ce qui ne lui appartient pas. M le ministre, dans la séance du
2 septembre dernier, émettait l’avis « qu’une clientèle, acquise par de
longs et honorables travaux, participait en quelque chose de la
propriété. » Je lui répondrai d’abord que, dans tous les endroits où il
n’y a qu’un notaire, la confiance publique est en grande partie forcée, surtout
pour les classes intérieures de la société. Ensuite je lui demanderai si la
place de notaire est ou non une fonction publique, et, en cas d’affirmative, en
vertu de quelle loi une fonction publique peut devenir en tout ou en partie la
propriété de celui à qui elle est confiée.
Il y a d’ailleurs dans
cette tolérance défaut de justice, en ce que cette faculté abusive de vendre sa
place n’est pas générale ; qu’elle est accordée aux uns, refusée aux autres, et
qu’elle dépend absolument du bon plaisir de celui, n’importe lequel, qui occupe
le ministère de la justice. C’est donc une véritable faveur, un privilège réel,
et vous savez, messieurs, si les faveurs et les privilèges sont conformes à
l’esprit de notre constitution.
Ce n’est point là ce
qu’a voulu la loi sur le notariat, Elle a ouvert cette carrière, non à
l’argent, mais au mérite ; elle a voulu qu’en cas de vacature, la place fût
donnée non au plus offrant et dernier enchérisseur, mais au plus digne. A
mérite égal, j’approuve assez qu’on préfère le fils du titulaire ; mais, hors
ce cas, je croit qu’il faut consulter, non les convenances du notaire à
remplacer, mais les titres des candidats et surtout l’intérêt du public, qui
réclame le plus proche et le plus capable.
Si le gouvernement
persiste à croire juste ou utile la vénalité des places de notaire, que dans ce
cas il présente aux chambres un projet de loi à cet égard. Cette question est
susceptible d’un examen sérieux.
Mais si ce parti venait
à être adopté, il faudrait nécessairement que ce droit fût acquis à tous les
titulaires sans exception ou à leurs héritiers, et que la première mise de
fonds profitât au trésor ; il faudrait en un mot que l’on fît disparaître le
privilège abusif qui permet à quelques hommes favorisés de vendre ce qu’ils ont
reçus gratuitement. De cette manière, au moins, on ne commettrait plus
l’injustice dont sont fréquemment victimes d’anciens candidats, qui se voient
préférer des aspirants quelquefois moins anciens et moins capables, et qui
n’ont d’autre titre qu’un marché fait contre le vœu de la loi.
Je dois encore faire
remarquer à M. le ministre de la justice un second abus, presque aussi grave
que le premier ; c’est le peu de cas qu’on paraît faire des avis donnés par les
chambres des notaires et les autorités judiciaires. Des places ont été créées,
des résidences ont été changées, des nominations ont été faites contre l’avis
formel de ces autorités. Ce n’est cependant pas sans motif que la loi a voulu
qu’on les consultât. Le ministre peut-il juger en lui-même de la convenance
d’une place à créer ou du mérite d’un candidat ? Des renseignements pris sur
les lieux sont indispensables, et certes il serait difficile d’en trouver de
meilleurs que ceux demandés par la loi. Je conviens qu’il est des cas, ceux
d’érection ou de changement de résidence par exemple. où l’avis d’une chambre
des notaires ne doit pas être toujours suivi sans examen ; mais lorsque cet
avis est confirmé par celui des autorités judiciaires qui sont plus à l’abri du
népotisme et de l’esprit de corps, il me semble que le ministre assume beaucoup
sur lui en prenant une décision contraire.
De cette manière d’agir
il résulte d’abord un dommage notable pour le public, en ce que ces érections
et changements de résidence se font, non dans l’intérêt général, mais dans des
intérêts individuels, et que les places sont données, non au plus digne, mais
au plus adroit et quelquefois sur des recommandations fort peu réfléchies. En
second lieu, cette conduite est une amère dérision pour les chambres de
notaires et les autorités qu’on feint de consulter. Elle décourage les
magistrats, porte atteinte à la considération dont ils devraient jouir, et leur
ôte toute influence sur les notaires qui les voient dépourvus de tout crédit et
de toute confiance.
C’est principalement
lorsqu’il s’agit de créer de nouvelles places que je conjure M. le ministre de
la justice de consulter les tribunaux et de s’en tenir à leur avis. J’en ai vu
ériger qui n’étaient réclamées que par les postulants. Qu’arrive-t-il de là ?
C’est que les fonctions étant multipliées au-delà les besoins réels de la
population, plusieurs notaires, qui ne peuvent se faire une clientèle est de
s’assurer leur sort par des voies légitimes, se trouvent exposés à la tentation
de recourir à des gains honteux ; et il n’en est que trop qui y succombent.
Enfin, je dois encore
réclamer de M. le ministre de la justice l’exécution de la loi qui ordonne aux
notaires de fixer leur domicile réel dans les lieux de leur résidence, En
beaucoup d’endroit, cette disposition est éludée ; en d’autres elle est
ouvertement violée. C’est encore une fois l’intérêt particulier qui prévaut ici
sur l’intérêt public. La tolérance avec laquelle les autorités ont jusqu’ici
fermé les yeux sur cet abus est d’autant plus injuste que celui qui viole la
loi doit nécessairement nuire à celui qui l’observe. L’injustice est encore
plus flagrante lorsque c’est un notaire d’arrondissement déjà privilégié auquel
on permet cette violation de la loi.
M. le ministre me
répondra qu’il a donné les ordres nécessaires pour remédier à cet abus. Je le
sais et je lui rends justice à cet égard, mais je dois l’avertir que ces ordres
ne sont pas exécutés. Il sera nécessaire qu’il ordonne formellement aux divers
parquets de tenir strictement la main à leur exécution ; et, s’il y a lieu,
qu’il fasse appliquer dans toute sa rigueur la disposition de la loi que je
n’ai pas sous les yeux, mais qui, je pense, répute démissionnaire tout notaire
qui dans les trois mois de sa nomination n’établit pas son domicile effectif
dans le lieu assigné à sa résidence.
Avant de terminer,
j’aurais encore à soumettre aux méditations de M. le ministre de la justice
deux réflexions qui me paraissent de nature à faire la matière d’un sérieux
examen, si, comme je l’espère, on révise un jour la loi qui régit le notariat.
D’abord je demanderai à
quoi bon la différence qui existe entre les divers ressorts dans lesquels les
notaires sont admis à instrumenter, selon qu’ils résident dans des cantons,
dans des chefs-lieux de tribunaux de première instance ou dans des chefs-lieux
de cours d’appel. Faut-il plus de talents pour exercer ces fonctions à
Bruxelles, à Liége que pour les exercer à Anvers ou à Bruges ? Ces places
exigent-elles plus de connaissances à Audenarde ou à Termonde qu’à Alost ou à
Renaix ?
Cette différence ne
donne presqu’aucun avantage réel aux notaires qui résident dans les villes où
siègent les cours d’appel, mais elles constituent un véritable privilège en
faveur des notaires d’arrondissement au préjudice des notaires de canton, et je
ne vois à ce privilège ni but raisonnable ni avantage réel pour le public. Je
crois qu’il vaudrait beaucoup mieux assigner à tous les notaires
indistinctement un même ressort, soit la province, soit l’arrondissement
judiciaire.
En second lieu, je
demanderai à M. le ministre s’il ne croirait pas utile le rétablissement du
cautionnement des notaires.
Cette
mesure serait utile à l’Etat et aux particuliers, qui y trouveraient une
garantie de la gestion de ceux à qui ils doivent confier leurs intérêts, tandis
qu’aujourd’hui ils n’en ont aucune, et qu’il dépend d’un notaire malhonnête
homme d’emporter et sa fortune et les deniers qu’il a entre les mains, sans
laisser aucun gage à ses clients. J’ajouterai que cette meure ne serait pas
même onéreuse à ceux qu’elle atteindrait, puisqu’un cautionnement n’est qu’un
placement de fonds, et que celui qui jouit de quelque estime, même lorsqu’il ne
possède que peu de fortune, est toujours à même de se procurer les moyens
nécessaires.
J’ai rempli un devoir en
livrant ces idées aux réflexions de M. le ministre de la justice, en et portant
à sa connaissance les abus que j’ai té à même de remarquer dans le régime du
notariat. J’ose espérer qu’il en fera son profit, et qu’il s’empressera de
remédier pour l’avenir à des griefs qu’il ne pourrait redresser s’il ne
trouvait des voix pour les signaler.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - Messieurs, quoique je n’aie pas changé d’opinions sur
la nature des fonctions des notaires, il m’a suffi de voir que cette opinion
était assez généralement en opposition avec celle qui se manifestait dans cette
chambre pour que je me fisse un devoir de devoir de la marche que j’avais
suivie, et que la plupart de mes prédécesseurs avaient suivie eux-mêmes, comme
j’en ai administré la preuve dans une autre circonstance. Il ne s’agit pas
d’une question de prérogative, sur laquelle un ministre qui a le sentiment de
ses devoirs ne peut transiger : le gouvernement n’a aucun intérêt de faire
prévaloir son opinion. A la suite des discussions qui ont roulé sur ce sujet,
pour déjouer, en règle générale, la possibilité de toute convention de la
nature de celles qu’on a signalée, j’ai exigé des démissions pures et simples,
et de plus, des démissions qui acquissent un caractère d’irrévocabilité par une
insertion dans le Moniteur. Depuis
l’époque à laquelle en s’est occupé de cette question ici, je ne crois pas
qu’on puisse signaler d’exemples du fait dont on s’est plaint, c’est-à-dire
d’une démission et d’une nomination simultanée, si ce n’est peut-être dans le
cas de la transmission d’une place de notaire d’un père à son fils.
