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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 21 décembre 1833
1) Projet de loi portant demande de crédits supplémentaires au budget du département de la guerre pour l’exercice 1834 (Brabant)
2) Projet de loi autorisant les agents du trésor à recevoir les pièces de 5 et de 10 florins (Seron)
3) Projet de loi portant demande de crédits supplémentaires au budget du département de la guerre pour l’exercice 1834. Garde civique, service de santé et/ou frais de représentation des généraux (Evain, A. Rodenbach, Evain, Legrelle), indemnités de fourrage (Jullien, Evain), frais de représentation des généraux (A. Rodenbach, Evain), garde civique (Fleussu, Brabant), fonds de secours en faveur des réfugiés politiques (notamment les officiers étrangers au service de l’armée) (Gendebien, (Rouppe), Legrelle, Gendebien, F. de Mérode, Jullien, Evain, A. Rodenbach, Gendebien, F. de Mérode)
4) Projet de loi autorisant les agents du trésor à recevoir les pièces de 5 et de 10 florins (Duvivier, Legrelle, Jullien, Verdussen, Duvivier, Coghen, Verdussen, Coghen)
5) Projet de loi portant le budget du département de la justice pour l’exercice 1834. Discussion incidence sur la mise à l’ordre du jour et sur l’absence de reddition des comptes de l’Etat des années antérieures (Gendebien, Lebeau, Dumortier, Jullien, Donny, Eloy de Burdinne, Legrelle, Dumortier, Duvivier, Dumortier, Jullien, Fleussu, Legrelle, Gendebien, Donny, Jullien, Rogier, Dumortier, de Brouckere, Coghen, Fleussu, Legrelle, Dumortier, Duvivier, Dumortier, Duvivier, de Theux, Fleussu, Lebeau, Fleussu, de Theux, Legrelle, Gendebien)
(Moniteur belge n°357, du 23 décembre 1833 et Moniteur belge, n°358, du
24 décembre 1833)
(Présidence de M. Raikem)
(Moniteur belge n°357, du 23 décembre 1833) A midi M. de Renesse
fait l’appel nominal.
La séance est ouverte à
une heure.
M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de
la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse communique à la chambre les diverses pièces
qui lui sont adressées ; elles sont renvoyées à la commission des pétitions.
PROJET DE LOI PORTANT DEMANDE DE
CREDITS SUPPLEMENTAIRES AU LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR
L’EXERCICE 1834
M. Brabant a la parole pour présenter le rapport sur la
demande supplémentaire faite par M. le ministre de la guerre. Il s’exprime
ainsi. - Messieurs, le crédit qui vous a été demandé dans la séance du 18 est
destiné à faire face aux dépenses qu’entraîneront le maintien, pendant les
trois premiers mois, de la garde civique mobilisée, des partisans et des
ambulances, la nécessité de cantonner une partie des troupes, et les frais de
représentation de treize officiers généraux. (Le Moniteur contient ensuite le détail du rapport de la section
centrale. Ce détail n’est pas repris dans la présente version numérisée.
L’orateur termine ainsi :)
Nous avons l’honneur de
vous proposer d’allouer 822,000 fr. pour dépôts de gardes civiques, partisans,
ambulances, et supplément aux troupes cantonnées. Cette somme formerait
l’article unique du chap. X ; les dépenses imprévues deviendraient le chap. Xl.
M.
le président. - Désire-t-on discuter immédiatement le projet sur lequel
il vient d’être fait un rapport ? (Oui !
oui !) Cependant je crois, avant d’ouvrir cette discussion, devoir accorder
la parole à M. Seron, pour faire le rapport sur le projet de loi relatif aux
pièces de 5 et de 10 florins présenté par M. le ministre des finances.
PROJET DE LOI AUTORISANT LES AGENTS
DU TRESOR A RECEVOIR LES PIECES DE 5 ET DE 10 FLORINS
M.
Seron. - Messieurs, votre commission a cru devoir proroger indéfiniment
l’admission dans les caisses publiques des espèces de 5 et de 10 florins ; 1°
parce qu’on ignore l’époque à laquelle pourront être mises à exécution les
dispositions de la loi monétaire du 5 juin 1832, en ce qui concerne la
fabrication des pièces de 20 et de 40 fr. ; et en second lieu, parce que l’or
est très rare dans la circulation.
Voici le projet de loi
qu’elle m’a chargé de vous soumettre :
(Suit le texte du projet, non repris dans la présente version numérisée.)
M.
le président. - Quand veut-on discuter ce projet ?
Plusieurs membres. - Après celui relatif au budget de
la guerre.
- Le rapport qui vient
d’être fait sera discuté après le projet présenté par M. le ministre de la
guerre, rapporté précédemment.
PROJET DE LOI PORTANT DEMANDE DE
CREDITS SUPPLEMENTAIRES AU LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR
L’EXERCICE 1834
Discussion générale
M.
le président. - La discussion générale est ouverte.
M. le ministre de la guerre (M. Evain) - J’ai l’honneur de déclarer que je
me rallie à la commission pour les diverses propositions qu’elle vient de vous
soumette ; particulièrement pour la réduction qui provient des rations de
fourrage retirées aux officiers en demi-solde qui n’y ont plus droit.
J’ajouterai que M. le
major Bischoff, commandant de la garde civique de Courtray, et tous les
officiers, dès qu’ils apprirent que le gouvernement avait l’intention de les
renvoyer en demi-solde, s’empressèrent de m’adresser une lettre par laquelle
ils déclaraient tous, indistinctement, qu’ils renonçaient à la demi-solde à
laquelle ils avaient droit. Ils ajoutaient qu’ils croyaient donner une nouvelle
preuve de leur dévouement et de patriotisme, en assurant que, quoiqu’ils
refusassent la demi-solde, ils seraient toujours prêts à se rendre sous les
drapeaux, si les circonstances politiques l’exigeaient.
Je dois dire aussi à la
chambre que, sur 400 officiers que compte la garde civique, 70 ont suivi ce
noble exemple.
La commission a pensé
comme moi que le corps des partisans devait être maintenu et elle ne vous a
proposé aucune réduction à cet égard.
Quant aux ambulances, je
n’ai conservé qu’un noyau afin de pouvoir remonter ce service si les
circonstances l’exigeaient. La commission a cru devoir opérer une nouvelle
réduction sur le nombre des officiers de santé et des employés d’administration
je ne m’y opposerai pas.
Les 306 mille francs
pour nourriture et logement des troupes qui sont encore cantonnées sur les
frontières, n’ont pas été contestés par la commission ; elle n’a contesté que
les 216 mille francs demandés pour les frais de table et de représentation des
treize généraux qui commandent ces troupes, pendant les quatre premiers mois de
l’année 1834. Depuis le mois de novembre ces généraux ne reçoivent plus les
vivres de campagne ; c’est déjà une réduction considérable qu’ils ont subie.
Cependant,
comme nous sommes dans un état qui n’est ni la paix, ni la guerre, les dépenses
de ces officiers sont plus considérables que si les troupes étaient remises sur
le pied de paix, à cause de nombre de chevaux qu’ils sont obligés d’entretenir,
de domestiques qu’ils doivent payer pour les entretenir, des changements de
garnison et de la cherté de leurs logements. Néanmoins, leurs appointements
sont remis sur le pied de paix. Les indemnités de table que la commission
propose encore de leur retirer ne leur ont été accordées que conformément au
règlement ; et il est à ma connaissance que dans l’armée hollandaise, qui a
subi des réductions aussi fortes que la nôtre, les frais de représentation ont
été conservés aux généraux. Je pense donc qu’il conviendrait que ces officiers
conservassent l’indemnité à laquelle ils ont droit aux termes du règlement,
jusqu’à ce que les troupes qu’ils commandent soient remises sur le pied de
paix.
M.
A. Rodenbach. - Messieurs, nous avons voté hier un budget de 37,460,000 fr. Aujourd’hui on vient encore nous demander
822,000 fr., et M. le ministre de la guerre voudrait qu’on lui donnât de plus
21,000 fr. pour frais de représentation d’officiers généraux.
A une simple lecture, je
n’ai pas pu bien saisir les économies opérées sur les ambulances. Il y avait 72
officiers de santé, qui tous, excepté les pharmaciens, ont deux chevaux pour
lesquels on leur alloue des rations. Il paraît que les dépenses des ambulances
s’élèvent à 182,000 fr. pour un personnel de 441 employés pendant quatre mois.
C’est excessif, et cela paraît d’autant plus extraordinaire qu’on voit dans ce
personnel des conducteurs qui ne connaissent rien, des expéditionnaires et des
secrétaires qui probablement taillent des plumes pour le travail futur, et des
infirmiers sans malades. Je demanderai en outre si l’intendant ne pourrait pas
remplir les fonctions de l’agent en chef des ambulances.
Avant
de voter des millions, je voudrais que M. le ministre de la guerre nous donnât
des explications ; qu’il nous dît, par exemple, s’il faut encore attendre
quatre mois avant de licencier ce corps, et si dans deux mois on ne pourrait
pas le faire.
