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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 9 mars 1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Rapports sur des pétitions. Ajournement et
périodicité de leur présentation (de Haerne)
2) Projet de loi portant le budget de l’Etat pour
l’exercice 1832. ((Discussion politique générale) (Goblet,
H. de Brouckere), agitation orangiste et mise en
état de siège à Gand et à Anvers) (Delehaye,
(+responsabilité ministérielle) Raikem, Osy,
A. Rodenbach, Lebeau, Gendebien, (expulsion d’un étranger) Jullien,
(niveau général des taxes) Pirmez, Coghen,
(nomination en tant que ministre sous le régent, agitation orangiste et mise en
état de siège à Gand et à Anvers) Gendebien,
(agitation orangiste et mise en état de siège à Gand et à Anvers) (Raikem, Ch. de Brouckere), de Haerne, (agitation orangiste et mise en état de siège
à Gand et à Anvers) Gendebien, Dumortier,
Ch. de Brouckere, Devaux, Jullien, Delehaye, d’Elhoungne, Gendebien)
(Moniteur belge n°71, du 11 mars 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est
ouverte à midi et demi.
Après l’appel
nominal, le procès-verbal est lu et adopté.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
M. Lebègue
analyse quelques pétitions, qui sont renvoyées à la
commission.
RAPPORTS SUR DES
PETITIONS
L’ordre du jour
est le rapport des pétitions.
M. l’abbé de Haerne fait une motion d’ordre tendante à ajourner le rapport des pétitions
jusqu’après la discussion du budget.
Après un léger
débat, la chambre remet à huitaine le rapport qui devait avoir lieu
aujourd’hui, et décide que, pendant toute la discussion du budget, une séance
sera consacrée aux pétitions tous les quinze jours seulement.
- En conséquence,
on passe à la suite de l’ordre du jour qui est la continuation générale des
budgets.
Discussion générale
M. Goblet. - (Nous donnerons son discours) (Note du webmaster : ce discours n’a pas
été retrouvé.)
M. H. de Brouckere. - Je ne m’attendais pas,
messieurs, à ce que les paroles que j’ai prononcées dans une de vos dernières
séances me valurent l’honneur d’être réfuté par plusieurs ministres, et par
deux honorables membres qui siègent non loin de moi. De ces derniers, l’un m’a
prêté des choses qui ne sont point sorties de ma bouche : son discours se
réfute par la lecture du mien : l’autre m’a attaqué avec un peu d’amertume ; je
ne lui en veux pas. Il prétend qu’en disant que son rapport manquait de logique
et renfermait plus de figures de poésie et de rhétorique que de raisonnements
justes et sains, j’ai voulu faire entendre qu’il n’avait pas le bon sens. Il a
eu tort : mais un peu d’aigreur est permise à un amour-propre ainsi froissé.
Mes raisonnements n’en restent pas moins débout.
J’avais dit aux
ministres que je regrettais qu’ils n’eussent jusqu’ici montré ni unité de vues,
ni principes arrêtés, ni une énergie insuffisante ; ils me demandent de citer
des faits. Rien ne me serait plus facile, messieurs, et je n’aurais que
l’embarras du choix ; j’ajouterai même que, parmi ces faits, il en est qui
regardent particulièrement M. le ministre de l'intérieur, qui m’a répondu avec
le plus d’assurance. Mais je n’aime point à désigner des individus à la
tribune, ce qui n’est d’ailleurs pas très parlementaire, et ce qu’il faudrait cependant que je fisse pour
satisfaire au désir de MM. les ministres. Le pays jugera si j’ai dit vrai ; en
attendant, je ne crains pas de leur assurer que mes observations sur leur
manière de gouverner ont déjà été ratifiées par un grand nombre de membres de
cette chambre, par des hommes qui plus que moi sont leurs amis politiques, je
dirai même par des fonctionnaires d’un ordre supérieur.
M.
le ministre de la justice s’écrie : « Vous demandez notre but ? Notre but
est de consolider la Belgique et d’assurer son indépendance. Vous demandez
notre système ? Notre système est le salut de la patrie, et si son salut dépend
de nous, il est certain. » Oui, sans doute, nous le regardons comme
certain, pour autant qu’il dépende de votre bonne volonté ; personne de nous ne
doute de vos intentions, de votre patriotisme et de votre intégrité ; moi-même
je vous ai déjà rendu pleine justice à cet égard. Mais si, pour consolider la
Belgique, pour assurer le salut de la patrie, vous pensiez, par exemple, qu’il
faut consentir à de nouvelles concessions au-dehors, accepter encore quelques
articles qui feraient suite aux vingt-quatre ; si vous pensiez qu’il faut
au-dedans persister dans un système que vous nommez de douceur et de prudence,
et que j’appelle, moi, de timidité et de faiblesse : dès lors, je vous dirai
qu’en voulant sauver le pays, vous pourriez bien le conduire à sa perte.
