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« Aperçus de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 » (« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)

 

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C. LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE.

 

XVLII. La lettre de Sébastiani au comité diplomatique. Nouveau désarroi.

 

(page 435) MM. Devaux et Lebeau insistent pour qu'il soit donné suite aux interpellations ; le dernier « demande de plus qu'il soit donné connaissance au Congrès de la lettre que le Comité diplomatique a reçue de Paris ».

M. Van de Weyer ; « Si le Congrès croit convenable que je lui en donne lecture, je suis prêt. »

« L’assemblée décide que la lettre sera lue. »

M. Van de Weyer s'excuse sur ce qu'il y a peut-être de contraire aux convenances dans la communication d'une lettre qui n'a pas un caractère officiel ; il explique ensuite comment cette lettre est arrivée en sa possession : « Lorsque nous avons su par les journaux qu'il existait un nouveau protocole en date du 27 du mois de janvier, comme président du Comité diplomatique, je me rendis auprès de l'envoyé du gouvernement français, pour lui demander s'il avait des nouvelles de Londres, ou s'il avait reçu des ordres de son gouvernement.

« Il y eut d'abord tergiversation de sa part ; mais sur mes pressantes instances, il me communiqua la lettre dont je vais vous donner lecture. (Profond silence.)

« Paris, le 1er février 1831.

« Monsieur,

« Si, comme je l'espère, vous n'avez pas encore communiqué au Gouvernement belge le protocole du 27 du mois de janvier, vous vous opposerez à cette communication, parce que le Gouvernement du Roi n'a point adhéré à ses dispositions. Dans la question des dettes comme dans celle de la fixation de l'étendue et des limites des territoires belge et hollandais, nous avons toujours entendu que le concours et le consentement libre des deux Puissances étaient nécessaires.

« La Conférence de Londres est une médiation, et l'intention du Gouvernement du Roi est qu'elle ne perde jamais ce caractère.

« Agréez, etc.

« (Signé) Horace SÉBASTIANI. »

(Mouvement général de satisfaction.)

Grand désarroi dans le camp des partisans de Leuchtenberg ; l'un d'eux alla jusqu'à dire : « Nous devons remercier le gouvernement français de l'initiative qu'il vient de prendre, et prendre nous-mêmes acte (page 436) ­de cette communication, sans lui en savoir ni bon ni mauvais gré. » (Violents murmures... l'ordre du jour ! l'impression !)

M. Devaux, entre autres questions, demande si le Comité diplomatique a pris des informations pour connaître les suites probables du choix du duc de Nemours ou du duc de Leuchtenberg.

M. Van de Weyer répond « qu'il n'a reçu aucune communication officielle ; que comme membre du Comité diplomatique, il s'est rendu chez lord Ponsonby, à qui il a adressé la même question ; qu'il n'avait fait aucune communication officielle ; que lui ayant demandé, à propos de certaines réponses, si elles pouvaient être considérées comme officielles, il a répondu non ». (Il s'agissait de communications, de menaces qu'on lui attribuait et dont on avait cherché à tirer parti au profit de Leuchtenberg.)

Au milieu de murmures, de marques d'impatience et de cris : l'ordre du jour ! M. Lebeau poursuit son interrogatoire ; il insiste sur la question posée par son ami Devaux.

M. Van de Weyer répond : « J'aurai l'honneur de dire à l'assemblée que, dans le rapport du 26 décembre, je dis qu'il n'appartenait ni au Gouvernement provisoire, ni au Comité diplomatique, de prendre l'initiative, quant au choix du roi, mais que ce que l'un et l'autre devaient faire, c'était de se mettre à même d'éclairer la détermination du Congrès qui saurait, par son choix, combiner tout à la fois les intérêts de l'Europe avec les intérêts, la dignité et l'indépendance de la Belgique. Quelle fut la conséquence de cette communication ? Vous le savez, Messieurs, elle rencontra une vie opposition dans l'assemblée. On dit que ni le Gouvernement, ni le Comité diplomatique n'avaient le droit de se mêler de cette importance question ; la majorité de l'assemblée parut partager cet avis, en sorte que nos commissaires délégués à Londres reçurent l'ordre positif de ne prendre aucune information à ce sujet. »

Répondant à une nouvelle interpellation de M. Lebeau, M. Van de Weyer dit : « Nous avons à cet égard (l'acceptation du roi Louis-Philippe) l'opinion de notre envoyé à Paris, qui pense que le choix du duc de Nemours serait ratifié par le gouvernement français. »

M. Van Meenen : « Je demande que vous fassiez une réponse catégorique à mes questions. »

M. Van de Weyer :... « Vous demandez :

1° Si S. M. le Roi des Français acceptera ? J'ai déjà répondu que je le croyais ;

2° S'il acceptera comme Roi des Français ? Je ne sais pas en (page 437) quelle qualité il accepterait, s'il n'acceptait pas en cette qualité. (On rit.)

3° S'il acceptera immédiatement ou dans un délai déterminé ? Je vous répondrai que personne de nous n'a le droit de constituer le Roi des Français en demeure. (On rit plus fort.)

4° S'il acceptera avec l'assentiment des Chambres ? Je répondrai que nous voulons qu'on mette en pratique, à notre égard, le principe de non-intervention ; qu'il faut, par conséquent, nous abstenir d'intervenir dans les affaires des autres. Ce serait nous en écarter que d'aller dire au Roi des Français : Sire, accepterez-vous avec l'assentiment des Chambres ? car S. M. pourrait nous répondre : MM. cela ne vous regarde pas. »

L'assemblée met un terme à ce débat, en demandant avec force l'ordre du jour. »

Ces incidents ont été accompagnés de nombreuses marques d'impatience et de chuchotements très significatifs de la grande majorité de l'assemblée ; ils ont eu pour résultat de compléter le désarroi et la confusion des partisans de Leuchtenberg.

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