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Chambre des représentants de Belgique
Séance royale du 13
novembre 1832
(Moniteur belge
n°318, du 15 novembre 1832)
Dans la salle des séances de la chambre des représentants,
préparée pour cette solennité, MM. les représentants et MM. les sénateurs se
sont réunis en assemblée générale, sous la présidence de M. van Hoobrouck de
Mooreghem, sénateur, doyen d’âge, assisté de deux secrétaires. MM. Liedts et
Henri de Brouckere, tous deux représentants, et les plus jeunes de l’assemblée,
remplissaient ces fonctions.
On comptait environ cent vingt membres dans la réunion
: parmi les membres présents, on remarquait que MM. les représentants étaient
proportionnellement plus nombreux que MM. les sénateurs.
Les tribunes publiques et réservées ont été, de bonne
heure, remplies d’auditeurs ; un grand nombre n’ont pu trouver place. Tout le
monde paraissait empressé de connaître les paroles que le Roi allait prononcer
dans des circonstances aussi graves.
A midi et demi M. le président agite sa sonnette. On va,
dit-il, procéder au tirage au sort des membres qui composeront la grande
députation chargée d’aller recevoir S. M. Cette députation doit être formée de
six sénateurs et de douze représentants.
Le sort amené les noms suivants :
Sénateurs : MM. Barré de Comogne, de Stassart, de
Guchtenere, d’Ansenbourg, Cartier d’Yves, de Man d’Hobruge.
Représentants. MM. Jacques, H. Vilain XIIII, C.
Rodenbach, de Terbecq, Ullens ? de Tiecken de Terhove, Olislagers,
Raymaeckers, Jaminé, Jonet, de Meer de Moorsel. Boucqueau de Villeraie.
M. le président. - Nous
allons maintenant tirer au sort les membres de la députation qui ira recevoir
la Reine. Cette députation sera composée de deux sénateurs et de quatre
représentants.
Les noms suivants sont désignés par le sort : .
Sénateurs
: MM. Le comte d’Andelot, Vanderlinden d’Hoogvorst.
Représentants : MM. Nothomb, Rouppe, comte Félix de
Mérode, H. Dellafaille.
Dans la tribune réservée au corps diplomatique, on remarque
la présence de M. le comte de Latour-Maubourg, sir Robert Adair, l’envoyé des
Etats-Unis M. Légaré, et MM. les secrétaires de légation, tous en grand
costume.
M. le général baron Evain, ministre de la guerre ; M.
le général Goblet, ministre des affaires étrangères ; M. Lebeau, ministre de la
justice ; M. Charles Rogier, ministre de l’intérieur ; M. de Mérode, ministre
d’Etat, et M. Duvivier, remplissant par intérim les fonctions de ministre des
finances, viennent successivement prendre place au banc des ministres. Les deux
premiers sont revêtus de l’uniforme de général ; les autres ministres sont
vêtus en habit de ville.
A une heure et un quart la Reine est introduite, elle
occupe une tribune réservée à la droite du trône et en face de celle du corps
diplomatique. Des applaudissements prolongés accueillent la Reine à son
apparition dans sa tribune.
Le bruit du canon annonce déjà le départ du Roi de son
palais, et bientôt après il entre dans la salle. Il est revêtu de l’uniforme de
la garde civique Les membres de la grande députation l’entourent et un nombreux
et brillant état-major le suit. L’assemblée se lève ; tous les membres et les
spectateurs des tribunes battent des mains et font entendre les cris prolonges
de : « Vive le Roi ! »
Le Roi monte sur son trône, se couvre et prononce le
discours suivant :
« Messieurs,
« Les quatre mois qui se sont écoulés depuis la
clôture de la dernière session, ont vu s’accomplir des faits importants pour
l’avenir du pays.
« La Belgique a été successivement reconnue par
les puissances de l’Europe, et le pavillon national admis dans la plupart des
ports étrangers.
« Mon union avec la fille aînée du roi des
Français, en resserrant nos liens avec un peuple généreux, est devenue pour moi
une nouvelle occasion de recevoir, de la plupart des cours de l’Europe, des
témoignages d’amitié et des vœux pour l’affermissement et le bien-être du
nouvel Etat.
« Après de longs délais, moins nuisibles
cependant qu’on ne devait le craindre aux intérêts du pays, le moment est enfin
arrivé où j’ai pu répondre aux vœux des chambres et de la nation, en amenant
les puissances garantes du traité du 15 novembre à en assurer l’exécution. Les
puissances avaient acquis la certitude qu’en s’abstenant plus longtemps de
recourir à des moyens coercitifs, elles plaçaient la Belgique dans l’imminente
nécessité de se faire justice à elle-même ; elles n’ont pas voulu courir cette
chance de guerre générale. Liées par une convention formelle, deux d’entre
elles se sont engagées à commencer l’exécution du traité par l’évacuation
immédiate de notre territoire. Les flottes de France et d’Angleterre réunies
enchaînent le commerce et la Hollande, et si ces moyens de coercition ne
suffisent pas, dans deux jours une armée française viendra, sans troubler la
paix de l’Europe, prouver que les garanties données n’étaient pas de vaines
paroles.
