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« Aperçus de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 » (« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)

 

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C. LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE.

 

XXXVI. Le projet de décret de Van Meenen.

 

(page 409) C'est dans ces circonstances déplorables, c'est au milieu des inquiétudes et des agitations du comité secret, que M. Van Meenen proposa un projet de décret dont le Congrès né comprit pas l'opportunité et dont les ennemis de la Révolution et ses brouillons dénaturèrent le caractère et le but. Ils en firent méchamment et calomnieusement un arsenal d'arbitraire et de despotisme au profit du Gouvernement provisoire.

C'est un mensonge en fait, une calomnie dans l'intention : des quatre membres du Comité central, Van de Weyer et moi, nous étions absents, les 5 et 7 janvier 1831.

Rogier ne l'avait pas proposé, il ne le comprenait même pas, on en trouve la preuve dans ce qu'il a dit à la séance du 7 janvier 1831.

Dans la séance du 7 janvier, M. Van Meenen proposa le décret qu'il avait annoncé au comité secret du 5 janvier. Il démontra par plusieurs considérants « que le Congrès, mandataire de la nation, ayant confirmé le Gouvernement provisoire, celui-ci avait été nécessairement reconnu et proclamé par la nation ; que, par conséquent, on ne peut, (page 410) sans attentat à la sûreté, ou du moins, sans violation de la paix publique, lui dénier l'obéissance et la soumission légales.

« Que des doutes s'étant élevés sur l'application des lois répressives contre les attentats envers le Gouvernement provisoire, il proposait de décréter que : « Les attentats, complots, provocations, et autres crimes et délits prévus par le titre 1er du livre 3 du Code pénal et par les lois spéciales en vigueur, dirigés contre le gouvernement et ses parties constituées, sont respectivement punissables des peines portées au dit code pénal et aux dites lois sociales. »

Son article 3 accordait amnistie pleine et entière à tous les crimes et délits de l'espèce, commis du 25 août 1830 au 6 janvier 1831.

La Commission chargée de l'examen de cette proposition, la repoussa par l'ordre du jour qui fut adopté et non, comme on l'a dit et hurlé (sic) sur tous les tons, parce que la proposition avait pour but le despotisme et l'arbitraire, mais par les motifs qu'elle exprima en ces termes : « La Commission ayant attentivement examiné le projet de décret présenté par l'honorable M. Van Meenen, et les motifs sur lesquels il s'appuie, a été unanimement d'avis : que rien n'autorise à' douter que les dispositions des lois actuellement existantes sur les crimes et délits contre la sûreté de l'Etat, ne restent en vigueur.

« Aucun fait ayant caractère officiel ou précis, n'a été signalé comme preuve de l'existence d'un pareil doute. »

En résumé, M. Van Meenen, chargé, en qualité de procureur général, de veiller à la Sûreté publique et à la répression des crimes et  délits, veut éviter tout doute sur l'application du Code pénal aux crimes et délits contre la sûreté de l'Etat ; doute qui pouvait enhardir et qui a, comme nous allons le voir, réellement enhardi les ennemis de la Révolution, par l'espoir d'impunité.

C'était là une question juridique fort remplie dans ses éléments et d'une sage prévoyance.

Les journaux orangistes la poursuivirent de leurs sarcasmes et de leurs calomnies ; cela devait être ; un journal qui se prétendait patriote par excellence, Le Belge, journal de M. De Potter, saisit aussi cette occasion d'exhaler son fiel, ses fureurs contre ses anciens collègues ; cela se conçoit aussi, c'était une monomanie qui tenait de la rage.

En fait, la Commission qui avait repoussé le projet, et les journaux qui l'avaient calomnié avaient tort. M. Van Meenen seul avait raison ; l'expérience l'a démontré.

Ernest Grégoire et Debast conspirent et marchent, en armes, sur (page 411) la ville de Gand, y proclament, le 2 février 1831, le prince d'Orange, roi de Belgique. C'était bien un attentat dont le but était de changer le gouvernement et de tuer la Révolution.

Traduits devant le Tribunal de Mons, jugeant en Cour d'assises, les accusés prétendent que l'art. 87 du Code pénal qu'on veut leur appliquer, avait cessé d'exister avant le 2 février 1831 ; que cet article avait été fait pour une dynastie qui n'existait plus et qu'à la date du 2 février aucun gouvernement n'avait encore été établi pour la Belgique ; qu'il ne pouvait donc y avoir eu ni complot ni attentat dans le but de renverser ou de changer le gouvernement.

Adoptant ces raisons, le tribunal de Mons, tout en reconnaissant l'exactitude du fait imputé aux accusés, les déclara absous de toutes peines !

Si le projet de décret de M. Van Meenen avait été adopté, la Belgique n'eût pas été scandalisée de l'impunité de deux coupables d'un crime qui pouvait la remettre sous le joug d'un gouvernement détesté !

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