M. le ministre de la guerre (M. Evain) - Depuis la convention du 21 mai,
j’ai fait des réductions dans le service administratif et de santé des
ambulances. Les conducteurs sont employés au transport de matériaux, de
médicaments et effets d’infirmerie. Quant aux infirmiers, ils sont occupés dans
quelques-uns des hôpitaux temporaires que j’ai fait établir indépendamment des
douze hôpitaux permanents. Aujourd’hui que les troupes ont levé le camp, à
mesure que les malades se rétablissent, je fais supprimer ces hôpitaux
temporaires ; il n’en restera bientôt plus que deux, Par conséquent, en
consentant à la nouvelle réduction que propose la commission, le nombre des
infirmiers n’est certes pas supérieur aux besoins du service.
Quant à l’agent en chef,
comme le service des ambulances doit être centralisé tant que nous aurons un
moyen d’administration, sa conservation est indispensable, et la commission
elle-même a pensé que les cadres de ce service devaient encore être conservés
pendant les quatre premiers mois de l’année prochaine.
M.
Gendebien. - Il a été impossible à une simple audition de saisir tous
les détails du rapport ; je désirerais qu’on en donnât une nouvelle lecture.
M. Brabant,
rapporteur,
donne une seconde lecture de son rapport et fait observer que le personnel des
ambulances a été réduit de 166 employés, et que, par conséquent, il n’est plus
de 441, comme l’a dit M. A. Rodenbach.
M. le président. - La parole est à M. Legrelle.
M.
Legrelle. - M. le ministre m’ayant donné les explications que je
désirais, je renonce à la parole.
M.
Jullien. - Messieurs, dans la dernière séance il a été question
d’économies à faire sur les rations de fourrage. On avait proposé de faire
porter les réductions sur les chevaux des adjudants-majors et des officiers de
santé. La chambre a pensé, et avec raison selon moi, que cette économie était
trop mesquine, et l’a rejetée, sentant la nécessité de laisser un cheval à ces
officiers. Mais je crois qu’il est un moyen de faire de bien plus grandes
économies sur les rations de fourrage. Vous savez, messieurs, que les rations
de fourrage ne sont pas une partie du traitement ; c’est une indemnité donnée
pour le cheval, et on ne peut la délivrer qu’à raison de la quantité de chevaux
que les officiers sont autorisés à avoir et ont effectivement. Dans l’armée
française, on s’assure avec une grande exactitude que les officiers supérieurs
ou inférieurs ont bien le nombre de chevaux prescrit pour leur grade, afin qu’ils
ne puissent pas obtenir une ration pour un cheval qu’ils n’auraient pas. Il est
tenu un contrôle exact des chevaux du régiment, il est dressé un procès-verbal
des chevaux qui meurent ; on tient un registre de mutation absolument comme
pour les hommes, les intendants passent des revues, et il ne peut être accordé
de rations que pour le nombre de chevaux reconnus.
Voilà la législation,
voilà les principes qu’il est impossible de contester.
Cependant, si je suis
bien informé (je déclare toutefois ne pas attester les faits, mais ils m’ont
été rapportés (j’en appellerai à la connaissance et à la bonne foi de M. le
ministre de la guerre) ; il est parvenu à ma connaissance, dis-je, que malgré
les observations faites dans la discussion du budget de l’année dernière, on
continue à donner des rations de fourrage à des officiers qui n’ont pas le
nombre de chevaux pour lequel ce nombre de rations est destiné. J’ai même
entendu dire que plusieurs de ces officiers, non seulement n’avaient pas le
nombre de chevaux pour lequel des rations leur étaient accordées, mais encore
qu’ils ne se faisaient pas scrupule de prendre, pour faire leur service
particulier, les chevaux des fourgons de l’armée.
Je le répète, je
n’assure pas ces faits que j’ai entendus circuler dans le public ; mais ce que
je crois, c’est que l’abus signalé l’année dernière sur la distribution du
fourrage existe encore. C’est sur cet abus que je crois devoir appeler
l’attention de M. le ministre de la guerre. Je ne crois pas que les revues
soient assez fréquentes, ni que le contrôle des chevaux existants soit
exactement tenu, ni qu’il soit dressé des états de mutation des chevaux qui
meurent. Je ne crois pas enfin que le règlement soit exécuté à la rigueur. Il
résulterait pour l’Etat une grande économie de ne donner de rations que pour
les chevaux existants.
Je vais maintenant,
puisqu’on est à la discussion générale, dire un mot sur les frais de table et
de représentation des officiers généraux, que la commission a justement
rejetés. Dans la discussion du dernier
budget de la guerre, en m’exprimant sur toutes ces allocations, j’ai eu
l’honneur de dire que ces officiers-généraux mangeaient à trois tables
différentes : d’abord par leur traitement, car il est de principe qu’un
fonctionnaire doit fournir sa table au moyen de son traitement ; c’est pour
cela qu’on le lui donne, c’était donc déjà une table. En second lieu, ils
avaient les vivres de campagne, quoique la campagne fût fort innocente, car ils
ont passé en grande partie leur temps dans les villes du royaume ; et enfin les
frais de table ou de représentation. Ainsi, traitements, vivres de campagne et
frais de représentation, c’étaient bien véritablement trois ordinaires.
La
chambre a pensé l’année dernière devoir maintenir ces allocations, parce qu’il
y avait encore danger de guerre ; mais, dans la position où nous nous trouvons,
et il est probable qu’elle durera encore quelque temps, nous pouvons espérer de
demeurer en paix à l’abri de la convention du 21 mai, du moins aussi longtemps
que cette convention durera. Je partage donc l’avis de la commission de rejeter
ces frais de représentation.
C’est dans ce sens que
je voterai ; je prierai toutefois M. le ministre de la guerre de nous donner
des explications sur l’abus que j’ai signalé, déclarant que si M. le ministre
de la guerre dit que j’ai été induit en erreur, je m’en rapporterai à sa
parole.
M. le ministre
de la guerre (M. Evain) - Messieurs, éclairé par la discussion de mon dernier budget sur
quelques abus qui m’avaient été signalés, je m’empressai le 14 avril de
proposer un arrêté d’après lequel un contrôle fût établi pour la mutation des
chevaux des officiers, et j’ordonnai aux intendants d’en surveiller la tenue et
de passer des revues ; de plus, je rendis les chefs de corps responsables des
états qu’ils devaient signer chaque mois pour constater le nombre de chevaux
existants dans les régiments. Depuis lors le nombre des rations a été
considérablement réduit, et je ne puis croire que les abus signalés l’année
dernière existent encore après les mesures que j’ai prises et les ordres que
j’ai donnés pour en faire surveiller l’exécution.
M.
A. Rodenbach. - M. le ministre n’a pas répondu à ce qu’a dit
l’honorable M. Jullien relativement aux frais de représentation. Je viens
appuyer ses observations. M. le ministre nous a dit qu’il croyait qu’en
Hollande on continuait à accorder ces allocations. Je crois moi qu’il se
trompe, que dans l’armée hollandaise on ne paie plus de frais de représentation
; et d’ailleurs, quand on ne les aurait pas supprimés en Hollande, ce ne serait
pas une raison pour les accorder ici. Je suis fâché d’être obligé de le dire,
mais la plupart de ces officiers ne font pas un noble usage de cette indemnité
de 600 fr. pour les généraux de division
et de 300 fr. pour les généraux de brigade, que l’Etat alloue si
généreusement pour frais de table. Il y en a qui, quand il
vont faire des inspections, non seulement ne reçoivent pas les officiers à leur table, mais acceptent les dîners qui leur sont offerts
par ces officiers, ce qui les entraîne dans des dépenses considérables. Je ne
fais ici allusion à personne mais le fait est vrai ; M. le ministre doit en
avoir connaissance. Il faut dire aussi qu’il y a des officiers qui emploient
dignement l’indemnité qu’on leur alloue ; on les connaît. Mais, je le dis avec
regret, sur 18 il y en a tout au plus quatre ou cinq, six peut-être. C’est donc
six cents francs qu’ils thésaurisent. Ce ne sont pas des frais de table, mais
plutôt des frais de poche. Je m’oppose à l’allocation de 21 mille fr. demandée
pour cet objet, et je pense que le ministre, qui s’est toujours montré si
économe des deniers du peuple, ne persistera pas à les demander. Je ne crois
pas d’ailleurs qu’il se trouve dans cette enceinte un seul membre qui consente
à accorder de l’argent pour l’employer si mal.
M. le ministre
de la guerre (M. Evain) - Messieurs, j’ai cru, dans l’intérêt des officiers-généraux, devoir
rappeler à la chambre que c’était en exécution des règlements que des frais de
représentation leur avaient été alloués ; que dans l’espèce d’état provisoire
où nous nous trouvons, qui n’est ni la paix ni la guerre, ces officiers étaient
exposés à des déplacements continuels pour visiter les troupes, et par
conséquent à de grandes dépenses. J’ai fait valoir ces considérations en leur
faveur pour engager la chambre à leur conserver l’allocution qui leur était
accordée à titre d’indemnité. En définitive je m’en rapporte à la décision de
la chambre.
Les congés qui auront
lieu me permettront, je pense, de faire face à cette dépense.