Il est arrivé, il est
vrai, que de vieux notaires, sans famille, sans enfants, n’ayant depuis plusieurs
années pour unique soutien de leur vieillesse qu’un clerc qu’il considèrent en
quelque sorte comme leur fils adoptif, ont donné leur démission en y mettant
verbalement la condition qu’elle serait regardée comme non avenue si le choix
ne tombait point sur le candidat recommandé par eux. Je n’ai point voulu
l’accepter ; je me suis borné à leur dire :
« Votre démission
doit être pure et simple, sans condition aucune, soit expresse, soit tacite, et
publiée dans les journaux. » Mais j’avouerai avec franchise que j’ai
ajouté, dans quelques cas rares et tout à fait exceptionnels, que si les
autorités s’accordaient sur la moralité et la capacité de leur candidat, il
avait chance d’obtenir la préférence.
Cela est arrivé, mais le
contraire est arrivé plus souvent encore. Si l’on trouve que c’est méconnaître
l’esprit de la loi, je suis prêt à changer d’avis. Mais qu’en résultera-t-il ?
C’est qu’un vieux notaire qui n’a pas de fils, pas de gendre pour lui
transmettre sa charge, verra rester complètement inutile dans ses mains et sans
profit pour qui ce soit, si ce n’est pour quelques-uns de ses collègues, la
commission qui lui aura été donnée.
Quant à avoir sanctionné
des conventions de la nature de celles qu’a signalées l’honorable préopinant,
je ne l’ai jamais fait sciemment. Il est possible que tel candidat, tel clerc
de notaire ait fait des propositions, ait pris un engagement verbal ou écrit
avec un démissionnaire ; mais comment voulez-vous, messieurs, que le
gouvernement en ait connaissance ? Du reste, il ne procède à des nominations de
notaires qu’après avoir pris tous les renseignements pour empêcher que sa
religion ne soit surprise ; il a consulté non seulement les parquets, non
seulement les gouverneurs, mais même les chambres des notaires.
Pour la création de
nouvelles places, il est vrai que le gouvernement s’est quelquefois trouvé en
opposition avec ces chambres ; mais l’honorable préopinant a lui-même exposé la
raison de cette dissidence. Il est évident que si vous demandez à un certain
nombre de notaires s’il convient d’augmenter la concurrence dans leurs cantons,
leur avis sera influencé peut-être même à leur insu, par leur position.
Toutefois, si cet avis est confirmé par les autorités, alors il a un tout autre
caractère. Mais quand il est combattu par les autorités judiciaires et
administratives ou même par l’une d’entre elles, et par des raisons
convaincantes, le gouvernement crée une nouvelle charge, et croit faire ainsi
une chose utile. La preuve qu’on ne crée pas inconsidérément des places de notaires,
c’est que dans beaucoup de cantons où la population est d’environ 20,000
habitants, et je citerai principalement la province du Hainaut ou peut-être on
a trop exclusivement suivi quelquefois l’avis de certaines chambres de
notaires ; dans ces cantons, dis-je, il n’y a que 3 notaires, tandis que,
d’après la législation en vigueur, on pourrait en nommer 5.
J’apprécie tout ce qu’il
y a de judicieux dans les observations du préopinant sur la nécessité de
maintenir les dispositions de la loi du 23 ventôse an II sur la résidence des
notaires, et ça été là constamment l’objet de ma sollicitude. J’en ai écrit aux
parquets, et je suis convaincu qu’ils ont rivalisé de zèle pour seconder le
gouvernement ; mais ils peuvent se tromper ; il n’est pas toujours facile de
distinguer une résidence fictive d’une résidence réelle ; il faut en quelque
sorte prendre les notaires sur le fait. Cependant, si l’on avait lu le Moniteur avec attention, on y aurait vu
aussi que des démissions de notaires ont été prononcées de ce chef. Remarquez
aussi, messieurs, qu’il faut autre chose que des rapports d’officiers du
ministère public, car c’est aux tribunaux seuls qu’il appartient de provoquer
la démission d’un notaire non résident ; or, il faut aux tribunaux des preuves
irrécusables pour en venir à celle extrémité.
Quant à la nécessité de
réviser la loi sur le notariat, je suis entièrement de l’avis de M.
Dellafaille. Je crois qu’il y a d’excellentes raisons pour rétablir les
cautionnements. Cette formalité éloignera des fonctions de notaires des hommes
qui ne donnent pas toutes les garanties désirables : non pas que je prétende
que l’aisance soit toujours une indispensable garantie de la moralité : un
homme pauvre peut être capable et probe ; mais si, par sa moralité et sa
capacité, il inspire généralement la confiance, il trouvera facilement auprès
de ses amis les moyens de fournir un cautionnement. Sous ce rapport la probité
pauvre ne sera nullement victime du rétablissement de cette disposition, et de
son côté, le public y gagnera.
Je pense aussi, qu’il
est nécessaire de changer la circonscription du ressort des notaires. Je trouve
qu’il y a quelque chose de peu rationnel dans la classification actuelle, et
ceux qui ont étudié l’historique de la législation sur la matière savent que
c’est à l’influence des notaires de Paris qu’on en attribue l’origine. Il me
semble que la circonscription uniforme des arrondissements est la plus
rationnelle et la plus équitable ; elle reste en harmonie avec la juridiction
judiciaire, et elle ne met pas aussi souvent les particuliers dans l’obligation
de faire deux ou trois lieues pour aller chez un notaire quand ils en ont un
presque sous la main. Je sais bien que cet inconvénient se représentera encore
jusqu’à certain point dans une nouvelle circonscription, mais nous n’avons que
le choix du moindre mal. Du reste, je pense que la modification serait
favorable aux parties, et aux notaires eux-mêmes.
- Personne ne demandant
plus la parole, on passe à la discussion des articles.
Discussion générale
Chapitre Ier - Administration centrale
Article premier
« Art. 1er.
Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2.
Traitements des employés : fr. 95,000. »
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - Messieurs, lorsque, l’année dernière, j’ai réduit à
95,000 fr. l’allocation que j’avais cru devoir porter à 105,000 fr., j’ai
déclaré qu’en me ralliant au chiffre de la section centrale, je faisais la part
des circonstances ; que cette somme de 10,000 fr. était destinée à des
améliorations que je regardais comme très utiles, mais que je n’insistais pas
pour qu’elle fût votée dans un moment où l’on réclamait de toutes parts des
économies. Nous sommes encore trop peu éloignés de cette époque pour renouveler
ma réclamation ; mais je fais les mêmes réserves pour qu’on ne dise pas que je
suis en contradiction avec moi-même lorsque, dans d’autres circonstances, je
viendrai redemander cette augmentation qui servirait, je le répète, à des
améliorations fort utiles.
- Le chiffre de 95,000
fr. est mis aux voix et adopté.
Article 2
« Art. : 3.
Matériel : fr. 13,000. » - Adopté.
Chapitre II. - Ordre judiciaire
Articles 1 à 4
« Art.
1er. Cour de cassation. Personnel : fr. 233,800. » - Adopté.
« Art 2. Cour de
cassation. Matériel : fr. 3,000. » - Adopté.
« Art. 3. Cours
d’appel. Personnel : fr. 484,890. » - Adopté.
« Art. 4. Cours
d’appel. Matériel : fr. 18,000. » - Adopté.
« Art. 5. Tribunaux
de première instance, de commerce : fr. 821,150. »
La section centrale
propose de réduire l’allocation 817,950 fr
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - Messieurs, la section centrale a signalé une erreur
dans la supputation du nombre des juges de première classe. Si elle avait cru
devoir demander des renseignements, je lui aurais fourni les explications que
je vais avoir l’honneur de donner à la chambre. Elle a parfaitement raison de
diminuer d’un membre le personnel de ces juges quand elle considère ce qui
existe actuellement ; mais l’intention du gouvernement était d’augmenter d’un
membre le personnel du tribunal de première instance de Liége. Le chef du
parquet de ce tribunal avait déjà fait des réclamations à cet égard, et la
question ayant été portée à la connaissance de M. le président du tribunal et
de M. le président de la cour, ces deux magistrats ont confirmé l’opinion de M.
le procureur du Roi.
Vous
verrez, messieurs, combien elle est fondée si vous réfléchissez qu’à Anvers,
non compris le président et le vice-président, il y a 9 juges, à Bruxelles, 7,
à Gand 7, tandis qu’à Liége il n’y en a que 5 ; de sorte que le personnel
d’Anvers est de 10, celui de Bruxelles de 9, celui de Gand aussi de 9, et celui
de Liége de 7 seulement, c’est-à-dire au-dessous du taux fixé par la loi sur
l’organisation judiciaire de 1810 ; car, bien qu’on en ait distrait
l’arrondissement de Verviers, la circonscription reste à peu près la même que
du temps où existait le tribunal de Malmédy. Ajoutez à cela que le président du
tribunal de Liège est octogénaire, et le vice-président presque septuagénaire,
et vous verrez quelle considération méritent les réclamations dont il s’agit.
