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2e édition. Louvain, Vanlinthout et Peeters, 1861, 3 tomes
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TOME 2
(page 235) La liberté
de la commune, dans les limites tracées par l'intérêt général, est l'une des
conquêtes les plus précieuses de la révolution de Septembre. Quand la commune
est libre, le régime représentatif repose sur une base indestructible ; quand
elle est asservie, les institutions les plus libérales ont rarement assez de
force pour résister aux empiétements du pouvoir exécutif. La centralisation
poussée à l'excès énerve l'esprit national, détruit la vie politique des
provinces et subordonne toutes les forces actives, tous les éléments de
progrès, tous les germes de grandeur, à l'action parfois délétère d'une armée
de fonctionnaires amovibles. Les formes de la liberté subsistent ; mais
l'influence administrative, régnant en souveraine, surmonte aisément toutes les
résistances. Les ministres deviennent les seuls électeurs influents du
royaume ; ils règnent et gouvernent, jusqu'au jour où quelques bandes de
factieux, s'emparant par surprise de cette immense machine, fassent à leur tour
jouer ses ressorts et ses rouages dans l'intérêt des rancunes et des passions
d'une minorité triomphante (Note de bas de page : On n'a qu'à se rappeler la surprise de
Février 1848).
La vie communale est autre chose qu'une
fiction politique: « La commune est la base, le type de l'État ; elle seule
présente une véritable existence sociale, Nos provinces, nos arrondissements,
nos districts, nos cantons, ne sont que des réunions plus ou moins arbitraires
; les royaumes eux-mêmes ne présentent pas toujours une homogénéité nationale ;
la commune seule forme un tout, un véritable être moral ; la commune, c'est la
famille. Là vous trouvez tout ce qui constitue la famille, tout ce qui en établit
les liens. Là est le temple destiné à unir (page 256) les époux, à voir
bénir les fruits de leur union ; là est le dépôt des archives des familles,
leur généalogie, leurs souvenirs ; là est le cimetière où reposent les
ossements des ancêtres ; là enfin est le beffroi qui appelle et réunit tous les
habitants. C'est la commune qui forme le véritable être moral politique, le
seul que la nature ait tracé de son doigt, et c'est par conséquent un objet
bien grave pour un législateur que de fixer, par une loi, l'organisation de la
famille communale, de tracer l'économie de toutes les habitudes domestiques et
locales.» (Note de bas
de page : Rapport de M. Dumortier, présenté dans la séance de
C'est dans la commune que le
citoyen fait l'apprentissage de la vie publique; c'est là qu'il doit manifester
les qualités et les aptitudes qui le rendent digne de participer à la direction
des intérêts généraux.
Ce n'est pas en Belgique que
ces vérités politiques réclament une démonstration. Au milieu de l'anarchie
féodale, la première commune affranchie dans le centre et le nord de l'Europe
fut .une commune belge. Les combats et les conquêtes des vieilles cités
flamandes furent toujours un objet de légitime orgueil pour nos pères, et
jamais les franchises locales ne disparurent complètement du droit public de
nos provinces. Les souverains confisquaient à leur profit une portion plus ou
moins importante des libertés communales ; leurs délégués se substituaient aux
mandataires naturels du peuple ; mais celui-ci conservait le souvenir de ses
droits ravis, de ses privilèges méconnus, pour les revendiquer au premier
moment favorable. Sous le règne de Guillaume 1er, les atteintes à la liberté de
la commune figuraient de nouveau parmi les griefs qui amenèrent l'explosion de
1830 (Note de bas de
page : Dans le dernier état de la législation des Pays-Bas, les électeurs
des villes nommaient un collège électoral et celui-ci élisait les membres du
conseil communal ; ces derniers étaient nommés à vie. Le roi désignait le
bourgmestre et les échevins; il pouvait prendre le premier en dehors du
conseil. - Quant aux communes rurales, elles étaient complètement asservies au
pouvoir exécutif. (Voy. les règlements du 19 Janvier 1824, du 6 Avril et du 29
Octobre 1823 ; Dumortier, Rapport déjà cité, p. 10 et suiv.). - La
présentation d'un projet de loi sur l'organisation communale donna lieu à
plusieurs publications historiques. Toutes arrivent à cette conclusion que, si
l'uniformité manquait dans le régime communal de nos provinces, on n'y trouvait
pas moins des garanties sérieuses et surtout un ardent amour des franchises locales.
