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Note
d’intention
Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du vendredi 14 juin 1833
Sommaire
1) Vérification des pouvoirs des membres nouvellement élus. Elections
contestées. Elections de Liége (de Behr) (de Brouckere, F. de Mérode, Fleussu, Dumortier, Frison, Dubus, Fleussu,
Gendebien, de Brouckere, Ernst, Dubus, Fleussu)
2) Présentation générale du budget des dépenses pour l’exercice 1833,
notamment équilibre générale du budget (Duvivier),
ordre des travaux (C. Rodenbach, Legrelle,
Dumortier, Duvivier, Dumont)
3) Communication du gouvernement relative à la situation diplomatique de la
Belgique (convention du 21 mai 1833) (Goblet, Dumortier)
(Moniteur belge n°167, du 16 juin
1833)
(Présidence de M. Raikem)
M. Quirini fait l’appel
nominal à midi et midi.
- La séance est ouverte à une heure moins un quart.
M. Dellafaille donne lecture du
procès-verbal, ; la rédaction en est adoptée.
- Plusieurs pièces envoyées à la chambre sont renvoyées à la commission
des pétitions.
M.
Dumont. - Pendant une très courte absence que j’ai faite,
la chambre m’a admis au nombre de ses membres ; mais je n’ai pas prêté serment.
M. le président lit la formule du serment
; et M. Dumont répond : Je le jure.
M. de Brouckere. - Je demande la
parole pour rectifier un fait qui pourra abréger la discussion.
Vous vous rappelez que hier un différent s’est élevé entre M. le
rapporteur de la sixième commission et moi relativement au nombre de votes qui
ont été émis dans le deuxième bureau électoral à Liége.
Il y avait 1,367 voix d’après mon calcul ; il y en avait 1,363 d’après
M. le rapporteur. Immédiatement après la séance, je me suis abouché avec M. le
rapporteur, pour savoir d’où venait la différence, et voici ce que j’ai appris
: c’est que dans le calcul je comptais les quatre votes dont il est parlé dans
le procès-verbal.
Je suis porté à croire que les quatre bulletins
n’ont pas été comptés ; c’est qu’on dit dans le procès-verbal qu’ils ont été
déclarés nuls.
M. le rapporteur pense qu’ils avaient été comptés déjà une fois. Comme
il me semble que l’opinion de M. le rapporteur n’est pas invraisemblable, et
comme la bonne foi doit présider à tout, je déclare renoncer au moyen de
nullité que j’avais tiré des chiffres. Je veux bien admettre que le calcul de M.
le rapporteur soit celui auquel on doit s’en tenir, quoique beaucoup de
personnes aient été dans la même pensée que moi.
Il me semble que la nullité de l’élection a été démontrée à satiété
indépendamment des chiffres, et je renonce à leur emploi.
M. le comte F. de Mérode. - Je pense,
messieurs, que l’on pourrait soutenir jusqu’à un certain point les deux
systèmes, dont l’un tend à comprendre dans le calcul des votants les billets
qui ne portent aucun suffrage valide, et le système qui tend à compter le
nombre des votants d’après le nombre de bulletins valables pour la nomination
d’un ou de plusieurs députés, si le premier système n’entraînait avec lui des
difficultés presqu’insolubles sur l’appréciation de la validité ou de la
nullité des bulletins.
En effet, messieurs, quel sera le signe distinctif de cette nullité ?
Existera-t-il lorsque le bulletin ne porte qu’un nom dérisoire ?
Et souvent comment décidera-t-on que tel ou tel nom
est dérisoire ? Une écriture illisible, une lettre de l’alphabet suffira-t-elle
ou ne suffira-t-elle pas pour que le bulletin soit considéré comme blanc ou
comme écrit ? Il faudrait une loi tout entière, une loi pleine de subtilités
pour déterminer ces conditions, tandis que le système contraire, calculant le
nombre des votants sur le nombre des bulletins qui ont produit un résultat pour
l’élection, écarte tout embarras, rend toute contestation impossible.
Les opérations électorales présentent par leur nature assez de
complications pour que le législateur ne les augmente pas à plaisir et sans
nécessité. Or, cette nécessité n’existe point ; donc il m’est impossible
d’interpréter raisonnablement la loi électorale autrement que le bureau
principal de Liége ; et je voterai pour le maintien de l’élection de M. de
Behr, puisque la loi ne m’interdit pas son admission, puisque cette admission
est conforme au vœu de la majorité des électeurs. Car n’oublions pas,
messieurs, qu’une élection renouvelée est toujours au détriment des citoyens
domiciliés loin du lieu de l’élection, et que par suite elle devient une
expression incomplète, si elle n’est fausse, de l’opinion la plus générale du
pays.
M.
Fleussu. - Messieurs, j’aurais voulu me dispenser de
prendre part à cette discussion. Vous comprenez la répugnance que j’éprouve à
combattre l’élection d’un magistrat honorable avec lequel je suis appelé à
avoir des relations de chaque jour. Mais cette répugnance cède à une conviction
intime, et les considérations de personnes disparaissent lorsque je me trouve
en présence de la loi.
Jusqu’à présent la chambre semble, avoir pris pour règle de conduite
que, lorsqu’il y a absence de réclamation, lorsque la majorité est imposante,
il faut décider les questions électorales plutôt comme questions de bonne foi
que d’après les principes rigoureux de la loi. Par une raison contraire, et
pour être conséquent avec ce système, je crois que lorsqu’il y a réclamation,
lorsque la majorité est équivoque, vous devez faire une application sévère de
la loi. Eh bien, messieurs, il y a eu protestation instantanée, protestation
signée, non par quelques individus, mais, si je suis bien informé, par une
masse d’électeurs.
La majorité est équivoque : en effet, si vous admettez que le nombre des
votants 1,295 doit être réduit à 1,291, M. de Behr n’a que 646 suffrages plus
un demi-suffrage ; or, je vous le demande, un demi-suffrage suffit-il pour
donner la majorité voulue par la loi ? Je ne sais ce que c’est qu’un
demi-suffrage : un suffrage n’est pas susceptible de division ; on ne peut pas
plus diviser un suffrage qu’un votant. Quand la loi dit qu’il faut avoir plus
de la moitié des suffrages, c’est comme si elle disait : Il faut avoir la
moitié plus un des suffrages. Toutefois je ne m’appesantirai pas sur cette
circonstance, parce que je n’en ai pas besoin pour le triomphe de mon opinion.
Quant à la bonne foi, permettez.moi d’y faire un appel ; et je le fais
avec d’autant plus de confiance que, dans cette circonstance, la bonne foi est
d’accord avec la loi. N’est-il pas évident que la bonne foi ne saurait
permettre qu’on se prévalût d’une erreur de mots pour faire une soustraction
sur le chiffre de la majorité absolue, et, de cette manière, faire entrer dans
la chambre celui qui n’y est pas appelé ? Telle est cependant la question.
C’est sur une erreur de dénomination que repose l’élection que je combats. Si
je parviens à prouver que le secrétaire entendait se servir du terme de
suffrage ; si j’en trouve la preuve dans le procès-verbal même qu’il a rédigé,
il me semble que vous reconnaîtrez que l’élection ne peut être admise.
Dans le langage ordinaire, on confond assez généralement les mots
bulletin et suffrage ; l’un est le contenant, l’autre est le contenu, et il
arrive fréquemment que l’on se sert du contenant pour le contenu. C’est ce qui
est arrivé au secrétaire de la section du sud. Il n est pas étonnant que ce
secrétaire, pris au hasard parmi les électeurs, et n’ayant pas fait une étude
de la loi électorale, ait fait une méprise. Or, qu’il y ait erreur, c’est ce
qui résulte de toute la teneur du procès-verbal.
Dans la section du sud, M. de Behr avait obtenu 138 suffrages ; au
nombre de ces suffrages, 82 portaient de Behr, président, sans autre
désignation ; une difficulté s’était élevée pour savoir si ces 82 suffrages
pouvaient être donnés à M. de Behr, président de la cour, ou à M. de Behr,
président du Casino. La décision du bureau a été que les suffrages
appartenaient à M. de Behr, président de la cour : je crois que le bureau a eu
raison de décider ainsi.
Les quatre-vingt-deux suffrages ont donc été donnés à M. de Behr,
président de la cour ; eh bien, voyez en quelles expressions le secrétaire fait
mention de cette circonstance : « Dans ce nombre, le bureau a admis 82
bulletins portant de Behr, président, sans autre qualification. » Quand le
secrétaire, dans cette occasion, a employé le mot bulletin, était-ce bien d’un
bulletin ordinaire qu’il voulait parler ? Évidemment non. A moins que les 82
bulletins ne portassent qu’un nom chacun, l’expression de 82 bulletins ne signifie
rien autre chose que 82 suffrages.
Quelques lignes plus bas, le secrétaire emploie encore le mot bulletin :
« Dans le nombre de 276 votants, ont été compris les bulletins portant
Raikem, de Behr, d’Elhoungne et Rococo. » Voilà encore le secrétaire se servant
du mot bulletins quand il s’agit de
suffrages.
Que l’on rapproche ces deux passages du procès-verbal, et je demanderai
à tout homme dépourvu de prévention, je demanderai à vous, messieurs, comment
on pourrait ne pas reconnaître qu’il s’agit de suffrages quand le secrétaire se
sert du mot bulletin ?
Au reste, messieurs, peu importe la dénomination dont on s’est servi,
lorsqu’à côté de la nullité prononcée se trouve la cause de cette nullité.
Remarquez-le bien, pour juger de la nature d’un acte, ce n’est pas aux
expressions qu’on s’en rapporte, c’est à sa teneur. Voyons donc quelle est la
cause de la nullité. Cette nullité a lieu pour qualification insuffisante. Ce
genre de nullité est tout spécial au suffrage : ouvrez la loi et vous verrez
quelles sont les causes de la nullité des bulletins et quelles sont les causes
de la nullité des suffrages. il est clair qu’il
s’agissait de suffrages et non de bulletins.
