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« Aperçus de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 » (« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)

 

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C. LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE.

 

LVI. Le complot d'Ernest Grégoire.

 

(page 452) La naïve confiance de certains hommes dans la diplomatie anglaise, leur déférence plus naïve encore pour l'apparente sollicitude et les perfides conseils de Ponsonby, enhardirent sans doute celui-ci à conseiller au prince d'Orange de faire une diversion pour combattre (page 453) l'élection de Nemours ou pour en neutraliser les effets, par une contre-­révolution.

Ernest Grégoire, enfant gâté de la révolution, se chargea de la mission de déchirer le sein de sa mère.

Ernest Grégoire, l'ami de MM. Félix de Merode et Ch. Rogier, avait su captiver leur confiance, au point qu'au 27 septembre, ce dernier avait insisté vivement au Gouvernement provisoire pour qu'on lui confiât la mission d'aller à Paris représenter la Belgique auprès de Louis­-Philippe et de son gouvernement. - Quelques jours plus tard, M. de Mérode l'associa à sa mission dans les Flandres.

Deux ou trois jours avant sa trahison, Ernest Grégoire était venu à Bruxelles, pour prendre, sans doute, les dernières instructions de Ponsonby, et régler la partie financière de l'opération. Il vint le soir au Gouvernement provisoire, il dit qu'il était venu à Bruxelles pour demander l'exécution de la promesse qui lui avait été faite du grade de colonel ; on paraissait très disposé à la lui accorder, lorsque je lui fis observer qu'il n'avait qu'un bataillon, que son grade de lieutenant-colonel était déjà supérieur au nombre d'hommes qu'il commandait ; « quand vous aurez complètement recruté un deuxième bataillon, lui dis-je, nous pourrons vous élever au grade de colonel ; cet avancement sera, il me semble, assez rapide ; il dépendra de vous d'en hâter l'accomplissement ».

Il fut contrarié, ou plutôt il feignit d'être contrarié de mon observation et finit par dire : si vous ne m'accordez pas le grade de colonel, je le prendrai ; il se retira brusquement, manquant aux plus simples convenances ; tandis qu'habituellement, il savait mêler à une apparente franchise beaucoup d'aménité et de savoir-faire. Son attitude, sa tenue, son langage attestaient un parti pris de révolte, de rupture avec nous et la conscience de sa future supériorité sur nous ; son équipée à Gand ne tarda pas à expliquer chacun de ces incidents excentriques qui nous avaient étonnés.

Ernest Grégoire partit clandestinement de Bruges dans la nuit du 1er au 2 février avec environ 300 hommes ; il recruta, chemin faisant, une compagnie du 6e de ligne au moyen d'un faux ordre du général Lemahieu. Il arriva, traînant à sa suite 5 à 600 hommes, à peu de distance de la porte de Bruges, à Gand, vers onze heures du matin, escorté de nombreux Orangistes qui étaient allés à sa rencontre pour le féliciter et l'encourager ; des éclaireurs qu'il avait envoyés en avant vinrent lui dire que le poste de garde civique de la porte de Bruges s'était retiré sur l'ordre ou le conseil d'un officier supérieur et y avait (page 454) laissé ses armes. Grégoire dit alors à ses officiers qui le répétèrent à ses soldats que le prince d'Orange avait été, la veille, proclamé Roi des Belges à Bruxelles et qu’ils allaient assister à sa proclamation à Gand et au besoin la soutenir par leurs armes

Vers midi, la troupe entra à Gand et pénétra jusqu'à l'hôtel du gouvernement, sans rencontrer de résistance et au milieu d'une foule silencieuse, malgré l'argent et l'or distribués à pleines mains ; les enfants seuls les ramassaient, en répétant les cris : Vive le Roi ! Vive Orange ! très peu d'hommes du peuple répétaient les cris, il fut même constaté que, sauf les enfants et quelques femmes, le peuple, indigné, ne s'abaissait pas à ramasser l'argent qu'on lui jetait à profusion.

L'hôtel du gouvernement, investi, occupé par la troupe de Grégoire, celui-ci monta à l'appartement du Gouverneur ; il rencontra sur l'escalier un des braves frères Bayet, de Liége, qui remplissait les fonctions de secrétaire du gouvernement.