M. Fleussu. - On a fait connaître que des
officiers avaient refusé le traitement de non-activité qui devait leur être
alloué. Le rapport qui a été fait au commencement de cette séance vous a fait
connaître cette noble conduite du bataillon de Courtray, dont la nation pourra
apprécier le patriotisme et le désintéressement. Mais il en est d’autres qui
ont montré le même désintéressement, et si j’ai bien entendu, ils sont au
nombre de 70 ; je voudrais qu’ils fussent également signalés à la
reconnaissance publique. Si ce n’était pas abuser des moments de M. le
ministre, je le prierais de nous faire un rapport sur ce sujet, ou d’insérer
les noms dans le Moniteur. Je ne vois
pas pourquoi le bataillon de Courtray recevrait seul la récompense d’un si beau
dévouement.
M. Brabant, rapporteur. - Nous n’avons parlé dans le rapport
que du bataillon de Courtray, parce que tous les officiers de ce bataillon en
masse ont renoncé à leur demi-solde, tandis que les autres étaient disséminés
dans les divers bataillons, trois ou quatre dans chaque. Cependant je crois que
ce sera rendre un juste hommage à leur patriotisme et à leur désintéressement
que de donner à la liste des officiers qui se sont conduits
de cette manière la publicité réclamée par M. Fleussu.
Un grand nombre de voix. -
Oui ! oui ! dans le Moniteur.
Chapitre X. - Dépôts
M.
le président. - Si personne ne demande plus la parole, je vais mettre
la proposition de la commission aux voix.
- L’article unique de la
commission, portant le chiffre de 822,000 fr., est mis aux voix et adopté.
Cet article formera le
chap. X du budget de la guerre, et les dépenses imprévues, fixées à 199,000
fr., formeront l’article unique du chap. XI.
M. le président.
- En conséquence, le chiffre du budget de la guerre se trouve fixé à 38,281,000 fr., conformément aux tableaux y annexés.
M.
Gendebien. - Je propose un article additionnel.
M.
le président. - MM. Gendebien et Rouppe proposent un article
additionnel au budget de la guerre, ayant pour but de former un fonds de
secours en faveur des réfugiés politiques.
Cet article est ainsi
conçu : « Un crédit de 73,000 fr. est ouvert au ministre de la guerre,
afin de fournir aux besoins des réfugiés politiques. »
M. Gendebien a la parole
pour développer sa proposition.
M.
Gendebien. - Messieurs, je pense que la simple énonciation de ma
proposition doit suffire. Il ne s’agit pas ici de discussions d’intérêts ou de
faits, mais d’humanité. Je croirais faire injure à tous les membres de cette
assemblée, si j’ajoutais un seul mot à ma proposition. Vous connaissez tous la
position malheureuse des réfugiés politiques de tous les pays qui ont essayé de
suivre l’exemple que
Je
pense que la moindre chose que nous puissions faire, c’est de donner quelques
marques de notre reconnaissance à des malheureux à qui nous devons notre
existence. Si vous ne vous hâtiez de leur accorder le secours que je sollicite
pour eux, ils mourraient de faim sur le sol de
M. Legrelle. - Je ne crois pas que cette
proposition se rattache assez directement au ministère de la guerre pour être
considérée comme un article additionnel. Il me semble qu’elle doit plutôt être
considérée comme une proposition spéciale et, comme telle, renvoyée à l’examen
des sections, conformément au règlement.
M.
Gendebien. - Nous allons probablement nous séparer après le vote du
budget de la guerre. La proposition que M. Rouppe et moi nous avons eu
l’honneur de vous faire ne pourrait être examinée qu’à notre retour, et, dans
l’intervalle, ceux pour lesquels je réclame mourraient de faim. Il s’agit bien
de règlement en présence de semblables nécessités ; ses formes seraient
ridicules même monstrueuses si elles devaient prévaloir sur l’humanité.
J’ai proposé de
comprendre ma proposition dans le budget de la guerre, parce que déjà M. le
ministre de la guerre s’est chargé de faire des avances à ces braves Polonais,
et que la plupart appartiennent à l’état militaire. Du reste, je pense que M.
le ministre de l'intérieur aurait pu tout aussi bien être chargé de la
distribution de ces secours : ce qui m’a décidé à vous proposer de confier ce
soin à M. le ministre de la guerre, c’est que son budget allait être voté
définitivement aujourd’hui, et qu’il était urgent que les secours fussent
accordés.
Je
demande terme moyen 1,25 centimes par réfugié.
Si la chambre veut
discuter davantage ma proposition, je déclare, quant à moi, que je n’en aurai
pas la force.
M. F. de Mérode. - Nous ne pouvons pas voter comme
cela au hasard une somme de 73,000 francs.
Plusieurs voix. - Il n’y a pas de hasard.
M. F. de
Mérode. - Il
est possible que la totalité ne soit pas nécessaire et que l’application en
soit mal faite. Il me semble qu’il serait bon que la proposition fût examinée
dans les sections.
M.
Gendebien. - J’ai calcul sur un nombre de 160 réfugiés à 1,25 centimes,
ce qui fait la somme que j’ai demandée.
M.
Jullien. - Dans tous les pays civilisés les réfugiés politiques
reçoivent des secours. Les gouvernements absolus eux-mêmes leur en donnent. Il
y a une raison déterminante selon moi pour faire porter au budget de la guerre
le secours demandé par l’honorable M. Gendebien, c’est que la plupart des
réfugiés appartiennent à l’état militaire et qu’on est dans l’usage dans tous
les pays de leur accorder des secours proportionnés aux grades qu’ils avaient
dans l’armée. C’est ce que j’ai vu faire en France, où j’ai particulièrement
examiné de quelle manière étaient distribués les secours accordés aux Polonais.
Il y
a donc une raison pour comprendre ces secours dans le budget de la guerre, et
il y en a une autre pour le faire de préférence, c’est qu’on ne peut pas
temporiser, parce que la faim n’attend pas.
Une dépense de 73,000
fr. dans de semblables circonstances, n’arrêtera pas les représentants d’une
nation qui a, de tout temps, été réputée hospitalière.
J’appuie en conséquence
la proposition de MM. Gendebien et Rouppe, et je demande qu’elle soit mise de
suite en délibération.
M. le ministre
de la guerre (M. Evain) - Je proposerai un moyen de concilier toutes les opinions. Comme il
existe au budget une somme de 199,000 fr. pour les dépenses imprévues, et que
dans l’évaluation de ces dépenses imprévues j’ai compris les secours aux
réfugiés politiques, si l’assemblée veut prendre du temps pour examiner la
proposition de M. Gendebien, je lui demanderai l’autorisation d’effectuer les
premiers paiements sur les fonds des dépenses extraordinaires et imprévues,
pour le mois de janvier, en attendant une décision définitive, et une loi qui
serait votée pour les secours aux réfugiés politiques. (Appuyé ! Appuyé !)
M. A. Rodenbach. - J’appuie la proposition de
M. le ministre de la guerre. Comme M. Gendebien, je pense que nous devons
accorder des secours aux Polonais qui nous ont rendu de si éminents services ;
mais je crois que la régularité peut s’allier ici avec ce qu’exige l’humanité.
M. le ministre de la guerre leur a déjà accordé des secours ; il pourra les
continuer en attendant que la chambre ait pris une décision sur la proposition
qui lui est faite.
M. Gendebien. - Ce n’est pas par surprise que
je voulais obtenir de la chambre des secours en faveur de malheureux aussi
dignes de son intérêt. Ma proposition ne peut que gagner à être méditée. Chacun
pourra concilier les devoirs de l’humanité avec ceux que sa conscience lui
prescrit comme député. Le ministre de la guerre ayant fait la promesse qu’il
viendrait au secours des réfugiés jusqu’à ce que la chambre ait pu délibérer,
je ne trouve aucun inconvénient au renvoi de ma proposition dans les sections.
Je dois déclarer au nom de mon honorable collègue M. Rouppe, qui est retenu en
ce moment par des fonctions municipales importantes, qu’il se proposait
d’appuyer de toute son énergie la demande que j’ai eu
l’honneur de faire à la chambre.
M. F. de Mérode. - Je dois quelques explications
sur ce que j’ai dit à l’occasion de la proposition de M. Gendebien. C’est qu’ayant été président du comité polonais,
nous avons recueilli une somme de 45,000 fr., et que cette somme nous a suffi
pour leur donner des secours pendant dix-huit mois. J’ai pu penser dès lors que
la somme de 73,000 fr. demandée par l’honorable M. Gendebien pouvait être trop
forte, et dire qu’on ne devait pas l’allouer sans s’être assuré qu’elle fût
nécessaire.
M.
le président. - D’après les explications qui viennent d’être données,
il paraît qu’on est d’accord sur le renvoi de la proposition dans les sections.
Le budget de la guerre
reste fixé à 38,281,000 fr.
Vote sur l’ensemble du projet
M.
le président. - Toutes les propositions de la commission ayant été
adoptées par M. le ministre de la guerre, il n’y a pas lieu de les considérer
comme des amendements.
S’il n’y a pas
d’opposition, on va voter sur l’ensemble du budget de la guerre. Il va être
procédé à l’appel nominal.
- La loi concernant le
budget de la guerre est soumise à l’appel nominal dans son ensemble, et adoptée
à l’unanimité des 71 membres présents.
Ces membres sont :
MM. Boucqueau de
Villeraie, Brabant, Brixhe, Coghen, Coppieters, Dams, Dautrebande, de Behr. A.
