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« L’Affaire Nothomb-Gendebien »,
Extrait de J. GARSOU, « Alexandre Gendebien. Sa vie, ses mémoires »,
Bruxelles, 1930, pp.
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L’AFFAIRE NOTHOMB-GENDEBIEN.
(page 490) Nous devons à l'amabilité de M.
Pierre Nothomb de précieux renseignements sur un incident très peu connu, parce
qu'il fut pour ainsi dire dissimulé, et qui faillit amener sur le terrain J.-B.
Nothomb et Gendebien.
La séance du 23 août 1833
avait parfois été houleuse, et le président Raikem n'avait guère su refréner
les violences de langage de certains représentants.
Dès le début de son
discours, J.-B. Nothomb avait été interrompu par Gendebien et, comme le dit
avec réserve le grave Moniteur, ils avaient échangé « quelques
paroles », sans doute peu amènes (Note de bas de page : (Note de bas de page : Le
Méphistophélès du 25 août écrivait plaisamment au sujet de cette joute
oratoire : « ... le Thiers de Lebeau et de
Au cours de la discussion,
Gendebien demanda de pouvoir examiner les pièces dont Nothomb avait fait état,
et, par suite, la remise du débat au lendemain. Il menaça, dans la négative, de
retirer sa proposition.
Nothomb se met à rire.
« Ah ! ah ! » s'exclame-t-il.
Gendebien s'emporte et lui
crie : « Ne riez pas !
Vous êtes un insolent ! »
« Vous êtes un insolent
vous-même ! » riposte Nothomb.
Rogier intervient et,
s’adressant au président Raikem, s'étonne de ce qu'il n'ait pas prononcé de
rappel à l'ordre.
Au milieu du bruit, je n'ai
rien entendu, répond le président. Le Moniteur, reproduit par la plupart
des journaux, se bornait à dire : « M. Gendebien et M. Nothomb
échangent avec vivacité des paroles qui, au milieu du bruit, ne parviennent pas
jusqu'à nous. »
L'Indépendant - qui avait mentionné les
mots échangés - écrivit le 25 août dans son commentaire de la séance : « Nous
ne parlerons pas des divers incidents provoqués par quelques membres de
l'opposition, et qui ont fait dégénérer la discussion en un chaos
d'explications puériles, de propos insultants et d'insinuations dégoûtantes... »
(page 491) Nous avons rapporté la colère que ressentit Gendebien de la
polémique de L'Indépendant. Il avait fini toutefois par s'apaiser (Voir au chapitre V du livre de Jules
GARSOU).
Sa susceptibilité reparut
dès qu'il revit Nothomb, le jour de l'ouverture de la session. Il lui écrivit,
le 12 novembre, une longue lettre que nous ne possédons pas, mais qui devait
être des plus vives, si nous en jugeons par la réponse de Nothomb. Gendebien, lui
rappelant qu'il avait été son bienfaiteur, lui demandait s'il avait dit,
le 23 août : « Vous êtes un insolent vous-même ! ». Il accusait aussi
Nothomb d'avoir reçu des soufflets dans un lieu public et d'avoir subi
l'outrage. La réponse devait être donnée endéans les deux heures.
Nothomb n'était pas homme à
se laisser impressionner. Il répondit, le 13, à son adversaire :
« Monsieur,
On m'a remis vers midi votre
lettre portant la date d'hier : heureusement, il ne faut pas 24 heures pour y
répondre.
Il est très vrai que,
conjointement avec MM. Rogier et de Mérode,
vous m'avez prêté votre appui pour être nommé au poste que j'occupe ;
mais cette circonstance ne peut m'imposer l'oubli de ce que je considère comme
mon devoir.
Il est faux que j'aie reçu
des soufflets dans un lieu public ou ailleurs ;celui
qui vous l'a dit en a menti.
Il est vrai que, dans la
séance du 23
août, je vous ai interrompu par une exclamation et un éclat de rire. J'ai
usé de représailles : vous aviez beaucoup ri pendant que je parlais.
