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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 14
septembre 1831
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Lecture du projet d’adresse en réponse au
discours du trône (notamment campagne des dix jours, réorganisation militaire)
(Rogier)
3) Vérification des pouvoirs des membres
nouvellement élus.
a) Elections non contestées (Gendebien, Blargnies)
b) Elections contestées (Corbisier)
4) Déclaration d’option électorale (Lebeau, Gendebien)
5) Projet de loi réglant le mode de publication
des lois, caractère officiel du Moniteur belge (Raikem, de Theux, Gendebien, Ch. de Brouckere, Gendebien,
Devaux, Gendebien, Devaux, Legrelle, Barthélemy)
6) Projets de lois visant à réorganiser l’armée.
Droit pour le Roi de démissionner et de priver d’office de leur grade certaines
officiers (notamment des officiers volontaires) (Ch. de
Brouckere), rappel des miliciens de la classe 1826 (Ch.
de Brouckere), possibilité de faire appel à des officiers étrangers (Ch. de Brouckere), nécessité d’accroître les
ressources du département de la guerre (Ch. de
Brouckere), garde civique (A. Rodenbach, Ch. de Brouckere, A. Rodenbach,
Rogier)
7) Projet de loi accordant des crédits
supplémentaires au budget du département de la guerre pour l’exercice 1831 (Coghen, A. Rodenbach)
8) Déclaration d’option électorale (F. de Mérode)
(Moniteur
belge n°93, du 16 septembre 1831)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à midi et demi.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere), M. le ministre de la justice (M. Raikem),
M. le ministre des finances (M. Coghen) et
M. le
ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). sont présents.
M. Lebègue donne lecture du
procès-verbal de la dernière séance. Il est adopté.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
M. Liedts lit un message du sénat,
qui fait part à la chambre de sa constitution définitive, puis une lettre du
ministre de l’intérieur, qui demande qu’on lui fasse immédiatement connaître
l’opinion des représentants élus dans plusieurs districts, au fur et à mesure
de cette option, afin qu’il puisse faire les nouvelles convocations dans les
délais fixés par la loi.
PROJET D’ADRESSE EN
REPONSE AU DISCOURS DU TRONE
M. le président.
- Messieurs, voulez-vous entendre le rapport de l’adresse rédigée par la section
centrale, en séance publique ou en comité général ? (En séance publique ! en séance publique !)
M. Rogier. - C’est en qualité de
rapporteur de la section centrale que je prend la parole. Messieurs, la section
centrale, éclairée par les observations faites dans les diverses sections, a
pensé que le projet d’adresse devait être soumis à une révision générale ; elle
a fait ce travail, dans lequel se trouve presque en entier celui déjà fait par
la commission. Je crois inutile de vous faire part des observations faites dans
chaque section. Cependant je dois dire que la section centrale a eu égard à
toutes les observations un peu importantes.
Ici l’orateur lit le nouveau projet
d’adresse, dont la chambre ordonne l’impression et la distribution :
« Sire !
« Dès ses premiers pas sur le
sol de sa nouvelle patrie, Votre Majesté fut saluée par les acclamations
unanimes du peuple belge ; chaque jour ce peuple a senti se resserrer les liens
qui l’attachent au chef qu’il s’est choisi, et qui a si noblement répondu à sa
confiance. Recevez de nouveau, Sire, par notre organe, l’hommage de son
dévouement et de sa reconnaissance.
« Un des premiers soins qui vont
occuper votre gouvernement, c’est, nous aimons à le voir, le développement des principes
posés dans la constitution que le peuple belge s’est donnée, et qui renferme
les germes les plus féconds de civilisation et de prospérité morale pour le
pays.
« Les suites inévitables d’une
grande commission politique, quelques causes plus anciennes, et d’autres qui se
rattachent à l’état général de l’Europe, ont gravement compromis les intérêts de l’industrie et du commerce. La
chambre des représentants voit avec satisfaction la sollicitude de Votre Majesté
pour ces souffrances, que les richesses de notre sol et l’activité de ses
habitants ne tarderont pas à faire oublier. Nous serons prêts à concourir avec
toutes les mesures que nous croirons utiles à favoriser ces deux sources de la
prospérité publique.
« Nous accueillons l’espérance
que des négociations pourront être ouvertes à cet égard, à l’aide des rapports
déjà établis avec deux puissances voisines : notre désir est de les voir
bientôt s’étendre aux autres Etats.