Mais
je m’arrête, messieurs. Le ministère a pris depuis deux jours l’atttude que
j’aurai voulu lui voir prendre depuis longtemps ; il a enfin montré le
caractère qui lui convient. Qu’il persiste ; et si, parfois, je me lève encore
dans cette assemblée, ce ne sera que pour le défendre et le soutenir.
M. Delehaye. - (Nous donnerons ce
discours). (Note du webmaster : ce
discours n’a pas été retrouvé).
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - L’honorable orateur qui a
parlé en dernier lieu est revenu sur la mise en état de siège de la ville de
Gand, et précédemment on a longuement discuté sur celle de la ville d’Anvers.
Je reprendrai les choses au point où elles ont été laissées hier par mon
honorable collègue M. le ministre de la guerre. On nous reproche, a-t-il dit,
un défaut d’énergie, et en même temps on nous accuse de persister avec
entêtement dans une première résolution. J’ajouterai : On reproche au ministère
le défaut d’unité ; et voilà que l’honorable M. de Robaulx réunit deux
départements ministériels pour avoir concouru à la même mesure. Et contre qui
cette mesure a-t-elle été prise, messieurs ? Contre les ennemis de la Belgique
et outre ceux qui voudraient les favoriser. Voilà donc le ministère d’accord
pour ce qui concerne la défense du pays, et c’est le principal.
Mais, à entendre
un honorable membre, c’est une violation flagrante de la constitution ; à en
entendre un autre, la mesure surpasse tous les actes de despotisme du
gouvernement déchu. Reprenons successivement ces deux reproches.
Après cet exorde,
l’orateur, entrant en matière, soutient que la mise en état de siège n’a rien
d’inconstitutionnel ; qu’il n’y a rien dans la constitution qui s’y oppose, et
qu’au contraire la conséquence de l’article 68 est que le pouvoir exécutif, en
état de guerre, doit prendre toutes les mesures convenables pour la défense du
pays, comme de mettre une ville en état de siège, et, quand l’état de siège
existe, de faire tous les actes qui en sont la suite. Il invoque le décret du
24 décembre 1811, qui, n’ayant point été déclaré inconstitutionnel, est
toujours en vigueur.
Relativement aux
cas particuliers, ils sont de la compétence des tribunaux, et rien ne gêne
l’indépendance des juges.
Répondant à
l’honorable membre qui a opposé contre le gouvernement les articles 94 et 98 de
la constitution, M. Raikem démontre, d’une part, qu’il n’a pas été créé de
commission ni de tribunal extraordinaire, et de l’autre, en ce qui a rapport au
jury, il se trouve, pour le cas où l’on cherche à porter atteinte à la défense
du pays, une exception dans l’article 105 de la constitution, qui reconnaît
l’existence des tribunaux militaires et leurs attributions.
Quant à l’individu
expulsé de Gand, il n’est pas Belge, et, le fût-il, le décret du 24 décembre
1811 autorisait son expulsion.
M. le ministre de
la justice termine ainsi. - Messieurs, je m’étonne de voir un honorable membre élever
les griefs du gouvernement actuel au-dessus de ceux du pouvoir déchu, et ne pas
proposer une mise en accusation. Une proposition de mise en accusation doit
être la conséquence nécessaire d’une semblable opinion. Qu’on nous mette donc
en accusation, car j’avoue que je préférerais l’énergie dans les actes à celle
dans les discours ; si ce qu’on allègue était vrai, une proposition de mise en
accusation serait véritablement énergique. Mais il est plus facile de se faire
à la fois accusateur et juge dans une opinion que l’on émet.
Du reste, messieurs, je vous
dirai toute ma pensée. Tout homme est sujet à se tromper, et si je
reconnaissais avoir commis quelque erreur, je ne craindrais pas d’en faire
l’aveu.
Mais quand il
s’agira de mesures utiles, même nécessaires à la défense du pays, jamais je ne
fléchirai ni ne reculerai devant la responsabilité que la loi constitutionnelle
m’impose.
M. Osy. - (Nous donnerons son
discours.) (Note du webmaster : ce
discours n’a pas été retrouvé.)
M. A. Rodenbach. - (Nous donnerons son
discours.) (Note du webmaster : ce
discours n’a pas été retrouvé.)