Il est vrai que, dans la
même séance, j'ai dit en m'adressant à vous : vous êtes un insolent
vous-même. En cela, j'usais encore de représailles ; le premier vous m'aviez
dit : Vous êtes un insolent. Ce mot n'a pas dans ma bouche d'autre
valeur que dans la vôtre.
(Signé) NOTHOMB. »
Une lettre de J.-B. Nothomb
à son frère Jean-Pierre, commissaire de l'arrondissement d'Arlon, nous apprend
quelle fut la suite de cette affaire :
« Bruxelles, le 17 novembre (1833).
Mon cher Père,
Ce qui vient de se passer entre M. Gendebien et moi a été l'objet des conversations
de cette semaine, bien que les journaux aient gardé le silence, silence gardé
non par moi, mais par les amis de mon adversaire. »
(page 492) J.-B. Nothomb donne ensuite communication à son frère de la
lettre précitée.
« Le jeudi 14 -
continue-t-il - j'ai reçu une lettre par laquelle MM. de Renesse et Niellon, témoins de M. Gendebien, demandent en son
nom satisfaction, en me laissant le choix du lieu et des armes.
Le général d' Hane de Steenhuyze et le député
d' Huart ont consenti à être mes témoins ; je les ai chargés de déclarer à M. Gendebien et à ses
témoins que j'acceptais le duel, mais à bout portant, une table entre nous
deux, que je ne ferais aucune réparation, que j'avais rendu ce que je rendrais
toujours, insulte pour insulte, que c'était là mon système à moi et que je m'y
conformais en toute occasion.
Les témoins se sont réunis
de part et d'autre ; les témoins de M. Gendebien ont avoué n'avoir accepté que pour
empêcher que l'affaire tombât en de mauvaises mains ; ensuite les 4 témoins
ont signé la déclaration suivante :
Les soussignés s'étant
réunis pour examiner le différend qui s'est élevé entre Messieurs Gendebien et
Nothomb, ensuite de ce qui a eu lieu à la séance de
Convaincus, en conséquence,
qu'il serait contraire à la raison, au bon sens, aux vrais principes, de donner
suite à cette altercation et que ce serait assumer sur Messieurs Gendebien et
Nothomb et sur les soussignés eux-mêmes, une immense responsabilité, que de se
livrer pour cela à un combat ; Nous déclarons que, selon notre avis, un tel
combat ne doit absolument pas avoir lieu ; Nous déclarons de plus que si Messieurs Gendebien
et Nothomb ne voulaient pas s'en rapporter à notre manière de voir, nous
refuserions formellement de continuer à être leurs témoins.
Le présent fait en double à
Bruxelles, le 15 octobre 1833.
(Signé) D'HANE. (Signé) E. D'HUART.
(Signé) DE RENESSE. (Signé) NIELLON.
J.-B. Nothomb poursuit :
« Avant d' acquiescer par mon silence à cette déclaration, j'ai
consulté grand nombre de personnes qui se sont accordées à regarder l'affaire
comme terminée à mon avantage. Il n'y a eu à
J'ai eu dans le courant de
la semaine, un long entretien avec le roi. j'avais
préparé une lettre que j'aurais remise au général d'Hane
sur le terrain, et par laquelle j'aurais légué à S. M. le soin de mes
frères et sœurs. Je dîne ce soir à la cour.
J'ai, de plus, écrit à De Weys la lettre ci-jointe. S'il persiste dans l'assertion
qu'on lui attribue, il aura de moi l'épithète de menteur et un soufflet. Le
reste s'en suivra au besoin. »
Cette lettre était ainsi
conçue :
Bruxelles, le 15 novembre 1833.
Monsieur,
Une explication que je viens
d'avoir avec M. Gendebien a donné l'occasion à celui-ci de rappeler une scène qui a
eu lieu entre vous et moi en mars 1831, au café des Mille Colonnes ;je me vois dans la nécessité de faire un appel à
votre mémoire.