« L’ordre et l’économie dans les
dépenses publiques sont des conditions essentielles de la richesse des nations.
Les vues que Votre Majesté nous communique sur cet objet important sont celles
de la chambre. Elle ne négligera rien pour les mettre en pratique et pour
alléger, autant que les besoins de l’Etat le permettront, les charges qui
pèsent sur le peuple.
« Si la paix générale, si les
vœux d’une puissance amie à laquelle nous lient si intimement et nos intérêts
et nos sympathies, exigent le sacrifice de quelques-unes de nos forteresses,
nous nous flattons, Sire, que dans les négociations relatives à la démolition
de ces places, le gouvernement ne négligera rien de ce qui importe à la sûreté
et à l’honneur de la Belgique.
« Livrée tout entière à la joie
de celui qu’elle regardait comme le gage de son bonheur et de ses relations amicales
avec les autres Etats, après avoir accédé aux vues pacifiques des puissances
européennes, la Belgique se reposait dans l’espoir d’une paix avantageuse et
prochaine, quand elle se vit naguère surprise, au milieu de ses fêtes, par un
ennemi déloyal qui, au mépris des engagements contractés par lui et garantis
par les cinq puissances, envahit subitement nos frontières désarmées. Le
courage de nos soldats dut céder au nombre. Sur eux ne retombe pas le blâme de
ce manque d’organisation et d’ensemble que présenta presque toute l’armée, et
qui, s’il s’explique peut-être par la confiance des Belges dans l’armistice,
reste encore à se justifier aux yeux du pays et de ses représentants. Dans ces
circonstances critiques, une nation généreuse nous prêta son assistance et
défendit chez nous notre révolution et la sienne, désormais inséparable. S’il
fallait vivement regretter que l’imminence du danger n’ait pas permis alors au
gouvernement de réunir les mandataires de la nation, pour sanctionner les
mesures commandées par le salut de l’Etat, la Belgique n’en a pas moins a vu
avec reconnaissance qu’elle pouvait compter sur l’amitié du peuple français et
sur le soutien de son illustre monarque.
« Votre Majesté nous informe que
des négociations sont ouvertes pour terminer nos différends avec la Hollande.
Nous sommes convaincus, Sire, que conformément à vos nobles paroles, l’honneur
et les intérêts du peuple belge y seront défendus avec persévérance et dignité.
Les puissances médiatrices ne peuvent avoir oublié qu’à leur intervention la
Belgique s’arrêta au milieu de sa victoire, pour assurer le repos de l’Europe ;
et nous ne pouvons croire que ce soit en violant la foi jurée, que notre
adversaire ait amélioré sa position.
« Nous attendons, Sire, avec
confiance, le résultat des négociations ; s’il trompait notre espoir, si la
paix n’était pas possible à des conditions justes et honorables, comptez, Sire,
sur le dévouement de la nation ; elle est prête à tous les sacrifices pour
maintenir ses droits et l’honneur de votre couronne.
« Parmi les projets qui lui sont
annoncés, et qui doivent fixer son attention particulière, la chambre
accueillera avec le plus vif empressement les lois relatives à l’organisation
militaire. La bravoure la moins contestée ne supplée point à l’absence d’une
organisation et d’une discipline sévère. Pénétré de ce principe, votre
gouvernement ne saurait donc presser avec trop d’activité et d’énergie la
recomposition de cette armée qui, ralliée autour de son Roi, sous la conduite
de chefs habiles, saura défendre avec honneur, avec succès, l’indépendance de
notre commune patrie.
« Non, Sire, cette patrie
adoptive qui vous est chère, et dans laquelle vous n’avez jamais cessé
d’espérer, ne trahira ni ses devoirs si sa confiance. Non, la crise d’où sort
la Belgique n’aura point eu pour elle les conséquences fâcheuses qu’en
espéraient ses ennemis. Vous la retrouverez aujourd’hui plus forte, plus
dévouée, plus déterminée à soutenir par tous ses efforts, ses droits et les
vôtres. Nous savons que, pour fonder son indépendance et ses libertés, une
nation a besoin de courage et de constance ; qu’elle s’instruit et retrempe ses
forces aux épreuves mêmes de l’adversité. Les Belges n’ont pas oublié non plus
qu’il y a un an, à pareille époque, il
ne leur fallut que quatre jours pour s’élever au rang de nation. Fiers d’un si
beau souvenir, fiers d’avoir à leur tête le roi de leur affection et de leur
choix, si le salut du pays le demande, ils combattront pour lui avec la même
ardeur qu’ils l’ont vu combattre pour eux, et la victoire n’abandonnera pas les
drapeau qui porte pour devise « Justice et Liberté ! »
« Bruxelles, le 15 septembre
1831.