« Tels sont, messieurs, les fruits de la
politique soutenue jusqu’ici par le gouvernement : c’est avec confiance que je
ferai soumettre à votre examen les négociations qui ont amené ce résultat.
« La solution des principales difficultés qui
entravaient la marche du gouvernement lui permettra, messieurs, de s’occuper
plus exclusivement des améliorations administratives et financières que réclame
l’intérêt du pays.
« Déjà l’organisation du pouvoir judiciaire est
venue compléter la constitution politique de l’Etat, et asseoir sur des bases
définitives l’indépendance des magistrats.
« En même temps que les budgets de l’année 1833
vous seront présentés, vous aurez sous les yeux les comptes de 1830 et 1831.
« La seconde partie de l’emprunt que vous avez
autorisé a été contractée à un taux avantageux, eu égard aux circonstances. Ces
circonstances, communes à presque toutes les contrées de l’Europe, ont entraîné
pour la Belgique un surcroît de dépenses qui devra être couvert par un surcroît
de charge. Le pays saura se résigner à des sacrifices nécessaires, en jetant
les yeux autour de lui et en se rappelant qu’à aucune époque il n’a, malgré la
gravité des événements, vécu sous un régime d’impôts aussi modéré et aussi
doux.
« Si l’exécution du traité par les puissances
doit empêcher notre jeune et belle armée de signaler sa valeur, son dévouement
m’est garant que, dans le cours des évènements qui se préparent, la violation
du territoire par l’ennemi ou tout autre acte d’agression contre la Belgique,
n’aurait pas lieu impunément.
« Les intérêts de cette armée sont l’objet de ma
vive sollicitude. Il est difficile encore de fixer l’époque d’un désarmement devenu
plus probable aujourd’hui. Un projet de loi sur l’organisation de l’armée, en
temps de paix, vous sera toutefois présenté. L’avancement, les pensions,
deviendront aussi l’objet de lois particulières.
« L’administration provinciale et communale est
restée dans un provisoire qui affaiblit les ressorts de l’Etat, et prive les
localités de plusieurs de leurs avantages et de leurs droits. Ce sera un des
objets les plus importants de vos délibérations. Si la durée de la session le
permet j’appellerai aussi, cette année, votre attention sur l’enseignement
public.
« Des imperfections ont été remarquées dans les
lois sur la garde civique et la milice. Les améliorations indiquées par
l’expérience vous seront proposées. Quelques parties de notre législation
pénale seront également soumises à une révision qui les mette en harmonie avec
les institutions et la moralité du pays.
« La situation générale du royaume continue à
être satisfaisante. L’événement a prouvé que les craintes conçues sur l’avenir
du commerce et de l’industrie étaient exagérées. Je suis heureux de pouvoir
vous apprendre que les revenus de l’Etat pour l’année courante ont dépassé
toutes les prévisions. De nouvelles communications ont été ouvertes à
l’intérieur. D’autres sont préparées, et je m’occupe sans relâche du soin
d’ouvrir des débouchés et d’étendre nos relations commerciales à l’étranger.
« Le fléau qui a dépeuplé d’autres contrées a
exercé beaucoup moins de ravages parmi nous ; la prévoyance administrative
peut, en partie, s’applaudir de ce résultat.
« Nous touchons à un grand événement, messieurs.
L’affranchissement du territoire doit contribuer à affermir la confiance
publique. Mais vous vous souviendrez avec douleur que la Belgique tout entière
n’a pas été adoptée par l’Europe. Lorsque le jour de la séparation sera venu,
nous ne méconnaîtrons point les services rendus par les populations qui se
sont, avec tant de dévouement, associées à notre cause. Elles n’ont pas cessé
d’occuper ma pensée ; elles méritent de fixer celle de la nation.
« Je compte, messieurs, que l’harmonie ne cessera
de régner entre les grands pouvoirs de l’Etat, et que la patrie continuera de
trouver sa force dans l’union de tous ses enfants. »
- Ce discours prononcé, S. M. se lève, ôte son
chapeau, salue l’assemblée qui fait entendre d’unanimes acclamations, et sort
de la salle, reconduit par les membres de la grande députation.
Quoique le Roi soit sorti, on remarque que les
ambassadeurs restent dans la tribune qu’ils occupent.
M. le président agite sa sonnette, et réclame le
silence. Il remercie l’assemblée de la bienveillance qu’elle lui a témoignée ;
il déclare que la séance générale est levée, et il descend du fauteuil.
MM. les sénateurs se retirent dans la salle de leurs
séances.
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