Voy. Gachard, Précis du régime municipal de
(page 237)
Le gouvernement provisoire connaissait cet amour séculaire de nos populations
pour les franchises locales. Dès le 8 Octobre 1830, lorsque l'armée hollandaise
occupait encore une partie du territoire, il restitua au corps électoral le
droit d'élire, par voie directe, le bourgmestre, les échevins et les
conseillers communaux; et quand, un mois plus tard, il rendit compte de cette
innovation au Congrès national, une triple salve d'applaudissements lui prouva
que les vieilles traditions du pays avaient encore une fois triomphé de la
domination successive de
Appelé à jeter les bases des institutions
nouvelles, le Congrès établit, comme autant de jalons, les principes qui
devaient servir de guide au législateur dans l'organisation définitive de la
commune belge. Ces principes étaient l'élection directe, sauf les exceptions à établir
par la loi, à l'égard des chefs des administrations locales ; l'attribution aux
conseils communaux de tout ce qui est d'intérêt communal, sans préjudice de
l'approbation de leurs actes dans les cas et suivant les formes à déterminer
par la loi ; la publicité des budgets et des comptes; la publicité des séances,
dans les limites établies par la loi ; l'intervention du roi ou du pouvoir
législatif, pour empêcher les empiétements du pouvoir local dans le domaine des
intérêts généraux. En attendant que ces principes eussent reçu leur application
dans une loi particulière, les autorités communales, élues suivant le mode
déterminé par le gouvernement provisoire, conservaient les attributions qui
leur étaient données par la législation néerlandaise (Note de bas de page : Art. 108,
109 et 137 de
Ce régime transitoire marcha
d'abord sans encombre. Expression des vœux et des sympathies de leurs
administrés, les conseils communaux issus de l'élection directe déployèrent en
général une activité intelligente, une ardeur patriotique, qui faisaient
concevoir les plus belles espérances; mais bientôt un événement grave vint
prouver que, le jour même où les passions anarchiques réussiraient à pénétrer à
(page 238) l'hôtel de ville, le gouvernement central se verrait réduit à
une déplorable impuissance.
Le Congrès national avait
proclamé le principe de la publicité des séances ; mais il avait laissé au
législateur ordinaire le soin de déterminer les conditions et les limites de
cette garantie nouvelle. Plus impatient, plus avide de popularité peut-être, le
conseil communal de Liége décida, le 14 Novembre 1833, que désormais le public
serait admis aux séances. C'était une violation manifeste de la loi ; car,
indépendamment de la réserve écrite dans l'article 108 de
Un seul membre du conseil,
l'échevin Dejaer-Bourdon, eut le courage de protester contre cette décision.
Partisan sincère de la révolution, convaincu lui-même des avantages de la
publicité, mais avant tout fidèle à son mandat, M. Dejaer déclara qu'il n'assisterait
pas aux séances du conseil où le public serait admis. En attendant qu'une loi
eût fait l'application du principe de l'article 108 de
Ce langage aussi ferme que
loyal obtint l'approbation du gouvernement ; mais le conseil communal de Liége
avait résolu de maintenir sa décision malgré toutes les résistances. Au lieu de
respecter des scrupules que l'amour de la loi avait fait surgir dans la
conscience d'un homme d'honneur, le conseil prit l'étrange parti d'envisager le
refus de M. Dejaer comme une démission expresse de ses fonctions d'échevin et
de conseiller communal. Ce fut en vain qu'il protesta contre cette singulière
interprétation de ses paroles et de ses actes ; ce fut tout aussi inutilement
que l'autorité provinciale intervint pour le faire maintenir à son poste. Le
conseil, effrayé de sa propre audace, semblait disposé à suspendre l'effet de
sa résolution; mais le collège échevinai marcha hardiment en avant. Il convoqua
les électeurs, et, malgré l'opposition de la députation provinciale, ils se
réunirent au jour fixé. Le successeur de M. Dejaer fut installé à l'hôtel de
ville, quoique le gouverneur, usant d'un droit que lui donnaient les lois de
l'époque, (page 239) eût annulé les opérations du scrutin par un arrêté
régulièrement porté à la connaissance de l'autorité locale (Note de bas de page : Ce droit
appartenait au gouverneur en vertu de l'article 8 du décret du 8 Octobre 1830.
- Dans une longue correspondance que nous avons eue sous les yeux, M.
