Accueil        Séances plénières         Tables des matières         Biographies         Livres numérisés     Bibliographie et liens      Note d’intention

 

« Aperçus de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 » (« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)

 

Chapitre précédent                         Retour à la table des matières                          Chapitre suivant

 

C. LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE.

 

XXXVII. L'incident Maclagan.

 

(page 411) Dans ses deux séances du 12 et dans sa séance du 13 janvier 1831, le Congrès termina la discussion de plusieurs questions soulevées au sujet de l'envoi de commissaires à Londres et à Paris ; puis au sujet de l'adjonction de quatre membres du Congrès au Comité diplomatique, enfin sur l'opportunité de la nomination d'un chef de l'Etat et sur quelques candidats qui pourraient être appelés au trône de Belgique.

Ces discussions ont été très confuses, par la multiplicité de leurs objets ; elles ont été très tourmentées par les sentiments divers et par les arrière-pensées qui se sont produites.

Le temps qu'elles ont fait perdre a été peu regrettable, puisqu'elles ont, en définitive, eu pour résultat une chaleureuse explosion de patriotisme qui a eu du retentissement dans le pays et y a heureusement rétabli le calme et la confiance.

Voulant éviter le reproche d'exagération, je produis le compte-rendu de la séance du soir du 12 janvier :

« M. Maclagan lit, d'une voix sourde et basse, un discours qui semble occuper médiocrement l'assemblée ; vers la fin de ce discours, il parle d'une combinaison qui seule peut réunir les esprits.

M. Ch. Vilain XIII et quelques autres membres placés au bas de la tribune, lui demandent à haute voix quelle est cette combinaison.

M. Maclagan : Le prince d'Orange (à ces mots une violente (page 412) explosion de cris : A l'ordre ! A bas ! des huées partent de tous les points de la salle ; le tumulte se prolonge pendant plusieurs minutes, avec une force toujours croissante ; le Congrès n'avait jamais présenté un tel caractère d'irritation).

M. Maclagan : M. de Gerlache a développé, ce matin, la même opinion (Non ! Non ! A bas ! A l'ordre !).

M. le Président : J'ai rappelé M. Maclagan à l'ordre, vous avez décidé que ce rappel à l'ordre serait inséré au procès-verbal : tout est dit.

M. Maclagan remonte à la tribune : Il n'y a, dit-il, entre nous et cette famille, qu'un décret du Congrès, que ce décret soit rapporté. (Non ! Non ! Nouvelle explosion de cris et de huées.) »

Cette scène si chaleureusement patriotique révéla un fait qu'en historien fidèle et indépendant, je dois mettre en lumière.

Lorsque M. Maclagan a dit : « M. de Gerlache a développé ce matin la même opinion», des dénégations se sont fait entendre ; elles signifiaient bien plus le parti pris de ne pas admettre les justifications proposées par M. Maclagan, que la dénégation du fait qu'il avait affirmé. M. Maclagan avait dit la vérité ; c'est ce que je vais démontrer :

Dans la séance de la matinée du 12 janvier, M. de Gerlache avait lu un discours qui était un plaidoyer très adroit et fort transparent en faveur du prince d'Orange.        '

Ce discours écrit n'a pas été reproduit dans L'Union Belge, pourquoi ? Parce que M. de Gerlache a compris qu'on y trouverait la preuve de l'affirmation de M. Maclagan.

Quand on se rappelle les éloges du roi Guillaume et l'admiration de toute sa cour, à La Haye, le 11 septembre 1830, pour la conduite de M. de Gerlache à Liége, puis à Bruxelles au 7 septembre 1830 ; quand on se rappelle sa vive et chaleureuse opposition à l'exclusion de la famille d'Orange de tous pouvoirs en Belgique ; quand on se rappelle l'habileté de sa tactique et de ses manœuvres pour faire échouer la candidature de Leuchtenberg, puis pour écarter la candidature du duc de Nemours au trône de Belgique afin, sans doute, de laisser une porte ouverte au retour de la famille d'Orange, on ne peut hésiter à admettre l'affirmation de M. Maclagan.

A défaut du compte rendu par L'Union Belge, on peut consulter le compte rendu des journaux Le Courrier et Le Belge. La combinaison de ces deux analyses démontre que l'affirmation de M. Maclagan était conforme à la vérité.

M. Maclagan, enhardi par le discours de M. de Gerlache, a eu le courage de ses convictions. M. de Gerlache a été habile et prudent.

(page 413) C'est, à mon sens, la seule différence entre ces deux partisans de la famille d'Orange.

Chapitre suivant