Une autre circonstance vous prouve que le mot bulletin doit être pris
ici pour suffrage. Le bureau du sud n’a pas annulé les bulletins ; il déclare,
au contraire, que dans le nombre de 276 votants ont été compris les bulletins
portant Raikem, de Behr, d’Elhoungne et Rococo, quoique ne contenant pas une
désignation suffisante. Le bureau a déclaré nuls les bulletins quant aux
suffrages ; cependant il les a comptés pour fixer le chiffre de la majorité.
Ajouterai-je à ces preuves évidentes la déclaration du secrétaire de la
section du sud, déclaration explicative du procès-verbal. Le secrétaire déclare
que dans sa préoccupation il a confondu les mots bulletin et suffrages ; et
cela est si vrai, que la même erreur lui est échappée un instant auparavant.
Ce fait établi, vous en allez voir les conséquences :
Il en résulte d’abord que l’on ne sait pourquoi, dans la
contre-pétition, on dit qu’il y a eu quatre suffrages annulés. Peut-on décider
si les suffrages annulés étaient sur un seul bulletin ou sur quatre ?
Je suppose que ce sont les bulletins qui ont été annulés : encore
faudra-t-il que vous prouviez que sur ces quatre bulletins il n’y avait qu’un
seul nom ; car s’ils portaient d’autres suffrages, ces bulletins ont dû servir
à former la majorité. Aussi, dès qu’on eut parlé de ce moyen, un journal de
Liége s’est hâté de dire que les bulletins ne contenaient qu’un nom. Pourquoi
l’a-t-il dit ? c’est parce que dans le procès-verbal
il y a le mot bulletin.
Il y avait 5 députés à élire à Liége ; la présomption est que chaque
votant a déposé plusieurs suffrages dans son bulletin, s’il n’en a pas déposé
5. Voyez encore à ce sujet la déclaration du secrétaire, il déclare que les
suffrages n’ont été annulés qu’à leur égard (qu’à l’égard de MM. Raikem, de
Behr, d’Elhoungne et Rococo). Que signifie ces termes : qu’à leur égard ? évidemment que les bulletins contenaient d’autres noms et
qu’ils sont restés pour former la majorité.
On a demandé pourquoi on n’avait pas cherché à établir, au moment de la
protestation, que les bulletins contenaient plusieurs noms ; on dit que c’est
dans la pétition du 4 juin qu’il est fait mention de la pluralité des suffrages
dans les quatre bulletins. La raison vous en a été donnée : devant le bureau du
sud tous les bulletins étaient comptés ; seulement il y a eu quelques suffrages
d’annulés. Les bulletins comptés ont été brûlés. On n’avait jusque-là aucun
intérêt à constater l’état de ces bulletins, et le nombre de suffrages que
chacun contenait ; c’est lorsque le journal de Liége a décidé que chaque
bulletin ne contenait qu’un nom qu’on a cherché la preuve du contraire.
Un témoin déclare avoir vu plusieurs noms sur le bulletin Raikem.
Remarquez de plus que les déclarations sont données par des hommes incapables
de se manquer à eux-mêmes, je les connais.
Mais ces déclarations vous les produisez après la protestation, disent
nos adversaires ; mais en ceci on a suivi un exemple qu’il est permis d’imiter.
Vous vous souvenez que, pour parvenir à faire admettre l’élection de M, de Laminne-Bex, M. le président de la chambre a réclamé d’un
des présidents des sections électorales de Liège la déclaration que des
suffrages portaient de Laminne… On peut donc avec des déclarations interpréter
un procès-verbal. Je vais faire une nouvelle concession, je puis en accorder
beaucoup. J’admets que l’on a annulé des bulletins ; j’admets encore que sur
chacun des bulletins il n’y avait qu’un nom ; voilà, je crois, assez de
concessions : eh bien, je dis encore que malgré ces concessions on ne peut
soutenir les conclusions de la commission.
Il n’y a que des bulletins nuls qui puissent être retranchés du nombre des
votants ; il n’en est pas de même des suffrages, parce que le suffrage
insuffisant produit le même effet à l’égard de la majorité que le suffrage
isolé et que tous les suffrages de la minorité.
Mais, dit-on, le suffrage nul est comme le bulletin blanc ; il est sans
effet. Il est comme un testament qui ne désignerait pas suffisamment l’héritier
: messieurs, dans ces propositions il y a presque autant d’erreurs que de mots
; et je vais le prouver.
Le suffrage est nul comme suffrage, mais il est valable comme bulletin.
Il est valable, en ce sens qu’il rend la majorité plus difficile à obtenir. Il
est de l’intérêt de celui qui a déposé ce suffrage insuffisant de pouvoir
concourir à un scrutin de ballottage. Je suppose un suffrage portant Raikem,
sans autre qualification ; il est possible qu’un scrutin de ballottage ait
lieu, alors l’électeur rectifiera son erreur ; tandis que si vous retranchez le
bulletin du membre des votants, le concurrent de M. Raikem pourra avoir la
majorité.
L’exemple du testament que l’on a invoqué, n’a pas été bien choisi. Un
testament qui ne contient pas des désignations suffisantes est nul pour celui
qui était institué légataire ; mais ce testament n’en existe pas moins pour
révoquer un testament antérieur : de sorte qu’il n’est pas vrai de dire que le
testament, quoique frappé de nullité, soit entièrement sans effet.
Une élection, c’est l’expression de la volonté du plus grand nombre ;
l’électeur qui dépose un suffrage insuffisant, reste dans la minorité ; mais
vous ne pouvez lui enlever l’exercice de sort droit électoral ; il peut
rectifier son erreur dans un second tour de scrutin.
Quelle ingénieuse découverte ! On a trouvé moyen d’interpréter la loi
électorale par un avis du conseil d’Etat de 1806, et on ne s’est pas fait faute
de mettre plusieurs articles de cet avis du conseil d’Etat sous vos yeux. On a
fait remarquer que la loi électorale suivait l’avis du conseil d’Etat en
plusieurs points ; mails c’est parce qu’elle le fait en quelques points, et
qu’elle s’en est écartée dans les dispositions relatives à la nullité des
bulletins, que je conclus qu’elle a voulu un système contraire.
On a parlé de la décision que la chambre a prise relativement à une
autre élection de Liège. Je suis fort étonné qu’on ait invoqué comme antécédent
une décision prise par une fraction de la chambre, tandis que l’autre a
protesté contre cette décision.
Dans cet antécédent il y avait un bulletin portant Rococo et un compte
d’auberge, bulletins que l’on a annulés. J’admets que l’on ait repoussé un
bulletin dérisoire et qu’on ne l’ait pas compté pour déterminer la majorité ;
mais ici il ne s’agit pas des mêmes choses. Retranchez le bulletin portant
Rococo si vous voulez, et vous n’aurez pas encore la majorité, car les
bulletins portant Raikem, de Behr, d’Elhoungne, ont une signification.
Dans l’élection de M. de Laminne, il y avait un bulletin portant Laminne
tout court. On citait un marguillier d’une paroisse à deux ou trois lieues de
Liége, ayant le même nom Laminne, et cependant vous avez compté le bulletin
pour M. de Lammine-Bex ; vous voyez que selon les
circonstances on admet ou on rejette les suffrages et les bulletins (On rit.) C’est par trop commode.
J’ai trouvé dans la contre-pétition un argument qui n’est vraiment que
spécieux. Que ferez-vous, dit-on, dans le cas où, sur cent électeurs, 50
suffrages ne contiennent point une désignation suffisante ? Cet exemple ne se
réalisera jamais ; il est inventé tout exprès pour faire impression sur
quelques esprits. S’il se réalisait, il y aurait à recommencer l’opération,
parce que le scrutin de ballottage serait impossible. Je m’empare de cet
exemple, et je le pousse beaucoup plus loin.
Je suppose que tous les suffrages soient
insuffisants dans une élection, que fera-t-on ? On recommencera l’opération. Je
suppose que, sur cent électeurs, 97 donnent des suffrages insuffisants qui
soient annulés, et que trois voix soient données à un individu quelconque ; ces
trois voix formeront la majorité d’après le système que l’on soutient, et
l’individu devra être nommé député.
Mais prenons des exemples qui puissent avoir lieu : je suppose une
élection roulant entre deux candidats, entre mon voisin et moi, pour rendre
l’exemple plus sensible. Mon voisin a obtenu 48 suffrages ; trois autres
suffrages porteront Ernst, professeur à l’université ; comme il y a deux Ernst
également professeurs à l’université, dans ce cas on ne saura lequel est
désigné ; si j’ai obtenu 49 suffrages, je serai nommé tandis que mon
concurrent, avec 48 suffrages, plus trois autres votes, probablement en sa
faveur, échouera. Voilà où conduit le système que l’on s’efforce de soutenir,
et que pour moi je ne saurais admettre.
Je vote contre les conclusions de la commission.
M. Dumortier. - Je me serais
dispensé de prendre la parole, si je n’avais été désigné par un orateur dans la
séance d’hier. Je ne commencerai pas par faire une profession de foi
d’impartialité ; elle serait inutile ; je ne dois mon élection ni aux
réclamants, ni aux protestants ; je dirai seulement que le concurrent de M. de
Behr était M. Tielemans, que moi et mes honorables amis avons porté au congrès.
L’honorable préopinant auquel je réponds, a commencé par soutenir que le
procès-verbal ne dit point que quatre bulletins aient été annulés ; et beaucoup
d’orateurs, qui l’avaient précédé, avaient argumenté de la même manière. Ils
ont demandé ce qui prouvait que l’on avait annulé quatre bulletins ; la preuve,
messieurs, en est facile. Dans le procès-verbal de la première section, on lit
: « …276 votants, dont ladite section a déclaré quatre bulletins
nuls. » Ainsi, il y a quelque chose qui prouve que quatre bulletins ont
été annulés.
On ne peut prétendre que le bureau principal n’était pas en ceci
d’accord avec le bureau du sud. La loi dit que lorsqu’un bureau a terminé son
opération, il se transporte au bureau principal, et que là on récapitule les
votes : ainsi tout s’est fait devant le bureau du sud. Les protestations qui se
trouvent jointes au dossier, protestations qui ont été faites le jour même de
l’élection, et séance tenante, protestations signées par M. Forgeur, et écrites
de sa main ; signées par M. de Thier ; ces protestations ne disent pourtant pas
un mot qui prouve qu’il n’y a pas eu quatre bulletins annulés. Tout l’argument
de ceux qui protestent roule sur la question de savoir si les suffrages ont été
annulés. Aucun de ceux qui ont protesté n’a prétendu qu’on n’avait pas annulé
quatre bulletins. Il a pourtant bien fallu annuler quelque chose ; ou les
bulletins, ou les suffrages.