Dejaer-Bourdon se montre constamment animé des sentiments les plus honorables.
Acceptant la monarchie constitutionnelle sur les bases les plus larges, mais
observateur scrupuleux de la légalité, il regrettait que la voix souveraine du
devoir l'obligeât à se séparer ici de ses collègues. M. Nothomb, secrétaire
général au département des Affaires étrangères, fut envoyé â Liége ; il devait
se concerter avec M. Dejaer sur les mesures à prendre pour le réintégrer sur
son siège. Repoussant tout recours à la force publique ,comme étant de nature à
amener des collisions dangereuses pour ses concitoyens, l'échevin expulsé se
contenta d'adresser ses plaintes au roi et aux Chambres. Après avoir fortement
blâmé la conduite de la régence de Liége, celles-ci renvoyèrent les pétitions
au ministre de l'Intérieur (Voy. le Moniteur du 18 au 22 Janvier, du 11
et du 12 février 1834). Le conflit n'eut pas d'autre suite ; mais le pétitionnaire
continua à se considérer comme échevin de Liége jusqu'au jour de l'expiration
de son mandat. Dans le cours de 1834, il signa plusieurs pièces en cette
qualité, sans que ses adversaires jugeassent à propos de rompre le silence).
Ce dédain pour les prérogatives du mandataire
du pouvoir central, cette intronisation de l'anarchie administrative au cœur de
la populeuse province de Liége, eurent du moins pour résultat de faire
ressortir la nécessité de s'occuper sans retard de la discussion d'une loi
organique, déterminant avec exactitude le rôle de la commune dans la hiérarchie
des pouvoirs constitutionnels. Le 2 Avril 1833, le ministre .de l'Intérieur (M.
Rogier) avait déposé un projet de loi sur le bureau de
Les propositions du
gouvernement, véritable reculade dans la voie du progrès, dénotaient à chaque
ligne la pensée de fortifier l'action du pouvoir central, autant que le
permettaient les limites infranchissables tracées par
On se trouvait trop près de la révolution pour
suivre le ministère de 1832 dans cette voie rétrograde. La section centrale de
A la tribune et dans la
presse, la coexistence de deux systèmes, l'un émané de la prérogative royale,
l'autre sorti des sections de
Grâce à toutes ces dissidences, l'organisation
communale subit des épreuves sans exemple dans nos annales parlementaires.
Ouvertes le 8 Juillet 1834, interrompues par la clôture de la session, reprises
le 17 Novembre, prolongées par des dissidences entre le Sénat et
En présentant deux nouveaux
projets, le ministère avait eu pour (page 243) but d'avancer le terme de
ces débats laborieux, qui préoccupait vivement l'opinion publique. Son espoir
ne fut pas entièrement réalisé. Des discussions longues et parfois irritantes
absorbèrent encore une fois les séances de
Dans toutes les parties de la législation issue
de ces longs débats, on découvre le désir de concilier, d'une part, les
exigences de la liberté avec le maintien de l'ordre, de l'autre, les
prérogatives du pouvoir central avec les droits inhérents à l'autonomie légale
de la commune belge. La loi de 1836, produit de cette pensée de conciliation,
accorde au roi la nomination du bourgmestre et des échevins ; mais elle
restreint son choix aux membres du conseil, élus directement par leurs
concitoyens (Note de bas
de page : Nous parlerons plus loin des changements introduits par la
législation postérieure (Lois du 30 Juin 1842, du 1er Mars, du 31 Mars, du 13
Avril et du 1er Mai 1848). Elle exige un cens d'éligibilité, pour prévenir l'abus des
influences locales ; mais elle refuse au gouvernement le droit de dissolution
qu'il réclamait avec instance. Elle attribue à la commune la nomination des
agents purement communaux; mais elle requiert l'intervention de l'autorité
supérieure dans les choix qui intéressent à la fois l'intérêt local et
l'intérêt général. Elle ne veut pas que le gouvernement puisse placer à la tête
de la commune un homme qui n'a pas reçu le baptême de l'élection populaire;
mais elle lui reconnaît le droit de suspendre et de révoquer, sur l'avis
conforme de la députation provinciale, le bourgmestre ou l'échevin qui se rend
coupable d'inconduite notoire ou de négligence grave. Elle place dans les
attributions du (page 244) conseil le règlement de tous les objets
d'intérêt purement local ; mais, dans les matières d'une importance majeure,
elle exige l'intervention de la députation permanente du conseil provincial, et
même parfois l'approbation du chef de l'État. Elle consacre la liberté, mais
non pas l'omnipotence des communes ; elle met des bornes à l'action des mandataires