« de Gerlache, président ;
Destouvelles, de Theux, Devaux, Dumortier, Fleussu, Gendebien, Jamme, Jullien,
Lebègue, Lebeau, Rodenbach, Ch. Rogier, rapporteur.
VERIFICATION DES
POUVOIRS DES MEMBRES NOUVELLEMENT ELUS
M. Devaux. - Messieurs, nous
avions différé l’admission des députés élus par les districts d’Ath et de Mons.
Pour le premier, nous n’avons pas encore reçu les pièces qui nous sont
nécessaires pour bien fixer notre opinion ; en conséquence, je ne vous
soumettrai que ce qui est relatif aux opérations du collège électoral de Mons.
Il résulte des renseignements pris que les élections de MM. Gendebien et
Blargnies sont incontestables, quoique les électeurs de Glain et d’une autre
commune des environs de Mons aient été tardivement convoqués. En effet, en
admettant qu’aucun de ces électeurs ne se fût rendu, et il est prouvé que cinq
prirent part à l’élection, le nombre total de ces électeurs n’étant que de 11,
en déduisant ces 11 voix de celles obtenues par les deux candidats, il leur en
resterait plus qu’il n’en fait pour la validité de leur élection ; car M.
Gendebien a obtenu 40 voix de majorité et M. Blargnies 28 ou 30. En conséquence
j’ai l’honneur de vous proposer l’admission de MM. Gendebien et Blargnies.
- Cette admission est mise aux voix
et prononcée.
M. Devaux. - L’élection du
troisième député de ce collège présente une difficulté de plus. M. Corbisier
n’a été élu qu’à la majorité de six voix ; nombre égal au nombre des électeurs
qui ne se sont pas rendus sur la convocation tardive. Six voix de moins, et il
aurait eu un nombre égal à celui obtenu par M. Picquet ; en sorte que ce
dernier aurait été ballotté avec l’autre candidat et non M. Corbisier. Je tiens
à la main une note de M. Corbisier, qui dit qu’un des électeurs de Glain, qui
ne s’est pas rendu, n’avait pas le droit de voter, parce qu’il est Français. A
l’appui de cette assertion, il produit la liste des électeurs, sur laquelle on
voit en effet que cet électeur est né à Fontenay en France, et un certificat du
gouverneur de la province, constatant que cet électeur n’a pas fait la
déclaration voulue par la loi pour être considéré comme Belge. Dès lors ce
n’est plus que cinq électeurs qui auraient manqué, et alors nul doute que M.
Corbisier ne dût être admis. D’un autre côté, M. Corbisier fait remarquer qu’on
l’a mal à propos privé de deux suffrages, dans lesquels il était très bien
désigné par ses nom et prénoms, et où il n’y avait qu’une erreur quant à la
qualification ; il offre au surplus de prouver qu’il n’y a pas à Mons d’autre
Corbisier que lui, que par conséquent on n’a pu se méprendre. Ces raisons nous
ont semblées suffisantes pour faire admettre M. Corbisier, et c’est à quoi je
conclus.
L’admission est prononcée.
DECLARATION D’OPTION
ELECTORALE
M. Lebeau, élu dans le district de
Bruxelles et de Huy, déclare opter pour celui de Huy.
M. Gendebien, également élu
dans deux districts [à savoir Mons et
Bruxelles], déclare opter pour celui de Mons.
M. le ministre de la justice (M.
Raikem) présente à la chambre un projet de loi
qui a pour but de régler le mode de la publication des lois et de les rendre
obligatoires. Il développe les motifs du projet.
M. le président
donne acte au ministère de la présentation du projet, qui sera imprimé et
distribué.
M. de Theux.
- L’impression des projets de loi entraîne des frais, et l’insertion au Moniteur, qui reçoit du gouvernement une
allocation de 25,000 fl., pourrait, ce me semble, nous les éviter.
M. Gendebien.
- Beaucoup de députés, au nombre desquels je suis, ne reçoivent pas le Moniteur, par conséquent l’insertion des
projets de loi dans cette feuille ne remplacerait pas l’impression
particulière.