Si, par les causes qui malheureusement tiennent à la nature même des choses, le
président et le vice-président venaient à être remplacés par des magistrats qui
fussent dans la vigueur de l’âge, peut-être un tel besoin ne se ferait-il pas
sentir ; mais, dans l’état actuel du personnel, il faut compléter le tribunal,
si l’on ne veut voir encore augmenter l’arriéré des affaires.
M.
Fleussu, rapporteur. - Vous sentez bien, messieurs qu’il n’était
pas donné aux membres de la section centrale de deviner l’intention qu’avait le
gouvernement de créer une nouvelle place de juge. Nous n’avons pas demandé de
renseignements, parce qu’ayant rapproché le budget de cette année de celui de
l’année dernière, nous avons cru que l’augmentation de 3,200 fr. était l’effet
d’une erreur. Si M. le ministre, dans les développements de son budget, nous
avait fait part de ses intentions, il en serait résulté un grand avantage, car
nous pourrions nous prononcer en connaissance de cause, et, de leur côté les
sections auraient pu demander des renseignements si elles en avaient eu besoin,
tandis que maintenant nous sommes pris à l’improviste. Quant à moi je crois
qu’une nouvelle place de juge d’instruction au tribunal de Liége ne serait pas
inutile, et que même elle ferait le plus grand bien en ce sens qu’elle
servirait à hâter la marche des affaires. C’est à la chambre à voir si elle se
trouve suffisamment éclairée.
M. Pirson. - C’est
par une loi organique de l’ordre judiciaire que le nombre des juges est fixé ;
ce n’est donc que par une loi particulière que l’on peut augmenter ce nombre ;
car si la prétention de M. le ministre de la justice était admise, j’aurais
aussi beaucoup d’observations à vous faire, messieurs, sur le tribunal de
Dinant. Nous n’étions pas ici, M. Seron et moi, quand la loi de l’organisation
judiciaire a été discutée, et c’est par erreur qu’on a
porté comme juges de 4ème classe ceux du tribunal de Dinant. L’arrondissement
de Dinant est très étendu : vous allez dire peut-être qu’il est mauvais ; mais
les procès y sont aussi nombreux qu’ailleurs, car les petites successions sont
plus difficiles à partager que les grandes. Ensuite c’est un pays boisé, et il
y a des forgeries considérables ;, un grand nombre de fouilles y sont ouvertes.
Il est donc nécessaire d’augmenter le nombre des juges, ou bien de créer un
second tribunal à Philippeville, d’autant plus qu’il n’y a pas de tribunal de
commerce. Mais je ne crois pas le moment arrivé d’entamer cette question ; nous
ne devons nous occuper que des traitements des juges nommés par la loi.
Cependant, si l’on réclame l’augmentation du personnel des autres tribunaux, je
ferai valoir les justes prétentions de celui de Dinant.
M.
de Brouckere. - Le nombre des juges existant à Liège est-il
au-dessous du nombre fixé par la loi ?
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - Je répondrai que le nombre des juges qui composent le
tribunal de Liège est en dessous du nombre légal. En effet, le décret du 8 août
1810 dispose que le tribunal de Liége se compose de deux chambres et de huit juges.
Le tribunal de Malmédy existait alors, et depuis sa suppression il avait été
créé trois chambres au tribunal de Liége par arrêté du gouvernement précédent ;
le nombre des juges avait été porté à onze ou douze. Par suite de l’érection du
tribunal de Verviers, on a supprimé la troisième chambre, et l’on aurait dû
rétablir le personnel sur le pied du décret du 8 août 1810, de sorte que le
nombre actuel des juges est au-dessous du taux fixé par la loi.
Maintenant,
pour faire voir à la chambre que je n’ai nullement l’intention d’agir ici par
surprise comme on semble le dire, je demanderai la permission de donner lecture
de la lette du 1er président de la cour, et de celle du président du tribunal.
(C’est inutile !) Je m’abstiendrai
puisqu’on m’en dispense ; mais la chambre voit que, si l’insiste, c’est que
j’ai pour moi le droit et le fait attesté par les autorités les plus
respectables.
M.
de Brouckere. - S’il ne s’agit que de compléter le nombre des
juges fixés par la loi ; mais, s’il était question de créer une nouvelle place,
je m’y opposerais. Je sais que plusieurs tribunaux demandent une augmentation
de personnel pour hâter l’expédition des affaires ; mais il faut pour cela une
loi.
M. Dubus. - Cette
discussion même fait regretter que le ministre n’ait pas annoncé dans ses
développements qu’il proposait 3,200 fr. de plus pour une nouvelle place de
juge à Liége, car il est difficile d’apprécier les motifs de cette demande
lorsqu’ils se présentent ainsi à l’improviste. Je remarque que le tribunal de
Liége ne se trouve plus composé que de deux chambres, et le personnel actuel
comprend quatre juges, un président et un vice-président, ce qui,
indépendamment du juge d’instruction, fait un total de six. Or, c’est
précisément le nombre complet de deux chambres, et si vous nommez un juge de
plus, ce juge n’aura rien à faire, à moins que ce ne soit dans les vacances. Si
l’on me démontrait que ce n’est pas assez de deux chambres, je dirais : Nommez
une chambre de plus. Mais on vient seulement nous objecter qu’un président
octogénaire et un vice-président septuagénaire peuvent être empêchés : mais
c’est justement pour des empêchements de cette nature qu’on a créé des juges
suppléants et sans cela le service
manquerait dans la plupart des tribunaux. Ce sont des causes purement
temporaires, et qui n’exigent pas la nomination de nouveaux juges. Il suffit de
juges suppléants. Je m’opposerai donc à l’augmentation de crédit, et je ferai
observer que l’honorable rapporteur parle de l’utilité de deux juges
d’instruction ; mais alors il s’agirait d’un traitement de 3,750 fr., et non de
3,200, ce qui ne serait plus dans les intentions du ministre.
Je
ferai une autre observation ; c’est relativement à la somme demandée pour
matériel et frais de bureau des procureurs du Roi. La commission a dit que
cette somme devait être répartie entre les procureurs du Roi remplissant les
fonctions de procureurs criminels ; elle a ajouté qu’il devait en être rendu un
compte exact ; mais il ne faut pas confondre les dépenses à charge de l’Etat
avec celles à charge des provinces. Il n’y a que celles des procureurs du Roi
remplissant les fonctions de procureurs criminels qui soient à la charge de
l’Etat ; les autres sont à la charge des provinces : et s’il était vrai, ce que
je ne crois pas, que l’allocation portée dans les budgets provinciaux ne fut
pas suffisante, c’est là qu’il faudrait l’augmenter ; mais il serait
nécessaire, pour nous mettre à même de vérifier le fait, qu’on nous rendît
compte de toutes les allocations de ces budgets ; Du reste, il suffit que la
dépense soit à la charge de la province pour qu’elle doive y satisfaire.
D’après ces motifs, je pense qu’il faut adopter la réduction proposée par la
section centrale.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - La nomination d’un huitième juge n’est pas une
innovation, c’est tout simplement la rectification d’une erreur qui s’est
glissée dans les budgets antérieurs à 1834.
Quand les juges ne sont
pas en nombre complet, on n’en porte pas moins la totalité du chiffre, sauf à
en disposer après la nomination. Liége se trouverait dans une position
exceptionnelle si l’on suivant l’avis du préopinant. Les tribunaux de Bruxelles
et Gand ont 9 juges, celui d’Anvers en a 10, tandis que Liége n’en a que 7.
L’honorable préopinant
aurait voulu qu’on fît connaître les motifs de l’augmentation demandée : ces
motifs je les ai recueillis de magistrats capables d’apprécier les besoins du
service, et je suis prêt à communiquer tous les documents qui m’ont été
transmis par M. le président du tribunal civil et par M. le premier président
de la cour. Je dois dire que le parquet de la cour seul ne partageait pas
entièrement l’opinion de ces magistrats sur la nécessité d’augmenter le nombre
de ces juges. Au reste, je dois faire remarquer que je ne demande pas une
majoration, mais le maintien du chiffre, tel qu’il figure à mon budget.
Relativement
à l’allocation donnée aux procureurs du Roi pour frais de commis et non pour
frais de bureau, j’ai obtenu 15,000 fr. l’année dernière ; spontanément j’ai
réduit ce chiffre de 5,000 fr., et j’espère que nous pourrons encore obtenir
d’autres économies. Je ne demande pas l’argent pour le jeter à la tête des
magistrats.
Je vous ai déjà dit qu’indépendamment des frais de bureau, certains
procureurs du Roi, à raison de la multiplicité des affaires, avaient besoin
d’un commis. Gand, Bruxelles, sont dans ce cas ; Liége doit être rangé dans la
même catégorie. Les menues dépenses sont à la charge des provinces quand il
s’agit de papier, de plumes, d’encre ; mais il s’agit ici d’un employé : il
faut que les magistrats fassent eux-mêmes les frais d’un commis, ou que l’Etat
leur en donne les moyens. Si vous retirez l’indemnité pour les commis, vous retirez
réellement d’une main, aux procureurs du
Roi, une partie de ce que vous leur avez accordé de l’autre, quand vous avez
augmenté leur traitement.
Je persiste à demander
que la chambre vote le chiffre que j’ai posé.