« Le prince d'Orange, lui dit-il, sera proclamé aujourd'hui roi des Belges, à Bruxelles ; nous venons le proclamer à Gand ; vous êtes des nôtres ? Il n'y a pas à hésiter ; il y va de votre avenir, de votre vie. »

- « Vous êtes fou », dit Bayet avec énergie. Puis il alla avertir les autorités civiles et militaires et organiser et activer les moyens de répression prompte de tant d'audace.

Grégoire dit au Gouverneur ce qu'il avait dit à M. Bayer.

« Cela est impossible, dit le Gouverneur. C'est le duc de Nemours qui sera proclamé, aujourd'hui ou demain, par le Congrès. Il n'est pas question du prince d'Orange, le peuple n'en veut pas. »

Grégoire le menaçant d'un pistolet, lui dit : « Proclamez-vous, oui ou non, le prince d'Orange ? »

Le Gouverneur répondit par un NON très énergique qui déconcerta le traître. - « Eh bien, dit-il, je vais le proclamer moi-même. Avant un quart d'heure, le peuple viendra vous punir de votre aveugle obstination. »

- « Je l'attendrai ici à mon poste, dit le Gouverneur. » Ceci est textuellement historique.

Un quart d'heure plus tard, les jeunes soldats de Grégoire, qui avaient envahi le gouvernement, vinrent se jeter aux pieds du Gouverneur, implorant leur pardon, affirmant qu'ils n'étaient pas les complices de Grégoire, qu'on les avait trompés. Le Gouverneur qui devait être leur victime, fut leur sauveur.

Le peuple, comme toujours, fut magnanine et intelligent. Il traqua et arrêta les simples soldats qu'il livra à l'autorité ; il n'en fut (page 455) pas de même pour les officiers ; il voulait, disait-il, les punir lui-même, craignant qu'on ne leur fît grâce. Debast, capitaine, trouvé blessé dans un soupirail de cave, fut soustrait à la fureur du peuple par l'énergique résistance du colonel des pompiers et de l'avocat Desoeter, excellent patriote qui, des premiers, s'était armé et avait combattu la troupe commandée par ce même Debast.

Je tiens ces détails et bien d'autres du brave Bayet et du brave Gouverneur qui me firent des révélations compromettantes pour certaines autorités civiles et militaires et pour les meneurs du parti orangiste.

Honneur à M. LAMBERTS DE CORTENBACH, gouverneur de la Flandre Orientale ! Son nom mérite de passer à la postérité. Le courage, l'énergique présence d'esprit de ce vieillard sauvèrent la Belgique d'une restauration ou, tout au moins, d'une guerre civile qui n'aurait pas tardé à être étouffée. Mais à quel prix !

Gand était divisé en deux camps : d'un côté le peuple, soutenu, dirigé par des patriotes pleins de courage et d'énergie. L'autre camp était composé de la majorité des négociants, d'industriels plus ou moins subsidiés par Guillaume, de fonctionnaires civils et judiciaires et de la classe plus nombreuse qui aspire à arriver et y travaille sans cesse ; de nobles ou qui se croient l'être, ou aspirent à le devenir ; de rentiers qui craignent toujours que la terre leur manque ; à la tête de ce camp était l'administration communale. Tel était le parti orangiste à Gand. On conçoit qu'il pouvait devenir très dangereux, si le Gouverneur avait fléchi, car il aurait été indubitablement remplacé par l'administration communale toute dévouée à la dynastie proscrite.

Honneur donc, encore une fois, honneur à la mémoire de M. Lam­berts de Cortenbach, honneurs aux officiers et soldats du brave corps des pompiers de Gand, honneur à MM. Desoeter, Spilthoorn, avocats, qui ont, des premiers, pris les armés et ont puissamment contribué à sauver la Belgique des plus grandes calamités.

Honneur à MM. Bernard Missiaen, employé des accises, Charles Van Ker, François Vermeersch, Ellebaut, J. Decoster, Bayens, batelier, Motte de Tournay, Taquet, Vromme, Van Clemputte, Zaman et tant d'autres que mon ingrate mémoire condamne à un oubli involontaire.