Dellafaille, H. Dellafaille, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, F. de
Mérode, W. de Mérode, de Nef, de Puydt, de Renesse, C. Vuylsteke, de Sécus,
Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Stembier, de Terbecq, de Theux,
Dewitte, d’Hane, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Domis,
Donny, Dubois, Dubus, Dumont, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst,
Fallon, Fleussu, Frison, Gendebien, Goblet, Hye-Hoys, Jullien, Lebeau,
Legrelle, Liedts, Milcamps, Morel-Danheel, Olislagers, Pirson, Polfvliet, A.
Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Schaetzen, Simons, Teichmann, Trentesaux,
Vandenhove, Vandervelen, Verdussen, Vergauwen C.
Vilain XIIII, H. Vilain XIIII, Vuylsteke, Zoude et Raikem.
La loi du budget des
dépenses du département de la guerre sera transmise au sénat.
PROJET DE LOI AUTORISANT LES AGENTS
DU TRESOR A RECEVOIR LES PIECES DE 5 ET DE 10 FLORINS
M.
le président. - Le gouvernement a présenté la loi suivante :
« Article unique.
Jusqu’à la fin de 1834, les agents du trésor recevront les pièces de cinq et
dix florins au taux de 47 1/4 cents par franc.
« La présente loi
sera obligatoire du jour de sa promulgation. »
La
commission à laquelle le projet a été soumis a demandé que l’article unique fût
ainsi rédigé :
« Jusqu’à ce qu’il
en ait été autrement ordonné, les pièces de cinq et de dix florins continueront
à être reçues dans les caisses publiques sous leur valeur nominale,
c’est-à-dire sur le pied de 47 cents 1/4 par franc.
« Cette loi sera
obligatoire le jour de sa promulgation. »
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je déclare me réunir à la
proposition de la commission.
M.
Legrelle. - Je suis étonné que M. le ministre des finances soit si
prompt à se réunir à l’avis de la commission ; quant à moi, je ne me réunirai
pas aux conclusions qu’elle a prises. M. Osy nous a très bien fait observer,
dans une des sessions précédentes, qu’il y avait une différence de 5 p. c.
entre l’or des monnaies hollandaises et l’or des monnaies de France. Il est
vrai que l’avantage du change est tel, malgré cette différence de valeur, que
les pièces d’or hollandaises ne présentent actuellement aucune perte ; mais il
pourrait n’en être pas toujours de même.
Je
sais bien qu’on pourra me dire que, les circonstances changeant, on pourra
modifier la loi. Cependant je pense qu’il sera bien plus prudent de fixer un
délai et de déclarer que la loi n’aura de durée que pendant l’année 1834. En
n’établissant pas un terme, la loi pourrait être perdue de vue, et il y aurait
inconvénient pour l’Etat et pour les particuliers.
M. Jullien. - Je voudrais que M. le rapporteur,
ou quelque membre de la commission, s’expliquât sur la loi qui nous est
présentée.
M.
Verdussen. - Les observations présentées par l’honorable M. Legrelle
auraient quelque valeur si la loi voulait perpétuer le cours des pièces de 25
cents, de 10 et de 5 cents.
La loi monétaire du 5
juin a dit que ces pièces resteraient momentanément dans la circulation : alors
pourquoi les pièces d’or seraient-elles exclues ? Lorsque M. Seron a présenté
sa proposition sur les pièces d’or, il a demandé qu’elles restassent en circulation
jusqu’à disposition contraire, c’est-à-dire que le prix de l’or en lingots
permettra de battre des pièces de 20 fr.
M.
de Brouckere, dans un écrit imprimé, vous a fait voir qu’il y a une différence
entre l’or de France et l’or de Hollande ; et en conséquence de cette
différence, il proposait de diminuer le poids des pièces d’or, proposition
qu’on ne pourrait admettre. Quoi qu’il en soit, il n’y a aucun danger à laisser
en circulation les pièces d’or hollandaises, tant que l’or sera expédié vers
Le ministre des finances
s’apercevra bien si l’or est encore exporté ou s’il ne l’est plus.
M. le
ministre des finances (M. Duvivier) - L’honorable M. Legrelle pouvait combattre la
proposition de la commission sans me reprocher de m’y être réuni ; je me suis
réuni à cette proposition parce que j’ai cru devoir le faire, parce que la
proposition de M. Seron est la mienne, à l’exception qu’elle ne fixe pas un
délai. Il est question maintenant de provoquer une mesure qui expire au 1er
janvier. Les raisons de prorogation existent maintenant comme l’année
précédente. A l’occasion de cette question on en a traité d’autres qui lui sont
étrangères, et qui trouveraient mieux leur place dans la discussion d’une loi
monétaire.
(Moniteur belge n°358, du 24 décembre 1833) M.
Coghen. - Messieurs, le terme illimité que l’on demande cessera dès
l’instant qu’on s’apercevra qu’il y a inconvénient à recevoir encore dans les caisses
de l’Etat les pièces d’or de 5 et de 10 florins à raison de 47 cents 1/4 par
franc. Aujourd’hui, dans l’état où l’Europe se trouve, par suite des emprunts
contractés dans le Nord, par suite des besoins du luxe qui a absorbé beaucoup
d’or et qui a rendu la matière plus rare, il est impossible de battre des
monnaies d’or de 20 fr. sans perte. Mais les causes de la rareté de l’or
peuvent cesser, et c’est dans cette circonstance qu’on viendra vous demander de
rapporter la loi en discussion.
Si l’or devient moins
rare, il faudra interdire la circulation des pièces d’or hollandaises, parce
que sans cela ce pays nous enverrait son or pour prendre notre argent. Il n’y a
aucun danger à adopter la loi, en invitant le gouvernement à surveiller le
cours de la valeur de l’or.
M. Verdussen a demandé pourquoi on
n’autoriserait pas la circulation des pièces d’or qui, ne perdent rien, tandis
qu’on laisse en circulation les pièces de billon de 25, de 10 et de 5 cents,
qui ne représentent pas leur valeur nominale. Je ferai remarquer à l’honorable
membre et à la chambre que ces monnaies de billon n’occasionnent aucune perte ;
qu’on peut les employer avec avantage, comme alliage mathématique, lors de la
fabrication des monnaies nouvelles.
(Moniteur belge n°357, du 23 décembre
1833) M. Verdussen. - J’ai parlé des
pièces de 5, de 10 et de 25 cent., sur lesquelles il y
a une véritable perte à éprouver.
M.
Coghen. - Les pièces de 5, de 10 et de 25 cents ne présentent aucune
perte : on peut les employer dans la fonte des monnaies, comme alliage, et, en
les employant dans des proportions mathématiques, elles sont même plus
avantageuses que les pièces d’un demi-florin et d’un florin.
- Le projet présenté par
la commission est mis aux voix et adopté à l’unanimité des membres présents.
M. Meeus s’abstient de voter, n’ayant pas été présent à
la discussion.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU
DEPARTEMENT DE LA JUSTICE POUR L’EXERCICE 1834
Discussion incidente sur la mise à
l’ordre du jour du projet de loi et sur l’absence de reddition des
comptes de l’Etat des années antérieures
M.
le président. - La suite de l’ordre du jour est la discussion du budget
de la justice, s’il n’y a pas d’opposition à qu’il en soit ainsi.
M. Gendebien. - Nous avons été obligés de voter
hier le budget du ministère de la guerre parce que nous étions pressés par le
temps, mais je ne crois pas que nous devrions toujours procéder de la même
manière. Je pense que nous devrions remettre la discussion des autres budgets
après le congé que la chambre se propose de prendre ; cette remise, n’exigeant
pas des crédits provisoires, n’entraînerait aucun inconvénient.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - L’honorable préopinant se trompe
lorsqu’il croit que nous pourrons nous passer de crédits provisoires dans le
cas d’une remise : il nous serait impossible de ne pas demander des crédits
provisoires si on n’entamait pas immédiatement la discussion
du budget du ministère de la justice. Ce n’est pas pour le paiement des membres
de l’ordre judiciaire que ce crédit provisoire serait nécessaire ; mais il est
une spécialité de mon département qu’on peut mettre, pour l’urgence, sur la
même ligne que le service de la guerre ; je veux parler des prisons. Elles ne
permettent aucun délai, aucun retard. Je ferai remarquer d’ailleurs que la
chambre n’a pas, jusqu’à présent, manifesté l’intention de s’ajourner. En présence
des nombreux travaux dont elle doit s’occuper, elle fera facilement au vœu de
ses commettants le sacrifice d’une velléité de vacances qui ne me paraît pas
sérieuse. Je demande que la chambre veuille bien commencer immédiatement la
discussion du budget de la justice. La plupart des dépenses de ce budget sont
déjà fixées par la loi ; quant à celles qui sont variables, on pourrait en
remettre la délibération à lundi.
M.
Dumortier. - Je ne partage pas l’opinion du ministre de la justice. Je
crois que nous entrons dans une voie d’abus, celle de voter les budgets les uns
sur les autres sans discussion générale sur l’ensemble des dépenses ; il faut
que nous rentrions dans la voie constitutionnelle. Il y a dans chaque budget
des points en rapport avec d’autres budgets ; il y a des abus dans un budget
qui se répètent dans les autres ; vous ne pourrez détruire ces abus qu’en
procédant par discussion générale. Vous avez voté le budget de la guerre ; il y
avait un motif particulier, c’est que ce budget est indispensable, qu’il
présentait des économies que nous ne retrouvons pas dans les autres. Personne
n’a de reproches à adresser à M. le ministre de la guerre ; il n’en est pas de
même à l’égard des autres ministres.