du corps électoral, là où cette action pourrait devenir funeste aux intérêts
généraux ou attentatoire aux droits collectifs de la nation (Note de bas de page : Il suffit
de jeter un coup d'œil sur la liste des votants pour s'apercevoir combien tous
ces problèmes divisaient les membres de
Le choix du bourgmestre par les électeurs de
la commune eût été plus conforme au vœu populaire; mais il était difficile,
sinon impossible, de concilier ce choix avec l'organisation administrative
issue de la révolution du dix-huitième siècle. Le bourgmestre n'est pas seulement
le mandataire et le représentant de ses concitoyens ; il est aussi l'agent du
gouvernement central, et à ce titre il est chargé de l'exécution d'une foule
de lois et de règlements d'administration publique ; il représente l'intérêt
local en contact avec l'intérêt général. La confiance des électeurs communaux
peut lui donner la qualité de mandataire et de représentant de la ville ou du
village qu'il habite ; mais l'appel du roi peut seul lui attribuer le titre et
le caractère d'agent du pouvoir exécutif. « Ceux qui soutiennent que le
bourgmestre relève du roi seul sacrifient la commune à l'État, ou plutôt
détruisent la commune au profit d'une unité morte, comme celle de l'Orient ;
ceux qui refusent l'intervention du roi dans le choix du bourgmestre ne tiennent
pas compte de l'unité, et semblent oublier que la commune est un anneau de la
grande chaîne nationale... Le bourgmestre devient par l'élection le mandataire
de la commune, et le choix du roi le rend représentant des intérêts nationaux.»
(Note de bas de
page : Discours de M. Dechamps, Moniteur du 26 Juillet, 2e
supplément. - Voy. aussi le discours, de M. Ernst, ibid.)
Il est vrai que le gouvernement
peut abuser de sa prérogative dans un intérêt de parti ; nous en avons vu plus
d'un exemple sous le ministère du 12 Août 1847. Des membres, entrés au conseil
à la suite d'un pénible ballottage, ont été (page 245) préférés à des
hommes qui avaient réuni l'immense majorité des votes, et le lendemain ces élus
du pouvoir se faisaient les agents passionnés d'une politique exclusive. Mais
comment concilier le système contraire avec le principe fondamental de la
responsabilité ministérielle? Comment imposer à l'autorité centrale un agent
qui lui soit complètement étranger ? Si l'on veut que le bourgmestre soit
directement élu par la commune, il faut commencer par la révision intégrale de
l'organisation administrative du royaume. .
Il est tout aussi facile de
justifier le contrôle administratif de l’autorité supérieure. Si le conseil
communal franchit les limites de ses attributions naturelles, il importe que
ses actes, attentatoires à l'ordre public ou à l'intérêt général, puissent être
annulés par une autorité offrant les garanties nécessaires ; si les mesures
qu'il prescrit se trouvent en contact avec les prérogatives de
l'administration générale du pays, il est juste que l'assentiment du chef du
pouvoir exécutif soit requis pour leur donner une existence légale ; si les
décisions des représentants momentanés de la commune peuvent causer à celle-ci
un préjudice grave, la raison exige que des précautions soient prises contre la
légèreté, l'imprudence ou les passions d'une majorité passagère ; enfin, si
les mandataires de la commune, qui sont en même temps les délégués du
gouvernement central, se rendent indignes de la confiance du pouvoir exécutif,
il est indispensable que celui-ci ne soit pas réduit à l'impuissance, en face
de l'inconduite, de la résistance passive ou de la négligence irrémédiable de
ses agents. C'est d'après ces considérations que le contrôle de l'autorité
supérieure se trouve établi et réglé par le législateur de 1836. Le roi peut
annuler les actes des autorités locales qui sortent de leurs attributions ou
qui blessent l'intérêt général ; mais il est tenu d'user de cette faculté dans
un court délai et par un arrêté motivé. Le conseil règle tout ce qui est
d'intérêt communal ; mais les actes d'une importance majeure doivent être
approuvés, tantôt par le roi, tantôt par la députation permanente du conseil
provincial. Si le bourgmestre ou les échevins se rendent coupable d'inconduite
notoire ou de négligence grave, le gouverneur peut les suspendre ou même les révoquer
; mais il ne peut agir que sur un avis conforme de la députation permanente du
conseil provincial et après que les fonctionnaires dénoncés ont été entendus
dans leur défense (Art.