M. Lebeau. - Je ne me proposais pas de
prendre la parole dans la discussion générale, d’abord parce que je ne voulais
pas la prolonger et ensuite parce que je pensais que cette discussion était
inutile, alors que les objets qui y ont été traités avaient été tant de fois
passés en revue. Ce n’est pas là une censure de ma part, ce n’est qu’une opinion.
Mais je me propose de dire quelques mots à un honorable membre, sur la mise en
état de siège, et d’ajouter quelques réflexions aux observations incomplètes du
ministre de la justice.
Tout le monde
convient qu’une constitution est faite dans la prévision d’un état de paix, et
que, s’il en était autrement, on ferait pour le cas de guerre des dispositions
exceptionnelles A coup sûr il n’entre dans l’idée de personne de faire, de la
stricte exécution de la constitution, des armes à l’ennemi extérieur. Une constitution,
messieurs, a pour but d’organiser l’ordre et la défense du pays, et non pas de
le placer dans une position défavorable à l’égard du pays voisin ; car,
autrement, le législateur aurait fait un travail tout en faveur de l’ennemi qui
ne s’est pas enchaîné par de semblables obligations. Une circonstance qui n’a
pas encore été remarquée, et qui doit rassurer contre les abus de la mise en
état de siège, c’est que l’état de guerre n’est pas créé par le gouvernement ;
c’est un fait, et surtout pour les Etats inférieurs, c’est un fait dont il leur
faut subir les conséquences. Ainsi, les antécédents posés par le ministère, à
l’égard des villes de Gand et d’Anvers, étaient un fait qui résultait de la
guerre, fait qu’il n’a point créé, mais qui l’a dominé et l’a obligé de céder à
une force majeure.
On dit que l’état
de siège ne se trouve pas dans la constitution ; mais le droit de faire la
guerre y est dans la constitution ; et s’est-on bien pénétré, messieurs, de
toutes les conséquences de ce droit ? A-t-on bien réfléchi que, dans certaines
circonstances, il fait fléchir les règles les plus positives établies par la
constitution ? Personne ne conteste, je pense, la conciliation de l’état de
siège avec la loi fondamentale. L’assemblée constituante elle-même en a reconnu
la nécessité, et, lors de la discussion de la constitution au congrès, tout le
monde convint qu’elle ne mettrait aucun obstacle à la mise en état de siège. Il
n’est pas un seul orateur qui en principe ne reconnaisse la légalité de l’état
de siège, et pourtant il est impossible de concilier ce principe avec l’opinion
que la constitution ne peut en aucun cas être suspendue en tout ou en partie
On parle toujours
de l’état de siège fictif. Messieurs, quand il s’agit d’une ville ouverte,
c’est une mise en état de siège fictive ; mais, quand il s’agit d’une place de
guerre, d’une forteresse, comme celle d’Anvers, par exemple, alors c’est une
mise en état de siège réelle, et, à cet égard, le décret de 1811 conserve toute
sa vigueur. D’abord toute mise en état de siège réelle, c’est la clôture de
toutes les ouvertures de la ville, c’est l’interception de toutes les
communications du dehors. Eh bien ! cette mesure, dont personne ne peut nier la
légalité, emporte avec elle la violation de la liberté individuelle. Non
seulement dans une ville en état de siège vous pouvez empêcher un individu de
sortir, mais encore, après qu’il est sorti, vous avez le droit de l’empêcher de
rentrer.
Voulez-vous
voir une autre violation de la constitution résultant de la mise en état de
siège ? Eh bien ! le commandant de la ville a le droit d’en expulser toutes les
bouches inutiles. Je remarque que M. Gendebien sourit à chacun de mes
arguments.
M. Gendebien. - Je trouve fort étonnant que
M. Lebeau veuille m’empêcher de rire ; je ne fait aucun bruit ; mais, si cela
le gêne, rien ne le force à me regarder.
M. le président. - Vous n’avez pas le droit d’interrompre l’orateur.
M. Lebeau. - Je faisais cette remarque parce que l’honorable
orateur sait combien ces rires peuvent faire perdre à un orateur le fil de ses
idées. Du reste, je regrette cette digression, et je continue. Je disais que,
par suite de la mise en état de siège, le commandant de la ville non seulement
avait le droit d’empêcher la sortie ou la rentrée d’un individu, mais encore il
avait la faculté d’expulser toutes les bouches inutiles. C’est pour lui un
devoir important de s’assurer si les provisions sont en rapport avec les
instructions qu’il a reçues, et si elles peuvent suffire à la subsistance de la
place pendant tel temps donné. Eh bien ! n’est-ce pas là une violation de la
constitution ? Vous avez dans votre loi fondamentale une disposition qui porte
que toute autorité qui empêchera un citoyen d’exercer ses droits civils sera
passible de la dégradation civique. Or, si des citoyens se présentent pour
exercer leur droit électoral, l’autorité militaire n’aurait-elle pas le droit
de leur fermer les portes de la ville ? Vous voyez donc qu’une disposition de
la législation se trouve suspendue. La liberté commerciale est également
interrompue.