J’ajouterai que les rapports
sur les autres budgets ne sont pas tous faits. Vous n’avez pas de rapport sur
les finances, sur les dotations, sur la comptabilité de la chambre elle-même,
et vous ne pouvez délibérer ainsi sur les diverses parties de la loi de
finances sans pouvoir les coordonner.
Il est une autre vérité
qu’il ne faut pas perdre de vue. Un devoir impérieux nous est imposé avant de
voter les dépenses d’un exercice, c’est d’arrêter les comptes des exercices
précédents. La constitution dit formellement : « Chaque année les chambres
arrêtent la loi des comptes et votent le budget. » Nous devons donc
arrêter la loi des comptes, voir si les crédits n’ont pas été dépassés, s’ils
ont été convenablement employés, puis ensuite nous voterons les dépenses pour
l’exercice suivant.
Depuis notre révolution,
quatre exercices sont révolus ; avons-nous voté des comptes ? le ministre a-t-il présenté les comptes de 1832 ? Non,
messieurs, et la constitution n’a pas été observée.
Lorsque l’année dernière
le ministre déposa sur cette tribune le compte général des années 1830 et 1831,
j’ai fait remarquer à l’assemblée l’impossibilité de voter des comptes sans
documents détaillés sur les dépenses. Pour l’exercice 1831, le compte des
dépenses consistait en une seule feuille de papier ; la chambre a refusé de
voter ce compte ; elle ne l’a pas trouvé liquide, et tous nous avons demandé
des détails sur l’emploi des crédits ; nous avons voulu voir s’il n’y avait pas
eu d’abus dans les différentes branches de l’administration.
En France, la loi des
comptes forme un volume de cinq à six cents pages ; et ici on ne nous présente
qu’un seul morceau de papier.
La loi des comptes, dont
on nous a présenté les dépenses sur une feuille de papier, a été repoussée. La
chambre a déclaré, sur les conclusions de sa section centrale, qu’elle ne
pouvait admettre de pareils comptes. On a de plus remarqué que les tableaux
présentés par le ministre ne concordaient pas avec les tableaux présentés par
la cour des comptes. Le ministère peut-il laisser en arrière les lois des
comptes et demander de nouveaux crédits ? Non : je demande en conséquence que
le ministère fournisse des détails sur les dépenses des exercices de 1830 et de
1831.
Relativement
à l’exercice 1832, je dirai que, d’après les usages suivis dans ce pays, les
comptes de cet exercice devraient être présentés à la législature dans cette
session, et avant la loi de finances de 1834. Pourquoi le ministre s’est-il
abstenu de présenter ces comptes ? je m’opposerai de
tous mes moyens au vote de l’exercice 1834 avant l’examen des comptes de 1832.
M.
Jullien. - Je ne suis pas étonné que messieurs les ministres de la
justice et des affaires étrangères, après avoir vu passer hier, si bien et si
vite, le budget de la guerre, veuillent profiter de ce bon moment pour faire
passer les leurs, de peur que la veine ne change. (On rit.)
Ce n’est pas la première
fois que l’on a voté un budget de 38 millions en deux ou trois heures de temps.
Cette confiance de la chambre, à l’égard du ministre de la guerre, est due
peut-être à la franchise des relations de ce ministre avec la chambre, à
l’exactitude avec laquelle il s’est toujours empressé de donner des
renseignements sur toutes les parties de son administration ; ce qui nous a
prouvé qu’il en connaissait tous les détails.
Je n’entends pas dire
par là que les autres ministres n’aient pas les mêmes droits à notre confiance
; toutefois c’est à la chambre à juger de l’opportunité de leurs demandes.
Pour voter le budget de
la guerre, nous avons été obligés de faire violence à notre règlement, et même
à la constitution. C’est l’urgence qui nous a déterminés. Peut-être aussi la
célérité de notre délibération est-elle due au travail approfondi,
consciencieux de la commission.
Mais si on s’est écarté
du règlement et de la constitution pour le budget de la guerre, y a-t-il pour
les autres budgets les mêmes raisons de s’en écarter ? Evidemment, non. Le
règlement veut qu’on entame une discussion générale avant la discussion des
budgets des divers départements. M. Dumortier a fait sentir la nécessité de
cette discussion générale. C’est vouloir violenter le vote de la chambre que de
scinder les budgets. Comme on vous l’a fait observer, il est inouï que l’on
n’ait pas encore, conformément à la constitution, voté la loi des comptes avant
de nous demander de nouveaux crédits.
On
vote continuellement millions sur millions, budget des dépenses sur budget des
dépenses ; mais on ne nous dit pas comment ces millions ont été employés. Je
craindrais d’affaiblir les considérations présentées par M. Dumortier si
j’insistais davantage sur les inconvénients des délibérations précipitées et
irrégulières.
Je m’opposerai à la mise
en discussion du budget de la justice et des affaires étrangères, ou de tout
autre budget, avant la discussion de la loi des comptes et avant une discussion
sur tous les budgets à la fois.
M.
Donny. - Messieurs, je partage entièrement l’opinion de l’honorable
député de Tournay, quand il nous dit qu’il est de la plus haute importance que
l’on s’occupe des comptes de 1830 et de 1831 ; mais je ne puis plus être de son
opinions lorsqu’il pense qu’il faut ajourner la discussion des budgets de
l’exercice 1834 jusqu’à ce que l’on ait clos les comptes de 1830, 1831 et celui
de 1832. Le motif de ma manière de voir à cet égard est extrêmement simple,
c’est que ces comptes ne peuvent être arrêtés d’ici à longtemps.
Le gouvernement vous a
présenté les comptes des années 1830 et 1831, et, à part la forme vicieuse de
ces pièces, il a rempli par là ses obligations envers la chambre. La chambre a
examiné ces comptes, et la section centrale nous a fait un rapport concluant à
ce qu’ils ne soient mis en délibération que dans le courant de 1834, se fondant
sur plusieurs reproches bien fondes que l’on a faits au gouvernement. Ces
conclusions n’ont pas été mises en discussion jusqu’ici ; ainsi l’on devra
commencer par les discuter lorsqu’on voudra s’occuper des comptes dont il
s’agit. Apres cette discussion, vous admettrez les conclusions, ou vous les rejetterez.
Dans le premier cas,
vous renverrez la discussion des comptes des années 1830 et 1831 à l’année 1834
; et dans cette hypothèse, la proposition de M. Dumortier aurait pour
conséquence de retarder pour longtemps encore le vote du budget de 1834, ce qui
nous forcerait d’avoir recours aux crédits provisoires.
Dans le second cas, il
faudra renvoyer les comptes de 1830 et de 1831 à l’examen de la section
centrale pour qu’elle présente de nouvelles conclusions, ce qu’elle ne pourra,
selon moi, faire en peu de temps, car l’examen approfondi que j’ai fait de ces
comptes m’a convaincu qu’ils ne sont pas susceptibles d’être arrêtés dans la
forme qu’ils ont été présentés.
Outre les comptes de
1830 et 1831, l’honorable député de Tournay a demandé la présentation immédiate
de celui de 1832 ; quel résultat avantageux peut-il attendre de cette mesure ?
Le ministère a adopté
une marche vicieuse pour les comptes de 1830 et 1831 ; il la suivra encore pour
celui de 1832, parce que jusqu’ici on ne lui en a pas tracé une autre, et l’on
comprendra aussi peu ce dernier que les premiers. Pour que la présentation des
comptes pût nous conduire à un résultat réel, il faudrait que la chambre eût
adopté la forme sous laquelle ces pièces devraient lui être présentées. J’ai
soumis un projet de loi pour régler cette forme, et si la chambre s’en était
occupée, l’embarras où l’on se trouve n’existerait pas, ou pourrait être écarté
en très peu de jours ; le gouvernement n’aurait pour cela qu’à refaire ses
comptes d’après la formalité adoptée par la chambre, ce qui demanderait peu de
temps.
L’honorable
député de Tournay est dans l’erreur lorsqu’il dit qu’en France la loi des
comptes forme un volume ; il n’y a en France aucune
loi des comptes. Cc n’est pas la législature qui, dans ce pays, arrête la
comptabilité. Les comptes généraux de l’Etat comme les comptes spéciaux des
comptables y sont arrêtés par la cour des comptes, mais les ministres sont dans
l’obligation de publier chaque année un état très détaillé de leurs opérations
financières ; c’est sans doute de cet état que l’orateur a voulu parler.
Je pense donc que pour
le moment il ne faut pas remettre le vote du budget jusqu’après la loi des
comptes, mais je pense aussi qu’il est intéressant de régler le plus tôt
possible la forme des comptes à rendre.
M. Eloy de Burdinne. - Nous avons
beaucoup de travaux importants à exécuter ; nous avons les budgets, la loi
provinciale, la loi municipale, les chemins de fer, etc. ; je consentirais
volontiers à ajourner la délibération sur les budgets, si nous pouvions nous
occuper d’une autre loi. Dans l’état où en sont les choses, je craindrais qu’en
ne s’occupant pas des budgets, ce qui conduira aux crédits provisoires, les
autres lois n’arrivassent pas en temps utile. Il est, par exemple, urgent de
voter la loi départementale. Mes observations ont uniquement pour but de
demander que la chambre ne perde pas un temps précieux.
