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Note
d’intention
« Aperçus
de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 »
(« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)
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C. LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE.
XII. Le Congrès maintient le Gouvernement provisoire.
(page 342) Le 12 novembre, le
Gouvernement provisoire prévoyant que le Congrès serait constitué dans la
journée, que le moment de déposer ses pouvoirs approchait, invita une seconde
fois De Potter à renoncer à sa résolution ou du moins à la venir discuter. M.
Rogier consentit à faire cette dernière démarche, en qualité de président du
jour du Comité central. Sans me rappeler les péripéties de sa mission, je puis
affirmer qu'il la remplit avec zèle et même avec déférence pour un collègue que
nous voulions détourner de ses projets de suicide.
Dans
ses Souvenirs personnels, tome 1er, page 213, De Potter travestit ainsi
la mission toute fraternelle de Rogier : « M. Rogier avait essayé de me faire
révoquer ma résolution. J'avais reçu une lettre de lui et sa visite, et j'avais
écouté avec le même sang-froid ses douceurs et ses menaces. » - De Potter
met dans la bouche de Rogier les supplications, les éloges, les flatteries, les
flagorneries aussi douces à sa vanité que mensongères en fait. Puis, il
continue : « Me voyant inébranlable, il chercha à m'effrayer et prédit que je
m'en repentirais ; je fis un signe d'incrédulité : il m'écraserait, dit-il
alors (c'est le mot dont il se servit) ; je souris de pitié. »
L'invraisemblance
du récit de De Potter, son habitude de dénaturer les
faits et d'accuser sans cesse ses collègues, me dispensent d'une réfutation
sérieuse ; je me borne à dire que le compte que Rogier nous a rendu de sa
mission, est diamétralement en opposition avec les assertions de De Potter.
De
Potter, comme toujours, a cherché à se rendre intéressant, à se glorifier, aux
dépens de son collègue Rogier. Celui-ci qui remplissait une mission de
confraternité, de conciliation, ne peut avoir menacé d'écraser De
Potter, à moins qu'il n'y ait été violemment provoqué. Dans ce cas, Rogier
n'eût pas manqué de faire mention de la provocation et de sa réponse. Ma
mémoire ne me rappelle rien de semblable.
M.
De Potter, au surplus, est coutumier du fait ; aussi, il dit à la page 194 de
ses Souvenirs : « Il y avait parmi nous, cela est très vrai, (page
343) des ambitieux ou plutôt des vaniteux, qui auraient voulu
la république quand même... s'ils avaient pu y compter sur la première place,
et qui en étaient les plus acharnés ennemis, parce qu'ils étaient sûrs, au
contraire, que cette première place ils ne l'obtiendraient jamais. Ce
fut un de ceux-là qui, disait-il, si l'on m'avait nommé, moi, président de la
confédération belge, m'aurait BRÛLÉ LA CERVELLE, ne voulant pas, ajoutait-il,
être dupe au point d'avoir fait la révolution pour un autre. »
Je souligne toutes ces gracieusetés, toutes ces infâmes calomnies. Je ne relèverai pas l'odieux des accusations
de De Potter, il pousse la calomnie jusqu'à
l'absurdité ; je me borne à faire ressortir la ridicule menace : BRULER LA
CERVELLE, qui rentre dans l'accusation portée contre Rogier, et la fera
apprécier à sa juste valeur.
Le
12 novembre au soir, le Gouvernement provisoire ayant reçu du Congrès le
message annonçant qu'il était constitué ; Rogier, en qualité de président du
jour, alla déposer sur le bureau du Congrès les pouvoirs du Gouvernement
provisoire.
Sur
la motion de M. de Stassart : « Que l'on remercie les
membres du Gouvernement provisoire et qu'on les prie de continuer leurs
fonctions » (appuyé, appuyé).
Sur
la motion de M. Ch. Le Hon : « Les deux propositions doivent être adoptées par
acclamation ; nous devons remercier les hommes qui ont pris le pouvoir dans des
circonstances difficiles et qui viennent le déposer, en grands citoyens ; nous
devons aussi leur rendre le pouvoir qu'ils ont si noblement exercé. »
L'assemblée
décide que le Président et le bureau porteront au Gouvernement le message
suivant :
« Le
Congrès national appréciant les grands services que le Gouvernement provisoire
a rendus au peuple belge, nous a chargés de vous en témoigner sa vive
reconnaissance et celle de la nation, dont il est l'organe ; il nous a chargés
également de vous manifester son désir, sa volonté même de vous voir conserver
le pouvoir exécutif, jusqu'à ce qu'il ait été autrement pourvu par le Congrès.
« Bruxelles, 12 novembre 1830.
« Le Président du Congrès, SURLET DE CHOKIER
« Les Secrétaires, Le Comte VILAIN XIIII, NOTHOMB, LIEDTS,
FORGEUR. »
« Après
une demi-heure environ, le bureau rentre en séance. »
M.
le Président : « Nous avons eu l'honneur de transmettre au Gouvernement les
vœux du Congrès ; sa réponse est conçue en ces termes :
« Le
gouvernement, soumis à la volonté nationale, continuera d'exercer le pouvoir
exécutif provisoire, jusqu'à ce que le Congrès national l'ait remplacé par un
pouvoir (page 344) définitif. Il est heureux et fier de se voir
confirmer dans ses hautes et difficiles fonctions, par l'assentiment du Congrès
national. »
Ainsi
a été résolue, le 12 novembre, à six heures du soir une question grave, qui
pouvait amener un conflit funeste.