M. Bayet, après avoir dit à Ernest Grégoire : « Vous êtes fou », le lui fit bientôt voir : il alla chez le commandant de place Vandezande qui s'est admirablement bien conduit, il lui dit les dangers qui menaçaient le gouvernement et la ville ; il fit avertir le commandant des pompiers et acheva sa mission.

 


(page 456) ­Vandepoel, avant même d'en recevoir l'ordre, avait rassemblé tous ses pompiers et fît charger à mitraille deux pièces de canon ; il courut, sans hésiter, à la délivrance du Gouverneur ; il mit bravement son monde en bataille, à une portée de pistolet de la troupe de Grégoire et envoya demander les ordres du Gouverneur. Le sous-lieutenant Rolliers remplit sa mission avec un courage et un admirable sang-froid ;. il traversa la foule des soldats de Grégoire qui encombrait l'hôtel du Gouvernement, au moment ou un officier, le pistolet au poing, lui disait : « Etes-vous, oui ou non, décidé à proclamer le prince d'Orange » ? Le « non» énergiquement prononcé par le Gouverneur et le signe que fit celui-ci à Rollièrs, suffirent à lui indiquer ce qu'il avait à faire. Il dégaina, et le sabre à la main, il traversa la foule étonnée et rejoignit son commandant. Tandis qu'il lui rendait compte de sa mission, une décharge des soldats de Grégoire tua et blessa plusieurs pompiers à leurs côtés. Ceux-ci firent feu à leur tour, puis Vandepoel démasqua ses deux canons ; deux coups de mitrailles mirent le désordre dans la troupe de Grégoire. Sa dispersion et sa fuite furent d'autant plus prompte qu'ils avaient été trompés sur le but de leur expédition. La victoire a été complète.

Honneur au brave corps des pompiers et à quelques braves patriotes, tels que l'avocat Desoeter et quelques-uns de ses amis, qui ont eu la chance d'apprendre, des premiers, le conflit ; une heure plus tard, deux mille patriotes auraient enveloppé Grégoire et sa troupe.

La trahison, ourdie en silence, a été un secret pour tout le monde, excepté pour les meneurs du parti orangiste et pour quelques traîtres.

On conçoit, sans peine, que Grégoire eût pu entrer à Gand et pénétrer jusqu'à l'hôtel du Gouvernement, sans rencontrer la moindre résistance ; on peut aussi expliquer, jusqu'à un certain point, l'invasion de la garnison, mais il est un fait plus difficile à justifier : on m'a affirmé que la garnison était consignée dans ses casernes. Mon fils, sous­-lieutenant au 2e régiment de chasseurs à cheval, m'a confirmé le fait et il m'a dit qu'au bruit de la mousqueterie et du canon, ils avaient forcé la consigne, avaient couru où les bourgeois disaient qu'on se battait, mais que tout était fini ; ils s'étaient mis à la poursuite des soldats de Grégoire et avaient aidé à les arrêter. Tous les prisonniers, me dit-il, affirmaient qu'on les avaient trompés et criaient : vivent les Belges, vive la liberté !

Le général Duvivier, commandant en chef la division militaire, a été peu ou plutôt si mal secondé, qu'il dut aller se mettre à la tête du bataillon de chasseurs, dit de Borremans, dont il prit le commandement.

(page 457) Il n'apprit la trahison de Grégoire que par les propositions qu'un des principaux industriels de Gand vint lui faire. « Le prince d'Orange, lui dit-il, est ou sera proclamé à Bruxelles, aujourd'hui ; il convient, il est nécessaire qu'il soit aussi proclamé à Gand aujourd'hui et de suite pour éviter des désordres et peut-être une guerre civile. »

- « Qu'est-ce que vous me dites là, dit le général. »

, - L'industriel reprit : « Si vous en doutez, venez avec moi à l'hôtel de ville, on vous instruira de tout ; vous recevrez vos instructions et en même temps, une preuve de la générosité du Prince qui veut à tout prix éviter la guerre civile, ce que vous désirez sans doute aussi. Tous les honnêtes gens sont d'accord à Gand et plusieurs officiers supérieurs les appuieront. »