M.
Legrelle. - Si les questions soulevées par l’honorable député de
Tournay avaient été faites avant la discussion du budget de la guerre,
j’appuierais son opinion ; mais actuellement, je ne le puis : ce serait mettre
en doute ce qui a été décidé affirmativement. Il fallait avoir le budget de la
guerre avant le 1er janvier ; cette nécessité est pareille pour le ministre de
la justice l’administration des prisons ne pourra pas marcher sans crédits
définitifs ou sans crédits provisoires
La commission nommée
pour examiner le budget de la guerre a, dit-on, fait son travail avec célérité
et consciencieusement. Est-ce que la section centrale qui a examiné les budgets
de la justice et des affaires étrangères, et qui a fait son rapport depuis 15
jours, a mis moins de zèle, moins de conscience, moins de profondeur dans son investigation
? Je ne le crois pas. (On rit.)
Il
y a une question de confiance ici ; et il n’est pas donné à tout le monde
d’avoir confiance dans les ministres. Quant à moi, j’ai confiance en eux par
suite de la comparaison que je fais entre le budget de cette année et ceux des
années précédentes ; je vois des économies dans les dépenses, et je ne vois pas
que cet budgets soient dressés de telle manière qu’on
puisse concevoir des défiances contre leurs auteurs.
Je
demande qu’on ne perde pas davantage de temps en prolongeant la discussion
incidente, et que l’on s’occupe des budgets avant que nous partions chacun chez
nous.
(Moniteur belge, n°358, du 24 décembre 1833) M.
Dumortier. - Je demande que les ministres répondent relativement aux
comptes ; ils ne devraient pas se faire tirer l’oreille pour répondre à de
semblables questions.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je ne sais pas ce que les
oreilles viennent faire dans cette affaire-là ; mais si quelqu’un doit nous les
tirer, ce ne sera pas assurément M.
Dumortier.
Messieurs, nous étions
loin de nous attendre à voir agiter la question incidente qui vous occupe et
qui déjà a pris trop de temps. J’ai hésité de prendre la parole relativement à
la demande de la présentation des comptes de 1830, 1831 et 1832, parce que
l’honorable M. Donny a montré les choses sous leur véritable jour.
Il vous a dit qu’on
avait présenté les comptes de 1830 et 1831 ; que ces comptes ont été examinés,
qu’un rapport avait été fait, et que la chambre avait manifesté le désir de la
voir présenter sous une autre forme. Des modèles imprimés ont été joints à une
proposition faite sur la manière de rendre les comptes ; mais la chambre n’a
pas statué sur cette proposition.
Que demande-t-on ? Que
tous les comptes des exercices antérieurs à 1834 soient rendus ? Mais en France
on ne présente les comptes que des exercices antérieurs de deux années au moins
à l’exercice courant ; sous l’ancien gouvernement des Pays-Bas il en était de
même.
C’est la nature des
choses qui dicte cette marche. Il s’opère encore chaque jour des dépenses pour
les exercices qui précédent l’année 1834, y compris 1830 ; maintenant on ne
peut présenter que la situation de ces exercices.
Le
mode de présenter les comptes ne convient pas à la chambre ; c’est à elle à
indiquer en quoi ce mode pêche ; le ministre est prêt à poser les chiffres sur
les tableaux qu’on lui indiquera. (La
clôture ! la clôture ! Aux voix ! aux voix !)
M.
le président. - La clôture étant demandée, on ne peut parler que contre
la clôture.
M. Dumortier. - Je ne comprends pas
l’importance que montrent quelques membres de clore la discussion relative aux
comptes ; je comprends encore moins celle de M. Legrelle, qui est si réglé dans les comptes de ses opérations
commerciales. (Bruit.)
Si nous ne pouvons
examiner les comples des dépenses, qu’avons-nous à
faire ici ? A donner de l’argent sans nous inquiéter de son emploi ? Mieux
vaudrait garder un silence absolu.
M. Jullien. - On ne peut pas clore la discussion
dans l’état où elle se trouve. On n’a rien répondu sur l’inconvénient de
scinder la loi de finances, contrairement au règlement. J’ai d’autres
observations encore à faire valoir pour motiver le retard de la délibération
sur les budgets de la justice et des affaires étrangères.
M. Fleussu,
rapporteur. -
Avant de prononcer la clôture d’une discussion, il faut que toutes les opinions
soient émises.
Je n’ai pas d’intérêt à
ce qu’on discute ou ne discute pas le budget ; mon rapport sur le budget est
fait, et je suis prêt à soutenir le travail de la section centrale. Je voudrais
savoir si le ministre de la justice veut qu’on vote séparément son budget, ou
bien si on ne fera que le voter provisoirement, pour le soumettre ensuite au
vote définitif avec tous les autres. Le dernier mode est inconstitutionnel, il
n’y a qu’un budget dans l’Etat.
M.
Legrelle. - On m’a interpellé sur la clôture ; je demande à répondre.
Je dirai que si nous ne nous occupons pas aujourd’hui des comptes, c’est que
nous ne sommes pas saisis de lois sur les comptes...
M. le président. - C’est sur la clôture qu’il faut
parler.
M.
Legrelle. - Je veux prouver que nous nous occuperons des comptes plus
tard.
M. le président. - C’est rentrer dans le fond de
la discussion.
M.
Gendebien. - Il est impossible de prononcer décemment la clôture d’une
discussion quand elle ne fait que commencer. On a demandé la loi des comptes ;
qu’a-t-on répondu ? Qu’on ne pouvait présenter les comptes que dans la forme
qui serait arrêtée par la chambre. Est-ce là un motif suffisant pour violer la
constitution ? On n’a rien dit sur ce point.
M. Donny. - M. le ministre des finances vient de
dire qu’il ne savait si, par les comptes réclamés, on entendait des comptes des
exercices clos. Je dois répondre que non, et que ce sont des comptes de gestion
que l’on demande, c’est-à-dire des pièces contenant le détail de tout ce qui a
été reçu et dépensé année par année. C’est ainsi que les comptables en France
agissent vis-à-vis de la cour des comptes. Ils ne se bornent pas à remettre les
comptes des exercices déjà clos, mais ils présentent des comptes de gestion, et
c’est après plusieurs comptes de gestion que l’on clôt chaque exercice. Si la
chambre admettait le projet que je lui ai présenté ou un projet analogue, il y
aurait possibilité d’arrêter chaque année les comptes de gestion de l’année
précédente, de sorte qu’à la fin de 1833, par exemple, on pourrait arrêter le
compte de la gestion ministérielle de 1832, chose qui me paraît être prescrite
par la constitution.
M.
Jullien. - Je crois que la chambre est suffisamment éclairée sur la
question relative aux comptes. Voilà déjà trois ans qu’on viole la
constitution, et nous avons toujours discuté le budget avant la présentation
des comptes...
M.
le président. - L’orateur semble dire que la chambre a violé la
constitution.
M.
Jullien. - Telle n’est certainement pas ma pensée : ce n’est pas à la
chambre que je m’en prends ; mais quand des reproches ont retenti de toutes
parts dans cette enceinte sur la violation de la constitution, il m’est permis
de tenir ce langage, et l’on sait ce que je veux dire.
Je pense maintenant que
la chambre me comprend, et je m’étonne que M. le président ne m’ait pas mieux
compris.
M.
le président. - Il est possible que je me sois mépris sur les paroles
de l’orateur : tout le monde est sujet à l’erreur ; mais, les ayant comprises
dans ce sens, je devais en faire l’observation.
M. Jullien. - Vous avez parfaitement raison, M.
le président ; mais je me trouvais blessé par l’observation, et j’ai dû la
relever. J’en reviens à la question. Remarquez, messieurs, que si vous
discutiez les budgets l’un après l’autre, il n’y aurait point de discussion
générale, c’est-à-dire de discussion d’ensemble, ce qu’on appelle la bataille
des budgets. Or, si l’on ouvre la discussion sur le budget de la justice, elle
ne pourra porter que sur ce qui est relatif à ce département ; ou bien, si l’on
disait que nous pourrions en même temps parler des autres budgets, je
répondrais que cette discussion serait parfaitement inutile, parce qu’il
faudrait la recommencer à chaque budget. Je ne vois aucun inconvénient à ce que
l’on fixe un jour pour établir une discussion générale sur tous les budgets à
la fois. De cette manière, messieurs, vous aurez conservé le respect que vous
devez à la constitution et à votre règlement, et vous n’aurez rien fait contre
l’intérêt des ministères de la justice et des relations extérieures.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Dès les premiers jours de la
session actuelle, il nous avait paru que la chambre avait l’intention de donner
au gouvernement tous les moyens de faire marcher avec régularité l’exercice de
1834. C’est pour cela que les sections se sont réunies à l’effet d’examiner les
budgets toute affaire cessante, et se sont mises à même de présenter leurs
rapports avant la fin de l’année.
