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« Aperçus de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 » (« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)

 

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C. LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE.

 

XIV. Le bombardement d'Anvers. Le projet de canal Escaut­-Meuse et de chemin de fer Anvers-Meuse-Rhin.

 

(page 344) Dans la nuit du 27 au 28 octobre, vers onze heures, on nous apprit qu'Anvers était en flammes, qu'on les voyait de tous les points élevés de la Ville. Nous montâmes vers le dôme du Palais des Etats Généraux (aujourd'hui Palais de la Nation). Je ne décrirai point les horreurs de cet odieux spectacle. Je ne pus en supporter longtemps la vue : (page 345) il avait pour moi quelque chose de plus navrant, de plus poignant que pour mes collègues : mes deux fils, dont l'un âgé de seize ans, étaient au milieu de cette fournaise ardente ! Il y a plus : J'aurais été presque heureux de les savoir au milieu de la fournaise. On le comprendra, lorsqu'on saura qu'ils faisaient tous deux partie de la compagnie dite de Chastelers ; cette compagnie était à l'avant-garde de Mellinet. Or, le bruit était généralement répandu à Bruxelles, que, dans son ardeur, cette compagnie était entrée prématurément à Anvers, que les Hollandais, s'apercevant qu'elle était isolée, s'étaient retournés sur elle, avaient fermé la porte et les avaient massacrés tous !

En proie aux plus mortelles inquiétudes, je descendis et rédigeai deux arrêtés à peu près en ces termes et dont je garantis le sens et la portée.

« LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE :

« Voulant dédommager la ville d'Anvers des calamités qui l'accablent en ce moment,

« décrète : Dans les vingt-quatre heures, deux ingénieurs se rendront dans la province d'Anvers ; ils constateront l'état de conservation du canal de jonction de l'Escaut à la Meuse, commencé sous l'Empire français.

« Ils étudieront et feront un avant-projet de chemin de fer d'Anvers à la Meuse et plus tard jusqu'au Rhin. »

Cet arrêté a été exécuté : Dans les trente-six heures, MM. Teich­man et Masui, ingénieurs, se sont rendus sur les lieux et ont accompli leur mission qui a été continuée en 1831 par MM. Simons et Deridder.         Le second arrêté qui a été cause de la calomnie de De Potter, était ainsi conçu :

« LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE :

« Voulant protéger la ville d'Anvers et la sauver d'une entière destruction, voulant mettre un terme aux actes de vandalisme qui violent tous les principes du droit des gens.

« Déclare que si une seule bombe, un seul projectile est lancé sur la ville d'Anvers, après la notification du présent arrêté, il prend l'engagement d'honneur, au nom du peuple belge, d'aller à titre de trop légitimes représailles, percer les digues de la Hollande.»

Lorsque je donnai lecture de mes deux projets à mes collègues, en présence de M. Lesbroussart et d'autres patriotes, personne, De Potter compris, ne souleva la moindre observation. Personne, je l'affirme ! et quelle objection aurait-on pu faire ?

Van de Weyer a approuvé et dit, ce qui était aussi dans ma pensée : « Nous ne connaissons pas la position de l'armée et de la ville ; nous pourrions, par une publication immédiate, compromettre les négociations avec Chassé.

« Je propose d'envoyer le second arrêté à Rogier, en lui laissant toute latitude sur le choix de l'heure et de l'opportunité de la notification (page 346) à Chassé et de la publication au bulletin officiel et dans les journaux. »

M. Lesbroussart s'offrit de remplir la mission et il alla porter à Rogier les deux arrêtés.

Gendebien, continuant à réfuter les SOUVENIRS PERSONNELS de Louis De Potter, entre ici dans de longs développements, marqués d'un caractère trop personnel, pour être reproduits utilement. Parmi les reproches qu'il adresse à son ancien collègue qui avait d'ailleurs, dès 1839, commencé les attaques, relevons l'opposition faite par De Potter aux mesures de représailles proposées pour venger le bombardement d'Anvers ; son invitation au renvoi des prisonniers hollandais ; sa tentative d'isoler ses collègues du Gouvernement provisoire et de s'ériger en pouvoir unique. Gendebien fait ressortir l'inaptitude aux affaires du célèbre polémiste, et qualifie de mensongère son assertion de lui avoir écrit le 3 novembre 1830 pour le mettre en demeure de s'expliquer franchement sur des questions en litige.

Ce fut alors que le fils de Louis De Potter, Agathon, protesta, dans une lettre datée de Bruxelles, 22 octobre 1867, et que La Liberté inséra le 27, contre 1'« injustice » et la « violence» des attaques tardives de Gende­bien, qui avait laissé TRENTE ANS debout les « mensonges » et les « calomnies» contre lesquelles il s'élevait enfin. Il attribuait ces « boutades» au dépit d' Gendebien d'avoir échoué dans ses projets de réunir la Belgique à la France, comme le démontrait nettement sa lettre du 16 septembre 1830, publiée en partie dans les SOUVENIRS PERSONNELS.

- Il pourrait, ajoutait-il, reproduire intégralement cette épitre, dont son père avait eu la délicatesse de ne pas nommer l'auteur.

Gendebien ne manqua pas de relever avec sa véhémence accoutumée la riposte d'Agathon De Potter, qui, disait-il, aux « mensonges » et aux « calomnies» de son père, ajoutait la « déloyauté », en abusant « du secret des lettres les plus intimes, les plus confidentielles...». Il insista durement sur les tergiversations et les défaillances de Louis De Potter à Lille et à Valenciennes, sur la désillusion finale qu'il éprouva devant l'impéritie de cet homme, mêlée à ses étranges velléités de domination et à son « aveugle obstination à proclamer la république quand même ».

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