M. de Theux.
- Mais il faudrait cependant ne pas payer 25,000 fl. pour rien.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere).
- Quoique membre du gouvernement, je ne vois pas la nécessité qu’un journal lui
appartienne. Je ne discuterai pas la question de savoir si l’allocation faite
au Moniteur est utile ; mais nous
sommes liés par un contrat, et nous ne pouvons nous y soustraire. Si les
impressions pouvaient se faire par le Moniteur,
il y aurait économie réelle.
M. Gendebien. - Je suis
surpris que M. de Brouckere vienne appuyer une pareille proposition ; c’est établir
en faveur du Moniteur un monopole sur
les autres journaux, que le charger de ces impressions.
M. le président.
- Mais M. de Theux n’a point fait de proposition formelle. Cette discussion est
incidente et consomme inutilement les moments de la chambre.
M. de Theux.
- Je vais la rédiger.
M. Devaux. - Je ne conçois pas, le
dirai-je, la niaiserie d’un ministère qui n’aurait point un journal à lui ; il
faut pourtant bien qu’il puisse communiquer avec le public. Sans un journal à
lui, comment le peut-il faire ? On va déclamer tant qu’on voudra contre les
journaux ministériels ; il y en a de bons et de mauvais, cela dépend de leurs
rédacteurs ; mais il faut que le gouvernement puisse se défendre quand on
l’attaque ; il faut qu’il puisse communiquer avec le public, et, pour cela, il
lui faut un journal.
M. le président.
- Voici la proposition de M. de Theux :
« Je propose que l’impression
des projets de loi et communications ministérielles soit faites par le Moniteur. »
M. le président.
- Comme la discussion de cette proposition est incidente, il la faudrait, je crois,
renvoyer aux sections pour l’examiner. (Appuyé.)
M. Gendebien. - Je demande à
dire un mot avant le renvoi. Je ne conçois pas qu’on ait pu traiter de
niaiserie l’opinion émise de l’inutilité d’un journal ministériel. Il n’y a
jamais de niaiserie à épargner les deniers du peuple. Quand un ministre est
attaqué, ou le gouvernement, dites-vous, il faut bien qu’ils puissent se
défendre. Ils n’ont pas pour cela besoin d’écrivains à gages, d’écrivains
salariés ; ils ont le droit de faire insérer leur justification ou leur défense
dans la lettre même qui les a attaqués : un bon gouvernement comme un bon
ministre n’a pas besoin de flatteurs.
M. Devaux. - Je m’étonne de cette
sortie de la part d’un ancien membre du congrès qui, quand il fit partie du
gouvernement provisoire, sollicita lui-même l’établissement d’un journal dans
ce but, qui était précisé rétribué à raison de 6,000 fl. par mois.
M. Gendebien. - Mais dans ce
temps ce journal n’a point contenu un seul article adulateur. Je n’ai jamais
été ministériel ; je ne le serai jamais.
PROJETS DE LOI VISANT
A REORGANISER L’ARMEE
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere).
- Messieurs, je viens vous présenter plusieurs projets de loi que nous croyons
d’une urgence nécessité. Le premier est relatif à la faculté à accorder au Roi
de démissionner, dans certains cas, des officiers de l’armée sans leur
conserver ni pension, ni traitement. Vous savez que l’article 124 de la
constitution veut qu’aucun officier ne soit privé de son grande et de son
traitement qu’en vertu d’une loi. Les articles 25 et 26 des règlements de
discipline permettaient de destituer des officiers qui se livreraient habituellement
au jeu et à la boisson ; mais, dans l’exécution de ces articles, il pouvait
entrer trop d’arbitraire, et le gouvernement veut accorder aux officiers toutes
les garanties compatibles avec la régularité et les exigences d’un bon service
et d’une exacte discipline. En conséquence je suis chargé de vous proposer le
projet suivant :
« Léopold, etc.