Il se trouve aussi
dans la constitution une autre disposition qui décide formellement que nul
citoyen ne pourra être dépossédé sans une juste et préalable indemnité.
Eh
bien ! si des opérations militaires commandent des expropriations momentanées,
soit pour un camp, soit pour l’établissement de batteries ; si même une de nos
villes était occupée par l’ennemi et que nous la foudroyions, que nous la
livrions aux flammes, dira-t-on qu’il fallait rester impassibles, la
constitution à la main ? Il est impossible d’aller jusque là. Dites plutôt que,
par une imprévoyance extraordinaire, vous avez négligé de prévoir dans la
constitution le cas où il serait nécessaire de pourvoir à la défense du pays.
Il faut accorder que la mise en état de siège soient portés devant le jury,
vous abolissez par cela même les attributions des tribunaux, qui sont cependant
conservées et maintenues par l’article 105 de la loi fondamentale. Direz-vous
que la juridiction militaire ne peut atteindre que les militaires ? C’est une
erreur. Il y a des exceptions. Ainsi le crime d’embauchage est de la compétence
des tribunaux militaires. Si vous dites que la liberté de la presse est
inviolable, la conséquence est qu’on peut dresser sa tente dans un camp, et
qu’on peut fulminer de là des provocations à la désertion, sauf à être jugé
ensuite par le jury quand le mal est consommé et qu’il est irréparable. Adopter
le principe émis par M. Delehaye, ce serait dire : Nous voulons la fin et non
les moyens ; ce serait soutenir le pour et le contre, c’est-à-dire l’absurdité
même.
M. Jullien revient sur l’expulsion du sieur Dixon ; il soutient
qu’il a été expulsé d’une manière arbitraire, après avoir obtenu de l’ancien
gouvernement l’autorisation de fixer sa résidence à Gand, et après avoir exercé
l’autorisation de fixer sa résidence à Gand, et après avoir exercé le droit
électoral. Il va, ajoute-t-il, porter sa réclamation devant le parlement
d’Angleterre (on rit), et, quand le parlement demandera raison de son expulsion
(car le gouvernement anglais protège tous ses citoyens), je ne sais pas alors
si le ministère aura le verbe si haut. Au reste, il ne conçoit pas qu’on puisse
renvoyer un individu sous prétexte qu’il est orangiste, et demande qu’est-ce
que c’est que l’orangisme ? Les dénominations de partis ne signifieraient rien
sans les persécutions.
M. Pirmez. - Je dois faire une observation : c’est que la
plupart des choses qu’a dite M. le général Goblet dans son premier comme dans
son second discours ne doivent faire aucune impression sur nos esprits, puisque
tout repose dans ces écrits sur des données statistiques. Or, tout le monde sait
qu’il n’y a rien de moins certain et de plus sujet à controverse. Je me fait
fort d’avoir toutes les conséquences que je voudrai atteindre, une fois que
l’on me permettra de partir d’un point de statistique : car vous trouverez dans
cette matière des ouvrages qui vous procureront à volonté des assertions non
seulement différentes, mais tout à fait contradictoires. Je fais cette
observation pour qu’on n’attache pas trop d’importance à des argumentations
dont la base s’appuie sur des fait qui tous sont niables. Si nous voulons
savoir comment il faut payer nos employés, examinons chez nous ce qu’il faut
pour vivre, et comment certains employés doivent vivre ; mais, si nous allons
chercher des points de comparaison dans les livres de statistique, nous nous tromperons
infailliblement.
M. le ministre des finances (M. Coghen) prononce un discours, que la faiblesse de son organe
nous empêche de saisir.