Rappelez-vous comment se pratiquent les opérations électorales : le
bureau commence par compter le nombre des bulletins ; il ne les ouvre pas
d’abord ; ainsi il ne peut préluder par annuler des bulletins dont il ne
connaît pas le contenu. C’est quand il a fait le relevé des suffrages et qu’il
a ouvert les bulletins, qu’il décide ceux qui doivent être annulés. Le bureau
du sud a trouvé 276 bulletins, nombre égal à celui des votants ; il a fait le
relevé général des suffrages et ce n’est qu’après cette opération qu’il a
trouvé qu’il y avait lieu à annuler des bulletins.
Si le bureau avait annulé des votes, il ne se serait pas exprimé comme
il l’a fait. Il dit : « On a annulé les bulletins portant Raikem, de
Behr, d’Elhoungne, Rococo, qui ne portent pas de désignation suffisante. »
Voyez le procès-verbal de la cinquième section de Liége, et vous verrez
comment on a procédé dans toutes les sections. Le nombre des bulletins ayant
été annoncé à haute voix, on procède au dépouillement de bulletins… » Un
électeur réclame contre un bulletin portant : de Behr, président, et contre
d’autres bulletins portant d’autres noms sans désignation ajoutée aux noms. Les
suffrages sont annulés et l’on a conservé les bulletins. C’est ainsi qu’on a
procédé au cinquième bureau, c’est par conséquent ainsi qu’on aurait procédé au
deuxième bureau si l’on n’avait voulu y annuler que les suffrages et non les
bulletins.
Dans les bulletins dont les suffrages ont été comptés par les bureaux, j’ai
trouvé où il y a Fleussu ; cette désignation est évidemment insuffisante ; car
il y a deux Fleussu. Dans le même bulletin où il y a Fleussu, il y a un vote
donné à M. Tielemans sans autre désignation.
Le bureau a tenu compte du vote et à M. Fleussu, conseiller, et à M.
Tielemans, ex-gouverneur.
L’honorable membre auquel je veux répondre s’est particulièrement appuyé
sur 3 certificats joints à la pétition du 4 de ce mois : « Que peut-on,
a-t-il dit, objecter contre M. Fabry ? » Je n’ai pas l’honneur de connaître
M. Fabry ; je le regarde comme un homme d’honneur ; mais, de grâce ; ne faites
pas dire à M. Fabry autre chose que ce qu’il a dit. M. Fabry a-t-il dit que les
quatre bulletins portaient différents noms ? Par cela seul qu’il ne l’a pas
déclaré, je pense qu’il n’y avait pas plusieurs suffrages sur chacun des quatre
bulletins.
Je n’aime pas en général argumenter sur les mots ; cependant je vais
produire un argument jésuitique semblable à ceux de l’orateur que je combats.
Que dit le procès-verbal ? « Dans le nombre de 276 votants, ont été
compris les bulletins portant Raikem, de Behr, d’Elhoungne, Rococo, comme ne
contenant pas une désignation suffisante. » Ainsi, le procès-verbal dit
qu’il n’y avait pas dans les bulletins de désignations suffisantes ; de là
résulte que c’est la même chose pour les bulletins, a dit qu’ils contiennent un
seul nom, soit qu’ils en contiennent plusieurs.
J’arrive aux déclarations de M. Forgeur et de M. de Thier. Comment
est-il possible que des membres de cette assemblée qui ont voté avant-hier pour
l’admission de l’honorable député de Marche, alors qu’il y avait au dossier des
pièces qui établissaient un commencement de preuve que 22 individus n’avaient
pas droit de voter ; comment est-il possible, dis-je, que des membres de cette
assemblée hésitent à voter aujourd’hui l’admission de l’élu de Liége ?
Les pièces dont on a argumenté sont écrites par qui ? par
les parties intéressées. J’en appelle aux orateurs que je combats : l’un est
conseiller d’une cour, l’autre est professeur en droit ; admettraient-ils des
pièces émanées des parties qui seraient en cause ?
M. de Thier et M. Forgeur déclarent tous deux
qu’ils appartiennent à la section du sud ; c’est précisément la section dans
laquelle les bulletins ont été annulés. Que dit M. de Thier ? qu’il était présent au dépouillement du scrutin : comment
alors n a-t-il pas réclamé contre l’annulation de bulletins, tandis que, une
heure après, il signe la protestation ? Ce n’est que cinq jours après
l’élection qu’on est venu alléguer que les bulletins contenaient plusieurs
noms.
Messieurs, ce qui prouve combien sont peu fondées les observations que
l’on fait valoir, ce sont les chiffres que nous avons soumis à l’assemblée. L’honorable
M. de Brouckere vient de vous déclarer qu’il s’était trompé dans ses calculs et
que les nôtres pourraient bien être exacts. Cette considération me semble juger
définitivement la question.
Je ne parle ici que de la question de fait ; quant à la question de
droit je cherche à m’éclairer, et j’attendrai les lumières qui jailliront du
débat.
M. Frison. - Messieurs, je
n’abuserai pas des moments de la chambre ; mais, ayant fait partie de la
minorité de la commission, je désire de motiver brièvement mon opinion ; j’ai
pensé qu’aucun bureau électoral, pas même le bureau central, au mépris du texte
formel de l’art. 3 de la loi électorale, dont on vous a si souvent donner lecture, n’avait le droit d’annuler des bulletins
écrits à la main, non signés, et portant des noms connus, quoique sans
désignation suffisante. Leurs suffrages pouvaient bien ne compter à aucun
candidat, mais les bulletins devaient rester pour établir le nombre des
votants, et, par conséquent, pour fixer la majorité absolue. Or, dans le cas
actuel, la majorité absolue devait être de 648 au lieu de 646.
Je persiste donc, messieurs, dans ma manière de voir, et je me prononce
contre la validité de l’élection de M. de Behr.
M.
Dubus. - Messieurs, du rapport qui a été fait par la
section centrale, il résulte que quatre moyens de nullité ont été invoqués
contre l’élection de M. de Behr, comme représentant du district de Liége, à la
chambre. D’autres moyens ont surgi de la discussion même. Pour moi, je ne dirai
rien des deux premiers moyens, qui me semblent à peu près abandonnés par tout
le monde. Mais comme on a particulièrement insisté sur le troisième et le
quatrième moyen de nullité, j’essaierai de réfuter les arguments par lesquels
on a voulu les faire triompher dans cette enceinte.
Les quatre bulletins annulés portaient-ils un vote valable ? Voilà en
quels termes a été formulée la question, voilà le troisième moyen qu’on veut
faire valoir. Les orateurs qui le soutiennent ont été plus loin ; ils ont
demandé s’il y avait bien quatre bulletins, et si cela résulte du
procès-verbal.
Voici d’abord ce qu’on lit dans le procès-verbal de la deuxième section
:
« Dans le nombre de 276 votants, ont été compris les bulletins
portant Raikem, de Behr, d’Elhoungne et Rococo, déclarés nuls par le bureau
comme ne contenant pas une désignation suffisante. »
Ainsi, on indique quatre noms comme s’étant trouvés sur les bulletins
annulés ; mais jusqu’ici il n’est pas bien explicitement exprimé en quel nombre
se trouvaient ces bulletins.
Aux termes de la loi, les sections ont dû se réunir au bureau principal,
et l’opération du recensement général a dû avoir lieu en commun ; et, en effet,
le procès-verbal constate que le recensement a eu lieu en présence de
l’assemblée, et il ajoute que quatre bulletins ont été déclarés nuls par le
2ème bureau, et pour cause de désignation insuffisante. Il est donc constant
que ce sont quatre bulletins qui ont été annulés. Vous voyez dès lors, qu’il
n’y avait qu’un seul nom sur chaque bulletin. Les faits, d’ailleurs, se sont
passés en présence d’une assemblée nombreuse, et dont plusieurs membres ont
protesté, il est vrai, mais plusieurs jours après et sans mettre d’abord en
doute qu’il y ait eu quatre bulletins.
On lit dans la pétition : « Il s’est présenté dans la deuxième
section (celle du sud) quatre bulletins portant, avec d’autres noms, le premier
celui de Raikem, le deuxième celui de de Behr, le
troisième celui de d’Elhoungne, le quatrième celui de Rococo, sans plus de
désignation. »
Voilà donc que les pétitionnaires attestent eux-mêmes qu’il y avait
quatre bulletins ; ils vont même jusqu’à attester l’ordre d’inscription des
noms, et cet ordre est celui dans lequel les mêmes noms se présentent dans le
procès-verbal de la deuxième section lors du recensement.
Mais y avait-il d’autres noms avec ceux-là sur les bulletins ? voici là une question de fait. Sur ce point j’estime que le
procès-verbal constate :
1° Que sur les bulletins se trouvaient respectivement les noms Raikem,
de Behr, d’Elhoungne et Rococo ;
2° Que ces bulletins ont été annulés comme ne portant pas de désignation
suffisante. Et de là je tire cette conséquence que les bulletins ne contenaient
pas d’autres noms ; car, sans cela, les bulletins n’auraient pas été déclarés
nuls, ou bien il faudrait supposer que ces autres noms ne contenaient pas non
plus de désignation suffisante.
Tout ce que je viens de rapporter est dit clairement dans le procès-verbal,
et si par des arguties quelconques on pouvait détruire un procès-verbal aussi
explicite, on pourrait les détruire tous, et il faudrait désormais s’en
rapporter aux allégations des personnes que le résultat des élections pourrait
mécontenter.
Le procès-verbal porte que les bulletins annulés ont été compris dans le
nombre de 276, et on croit trouver là un argument contre nous.
On nous dit : Comment le bureau a maintenu des bulletins qu’il avait
déclarés nuls, et les a maintenus en les comprenant pour déterminer le nombre
des votants ?