« De l’avis de notre conseil des
ministres, nous avons arrêté et arrêtons :
« Notre ministre de la guerre
est chargé de présenter aux chambres, en notre nom, le projet de loi dont la
teneur suit :
« Vu l’article 124 de la
constitution, portant : « Les militaires ne peuvent être privés de leurs
grades, honneurs et pensions, que de la manière déterminée par la loi ; »
« Vu les articles 25 et 26 du
règlement de discipline pour l’armée de terre, encore en vigueur, statuant que
lorsque des officiers se rendront coupables d’excès dans la boisson ou de
mauvaises conduite, et s’adonneront aux jeux et dépenses excessifs, il sera
loisible au département de la guerre, sur le rapport qui lui sera fait à
l’égard des officiers auxquelles semblables reprochent pourraient être
adressés, de prendre à leur égard telle mesure qu’il jugera convenir ;
« Voulant faire cesser
l’arbitraire qui résulte d’une semblable disposition ;
« Considérant cependant que
l’honneur militaire exige que les officiers qui, sans commettre un crime ni
délit prévus par les lois existantes, se rendraient indignes de figurer dans
les rangs de l’armée, puissent en être renvoyés ;
« Nous avons, de commun accord
avec le sénat et la chambre des représentants, décrété, et nous ordonnons ce
qui suit :
« Art. 1er. Le Roi est autorisé
à démissionner sans traitement ni pension ;
« 1° Tout officier qui se livrera
habituellement et publiquement à l’ivresse et au libertinage, ou mènera
notoirement une conduite crapuleuse ;
« 2° Tout officier qui aura
contracté des dettes excédant une année des appointements du grade dont il est
revêtu ;
« 3° Tous officiers qui, dans un
lieu public, se seront entre eux livrés à des querelles ou voies de fait ;
« 4° Tout officier qui, sur le
rapport du chef de corps, de son chef de bataillon et du plus ancien officier
de son grade, sera désigné comme étant incapable ;
« 5° Tout officier qui, six mois
après la date de la présente loi, ayant été soumis à un examen, n’aura pas fait
preuve de connaissances nécessaires ou d’aptitude et de bonne volonté à les
acquérir.
« Art. 2. Dans les cas
spécifiées aux 1°, 2°, 3°, 4°, l’officier commandant, après avoir consulté le
chef de bataillon et le plus ancien officier du grade de l’inculpé, fera son
rapport au ministre de la guerre, en suivant l’ordre hiérarchique établi.
« Art. 3. Le ministre de la
guerre renverra toutes les pièces qui lui auront été transmises à l’auditeur de
la province où le corps auquel appartient le délinquant se trouvera en
garnison.
« Art. 4. L’auditeur assemblera,
dans les huit jours suivants, un conseil de guerre, et lesdites pièces seront
soumises à son avis, qui, dans le plus bref délai, sera transmis au ministre de
la guerre, sur le rapport duquel nous statuerons.
« Si c’est un officier supérieur
qui se trouve dans l’un ou l’autre des cas ci-dessus prévus, rapport sera fait
par les généraux de brigade et de division au ministre de la guerre, qui, après
avoir demandé l’avis de la haute cour de justice militaire, nous fera ses
propositions.
« Art. 5. Dans le cas du 5° de
l’article premier, les propositions du ministre seront basées sur le rapport de
la commission d’enquête.
« Mandons et ordonnant que les
présentes, revêtues du sceau de l’Etat, insérées au Bulletin officiel, soient adressées aux cours, tribunaux et
autorités administratives, pour qu’ils les observent et fassent observer comme
loi du royaume. »
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere).
- Le second projet est relatif au rappel des miliciens de la classe de 1826
sous les drapeaux. Vous savez, messieurs, que nos ennemis n’ont pas perdu de
temps pour mettre sur pied des forces beaucoup plus considérables que les
nôtres ; il faut agi comme eux ; mais ce qu’il nous faut principalement
aujourd’hui, ce sont des hommes exercés, prêts à servir utilement et sans
délai. Vous savez qu’un arrêté du régent avait renvoyé dans leurs foyers les
miliciens de 1826 ; je viens vous demander de rapporter cet arrêté ; ainsi nous
aurons 8,000 hommes de plus, et ce seront des hommes exercé qui viendront
joindre leurs frères d’armes.
(Suit
le texte du projet, non repris dans la présente version numérisée.)
_______________
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere).
