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d’intention
« Aperçus
de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 »
(« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)
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C. LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE.
LIV.
Le refus de la France. Son adhésion au protocole du 27 janvier.
(page 451) Les funestes
conséquences de la victoire de Ponsonby et de la
Sainte-Alliance, ne se firent pas longtemps attendre : aussitôt que le gouvernement
français connut la faible majorité donnée au duc de Nemours, il notifia à la
Conférence que le roi refusait la couronne déférée à son fils. Peu de temps
après, il envoya son adhésion au protocole du 27 janvier.
Ce protocole réglait arbitrairement et avec une inique partialité les
limites de la Belgique et lui imposait une part exorbitante de la dette
hollandaise .
Dans l'espoir d'un appel à peu près unanime du duc de Nemours au trône
de Belgique, le gouvernement français avait, dans l'intérêt de la jeune
royauté, protesté contre les limites de son futur territoire et contre les
bases de la répartition de la dette.
Si le duc de Nemours avait obtenu une majorité imposante, nous eussions,
grâce à la puissante protection du gouvernement français, et aux sympathies
plus puissantes encore de la France, obtenu d'importantes modifications au
protocole du 27 janvier. Mais les intrigues de Ponsonby,
trop facilement accueillies et secondées par d'imprudentes cécités, les
prédilections insensées pour les traités de 1814 et de 1815 et pour les
puissances qui voulaient les restaurer en Belgique, les dédains, les sarcasmes,
les injures à l'adresse du gouvernement français et de la France elle-même, ont
tout changé, tout compromis : le gouvernement français, indigné de tant
d'aveuglement et d'ingratitude, n'hésita pas à adhérer au protocole du 27
janvier.
Pour établir avec la Belgique une alliance intime, utile et forte par
l'unanimité des volontés et des dévouements, le gouvernement français
consentait à courir la chance d'une brouille avec les puissances ; brouille peu
probable à cette époque et d'ailleurs peu dangereuse, (page 452) parce que l'alliance intime avec la Belgique aurait
constitué une résistance formidable, dont les éléments généreux, enthousiastes
garantissaient le succès et permettaient d'espérer le concours de tous les
hommes de cœur désireux et impatients de nous imiter.
Ce que le gouvernement français était disposé et avait intérêt à faire
pour une alliance intime, loyale et forte, il ne pouvait plus l'accepter pour
une alliance plus que douteuse, en présence des nombreux dissidents qui
paraissaient dévoués aux auteurs des traités de 1814 et de 1815, et disposés à
accepter le rôle de geôlier de la France. Ce n'était pas l'intention de tous
les partisans de Leuchtenberg ; mais les imprudentes
paroles des ardents promoteurs de cette candidature légitimaient les soupçons
du gouvernement français et sa résolution de rentrer dans les errements de la
Conférence de Londres. C'est ce qu'il fit en adhérant au protocole du 27
janvier.
J'apprécie avec calme aujourd'hui cette époque néfaste. Trente-sept ans
nous en séparent ; eh bien ! je ne conçois pas comment on a pu, sérieusement et
de bonne foi, méconnaître que la France était notre seule amie, et la seule puissance
intéressée à nous venir en aide.
Je suis encore effrayé des funestes conséquences que pouvait produire
l'aveuglement obstiné de quelques hommes qui posaient et n'ont pas cessé de se
considérer comme des hommes d'Etat, même après la catastrophe du mois d'août
1831 !
C'est sans doute une grâce d'Etat, puisque le grand maître de la
doctrine, M. Guizot, après avoir tué ou au moins laissé ignoblement
tomber une dynastie, se considère, encore aujourd'hui, comme un homme d'Etat
d'élite, et n'a pas cessé d'avoir foi dans son infaillibilité !!
La France a heureusement conservé ses sympathies pour la Belgique :
dédaignant l'ingratitude et l'injure et prenant en pitié les petites misères
qui se sont produites à l'occasion de l'élection de Nemours ; elle a continué
sa puissante protection à sa sœur, à la fille aînée de sa révolution : elle l'a
sauvée au mois de mars et au mois d'août 1831 d'une restauration audacieusement
tentée, stupidement et lâchement préparée par de présomptueuses incapacités et
par la trahison.