Mass il faut voir à quel moment et dans quelle opération ces bulletins
ont été comptés. C’est, messieurs, lorsqu’il s’est agi de compter les billets
déposés dans l’urne ; le recensement n’étant pas fait, on ne savait pas encore
s’il y avait des bulletins nuls ; et on comptait tous billets dans le nombre
des votants.
Evidemment, messieurs, lorsque le bureau les a comptés, il ne voulait
pas les déclarer valides ; il voulait seulement établir d’une manière exacte le
nombre des billets déposés dans l’urne.
De tout ce qui précède, il résulte donc que quatre bulletins ont été
annulés.
Mais on nous objecte qu’il résulte d’un autre passage du procès-verbal
que l’on s’est servi du mot bulletin au lieu du mot suffrage ; donc ajoute-t-on,
ailleurs aussi la même substitution a eu lieu.
Quoi ! parce que dans un passage du
procès-verbal il y a eu erreur de mot, vous voulez en conclure qu’elle s’est
reproduite partout. Mais c’est là la pire de toutes les argumentations
possibles. Mais si l’on admettait votre supposition, il s’en suivrait que le
procès-verbal contient une phrase absurde ; ce n’est plus du français, le
procès-verbal est inintelligible.
Vous le voyez donc, messieurs, nous avons un motif bien décisif pour ne
pas admettre que la même substitution a eu lieu partout.
Au surplus, nous avons encore pour nous, sur ce point, le procès-verbal
du bureau principal, où il est rappelé formellement que ce sont bien 4
bulletins qui ont été annulés ; il y est question des bulletins, vous sentez bien,
et non de suffrages. Ici, messieurs, les sections s’étaient réunies au bureau
principal, et si les membres de la seconde section avaient entendu annuler
seulement des suffrages, ils n’auraient pas manqué de réclamer. Certes,
puisqu’on avaient participé à l’opération, ils
auraient réclamé à l’instant même.
Encore une fois, il reste donc que ce sont 4 bulletins qui ont été
annulés pour cause de désignation insuffisante et vous voyez, par le motif
donné dans le procès-verbal de la 2ème section, que c’est avec raison que l’on
a dit que ces bulletins ne portaient pas de désignation suffisante. On dit que
ce motif prouve que ce sont des suffrages que l’on a voulu annuler, et non pas
des bulletins ; mais, dans l’opinion de ceux qui regardent comme nul tout bulletin
portant un nom sans désignation suffisante ou plusieurs noms, mais dont aucun
n’est suffisamment désigné, dans cette opinion, dis-je, il est logique de dire
que ce sont les bulletins qui ont été déclarés nuls.
Cependant, pour établir qu’un bulletin annulé contenait avec un suffrage
nul un nom suffisamment désigné, on invoque des certificats et on prétend faire
prévaloir des certificats contre un procès-verbal. Ce sont des hommes
d’honneur, nous dit-on, qui ont signé les certificats
; mais si l’on admettait une raison semblable dans cette circonstance, il
faudrait l’admettre toujours, et dès lors il n’y aurait plus de procès-verbal ;
on s’en rapporterait aux certificats, et il est si facile de s’en procurer.
Oui, et c’est cette facilité même qui fait qu’en justice réglée les
certificats n’ont aucune valeur ; ils sont nuls, radicalement nuls. Même dans
les matières où la preuve testimoniale est admise, il faut qu’elle soit orale ;
le certificat est sans valeur.
Mais voyons ce que disent les certificats ; d’abord le premier ne dit
rien sur la question de fait, il est tout entier relatif à la question de
droit. Il est évident que le rédacteur ne s’y explique nullement sur la
question de fait. Eh bien, n’est-il pas évident que cette omission provient de
ce que M. Fabry n’a pas voulu s’expliquer sur le fait, ou de ce que ceux qui
réclamaient le certificat ont évité de le faire expliquer sur ce point,
s’attendant sans doute à une explication contraire à celle dont ils avaient
besoin ?
M. Fabry déclare qu’il a employé le mot bulletin à la place du mot
suffrage ; mais alors, la question est de savoir si les bulletins contenaient
d’autres suffrages que les noms annulés. Or, le procès-verbal constate le
contraire et le procès-verbal cependant est l’œuvre commune de toutes les
sections et du bureau principal ; tous les membres y ont concouru, et en voilà
un seul qui vient contredire après coup l’œuvre de tous. Une telle protestation
n’est pas admissible.
Quant aux deux autres certificats, ils portent uniquement sur des
ouï-dire ; il n’y a aucun motif de s’y arrêter un seul instant : si le fait
signalé avait eu lieu, les avocats présents en auraient eu connaissance, et
lorsque ce fait emporte une nullité radicale, ils s’y seraient attachés, sans
se jeter, comme nous voyons qu’on l’a fait, dans une question de droit qui est
au moins très difficile à résoudre. Pour moi, si j’avais été à la place de l’un
ou de l’autre réclamant je me serais tenu à ce fait, qu’un bulletin annulé contenait
un nom portant désignation suffisante, et j’aurais fait voir qu’il en résultait
une nullité qui emportait tout le reste. Mais non, c’est seulement quelques
jours après que l’on pense à cette nullité de fait et qu’on la fait valoir ;
cependant les souvenirs devaient être bien plus vifs à l’époque du 31 mai.
Plusieurs de nos collègues ont pris des informations sur ce qui s’est
passé à Liége ; et moi aussi, messieurs, j’en ai pris et je tiens de ceux de
mes honorables collègues que M. Fabry a dit à l’un qu’il n’y avait qu’un seul
nom sur chaque bulletin, et que la même chose a été dite à l’autre. Où en
serions-nous donc s’il fallait s’en rapporter aux certificats ? Vous le voyez,
messieurs, nous ne devons avoir foi qu’au procès-verbal.
Je crois en avoir dit assez pour réfuter tout ce qu’on a avancé en
faveur de ce premier moyen.
Mais on ajoute : « Que doit-on entendre par votants ? La loi ne le
dit pas ? Un votant est-ce celui qui fait le simulacre de voter en jetant un
papier dans l’urne ? est-ce celui qui a voulu voter ? ou bien est-ce celui qui a donné un vole valable ?
D’après la loi, messieurs, il faut résoudre négativement les deux
premiers cas. Non, celui-là n’est pas un votant qui a fait le simulacre de
voter, pas plus que celui qui a simplement voulu voter ; car s’il dépose un
bulletin signé, un bulletin imprimé, son vote ne compte pas. En voilà assez
pour faire voir que la législation nouvelle a entendu demeurer dans les termes
de la législation antérieure sur la matière, et ne regarder comme votant que
celui qui a déposé un bulletin valable. En cela l’art. 32 qui dit : « Les
bulletins nuls n’entrent pas en compte pour fixer le nombre des votants »
me semble en parfaite harmonie avec l’art. 35 qui porte : « Nul n’est élu
au premier tour de scrutin, s’il ne réunit plus de la moitié des voix. »
Vous le voyez, ce n’est pas le compte des votants, mais celui des voix.
Qu’importe donc qu’un électeur jette dans l’urne un billet blanc ou un suffrage
nul ? Ce bulletin ne compte pas au nombre des voix. Les bulletins contenant au
moins un suffrage valable doivent seuls être admis ; mais un suffrage nul
n’existe pas, il ne peut former une voix dans le sens de la loi.
Je ferai remarquer que nos adversaires n’invoquent aucun texte, ils se
bornent à réfuter les arguments par des arguments.
Leur thèse est encore à établir ; toutefois on a tenté de l’établir en
disant que l’art. 31 est limitatif ; on a prétendu aussi que les art. 31 et 34
établissent d’une manière claire et distincte la distinction entre un bulletin et
un suffrage. Il en résulte bien, nettement, dit-on, que la nullité d’un
suffrage ne peut pas amener la nullité d’un bulletin. J’ai beau lire l’art. 31,
je ne comprends pas du tout qu’il soit limitatif. Il détermine, il est vrai,
deux cas de nullité mais je n’y vois pas un mot pour dire que ce seront les
deux seuls cas de nullité. C’est une déclaration de nullité dans deux cas, et
voilà tout. Si l’art. 31 avait prévu tous les cas, comme on le prétend, l’art.
33 serait complètement inutile et n’existerait pas dans la loi.
Ainsi donc il faut reconnaître qu’en dehors de l’art. 31 il y a des cas
de nullité substantielle.
On a renoncé à soutenir qu’un billet blanc fût un bulletin valable.
C’est un fait reconnu partout, qu’un tel bulletin est de nullité radicale.
C’est ainsi que la loi est appliquée et avec raison. S’il n’est jamais permis
d’étendre le sens d’un article, on ne peut jamais non plus se dispenser d’en
faire l’application, lorsque l’occasion s’en présente.
Un honorable préopinant a dit qu’un billet blanc était nul, parce qu’il
ne formait pas un bulletin ; mais pourquoi ne forme-t-il pas un bulletin ? c’est évidemment parce que le suffrage manque ; eh bien,
quand un suffrage est annulé, la substance du bulletin manque donc aussi, le
bulletin n’existe donc pas. Et en effet, concevrait-on qu’une chose dont les
éléments constitutifs n’existent pas, existât elle-même en effet ?
Je citerai un exemple. Pour qu’il y ait vente, il faut que la chose et
le prix soient convenus. Eh bien ! penseriez-vous
qu’il y eût vente réelle, si la chose ni le prix n’étaient- convenus ? Soutenir
maintenant que le bulletin existe, lorsque la substance du bulletin manque,
n’est-ce pas une inconséquence frappante ?
On dit encore : Mais le mot de suffrage se trouve dans l’article 34.
Mais la raison en est simple ; si l’on n’avait pas employé le mot suffrages on
aurait pu tirer de cet article la conséquence qu’un bulletin contenant trois
suffrages nuls et un suffrage valable devait être annulé ! Or, c’est ce que les
législateurs n’ont pas voulu. Le mot bulletin se trouvait dans le projet de loi
électorale primitif ; mais lorsque la divergence des opinions eut fait rejeter
ce projet à une majorité de quelques voix, et qu’on le reprit ensuite pour en
changer les tableaux et modifier quelques articles, vous pouvez vous souvenir
qu’on a substitué le mot suffrage à celui de bulletins dans l’article dont il
s’agit, pour éviter la conséquence dont j’ai parlé.