- Messieurs, reprend le ministre, vous voyez qu’il est question de renforcer
l’armée. Non seulement nous voulons rappeler les hommes de la classe de 1826,
mais nous avons le droit d’appeler sous les drapeaux ceux des classes
postérieures, dont le nombre n’a jamais été épuisé, quoiqu’il ne fût que de
trois hommes sur mille de population. En augmentant ainsi nos forces, nous
devons augmenter nos cadres. Vous savez que, pendant quinze ans de paix, le
nombre de nos officiers n’a jamais été porté au complet ; la Belgique
principalement a été maltraitée. Sous ce rapport, et dans certaines armes, nous
manquons absolument d’officiers. Si nous voulons agit prudemment, alors qu’il
est possible que le sort de notre pays doive être décidé par les armes, pour
nous le rendre favorable, il faut absolument que le gouvernement puisse
introduire dans l’armée des officiers étrangers. Ils pourront être divisés en
deux catégories : la première sera composée de ceux qui entreront dans l’armée
comme des officiers indigènes, et prêteront serment à la constitution ; la
seconde, de ceux qui, sans cesser d’appartenir à l’armée de leur nation, en y conservant
leurs grades et leur rang, voudront bien nous aider officieusement de leurs
bras et de leurs conseils.
Je vais, en conséquence, vous donner
lecture du troisième projet :
« Léopold, etc.
« De l’avis de notre conseil des
ministres, nous avons arrêté et arrêtons :
« Notre ministre de la guerre
est chargé de présenter aux chambres, en notre nom, le projet de loi dont la
teneur suit :
« Vu l’article 6 de la
constitution :
« Considérant que les
circonstances graves où se trouve la Belgique exigent impérieusement que des
emplois militaires soient conférés, par exception, à des étrangers ;
« Nous avons, de commun accord
avec le sénat et la chambre des représentants, décrété, et nous ordonnons ce
qui suit :
« Art. 1er. Le roi est autorisé
à prendre au service de l’Etat un nombre d’officiers étrangers qu’il jugera
nécessaire ou utile pour le bien du pays.
« Art. 2. Avant d’entrer en
fonctions, ils prêteront le serment prescrit aux officiers de l’armée.
« Art. 3. Le roi est également
autorisé à employer des officiers étrangers qui, sans renoncer à leurs grades
et prérogatives dans leur patrie, offriraient leurs services pour la durée de
la guerre.
« Art. 4. La présente loi sera
obligatoire le troisième jour après celui de sa promulgation.
« Mandons et ordonnant que les
présentes, revêtues du sceau de l’Etat, insérées au Bulletin officiel, soient adressées aux cours, tribunaux et
autorités administratives, pour qu’ils les observent et fassent observer comme
loi du royaume. »
M. le ministre de la
guerre (M. Ch. de Brouckere). - Vous sentirez,
messieurs, dit le ministre en terminant, l’urgence de ces projets. Mon
collègue, M. le ministre des finances, vous en présentera un autre, non moins
urgent. Quand je suis entré au ministère de la guerre, il n’y avait pas deux
millions en caisse ; il a fallu pourvoir à tout avec cette somme, et nous avons
besoin de fonds pour assurer le service de septembre. D’un autre côté, il a
fallu conclure des marchés pour compléter le matériel d’artillerie, pour
l’achat des chevaux, et pour un grand nombre de dépenses que j’ai pris sous ma
responsabilité d’ordonner, parce qu’elles ne pouvaient souffrir de retard. La
chambre sentira le besoin de payer comptant les divers entrepreneurs avec
lesquels des marchés ont été conclus ; c’est le moyen le plus sûr de n’être
pris au dépourvu pour rien, et d’assurer la régularité du service.
M. A. Rodenbach.
- Personne ne conteste la prodigieuse activité de M. de Brouckere, et les trois
projets qu’il vient de nous présenter en fournissent une nouvelle preuve ;
mais, tout en lui rendant cette justice, je dois dire qu’on néglige tout à fait
l’organisation de la garde civique. La garde civique est aujourd’hui
complétement désorganisée et démoralisée : depuis un mois, on ne lui fait plus
faire des manœuvres ni d’exercices ; et cependant il est certain que si les
gardes civiques avaient été bien organisées sous le précédent ministère, ils se
seraient vaillamment défendus contre l’ennemi. Je le prouve par ce qui s’est
passé dans les Flandres, où des individus qui n’avaient jamais été exercés et
qui n’avaient un mauvais fusil que de la veille, ont combattu avec courage
contre les Hollandais, et les ont empêchés de pénétrer dans notre pays. Je
ferai une autre observation, c’est que les officiers de la garde civique
rentrent dans leurs villages pour s’y débarrasser de leurs grades ; et ainsi il
n’y a plus, à proprement parler, de gardes civiques de premier ban.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere).