Messieurs, le budget de
la guerre a été voté dans une seule séance, et on n’a point fait précéder sa
discussion des observations que vous venez d’entendre, et qui ont droit de nous
étonner ; car si, comme on le dit, vous ne pouviez, aux termes de la loi
fondamentale, voter le budget de 1834 avant d’avoir arrêté les comptes des
années 1830 et 1831, il est de fait qu’en votant hier le budget de la guerre,
vous avez violé la constitution. Quelles que puissent être les préférences que
les membres de cette chambre accordent à tel ou tel ministre, il n’y a pas
moyen de sortir de ce dilemme. Mais ce n’est pas seulement une loi des comptes
que l’on voudrait dans le but de retarder le vote des budgets, c’est une
discussion générale sur tous les budgets. Messieurs, nous avons eu assez de
discussions générales depuis le commencement de la session ; vous savez ce
qu’il en est résulté, mais les amateurs de ces sortes de discussions ont dû
être satisfaits.
M.
le président. - L’expression dont vient de se servir l’orateur ne me
paraît pas très convenable lorsqu’elle s’adresse aux représentants de la
nation.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne crois pas avoir mérité ce
reproche. Du reste, je serai le premier à me soumettre aux observations de M.
le président quand elles auront pour but de maintenir les orateurs dans les
convenances. Je prends acte de celle-ci pour la rappeler plus tard, s’il en est
besoin.
Je
soutiens que la chambre se mettrait en contradiction flagrante avec ce qu’elle
a fait hier, si elle refusait de discuter le budget de la justice par les
motifs dont on s’est appuyé. Qu’on ne veuille pas se livrer à cette discussion
aujourd’hui, je le conçois ; mais qu’on l’ajourne après le vote d’une loi des
comptes et la présentation des rapports des autres budgets, c’est la retarder
indéfiniment et placer le ministre de ce département dans une position très
difficile ; cela serait contraire aux
premières dispositions que la chambre a manifestées.
Elle s’est déjà soumise
à la loi de la nécessité, en discutant les voies et moyens avant les dépenses.
Elle doit être conséquente avec ses précédents. J’insiste pour que la
discussion du budget de la justice ait lieu immédiatement.
M.
Dumortier. - Je suis enchanté d’avoir vu M. le ministre des finances se
décider enfin à répondre à l’interpellation que je lui faisais, sur le point de
savoir si les comptes nous seraient présentés ; car il eût été par trop
singulier que sur une question aussi grave, et quand plusieurs orateurs
s’étaient prononcés, il gardât un silence absolu. Mais je m’attendais à une
réponse toute différente, et je croyais qu’il était disposé à nous remettre les
pièces que nous demandons pour la vingtième fois. Y a-t-il donc des détails
qu’on ne veut pas nous faire connaître ? Mais quand on refuse ces
renseignements aux représentants de la nation, et cela en présence des devoirs
impérieux que leur impose la loi fondamentale, nous devons croire que des
motifs secrets s’y opposent.
Depuis fort longtemps,
messieurs, la conduite des ministres doit être fort claire pour vous. Ils ne
s’inquiètent que d’une chose, c’est d’avoir de l’argent, et quand ils en ont
obtenu, ils se prévalent du vote de la chambre pour dire qu’elle n’a pas voulu
renverser le ministère par un refus. Jamais on n’a refusé, et jamais on ne
refusera les budgets ici, parce qu’on a senti et qu’on sent le besoin d’assurer
le service public ; mais le ministère ne doit point voir là une approbation de
sa conduite. Il est tenu de nous rendre les comptes. Je ne sais comment
interpréter les paroles de M. le ministre des finances, quand il dit que ce
n’est qu’après quatre ou cinq ans qu’on doit les présenter ; car il y a
prescription, pour toutes les réclamations, six mois après l’exercice, et il
lui serait très facile, ce terme expiré, de soumettre ces comptes à la
législature. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait l’année dernière ; il n’a pas
hésité à nous soumettre les comptes de l’exercice antépénultième. Aujourd’hui,
non seulement on ne nous fournit pas de comptes, mais nous n’avons pas même
l’état de situation du trésor public ; et c’est quand nous ignorons
complètement s’il y a bénéfice ou déficit dans nos finances qu’on vient nous
demander le budget. Je ne pense pas que la chambre veuille procéder ainsi et se
faire une machine à voter des dépenses. Il faut que nous connaissions avant
tout les comptes des exercices précédents.
L’honorable député d’Ostende
a objecté qu’il ne nous servirait à rien d’avoir les comptes de 1831, parce
qu’il faudrait les renvoyer en sections et qu’ils ne pourraient être arrêtés
avant la discussion des budgets.
Messieurs, si j’ai
établi un principe général, je ne l’ai pas appliqué à l’espèce. J’ai demandé
que l’on ne votât pas le budget de 1834 avant d’avoir arrêté les comptes de
1830 et de 1831, d’autant plus que les ministères, à l’exception de celui de la
guerre, peuvent marcher sans entraves ; mais je n’ai pas étendu ma demande aux
comptes de 1832 ; cela eût été impossible. Toutefois, si nous ne pouvons pas
arrêter ces derniers comptes avant le budget de 1834, nous pouvons au moins les
examiner.
M. le ministre des
finances est venu prétendre qu’il avait remit tous les comptes à la chambre et
qu’il ne s’agissait plus que d’une question de forme. Comment ! une feuille de papier qui contient des articles de 8, de 10,
de 12 millions, ce sont là des comptes ! Non, ce ne sont que des chiffres. Ce
qu’il nous faut, ce sont des détails, ce sont des spécifications. Aussi
longtemps que vous persisterez à ne pas nous les donner, nous ne pourrons voter
la loi des comptes ; et comme la constitution nous en impose le devoir, nous
sommes forcés de vous refuser le budget jusqu’à ce que vous nous les ayez
présentés.
J’ai entendu dire par M.
le ministre de la justice que son département ne pouvait marcher sans fonds
quotidiens. Je ne reconnais pas cette observation comme exacte. Elle l’est pour
le ministère de la guerre, parce que la solde du soldat doit être faite à
l’avance ; mais on ne viendra point prétendre qu’il en soit de même pour la
justice. Les années précédentes, messieurs, vous n’avez voté des fonds pour le
ministère de la justice, et pour les prisons notamment, qu’à la fin de l’année,
et cela n’a point empêché le service de marcher. Il n’y a aucune similitude
entre ce département et celui de la guerre.
D’un autre côté, tout le
monde sent la nécessité d’établir une discussion sur l’ensemble des budgets,
parce que, sans cela, il serait impossible d’établir des dispositions générales
analogues à celle que nous avons décrétée l’année dernière, et qui imposa au
ministère l’obligation de ne disposer des fonds que jusqu’au 1er juillet. Quant
à moi, je désirerais vivement vous voir encore adopter un amendement semblable
; car quand nous aurons accordé les budgets, le ministère cherchera à se
débarrasser d’une chambre qui le gêne ; et cependant nous aurons encore
beaucoup de lois urgentes à voter ; celle sur la circonscription judiciaire, la
loi provinciale, la loi municipale, etc. Ces deux dernières, surtout, qui sont
en 150 articles chacune, exigeront beaucoup de temps si nous en jugeons par la
discussion de la loi des distilleries et de la loi sur l’organisation
judiciaire. Si, au contraire, nous prenons une mesure semblable à celle dont
j’ai parlé, le ministère sera obligé de nous conserver jusqu’au mois de
juillet. Je ne sais ce que la chambre fera à cet égard, mais je pense que je ne
serai pas le seul de cet avis.
En outre, il est indispensable
de savoir si l’on entend fractionner le vote du budget. Pour moi, je m’y
opposerai toujours. J’ai déjà signalé la manière irrégulière dont se faisaient
les mandats du séquestre, cela a lieu pour une foule d’autres objets, et c’est
ainsi qu’on échappe au contrôle de la cour des comptes et de la législature,
malgré les dispositions expresses de la constitution. Si vous laissez le
ministre des finances marcher dans cette voie, nous sommes inutiles ici.
J’insiste pour qu’il n’y ait qu’une seule loi du budget, afin qu’on y
introduise un amendement qui empêche la continuation de cet abus.
En
résumé, il est de toute nécessité qu’une discussion générale ait lieu sur
l’ensemble des budgets, que nous ayons des comptes détaillés sur les exercices
précédents, et que la loi du budget ne soit pas fractionnée. Quant à la
discussion générale, j’ajouterai qu’il serait convenable d’attendre que les rapport fussent faits sur tous les budgets. J’aimerais
mieux, pour ce qui me concerne, voter un douzième provisoire, car de deux maux
je choisis le moindre.
M. de Brouckere. - Si je comprends bien M.
Dumortier, il voudrait qu’on arrêtât les comptes de 1830 et de 1831, et qu’on
nous présentât ceux de 1832. Dans ce cas, je viens appuyer sa demande, car nous
avons besoin de savoir comment les deniers des contribuables ont été maniés en
1832. Le précédent ministre des finances, M. Coghen, a dit qu’il était facile
de clore les comptes d’une exercices deux ans après
l’expiration de cet exercice, et de fournir les comptes d’un exercice
postérieur après l’intervalle d’un an. Ce qui était possible alors doit l’être
encore aujourd’hui, à moins que les circonstances ne soient changées. M. Coghen
rectifiera mon erreur si je me trompe ; mais si je ne me trompe pas, je
demanderai à M. le ministre des finances actuel comment il se fait qu’il ne
tienne pas la promesse de son prédécesseur.