(Moniteur belge n°73, du 13 mars1832) M. le ministre des finances (M. Coghen). - Messieurs, lorsque
j’acceptai le poste honorable que le Roi daigna me conférer, je l’ai fait,
comme vous le savez, messieurs, par dévouement pour mon pays, oubliant mes
intérêts personnels et sacrifiant mon repos. Je comptais sur votre
bienveillance ; vous n’avez cessé de m’en donner des preuves, et je désire la
conserver. Ma tâche était difficile ; jamais je ne me suis fait illusion à cet
égard. Obligé de répondre au rapport de l’honorable M. Dumortier, comme rapporteur
de la section centrale, je n’ai pu m’en occuper que lundi dernier après avoir
reçu le rapport particulier sur mon ministère. La précipitation est cause
peut-être qu’il me soit échappé des expressions qui n’ont pas obtenu
l’approbation de M. le rapporteur, envers qui je reconnais avoir eu un seul
tort, c’est celui de l’avoir nommé personnellement. Quant aux chiffres posés
dans ma réplique, ils sont exacts, et je ne puis que m’y référer. Je regrette
qu’on ait répondu à ma réplique sans l’avoir sous les yeux, parce qu’on me
prête des allégations que je n’ai ni pensées ni exprimées. Je crois avoir
démontré d’une manière satisfaisante que mes prévisions concernant
l’augmentation des produits de 1832 n’étaient pas exagérées, puisqu’elles sont
fondées sur les produits réels du dernier trimestre de 1831.
Pour ce qui
concerne le personnel de mon département, je répondrai lors de la discussion
des dépenses qui s’y rattachent. On a signalé quelques augmentations, mais on a
omis de parler des économies qui ont eu lieu. Les comparaisons que j’ai
établies pour l’administration de l’enregistrement sont conformes à la vérité,
et la chambre pourra s’en convaincre à la seule lecture de mon rapport.
On vous a parlé,
messieurs, de « faiseurs » : là où je suis et où j’administre, là où
il y a un ministre responsable, il n’y a point de faiseurs. J’ai des employés
qui aiment à obéir et obéissent, et dont les sommités ont concouru avec zèle et
dévouement à organiser notre administration financière. Plusieurs n’ont pas
sollicité le poste qu’ils occupent ; mais c’est moi qui les ai appelés, afin de
m’aider à établir l’ordre là où le désordre aurait été si fâcheux, si fatal
pour le pays. Si quelques-uns ont dû, sous le précédent gouvernement, agir en
acquit de leur devoir, et des ordres qu’ils recevaient, et dont la rigueur a dû
froisser beaucoup d’intérêts, ce n’est pas à eux qu’on doit adresser les
reproches mais à leur administration trop fiscale et trop tracassière.
Quant au déficit,
était-il permis de l’établir sur des suppositions et sans tenir aucun compte de
l’excédent de 1831, de la valeur des domaines, du solde du syndicat
d’amortissement et de celui de la société générale ? Etait-il prudent, au
moment même où l’on provoque une offre pour le second emprunt, d’annoncer la banqueroute,
comme je l’ai entendu hier dans cette enceinte ? Quant à moi, je le
considérerais comme fâcheux pour le crédit, si on y croyait ; mais les cours de
nos valeurs prouvent le peu de confiance qu’on accorde à de semblables
allégations.
Un honorable orateur
vous a parlé des souffrances du commerce et de l’industrie. Certes, quelques
branches du commerce et de l’industrie souffrent ; mais cette tourmente
commerciale n’accable pas seulement la Belgique. Les commotions populaires en
sont la cause. D’ailleurs, la Belgique réunie pendant 15 ans à la Hollande y
avait des débouchés considérables pour presque tous les produits. C’est encore
par les eaux de la Hollande qu’on expédiait des masses de marchandises vers
l’Allemagne, et les colonies hollandaises offraient des ressources à
l’exportation.
Est-ce
au ministère qu’on devrait adresser des plaintes si violentes, lorsque les
résultats sont la conséquence de la séparation brusque et violente avec un pays
sur la consommation duquel étaient fondées beaucoup d’industries ? Lorsque la
paix sera faite, si les ministres ne font pas leur devoir en protégeant et en
encourageant l’industrie, j’élèverais la voix pour le leur rappeler, parce que,
sans commerce et sans industrie, il n’y a point de prospérité possible pour un
pays.
(Moniteur belge n°71, du 11 mars 1832) M. Gendebien. - Je ne répondrai pas à ce qu’a dit M. Nothomb, je me
réserve de le faire par les journaux ; mais quel que soit mon désir de ne pas
entretenir la chambre de faits personnels, il en est un cependant que je ne
puis passer sous silence. M. H. de Brouckere, répondant hier à un orateur, a
dit que ce n’était pas des ministres actuels qu’il avait entendu parler dans le
discours qu’il avait prononcé à la séance précédente, mais que c’était des
anciens ; et, comme il a prononcé le mot de président ministre, j’ai pensée
qu’il était de mon devoir de lui répondre.