Si le suffrage nul produisait un bulletin valable, ce serait donc une
cause nulle qui produirait un effet valable. Bien plus, les suffrages annulés
tourneraient contre celui qui a obtenu la majorité et l’empêcherait d’être élu.
Il y aurait là, selon moi, une injustice criante.
Je suppose qu’un éligible, sur 100 votants, ait obtenu 50 voix ; qu’il y
ait ensuite 40 autres voix indiquant un nom qui lui soit commun avec un autre
candidat. Certes, puisqu’il a déjà obtenu 50 voix, il y a bien présomption que
quelques-unes de ces voix, lui sont dévolues, Eh bien ! non,
aucune de ces 40 voix ne lui sera comptées ; que dis-je ? elles
seront toutes comptées contre lui ; vous les mettrez toutes dans la balance
pour lui ôter la majorité.
Heureusement, messieurs, que la loi a toujours et partout été
interprétée dans un sens contraire. On a cité à tort contre nous les élections
de Mons et de Bruxelles ; à Mons, il y avait trois députés à nommer et sept à
Bruxelles et il est probable qu’un bulletin contenant un suffrage nul en
contenait d’autres valables. Quand il s’agit de nommer un seul représentant, et
qu’un bulletin porte un nom sans désignation suffisante, ce bulletin est
déclaré nul, et on en a opéré la réduction. C’est ce qui a eu lieu dans le
district de Furnes et de Hasselt.
La chambre elle-même a décidé dans ce sens il n’y a
pas longtemps. Mais a-t-on dit, une moitié de la chambre a décidé ainsi,
l’autre moitié a protesté. Ici, messieurs, vous pouvez avoir recours au Moniteur, et vous verrez qu’une
majorité de 48 membres a voté dans mon sens, et 23 membres ont protesté. Je ne
trouve pas que 23 forme la moitié lorsque la majorité est de 48. On dit encore
: La question était difficile ; il s’agissait de deux bulletins dont l’un
contenait un compte d’auberge et l’autre la dénomination dérisoire de Rococo.
Alors, messieurs, la validité de l’élection a été établie sur le moyen
de droit ; la même thèse que je soutenais alors avec notre honorable président,
je la soutiens aujourd’hui, et je pense que la solution sera identique. Et
d’ailleurs, quand un électeur s’est présenté pour voter, et que par erreur il a
déposé dans l’urne un compte d’auberge qui était dans une de ses poches à la
place de son bulletin qui se trouvait dans l’autre poche, je ne vois pas que ce
soit un motif de nullité plus fort que celui de désignation insuffisante ; il
me semble évident que, dans l’un et l’autre cas, les deux électeurs ont voulu
voter, et qu’ils se sont trompés le premier en fait, le second en droit ; mais
l’erreur dans les deux cas emporte la nullité du bulletin.
Par toutes ces considérations, j’appuie les conclusions de la
commission.
M.
Fleussu. - Je ne prends la parole que pour rétablir un
fait.
M. Dubus vous a rapporté ce qui aurait été dit à l’un de ses collègues ;
et moi aussi, messieurs j’aurais pu vous rapporter ce qui m’a été attesté, si
j’avais cru devoir reproduire dans un discours ce qui était pour moi une
connaissance personnelle. Je le dirai maintenant, et voici les faits.
J’ai trouvé M. Fabry au Casino ; là, à la suite des compliments d’usage
après une élection, je lui ai demandé s’il pensait que les bulletins sur
lesquels se trouvaient de Behr et autres, continssent en même temps d’autres
noms ? Il a répondu qu’il ne pouvait pas affirmer qu’il y eût effectivement
d’autres noms sur chaque bulletin, mais que, pour celui portant d’Elhoungne, il
affirmait qu’il contenait en outre M. Julien, de Bruges.
Nous avons annulé le premier suffrage, a-t-il
ajouté, pour cause de désignation insuffisante ; mais nous avons admis le
second, parce que nous ne connaissions pas d’autre Julien.
Il est impossible que M. Fabry ait dit autre chose à un autre membre, et
je voudrais bien savoir le nom de celui de nos collègues à qui il a tenu un
autre langage, car je tiens M. Fabry pour un homme d’honneur. (Aux voix ! aux voix !)
M. Ernst. - Je demande la parole. (Non ! non ! la clôture !)
M. le président. - Si dix membres
demandent la clôture, je la mettrai aux voix.
M. Gendebien. - Je demande la parole
contre la clôture. Veuillez remarquer, messieurs, que le discours de M. le
rapporteur a été favorable à l’élection, et que le dernier orateur que nous
venons d’entendre a parlé dans le même sens. Il me semble tout naturel que la
discussion soit close en entendant un membre qui s’oppose à l’admission des
conclusions de la commission, (Appuyé.)
M. de Brouckere. - Mon intention était
de demander encore la parole. J’avais tenu des notes pour répondre aux
objections qui nous étaient opposées. Cependant je déclare que je renonce à la
parole, si l’assemblée veut consentir à entendre M. Ernst. (Oui ! oui ! parlez, M. Ernst !)
M. Ernst. - Un des plus grands torts que j’aie eus dans la discussion d’hier,
c’est d’avoir réfuté d’une manière victorieuse les raisons données dans le
rapport de la commission. J’avais eu l’honneur de dire à l’honorable M.
Dumortier que, quoi qu’il fît, il ne relèverait pas ces raisons. Je vais vous
prouver, messieurs, que je ne me suis pas trompé. Ce n’est pas ici affaire
d’amour-propre, la chose se rattache directement à l’objet principal de la
contestation.
La question était de savoir si le bureau de la 2ème section avait
entendu annuler les bulletins ou seulement les suffrages. La nullité n’a pas pu
porter sur les suffrages, avait dit M. le rapporteur, car ils ont été tenus
pour valables par le bureau ; elle ne s’appliquait donc qu’aux bulletins.
Voici la réponse qui est sans réplique : Non, les suffrages n’ont
pas été tenus pour bons, car il est incontestable que ceux portant Raikem et de
Behr n’ont été attribués ni à M. Raikem ni à M. de Behr. La nullité ne tombe
donc pas sur les bulletins, mais sur les suffrages, et il était contradictoire
de supposer les bulletins nuls lorsque les suffrages étaient valables.
Maintenant j’entame une discussion plus sérieuse en répondant à
l’honorable M. Dubus. Je ne dirai pas qu’on m’a opposé des sophismes, des
arguties et des raisonnements jésuitiques. Ce sont des expressions dont je ne
me servirai jamais dans cette honorable assemblée.
Faut-il vous parler des protestants
qui m’ont portés à la représentation nationale ? J’espère vous prouver, messieurs,
que je ne suis pas indigne de figurer dans cette assemblée, et d’obtenir même
la considération de l’honorable rapporteur qui a parlé de moi autrement qu’il
aurait dû le faire.
Dans la question de fait, le point capital, l’honorable préopinant l’a
senti, c’est de savoir si les bulletins qu’on suppose avoir été annulés,
étaient réellement au nombre de 4. Or, le procès-verbal du sud ne fait aucune
mention du nombre des bulletins. On en a mis quatre, parce qu’il y avait quatre
suffrages, à l’égard desquels la nullité était déclarée. Mais ces quatre noms
pouvaient se trouver sur 2, 3, 4 bulletins.
On ne saurait affirmer qu’il y en eût quatre plutôt que deux ou trois.
Cependant il s agit ici d’un fait qui ne peut être constaté que par le
procès-verbal du bureau du sud. Le procès-verbal du bureau principal ne peut
que se référer à ceux des sections. On a opposé que les membres du bureau du
sud n’ont pas contesté la déclaration insérée dans le procès-verbal du bureau
principal. Mais la réponse est simple ; une fois le résultat porté au bureau
principal par les présidents et membres des bureaux de sections, celles-ci ont
terminé leur tâche ; ils ne participent aucunement à la rédaction du bureau
principal.
L’erreur commise par le bureau principal (je dis erreur, car je crois à
la bonne foi et à l’impartialité des membres de ce bureau), n’a donc pu être
prévenue ni réparée.
Quand on a connu les résultats proclamés par ce bureau, résultats qui
étaient contraires à ceux qui avaient été recueillis de toutes parts par les
électeurs, alors on a réclamé ; mais on n’a pu obtenir de redressements.
On s’est prévalu de ce que les pétitionnaires avaient parlé eux-mêmes de
quatre bulletins annulés. Nous ferons observer qu’ils n’avaient pu vérifier la
chose dans le procès-verbal de la 2ème section, dont on leur a refusé 1a
communication, et qu’ils ont dû admettre ce qui était dit dans le procès-verbal
du bureau principal. Mais aujourd’hui, en rapprochant les deux procès-verbaux,
on voit qu’il y a eu quatre désignations insuffisantes et qu’il n’y a aucun
moyen de dire quel serait même le nombre des bulletins annulés. Voyons
maintenant si le bureau du sud a réellement annulé les bulletins. Le
procès-verbal les a compris au nombre des bulletins comptés, et la nullité
mentionnée ne tombe que sur les suffrages.
Cela résulte évidemment, et des deux passages du procès-verbal qui ont
déjà été lus, et du motif allégué et de la déclaration du secrétaire. Il est
inexact de prétendre que cette déclaration ne tombe que sur un point de droit,
car c’est bien un fait de savoir si le mot bulletin a été employé pour celui de
suffrage : et ce fait est attesté par le secrétaire.
Nous rappellerons, du reste, que cette attestation n’est pas invoquée
contre le procès-verbal, mais pour l’expliquer conformément à son ensemble ;
qu’elle est à l’abri de tout soupçon, et qu’elle est confirmée par le silence
des membres du bureau.
Nous réfuterons tout aussi facilement les raisons qui ont été fournies
pour prouver que les bulletins dont il s’agit ne contenaient pas d’autres
suffrages.