Vous vous êtes approché de
la table où je jouais aux dominos avec M. Conway (2),
qui se rappelle parfaitement comment les choses se sont passées ; après vous
être plaint d'une prétendue dénonciation faite par moi, et d'un refus de salut de
ma part, vous avez ajouté qu'il vous fallait une satisfaction et que pour
l'obtenir, vous me donneriez au besoin un soufflet ; je vous ai répondu :
Pas de scandale, je vous donnerai satisfaction sans qu'un soufflet soit
nécessaire. Nous nous sommes donné rendez-vous chez moi, rue des Douze
Apôtres, pour le lendemain matin, huit heures. M. Jottrand était mon témoin
; je vous ai déclaré : 1° qu'en ma qualité de délégué du
gouvernement provisoire du Luxembourg, j'avais appris que vous aviez cherché à
faire sortir de la forteresse des militaires prussiens, qu'au retour de ma mission
j'avais parlé au Comité central et au Comité de la guerre de ce fait comme
d'une simple imprudence, due sans doute à un excès de zèle, et sans provoquer
aucune rigueur contre vous ; 2° que s'il m'était arrivé de ne pas
répondre à votre salut, c'était parce que je ne vous avais pas vu. Après cette
explication, vôtre témoin et le mien ont déclaré que l'affaire devenait sans
objet.
Voilà le récit exact de ce
qui s'est passé entre vous et moi ;je vous ai revu depuis et traité en
ancien camarade.
Il est vrai qu'au Café des Mille Colonnes, vous
m'avez en quelque sorte menacé d'un soufflet, menace que le sentiment d'une
injustice supposée et l'état d'irritation où vous paraissiez être, rendaient
excusable ; mais m'avez-vous réellement donné un soufflet ? C'est ce que je
nie. Je nie également que vous m'ayez touché et que vous ayez jeté à terre mon
chapeau. Je n'en appellerai ni à M. Comway, ni à M. Jottrand, mais à vous-même.
Votre réponse me prescrira
la conduite que j'aurai à tenir ; je suis certain qu'elle sera conforme à la
vérité et aux sentiments que je vous connais.
Agréez, Monsieur,
l'expression des sentiments. avec lesquels j'ai
l'honneur d'être,
Votre très humble et très
dévoué Serviteur, (Signé) NOTHOMB.
Il est entendu que ces
pièces ne sortiront pas de tes mains. Tu pourras les lire à Koch, Constant,
Victor, Raphaë.
Ton dévoué frère,
(S. )
NOTHOMB.
P. S. Le général Niellon s'est rendu d'un bureau de journal à l'autre pour
obtenir le silence.
Le choix d'un membre de
l'opposition (Le baron d’Huart) n'a été fait que pour
rendre le tort de M. Gendebien plus évident.»
L'attitude fort crâne de
Nothomb, la répugnance de ses propres témoins firent comprendre à Gendebien
qu'il avait fort mal fait de raviver cette querelle trop vieille, et dans
laquelle il avait eu le premier tort. L'affaire s'arrangea, fort heureusement, car
les conditions draconiennes de.la rencontre auraient
probablement amené la mort des deux antagonistes. La presse, les journaux
orangistes eux-mêmes, eurent le bon esprit de se taire, et l'incident fut clos.
(1) L'année 1833 fut
décidément, pour Gendebien, marquée par une épidémie de duels et de cartels. En
février, il avait été sur le point d'avoir une affaire avec le général Magnan,
le futur maréchal du second Empire. Niellon avait été
mis en disponibilité et remplacé par Magnan dans le commandement des Flandres.
Gendebien, critiquant cette mesure et prenant à
Gendebien lui répondit le 21
février. J'ai reçu - disait-il en substance - une troisième lettre où vous me
dites qu'une explication est devenue nécessaire. Vous avez eu tort de ne pas
vous adresser directement à
Si un jour je croyais
pouvoir être plus utile à mon pays en vous combattant les armes à la main,
qu'en lui consacrant ma vie à la tribune, je n'attendrais pas une
provocation... »
Adversaires et partisans de
Gendebien lui donnèrent tort ou raison. L'affaire n'eut pas d'autres suites. Les
collègues dont parle Nothomb lui avaient, du reste, donné un mauvais conseil,
dont l'exécution aurait eu, en exaspérant Gendebien, les plus graves
conséquences.