L’orateur explique
dans quelles circonstances il a été nommé président de la cour de Bruxelles,
que c’est par suite de l’insistance de M. le régent qu’il a conservé le
ministère de la justice, et que ce dernier alla même jusqu’à lui dire que, s’il
ne restait pas au ministère, il n’accepterait pas la régence. J’avais si peu
l’ambition de garder le portefeuille, ajoute-t-il, que j’avais proposé, pour me
remplacer, l’honorable président de cette assemblée. C’est un hommage que je
lui dois, en réparation d’un mouvement de vivacité auquel je me suis livré
précédemment et que j’ai regretté aujourd’hui. (Très bien ! très bien !) Je le fais, messieurs, parce que c’est une
justice que je lui dois, et que je puis le déclarer, sans manquer à un fatal
préjugé, qui m’avait empêché de le faire jusqu’à présent.
L’orateur,
aborbant ensuite la question de la mise en état de siège, s’attache à réfuter
les arguments présentés par M. le ministre de la justice ; puis, passant aux
observations de M. Lebeau, il soutient que la constitution n’est pas seulement
pour l’état de paix, puisqu’elle a été déclarée exécutoire pendant l’état de
guerre, et qu’on ne peut mettre une ville en état de siège réel que quand il y
a investissement.
M.
Lebeau, ajoute-t-il, a trouvé que je ne devais pas rire. Tout plein qu’il était
de son sujet, il a sans doute pensé que la chambre était aussi en état de
siège. (Hilarité.) Il a dit que
l’état de siège interrompait la liberté du commerce. Eh ! messieurs, c’est la
force des choses même qui cause cette interruption ; et qui voudrait donc
traverser le camp de l’ennemi pour se livrer à des opérations commerciales ? (Nouvelle hilarité !) Quant aux
expropriations, on sent bien, messieurs, que ce n’est pas sous le canon de
l’ennemi qu’on ira faire des expertises. En vérité, avec un peu de bon sens et
un peu de pudeur, on n’aurait pas osé entretenir la chambre de pareils raisonnements.
Je dirai, en terminant, à nos adversaires : Attendez que la ville soit attaquée
pour la mettre en état de siège, mais ne venez point par des mensonges nous
faire croire à la nécessité de mesures exceptionnelles. Je dis mensonges,
messieurs, parce que les faits avancés ont été trouvés faux par les journaux de
l’opposition.
Ensuite il demande à M. le ministre de la guerre par quel ordre on a
déployé pendant le carnaval un si grand appareil militaire dans les rues de
Bruxelles.
M. le ministre de la justice (M. Raikem) revient sur la plupart des arguments qu’il a déjà
faire valoir, pour démontrer que la mise en état de siège n’est point contraire
à la constitution. Il ne conçoit pas la différence qu’on veut établir entre
l’état de siège réel et l’état de siège fictif, et il demande s’il faudrait
attendre le mal pour le réparer. Il soutient que toute la question est de
savoir si le décret de 1811 est aboli, et il a déjà été démontré le contraire.
M. le ministre de la guerre (M. Ch.
de Brouckere). - J’ajouterai quelques considérations en fait à
celles qu’a fait valoir en droit mon collègue le ministre de la justice. Et
d’abord je relèverai une expression échappée à un honorable membre. Il vous a dit
que, si en temps de paix l’armée était réduite à 5,000 hommes, comme aux
Etats-Unis, il y aurait moyen, malgré de gros traitements, de faire bien des
économies. Je sais que le but de M. Rodenbach n’a pas été de faire entendre
qu’il fallait réduire l’armée à ces dimensions ; mais ses paroles mal
interprétées pourraient donner quelque poids aux assertions mensongères des
journaux orangistes : ceux-ci, chaque jour, crient à l’armée : Si vous êtes
vaincue, vous serez sans avenir ; si vous êtes victorieuse, vous serez
misérable ; dans l’un et l’autre cas, les officiers seront licenciés ;
réunissez-vous au roi Guillaume, et votre sort est assuré. Je ne crains pas la
trahison ; et cependant je dois réfuter ici, pour mettre à nu toute la
perversité des moyens de corruption, que le sort des officiers est assuré par
la constitution, qu’il le sera incessamment d’une manière plus pertinente par
une loi. Quelle que soit la force de l’armée, ici comme en Amérique, les cadres
seront conservés ; en temps de paix, il faut préparer les moyens de défense,
tenir les cadres qui ne peuvent se former à la hâte, qui exigent de
l’expérience et des connaissances.
Je crois pouvoir
me dispenser de répondre au déploiement de forces militaires à Bruxelles ; les
mesures de précautions sont prises d’accord entre le commandant d’arme et
l’autorité civile.
Tout le monde
reconnaît qu’une place peut être mise en état de siège ; mais quelques orateurs
entendent la mise en état de siège d’une manière tout à fait illusoire.