M.
Dubus. - Je veux que l’on alloue tout ce qui est nécessaire pour
que la justice soit convenablement administrée ; mais je dis que le ministre
demande trop ou trop peu. Le tribunal de Liége est composé de deux sections ou
de six juges : que fera un septième juge ? Par des circonstances temporaires un
juge peut être empêché ; mais faut-il pour cela créer un juge à perpétuité,
parce qu’il y aura empêchement momentané ? Il y a des juges suppléants pour
remplir les lacunes dans le cas d’empêchement.
Quant aux traitements
des commis des procureurs du Roi, ils se prélèvent sur les menus frais, et cela
résulte de la législation. Si on leur a alloué des frais de bureau
extraordinaires, c’est parce qu’alors ils avaient des travaux extraordinaires.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - Il ne s’agit pas de créer un nouveau juge pour Liège :
le rétablissement d’un huitième juge à Liége doit se faire en vertu du décret
du 18 août 1810 et en vertu de la loi de la même année. C’est l’honorable préopinant
qui voudrait innover ; nous, nous voulons rentrer dans les termes de la loi, et
d’où l’on n’est sorti que par erreur ; ce n’est donc pas nous qu’on doit
qualifier de novateurs : il me semble que l’innovation vient du préopinant.
Indépendamment de la
question de droit qui tranche la difficulté en notre faveur, il y a des raisons
de fait palpables : on sait combien il est difficile de disposer toujours des
juges suppléants ; la plupart d’entre eux étant avocats plaident, quand il
serait utile qu’ils siégeassent comme suppléants. Il reste la ressource
d’assumer des avocats ou des avoués, mais c’est là une mesure
exceptionnelle qu’on ne doit pas
convertir en règle.
Presque toujours,
d’ailleurs, les cours d’appel, à Bruxelles comme à Liége, absorbent le temps
des meilleurs avocats et s’opposent à ce qu’ils remplissent les fonctions de
juges suppléants de première instance quand les titulaires sont empêchés.
Je
réitère l’observation que j’ai faite relativement aux traitements des commis
des procureurs du Roi ; ces traitements ne sont pas compris dans les menues
dépenses à charge des provinces. S’il en était autrement d’ailleurs, le budget
provincial serait dégrevé de ces traitements ; il n’y a pas de procureur du Roi
qui osât ni qui voulût pousser l’impudeur jusqu’à recevoir de deux mains pour
solder la même dépense.
M.
Fleussu. - Il n’y a qu’un juge d’instruction à Liège dont le
ressort est très étendu ; il ne peut se tenir au courant de sa besogne ; un
second juge d’instruction y rendrait de grands services. Si je demande un juge
de plus, c’est pour que les affaires soient expédiées plus promptement, et non
pour remplacer des juges octogénaires ou septuagénaires qui sont toujours sur
leurs sièges.
Les procureurs du Roi
faisant les fonctions de procureurs criminel ont besoin d’un commis dans
certaines localités : à Bruxelles, le procureur criminel a des affaires
nombreuses à poursuivre ; à Liége il en est de même. Je ne crois pas que jamais
les commissaires aient été compris dans les menues dépenses.
M. Dubus. - Le
ministre de la justice m’a reproché d’être novateur en invoquant la loi de 1810
; il aurait pu se dispenser de parler de cette loi, qui ne détermine rien sur
le nombre des juges : ce sont les arrêtés qui fixent le nombre des juges, et
qui modifient ce nombre selon les circonstances. Il faut donc considérer dans
un tribunal le dernier état existant. Or, le gouvernement provisoire, en créant
le tribunal de Verviers, a diminué le ressort du tribunal de Liège. Je demande
maintenant où est la nécessité de changer l’état de choses établi par le
gouvernement provisoire ? Il y a trois ou quatre juges suppléants à Liège un
septième juge est donc inutile.
S’il
faut un second juge d’instruction à Liége, il faut alors augmenter les dépenses
de 3,780 fr. : n’allouez pas des fonds pour des fonctions qui ne sont pas
remplies, pour un septième juge, là où six juges suffisent.
Quant aux commis, je
dirai que plusieurs procureurs du Roi paient les leurs sur les menus frais ; on
ne doit pas porter ces sortes de dépenses sur le budget de l’Etat et en même
temps sur les budgets provinciaux.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - Le décret de 1810 est un décret organique, et il n’est
pas rapporté. Le gouvernement provisoire a interprété ce décret comme je
l’interprète moi-même, puisqu’après la réorganisation des cours il a, par des
arrêts postérieurs, successivement complété le nombre légal des juges. Parce
qu’il n’y a que deux sections à Liége, le tribunal ne doit pas pour cela ne se
composer que de six juges. Dans tous les tribunaux de troisième et de quatrième
classe il n’y a qu’une chambre, et il ne faut que trois juges. Cependant à
Tournay et ailleurs il y a quatre juges.
M. Dubus. - C’est
qu’à Tournay il y a un juge d’instruction.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - Oui, mais le juge d’instruction siège dans beaucoup de
tribunaux. A Liége le juge d’instruction, jeune et actif, ne s’est pas plaint
qu’il fût surchargé ; il y aura peut-être lieu à procéder à la nomination d’un
second juge d’instruction, mais cela s’opérera sans augmenter le personnel.
Pour établir un nouveau
juge d’instruction, il faudrait un supplément de 400 fr. ; néanmoins, je ne
demanderai rien à la chambre. Au budget je demande une somme globale ; et comme
il y a des vacatures chaque année, sans recourir aux chambres, ces vacatures
fourniront aisément les 400 fr. nécessaires au traitement d’un juge d’instruction,
si l’un des juges du tribunal de Liége venait à être chargé de ces fonctions.
En
terminant, je répète ce que j’ai dit relativement aux procureurs du Roi : il
n’y en a pas un seul qui demandera les frais d’un commis aux provinces.
Plusieurs membres. - La clôture ! la clôture !
M. le
président. - On demande la clôture : si personne ne réclame, je
vais la mettre aux voix.
M. Pirson. -
J’avais demandé la parole. Il y aurait toujours à mettre aux voix
l’ajournement.
M. le président. -
Est-ce sur la clôture que vous voulez prendre las parole ?
M. Pirson. - Tout
n’a pas été dit. M. le ministre argumente des décrets impériaux ; ils ont subi
beaucoup de modifications. M. le ministre n’a pas répondu à ce que j’avais dit
à cet égard.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - L’interpellation résulte d’un oubli de ma part : si la
chambre le permet, quelques mots d’explications suffiront pour la satisfaire
sur ce point. Le tribunal de Dinant dont on a parlé, et beaucoup d’autres qui
sont dans le même cas, ne peuvent être modifiés que par une loi, et cette loi
doit être précédée d’une enquête sur les réclamations faites par les corps
intéressés.
Le tribunal de Dinant ni
aucun tribunal de la même nature ne m’a fait parvenir de réclamations ; je n’ai
pas cru devoir prendre l’initiative. Si je reçois des réclamations, je les
examinerai, et si j’en reconnais la nécessité, je proposerai une modification,
soit sous forme de loi, soit sous forme d’amendement ; mais jusqu’à présent, je
le répète, aucune réclamation n’a été faite.
- La clôture est mise
aux voix et prononcée.
Le chiffre de 821,150
fr. est ensuite mit aux voix et adopté.
Ce chiffre formera
l’art. 5 du chapitre II.
Article 6
« Art. 6. Justice
de paix, tribunal de police : fr. 312,720 fr. » - Adopté.
Chapitre III. - Justice militaire
Articles 1 et 2
« Art. 1er. Haute
cour militaire. Personnel : fr. 62,050 fr. » - Adopté.
« Art. 2. Haute
cour militaire. Matériel : fr. 4,200 fr. » - Adopté.
« Art. 3.
Traitement des auditeurs militaires : fr. 59,186. »
M.
Dubus. - Messieurs, déjà l’année dernière il s’est agi de cette dépense
qui ne se fait pas d’une manière constitutionnelle, puisqu’on fait voter le
traitement de l’ordre judiciaire, encore qu’il ne soit pas fixé par la loi. Une
loi vous a été présentée à cet effet, et cependant la section centrale vous
propose un chiffe supérieur à celui porté dans ce projet. Il y aurait lieu
d’opérer une réduction qui résulte de la proposition même du gouvernement ; car
il y a une sorte de contradiction à demander par une loi une somme moindre, et
par le budget une somme plus forte.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - L’explication est toute simple. J’ai proposé le
chiffre l’année dernière, sur lequel une grande réduction a été opérée par le
gouvernement. Depuis la présentation de mon budget, j’ai fait une nouvelle
réduction de 800 fr. environ.
Le
gouvernement n’a pas été en retard pour accomplir la promesse qu’il avait faite
d’après les observations du préopinant ; il les a trouvées tellement fondées,
que son premier soin a été de présenter un projet de loi. Si ce projet n’a pas
été voté, la faute n’en est pas au gouvernement, qui avait pris ses mesures
pour le présenter dès l’ouverture de la session ; elle n’est pas non plus à la
chambre qui s’est constamment occupée de travaux de la plus grande importance.