S’ils en contenaient d’autres, pourquoi le bureau les aurait-il annulés
? dit l’honorable préopinant. Mais nous avons fait voir que ce ne sont pas les
bulletins, ce sont les suffrages qu’il a voulu écarter. Le procès-verbal ne
donne lieu à aucune induction contre la pensée naturelle que ces 4 bulletins
contenaient, comme les autres, 2, 3, 4 ou 5 suffrages. Au contraire, il vient à
l’appui de cette opinion, car les bulletins portant de Behr, dont il est parlé
dans un passage antérieur, contenaient évidemment d’autres suffrages. Il faut
bien dire la même chose à l’égard des bulletins portant Raikem, etc. Les
attestations dont la véracité n’est pas suspecte, ni en raison des faits ni en
raison des personnes, viennent mettre le sceau de la vérité à une présomption
légitime, confirmée par le procès-verbal.
Il est inutile de réfuter ce qu’on a dit, qu’on ne peut admettre de
certificats contre des procès-verbaux. Il n’est pas question de cela.
Le précédent, concernant l’élection de l’honorable M. Jadot, est
également étranger à notre hypothèse.
Il est tout simple qu’on n’ait point parlé du nombre des suffrages que
contenaient les bulletins, dans la protestation signée à l’hôtel-de-ville.
La seule question qui en ce moment préoccupait les esprits était
relative au retranchement que le bureau principal avait fait de quatre
bulletins ; retranchement dont on ne concevait pas la cause. Ce n’est que par
la suite, quand il s’est agi de réclamer à la représentation nationale, qu’on a
fait des recherches concernant le contenu des bulletins.
Voilà ce qui explique aussi pourquoi la déclaration du secrétaire,
donnée dans la matinée du jour qui a suivi les élections, tombe principalement
sur ce fait. II a eu des raisons pour se refuser dans la suite à donner une
nouvelle déclaration écrite, et c’est à cause de ce refus que M. l’avocat
Forgeur a dit : « Eh bien ! moi j’attesterai ce
que vous m’avez déclaré. »
Les faits sont donc tels que nous les avons exposés.
J’aborde maintenant la question de droit.
Nous avons soutenu qu’un bulletin, dont le suffrage est annulé pour
désignation insuffisante, n’est pas nul d’après la loi.
Qu’est-ce qu’un votant, a demandé M. Dubus ? c’est
là en effet toute la question. Mais y a-t-il répondu logiquement ? Il ne suffit
pas, dit-il d’avoir le droit de voter, d’avoir voulu voter, il faut avoir
effectivement voté. Qui dépose un billet blanc ne vote pas, qui dépose un
billet imprimé ou signé ne vote pas.
Mais tout cela ne résout pas la difficulté. Qui dépose un bulletin
imprime ou signé ne vote pas, parce que l’art. 31 de la loi déclare son
bulletin nul. Mais hors ces cas point de nullité. Nous posons en principe que
quiconque remplit les conditions voulues par la loi, vote valablement. Un
jurisconsulte ne saurait admettre qu’une loi prononçant des nullités puisse
être étendue à d’autres cas.
Le défaut de mention suffisante entraîne la nullité du suffrage, d’après
l’art. 34, et laisse subsister le bulletin. Notre loi distingue beaucoup mieux
que les lois anciennes les nullités de bulletins des nullités de suffrages. La
question du fond, elle a voulu et a dû la laisser à l’arbitrage du bureau ;
mais il n’en est pas de même de la question de forme, ce qui aurait présenté
les plus grands dangers. Il ne doit pas être permis à un bureau de déclarer
qu’un citoyen capable n’a pas concouru à une élection, lorsqu’il s’est conformé
à la loi.
On a comparé un bulletin, dont le suffrage est incomplètement désigné, à
un testament dont l’héritier n’est pas suffisamment qualifié. Mais la
comparaison tourne à notre avantage. L’institution d’héritier ne profitera à
personne ; mais le testament reste
valable dans sa forme, et il a l’effet de révoquer un testament antérieur. De même
le suffrage incomplet ne sera imputé à aucun candidat ; mais le bulletin qui le
contient sera compris dans le nombre des votes, et servira à fixer la majorité.
De cette manière, le citoyen qui a vu son suffrage annulé par suite
d’une erreur qu’il aurait commise, désignera mieux son candidat à un scrutin de
ballottage.
Il faut considérer le bulletin par rapport à celui à qui il s’adresse et
par rapport au nombre des votants.
La loi permet bien de diminuer le nombre des suffrages ; mais non pas de
diminuer le nombre des votants, si ce n’est dans les cas où elle l’autorise
expressément.
L’argument qu’on a tiré contre nous des art. 33
et 35 de la loi électorale, je l’avais entendu faire valoir hors de la chambre
et j’aurais pu y répondre d’avance, mais j’ai voulu voir si l’on s’en
servirait.
De ce que l’art. 33 dit que le bulletin est
valide dans les cas et de la manière qu’il détermine, il est absurde de
conclure qu’il n’y a de validité que lorsque la loi le porte expressément. Ce
raisonnement n’est vrai qu’en matière de nullité, parce que, ainsi que je l’ai
dit hier, la nullité est l’exception, et la validité la règle.
L’art. 33 n’a eu d’autre but que de prévoir une difficulté qui pouvait
se présenter, et ne se prête aucunement à la conséquence qu’on veut en tirer.
L’argument puisé dans l’art. 35 n’a pas plus de valeur. Il y est parlé
de voix ; mais quand une voix est-elle valable ? Quant un bulletin est-il nul ?
Quand un suffrage est-il nul ? Ces questions sont résolues par les articles
précédents et l’art. 35 n’y est pas contraire et ne fait que s’y référer.
On nous a reproché de ne pas avoir établi notre thèse. C’est un reproche
que nous ne méritions pas, car nous avions fondé sur les textes des principes
clairs et précis concernant les nullités de bulletins ou de suffrages.
Nous avons fait voir hier que ces principes ne peuvent pas être modifiés
par des lois anciennes, conçues autrement et dans un tout autre esprit.
Il y a des précédents pour le billet blanc et un billet portant Rococo.
J’ai admis ces précédents par respect pour la chambre, mais ils n’ont point
d’analogie avec des bulletins portant Raikem, etc. ; et j’avouerai, s’il le
faut, qu’il aurait mieux valu s’en tenir toujours à la loi qui limite les cas
de nullités ; c’eût été le plus sûr moyen de prévenir les nouvelles questions
de nullités qui se présenteront sans cesse.
Messieurs, je crois avoir réfuté les objections
faites par l’honorable M. Dubus. Je persiste dans mon opinion que l’élection de
M. de Behr doit être annulée. Ma conviction n’a été nullement ébranlée.
M.
Dubus. - Je demande la parole pour rectifier un fait.
(Non ! non ! Si ! si ! parlez
!)
M. Gendebien. - Alors je
réclame aussi la parole, car j’ai plusieurs observations à faire, et je n’ai point
pris part à la discussion.
M.
le comte F. de Mérode. - M. Dubus veut seulement
rectifier un fait ; il me semble qu’on ne peut lui refuser sa demande.
Plusieurs voix. - Parlez, M. Dubus !
M. Dubus. - Je ne rencontrerai plus
qu’un seul fait ; c’est à propos de la question de savoir s’il est constant
qu’il y a eu 4 bulletins. J’ai invoqué sur ce point l’assertion des
pétitionnaires qui l’ont reconnu eux-mêmes. Le préopinant répond que les pétitionnaires
ne connaissaient pas le procès-verbal du sud. Je trouve la preuve du contraire
dans ce fait qui est constaté, qu’ils ont demandé lecture du procès-verbal et
qu’ils l’ont obtenue.
M.
Fleussu. - Je demande la parole
M.
Dubus. C’est postérieurement à cette lecture que la
pétition est venue.
M.
Fleussu. - Je voulais faire observer que 1a protestation a
été signée d’une masse d’électeurs, avant qu’on ait pu obtenir la lecture du
procès-verbal. Depuis 4 heures jusqu’à 7 heures, il y a eu une discussion très
opiniâtre, précisément sur le refus de communication du procès-verbal, et l’on
n’en a pas permis l’inspection aux réclamants, mais on en a seulement donné
lecture.
M.
Dubus. - Je ne parle pas de la protestation, mais de la
pétition. (Aux voix ! aux voix !)
-
On demande l’appel nominal. Il y est procédé ; en voici le résultat :
Sur
85 votants, 52 se prononcent pour les conclusions de la commission et 33
contre.
En
conséquence, M. de Behr est proclamé membre de la chambre et sera admis au
serment.
Ont
voté pour :
MM.
Boucqueau, d’Hane, de
Foere, Wallaert, Dellafaille, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de
Nef, de Robiano de Borsbeeck,
de Roo, de Sécus, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Schaetzen, Devaux,
de Witte, Vanderheyden, Dubois, Dubus, Dugniolle, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Lebeau,
Helias d’Huddeghem, Simons, Longrée, Legrelle,
Doignon, Bekaert, Destambier Milcamps Morel-Danheel,
Nothomb, Olislagers, Smits, Polfvliet, Poschet, Raikem, Pollénus, Rogier, Ad. Dellafaille, Ullens, Goblet, M. Vanderbelen,
Verdussen, de Man, Vuylsteke, de Laminne, Brabant.
Ont voté contre : MM. Angillis, Berger,
Cols, Corbisier, Dautrebande, de Puydt, de Brouckere, Fleussu, Quirini, Frison,
Desmet, d’Hoffschmidt, d’Huart, Donny, Dumont, Ernst, Fallon, Gendebien,
Trentesaux, Jadot, Lardinois, Liedts, Meeus, Pirson, A. Rodenbach, C.
Rodenbach, Seron, Vandenhove, Van Hoobrouck, H Vilain XIIII, Watlet et Zoude.
M. le ministre des finances
(M. Duvivier) monte à la tribune et s’exprime ainsi. -
Messieurs, le budget des dépenses de 1833, qui avait été soumis aux
délibérations de la dernière chambre dès le 22 novembre dernier, présentait,
comparativement aux voies et moyens votés, un déficit d’environ 30 millions de
francs, non compris la dette fixée par le traité du 15 novembre 1831.
Pour
couvrir ce déficit, le gouvernement demanda la création d’une somme égale de
bons du trésor ; mais la législature n’accorda provisoirement que la moitié ;
restait donc une insuffisance de 15 millions.
Depuis
lors le budget de la guerre fut réduit de 6,567,000 fr., tandis que celui de
l’intérieur fut augmenté, par suite de la loi du 18 mars dernier, qui affecte
spécialement la taxe des barrières à l’entretien et à la construction des
routes, d’une somme de 1,636,000 fr.