Qu’est-ce dont que l’état de siège s’il ne peut apporter aucune modification à
l’état de paix, s’il n’est environné d’aucune mesure extraordinaire et
momentanée ? Qu’un membre de l’opposition veuille bien définir cet état de
siège incompréhensible, et nous lui répondrons. Ah ! si l’état de guerre permet
de suspendre la liberté, vous dit-on, je crains bien que l’on ne prolonge cet
état pour vous habituer au despotisme. Mais la liberté est-elle donc suspendue
? Deux points dans tout le pays sont en état de siège, et encore là, si l’on en
excepte un seul acte, la liberté n’a reçu aucune atteinte.
Un orateur a
cherché à combattre par le ridicule les raisonnements d’un membre qui a établi
que la guerre imposait impérieusement des dérogations à la loi fondamentale ;
il vous a dit qu’il était évident qu’on ne pouvait donner d’indemnité préalable
aux habitants du dehors pour les maisons détruites par le canon du dedans : ce
n’est pas répondre à l’argument ; nous soutenons, nous, que l’on peut, que l’on
doit parfois détruire par la hache les maisons de l’intérieur de la place sans
dédommagement préalable. Ainsi, à Anvers, avant que la place fût investie le 23
octobre, deux jours avant la reprise des hostilités, force fut d’abattre deux
maisons, de violer la loi plutôt que de perdre un temps précieux à demander une
autorisation tardive et inutile par cela même.
Messieurs, je ne
conçois pas davantage les arguments tirés de l’état de siège fictif et réel, et
droit de défense naturelle appliqué au dernier cas. Quand donc la loi naturelle
commence-t-elle à avoir force ? Quand est-elle substituée à la loi écrite ?
Est-ce quand l’ennemi est à portée de canon ; quand il y a agression, attaque ?
Mais alors vos précautions sont tardives. Une place est en état de siège
lorsque l’ennemi est à cinq jours de marche. Ses cantonnements sont à une
demi-marche de la ville de Gand, et jusqu’ici toutes les mesures prises sont
autorisées par l’état de guerre.
Le dernier orateur
me reproche d’avoir refusé de souscrire à la mise en état de siège de Gand cinq
jours avant l’échauffourée de Grégoire. Oui, messieurs, je me suis refusé à
concourir à une pareille mesure avant d’avoir pris connaissance de la
législation, et sauf à en délibérer en conseil. J’ai demandé le temps de voir
le décret de 1811 et la loi de l’assemblée constituante, pour être bien fixé
sur les conséquences de la mesure avant de l’ordonner.
Mais vous, qui me
blâmez de n’avoir pas consenti à mettre la ville de Gand en état de siège cinq
jours avant l’affaire Grégoire, comment pouvez-vous nous faire un cime d’avoir
pris cette mesure la veille de la reprise des hostilités ? Mais l’honorable
membre lui-même n’a-t-il pas suspendu les magistrats municipaux de Gand, et
cette suspension n’a-t-elle pas été maintenue après la promulgation de la
constitution ? Je ne dis pas ceci pour lui en faire un reproche ; moi-même j’ai
concouru à cet acte, et, s’il y a une responsabilité à encourir de ce chef,
j’en accepte volontiers ma part ; mais ceci prouve que l’honorable membre n’a
pas toujours cru qu’il fût possible d’observer strictement les dispositions de
la constitution.
Les faits que j’ai
avancé sont faux, les journaux l’ont assuré ; belle preuve. Tout ce que j’a dit
est appuyé de documents authentiques ; un seul fait s’est éclairci depuis. Les
poudres introduites à Gand ont trouvé un propriétaire ; mais les fausses
déclarations du conducteur, sa fuite, l’absence de tous renseignements sur
l’expéditeur et le consignataire, n’autoriseraient-ils pas à croire que cette
introduction clandestine se rattachait à des machinations clairement établies ?
Loin
de pousser trop loin les mesures de sûreté, le gouvernement ne se montre pas
assez sévère ; il tolère des correspondances et des allées et venues
continuelles avec la Hollande par respect pour la liberté. Aussi, j’ai devers
moi plusieurs lettres adressées à nos soldats pour les provoquer à la
désertion.
Messieurs, ce
n’est pas sur des suspicions d’organisme que l’expulsion de Dixon a été motivée
; c’est sur ses voyages en Hollande, sa profession de foi faite publiquement. Au
mois d’août, les Hollandais savaient jour par jour, heure par heure, ce qui se
passait dans nos cantonnements. Le gouvernement n’est pas disposé à s’exposer
de nouveau à des trahisons de ce genre ; il veut éviter que les Grecs ne
s’introduisent furtivement dans le camp des Troyens.