- L’honorable préopinant ne veut pas sans doute me rendre responsable de ce qui
s’est passé dans les derniers événements.
M. A. Rodenbach.
- Non, j’ai parlé du précédent ministère.
M. le ministre de la
guerre (M. Ch. de Brouckere). - L’honorable membre a
dit que tout se désorganisait depuis un mois. Je lui ferai observer que tant
que les gardes civiques ne sont pas mobilisés, le ministre de la guerre n’a
aucune attribution sur eux ; ils ne sont astreintes à faire l’exercice qu’une
fois la semaine, et les gardes qui y manquent ne sont soumis qu’à des peines
disciplinaires. Je dois le dire, il y a fort peu d’assiduité à ces exercices ;
J’y suis allé trois fois depuis un mois, et je me suis convaincu par moi-même
qu’il faudrait punir des bataillons entiers si l’on voulait exécuter la loi. A
peine s’il s’y rend 100 hommes par bataillon. Toutefois, je peux annoncer au
préopinant que, pour ce qui concerne les Flandres, il y aura trois mille gardes
civiques sur pied à la fin de la semaine. Sur tous les points du pays nous
avons envoyé des officiers d’ordonnance pour prendre des renseignements sur
l’état où se trouve le premier ban de la garde civique. Cette mesure nous a
paru plus expéditive que d’attendre les renseignements des gouverneurs de
provinces, attendu que, lorsqu’on entame une correspondance pour de tels
objets, on est parfois trois semaines avant d’avoir une réponse. Je peux donc
promettre à l’honorable membre que dans quinze jours il verra qu’on a songé à
la garde civique.
M. A. Rodenbach.
- Je suis assez satisfait de la réponse du ministre, mais je crains qu’on
n’organise les gardes civiques que sur le papier. (Rumeurs.)
M. Rogier. - M. le ministre a dit
que les peines de discipline étaient insuffisantes contre les gardes civiques ;
je lui ferai observer que la loi punit, en certains cas, les gardes de la peine
de la prison ; cette peine est plus qu’une peine disciplinaire.
- L’orateur ajoute quelques mots hors
de la question relativement aux gouverneurs de province, et soutient que lui
n’a cessé de demander au gouvernement l’organisation de la garde civique, des
armes et des officiers. (Assez ! assez !)
PROJET DE LOI
ACCORDANT DES CREDITS SUPPLEMENTAIRES AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA GUERRE
POUR L’EXERCICE 1831
M. le ministre des finances (M.
Coghen) monte à la tribunal et présente un projet
de loi, ouvrant un crédit de 10 millions de florins au ministre de la guerre
pour le complément des dépenses du troisième trimestre et pour les besoins du
quatrième trimestre de l’exercice de 1831. Il lit le projet et un tableau des objets
dont il est nécessaire de faire l’acquisition pour l’armée ; le ministre
termine en promettant de donner sous peu de jours à la chambre un état de la
situation financière de la Belgique.
M. A. Rodenbach.
- Je désirerais ainsi que M. le ministre de la guerre nous donnât un état de
l’emploi qui a été fait des 12 millions de florins que nous avons votés pour la
guerre.
M. Legrelle
demande que l’impression des projets de loi et autres, dont la chambre pourrait
avoir besoin, soit mise en adjudication.
M. Barthélemy
demande que cette proposition soit renvoyée aux sections comme celle de M. de
Theux, pour être traitée simultanément.
- Cette proposition est adoptée.
Tous les projets présentés par les
divers ministres seront imprimés et distribués, excepté le tableau lu par M. le
ministre des finances dont, à la lecture de M. Raikem, il sera fait cinq copies
à la main, dont un pour chaque section.
DECLARATION D’OPTION
ELECTORALE
M. Liedts lit une lettre de M. F.
de Mérode, élu dans plusieurs districts [à
savoir Bruxelles et Nivelles], et qui déclare opter pour celui de
Bruxelles.
M. Devaux. - Je profiterai de la
présence de tous les ministres, pour leur faire observer qu’il serait utile de
ne convoquer les collèges électoraux qu’à des jours différents, afin d’éviter
de doubles élections, parce que, s’il fallait réunir les électeurs une troisième
fois, il est probable qu’ils ne se rendraient pas aux collèges électoraux.
La séance est levée à 2 heures.