Mais, pour donner apaisement complet au préopinant, je déclarerai qu’il ne sera
fait usage des sommes demandées, jusqu’au vote de la loi, que comme crédit ;
qu’il ne sera fait que des paiements à compte, dont la régularisation aura lieu
suivant la loi que j’ai présentée, autant toutefois que la décision de la
chambre ne se fasse pas trop attendre, parce qu’il serait impossible de laisser
les parties intéressées dans la position précaire où les a placées la
présentation du projet de loi.
M. Fleussu, rapporteur.
- M. Dubus s’est étonné que la section centrale ait maintenu le chiffre du
budget et n’ait pas fait de réductions conformes à la loi présentée. Je
demanderai de quel droit la section centrale aurait été faire produire des
effets à une loi qui n’est encore qu’en projet ; je demanderai ce qu’aurait dit
la chambre et qu’aurait dit M. Dubus lui-même, si la section centrale avait
préjugé une question de cette nature. Il est évident que la somme votée n’est
qu’un crédit dont on ne pourra user, si la loi est adoptée, que pour payer le
nombre de juges fixé par la loi et au taux déterminé par elle.
C’est au reste ce que
j’ai dit dans mon rapport. Il me semble que cette explication est assez claire.
- L’art. 3 est mis aux
voix et adopté.
Chapitre IV. - Frais de poursuite et
d’exécution
Article unique
« Article unique.
Frais de poursuite et d’exécution : fr. 651,000. » - Adopté.
Chapitre V. -
Constructions et réparations de locaux
Article unique
« Article unique. Constructions
et réparations de locaux : fr. 35,000. »
- Adopté.
Chapitre VI. Bulletin officiel et Moniteur
Article premier
« Art. 1er. Frais
d’impression : fr. 25,000. »
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - Messieurs, quel que soit mon désir d’abréger la
discussion, je dois déclarer que si je n’ai pas rempli une espèce d’engagement
que j’avais pris de mettre en adjudication le Bulletin officiel, c’est que des réclamations extrêmement
respectables ont empêché de donner suite à ce projet. Toutefois en renonçant à
ce mode de publication, je ne l’ai fait qu’en obtenant une réduction
considérable de 5,240 fr. Si la chambre n’était pas satisfaite de cette
explication, je suis prêt à lui donner de plus grands détails.
J’avais pris trop
légèrement un engagement dont j’ai vu les inconvénients au moment de le mettre
à exécution ; il n’en était pas de même du Moniteur,
il pouvait éprouver quelque interruption dans sa publication sans qu’il en
résultât de graves conséquences.
- L’art. 1er est mis aux
voix et adopté.
Article 2
« Art. 2 Moniteur.
Personnel : fr. 11,672. » - Adopté.
« Art. 3. Moniteur.
Matériel : fr. 50,000. »
M. Fleussu, rapporteur.
- Nous avons demandé à cet égard des renseignements qu’on n’a pu fournir parce
que l’adjudication n’avait pas eu lieu à cette époque. Peut-être pourrait-on
faire une nouvelle réduction du chef de la nouvelle adjudication.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - Je ferai remarquer que j’ai déjà opéré une réduction
de 6,258 fr. sur le chiffre de l’an dernier ; cependant ce n’est pas la seule
que j’ai obtenue sur la dépense du Moniteur.
A ces 6,258 fr., il faut ajouter 12,000 fr. environ qui sont l’évaluation
approximative du produit des abonnements et des annonces, ce qui porte la
réduction à 18,258 fr., en supposant que la somme soit entièrement dépensée, ce
qui, j’espère, n’arrivera pas ; mais je ne suis pas encore assez sûr de cela
pour oser vous proposer une réduction plus forte que celle de 18,200 et
quelques francs.
Il faut remarquer que si
d’un côté, l’adjudication m’a procuré quelque diminution, je suis obligé de
faire quelques dépenses particulières.
J’ai cru bien faire dans
l’intérêt de l’établissement, pour faciliter les relations de la chambre avec
le Moniteur, de louer une maison avec
laquelle on pût communiquer de ce palais. Il est certain d’ailleurs que
l’avantage que l’adjudicataire a trouvé dans ce local a puissamment influé sur le prix de sa soumission. Si la chambre
désirait des explications plus étendues, je serais prêt à les lui donner.
- L’art 3 est mis aux
voix et adopté.
Chapitre VII. - Pensions
Article unique
« Article unique.
Pensions : fr. 8,000. » - Adopté.
Chapitre VIII. - Prisons
Article premier
« Article 1er.
Entretien et nourriture des prisonniers : fr. 760,000. »
M.
de Brouckere. - La chambre se rappellera sans doute que, chaque
fois qu’elle s’est occupée des dépenses des prisons, j’ai renouvelé mes
instances pour faire substituer le système d’entreprise à celui de régie. J’ai
longuement explique quels étaient, selon moi, les avantages qui devaient
résulter du changement que je demandais, en admettant toujours, cependant,
qu’un certain nombre de bras pouvaient être employés dans les grandes prisons,
d’après le système de régie ; mais alors la régie n’était plus que l’exception
et l’entreprise était la règle générale, tandis qu’aujourd’hui la règle générale est la régie et l’exception
l’entreprise. Depuis la dernière discussion, les commissions chargées de
l’administration des prisons de Vilvorde, Gand et St.-Bernard ont été
consultées par le gouvernement sur cette question. L’administration de Vilvorde
a partagé mon opinion, et répondu de la manière la plus catégorique dans le
sens de la préférence à accorder au système de l’entreprise. Les commissions de
Gand et de St.-Bernard, au contraire, ont cru que le système qui existe depuis
quelques années devait être maintenu.
Vous aurez pu voir, dans
le Moniteur du 19 de ce mois, un long
article dans lequel se trouvent exposées, et les démarches faites par le
gouvernement auprès des commissions, et la manière dont elles ont résolu les
questions soumises par lui à ces commissions. Je ne renouvellerai pas mes
instances, puisque deux commissions se sont prononcées contre ma proposition ;
je me bornerai à déclarer que je persiste à croire que le système d’entreprise
est préférable à la régie, dans l’intérêt des prisonniers et du gouvernement.
- L’art. 1er est mis aux
voix et adopté.
Article 2
« Art. 2.
Traitement des employés attachés au service des prisons. »
Chiffre proposé par le
gouvernement, fr. 226,300. »
« Chiffre proposé
par la section centrale, fr. 224,400. »
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - La section centrale a proposé la suppression des 1,900 fr. alloués
pour le traitement de l’inspecteur général du service de santé. Si c’est dans
une vue d’économie qu’elle vous a proposé cette réduction, son but ne serait
pas atteint si elle était adoptée. Pour vous le démontrer, je suis obligé de
remonter à l’origine, à la cause de la création des fonctions de l’inspecteur
général du service de santé. En vertu d’un arrêté du 23 février, les
administrations des prisons ont cessé de faire des contrats particuliers avec les
pharmaciens des endroits où les prisons étaient situées, et se sont pourvues
des médicaments dont elles avaient besoin, aux pharmacies militaires partout où
il y avait garnison. Il fallut nécessairement que le chef du service de santé
eût le contrôle des comptes relatifs aux fournitures que les pharmacies
militaires livraient aux administrations de chaque prison ; on ne pouvait
exiger que ce fonctionnaire attaché à l’administration de la guerre s’acquittât
de ce contrôle sans rétribution : on lui a attribué de ce chef un traitement ou
plutôt une indemnité de 1,900 fr.
Ces 1,900 fr. servent
en grande partie à payer les employés
qui participent sous lui au contrôle qu’il exerce. Si ce traitement était
supprimé, rien ne l’obligerait à faire ce service, attaché qu’il est à
l’administration de la guerre ; le ministre de ce département n’exigerait pas
de lui ce surcroît de travail, quand le ministre de la justice le réclamerait.
M. Fleussu, rapporteur.
- Pourquoi pas ?
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - Messieurs, il résulte d’ailleurs, pour l’administration des prisons,
une grande économie des fonctions de l’inspecteur-général du service de santé :
Il consiste en ce que l’administration des prisons participe aux bénéfices qui
résultent des adjudications des objets pharmaceutiques, sans être obligée de
contracter des adjudications spéciales dans chaque ville.
Nous
pouvons apprécier ce bénéfice quand nous faisons la comparaison des comptes des
prisons fournies par les pharmacies militaires avec ceux des prisons qui se
fournissent à des pharmacies particulières. Nous sommes quelquefois dans la
nécessité de faire des réductions de 15 p. c. Chacun sait d’ailleurs ce que
sont les comptes d’apothicaire. Un arrêté du gouvernement provisoire a de plus
enjoint à ces inspecteurs de faire des visites dans les infirmeries des grandes
prisons, dans toutes les provinces. Cependant on ne les a pas rétribués
spécialement pour ces tournées ; ils ne reçoivent pas de frais de route.
L’indemnité de 1.900 fr. qu’on leur alloue est bien faible en raison des
services qu’il rendent et des abus qu’ils nous ont mis à même de faire cesser.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - Indépendamment des avantages évidents que les prisons
trouvent à prendre leurs médicaments aux pharmacies militaires, il y a une
raison d’hiérarchie qui ne peut pas vous échapper. M. le rapporteur, qui n’a
pas parlé officiellement, mais que j’ai entendu de sa place, a dit que si le
ministre de la guerre ordonnait aux inspecteurs du service de santé de
continuer les travaux que les prisons leur occasionnaient, ils ne pourraient
s’y refuser. Mais, je vous le demande, quelle serait dans ce cas la position du
ministre de la justice ? Il est responsable de toutes les branches de son
administration, et la surveillance du service de santé des prisons est une des
branches les plus importantes.