M.
Coghen. - Messieurs, pour les comptes de 1830 et de 1831, il n’y avait
pas de budget. Les dépenses ont été faites, et la chambre ayant demandé des
tableaux de détails, ces tableaux ont été fournis par chaque ministère.
Je désirerais vivement
aussi qu’une loi des comptes fût votée pour les exercices 1830 et 1831. Ce
n’est pas que je craigne qu’on y signale des irrégularités, car la cour des
comptes a déjà rendu justice à la manière dont la fortune publique avait été
gérée pendant ces années difficiles, et dernièrement encore l’honorable M.
Angillis a confirmé cette attestation ; mais c’est dans le but d’établir la
régularisation dans nos finances. Je demanderai également pour 1832 des comptes
détaillés. Il y a moyen de les produire dans une forme telle qu’ils
satisfassent les plus exigeants, car il y a un budget de voté pour cet
exercice. Je crois même qu’ils ont dû être préparés depuis longtemps, et je ne
connais pas le motif qui empêche M. le ministre des finances de les présenter.
Quand j’avais l’honneur d’être ministre, j’ai dit qu’il était possible
d’arrêter les comptes d’un exercice deux ans après son expiration ; et en
effet, les comptes de 1833, on pourra les présenter à la législature au mois de
mai ou de juin 1834 et les clôturer ou arrêter définitivement en 1835.
L’honorable
M. Dumortier a dit qu’il importait à la chambre de connaître l’état de
situation du trésor ; je l’aurais compris s’il avait parlé des comptes des
budgets de 1832 et de 1833, parce que c’est le seul moyen d’apprécier l’état
réel des finances du pays. C’est aussi dans ce but, et avant de fixer son
opinion sur la loi, que la section centrale s’est fait donner, par M.
l’administrateur de la trésorerie, un état de situation des finances.
Quant à la discussion du
budget des dépenses, je crois, comme plusieurs de mes honorables collègues,
qu’il serait bien d’ouvrir une discussion générale sur l’ensemble des budgets ;
de passer après immédiatement à l’examen de celui de la justice, des affaires
étrangères et de la marine.
M. Fleussu. - Ce n’est pas d’aujourd’hui que la
nécessité d’une loi des comptes se fait sentir. La difficulté s’est présentée
les autres années. Tant que l’on ne connaît pas au juste les comptes des
exercices précédents, on ne peut pas savoir les besoins de ceux qui vont
suivre. Cependant, quelque diligence que vous fassiez, vous ne serez jamais en
mesure de clore les comptes et de voter le budget avant la fin de l’année. Dans
les sessions antérieures, plusieurs députés, et j’étais du nombre, ont toujours
soutenu qu’une discussion générale sur l’ensemble des budgets devait précéder
celle de chacun d’eux en particulier, et que même il ne devait y avoir qu’une
seule loi du budget. Cette opinion est encore la mienne aujourd’hui. Mais, vu
les circonstances et les travaux nombreux dont nous sommes assiégés, ne
pourrions-nous pas fixer un jour de la semaine prochaine pour la discussion
générale de tous les budgets, bien que les rapports de quelques-uns d’eux ne
soient pas encore faits ? Cette discussion serait toute politique et n’aurait
aucun rapport aux chiffres. Quand elle serait close, nous aborderions celle des
budgets de la justice et des affaires étrangères. De cette manière, on
concilierait tous les intérêts, toutes les opinions. Je demande qu’on fixe à
lundi ou à mardi cette discussion générale, sauf a procéder ensuite comme je
viens de le dire.
M. Legrelle. - Je ne puis qu’appuyer la
proposition de l’honorable préopinant. Mais si nous devons attendre, pour voter
le budget de la justice, que tous les rapports fussent faits, et notamment
celui des finances, dont sera encore probablement chargé M. Dumortier, et
auquel il mettra, comme l’année dernière, tout le temps convenable, nous
retomberions dans l’ornière des crédits provisoires. J’appuie donc la motion de
M. Fleussu, et je demande que la discussion générale ait lieu le plus tôt
possible, lundi ou même aujourd’hui.
M. le président.
- Je vais mettre aux voix la motion d’ordre de M. Fleussu.
M.
Dumortier. - Mais j’ai demandé à M. le ministre des finances si son
intention était de nous présenter des comptes détaillés. Il ne peut point
garder le silence à cet égard.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je n’ai point gardé le silence
sur cet objet, puisque j’ai déjà dit que les comptes de 1830 et de 1831 étaient
présentés. Quant à ceux de 1832, je crois pouvoir assurer à la chambre qu’ils
lui seront soumis incessamment. Du reste, la cour des comptes est là pour
apaiser les inquiétudes de l’honorable
membre.
M. Dumortier. - Je répéterai mon observation
aussi longtemps que je n’aurai pas obtenu de réponse satisfaisante. Nous avons
déjà dit plus de trente fois que les comptes de 1830 et de 1831 étaient
incomplets ; que la loi présentée n’était pas d’accord avec les tableaux des
ministères, ni ces tableaux avec ceux de la cour des comptes. Il faut donc de
nouveaux comptes en corrélation entre eux. Je suis satisfait de l’engagement
qu’a pris M. le ministre relativement aux comptes de 1832, mais je ne suis
nullement satisfait de sa réponse pour ce qui concerne ceux de 1830 et 1831. Je
regrette d’être obligé de prendre aussi souvent la parole, mais cela ne serait
pas arrivé si l’on m’avait répondu d’une manière précise.
M. le
ministre des finances (M. Duvivier) - La chambre est saisie des comptes de 1830 et
1831. C’est à elle de signaler les irrégularités qu’ils présentent, et que le
ministre puisse rectifier. Nous nous empresserons de satisfaire à sa volonté
que nous la connaîtrons. (Aux voix ! aux
voix !)
M. de
Theux. - Si la discussion générale qu’on propose d’indiquer pour lundi
doit être suivie de la discussion particulière du budget de la justice, je n’y
vois aucun inconvénient ; mais s’il nous faut attendre que tous les rapports
soient faits, et que les comptes soient arrêtés avant de voter ce budget, nous
rentrerons encore dans la voie des crédits provisoires.
M. le président se dispose à mettre aux voix la motion de M. Fleussu.
M.
Fleussu. - Il est bien entendu qu’il n’y aura qu’une loi pour tout le
budget.
M. le ministre
de la justice (M. Lebeau) - Si on laisse la question indécise, je n’ai rien à dire ; mais si,
dérogeant à ce qu’on a fait précédemment sous l’empire des circonstances, on
veut que le budget de la justice ne puisse être définitivement voté que lorsque
la délibération des autres budgets sera terminée, je dois m’y opposer dans
l’intérêt même du service. Il s’agit là d’un acte de responsabilité. Dans le
cas où on procéderait de cette manière, je suis obligé de demander comme les
années précédentes des crédits provisoires, et s’ils ne me sont pas accordés,
je ne réponds pas de la régularité des services qui me sont confiés.
M. Fleussu. - Les autres années les budgets
n’avaient pas été examinés en sections, de manière que
les crédits provisoires étaient indispensables ; mais aujourd’hui le travail
des sections est presque entièrement terminé, et le vote du budget peut avoir
lieu dans le mois de janvier.
Comment a donc fait M.
le ministre de la justice pour suffire dans une autre circonstance aux besoins
de son administration deux mois après que les crédits étaient épuisés ? Au
surplus, si l’on ne fait pas une seule loi de tous les budgets, je retirerai ma
proposition.
M. de Theux. - Je dois faire observer
qu’indépendamment de la longue discussion qui aura lieu dans cette enceinte, il
faudra encore attendre les délibérations du sénat. Je pense donc qu’il faut,
s’appuyant d’antécédents dictés par la nécessité, voter séparément le budget de
la justice si l’on ne veut pas être obligé de recourir encore aux crédits
provisoires. (Aux voix !)
M. le président.
Voici la proposition de M. Fleussu : « Il y aura une discussion
générale, indépendamment des chiffres, sur l’ensemble des budgets, et après
cette discussion générale, on s’occupera de la discussion des budgets dont les
rapports ont été faits, c’est-à-dire de ceux de la justice, des affaires
étrangères et de la marine. »
M.
Fleussu. - Il faut y ajouter qu’il n’y aura qu’une seule loi du budget.
M.
Legrelle. - En ce cas je demande la division.
M. Fleussu. - Je retire ma proposition.
M.
Legrelle. - Je la fais mienne.
- La proposition reprise
par M. Legrelle est mise aux voix et adoptée, sans l’addition présentée en
dernier lieu par M. Fleussu.
M.
Gendebien. - Mais j’ai besoin d’une explication. Je désire savoir si
l’on se propose de faire porter la discussion générale sur d’autres budgets que
ceux de la justice, des affaires étrangères et de la marine, et dans le cas
affirmatif je demande comment nous pourrons nous prononcer sur des objets dont
les rapports ne sont pas faits.
Plusieurs voix. - La question est décidée.
M.
le président. - Il reste à savoir quel jour la chambre entend indiquer
pour la discussion générale.
De toutes parts. - Lundi ! lundi
!
- La discussion générale
des budgets est remise à lundi.
La séance est levée à
quatre heures.