Toute
balance faite, il manquait au-delà de 10,000,000 de
fr., pour atteindre la fin de l’exercice.
Au
nombre des avantages que nous procure la convention du 21 mai, nous pouvons
placer en première ligne la possibilité de réduire les dépenses de l’armée :
11,433,000 francs, se trouvent par là retranchés du service de la guerre.
Par
suite de ces réductions, messieurs, les nouveaux budgets qui vous sont
présentés ne s’élèvent ensemble, tant pour les dépenses ordinaires que pour les
dépenses extraordinaires, qu’au chiffre de 98,737,296
fr. 25 c., y compris les fiais de l’administration des territoires, à céder,
tandis que les ressources votées montent à 101,037,982 fr.
En
outre, les évaluations des recettes sont dépassées jusqu’ici par les résultats,
et si l’incertitude sur la législation des distilleries, fait présumer que
cette branche de produits ne s’élèvera pas, cette année, à la hauteur qu’on
avait d’abord supposée, du moins paraît-il certain que la différence sera plus
que couverte par les excédants des autres impôts.
L’annuité
de la dette déterminée au traité du 15 novembre ne figure pas au budget ; on
a jugé inutile de l’y comprendre,
puisqu’il ne peut entrer dans les intentions des chambres ni du gouvernement de
faire à l’avance des fonds pour la solder.
La
création de la dette flottante a nécessité le placement au budget d’une somme
d’un million pour intérêts et frais de négociations ; mais le succès des bons
du trésor, la faveur avec laquelle ils sont recherchés dans le commerce, faveur
qui ne peut qu’augmenter et qui réalise toutes les espérances, donnent lieu de
penser que les nouvelles émissions seront faites à un taux plus favorable.
Le
chiffre des pensions n’était, dans le premier budget de 1833, que de 2,700.000
fr. ; j’ai dû l’augmenter de 25,000 fr., par suite des admissions à la retraite
qui résultent de l’organisation judiciaire. L’impossibilité de déterminer, dans
une proportion précise, le nombre de décès, m’engage à comprendre, dans un même
numéro d’article, toutes les natures de pensions, pour ne pas devoir recourir à
des transferts inutiles.
Afin
d’éviter des frais assez considérables, le budget de l’intérieur n’a pas été
réimprimé. On introduira, par voie d’amendements les changements qu’on jugera
utile d’apporter dans ce budget, dont un exemplaire sera remis à chacun de MM.
les représentants qui n’ont pas fait partie de l’ancienne chambre. Toutefois,
on a fait disparaître de l’état général la somme affectée au Moniteur belge, qui se trouve maintenant
placé dans les attributions du ministre de la justice.
Le
budget de la guerre est reproduit tel qu’il a été adopté ; l’art. 1er du projet
de loi, et l’état général qui y est annexé, y apportent une réduction de 11,433,000 fr, ainsi que j’ai déjà eu l’honneur de le dire. Le
temps a manqué pour répartir le montant de cette réduction sur chacun des
articles susceptibles d’être diminués, et c’eût été d’ailleurs soumettre le
budget de la guerre à une discussion nouvelle et inutile ; le moyen proposé garantit
aux chambres et au pays que la réduction indiquée sera réalisée.
Quant
au budget du ministère des finances, vous remarquerez, messieurs, qu’il
présente une diminution de 164,878 fr. sur celui de l’année dernière, et par
conséquent un chiffre de 131,175 fr. moins élevé que celui du budget présenté
le 22 novembre dernier.
L’administration
centrale de ce département n’a pu faire le service avec les sommes allouées en
1832. Les réductions avaient été opérées sans égard aux réclamations du
ministre et au travail chaque jour plus considérable de cette importante
branche de l’administration publique ; j’ai dû rétablir les demandes à la
hauteur des besoins réels, et comme l’exigent impérieusement l’ordre et la
prompte expédition des affaires Mais messieurs, tout en maintenant et le nombre
d’employés indispensable et le juste salaire dû à leurs travaux, je suis
parvenu à obtenir une diminution sur l’ensemble du même chapitre. Ainsi donc,
par l’économie qui j’ai introduite dans les achats et l’emploi du matériel, l’administration
centrale coûtera 1,595 fr. de moins que l’an dernier.
Messieurs,
la présentation du budget de 1834 pourra suivre de près l’adoption de celui que
j’ai l’honneur de vous soumettre. Rentré ainsi dans les voies régulières et
constitutionnelles, le gouvernement s’occupera avec plus de suite des
améliorations financières que réclament encore les besoins du pays :
« LEOPOLD,
Roi des Belges,
« A
tous présents et à venir, salut,
« De
l’avis de notre conseil des ministres,
« Nous
avons arrêté et arrêtons :
« Le
projet de loi dont la teneur suit sera présenté en notre nom à la chambre des
représentants, par notre ministre des finances ad interim.
« Art.
1er. Les dépenses du ministère de la guerre, fixées, pour 1833, par la loi du
19 avril dernier, à soixante-six millions quatre cent trente trois mille
francs, sont réduites de onze millions quatre cent trente-trois mille francs. -
« La
répartition de cette réduction sera opérée par le ministre de la guerre.
« Art.
2. Le budget général des dépenses de l’Etat, pour l’année 1833, est fixé à la
somme de quatre-vingt-dix-huit millions deux cent neuf mille quatre cent
quatre-vingt-dix-neuf francs vingt-cinq centimes, répartie conformément à
l’état ci-annexé.
« Art.
3. Il est en outre alloué une somme de cinq cent vingt-sept mille sept cent
quatre-vingt-dix-sept francs, pour compléter le crédit nécessaire au service du
département des finances dans les provinces du Limbourg et du Luxembourg.
« Cette
somme est répartie de la manière suivante :
« Administration
des contributions directes, douanes et accises.
« 1°
Personnel, fr. 222,000
« 2°
Matériel et dépenses diverses, fr. 14,250
« Administration
de l’enregistrement et des domaines.
« 3°
Personnel, fr. 102,740
« 4°
Matériel et dépenses diverses, fr. 164,200 »
« Administration
des postes.
« 5°
Personnel, fr. 7,380
« 6°
Matériel et dépenses diverses, fr. 17,137
« Total,
fr. 527,797.
« Donné
à Bruxelles, le 12 juin 1833.
« -
LÉOPOLP.
« Le
ministre des finances ad interim
« Aug. Duvivier. »
M. Raikem cède le fauteuil à M.
Dubus, vice-président.
M. C. Rodenbach. - Messieurs, il y a
parmi nous vingt-quatre membres au moins, qui n’ont pas encore été en sections
; il serait donc important que le budget qui vient de nous être présenté fût
examiné en sections (oui ! oui !) pour
que ces nouveaux membres prissent part au travail.
M. Legrelle. - J’ai entendu dire
par M. le ministre des finances que la présentation du budget de 1834 suivrait
de près le budget de 1833. Je demanderai, comme l’honorable M. Rodenbach, que
l’examen des recettes et des dépenses pour 1833 ait lieu dans les sections ;
mais en même temps, pour donner un nouveau motif de zèle aux membres de ces
sections, je voudrais qu’ils eussent à examiner à la fois le budget de 1833 et
celui de 1834, et pour cela il faudrait que celui de 1834 nous fût présenté de
suite.
Plusieurs membres. - Cela n’est pas possible.
M. Legrelle. - Cela est possible si ce qu’a dit M. le ministre
des finances est exact ; rien n’empêche que le budget de 1834 nous soit
présenté immédiatement.
M. Dumortier. - C’est précisément parce que
la présentation du budget de 1833 doit suivre immédiatement celle du budget de
1834, que je combats la proposition de M. Legrelle, en adoptant celle de M.
Rodenbach. Pour faire marcher rondement le budget de 1834, il faut que celui de
1833 ait été mûrement examiné ; et alors celui de 1834 ne sera plus que très
secondaire, et pourra être voté en connaissance de cause, mais rapidement.
M. le ministre des finances
(M. Duvivier) - Je n’ai pas dit que le budget de 1834 suivrait
médiatement ou immédiatement celui de 1833 ; j’ai dit que la présentation du
budget de 1834 pourrait suivre de près l’adoption du budget de 1833.
M.
Dumont. - L’année à laquelle s’applique le budget de 1833
est déjà fort avancée ; d’un autre côté, une grande partie de l’assemblée a
déjà examiné ce budget en sections ; je crois donc qu’il faudrait prendre
maintenant la voie la plus courte, et renvoyer l’examen à une commission. (Aux voix ! aux voix !)
-
La chambre, consultée, décide que le budget sera examiné en sections.
M. Raikem reprend le fauteuil.
COMMUNICATION
DU GOUVERNEMENT RELATIVE A LA SITUATION DIPLOMATIQUE DE LA BELGIQUE (CONVENTION DU 21 MAI 1833)
M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet) prend la parole pour
une communication du gouvernement. - Messieurs, le ministère actuel, en
acceptant le pouvoir, ne s’est pas dissimulé la responsabilité de sa position
et la grandeur des devoirs qu’elle lui imposait. Avec une telle conviction, il
était indispensable que son système fût réduit à des éléments positifs. Tout ce
qui ne revêtait pas ce caractère pouvait compromettre notre indépendance et
devait être rejeté.
Du
moment où il y est entré jusqu’à ce jour, il n’en a pas dévié un seul instant ;
il y a marché d’un pas sûr, sinon rapide, et sa route fut marquée par des faits
qui sont, pour le pays, autant de témoignages de l’efficacité et de
l’opportunité du plan qu’il suivit.