Si cette surveillance
est confiée à un fonctionnaire qui ne ressortit pas de son département, qui n’y
est pas lié par son traitement, le ministre de la justice n’aura aucune
injonction à lui faire ; il pourra convertir ses fonctions en sinécure ; il
pourra dire : Je ne suis pas fonctionnaire hiérarchiquement subordonné au
ministre de la justice ; je ne touche d’appointements qu’au ministère de la
guerre, je n’ai d’ordres à recevoir que du ministre de ce département : lui
seul est mon chef. Et quand le ministre de la guerre lui ordonnerait de faire
ce service, il ne serait pas en position de savoir s’ils sont exécutés. Tandis
que, dès qu’il y a allocation, il se forme une espèce de contrat entre le
fonctionnaire et le ministre sur le budget duquel est comprise cette
allocation, et ce ministre peut vérifier si toutes les conditions du contrat
sont remplies.
M.
le commissaire du Roi vous a exposé beaucoup d’autres motifs que j’ai pu
apprécier moi-même, qui vous prouvent que la réduction de 1,900 fr. qu’on vous
propose ne serait qu’une économie apparente à cause des abus que la
surveillance de ce fonctionnaire nous met à même de faire cesser.
M. Fleussu, rapporteur.
- Messieurs, quand on a l’honneur d’être nommé rapporteur d’une section, on
doit soutenir toutes les décisions qu’elle a cru devoir prendre : c’est donc
pour remplir ce devoir, et non pour contester les services des
inspecteurs-généraux du service de santé, que j’ai pris la parole. Depuis que
nous discutons des budgets, toujours la suppression de ce traitement a été
réclamée. Cette fois encore elle l’a été par la section centrale, à la sollicitation
de la majorité de trois sections ; l’année dernière elle l’avait été également,
mais cet article a passé inaperçu, sans contestation ; c’est même ce qui a
engagé la section centrale à peser les motifs donnés par quelques-unes de vos
sections.
On a fait observer que
ce fonctionnaire touchait déjà des appointements très élevés au ministère de la
guerre, 7,600 fr., et ici encore un traitement de 1.900 fr. ; on a pensé qu’avec 7,600 fr. on pouvait faire
entrer dans ses attributions la surveillance du service de santé dans les
prisons. Mais, dit-on, cela ne peut pas être, si vous retranchez l’allocation
qu’il reçoit du ministère de la justice, parce que ce ministre n’aura plus
d’action sur ce fonctionnaire, et sa responsabilité sera compromise. Cependant,
si dans l’arrêté qui institue cette fonction, il est dit que le fonctionnaire
sera chargé de surveiller le service de santé militaire et des prisons, il est
évident qu’il ressortira également du ministère de la guerre et du ministère de
la justice, et que l’un et l’autre ministre auraient également action sur ce
fonctionnaire s’il négligeait ses fonctions.
C’est un emprunt de
l’ancien gouvernement. Non seulement ce fonctionnaire était attaché aux
départements de la justice et de la guerre, mais encore au département de la
marine. Ce n’est que parce que notre marine n’est pas assez considérable, qu’il
ne touche pas de traitement de ce chef. Vous voyez que par l’arrêté il ne
ressortirait pas seulement de la guerre, mais encore de la justice et de la marine,
et chacun des ministres pourrait mettre sa responsabilité à couvert.
Mais, nous dit-on
ensuite, vous ne ferez pas d’économie par cette suppression, car ce n’est pas
un traitement. Si ce n’est pas un traitement, on nous a donc induits en erreur,
car c’est à ce titre que depuis trois ans cette allocation nous est demandée.
Ce serait pour payer un commis.
Voyons
quelles sont les fonctions ordinaires de l’inspecteur-général. C’est la
comptabilité pour les drogues qu’il fournit à l’armée. Eh bien, celles qu’il
fournit aux prisons n’augmentent pas beaucoup cette comptabilité ; quelque peu
de travail de plus pour ses commis, voilà tout. C’est là l’observation qui a
déterminé la section centrale ; elle a reconnu que le service des prisons
n’état qu’un simple accessoire de sa besogne pour laquelle il touchait un
traitement de 7,600 fr.
Ce traitement lui a paru
suffisant. Elle a en conséquence proposé de supprimer la nouvelle allocation de
1,900 fr.
M.
de Brouckere. - Messieurs, pour demander la suppression de
l’allocation portée au budget du ministère de la justice pour
l’inspecteur-général du service de santé, on a fait valoir deux motifs : le
premier, c’est que cet inspecteur touche des appointements très élevés au
ministère de la guerre ; le second, c’est que le service de santé des prisons
entre véritablement dans ses attributions, et par conséquent qu’il ne doit pas
être salarié d’une manière spéciale.
Mais, messieurs, ccs
appointements accordés au chef du service sanitaire de l’armée, qu’on dit si
élevés, montent à 3,600 fl. ; et cependant le fonctionnaire chargé du même
service avant la révolution touchait 4,500 fl., et il a encore aujourd’hui le
rang de général de brigade : de telle manière qu’il reçoit des appointements
moins élevés que les fonctionnaires égaux en rang avec lui, les généraux de
brigade et l’intendant en chef de l’armée. Il n’est donc pas exact de dire que
ses appointements sont trop élevés.
Ainsi qu’on nous l’a
dit, en 1823 un arrêté du gouvernement chargea l’inspecteur-général du service
de santé militaire de la direction en chef du service de santé dans les
prisons. La révolution a continué cet état de choses. Ce fonctionnaire réclama
un employé du ministre de l’intérieur pour faire la besogne de son bureau ; il
allait sans dire que, chaque fois qu’il était appelé à se mettre en route pour
ce service, des frais spéciaux lui étaient accordés. Sa demande fut reconnue
juste ; mais le gouvernement jugea à propos, au lieu de lui donner des frais de
route et un commis, de lui allouer une somme de 900 florins qui devaient
couvrir les frais de bureau, personnel et matériel, et tous ses frais de
voyage.
Croit-on que le
gouvernement ait mal fait de lui allouer une indemnité fixe et qu’il eût été
mieux de lui accorder un commis et des frais de route ? Je ne m’oppose pas à ce
changement ; il me suffit que justice soit faite.
Cet service lui donne
des occupations extrêmement nombreuses, surtout en correspondance et
vérifications de comptabilité ; elles exigent un employé qui n’est pour ainsi
dire occupé qu’à cela pendant toute l’année. En outre, l’inspecteur-général
doit se rendre en quelque lui que lui désigne l’administrateur des prisons ;
lors du choléra, il a dû faire plusieurs tournées. Si vous refusiez à
l’inspecteur-général du service de santé des appointements ou une indemnité
pour le service des prisons, il en résulterait une singulière anomalie, c’est
que tous les officiers de santé militaire chargés du service sanitaire des
prisons reçoivent un supplément d’appointement et que le chef seul en serait
privé, tandis qu’il y a plus droit que ses inférieurs, à cause de ses fréquents
déplacements.
M. le rapporteur nous a
dit que cette fonction était une institution du gouvernement hollandais, et il
a fait remarquer que, sous ce gouvernement, ce fonctionnaire était aussi chef
du service sanitaire de la marine et recevait en cette qualité une indemnité
spéciale dont ne jouit pas l’inspecteur actuel et qu’il n’a pas réclamée.
C’est dans l’intérêt du
service public que j’ai pris la parole. Si la chambre juge à propos de
supprimer le traitement, je ne m’y opposerai pas, pourvu qu’on consente aux
indemnités pour frais de bureau et frais de voyage calculés sur un état fourni
par lui.
- Le chiffre de 226,300
fr. est mis aux voix et rejeté.
Celui de 224,400,
proposé par la section centrale, est adopté.
Articles 3 et 4
« Art. 3.
Récompense accordée aux gardiens pour conduite exemplaire et
dévouement. fr. 2,500 » - Adopté.
« Art. 4. Frais
d’impression : fr. 8,000. » - Adopté.
Article 5
« Art. 5.
Réparations des bâtiments, construction, et entretien : fr. 153,000. »
La section centrale
propose de réduire ce chiffre à 100,000 fr.
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - Depuis trois années on a toujours été diminuant la somme demandée
par le ministère, pour pourvoir aux frais de construction et d’entretien des
prisons.
Je vous prie de
remarquer que les premières fois en a pu remettre les travaux à des années
postérieures ; mais aujourd’hui l’urgence est grande, et nous avons besoin de
sommes plus fortes, parce que les bâtiments sont d’autant plus délabrés qu’on a
attendu davantage pour les réparer. L’état de paix dont nous jouissons semble
permettre qu’on s’occupe d’améliorer les prisons, et toutes les propositions
que nous avons l’honneur de vous faire sont de la plus grande utilité. La
section centrale elle-même l’a reconnu. Cependant, elle a réduit de 53,000 fr.
le chiffre proposé par le ministère. Le gouvernement avait ajouté à l’appui de
sa demande un état où l’administration évaluait à près de 200,000 fr. les
constructions à faire, et cependant elle n’a demandé que 153,000 fr.
On peut considérer que
si nous sommes obligés à n’employer qu’une somme de 100,000 fr., les travaux
que nous pourrons faire l’année prochaine se réduiront à deux ou trois. Il en
est que je pourrais citer qui réclament la plus grande partie de cette somme.