- « Je comprends, dit le général, Vous voulez me séduire avec de l'argent. » - « Pas du tout, dit l'industriel, nous voulons vous récompenser d'une bonne action. MM. tel et tel ont compris la chose et n'ont pas hésité à accepter, l'un 45,000 florins, l'autre 40,000. Si vous n'aimez pas à agir activement, vous recevrez 80,000 florins pour rester neutre et laisser faire. » Le général indigné, lui dit : « Je devrais vous constituer mon prisonnier et peut-être vous faire fusiller à l'instant. Sortez, rentrez chez vous et restez-y. Je ne veux pas vous compromettre, mais si vous faites encore la moindre démarche, si je vous rencontre dans la rue, je vous ferai sabrer. »

Tandis que le général était à la tête du bataillon de Borremans, un autre industriel vient lui faire les mêmes propositions, disant aussi, pour déterminer le général à accepter .les 80,000 florins, que MM. tel et tel avaient reçu l'un 45,000, l'autre 40,000 florins et faisant aussi d'autres révélations. « Je suis donc le seul honnête aujourd'hui », dit le général. Il brandit son sabre et fut, me dit-il, fort heureux, deux minutes après, de n'en avoir pas fait usage, les vivats annonçant que Grégoire était en fuite et sa troupe dispersée et prisonnière presque tout entière.

Je tiens tous ces détails de la bouche même du général qui avait eu une carrière trop brillante pour sentir le besoin de se vanter ; il avait assisté à toutes les grandes batailles du Consulat et de l'Empire et y avait reçu de graves blessures ; il était loyal, franc, modeste, ennemi du mensonge. Je suis d'autant plus convaincu qu'il m'a dit la vérité, qu'il parlait à son beau-frère et qu'il avait pour moi trop d'estime pour manquer à la vérité. Le général Duvivier avait épousé ma sœur (Note de bas de page : M. Louis Leconte, qui a publié les Mémoires du général de Wautier et consacré plusieurs articles à l'Affaire Grégoire dans la revue LA GAULE (n° des 20 juillet, 3 et 17 août 1930), n'apprécie pas favorablement l'attitude du général Duvivier. Aussi qualifie-t-il d' « insigne maladresse le plaidoyer de Gendebien ». Cette remarque ne l'empêche pas de rendre à ce dernier, par ailleurs, un très bel hommage, « - - Gendebien – dit-il – fut un vrai patriote sans arrière-pensée égoïste. »)

(page 458) Les renseignements, les révélations, les. dénonciations qui sont parvenus au Gouvernement provisoire, au Comité de Justice et à moi personnellement, m'ont démontré que la corruption, la séduction avaient été pratiquées sur une large échelle. Si des poursuites rigoureuses avaient été faites, que de corrupteurs et de corrompus auraient été traînés sur les bancs de la cour d'assises et de la haute cour militaire, que de gens qui ont continué à tenir tête haute, auraient été voués au mépris public ! .

Je ne parlerai que de deux officiers supérieurs, parce qu'ils sont sortis volontairement de l'incognito, par une dénonciation réciproque ; je veux, je dois, pour des raisons que je dirai plus tard, suivre ces dénonciations qui ont d'ailleurs le mérite de confirmer ce que m'a dit le général Duvivier.

Le 5 ou le 6 février, M. Goblet, alors ministre de la guerre, vint communiquer au Gouvernement provisoire deux lettres de deux officiers supérieurs qui s'accusaient mutuellement d'avoir favorisé l'expédition d'Ernest Grégoire. Je ne me souviens pas si elles faisaient mention des sommes respectivement reçues ; mais elles émanaient des deux officiers que les partisans du prince d'Orange signalaient au général Duvivier pour le déterminer à accepter de son côté les 80,000 florins ; ce sont les officiers que m'avait nommés le général Duvivier.

Je dis au ministre de la Guerre : « Mon cher Goblet, vous devez comprendre que nous ne pouvons conserver dans l'armée, ni traîtres ni calomniateurs ; or, ces messieurs sont l'un ou l'autre. Traduisez-les devant la haute cour militaire. »

Je dirai pourquoi les poursuites ont été suspendues et plus tard abandonnées. Ils furent même récompensés comme tant d'autres ennemis de la révolution et des révolutionnaires. Je dirai aussi pourquoi !

