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« Aperçus de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 » (« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)

 

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D. L’ASSOCIATION NATIONALE.

 

III. La naissance de l’Association et la réunion tumultueuse du 24 mars 1831 au Waux-Hall

 

(page 179) Dans La Liberté  du 3 février, Gendebien complétait ses révélations sur l’attitude du Régent et la défaillance presque générale qui avait gagné les dirigeants à la suite du refus de Louis-Philippe d’accepter pour son fils le trône belge. 

Le beau-père de Gendebien lui-même, Barthélemy, déclarait à son gendre, au retour de la commission qui rapportait de Paris la décevante réponse, qu’il se résignait à la royauté du prince d’Orange, unique expédient pour éviter la restauration de Guillaume. 

Gendebien confesse qu’il s’abandonna tout d’abord au dégoût et au découragement :

« Je fus sur le point de donner ma démission de toutes mes fonctions et de me retirer en Amérique ; puis, me frappant le front, je retrouvai mon énergie et pris la résolution de continuer la lutte. J’acceptai le ministère de la Justice que j’avais d’abord refusé. Le fait de mes refus et de l’insistance du Régent pour me faire accepter le ministère me mettait en bonne position d’indépendance dont je sus profiter.

 Il montre ensuite les causes de faiblesse qui paralysèrent le premier cabinet du Régent, malgré la valeur des personnalités qui le composaient. de Brouckere et Tielemans ne sympathisaient ni avec Van de Weyer ni avec Gendebien. Le rappel du comte de Celles, imposé par de Brouckere, la question du serment à réclamer de l’armée et de la garde civique s’ajoutaient, pour diviser les ministres, au conflit provoqué par la candidature du prince d’Orange. 

Ce fut l’ASSOCIATION NATIONALE, dit Gendebien, qui, malgré la passivité du Régent, « déjoua l’intrigue, vainquit l’orangisme et convertit ceux qui avaient cru à la fatale nécessité d’appeler ou de subir le prince d’Orange. Lord Ponsonby lui-même, le principal instrument de l’intrigue, le génie malfaisant du Régent, fut vaincu et contremanda (page 180) la contre-révolution (voir la lettre du général Vandersmissen au duc de  Wellington, du 24 avril 1832). 

Il donne ici des détails plus circonstanciés sur la création de ce groupement patriotique qui, selon l’expression peu suspecte de J.-B. Nothomb, « sauva la révolution ».

L’ASSOCIATION naquit le 23 mars 1831 à mon ministère de la Justice ses patriotiques destinées furent confiées à de braves et énergiques jeunes hommes. Il était trois heures après-midi et dès huit heures du soir, une réunion nombreuse délibérait et jurait de confondre les ennemis de la révolution les traîtres et les intrigants. 

Retenu chez le Régent comme on l’a vu plus haut, j’arrivai tard mais assez à temps pour me convaincre que les paroles énergiques que je venais de prononcer chez le Régent ne seraient pas vaines et que mes prédictions allaient se réaliser ; dès ce moment, je considérais le parti orangiste comme écrasé.  Une réunion, pour le lendemain soir, 24 mars, au Waux-hall, fut votée. L’assemblée fut plus nombreuse que la veille. Tandis qu’elle délibérait sur les mesures à prendre, le parti orangiste qui avait eu 24 heures pour préparer ses calomnies et son attaque, avait propagé le bruit que cette réunion avait pour but la réunion à la France. Un Anglais (Note de bas de page : « Je tairai son nom — dit Gendebien parce que ses fils sont d’honorables citoyens et bons patriotes.») poussa les ouvriers de sa fabrique et d’autres sur notre assemblée. Il nous suffit de nous montrer et de leur dire qu’on les trompait, que nous étions réunis pour combattre les orangistes, les intrigants qui avaient vendu la Belgique au Roi Guillaume. Ces hommes qu’on avait grisés, séduits par de l’or et trompés, crièrent : « Vive la Belgique, à bas les Orangistes, à bas les Hollandais à bas les traîtres ! » Ils se ruèrent sur ceux qui les avaient trompés, les forcèrent à une retraite précipitée. Nous dûmes même intervenir, pour les soustraire à la mort dont ils étaient menacés. 

Plusieurs ouvriers furent introduits dans la salle des délibérations, où ils signèrent les listes d’adhésion à l’association. La foule grossissant, des tables furent dressées dans le Parc, les listes d’adhésion furent signées, avec enthousiasme par le plus grand nombre, et avec hypocrisie par quelques traîtres qui n’étaient venus que pour constater notre défaite qu’ils avaient préparée. 

Des fonctionnaires de tous rangs, des généraux, des militaires de tous grades, s’empressèrent de signer. 

La victoire était complète, l’association se propagea dans la Belgique  (page 181) entière avec une rapidité que rien n’égalait, si ce n’est l’enthousiasme et la joie universels. 

La victoire était complète contre l’orangisme, mais il y avait une seconde victoire à gagner, obtenir du peuple le calme et la modération dans le succès, conjurer les réactions, les vengeances. » 

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