Le gouvernement remet depuis plusieurs années l’agrandissement de la prison
d’Alost ; on avait espéré voir diminuer le nombre des prisonniers et pouvoir
employer d’autres bâtiments. Le nombre des prisonniers militaires est plus
grand que celui des prisonniers civils ; on attribue cette augmentation à
l’accroissement de l’armée et à la suppression de la bastonnade, usitée avant
la révolution, et qu’on a remplacée par la prison ; en outre nous n’avons plus
de colonies où on envoyait en partie les condamnés militaires : c’est ce qui
fait que cette prison est encombrée. Ce n’est même que par la force morale
qu’on les retient. Je ne sais, s’il est prudent de le dire, mais il leur serait
facile de s’évader de cette prison, qui est mal construite et qui primitivement
avait eu une autre destination. Il est indispensable de l’agrandir et de la
fortifier. Il faut pour cela acquérir des bâtiments contigus et élever les
étages. Cette dépense s’élèvera à 30 ou 40,000 fr.
Les grandes prisons
civiles exigent aussi des réparations et des améliorations. L’allocation de
l’année dernière n’a été votée qu’au mois d’octobre ; il a été impossible de
l’employer entièrement ; et cependant, il y a non pas des constructions, mais
des appropriations nouvelles à faire à Courtray, à Audenarde, qui absorberont
plus de la moitié de la somme ; le reste sera à partager entre Gand, Vilvorde,
St.-Bernard. Dans cette dernière, les bâtiments sont très mauvais ; il faudrait
un quart de l’allocation. Peut-être que l’année prochaine elle ne sera plus
nécessaire ; mais nous devons y employer une somme de 30,000 fr. au moins, en
attendant qu’on puisse bâtir une prison nouvelle.
Il
est encore une foule de dépenses imprévues hors des prévisions de
l’administration, qui se font dans les prisons, et que nous ne mentionnons pas,
parce qu’elles sont trop minimes, mais qui, réunies, font encore une somme
assez forte au bout de l’année.
L’état que j’ai présenté
à la section centrale a dû la convaincre de l’élévation de ces dépenses. Je
puis assurer la chambre que ce serait se préparer à des dépenses plus
considérables pour les années prochaines que de réduire l’allocation demandée.
M.
Desmet. - Quoique j’aime en tout l’économie et que je suis
l’ennemi des majorations, je dois cependant venir ici appuyer celle que vous
propose M. le ministre de la justice, pour les nouvelles constructions à faire
aux bâtiments des prisons. La prison militaire d’Alost, entre autres, a
grandement besoin que les bâtiments soient agrandis ; elle se trouve sans
infirmerie ; on est obligé de tenir les malades dans deux petites chambres,
espèces de cellules ; et vous savez que dernièrement encore le nombre des
malades y a été très élevé. Elle n’a point de chapelle, on est obligé de faire
le service divin dans l’atelier des cordonniers ; et en général les ateliers
sont trop petits et exigent nécessairement des agrandissements, vu le grand
nombre de prisonniers qui se trouvent continuellement dans cette maison. Je
dois donc appuyer la majoration demandée.
M.
Fleussu, rapporteur. - Toutes les dépenses proposées peuvent
être utiles. Mais sont-elles urgentes, et notre état financier est-il tel que
nous puissions employer une somme de 153,000 fr. à cet objet ? Nous ne le
pensons pas. Mais c’est une autre considération qui a déterminé la section
centrale. Vous savez l’incertitude où l’on est sur le sort d’Arlon, si cette
ville sera chef-lieu ou non, et si une prison y sera nécessaire. Tant que le
sort de la province du Luxembourg n’est pas décidé, les dépenses que vous
feriez seraient sans utilité ; vous pouvez donc les ajourner. La somme demandée
pour la construction de la prison d’Arlon est de 53,000 fr. ; retranchez cette
somme et il vous reste ce que vous avez cru nécessaire de demander pour les
réparations des autres prisons. Voilà les motifs qui ont déterminé la section
centrale.
M. Pollénus. - Messieurs,
j’ai cru devoir appeler l’attention du gouvernement sur la situation d’un grand
nombre de prisons, et particulièrement sur les maisons de sûreté civile et
militaire ; il est notoire qu’elles manquent d’ateliers de travail ; il en
résulte que les prisonniers qui sont détenus dans ces maisons quelquefois
pendant six mois, restant dans une oisiveté absolue, se livrant à tous les
vices.
En parcourant les
chiffres du budget que nous discutons, je n’ai pas pu me convaincre que le gouvernement
ait demandé des allocations pour procurer des ateliers de travail aux détenus.
Je saisis cette occasion pour appeler l’attention du gouvernement sur cet objet
qui me paraît de la plus grande importance.
Je
dirai aussi un mot sur la nécessité de surveiller activement les constructions
qui se font dans quelques prisons. Je connais une maison de sûreté civile et
militaire où le gouvernement a fait des dépenses assez considérables commandées
par la nécessité, mais où les devis n’ont pas été suivis, où l’élévation est
inférieure de plusieurs pieds à celle déterminée par les devis. J’ai pu m’en
assurer, car je suis de la commission d’administration. J’ai cru qu’il n’était
pas sans utilité de signaler un fait de cette nature, au moment où le gouvernement
va entreprendre de nouvelles constructions, car il peut compromettre la
sécurité.
Ce que je recommande
plus particulièrement à la sollicitude connue de M. l’administrateur des
prisons, comme le meilleur moyen d’amélioration, c’est de faire en sorte de procurer
du travail aux détenus.
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - J’avais effectivement oublié de parler de la nécessité de construire
une prison nouvelle à Arlon ; l’état provisoire dans lequel on a cru qu’on
resterait, avait empêché le gouvernement de s’occuper de cet objet. Pendant
quelques années on s’est contenté d’occuper le local de la gendarmerie.
Aujourd’hui, on a fait observer que ce local appartient aux communes de la
province qui paient chacune pour le loyer et l’entretien des bâtiments. On a
fait considérer comme un envahissement du gouvernement l’occupation du local de
la gendarmerie, et on nous demande un loyer très élevé. Ce bâtiment d’ailleurs
n’offre aucune sécurité. Déjà on avait signalé l’évasion de plusieurs détenus ;
des évasions récentes ont démontré combien nos appréhensions étaient fondées ;
c’est à tel point que les habitants du voisinage en conçoivent les plus grandes
inquiétudes.
En attendant qu’une
décision fût prise relativement à Arlon, on pourrait bâtir une prison qui
servirait provisoirement de maison de sûreté civile et militaire, et plus tard
on la convertirait en maison d’arrêt ou de passage. Une demande de 50 mille fr.
pour une construction de cette nature prouve que les vœux des autorités locales
ne sont pas très élevés, car avec cette somme on ne peut faire qu’un bâtiment
de très petite dimension. L’administration aurait manqué à ses devoirs si elle
n’avait pas appelé votre attention sur un objet qui intéresse la sécurité de la
province du Luxembourg.
Un
honorable représentant a appelé l’attention du gouvernement sur les moyens de
procurer du travail aux détenus. Des ateliers existent dans quelques maisons,
et ce qui nous a empêchés d’en introduire dans les autres, c’est le manque
d’espace. Le préopinant nous a parlé aussi de constructions dont les devis
n’ont pas été exactement exécutés : le fait est vrai ; mais il ne peut être
reproché à l’administration, car ce n’est pas sa faute si un officier du génie
n’a pas surveillé les travaux dont la direction lui avait été confiée.
M.
Fleussu, rapporteur. - Les deux objections qui ont été faites
relativement à la prison d’Arlon ne sont que spécieuses. La prison actuelle est
une maison que le gouvernement a appropriée à une prison et qui est louée par
toutes les communes de l’arrondissement.
Il est évident que
l’Etat ne peut pas faire payer aux communes d’un arrondissement le loyer d’une
maison qu’il a appropriée à une prison ; est-ce à dire pour cela qu’il faille
construire une autre prison ? Non ; c’est de demander une allocation pour payer
ce loyer. Nous ne refusons pas tout subside. Prenez de quoi assurer les
prisonniers ; faites faire des réparations pour qu’ils ne puissent pas s’évader
: il me semble qu’avec 100,000 fr., on peut arriver à ce but.
Les objections qui ont
été faites se réfutent d’elles-mêmes.
M.
Verdussen. - Puisque toute la différence porte sur la prison
d’Arlon, je relèverai une erreur de calcul de M. le rapporteur. Au tableau des
constructions nouvelles, la prison d’Arlon est portée pour 50 mille fr. ; mais
ensuite on nous a dit que l’évaluation totale des constructions nouvelles a été
réduite d’un tiers pour arrêter le chiffre de 153 mille fr. demandé. Ainsi,
donc si vous voulez retrancher de cette somme de 153 mille fr. l’allocation
demandée pour la prison d’Arlon, vous devez lui faire subir la réduction d’un
tiers, c’est-à-dire de 17 mille fr., plus 3 mille fr, qu’on avait diminués en
plus : vous avez une différence de 20 mille fr. de moins à déduire. Il en
résulte que les observations de la section centrale ne portent que sur Arlon ;
elle n’est pas d’accord avec elle-même.
Je proposerai de fixer
le chiffre de cet article à 120 mille fr.
