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Note
d’intention
« Aperçus
de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 »
(« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)
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C. LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE.
XVIII. La composition politique du Congrès.
(page 354)
Une des questions les plus controversées de notre histoire parlementaire a
été la répartition politique des membres du Congrès national. Deux opinions
opposées ont été exprimées : de Gerlache attribue au parti catholique (page 355) une majorité considérable ; Frère-Orban, dans une
étude publiée par M. Paul Hymans (Paul
HYMANS, Frère-Orban, t. I, pp. 133 à 147), conteste
cette assertion et croit à la prépondérance marquée du libéralisme. . .
Il est intéressant de rappeler à ce propos l'avis de Gendebien. Dégagée
des pointes qu'il lance à de Gerlache, qu'il n'aime pas, son argumentation,
favorable, comme celle de Frère-Orban, à la supériorité libérale, est basée sur
les chiffres de l'élection du premier bureau.
Au
premier tour du scrutin pour la présidence, - dit-il – de Surlet obtint 51 voix, de Gerlache 51, de Stassart 50, majorité au profil du parti libéral de 50 voix
sur 102. .
Dix-sept
voix ont été données, savoir : 8 à M. Le Hon, 5 à M. De Muelenaere, 3 à M.
Barthélemy, l à M. Fallon ; ce qui devait porter la majorité libérale à 65 voix
sur 170 votants.
M.
de Muelenaere qui, plus tard, s'inféoda au parti catholique, avait alors des
allures libérales, parce que le gouvernement était libéral, sauf un seul membre
catholique, M. de Mérode, qui était libéral alors et n'a cessé de l'être
qu'après la publication de l'Encyclique de 1832.
M.
de Muelenaere avait reçu en 1829 la médaille de l'infamie, créée et
distribuée par l'Union libérale-catholique ; mais quelques jours après,
il adhéra au message du 11 décembre avec éloges et conseil de le compléter par
des dispositions anti-libérales contre la Presse.
Ce message était essentiellement
hostile à l'Union et plus particulièrement au parti catholique.
Les libéraux et les catholiques
peuvent donc répudier les cinq voix données à M. de Muelenaere.
Au second tour du scrutin, il y
avait 169 votants, majorité absolue : 85. M. de Surlet
obtint 63 voix, de Gerlache 62, de Stassart 43, ce
qui donne encore au parti libéral une majorité de 106 voix contre 62 donnée à
M. de Gerlache.
Au troisième scrutin, celui de
ballottage entre M. de Surlet et M. de Gerlache, le
premier obtint 106 voix ct le second 61.
Cette
majorité de 106 voix obtenue par M. de Surlet se
compose de 63 voix qu'il avait obtenues au second tour de scrutin et des 43
voix qui au même scrutin, avaient été données à M. de Stassart
; preuve évidente que la nomination de M. de Surlet à
la présidence est due, tout entière, au parti libéral dont la prépondérance
marquée n'est pas seulement incontestable, mais est démontrée
logiquement par des chiffres irréfutables.
(page
356)Il y eut un quatrième scrutin pour la nomination des deux vice-présidents
à la majorité relative. M. de Stassart aurait été
nommé premier vice-président, si, par respect pour les principes de l'Union, je
n'avais, ainsi que plusieurs de mes collègues, insisté auprès de nos amis pour
faire faire acte d'adhésion à ces principes. Ce qui fut fait : un président
libéral, un vice-président catholique, un second vice-président libéral. Ce
qui démontre une fois de plus la force des deux partis au Congrès : deux
libéraux, un catholique au bureau ! Il résulte invinciblement de la combinaison
des quatre tours de scrutin, que le Congrès était composé de deux tiers
libéraux et d'un tiers catholique.
En
présence de faits, de résultats aussi positifs, que penser de 1'impartialité,
de la bonne foi d'un homme qui pose en historien dont les oracles n'ont
pas besoin de démonstration, et doivent être admis, sans contradiction, comme
paroles d'évangile ! !
Admirez
la logique, l'inconséquence de M. de Gerlache, « les libéraux modérés, dit-il,
ne se séparaient point des catholiques ».
Eh bien,
avec cet appoint, le chef avoué des catholiques n'a obtenu qu'une infiniment
petite minorité, dans toutes les phases de sa lutte avec M. de Surlet, qui était un libéral, mais qui n'était pas le chef
du parti libéral.
Cependant,
ô prodige d'inconséquence ou d'audacieuse témérité, M. de Gerlache affirme que
« les catholiques, au Congrès, avaient une prépondérance beaucoup plus
marquée qu'ils ne l'ont eue depuis à la Chambre des représentants où ils
ont cependant conservé longtemps la majorité ».
Sanchez
n'aurait peut-être pas trouvé un aussi subtil expédient ; admirez l'adresse de
M. de Gerlache : on sait qu'à la Chambre des représentants, le parti catholique
a conservé longtemps la majorité ; (je dirai plus tard pourquoi) ; M. de
Gerlache part de ce fait connu et incontestable, pour AFFIRMER que les
catholiques ont eu une prépondérance beaucoup plus marquée au Congrès !!...
Dans
une note, Gendebien explique la préférence qu'il donna, dans les deux premiers
scrutins, à de Stassart sur de Gerlache. Au troisième
tour, bien que vivement sollicité, au nom de l'UNIONISME,
à reporter sa voix sur le candidat catholique, il déclara qu'il voterait
pour Surlet, qui recueillit 106 voix, contre 61
à de Gerlache.
Je
craignais - écrit-il - les écarts facétieux : de M. Surlet,
qui était peu sérieux : et avait plus d'esprit que de caractère. On jetait des
doutes sur son courage ; on faisait circuler le bruit qu'avant de partir pour
La Haye, le 8 septembre, il avait fait son testament.
(page
357) Je craignais les mysticités, l'orthodoxie un peu outrée de M. de
Gerlache ; je voyais en lui un chef de parti dangereux.
Je
n'avais pas oublié ses tergiversations, à Liége et à Bruxelles, pendant les
premiers jours de la révolution ; je ne pouvais lui pardonner d'avoir entraîné
ses collègues à La Haye : c'était une véritable trahison. Je pouvais moins
encore oublier les paroles décourageantes, désespérantes qu'il avait prononcées
à l'Hôtel de Ville de Bruxelles, le 7 septembre : il blâmait, condamnait tout
ce qui s'était fait jusque là ; il prédisait et démontrait, avec
affectation, une défaite certaine et imminente. Il avait jeté le découragement,
le désespoir dans les âmes les plus fortement trempées.
Je
craignais quelque peu les légèretés, les imprudences de M. de Stassart, mais il était plus sérieux que M. de Surlet et n'avait pas fait son testament avant d'aller à La
Haye, au mois d'août et de septembre ; il avait combattu le projet
d'abandonner, de trahir la révolution ; il avait insisté pour qu'on maintint la
proclamation de séparation et l'engagement solennel de rester à Bruxelles. Il
était plus libéral et, par conséquent, plus impartial que M. de Gerlache.
Après
avoir longuement discuté les arguments apportés par de Gerlache à l'appui de sa
thèse, Gendebien conclut à la PRÉPONDÉRANCE MARQUÉE, dans
le Congrès national, non des catholiques, mais des libéraux. Il affirme aussi
qu'une aberration du pouvoir, lui-même abusé par les conseils de l'Angleterre
qui se méprenait sur la force du catholicisme politique et croyait au caractère
anti-protestant de notre révolution, a longtemps
permis la suprématie du parti clérical.