M. l’abbé de Haerne exprime le regret d’être obligé de prolonger une discussion déjà trop
longue ; mais il ne peut se dispenser de jeter un coup d’œil sur la marche
intérieure du gouvernement et sur les affaires extérieures. L’orateur, adoptant
cette division, demande qu’un bon système d’économie soit adopté ; les
économies, dit-il, ne sont pas incompatibles avec la liberté. Il passe en revue
les lois qui nous manquent encore, et, quoiqu’il se soit opposé à l’adoption de
la proposition de M. de Robaulx, il déclare qu’il ne demande pas mieux que de
voir présenter une loi sur l’instruction publique ; il voudrait même, si cela
était possible, qu’elle fût présentée avant tout autre loi. Passant aux affaires
extérieures, l’orateur critique sévèrement le système suivi par le ministre de
ce département ; il n’est pas rassuré par les paroles prononcées par le
ministre à la dernière séance, quand il a dit que, si la Belgique était trompée
dans ses espérances, le gouvernement saurait prendre une détermination digne de
lui. Ces paroles ne s’appliquent qu’à des événements futurs, et l’orateur
préférerait que le ministre expliquât ce qui se passe actuellement, et qu’il
fit connaître à la chambre où en sont les négociations. Il le somme, en
terminant, de donner ces explications.
M. Gendebien réplique à M. le ministre de la guerre, et persiste à
soutenir l’illégalité de la mise en état de siège de la ville de Gand ; il ne pense
pas que M. le ministre de la guerre, en parlant de Grecs et de Troyens, ait
voulu donner à entendre que la guerre durera 10 ans, comme le siège de Troie,
ni que les Belges soient vaincus comme le furent les Troyens. (Hilarité ! Aux voix ! La clôture ! la
clôture !)
M. Dumortier. - Je demande la parole comme rapporteur. (La clôture ! la clôture !)
Plusieurs voix. - Le rapporteur doit être entendu. (Non ! non ! La clôture !)
M. le ministre de la guerre (M. Ch.
de Brouckere). - Messieurs, il est d’usage en France que le
rapporteur du budget a la parole le dernier ; je crois qu’on doit entendre M.
Dumortier.
M. Devaux. - Cet usage existe en effet,
mais rien ne s’oppose pour cela à ce qu’on clôture la discussion. Une fois la
clôture prononcée, M. Dumortier pourra être entendu, sans que personne ait le
droit de lui répondre.
M. Jullien. - On parle d’usage établi ;
mais, messieurs, un usage ne s’établit que par des antécédents, et vous ne
pouvez pas décider que vous établirez l’usage dès demain, et en commençant par
M. Dumortier. Pour moi je demande que la discussion continue, et que chacun ait
le droit de répondre à M. Dumortier ; ne posons pas d’ailleurs des antécédents
dont nous pourrions nous repentir dans la suite.
M. Devaux. - Il est vrai qu’un usage
s’établit par des antécédents ; mais, s’il doit être établi, l’usage, autant vaut
commencer demain que plus tard. La chambre, en demandant la clôture, veut
empêcher que cette discussion déjà si longue et, à mon avis, complètement
inutile, ne se prolonge encore davantage ; mais, si l’on trouve juste
d’accorder la parole au rapporteur de la section centrale, pour en finir il
faut décider que personne ne pourra lui répondre, et, par conséquent, prononcer
dès ce moment la clôture.
M. Delehaye. - Je m’oppose à la motion de
M. Devaux ; si M. Dumortier présente des chiffres qu’il soit nécessaire de
réfuter, il faut que chacun ait la faculté de faire la réfutation.
M. d’Elhoungne. - J’appuie la proposition de
M. Devaux, d’autant plus que nous avons perdu beaucoup de temps dans la discussion
générale et que, si quelque membre trouve nécessaire de répondre à M.
Dumortier, il pourra le faire dans la discussion des articles à propos lesquels
on croirait que le rapporteur aurait commis des erreurs. (Appuyé ! appuyé !)
M. Gendebien. - Je ne m’oppose pas à ce que
la proposition de M. Devaux soit adoptée, mais je demande que ceci ne soit pas
posé comme un antécédent.
M. Dumortier. Demande la parole ; mais les cris : aux voix à la clôture ! l’empêchent de
se faire entendre.
M. le président. - Je vais mettre la clôture aux voix, et la question
de savoir si M. Dumortier sera seul entendu après la clôture, sans que cela tire
à conséquence pour l’avenir. (Appuyé !)
- La question,
ainsi mise aux voix, est adoptée par la chambre.
M. Dumortier sera
entendu demain, et la discussion s’ouvrira ensuite sur le budget de la guerre.
La séance est
levée à 4 heures.