M. Fleussu, rapporteur,
persiste dans les conclusions de la section centrale.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - Si vous retranchez la somme de cinquante-trois mille
francs, vous ne tenez plus compte des frais de réparation pour la prison
actuelle d’Arlon. Je concevrais les observations de M. le rapporteur s’il
disait : Nous ne croyons pas qu’il y ait lieu de construire une prison nouvelle
à Arlon ; nous n’accordons pas la somme pétitionnée de 53 mille fr., mais nous
vous donnons le conseil de faire les dépenses d’appropriation nécessaires, si
tant est que l’appropriation soit possible.
Les autorités
administratives et judiciaires sont unanimes pour déclarer le peu de sûreté que
présente cette prison. La fréquence des évasions en est la meilleure preuve ;
vous avez pu lire dans les journaux que bon nombre de prisonniers s’étaient
évadés. Ces évasions sont bien de nature à porter l’épouvante dans les
populations, car ces hommes qui s’échappent n’ont pas d’autre moyen d’existence
que le brigandage ; c’est donc pour le gouvernement un devoir impérieux de vous
demander de le mettre à même de se garantir contre toute évasion des
prisonniers d’Arlon.
C’est un devoir pour
lui, car il s’agit de l’exécution des arrêts de la justice ; c’est un devoir
encore pour lui de pourvoir à la sûreté de tous. Si l’honorable rapporteur veut
être conséquent, il ne nous dira pas de prendre les moyens de réparer cette
prison sur les 100,000 fr., mais sur les 53,000 fr. demandés pour la
construction, car la destination des 100,000 fr. est justifiée et approuvée par
la section centrale.
On
a objecté l’incertitude où on était sur le sort d’Arlon. Mais alors même
qu’Arlon ne serait pas chef-lieu de la province, il sera toujours chef-lieu
d’arrondissement judiciaire et on ne peut pas supposer un chef-lieu
d’arrondissement judiciaire sans l’existence d’une maison d’arrêt. Il n’y a pas
de luxe dans la construction d’une maison de cette nature, pour laquelle on
vous demande 50,000 fr.
Les passages ont donné
lieu à des plaintes à cause des désordres qui tiennent à l’état des locaux.
Dans la situation actuelle des choses dans notre position politique, si vous
croyez que l’allocation entière ne soit pas nécessaire, quoique pour moi cette
nécessité soit constante, vous devez au moins allouer les fonds nécessaires
pour l’appropriation de la prison actuelle ; il y aurait lieu dans ce cas de
réduire le chiffre seulement à 125,000 fr.
M.
Fleussu, rapporteur. - Nous ne sommes pas loin de nous entendre
avec M. le ministre. Il est étonné que nous retranchions les 53,000 fr. sans
lui allouer une somme pour les frais d’appropriation. Mais tant qu’il persiste
à demander une somme pour construire une prison nouvelle, et que nous ne
croyons pas cette construction nécessaire, il n’y a pas moyen de nous entendre
; si, changeant de résolution, il veut approprier la prison actuelle, qu’il
nous fixe la somme dont il a besoin : nous n’avons aucun des éléments pour
évaluer cette dépense.
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - Je n’ai pas consenti à la diminution du chiffre de
153,000 fr. ; j’ai seulement dit que l’honorable rapporteur, pour être
conséquent, n’aurait dû proposer de réduire la somme qu’à 125,000 fr. Il y a
plusieurs raisons pour lesquelles je ne consens pas à la diminution. D’abord,
pour faire des dépenses d’appropriation, il faut être propriétaire ; car
comment faire des dépenses de cette nature dans un local dont la possession est
contestée aujourd’hui ?
D’un
autre côté, les bâtiments sont dans un tel état de délabrement que des dépenses
d’appropriation seraient de l’argent perdu. Ainsi en supposant même que le
gouvernement fût reconnu propriétaire, il faudrait encore renoncer à ce projet.
Nous demandons donc que
le chiffre soit maintenu. S’il s’agissait d’un vaste pénitentiaire, d’une vaste
maison centrale, comme celle de Gand, qui dût coûter un million ou 500,000 fr.,
nous concevrions que la chambre voulût avoir ses apaisements ; mais ici c’est
une dépense de construction très minime, qui ne peut guère être considérée que
comme une dépense d’appropriation.
M. Gendebien. -
Messieurs, il semble que nous sommes en contradiction avec nous-mêmes, ou
plutôt que les orateurs qui ont parlé dans cette discussion sont en contradiction.
Les uns disent qu’il y a nécessité urgente de faire une prison à Arlon pour
mettre les habitants en sécurité, et nous, tout en reconnaissant cette
nécessité, nous refusons les fonds pour sa construction ; mais nous disons : Il
faut attendre parce qu’on ne sait pas encore si Arlon sera chef-lieu de
province ou chef-lieu d’arrondissement. Et bien, en supposant que nous
accordions une somme que je ne regarde pas comme une bagatelle ainsi que M. le
ministre, mais comme très forte, car il s’agit de 53.000 fr. ; en supposant,
dis-je, que nous allouions cette somme, la prison ne sera pas habitable avant
dix-huit mois. Vous serez donc obligés de subir pendant ce temps les nécessités
dans lesquelles vous vous trouvez ; d’ici à dix-huit mois vous saurez si Arlon
sera chef-lieu de province ou chef-lieu d’arrondissement, et alors seulement
vous pourrez déterminer la hauteur de la dépense à faire. Il arrivera de deux
choses l’une : Arlon sera chef-lieu de province ou chef-lieu d’arrondissement.
S’il est chef-lieu d’arrondissement et que vous fassiez, dès à présent, une
prison pour un chef-lieu de province, vous aurez fait une dépense supérieure
aux besoins ; si au contraire vous ne faites qu’une dépense proportionnée aux
besoins d’un chef-lieu d’arrondissement, et qu’Arlon soit chef-lieu de
province, votre prison ne sera pas assez grande, et vous devrez recommencer ou
changer vos constructions : il y a donc nécessité absolue de s’abstenir.
Quant aux inquiétudes
des habitants, le seul moyen de les faire cesser c’est de doubler la
surveillance et non en allouant une somme de 53,000 francs, Nous avons assez de
soldats ; et il n’y aurait peut-être pas de mal qu’on augmentât la garnison du
Luxembourg qu’on traite comme un pays perdu. En effet, à peine y envoie-t-on
des troupes pour le service de la capitale. Indépendamment de la sécurité qu’on
rendrait au pays, ce serait un moyen d’y mettre un peu plus d’argent en
circulation.
Je regarde donc
l’allocation demandée pour cet objet comme inutile. J’en voterai la suppression
comme l’a proposé la section centrale, sauf au ministre à nous demander telle
allocation qu’il jugera convenable, non pour approprier la prison actuelle,
mais pour son entretien ; car ce serait encore une allocation inutile, parce
que la propriété, ne nous appartenant pas, devrait probablement être achetée,
et l’on se trouve toujours sous certains rapports dans la même position que
pour la construction d’une prison.
Ainsi donc, quoi qu’on fasse, toute allocation
est inutile quant à présent, et la seule chose à faire est d’envoyer un
bataillon de plus à Arlon : les habitants seront en sécurité, ils auront
l’avantage qui résultera pour eux d’une plus grande circulation d’argent. Nous
aurons à la fois bien agi dans les intérêts du Luxembourg, nous aurons bien
géré les intérêts du trésor.
M. Verdussen. - Je
propose le chiffre de 120,000 fr.
M. le
ministre de la justice (M. Lebeau) - J’ai déjà dit que, pour faire
des appropriations, il faudrait être propriétaire ; cependant, si vous
n’allouez pas la somme que nous vous demandons, au moins nous donnerez-vous de
quoi subvenir aux réparations les plus urgentes. Il y a quelques jours qu’un
tour s’est écroulé. Le rétablissement n’est pas une dépense d’appropriation,
mais de réparation. Je pense qu’avec l’allocation de M. Verdussen, nous
pourrions faire le nécessaire pour assurer la sécurité ; mais je ne m’engage
pas à faire une appropriation qui a été reconnue impossible par les autorités
locales.
M.
Gendebien. - A moins que le ministre n’ait trouvé le secret de
faire pousser une prison en 15 jours, il fallait bien entretenir
le local employé provisoirement à ce service ; et comme il est impossible
qu’une nouvelle prison soit faite avant la fin de 1834, il a dû comprendre
l’entretien de la prison d’Arlon dans son chiffre global destiné à cette nature
de dépense : s’il n’y pas pensé, il y a imprévoyance de sa part ; ce n’est pas
à nous à réparer cette omission, car nous n’avons pas les éléments.
Je ne vois pas qu’il
soit nécessaire de rien changer à la proposition de ma section centrale.
M. Pollénus. - J’ai
demandé des ateliers de travail dans les prisons.
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - Ce sont les locaux qui empêchent d’établir des ateliers de travail ;
nous en établissons autant que nous le pouvons.
Depuis la rédaction du budget
une circonstance inattendue a exigé une prompte réparation. A Arlon un mur est
tombé à la prison. (Aux voix ! aux voix !
aux voix !)
- Le chiffre proposé par
M. le ministre de la justice et celui proposé par M. Verdussen, mis aux voix,
sont rejetés.
Le chiffre de 100,000
fr. présenté par la section centrale est adopté.
La séance est levée à
quatre heures et demie.