La trahison de Grégoire avait des ramifications à Bruxelles ; c'est là qu'était la direction de cette ténébreuse entreprise. Elle fit venir Borremans qui avait eu, dans les premiers jours de la révolution, une grande popularité qu'il devait, comme M. d'Hooghvorst, à sa taille et a ses familiarités avec certaines classes du peuple qu'il savait flatter par des démonstrations d'apparente égalité ; il n'eût pas la sagacité de comprendre le patriotisme du peuple, son dévouement à la Révolution et ses haines pour le roi Guillaume et le régime hollandais. Borremans échoua en février, comme il échoua, ainsi que M. d'Hooghvorst, en mars 1831.

. Beaucoup d'argent avait été dépensé à Bruxelles comme à Gand ; il ne donna guère de courage et de dévouement aux partisans du prince d'Orange, mais il donna au peuple l'occasion de se réjouir aux dépens (page 459) des corrupteurs : il but l'argent du prince d'Orange, en chantant la Brabançonne et en criant : vivent les Belges, vive la liberté, à bas les orangistes, à bas les traîtres !!

Les hommes d'Etat de Hollande, les conseillers et les partisans du Prince, ne comprirent pas la Révolution, ils n'aperçurent point que c'était une guerre de peuple à peuple ; un peu de sagacité et de sens commun leur eût fait comprendre que la Révolution était dans les masses ; qu'on les pouvait. vaincre par la lassitude et la misère, et non en prodiguant l'or et les promesses aux courtisans, aux parasites toujours sans intelligence et sans cœur, sauf de très rares exceptions.

Le Gouvernement provisoire félicita et récompensa le brave corps des pompiers : Van de Poel fut nommé colonel et Rolliers, capitaine, avec rang dans l'armée ; Vanhove reçut aussi de l'avancement ; des sabres d'honneur leur furent donnés, des armes d'honneur furent distribuées aux pompiers qui s'étaient le plus distingués ; des souscriptions furent ouvertes pour glorifier ces braves patriotes, pour pensionner les veuves et venir en aide aux blessés et aux orphelins.

L'administration communale de Gand, dévouée au roi Guillaume, hostile à la Révolution, s'était gravement compromise dès son installation et surtout à l'occasion de la tentative de Grégoire ; elle était publiquement accusée de trahison et menacée par le peuple d'un prompt et sévère châtiment ; elle s'était réduite à l'impuissance et devait disparaître pour éviter une catastrophe.

Le gouvernement la suspendit. C'est le seul acte de réaction ou plutôt de châtiment bien modéré qu'il posa. Il la remplaça par une commission administrative composée d'excellents et honorables patriotes dont les noms méritent de trouver place dans mes Aperçus, car ils ont eu de rudes labeurs et des tribulations de tous les genres dont les pouvoirs qui nous ont succédé n'ont tenu aucun compte.

Voici les noms des membres de cette commission :

« MM. Joseph Van den Hecke, president ; Piers de Raverschoot, Rollen, avocat ; Charles Pycke, d'Hane, De Potter, Martens, Mersman, Desoeter, avocat ; François Vergauven, Van de Poel, notaire ; J.-B. Spilthoorn, avocat ; J.-B. Van de Cappelle, membres. »

« MM. l'avocat Le Jeune et Hyp. Scholtheur, secrétaires. »)

Les premières investigations de la justice révélèrent des complicités si nombreuses et atteignant un si grand nombre de familles honorables (!) que, pour éviter des appréciations défavorables à la Révolution, le gouvernement arrêta l'instruction de la justice ordinaire, circonscrivit les poursuites à l'élément militaire et envoya à Gand l'auditeur général (page 460) de la haute cour militaire, avec instruction d'écarter des poursuites l'élément civil.

C'est dans l'ordre de ces idées, que les poursuites contre les deux officiers supérieurs dont j'ai parlé plus haut, ont été suspendues : la poursuite des corrompus entraînait la poursuite des corrupteurs qui avaient donné les 45,000 et les 40,000 florins, c'était ouvrir la porte que nous avions fermée. Cette porte se fût nécessairement élargie et aurait fatalement produit les funestes et impolitiques résultats que nous avions résolu d'éviter.

Gendebien s'indigne des procédés machiavéliques des doctrinaires catholiques et libéraux », qui ont systématiquement méconnu les patriotes les plus sincères et les plus désintéressés, alors qu'ils favorisaient les « ennemis de la Révolution », les « traîtres », les « caméléons », ralliés à la nouvelle dynastie.

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