56 de la loi de 1836). Les (page 246) droits des communes et ceux du gouvernement se
trouvent ainsi conciliés, non pas de manière à couper court à tous les abus, -
les institutions humaines n'en sont jamais exemptes, - mais du moins à un degré
suffisant pour prévenir à la fois l'invasion de l'anarchie et les abus d'une centralisation
excessive (Note de bas
de page : Voy. pour les actes soumis au contrôle de la députation
permanente ou du roi, les articles 67 et suiv.; pour la nomination des
fonctionnaires communaux, les articles 109 à 130; pour la composition du
conseil, les articles 1 à 74).
La législation communale
demandait comme complément une loi organique des provinces. Celle-ci fut
promulguée le 30 Avril 1836. Les débats avaient été moins longs et surtout
moins passionnés que pour la loi précédente. Les partis ne se trouvaient pas
ici sur le terrain de leurs luttes quotidiennes ; les susceptibilités du corps
électoral n'étaient pas aussi directement en contact avec les prérogatives
réclamées en faveur de l'autorité centrale ; enfin, les règles essentielles se
trouvaient déjà consacrées par
Une lecture, même superficielle, du texte de
la loi provinciale suffit pour faire apercevoir les principes qui ont présidé à
sa rédaction. Placée au-dessous du gouvernement, mais au-dessus de la commune,
servant en quelque sorte de corps intermédiaire, l'autorité provinciale se
compose de deux éléments, dont l'un trouve sa source dans le pouvoir central et
l'autre dans l'élection populaire. Un gouverneur, représentant du roi et
délégué du pouvoir exécutif ; un conseil provincial, élu directement par le
corps électoral; une députation (page
247) permanente, chargée de représenter le conseil pendant son absence et
de concourir, avec le gouverneur, à l'exécution d'une foule de mesures
administratives spécialement applicables à la province : telle est la
composition du personnel. Le gouverneur préside la députation permanente et
remplit auprès du conseil le rôle de commissaire du pouvoir central ; c'est lui
qui fait exécuter leurs décisions. Le conseil règle tous les objets d'intérêt
provincial, sauf l'approbation du roi dans les matières qui se trouvent en
contact avec l'intérêt général. La députation permanente, elle-même issue de
l'élection, exerce un contrôle populaire, mais efficace, sur les actes des
administrations communales. Enfin, le gouverneur a le droit de suspendre et le
roi le pouvoir d'annuler tous les actes du conseil et de ses députés, qui
sortent de leurs attributions ou sont attentatoires à l'intérêt général.
Partout se révèle le désir de concilier les intérêts collectifs de la nation
avec les droits de la province et les immunités de la commune (Note de bas de
page : Voy. surtout
les art. 64 à 95 de la loi).
Un seul problème était de
nature à provoquer des discussions irritantes. Le gouvernement réclamait avec
instance le droit de dissoudre les conseils provinciaux. Un peu trop préoccupé
des exigences de la centralisation administrative, il redoutait l'hostilité
systématique de ces corps intermédiaires entre les communes et le pouvoir
central ; il croyait le droit de dissolution indispensable au maintien de
l'unité nationale; aux yeux des ministres, c'était le seul moyen de prévenir
l'absorption de l'État par la province. Ces craintes étaient exagérées. Le roi
possède le droit d'annuler les actes des conseils provinciaux ; leur session
annuelle, limitée à trois semaines, ne peut être prorogée sans le consentement
du gouverneur ; enfin, comme les conseils provinciaux et les Chambres
législatives émanent du même corps électoral, on conçoit difficilement une
représentation nationale favorable aux ministres, à côté d'une représentation
provinciale systématiquement hostile. En tout cas, si cette dernière hypothèse
se réalisait, on pourrait toujours décréter la dissolution par une loi
spéciale.
Constatons, dès à présent,
qu'il existe peu de peuples qui possèdent des institutions provinciales et
communales aussi larges, aussi populaires. Fidèles à notre plan, nous en
étudierons plus tard les (page 248) conséquences, après avoir groupé
les faits et dressé en quelque sorte le bilan de la civilisation issue des
barricades de Septembre.