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« Aperçus de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 » (« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)

 

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C. LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE.

 

XXXVIII. Eloges non suspects.

 

(page 413) Avant de terminer l'analyse des séances des 12 et 13 janvier, si laborieuses, si agitées, qu'il me soit permis de dire que plusieurs honorables membres du Congrès m'ont rendu justice.

M. Raikem, homme sérieux et peu disposé à l'exaltation, a dit, en qualité de rapporteur de la section centrale des diverses propositions agitées pendant quatre longues séances : « Nous devons en convenir, lors de l'examen de la section centrale, nous n'avions pas de notions aussi exactes que celles qui nous sont parvenues depuis.

« Depuis, nous avons connu la pensée du Cabinet français ; vous connaissez maintenant les pièces qui sont parvenues au Comité diplomatique. Vous avez entendu notre honorable collègue, M. Gendebien ; il ne peut nous être suspect ; personne ne peut nous inspirer une plus grande confiance. Et ne peut-on pas dire que l'obscurité qui pouvait exister auparavant, est maintenant dissipée ? »

Après les discussions dont je viens de rendre compte, le Congrès s'occupa des budgets. Celui de la Justice eut seul le privilège de n'être pas critiqué du chef d'exagération.

M. de Robaulx, qui se montrait si sévère pour le Gouvernement provisoire et les chefs des comités administratifs dit, à propos de mon budget de la Justice : « c'est le seul département qui soit modéré, et l'homme intègre qui le dirige mérite la plus haute confiance ; cependant, je lui ferai un reproche, c'est qu'il n'ait pas demandé proportionnellement aux besoins qu'exige son service. Il est nécessaire d'augmenter le traitement des juges inférieurs ».

J'ai le droit de considérer cet éloge comme de bon aloi, car à cette époque, je n'avais aucun rapport avec M. de Robaulx. Je le contrariais, je le combattais même assez souvent.

J'exprimai le regret de ne pouvoir immédiatement poser l'acte de justice réclamé ; une loi ayant réglé les traitements, je ne pouvais, sans une loi nouvelle, les majorer, ce que la justice réclamait non seulement pour les juges de première instance, mais aussi pour ceux d'appel.

Quelques jours plus tard, je rédigeai un projet de loi qui augmentait le traitement des juges inférieurs et aussi des magistrats d'appel, en diminuant le nombre de ceux-ci, c'est-à-dire en composant les chambres de cinq juges au lieu de sept.

 


(page 414) Mes successeurs adoptèrent la réduction du nombre des magistrats d'appel ; mais ils n'augmentèrent pas leurs traitements. C'était injuste ; mais pour la royauté c'était logique. La magistrature d'appel étant inamovible, indépendante, il était de bonne politique de leur laisser quelque chose à désirer, afin d'en obtenir éventuellement quelques services dignes de récompense.

Pendant la discussion des budgets, on proposa de supprimer le département de la Sûreté publique et de l'adjoindre au ministère de la Justice. Je combattis cette suppression et je protestai énergiquement contre le projet d'adjonction et de réunion de deux institutions essentiellement antipathiques, inconciliables. Je déclarai que je déposerais immédiatement mon portefeuille, si cette proposition était adoptée.

« La Justice, Messieurs, est essentiellement répressive, et le ministère de la Sûreté publique doit quelquefois être préventif ; si vous confiez à des magistrats des attributions préventives, vous aurez plus tard à lutter contre la force de l'habitude ou de l'exemple, qui les pousserait à sortir des voies légales dont ils ne doivent jamais s'écarter. »

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