C’est
dans le rapport que j’ai fait aux deux chambres le 16 novembre de l’année
dernière, que les questions relatives à la situation politique dans laquelle
divers événements avaient placé
Depuis,
des négociations, appuyées sur les moyens matériels dont le gouvernement avait
réclamé l’emploi des puissances garantes, ont été entamées entre
Le
rôle que nous avons eu à remplir pendant ces négociations était simple. Nous ne
pouvions nous attribuer le droit de prescrire aux puissances exécutrices les
moyens propres à atteindre le but proposé ; elles s’en étaient réservé le
choix, ainsi que je l’ai démontré dans une autre occasion, et l’on sent
parfaitement que les devoirs que leur imposait la situation de l’Europe leur
rendaient cette latitude indispensable. Dans cette position notre rôle devait
se borner à veiller à ce que les actes qui pouvaient résulter des négociations
ne consacrassent aucune atteinte aux droits acquis à
Tous
les documents diplomatiques, relatifs aux négociations dont il s’agit, seront
imprimés. Chacun de vous, messieurs, sera ainsi mis à même de juger avec
connaissance de cause de l’état où s’est trouvée placée successivement la
question extérieure.
La
tâche que j’ai aujourd’hui à remplir ne peut donc être longue. Il ne s’agit
plus de porter dans vos esprits les convictions qui animaient les nôtres
lorsque nous défendions contre l’impatience publique la politique que l’intérêt
bien entendu du pays nous avait fait adopter et dont nous allons recueillir de
nouveaux fruits. C’est un résultat matériel, palpable, qui vous est offert : il
me suffira de vous l’exposer pour vous en faire apprécier toute la valeur.
La
note du 14 février et les explications que j’ai données dans cette enceinte le
23 mars suivant, ont dû, messieurs,, vous faire pressentir que l’arrangement
complet qui doit clore nos différends avec
J’ai
exposé, dans cette même séance du 23 mars, les conditions auxquelles nous
subordonnions notre consentement à une convention préliminaire. Ces conditions
ont été posées à
Cette
communication a été faite à notre ministre à Londres dans les termes suivants :
« Londres,
le 1er juin 1833.
« Les
soussignés, ambassadeur extraordinaire de S. M. le roi des Français et le
principal secrétaire de S. M. B. pour les affaires étrangères, ont l’honneur
d’adresser à M. Van de Weyer, ministre plénipotentiaire de S. M. le Roi des
Belges, une copie de la convention conclue le 21 mai entre eux et son Exc. M.
Dedel, envoyé extraordinaire de S. M. le roi des Pays-Bas, et dont les
ratifications ont été échangées le 29 du même mois.
« Les
soussignés éprouvent une grande satisfaction en communiquant à M. Van de Weyer
cette convention qui ne peut être que favorablement accueillie par son
gouvernement, puisqu’elle assure d’abord à
« Le
gouvernement belge observera aussi que les parties contractantes, dans cette
convention, n’ont pas perdu de vue un arrangement définitif au moment où elles
en concluaient un préliminaire et que, par l’art. 5, elles s’obligent à
s’occuper sans délai du traité définitif.
« Les
soussignés ont encore un devoir à remplir : le gouvernement des Pays-Bas a pris
l’engagement envers les deux puissances de ne pas recommencer les hostilités
envers
«
Les gouvernements de France et de
« Les
deux puissances se sont engagées à ce que les communications entre la
forteresse de Maestricht et la frontière du Brabant néerlandais, et entre
ladite forteresse et l’Allemagne, resteraient libres et sans entraves. Cet
engagement ne fait que stipuler la continuation d’un état de choses qui a
longtemps existé du consentement déclaré et d’après les ordres positifs du
gouvernement belge.
« Les
soussignés, en invitant le gouvernement belge à faire aux deux puissances une
déclaration formelle et satisfaisante sur ces deux points, sont donc convaincus
qu’en agissant ainsi, ils ne font que réclamer de sa part ce qu’une impulsion
spontanée de ce gouvernement l’aurait porté à offrir.
« Les
soussignés ont l’honneur d’offrir à M. Van de Weyer l’assurance de leur haute
considération.
« Signé,
Talleyrand, Palmerston. »
Ainsi,
messieurs, nous sommes mis en possession de la plupart des avantages qui nous
sont assurés par le traité du 15 novembre, de ceux qui peuvent être considérés
comme les plus indispensables au développement de nos facultés commerciales. La
convention préliminaire nous donne, en effet, la jouissance immédiate de la
navigation de
La
stipulation relative à la cessation indéfinie des hostilités n’est pas une des
moins importantes de la convention qui nous occupe. Vous savez, en effet,
messieurs, et je l’ai fait observer dans la séance du 23 mars, qu’il n’existait
de la part de
D’un
autre côté, nous ne devons pas, avant la conclusion de la paix, nous dessaisir
de cette influence dont l’impulsion a si puissamment contribué à l’avancement
de nos affaires. Par les mesures qui vont été prises, nous serons, au besoin, à
même de remettre à l’instant l’armée sur le pied de guerre le plus complet.
C’est ainsi que nous avons cru pouvoir concilier les intérêts du trésor avec
ceux de notre sûreté intérieure et de notre politique étrangère.
Les
considérations dans lesquelles je viens d’entrer suffiront, messieurs, pour
vous faire apprécier, dans ses conséquences relativement à
Les
plénipotentiaires des deux puissances exécutrices, en nous notifiant la
convention qu’ils venaient de conclure, nous avaient demandé de contracter
l’engagement : 1° de ne pas reprendre les hostilités contre
Le
gouvernement a cru pouvoir satisfaire à ces deux points sans contracter
véritablement d’engagements nouveaux, et, répondant à la notification qui nous
avait été adressée, notre plénipotentiaire s’est exprimé de la manière suivante
:
« Londres,
le 10 juin 1833
« Le
soussigné, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de S. M. le Roi
des Belges près S. M. britannique, s’est empressé de transmettre à son
gouvernement la copie de la convention du 21 mai, et la note du 1er juin que LL. EE. MM. l’ambassadeur
extraordinaire de S. M. le roi des Français et le principal secrétaire d’état
de S. M. britannique pour les affaires étrangères lui ont fait l’honneur de lui
adresser.
«
La convention du 21 mai, sans mettre pleinement à exécution le traité du 15
novembre 1831, assure néanmoins à
«
Fort des droits qui lui sont irrévocablement acquis, le gouvernement du Roi,
tout en exprimant ses regrets des nouveaux retards qui peuvent être apportés à
la complète exécution du traité du 15 novembre 1831, attendra avec confiance le
résultat des nouvelles négociations annoncées par l’art. 5 de la convention, et
dans lesquelles les puissances ne peuvent avoir d’autre objet que d’aplanir, par
des arrangements de gré à gré entre les deux parties, les difficultés qui
s’opposent encore à l’exécution finale de ce traité.
« Il
reste au soussigné, pour achever sa tâche, de répondre aux demandes que LL. EE. ont bien voulu soumettre
à sou gouvernement : il s’estime heureux d’avoir à leur communiquer des
mentions entièrement conformes aux vues de paix et de conciliation dont les
puissances se sont montrées animées pour l’affermissement progressif d’un ordre
de choses si étroitement lié aux grands intérêts de l’Europe.
« En
souscrivant en novembre 1830 à la suspension d’armes qui lui était demandée,
«
Le gouvernement du Roi s’engage en outre à continuer un état de choses qui
existe depuis le commencement de l’année 1831, en maintenant libres et sans
entraves les communications entre la forteresse de Maestricht et la frontière
du Brabant néerlandais, et entre ladite forteresse et l’Allemagne.
« La
convention du 21 mai pourrait, pour la mise en pratique de certaines
stipulations, nécessiter des dispositions réglementaires qui, en facilitant les
relations réciproques, seraient également avantageuses aux deux parties
directement intéressées, en même temps qu’elles rentreraient dans les vues de
« Le
soussigné prie LL. EE. d’agréer les assurances de sa haute considération.
« Signé,
Silvain VAN DE WEYER »
Vous
voyez, messieurs, que, dans la note dont vous venez d’entendre la lecture, le
gouvernement est parti de deux points principaux : le premier, de ne se
désister d’aucun des droits résultant pour lui du traité du 15 novembre ; le
second, d’éviter de contracter des engagements nouveaux.
Nous réservons tous les droits qui nous sont acquis
par le traité, en considérant la convention du 21 mai comme le commencement
d’exécution de ce traité. Nous évitons de contracter des engagements nouveaux
en regardant l’armistice indéfini, formellement stipulé par la convention du 21
mai, comme la continuation d’un état de choses que les actes de la conférence
et le consentement des parties ont formellement ou tacitement établi dans le
mois de novembre 1830, et que nous avons respecté.
Voilà,
messieurs, la position que le gouvernement a cru devoir se faire ; il compte,
pour s’y maintenir, sur le concours de votre patriotisme. (L’impression ! l’impression !)
M. Dumortier. - Je n’ai pas
l’intention d’entamer dès à présent la discussion. Le jour viendra où je vous
montrerai combien on nous a leurrés avec cette convention du 21 mai que l’on
nous préconise d’une manière si étrange ; mais je ne puis m’empêcher de faire
remarquer dès à présent combien il est étonnant que ce soit depuis que la
chambre est constituée, que le gouvernement ait cru devoir donner son adhésion
à un traité destructif de tout ce que nous avons attendu jusqu’à ce jour.
Lorsque nous avons adopté le traité du 15 novembre, messieurs, nous n’avons pas
entendu le séparer de la clause de garantie qu’il renfermait et qui n’existe
plus.
Puisque
le roi Guillaume a obtenu un traité à son avantage, je m’étonne que le
gouvernement y ait adhéré et ait renoncé au droit de faire valoir par les armes
des droits constamment méconnus dans les négociations.
Je
dois demander encore une explication sur une phrase remarquable du rapport. M.
le ministre des affaires étrangères vous a rapporté que l’envoyé de S. M. le
Roi des Belges avait dit à la conférence que le gouvernement attendait avec
confiance le résultat des nouvelles négociations. Je vous ferai remarquer qu’il
n’est déjà plus question du traité du 15 novembre dont on nous avait si souvent
entretenus. Il y a donc maintenant un nouveau traité à fabriquer, et le
gouvernement attend avec confiance le résultat des négociations ; je demande
quel est le nouveau traité et quelles puissances doivent y coopérer.
Puisque
nous voici revenus en septembre, qu’on nous dise donc que fera le nouveau
traité et quelles en seront les parties.
Plusieurs membres. - Nous n’avons pas maintenant à nous occuper de
cette question.
-
La séance est levée à quatre heures.
Comme
il n’y a rien à l’ordre du jour de demain, il n’y aura séance que lundi.